Dialogue-Abraham
L'équipe de "Dialogue Abraham" vous souhaite la bienvenue !

Ce forum recherche avant tout une atmosphère cordiale et respectueuse, chacun s'efforçant d'écouter l'autre avec la même bienveillance qui doit accueillir son propre témoignage.

Nous travaillons à nous comprendre mutuellement en vérité, et non à entretenir des conflits.

Nous ne sommes pas parfaits, mais pensons qu'il est possible d'avoir des échanges de qualité sur les sujets religieux.

Puissiez-vous, vous qui venez ici, contribuer à cet effort

Rejoignez le forum, c’est rapide et facile

Dialogue-Abraham
L'équipe de "Dialogue Abraham" vous souhaite la bienvenue !

Ce forum recherche avant tout une atmosphère cordiale et respectueuse, chacun s'efforçant d'écouter l'autre avec la même bienveillance qui doit accueillir son propre témoignage.

Nous travaillons à nous comprendre mutuellement en vérité, et non à entretenir des conflits.

Nous ne sommes pas parfaits, mais pensons qu'il est possible d'avoir des échanges de qualité sur les sujets religieux.

Puissiez-vous, vous qui venez ici, contribuer à cet effort
Dialogue-Abraham
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat

+7
Le publicain
Spin
rocheclaire
Blaise
rosarum
-Ren-
Idriss
11 participants

Page 1 sur 6 1, 2, 3, 4, 5, 6  Suivant

Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat

Message  Libremax Mer 21 Aoû - 10:08

rosarum a écrit:
sans aller jusqu'à parler de folklore, je considère que les evangiles ne sont pas une histoire de la vie de Jesus mais sont déjà une sorte de catéchisme primitif assorti d'arguments destinés à répondre aux objections des juifs
Bonjour Rosarum,
ce serait intéressant que vous nous redisiez en quoi un catéchisme primitif ne saurait être pour vous une histoire de la vie de Jésus.


Cher Roque,
il est temps, je pense, aujourd'hui, de désenclaver la thèse des colliers évangélique de la seule oeuvre de Pierre Perrier : il n'est pas tout seul à la soutenir, il n'en est pas à l'origine.
Il faut au moins prendre en compte Marcel Jousse et Frédéric Guigain.

Libremax

Messages : 1367
Date d'inscription : 18/10/2011

Revenir en haut Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat

Message  Roque Mer 21 Aoû - 18:37

rosarum a écrit:sans aller jusqu'à parler de folklore, je considère que les evangiles ne sont pas une histoire de la vie de Jesus mais sont déjà une sorte de catéchisme primitif assorti d'arguments destinés à répondre aux objections des juifs (tout comme le coran contient des arguments pour répondre aux objections des juifs et des chrétiens)
L'idée de Bultman est que les Evangiles seraient de la " littérature populaire ", c'est à dire une composition de " basse " qualité littéraire (et donc de faible exigence quant à l'exactitude historique) par rapport à une littérature " haute " de bonne qualité littéraire et plus fiable sur le plan historique. C'est un cadre d'analyse (haute/basse littérature) qui était en vogue au début du 20ème siècle dans les cercles protestants allemands, si j'ai bien compris dans la mouvance de la pensée hégélienne ... marquée par un préjugé élitiste certain.

rosarum a écrit:quand à D Marguerat, je ne le connaissais que par cette video que j'avais trouvée intéressante.

http://www.akadem.org/sommaire/colloques/rome-jerusalem-ou-qoumran-d-ou-vient-le-christianisme-/le-juif-jesus-22-05-2007-6941_4205.php
Dans cette vidéo, Marguerat explique très clairement des notions assez complexes et fait preuve d'une vaste érudition, il faut le reconnaître. Mais il y a une différence très sensible de présentation de Jésus entre cette vidéo et la livre de Marguerat que je commente sur dans ce sujet :
- dans la vidéo : Marguerat affirme que l'existence historique est un des faits historiques les mieux attestés de l'antiquité,  l'activité guérissante de Jésus est une des traditions les mieux attestées par les Evangiles, que Jésus prend partie - en tant que juif à part entière - dans le débat rabbinique de sont époque, mais ne se singularise que par une radicalité dont les conséquences sur les relations avec les autres courants juifs n'apparaitront que progressivement ...
Dans cette vidéo, Marguerat a un discours positif sur Jésus parfaitement identifiable. Je m'y retrouve assez bien et j'ajoute que ce n'est pas vraiment original, car d'autres auteurs comme Pierre Perrier et Frédéric Guigain - (voir le rappel de Libremax) - développement des thèses autrement passionnantes, bien plus riches - de mon point de vue - et nettement plus structurées dans un sens authentifiant la récitation orale de Yéhoua comme parfaitement conforme à la méthode de composition, de remémoration et de transmission orale rabbinique du premier siècle - rien d'original sur la technique orale donc ;
- dans le livre que je commente, par contre il n'existe aucune affirmation positive ... le contraste avec la vidéo est assez saisissant. Ca peut sembler excessif, oui je sais mais j'ai lu au moins 15 fois les chapitres introductif et 4 ou 5 fois intégralement et très attentivement tous les chapitres de l'Introduction au Nouveau Testament concernant les quatre Evangiles : Matthieu, Marc Luc et Jean et je n'y ai trouvé aucune affirmation positive sur quoi que ce soit d'exact ou authentique ou de sur un reliquat qui renverrait à un auteur effectif comme Jésus. Au contraire, ce qui y est affirmé (voir tous les leitmotive que j'ai listés dans mes différents posts) c'est que le texte évangélique n'est pas historique et n'est pas élaboré par les Apôtres ou des témoins oculaires. Dire comme tu le fais que : " les évangiles seraient une sorte de catéchisme primitif assorti d'arguments destinés à répondre aux objections des juifs " est encore assez acceptable pour moi, SI on n'ajoute pas - comme le fait à longueur de pages Marguerat - que le texte évangélique n'est qu'apologétique, c'est à dire qu'il fait le silence complet sur son origine : Jésus , sur celui qui a profèré en premier cette parole et sur la qualité de témoins (témoignage) des " transmetteurs " et bloquant TOUTE l'interprétation sur le fait que c'est un message élaboré à la seconde ou la troisième génération - coupé de toute tradition antérieure -  en fonction " des situations de vie " et des besoins des auditeurs dans chaque communauté ... et en ajoutant que ces écrivains s'arrogeaient toute liberté pour créer de nouvelles traditions " à la mode de Jésus " (cf. le scribe chrétien inspiré : plus haut).

Je dois dire que tout ça me semble très " culotté " et même un peu pervers quand on essaie de comprendre comme un tout " cohérent " ce discours par petites touches, par omission (angles morts de l'analyse) et par glissements de sens - finalement très complexe et négatif de cet ouvrage collectif. J'ai bien distingué la pensée de Marguerat lui-même qui se trouve dans les deux chapitres introductifs et le chapitre sur l'Evangile de Luc. J'ai fait un gros effort d'objectivité afin d'éviter d'amplifier les différences qui me séparent du discours de Marguerat (dans le livre) ... et je peux m'être trompé en fin de compte :) 

Tout mon acharnement :)  à lire et relire cet ouvrage - dont je ne partage pas du tout la plupart des soupçons sur le texte évangélique - vient de ma sidération totale quand j'ai lu la première fois ce texte. Je n'interdis bien entendu à personne de penser cela, mais je me suis demandé et je me demande encore à quel titre on peut se prétendre " chrétien " avec ce genre de " déconstruction " - sans aucune contrepartie positive - du texte des Evangiles (dans le livre : l'INT), alors que, je le répète, le contenu de la vidéo est tout a fait bénin et converge avec d'autres auteurs dont il ne parle pas dans la vidéo.  

Maintenant, c'est une chose d'avoir une opinion à priori et une autre chose d'étayer et d'argumenter son opinion. Tout mon sujet essaie de montrer que l'argumentation de Marguerat (dans le livre) n'est que la répétition d'un postulat jamais démontré de mon point de vue (le texte du livre est très répétitif et lourd sur ce point, ce postulat est le point faible de la thèse en question, d'après moi).

Et c'est là que viens la question de Libremax :
Libremax a écrit:Bonjour Rosarum,
ce serait intéressant que vous nous redisiez en quoi un catéchisme primitif ne saurait être pour vous une histoire de la vie de Jésus.

Roque

Messages : 5064
Réputation : 23
Date d'inscription : 15/02/2011
Age : 80
Localisation : Paris

Revenir en haut Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat

Message  rosarum Jeu 22 Aoû - 10:22

Roque a écrit:
rosarum a écrit:sans aller jusqu'à parler de folklore, je considère que les evangiles ne sont pas une histoire de la vie de Jesus mais sont déjà une sorte de catéchisme primitif assorti d'arguments destinés à répondre aux objections des juifs (tout comme le coran contient des arguments pour répondre aux objections des juifs et des chrétiens)
L'idée de Bultman est que les Evangiles seraient de la " littérature populaire ", c'est à dire une composition de " basse " qualité littéraire (et donc de faible exigence quant à l'exactitude historique) par rapport à une littérature " haute " de bonne qualité littéraire et plus fiable sur le plan historique. C'est un cadre d'analyse (haute/basse littérature) qui était en vogue au début du 20ème siècle dans les cercles protestants allemands, si j'ai bien compris dans la mouvance de la pensée hégélienne ... marquée par un préjugé élitiste certain.

rosarum a écrit:quand à D Marguerat, je ne le connaissais que par cette video que j'avais trouvée intéressante.

http://www.akadem.org/sommaire/colloques/rome-jerusalem-ou-qoumran-d-ou-vient-le-christianisme-/le-juif-jesus-22-05-2007-6941_4205.php
Dans cette vidéo, Marguerat explique très clairement des notions assez complexes et fait preuve d'une vaste érudition, il faut le reconnaître. Mais il y a une différence très sensible de présentation de Jésus entre cette vidéo et la livre de Marguerat que je commente sur dans ce sujet :
- dans la vidéo : Marguerat affirme que l'existence historique est un des faits historiques les mieux attestés de l'antiquité,  l'activité guérissante de Jésus est une des traditions les mieux attestées par les Evangiles, que Jésus prend partie - en tant que juif à part entière - dans le débat rabbinique de sont époque, mais ne se singularise que par une radicalité dont les conséquences sur les relations avec les autres courants juifs n'apparaitront que progressivement ...
Dans cette vidéo, Marguerat a un discours positif sur Jésus parfaitement identifiable. Je m'y retrouve assez bien et j'ajoute que ce n'est pas vraiment original, car d'autres auteurs comme Pierre Perrier et Frédéric Guigain - (voir le rappel de Libremax) - développement des thèses autrement passionnantes, bien plus riches - de mon point de vue - et nettement plus structurées dans un sens authentifiant la récitation orale de Yéhoua comme parfaitement conforme à la méthode de composition, de remémoration et de transmission orale rabbinique du premier siècle - rien d'original sur la technique orale donc ;
ne connaissant de D Marguerat que cette video, je vois que nous sommes d'accord sur ce sujet. pour le reste, je suis surpris par les positions qu'il prend dans le texte que tu étudies mais que je ne connais pas.

Et c'est là que viens la question de Libremax :
Libremax a écrit:Bonjour Rosarum,
ce serait intéressant que vous nous redisiez en quoi un catéchisme primitif ne saurait être pour vous une histoire de la vie de Jésus.
je ne dis pas que les deux sont exclusifs mais je dis que les évangiles ne sont pas une biographie de la vie de Jesus.
les épisodes qui sont rapportés ont été sélectionnés en fonction de leur intérêt théologique.
c'est pourquoi on ne sait pratiquement rien de son enfance ni de sa vie quotidienne, mais à contrario les évangélistes détaillent sa généalogie afin de "prouver" qu'il est de la descendance de David parce que c'est l'une des conditions que doit remplir le Messie.

voir ici :  http://www.lamed.fr/index.php?id=1&art=657

Le Messie doit être un descendant du côté paternel du roi David (Voir Genèse 49, 10 et Isaïe 11, 1). Or, selon la thèse des Chrétiens, Jésus est né d'une femme vierge, et donc n'avait pas de père. Il est par conséquent impossible qu'il ait pu satisfaire aux exigences d'une filiation paternelle remontant au roi David !

il y a d'autres exemples qui montrent que le souci premier des évangélistes est de "prouver" la foi chrétienne et non pas de rapporter fidèlement des évènements.
si l'on y ajoute le fait que le merveilleux et le surnaturel étaient "naturels" avant que la rationalité moderne ne vienne jeter la suspicion sur toute forme de "miracle" et d'irrationnel, on peut penser que la valeur historique des évangiles peut être fortement relativisée.
rosarum
rosarum

Messages : 1021
Réputation : 1
Date d'inscription : 06/05/2011
Localisation : France

Revenir en haut Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat

Message  Libremax Jeu 22 Aoû - 11:29

rosarum a écrit:
Libremax a écrit:Bonjour Rosarum,
ce serait intéressant que vous nous redisiez en quoi un catéchisme primitif ne saurait être pour vous une histoire de la vie de Jésus.
je ne dis pas que les deux sont exclusifs mais je dis que les évangiles ne sont pas une biographie de la vie de Jesus.
les épisodes qui sont rapportés ont été sélectionnés en fonction de leur intérêt théologique.
c'est pourquoi on ne sait pratiquement rien de son enfance ni de sa vie quotidienne, mais à contrario les évangélistes détaillent sa généalogie afin de "prouver" qu'il est de la descendance de David parce que c'est l'une des conditions que doit remplir le Messie.

voir ici :  http://www.lamed.fr/index.php?id=1&art=657

Le Messie doit être un descendant du côté paternel du roi David (Voir Genèse 49, 10 et Isaïe 11, 1). Or, selon la thèse des Chrétiens, Jésus est né d'une femme vierge, et donc n'avait pas de père. Il est par conséquent impossible qu'il ait pu satisfaire aux exigences d'une filiation paternelle remontant au roi David !

il y a d'autres exemples qui montrent que le souci premier des évangélistes est de "prouver" la foi chrétienne et non pas de rapporter fidèlement des évènements.
si l'on y ajoute le fait que le merveilleux et le surnaturel étaient "naturels" avant que la rationalité moderne ne vienne jeter la suspicion sur toute forme de "miracle" et d'irrationnel, on peut penser que la valeur historique des évangiles peut être fortement relativisée.
Ce qui est intéressant de constater dans ce que vous résumez ici, c'est le fondement, je crois, de toute l'argumentation de Marguerat, qu'il ne fait que développer de manière logique:
Il y a quelques présupposés à ce que vous écrivez, qui méritent d'être examinés :

-"Prouver" la foi chrétienne est plus important que de reporter fidèlement des évènements : il ne s'agit donc pas de prouver, et vous faites bien d'utiliser le verbe entre guillemets, vu qu'une foi ne se prouve pas, et que la fidélité aux évènements (qui seraient les seuls à pouvoir éventuellement prouver quelque chose) est secondaire. Pourquoi ?

-La rationalité moderne jette une suspicion sur toute forme de "miracle" et d'irrationnel, ce qui permet ce penser que l'historicité des évangiles est relative. Les évangiles mentent donc (ils se présentent comme des témoignages de personnes ayant vu concrètement lesdits miracles), car le surnaturel et l'inexpliqué ne saurait être factuel. Quelle pourrait être la valeur de tels récits (dont les miracles n'ont été remis en cause par personne à l'époque, pas même les adversaires juifs), puisqu'ils ne songent même pas à relater fidèlement les évènements?

-Les épisodes rapportés sont sélectionnés en fonction de leur intérêt théologique. Quel est "l'intérêt théologique" de récits qui ne veulent pas rapporter des faits et se permettent de raconter des évènements qui ne se sont pas passés (puisqu'ils sont miraculeux)?

Enfin, et pour rentrer dans le détail de la question des généalogies du Christ : en quoi l'adoption par Joseph était-elle un frein à la reconnaissance ultérieure de Jésus comme appartenant à la maison de David? En Israël, l'enfant adopté héritait des mêmes privilèges que le fils de sang.

Ne voyez pas forcément ici , cher rosarum, de désir de vouloir à tout prix polémiquer.
J'ai juste voulu observer que ce que vous avanciez pouvait poser de grâves questions de cohérence quant aux intentions des auteurs des évangiles, tout en étant généralement admis de manière à servir d'arrière-plan aux thèses des chercheurs comme M.Marguerat.
Libremax
Libremax

Messages : 1367
Réputation : 16
Date d'inscription : 18/10/2011

Revenir en haut Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat

Message  Roque Jeu 22 Aoû - 18:51

Libremax a écrit:
rosarum a écrit:
Libremax a écrit:Bonjour Rosarum,
ce serait intéressant que vous nous redisiez en quoi un catéchisme primitif ne saurait être pour vous une histoire de la vie de Jésus.
je ne dis pas que les deux sont exclusifs mais je dis que les évangiles ne sont pas une biographie de la vie de Jesus.
les épisodes qui sont rapportés ont été sélectionnés en fonction de leur intérêt théologique.
c'est pourquoi on ne sait pratiquement rien de son enfance ni de sa vie quotidienne, mais à contrario les évangélistes détaillent sa généalogie afin de "prouver" qu'il est de la descendance de David parce que c'est l'une des conditions que doit remplir le Messie.

voir ici :  http://www.lamed.fr/index.php?id=1&art=657

Le Messie doit être un descendant du côté paternel du roi David (Voir Genèse 49, 10 et Isaïe 11, 1). Or, selon la thèse des Chrétiens, Jésus est né d'une femme vierge, et donc n'avait pas de père. Il est par conséquent impossible qu'il ait pu satisfaire aux exigences d'une filiation paternelle remontant au roi David !

il y a d'autres exemples qui montrent que le souci premier des évangélistes est de "prouver" la foi chrétienne et non pas de rapporter fidèlement des évènements.
si l'on y ajoute le fait que le merveilleux et le surnaturel étaient "naturels" avant que la rationalité moderne ne vienne jeter la suspicion sur toute forme de "miracle" et d'irrationnel, on peut penser que la valeur historique des évangiles peut être fortement relativisée.
Ce qui est intéressant de constater dans ce que vous résumez ici, c'est le fondement, je crois, de toute l'argumentation de Marguerat, qu'il ne fait que développer de manière logique:
Pour faire court, Marguerat exclut que le témoignage des évangélistes puisse renvoyer à des souvenirs exacts (pour être plus précis, il fait totalement d'impasse sur cette question). Toute la lignée des " penseurs du christianisme " comme : Renan, Bultman et Marguerat nie ou fait l'impasse sur la question de l'exactitude des souvenirs et l'historicité des faits rapportés par les Evangiles, c'est une constante depuis 150 ans. Sur quoi repose ce postulat méthodique, comment se justifie-t-il ?
Libremax a écrit:Il y a quelques présupposés à ce que vous écrivez, qui méritent d'être examinés :

-"Prouver" la foi chrétienne est plus important que de reporter fidèlement des évènements : il ne s'agit donc pas de prouver, et vous faites bien d'utiliser le verbe entre guillemets, vu qu'une foi ne se prouve pas, et que la fidélité aux évènements (qui seraient les seuls à pouvoir éventuellement prouver quelque chose) est secondaire. Pourquoi ?
Selon ma manière de résumer la pensée de Marguerat, les évangiles sont une narration, mais pas une histoire (habile glissement de sens qui ne fait que reformuler - c'est à dire qu'il ne démontrer rien du tout - le postulat méthodique de base du rationalisme). Marguerat fait finalement des évangélistes des sophistes, c'est à dire des rhéteurs d'agrément qui disent ou écrivent pour leur auditoire ce qu'ils veulent entendre (prescriptions morales, rituelles et besoins identitaires). Logique car Marguerat pense - et ses co-auteurs aussi (très répétitif) - que les Evangiles sont une construction dans l'univers culturel hellénistique. Pour Marguerat (thème très insistant aussi) les Evangiles sont une sous-catégorie de la biographie gréco-romaine :!!!: 

Libremax a écrit:-La rationalité moderne jette une suspicion sur toute forme de "miracle" et d'irrationnel, ce qui permet ce penser que l'historicité des évangiles est relative. Les évangiles mentent donc (ils se présentent comme des témoignages de personnes ayant vu concrètement lesdits miracles), car le surnaturel et l'inexpliqué ne saurait être factuel. Quelle pourrait être la valeur de tels récits (dont les miracles n'ont été remis en cause par personne à l'époque, pas même les adversaires juifs), puisqu'ils ne songent même pas à relater fidèlement les évènements ?
L'avis d'un médecin du bureau médical de Lourdes (je viens d'y aller avec ma femme) : les guérisons inexpliquées sont un phénomène qui peut réveiller une fond de paganisme, car il s'agit de la mise en œuvre de forces naturelles par une force surnaturelle. C'est une manifestation nécessaire - pour certains esprits ancrés dans des certitudes fermées - pour les déstabiliser, c'est à dire pour les ouvrir à l'existence d'une Réalité surplombant nos réalités. Ce n'est pas d'abord une preuve de la foi chrétienne par les mécanismes éventuellement interprétés dans le " paganisme " que ces guérisons inexpliquées mettent en œuvre. Pour ma part, j'ai assisté au moins à deux phénomènes inexpliqués (Père Tardiff et un autre lieu) devant moi et j'ai entendu le témoignage direct de trois miraculés de Lourdes (guéris avant 1945 tous très vieux) reconnus. 66 guérisons inexpliquées reconnues et environ 100 fois plus de déclarations depuis le début des apparitions de Lourdes (2 à 3 par mois). Nombre de médecins ou scientifiques rationalistes venus avec " le fusil chargé " participer à l'examen des dossiers et les décisions de ce bureau médical (ouvert à tous quelque soient les convictions, vote à l'unanimité) ont vécu des moments difficiles avec leur postulat méthodique ... étant vrai également que tous les dossiers litigieux sont définitivement classés aussi par les membres croyants de cette commission trop soucieux d'éviter toute mise en cause du sérieux de ce bureau médical (c'est comme ça que s'explique de 1% de reconnaissance des guérisons inexpliquées).

Libremax a écrit:-Les épisodes rapportés sont sélectionnés en fonction de leur intérêt théologique. Quel est "l'intérêt théologique" de récits qui ne veulent pas rapporter des faits et se permettent de raconter des évènements qui ne se sont pas passés (puisqu'ils sont miraculeux)?
Dans l'idée des juifs (AT) le sens des choses ou l'inspiration divine vient des faits, de l'histoire, c'est le sens du mot hébreu " dabar  " qui signifie à la fois parole et événement. Tout au contraire, pour Marguerat l'annonce évangélique n'est qu'une spéculation ou travail des méninges des évangélistes. Dans une autre formule subtile de Marguerat la remémoration des évangélistes est un travail d'élaboration théologique - exclusivement un travail élaboration théologique et non des souvenirs exact. On retrouve encore une reformulation du postulat méthodique. Cette formulation, d'ailleurs un peu sournoise, signifie que la perspective apologétique prime complètement sur l'exactitude du témoignage, du souvenir, dans un univers religieux concurrentiel. Dire que la remémoration c'est une réflexion qui invente ce qu'il convient de dire aux auditeurs - comme le fait sans vergogne Marguerat ... c'est un peu se f..tre du monde, tu en conviendras je suppose. L'idée va tout droit vers l'idée suivante qu'en respect pour le Maître la communauté croyant aura inventé - après coup - des faits et des paroles, y compris de Jésus sur Son identité de Messie et Sauveur, utiles pour maintenir le Jésus de Nazareth mort et enterré dans le culte des autels comme Christ et Seigneur. Qu'on ne croit pas à cette illusion chrétienne me paraît tout à fait acceptable, mais prétendre que cette imposture a été faite en fidélité au Maître (sic, INT page 96) est encore une fois se f..tre du monde, tu en conviendras encore.

Arrivé à ce point de l'ouvrage collectif, j'avoue que je bloque un peu ... quel scénario inventer pour expliquer que les évangélistes se soient prêtés à une telle falsification ? J'en " vois " un seul avec des variantes : la construction théologique est un pur jeu intellectuel destiné à recruter de nouveaux adeptes (le cynisme) ou les évangélistes se seraient autorisés à faire le sale boulot (forger des bobards) pour " le bien " des communautés naissantes. Dans les deux cas je ne peux que m'interroger sur la réalité de la foi de ces " évangélistes " au Dieu, Père comme à Son Fils, Messie et Seigneur puisqu'ils en sont littéralement les inventeurs. On est automatiquement dans des scénarios à la Da Vinci Code. Plus grave, je m'interroge la perception de l'auteur sur ce qui est compatible ou non avec l'expérience et la cohérence interne de la foi ... ce que cet auteur en conçoit (cynisme, sale boulot pour faire le " bien " ) est inquiétant et évoque une totale méconnaissance de cette expérience de foi - autre que son contenu intellectuel lequel n'est comme chacun sait pas la foi en elle-même. L'imposture pourrait alors être du coté des auteurs du livre !

Après lecture, j'ai l'impression que pour certains collaborateurs de Marguerat, imbus de ce même postulat méthodique pousse leur " avantage " au maximum (sur le troupeau des croyants conformistes présumés naïfs) - poussent le culot, voire même l'arrogance - jusqu'à se moquer ouvertement de toute vraisemblance et du respect véritable dû au Maître.

Libremax a écrit:Enfin, et pour rentrer dans le détail de la question des généalogies du Christ : en quoi l'adoption par Joseph était-elle un frein à la reconnaissance ultérieure de Jésus comme appartenant à la maison de David ? En Israël, l'enfant adopté héritait des mêmes privilèges que le fils de sang.
Tout à fait juste Libremax. Je ne vois pas où est la difficulté par rapport à la loi juive. Mais ce principe n'existe pas que dans la Bible. La relation mère-enfant est vérifiable à la naissance (l'enfant apparaît lors de l'accouchement), alors que la relation père-enfant repose sur l'acceptation d'un évènement dont personne n'est témoin (la conception). Quand le père " accepte " un enfant comme étant de lui, il fait un acte de volonté et de confiance qui s'apparente de toute façon à une adoption (que l'enfant soit de lui ou non).  La présomption de paternité encore inscrite dans la loi française (sauf erreur :) ) repose sur ce mécanisme anthropologique et social qui tend a protéger et intégrer la plupart des enfants (que l'enfant soit de lui ou non).

Libremax a écrit:J'ai juste voulu observer que ce que vous avanciez pouvait poser de graves questions de cohérence quant aux intentions des auteurs des évangiles, tout en étant généralement admis de manière à servir d'arrière-plan aux thèses des chercheurs comme M.Marguerat.
Autre chose est d'avoir des convictions et autre chose est de construire rationnellement ces convictions au delà du postulat méthodique de base (qui est simplement dit : " je ne crois pas du tout à ces balivernes ! "). Même les rationalistes devraient se sentir obligés (moralement) d'articuler positivement leur critique et d'en faire un tout aussi cohérent que possible sinon on est dans la " conviction à l'état brut " ... respectable, mais n'offrant pas matière à débat.

Roque

Messages : 5064
Réputation : 23
Date d'inscription : 15/02/2011
Age : 80
Localisation : Paris

Revenir en haut Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat

Message  Blaise Mer 2 Oct - 19:27

La « Formgeschichte » a fait des émules dans le petit monde de la sinologie : les cours d’Anne Cheng au Collège de France en offrent une illustration exemplaire : http://www.college-de-france.fr/site/anne-cheng/index.htm#|m=course|

Confucius revisité : textes anciens, nouveaux discours (2008-2012)

Confucius ressuscité ? Quelques hypothèses  (2012-2013)

Le confucianisme est-il un humanisme ? (2013-214)

Anne Cheng s’inscrit, je reprends ses termes, dans « un mouvement de déconstruction de la figure de Confucius et du texte des Entretiens qui prend de l’ampleur surtout dans les milieux sinologiques occidentaux. » (Résumé du Cours de l’année 2011-2012, p. 496).

Elle récuse toute « conception de la composition du Lunyu [les "Entretiens" de Confucius] comme processus de transmission continue depuis les paroles mêmes du maître, ses ipsissima verba […] » (ibid, p. 201) ; elle récuse également la théorie de la "stratification textuelle", qui permettrait d’isoler, au sein du canon attribué à Confucius, un texte primitif de ses ajouts ultérieurs.

Elle et d’autres sinologues influencés par la formgeschichte, ont souligné la présence pour la littérature chinoise ancienne d’unités textuelles de base, similaires au péricopes du NT : les zangh. Il s’agirait d’unités mobiles, appartenant à un fonds culturel commun (ni taoïste ni confucéen), susceptibles d’être insérées dans des corpus textuels différents, leur changement de contexte produisant à chaque fois de nouveaux effets de sens.

Le texte des Entretiens, soutient Anne Cheng, devrait être relu « comme une "concrétion" d’unités textuelles mobiles qui se retrouvent dans diverses sources dont les contextes différents leur confèrent des portées et des significations variables. Ces unités textuelles peuvent même se retrouver sur des supports aussi inattendus que des embouts de tuiles d’époque han dont le rapprochement avec des unités textuelles tirées du Lunyu nous amènent à nous demander si elles ne reflèteraient pas davantage des messages politiques caractéristiques de l’instauration du nouvel ordre impérial centralisé aux alentours des IIe-Ier siècles, plutôt que l’enseignement authentique de maître Kong qui a vécu aux VIe –Ve siècles. » (ibid., p. 507)

C’est là sa thèse : la composition des Entretiens ne remonterait pas au-delà des Han ; cet ouvrage répondait aux besoins de la propagande politique du moment et ne nous dira jamais rien du Confucius historique, dont l’existence même est sujette à caution.

La déconstruction historico-critique de la Bible et des Evangiles lui sert de modèle constant dans ses cours : la divinisation de Confucius et de Jésus sont mis en équivalence ; et Anne Cheng n’hésite pas à citer des passages des  Evangiles pour mieux illustrer par quels procédés s’élabore une "légende" (voir Confucius ressuscité).


Dernière édition par Blaise le Mer 2 Oct - 19:32, édité 1 fois
Blaise
Blaise

Messages : 220
Réputation : 2
Date d'inscription : 04/10/2011
Age : 43
Localisation : France

Revenir en haut Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat

Message  -Ren- Mer 2 Oct - 19:31

Merci pour cet apport qui nous sort des sentiers battus :jap: 
...Tu devrais passer plus souvent ; ce forum a la chance de compter des intervenants de qualité, mais vous vous croisez tellement peu que vous avez rarement la chance d'échanger entre vous ;)

_________________
...S'il me manque l'amour, je suis un métal qui résonne, une cymbale retentissante (1 Cor XIII, 1)
>> Mon blog change d'adresse pour fuir la pub : https://blogrenblog.wordpress.com/ <<
-Ren-
-Ren-

Messages : 17475
Réputation : 29
Date d'inscription : 10/02/2011
Age : 46
Localisation : France

https://blogrenblog.wordpress.com/

Revenir en haut Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat

Message  Roque Mer 19 Mar - 18:27

Blaise a écrit:La « Formgeschichte » a fait des émules dans le petit monde de la sinologie : les cours d’Anne Cheng au Collège de France en offrent une illustration exemplaire : http://www.college-de-france.fr/site/anne-cheng/index.htm#|m=course|

Confucius revisité : textes anciens, nouveaux discours (2008-2012)

Confucius ressuscité ? Quelques hypothèses  (2012-2013)

Le confucianisme est-il un humanisme ? (2013-214)

Anne Cheng s’inscrit, je reprends ses termes, dans « un mouvement de déconstruction de la figure de Confucius et du texte des Entretiens qui prend de l’ampleur surtout dans les milieux sinologiques occidentaux. » (Résumé du Cours de l’année 2011-2012, p. 496).

Blaise a écrit:La déconstruction historico-critique de la Bible et des Evangiles lui sert de modèle constant dans ses cours : la divinisation de Confucius et de Jésus sont mis en équivalence ; et Anne Cheng n’hésite pas à citer des passages des  Evangiles pour mieux illustrer par quels procédés s’élabore une "légende" (voir Confucius ressuscité).
Blaise, je n'ai pas répondu à cette très intéressante contribution ... un peu fatigué par mon propre sujet. Je penche pour une hypothèse : c'est la méthode d'analyse - elle-même - qui, pour une part, aboutit à ce résidu d'analyse en partie impossible à identifier ... et je cherche à comprendre comment se produit cet " artefact ". Je pense donc qu'aucun texte soumis à ce traitement ne peut rester indemne. J'aimerais par exemple qu'on fasse cet exercice sur la Constitution française ou le Code civil ... je suis sûr qu'on parviendrait à démontrer que ce sont des textes composées à partir de sources multiples par des " écoles " dont l'histoire reste actuellement en grande partie inconnue. Il y a une limite de la méthode d'analyse elle-même, elle démonte le témoignage historique, mais est absolument incapable de percevoir à quel moment elle rompt les liens pertinent (déconstruction : non, mais plutôt démolition, voire éradication).

Comme j'ai retrouvé un peu de courage pour ce travail fastidieux, je reprends ...

Roque

Messages : 5064
Réputation : 23
Date d'inscription : 15/02/2011
Age : 80
Localisation : Paris

Revenir en haut Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat

Message  Roque Mer 19 Mar - 18:55

UNE EXEGESE  PARTIALE, VOIRE AU CULOT ?


Dans ce livre j’ai été intéressé par tout ce qui touche à la Formgeschichte, par ce qui concerne les micro-unités, par le traitement réservé aux attestations patristiques, par ce qui est dit de l’apologétique chrétienne ou par la (pénible) comparaison stylistique aboutissant à prétendre que les Evangiles seraient une sous-catégorie de la biographie gréco-romaine … mais curieusement j’ai été beaucoup moins intéressé par les sections de chaque chapitre sur le « contenu » des Évangiles et à la « visée théologique ».

Pour les exposés sur le « contenu » des Évangiles, je crois que je les ai trouvés trop énumératifs et succincts. Pour un habitué de la lecture des méditations sur les Évangiles (par exemple dans Magnificat) et de recherche des sens des textes – par exemple dans les Pères de l’Église, ces quelques pages (5 ou 6 pages au plus) laissent un goût de « trop peu ». A la réflexion, je pense aussi que cette impression de « platitude » du commentaire provient du fait que c’est un commentaire surtout du registre littéraire, très peu théologique.

Pour les exposés sur la « visée théologique », même impression de « lassitude » et de lecture laissant très peu d’idées saillantes. La cause de cette impression est, je crois, que pour les sections sur la « visée théologique », il ne s’agit que des quelques points généraux qui singulariseraient la « théologie » de chaque évangéliste par rapport aux autres. On ne retrouve donc ni la richesse, ni la globalité des idées de l’évangéliste, mais une lecture sélective, évidemment plus pauvre que la lecture traditionnelle plus habituelle.
.
Mais ces sections ont quand même un intérêt, car elles font nécessairement ressortir les conceptions et convictions des rédacteurs de ces chapitres. A cette occasion les rédacteurs vont nécessairement de départir de l’apparente « neutralité » qui a prévalu sur les questions énumérées précédemment.

L’exposé est toujours soutenu par le postulat bultmannien que l’Évangile est un reflet de la foi de l’évangéliste ou de la communauté - mais pas du Jésus historique. Sur ce point, le parti pris est constant, le texte ne laisse jamais ouvertes des questions où d’autres alternatives seraient également possibles. C’est donc un enseignement soutenant de façon unilatérale – parfois de façon partiale – les thèse de l’école de Marguerat.

On va y découvrir des idées parfois surprenantes qui relèvent éventuellement d’une certaine forme de culot. Enumérons en quelques unes :
1. L’histoire assez rocambolesque de « La blancheur de son vêtement ne brillera que dans la tombe une fois la mort traversée » (impossible à résumer … il faut le lire !) ;
2. Le Christ nouveau portant la contestation au sein même des images que l’homme se fait de la liberté de Dieu !
3. La reprise critique des images de Dieu ou sommeil de Jésus métaphore du « Dieu présent dans l’absence » ;
4. Les loggias de Jésus tronquées d’un côté, puis ventilée et amplifiées d’un autre côté entre plusieurs textes ;
5. Jésus captant momentanément les manifestations de l’Esprit ;
6. Le Fils préexistant médiateur de la création ; ou
7. Le Christ « qui est véritablement Dieu dans la mesure où il est Son envoyé ».

Ce qui nous a paru le plus intéressant dans ces sections du livre, ce sont donc les positions partisanes et les interprétations discutables. Dans ce post, nous avons relevé 17 points discutables, dont 10 sont d'un impact théologie faible ou nul. Je suis convaincu que les auteurs y apparaissent - eux aussi - comme des interprètes ou témoins de l’Évangile – à leur manière - avec leur vision propre et leur grille de lecture qui n’engagent qu’eux.



Évangile de Marc (chapitre écrit par Mme Corina Combet Galland)


1. « La blancheur de son vêtement ne brillera que dans la tombe une fois la mort traversée » ?

L’auteure reprend la thèse de B. Standaert (1984). Elle ne retient de la Transfiguration et de la Résurrection qu’une simple affaire de vêtement blanc et de lecture d’une fable édifiante dans la nuit de Pâques comme de symbole du « dépassement de la mort ». Marc aurait, à dessein, inventé la figure du jeune homme nu comme symbole du nouveau baptisé et l’aurait replacée dans le tombeau vide comme symbole de la résurrection.

Nous récusons cette interprétation pour plusieurs raisons (cf. : spoiler) et la principale est que le mot linceul /drap (σινδονα) qui sert de fil directeur à cette interprétation ne se retrouve ni dans le récit de la Transfiguration, ni dans le verset du jeune homme dans le tombeau (Mc 16, 5).

L’auteure utilise littéralement le texte lorsque cela lui convient, sinon elle s’ en affranchit. Son interprétation ne repose finalement que sur la vigueur de ses affirmations : c’est donc ce que nous appellerons une « exégèse au culot ». Cette interprétation est, au demeurant, complexe et assez embrouillée.

Spoiler:

Finalement, on a bien l’impression que cette interprétation très discutable n’est qu’une  tentative pour trouver un argument de plus en faveur de la thèse bultmanienne selon laquelle la divinité de Jésus serait une invention des évangélistes et que Jésus ressuscité n’existerait que par la profession de foi des chrétiens.


2. Le secret messianique : un moyen de masquer que Jésus n’avait pas clairement conscience de sa messianité ?

Ici l’auteure reprend la thèse de Wrede (1901) : le secret messianique serait le moyen – rétrospectivement – de reverser sa foi pascale en Christ ressuscité sur la vie du Jésus historique, alors que celui-ci n’avait pas de conscience claire de sa messianité. Cette manipulation des faits – donc cette imposture - serait imputable soit à la communauté, soit à l’évangéliste lui-même.

Cet argument n’est que la reformulation du postulat de base de Bultman que les Évangiles ne reposent sur aucun fait historique et que la messianité de Jésus – ou Sa Résurrection - n’auraient été qu’une invention après-coup des évangélistes. Cette vision bultmanienne est celle de l’auteure, non celle de Marc.

Cependant tant que ce postulat de base bultmanien n’est pas définitivement démontré, il est raisonnable de soutenir une thèse opposée, par exemple que Jésus aurait Lui-même volontairement voulu éviter d’être confondu avec le Fils de David, c’est-à-dire le Messie-Roi politique jusqu’à Sa passion et Sa résurrection.

Compte  tenu du fait que l’antériorité de Marc (voir post suivant sur « Les tentatives de modélisation du processus synoptique ») n’est pas non plus définitivement démontrée les autres Évangiles (Mt 8, 4 ; Lc 4, 41 ; 5, 14 ; 8, 56) pourraient constituer des témoignages convergents.

Spoiler:


3. L’élaboration théologique d’un Christ qui libère des images que l’homme se fait de la liberté de Dieu ?

L’auteure reprend une thèse de Senft (1991) sur les récits de miracles de Jésus. Pour que la célébration des miracles n’asservisse les croyants à Jésus, Marc aurait voulu dépeindre « les traits nouveaux d'un Christ qui libère en provoquant des ruptures, en venant porter la contestation au sein même des images que l'homme se fait de la liberté de Dieu ». Et c’est à dessein que le dernier miracle de Jésus est « un tombeau laissé ouvert, mais vide ». Jésus donne, se donne, mais ne se laisse pas retenir.

Encore une interprétation très discutable, car il nous semble qu’on est en plein anachronisme. En effet, la problématique de vouloir libérer « des images que l’homme se fait de la liberté de Dieu » appartient au monde moderne, notamment avec l’émergence de l’incroyance ou l’athéisme de masse (XIXème et XXème siècle). Cette problématique des « fausses images de Dieu » semble très réduite dans le judaïsme qui la résout de façon simple : en bannissant le culte des idoles. En dépit du fait que Marc s’adressait également à des païens, il ne faut pas perdre de vue qu’une bonne partie de son auditoire à Rome même était juif, araméophone. Cette problématique – sauf preuve du contraire - ne peut appartenir – à un évangéliste juif au premier siècle de notre ère. Encore une fois : cette questionnement est celui de l’auteure, non celle de Marc.

Spoiler:

Il reste que ce qui est présenté comme une « élaboration théologique » relève - dans le sens que donne à ce mot la Formgeschichte - de la production idéologique propre à l’évangéliste – sans rapport nécessaire avec les paroles et la vie de Jésus. En provoquant des ruptures et en contestant les images que l’homme se serait faites de Dieu, Jésus aurait pratiqué une sorte « contre-apologétique » ou de prévention contre les fausses compréhension de son propre message. C’est une vision d’un Christ intellectuel « porteur d’idée » ou « provocateur de sens » qui n’engage que son auteur. Cette conception, très discutable, n’a rien de commun avec l’adhésion à la personne du Christ-Dieu comme source du salut ou avec l’action éducatrice de l’Esprit Saint « le Paraclet, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit. » (Jn 14, 26).

A coté du Christ " maïeuticien " qui existe certainement, l'Evangile présente aussi un Christ guérisseur et libérateur qui fait accéder au sens, à la vérité, à la santé, à la liberté spirituelle par guérison des infirmités et levée des blocages ou liens visibles qui sont des images des infirmités et liens invisibles, intérieurs, intellectuels comme spirituels de l'humanité.


4. La « plus belle image de la foi » ?

L’auteure prétend que l’homme qui doute de Mc 9, 24 permettrait à Marc de construire sa « plus belle image de la foi qui prie ».

Rien ne l’atteste, ni Marc, ni Jésus … nulle part. On ne voit pas ce qui permet d’émettre cet avis, au demeurant assez gratuit. Cette vision, ce jugement de valeur n’engagent que leur auteure.

Toute personne ayant un minimum de culture évangélique sait que Jésus ne manifesta d’admiration que pour la foi du centurion romain : « En l'entendant, Jésus fut plein d'admiration et dit à ceux qui le suivaient : « En vérité, je vous le déclare, chez personne en Israël je n'ai trouvé une telle foi. » (Mt 8, 5)

Spoiler:

   
5. La « reprise critique des images de Dieu » ou le sommeil de Jésus métaphore du «  Dieu présent dans l’absence » ?

L’auteure revient sur la question des « images de Dieu » – déjà rencontrée ci-dessus. Il est ici question de la « reprise critique des images de Dieu », du sommeil de Jésus « métaphore du Dieu présent dans l’absence ». Le commentaire conclut même que « Jésus, et le récit de Marc, mènent vers l’inconnaissable ».

Nous sommes convaincus que cette question est complètement anachronique (voir ci-dessus) et est totalement étrangère non seulement à un évangéliste juif du premier siècle, mais également à un penseur grec de la même époque.

Spoiler:


6. Une parole qui n’ordonne pas d’en répéter les gestes à sa mémoire ?

L’auteure souligne au passage que Mc n’ordonne pas à ses disciples de répéter le dernier repas à Sa mémoire. C’est exact, mais incomplet. L'ouvrage étant destiné également aux simples étudiants (INT page 5), il conviendra peut-être de leur donner le moyen d'avaoir une vision plus large du sujet.

Dans ce cas, ce n’est pas Marc, mais bien Paul et Luc qui sont les témoins de la tradition la plus ancienne. La première épitre aux Corinthiens qui présente Jésus disant « faites cela en mémoire de moi » sur pain comme sur le vin (1 Co 11, 23-26) est datée du printemps 56 (TOB). Il faudra maintenant expliquer d’où Marc tient sa tradition (récit absent de la source Q) et/ou pourquoi il aurait adopté cette formulation plus brève ...

Spoiler:


Évangile de Matthieu (chapitre écrit par M. Elian Cuvelier)

La transformation d’un nom propre indiquerait un processus secondaire ?

L’auteur prétend au moins deux choses : 1. Le passage du nom de Lévi à Mattieu serait une « transformation » ; 2. Cette transformation serait la preuve d’un processus secondaire, c’est-à-dire d’un remaniement du texte de Marc - écrit en premier - par Matthieu écrit ultérieurement.

En réalité, Marc utilise lui-même les deux appellations pour désigner le même apôtre. Deux traditions concurrentes ne sont pas nécessairement une « transformation ».

Une piste  de solution : Mattaï signifie : « je suis précis » : en araméen. Mattaï pourrait donc être le surnom de Lévi. De la même façon Nathanaël a comme surnom araméen Bartoulmaï (1) ou bar Tolmaï (2, 3) :
« Par contre, ce n’est pas nécessaire en araméen, car la graphie est plus simple : l’écriture rapide est possible directement sur l’oral et il est probable que certains prirent des notes (note : en particulier, le percepteur Lévi-Matthieu) pour eux, tel le bon connaisseur de la Torah qu’était Nathanaël , puisqu’il reçut le surnom de Bartoulmaï (fils de la jarre) employé chez les rabbis pour désigner ceux qui conservaient tout sans perte. (1 : dans un paragraphe sur la tachygraphie en araméen)

Finalement cette discussion sur Lévi/Matthieu paraît un peu confuse tant qu’on ne rappelle pas que la plupart des apôtres avaient un nom et un surnom : au moins six autres apôtres ont un surnom (spoiler) (4). Cela aussi il serait utile de la rappeler dans un ouvrage destiné à de simples étudiants ....
1. La transmission des Evangiles. Pierre Perrier. Ed. Jubilé.  2006. page 106. ISBN : 2-86679-422-2.
2. http://dsmyers.com/homepage/God/nathanaelbartolmai.htm
3. http://www.britannica.com/EBchecked/topic/54362/Saint-Bartholomew
4. Evangiles de l'oral à l'écrit. Pierre Perrier. Ed Jubilé. 2007. page 292. ISBN : 2-86679-296-3.

Spoiler:

Roque

Messages : 5064
Réputation : 23
Date d'inscription : 15/02/2011
Age : 80
Localisation : Paris

Revenir en haut Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat

Message  Roque Jeu 20 Mar - 13:06

(Suite)

Évangile de Luc (chapitre écrit par M. Daniel Marguerat).

1. Luc aurait tronqué les logias de Jésus dans l’évangile pour les replacer dans les Actes.

L’auteur d’abord soutient que Luc aurait tronqué une partie d’une logia de Jésus pour la reporter à la fin des Actes. C’est toujours l’idée d’une libre utilisation des paroles – non véritablement de Jésus – mais attribuées à Jésus par l’évangéliste.

Si on examine attentivement ces versets (spoiler), la situation est la suivante : Lc paraphrase une partie de verset d’Isaïe (6, 9a ou 6, 10a), par contre Mc cite le verset Isaïe 6, 9 en entier et Ac cite deux versets (Is 6, 9 et 10).

En définitive, il n’est pas possible de savoir si Luc a voulu faire une citation courte paraphrasée ou s’il a voulu « tronquer » le verset cité par Marc. Il n’est pas raisonnablement possible de choisir pour l’une ou l’autre alternative. L’auteur soutient ensuite que Luc aurait encore « tronqué » une parole critique de Jésus contre le Temple lors de son procès devant le Sanhédrin pour la replacer dans le procès contre Etienne. Finalement, rien ne permet de rejeter l’idée que les deux procès soient semblables, mais distincts ou que ces deux procès seraient en définitive le même.

Il semble un peu abusif de parler de « logia » de Jésus. Dans le premier exemple, il s’agit non d’une parole (logia) de Jésus au sens propre – mais d’une citation d’Isaïe et dans le second exemple la parole critique contre le Temple n’est jamais de Jésus mais des faux témoins à chacun des deux procès : celui de Jésus ou celui d’Etienne. La présentation qu’en fait l’auteur se veut subtile, elle confond logia entendu comme les paroles propres de Jésus et logia au sens des citations de Jésus, comprenant donc les paroles que Jésus reprend dans les Écritures.

L’auteur pense que ces exemples sont « significatifs », mais l’impression est que la thèse de l’auteur, à partir de ces deux seuls exemples dépareillés, n’est pas probante. L’interprétation de l’auteur doit cependant être prise en compte (surtout pour le procès d’Etienne), mais avec les éléments disponibles, il n’est pas raisonnablement possible de trancher définitivement sur cette question. La volonté de trancher de l’auteur provient de son parti pris bultmannien qui est que l'évangéliste aura manipulé à sa guise les dits et gestes de Jésus.

Par contre, ce qui serait éventuellement « significatif » est que l’auteur semble vouloir tirer avantage des déclarations des faux témoins. Comprenne qui pourra !

Spoiler:


2. Luc aurait souci de faire œuvre d’historien ou de biographe à la façon gréco-romaine ?

Ici nous ne contestons pas complètement l’avis de l’auteur. Notre conviction à ce sujet est très mesurée en raison de l'incertitude qui existe dans le domaine des comparaisons sur le style et la forme des évangi(https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t1976-la-parole-de-jesus-christ-a-la-sauce-marguerat#42196 ). Ce que nous avons compris jusqu'à maintenant de la Formgeschichte, loin de nous jeter dans un nouveau dogmatisme - nous rend certes plutôt sceptique (la lecture du livre ne nous a pas enthousiasmé). Je reste certes accessible aux questions, mais très prudent sur les réponses ...

Nous voulons seulement souligner deux choses :
- D’une part, l’ouvrage collectif de Marguerat a comparé un peu tous les styles littéraires gréco romains de la même époque avec les Évangiles : récit à la manière de la Bible, biographie idéalisée,  récit à contenu merveilleux ou arétalogie, roman grec, pour insister de façon toute particulière sur la biographie. L’Évangile selon l'école de Marguerat serait donc une « sous-catégorie » de la biographie gréco-romaine (Voir : https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t1976-la-parole-de-jesus-christ-a-la-sauce-marguerat#42196 ) Et voila, maintenant que l'auteur rajoute que les Évangiles seraient une biographie  dépeignant la biographie d'un homme célèbre ou d'un héros comme dans les Vies des philosophes ou le récit historique de Flavius Josèphe. Tout a été dit, tout a été proposé – mais mon idée reste que rien n’est vraiment totalement convainquant. Rappelons que Bultmann pensait - à la différence de Marguerat - que les Évangiles avaient un style « sui generis », donc d'un style unique. Je ne vois aucune raison de pencher pour l'un ou l'autre des convictions de ces grands érudits !

- Ensuite dans le spoiler : un paragraphe sur les limites de la Formgeschichte. Comme toujours, il y a un écart entre la théorie et la pratique. La Formgeschichte peut être en échec quand on ne dispose ni de vrai parallèle littéraire, ni d’attestations apocryphes ou autres (https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t1976-la-parole-de-jesus-christ-a-la-sauce-marguerat#41687 ). Dans le cas de l’Évangile de Luc, la critique interne échoue à situer le lieu de rédaction plus précisément que « la partie orientale du bassin méditerranéen », c’est-à-dire : entre Rome, la Macédoine, le Péloponnèse et la Turquie ...et prétendre que la rédaction n'a pas pu se faire en Palestine après 70 n'est pas non plus un scoop !

Spoiler:


3. Lc 1, 2 indiquerait que Luc est un chrétien « de la troisième génération » ?

L’auteur prétend que le verset 2 de Luc : « d'après ce que nous ont transmis ceux qui furent dès le début témoins oculaires et qui sont devenus serviteurs de la parole. » (Lc 1, 2) signifierait que Luc serait un chrétien de la troisième génération, c’est-à-dire dont l’activité serait située dans le dernier quart du premier siècle.

Le fait de ne pas être témoin oculaire ne donne aucun indication d'âge précise et la notion de génération est assez vague (25 ans ?). Faisons une supposition Luc aurait été témoin (à  cause du " nous " utilisé à partir de Ac 16, 10-17) de la fondation de l'Eglise d'Antioche en 38 par Pierre et Paul. Cela fait entre 10 et 30 ans d'écart avec Paul (né en 8) selon que l'on suppose que Luc était déjà suffisamment adulte (20 ans ?) pour partir pour un voyage missionnaire en Macédoine avec Paul (Ac 16, 10) ou qu'il venait tout juste de naître. Pareillement Luc aura une génération de plus ou une génération de moins selon qu'on le comparera à Jean (né éventuellement vers la même date que Paul) ou à Nathanaël, réputé le plus vieux du groupe des apôtres. Rien dans ce verset Lc 1, 2 ne permet d'affirmer qu'il y aurait eu une génération d'intervalle entre Luc et ces témoins oculaires empêchant éventuellement Luc de les avoir entendus. Le texte de Luc affirme tout au contraire qu'il a bien rencontré ces témoins oculaires. Il ne faut pas être naïf : l'expression : " chrétien de la troisième génération " suggère habituellement la fameuse rupture de contact direct avec les témoins oculaires. Cette rupture de la tradition directeest un des postulats de base de la Formgeschichte.

Et c'est de bien peu d'importance ... En définitive la datation de l’Évangile de Luc pour l’école de Marguerat ne dépend pas de ce verset 1, 2 de Luc, mais plutôt de la prise de position de cette école pour le modèle des deux sources (voir le post suivant : « Les tentatives de modélisation du processus synoptique ») et de l’interprétation du verset sur l’encerclement de Jérusalem (Luc 21, 20).

Spoiler:


4. Après son baptême, Jésus aurait concentré toute l’inspiration céleste disponible ?

L’auteur prétend que Jésus, dès son baptême aurait concentré « sur lui toute l’inspiration céleste disponible ».

Il est tout à fait légitime que l’auteur tente de faire une interprétation de la chronologie des manifestations de l’Esprit dans l’évangile de Marc. Mais il est inutile d’en « rajouter ». Nulle part l’évangile de Luc ne parle de motions de l’esprit, de vision ou d’extase de Jésus. A la Transfiguration ce sont les apôtres qui ont une vision, non Jésus. Pour le reste aucune mention de visions, d’extase ou de motion de l’Esprit chez les apôtres dans l’Évangile de Marc, vraiment rien d'extraordinaire, sauf les apparitions angéliques à la résurrection ... et le Christ ressuscité, Lui-même.

De quoi l’auteur veut-il finalement parler ?

Et sur le fond ... le « signe du Messie » n’est pas d’être habité par l’Esprit, c’est le lot commun des prophètes. La « signe du Messie » est que l’Esprit repose à demeure sur lui (Is 11, 1-2 ; Jn 1, 32-33). L'évangile de Marc n'en fait pas mention, il est vrai.

Spoiler:

5. Luc, à la suite des traditions ébionites, interpellerait les riches dans son audience ?

Ici notre critique est légère : on veut bien admettre que Luc ait eu des contact avec les ébionite - sans doute après leur fuite de Jérusalem - qu'il ait adopté les règles de morale stricte de ces groupes plutôt judaïsant, cependant qu'est-ce qui permet d'être si affirmatif sur l'origine ébionite, donc juive et antérieure à Jésus, de cette morale de conversion prêchée par Luc ? On retrouve les exigences semblables chez Jean Baptiste (Lc 3, 10-14) et chez le Rabbi Jésus qui a enseigné : « Heureux les pauvres : le Royaume de Dieu est à vous [...] Mais malheureux les riches : vous tenez votre consolation. » (Lc 6, 20.24). Finalement, on ne voit pas pourquoi l'auteur insiste tant sur les traditions ébionites ... lesquelles pouvaient certainement créer des tiraillements en milieu hellénistique.

Spoiler:


Évangile de Jean (chapitre écrit par M. Jean Zumstein).


1. Le « Fils préexistant médiateur de la création » ?

Pour l’auteur, Jean aurait la thèse suivante : « le Fils préexistant, en unité avec le Père, est médiateur de la création ».

Plusieurs choses sont très discutables dans cette formulation ;
- D’une part, l’expression « médiateur de la création » est totalement absente des écrits de Jean et - de façon plus générale - de la totalité de la Bible ;
- Ensuite, si l’Évangile de Jean suggère bien une " existence " du Verbe avec le Père, tournée vers le Père : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu. » (Jn 1, 1)  et une antériorité du Verbe (Jn 1, 1-2) ou de Jésus (Jn 8, 58, Jn 17, 5) par rapport « à la fondation du monde » (Jn 17, 24) pour autant la notion de « Fils préexistant » n’est pas pensable avant Origène au 3ème siècle (spoiler) ;
- Enfin, l’expression « médiateur de la création » est très ambiguë. Elle risque de déborder et donc brouiller la problématique théologique de Jean sur le Verbe, Fils unique engendré de Dieu :
o Le « médiateur de la création » pourrait être l’intermédiaire « fonctionnel » - comme un messager, un envoyé ou un prophète - entre Dieu et les hommes ou la création ; … et c’est une question du 2ème siècle - postérieure à Jean ;
o Le « médiateur de la création » pourrait être l’agent intermédiaire « opérationnel » de la création voulue et pensée par le Père – dans le même sens que Pr 8, 22 - c’est également une question du 2ème siècle - postérieure à Jean ;
o Dans les deux cas, LA question décisive sera celle de la place du Verbe entre Dieu et Sa création : est-il du coté de Dieu ou du côté de la création ? Mais il n’y a aucune réponse à cette question dans l’Évangile de Jean à la fin du 1er siècle.

L’auteur se permet d’éluder cette question décisive. C’est tout à fait son droit, bien que dans le Prologue de Jean la réponse soit claire : « et le Verbe était Dieu » (Jn 1, 1).

Cependant, si l'auteur veut – par souci de méthode - en rester au seul texte et à l’horizon théologique de l’Évangile de Jean, c’est entièrement son droit. Mais pour autant, il ne devrait pas se permettre :
- d’introduire des notions étrangères à Jean (« médiateur de la création ») ou des notions anachroniques (« Fils préexistant ») ; et
- de présenter comme identifiées et énoncées (préexistence du Verbe ou du Fils) des thèmes qui ne sont qu’ébauchés et « ouverts » dans l’Évangile de Jean.

En effet ces questions ouvertes par les affirmations de Jean ne vont être débattues qu’au 2ème siècle et 3ème siècle, La réflexion sur les Écritures va débattre de questions comme (spoiler) :
- Le Verbe est-il un « autre dieu » ?
- La Sagesse créatrice existe-t-elle depuis toujours en Dieu ou existe-t-elle seulement au moment où la création est décidée par Dieu ?
- Les personnes divines sont-elles fonctionnelles (modalisme) ?
- Le Fils peut-il exister depuis toujours s’il vient (est engendré) « après » le Père ?

Le choix de vocabulaire de l’auteur semble profondément discutable. D’une part il pourrait laisser croire que la notion de « Fils préexistant » dérive simplement et directement de l’Évangile de Jean. Or rien n’est plus faux. D’autre part, la réflexion sur la préexistence du Fils s’appuie certes sur le prologue de Jean qui induit « le paradoxe chrétien », voir : https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t1245-histoire-du-dogme-de-l-engendrement-eternel-du-fils) mais pas seulement. Historiquement, le texte de l’Ancien Testament sur la Sagesse créatrice (Pr 8, 22-31) qui est le point d’appui de la réflexion des apologistes qui mènera à la conception de la préexistence du Fils un siècle et plus tard.

Spoiler:

2. Le Christ est « véritablement Dieu dans la mesure où il est Son envoyé » ?

Pour l’auteur, le récit johannique est un récit christologique, donc centré sur la personne du Christ.  « Le Christ johannique est fondamentalement présenté comme le Révélateur de Dieu dans le monde. » Cette fonction révélatrice serait développée d’une double façon : une « christologie de l’incarnation » et une « christologie de l’envoyé ».

En clair, la conception de Jean serait la suivante : le Verbe, uni au Père, s’est incarné pour être Son envoyé. Mais l’auteur, corrige substantiellement cette vision, somme toute assez neutre, voire classique lorsqu’il ajoute : « le Christ est véritablement Dieu dans la mesure où il est Son envoyé ». Cette « divinité » serait donc liée à l’exercice de la fonction révélatrice du Christ. Une divinité « fonctionnelle », en quelque sorte, et non « de nature », une « divinité » sous condition ou transitoire … nous aurons l'explication de cette bizarrerie un peu plus bas.

Cette réduction du Christ à une seule fonction : la fonction révélatrice est une lecture sélective du texte de Jean. L’auteur a une position réductrice et partiale. On peut facilement trouver, au moins, trois autres « fonctions » dans le court texte de prologue de Jean :

1.- La fonction créatrice : « Tout fut par lui, et rien de ce qui fut, ne fut sans lui. » (Jn 1, 3) ;
2.- La fonction " d’apporter ce que Moïse n'a pas apporté ", que nous appellerons fonction d'accomplissement : « Si la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ. » (Jn 1, 17) L’auteur suggère que « Le Christ réalise ensuite sa fonction de révélateur par ses discours » (INT page 390), mais rien ne permet d’écarter l’autre thèse que « le Christ est révélateur par la réalisation de sa personne ou de son être-même » ;
3.- La fonction de " donner au croyant le pouvoir de devenir enfant de Dieu ", que nous appellerons fonction de restauration et d'empowerment (pour éviter : " fonction salvatrice " qui est souvent mal compris) : « Il est venu dans son propre bien et les siens ne l'ont pas accueilli. Mais à ceux qui l'ont reçu, à ceux qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. » (Jn 1, 11-12).

Ce n’est pas parce que Jésus « ne prononce pas ses propres paroles », mais celles du Père, « n’effectue pas ses propres œuvres », mais celles du Père ou « ne fait pas sa volonté », mais celle du Père qu’il n’est " rien " pour les hommes. Qui est-il d’après Jean ? Le prologue suggère une réponse sur la position du Verbe par rapport à Dieu et qui est le Verbe pour Dieu : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu. » (Jn 1, 1).

Spoiler:

Comme dit plus haut, le Prologue de Jean ne permet pas de répondre à la question de savoir, si cette divinité est « fonctionnelle » ou « de nature ». Ce type de problématique, totalement absente au premier siècle, renvoie aux siècles suivants.

Spoiler:

3. Ne pas prendre les notions de préexistence et d’incarnation à la lettre ?

Lorsque l’auteur ajoute que les deux notions de préexistence et d’incarnation « ne doivent pas être interprétées de façon objectivante, mais elles qualifient Jésus comme le révélateur du Père » on a un peu du mal à suivre, cela paraît obscur ... (spoiler)…

L’auteur semble vouloir dire que c’est - essentiellement - la fonction révélatrice du Christ johannique qui est à retenir et que pour le reste, les notions de préexistence et d’incarnation sont des « figures de style » et ne sont donc pas des réalités. Nous émettons une hypothèse sur la position philosophique de l’auteur : la « fonction révélatrice » serait un absolu philosophique - c'est à dire la réalité fondatrice et ultime, la seule réalité qui vaille, donc, supplantant toute autre idée : de « préexistence », « d'incarnation » ou même de « divinité ». Il est naturellement tout à fait impossible de démontrer que c’est l’idée implicite de Jean, mais il est clair, par contre, que l’auteur, lui, en est convaincu.

L’auteur présente la mission du Christ johannique en deux activités : des miracles « qui renvoient au Dieu créateur et donateur de vie en abondance »  et à des discours, puis par la croix il fait « son retour » vers le Père.

Cette présentation est, de nouveau, très sélective et partiale. On ne voit pas pourquoi l’auteur qui est sensé présenter le Christ selon Jean passe sous silence d’autres aspects de la mission et de l’œuvre du Messie bien identifiables dans l’Évangile de Jean. L’auteur omet certainement des aspects importants du Christ comme :
- L’œuvre du Messie « pain descendu du ciel » pour se donner en vraie nourriture ;
- L’accomplissement du Messie, c’est-à-dire : une œuvre unique, singulière en sa propre personne qui apporte au monde, aux hommes ce qu’aucun autre n’a jamais apporté.

Du fait du parti pris de l’auteur, sa présentation du Christ johannique est très partielle et redoutablement faussée.

L’auteur dit que le Christ johannique a fondamentalement une fonction révélatrice. Mais le problème est que l'auteur ne voit que cela, il ne dit rien d’autre. Ceci fait que le Christ johannique, vu pas l’auteur, est en quelque sorte « unidimensionnel » : il est révélateur, messager ou envoyé du Père (quelque soit la dénomination) et rien de plus. Cette construction intellectuelle du Christ johannique autour de la seule idée de « l’envoi » n’est évidemment qu’une vision universitaire et même une " idéologie " au sens où elle masque la complexité et les contradictions éventuelles du Christ de Jean.

Pour finir, disons que traiter du « contenu » ou de la « visée théologique » de l’Évangile de Jean sans aucun développement sur deux expressions spécifiques de Jean comme « μονογενους »  et « εγω ειμι » semble également très partial. Une belle preuve de culot.

Spoiler:

Nous pensons avoir repéré chez cet auteur, un de ces délicieux glissements de sens dont l'INT a le secret. Lorsque l'auteur dit : " A la différence des synoptiques, le contenu de ses discours est strictement christologique (cf. les paroles en " Je Suis ") En tant qu'envoyé du Père Jésus répond aux besoins les plus fondamentaux qui se manifestent dans toute existence humaine : il les comble." ... il est bien probable que " christologie " signifie seulement une parole sur l'homme Jésus Christ - sans aucun rapport avec la " théologie " qui serait une parole sur Dieu, voire sur la Trinité. La référence à la formule " Je suis " (ego eimi) serait un manière de dire que Jésus ne parlerait que de lui-même au sens limité de l'homme Jésus " sans rapport avec la théologie ou Sa divinité " ... Une façon en quelque sorte astucieuse de banaliser les occurrences de " ego eimi " et d'en disqualifier le contenu théologique ...

4. Don du Fils et don de la vie seraient « un seul et même événement » ?

L’auteur conclut finalement : « Don du Fils et don de la vie sont un seul et même événement : ils constituent le contenu de l’évangile qui appelle à la foi. »

C’est un peu la cerise sur le gâteau ! Reprenons la thèse de l’auteur : 1. un Christ johannique dont la divinité dépend de sa fonction d’envoyé, 2. dont la préexistence et l’incarnation ne sont que des figures de style … et 3. qui finalement délivre le message suivant : « le don du fils et le don de la vie c’est la même chose » … un message insignifiant !

C’est un peu comme de dire : « le Fils est venu célébrer la bonté de Dieu, la vie, les fleurs, l’amour … quoi d’autre dans les Évangiles ? ». Selon l'accentuation, c'est soit un message déjà contenu dans l'Ancien Testament (Jésus ne sert à rien), soit même le paganisme le plus courant.

Il semble qu’on soit dans la dilution complète du message évangélique. Un message où le Messie ne tient finalement aucune place. Cette vision à la fois intellectualisante et inconsistante concorde très bien avec la mise en doute radicale que l’Évangile ait contenu une quelconque parole propre de Jésus. C'est le postulat bultmannien qui, par un juste retour des choses, mène à ne saisir moins que des bribes, qu'une ombre ou qu'une illusion de Jésus, mais jamais rien de " vrai " à son sujet - si tant est que la Formgeschichte ait la capacité de distinguer le vrai du faux. L’excès d’intellectualisme - comme un soufflé raté - retombe dans une naïveté sans fond et l’image « new âge » de Jésus retombe avec ce soufflé raté !

C’est ce genre de vision du Christ qui rend la lecture de l’INT si insipide et ennuyeuse, par moments !

Spoiler:

Roque

Messages : 5064
Réputation : 23
Date d'inscription : 15/02/2011
Age : 80
Localisation : Paris

Revenir en haut Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat

Message  Roque Mer 16 Avr - 11:24

LES TENTATIVES DE MODELISATION DU PROCESSUS SYNOPTIQUE


Les trois premiers évangiles sont « synoptiques », c’est-à-dire qu’ils peuvent être « regardés ensemble ». Ces évangiles se ressemblent donc. Le trait de ressemblance le plus apparent est l’enchainement presque identique des péricopes, l'ordre de Marc est suivi par Luc plus fidèlement que par Matthieu.

Il existe des « dépendances littéraires » entre ces trois textes, c’est-à-dire que non seulement l’ordonnancement des péricopes est semblable, mais encore un nombre significatif de versets sont identiques au mot près entre ces synoptiques. Désormais se pose donc la question de savoir comment ont été élaborés ces évangiles compte tenu des emprunts qu’ils se font les uns aux autres. C’est le « problème synoptique ».

Depuis Reimarus, au 18ème siècle, de multiples tentatives d’explication – donc de modèles - ont été proposées pour tenter d’expliquer ce processus d’élaboration des synoptiques. C’est alors qu’est apparue la notion de « source » pour désigner les textes antérieurs qui auront servi de base au travail d’élaboration des évangélistes.

L’analyse moderne du problème synoptique en arrive à quelques conclusions principales :

1. Aucun modèle simple ne peut rendre compte de la complexité des rapports entre les évangiles. On suppose actuellement que les états finaux des évangiles ont été précédés par des étapes rédactionnelles intermédiaires ce qui remet immédiatement en cause le modèle des deux sources ;

2. Les étapes initiales de la constitution des documents écrits nous échappent en grande part, faute de documentation. On est donc dans une sorte d’impasse pratique puisque l’intégration dans le modèle de sources inaccessibles rend ce modèle inutilisable par les exégètes.

3. Le processus d’élaboration des évangiles s’est étalé dans le temps et a comporté plusieurs étapes de relectures et d’harmonisation entre les documents – on ne peut exclure qu’à chacune de ces étapes le recours ou l’accès aux sources ait pu varier (sans même parler ici de la question des relations entre tradition orale et l’écrit).

De fait, en ce début du XXIème siècle, les tentatives de modélisation du processus synoptique sont parvenues à une impasse. L’impasse est d’abord pratique parce que toute complexification du modèle rend ce modèle inutilisable en exégèse. Marguerat, lui-même a été amené à proposer un nouveau modèle (INT page 47), mais il ajoute : « Dans cette perspective, les sources littéraires à disposition des auteurs des évangiles de Mt et Lc nous seraient définitivement inaccessibles, puisqu’ils auraient eu accès à Mc au travers d’un « deutéro-Mc » et à Q au travers de deux versions spécifiques (QMt et QLc). »

En clair : personne ne connaît ni ce « deutéro-Mc », ni QMt, ni QLc et, par conséquent personne de peut connaître « Q » d’où proviennent QMt et QLc … Sans changement de perspective les exégètes n’ont plus rien à dire sur ce sujet !

L’impasse est aussi théorique, parce que la plupart des exégètes restent attachés au modèle des deux sources – refusant de le modifier bien que l’analyse moderne des textes synoptiques démontre que ce modèle simpliste devrait être modifié. Le modèle des deux sources n’explique pas en effet : 1. Les « accords mineurs » ; 2. Les deux versions de Q ; 3. Les reprises de Marc par Luc moins nombreuses que par Matthieu et 4. Les « leçons confluentes » de Marc (voir le texte).

L’analyse moderne de la Source Q plaide pour la cohérence notamment théologique de cette source. Mais plusieurs incertitudes persistent à son sujet. Citons trois des principaux points encore débattus concernant cette source Q : la fonction d’usage courant de cette source (vadémécum du prédicateur, catéchisme aux païens, ... etc.), la stratification littéraire de cette source et surtout la communauté se servant de cette source. Si dans un sens - la Formgeschichte suppose que toute situation de vie (Sitz im Leben) produit ses propres textes, l'inverse dans l'autre sens n'est pas nécessairement vrai. Ce n'est pas parce qu'on pense avoir trouvé un texte qu'on peut nécessairement trouver une communauté spécifique qui lui corresponde.

Pierre Perrier  - s’affranchissant du modèle des deux sources - propose une interprétation alternative : la source Q ne serait pas une source complétant Matthieu et Luc vers 80 ou plus tard, mais serait l’indice d’un travail d’harmonisation des textes (araméen et grec) de Luc lors de l’année sabbatique 53/54 sur la catéchèse-liturgie araméenne de l’Eglise Mère laissée par Matthieu en 37 à Jérusalem, avant son départ pour Antioche.

La tradition orale est ou peut être une source à part entière. Pour Marguerat, les micro-unités sont identifiées à la tradition orale, c’est-à-dire que les logions ou péricopes seraient des produits par la tradition orale directement traduits en grec. En fait le postulat des micro-unités littéraire indépendantes, postulat fondamental de la Formgeschichte, sert à la fois de présupposé de base et de réponse à la question de la tradition orale. On est typiquement dans un raisonnement circulaire, c'est à dire qui ne s'appuie que sur les présupposés initiaux.

L’ouvrage de Marguerat confond ce qu'on entend par « tradition orale » - par exemple selon la méthode rabbinique du premier siècle (INT page 37) – avec la « communication orale », c’est-à-dire la transmission déstructurée du  « bouche à oreille », voire de la rumeur. L’ouvrage n’a, en fait, aucune conception consistante sur la tradition orale et n'a aucune idée sur « comment pratiquement ou réellement »  s'est fait ce passage de l’oral à l’écrit. Finalement, la tradition orale ne joue aucun rôle dans la modélisation du processus synoptique, car la plupart des auteurs - et pas seulement Marguerat - n’en ont qu'une vision anecdotique et confuse

Par conséquent ce que l’ouvrage de Marguerat nomme « histoire » des textes évangélique n’est que l’analyse de la « stratification » ou des « médiations littéraires », c’est-à-dire de la « généalogie littéraire » du texte grec. Cette « histoire » ne commencerait qu’avec la mise par écrit des micro-unités. L’oralité telle qu’elle a pu fonctionner dans la catéchèse ou dans la liturgie - en tant que telle - est totalement méconnue et ne joue aucun rôle. Malgré l’ambition affichée de Marguerat et de la Formgeschichte de dévoiler l’histoire – voire la préhistoire des textes – l’ouvrage, de ce point de vue spécifique, reste enfermé dans la seule logique de l’écrit grec. L'ouvrage qui revendique son approche historico-critique, n’est pas dans l’histoire. Il ne décolle pas du registre littéraire..

Pour les écrits marqué par une structuration orale (les « colliers ») comme les évangiles en araméen du second siècle, il existe une autre méthode d’identification des étapes de composition du « texte oral » . Une fois repérés des « colliers » de récitation par un travail foncièrement « synoptique » car comparatif sur les quatre évangiles, on peut classer les colliers par ordre chronologique de superposition : les colliers imbriqués les derniers cassant les colliers dans lesquels ils s'insèrent, et les colliers des différents synoptiques attestant des colliers dans des états plus ou moins développés. Puisque les méthodes menant à la source Q ou à ce « récitatif » ou Karozoutha source sont des hypothèses, il est légitime de les comparer du point de vue de leur produit final : d’un côté la Source Q et la Karozoutha source ou K0. La cohérence théologique est nettement en faveur de K0, par contre la teneur théologique de Q est plus incertaine.



1. Le fait synoptique

Le terme synoptique appliqué aux évangiles de Matthieu, Marc et Luc signifie que ces évangiles peuvent être « regardés ensemble ». Il semble que ce soit une configuration littéraire unique.

Cependant ce terme n’explique pas grand choses par lui-même. Il est facile de reconnaître que l’enchaînement des péricopes est très voisin dans ces trois évangiles - Luc suivant plus fidèlement Marc que Matthieu. Mais si certains versets sont identiques au mot près, on ne peut cependant pas prétendre que ces textes, dans leur ensemble, soient identiques, ils sont juste similaires ou « homologues ».

Du point de vue qui nous occupe qui est l’étude des parentés littéraires entre les évangiles, ce terme de « synoptique » masque quelque peu la complexité du problème. Au fil de l’analyse on va s’apercevoir que cette « ressemblance » entre ces synoptiques qui évoquent une « source commune » ne provient pas pour autant d’une « source unique », avec l’exemple de la Source Q. Inversement, cela ne signifie pas, non plus, que des sources « différentes » ne pourraient produire des récits  ou des enseignements « similaires ». Et c’est à ce titre que ces textes sont « synoptiques ».

Spoiler:

2. Le problème synoptique

Le problème synoptique nait de la volonté d’expliquer la dépendance littéraire, telle qu’elle est comprise à partir du 18ème siècle. Cette dépendance littéraire est déduite des multiples identités entre les synoptiques : au niveau de l’enchainement des péricopes ou au niveau des versets – souvent au mot près. D’après Kloppenborg, c’est à partir de Reimarus (publié en 1778) que se « déchaina un flot de tentatives pour résoudre le « problème synoptique » (1, page 228). Autrement dit les tentatives de modélisation du processus synoptique commencent à cette date. Dès lors on va utiliser la notion de « source » pour désigner les textes antérieurs qui auront servi de base de travail à l’élaboration des évangélistes.

Il existe un ample jeu de modèles hypothétiques :

Modèle
Avec médiation littéraire d'un autre évangéliste
Avec source écrite extra évangélique
Par dérivation
Non
Non
Généalogique sans source extra évangélique
Oui
Non
Généalogique avec source extra évangélique
Oui
Oui
o
Seules les hypothèses « généalogiques avec source extra-évangélique » sont actuellement retenues.

Spoiler:

A l’heure actuelle, le modèle des deux sources initié par Weisse (1838) est le plus largement adopté par les exégètes. Il faut reconnaître à ce modèle un mérite : il a permis à la communauté scientifique de penser ce problème synoptique depuis plus d’un siècle. On comprend que les exégètes y soient attachés. Si on voit « la bouteille à moitié pleine » ce modèle peut être qualifié de « simple et efficace » (2).

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 200px-13

3. Ce que le modèle des deux sources n’explique pas

Plusieurs choses sont ici, en cause (2) :
1. Les accords mineurs ;
2. Les deux versions de Q ;
3. Les « omissions » de Luc ; et
4. Les leçons confluentes de Marc.

1. Les accords mineurs : il s’agit de 700 accords entre Mt et Luc qui sont absents de Marc. Le postulat de l’absence de tout contact entre Mt et Lc posé par le modèle des deux sources doit être assoupli. On imagine alors soit un évangile primitif en amont de Mc, soit la lecture de Mt, sont une médiation par  un texte intermédiaire comme un proto-Mt, un proto-Lc ou un deutéro-Mc et un proto-Mc (INT page 47).

Spoiler:

2. Les deux versions de Q : la lecture du texte de Q comparée dans Luc et dans Matthieu montre parfois une identité complète – au mot près – sur plusieurs versets et parfois des récits « similaires » du point de vue du récit ou du seul point de vue de la parénèse, mais avec un vocabulaire nettement différent – ce qui témoigne de l’existence de deux versions dans cette source Q.

Spoiler:

3. Les « omissions » de Luc : la question est de savoir pourquoi Luc a abandonné tant de textes de Mc alors que Matthieu les a conservés. L’explication habituelle qui est que Luc aurait disposé d’une tradition propre plus abondante, mais cette « réponse » ne répond pas entièrement à la question ;

4. Les leçons confluentes sont les cas où Marc combine le texte de Mattieu et de Luc. Ce fait pose évidemment soit la question d’une commune à Mc, Mt et Lc différente de Q (!), soit d’un texte rédigé en deux temps : un premier temps d’élaboration de Mc, puis second temps d’harmonisation sur les textes de Mt et Lc. Ceci suppose aussi que les rédactions intermédiaires – ou finales - sont  pratiquement simultanées.

Ce bref aperçu mène à trois conclusions, au moins (2) :

1. Aucun modèle simple ne peut rendre compte de la complexité des rapports entre les évangiles. On suppose actuellement que les états finaux des évangiles ont été précédés par des étapes rédactionnelles intermédiaires ce qui remet immédiatement en cause le modèle des deux sources ;

2. Les étapes initiales de la constitution des documents écrits nous échappent en grande part, faute de documentation. On est donc dans une sorte d’impasse théorique puisque l’intégration de sources inaccessibles dans le modèle rend ce modèle inutilisable par les exégètes.

3. Le processus d’élaboration des évangiles s’est étalé dans le temps et a comporté plusieurs étapes de relectures et d’harmonisation entre les documents – on ne peut exclure qu’à chacun de ces étapes le recours ou l’accès aux sources ait pu varier (sans même parler ici de la question des relations oral/écrit).

La fréquence statistique de ces observations – qui contredisent le modèle des deux sources – va conduire Marguerat à proposer un nouveau modèle. Cependant Marguerat conserve une position ambiguë : d’une part il dit que c’est ce modèle des deux sources est celui « qui a la plausibilité le plus forte » (INT page 46), mais en même temps, il propose cet autre modèle (INT page 47). La modélisation devient un peu floue : historiquement on a donc trois « modèles des deux sources » : le modèle simple de Weisse (1838), le modèle complet : avec la source Q (XIXème siècle) et le modèle complexe proposé par Marguerat.

Spoiler:

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Modale21

Marguerat ajoute – sans doute à regret - que si tel est le modèle, « les sources littéraires nous seraient définitivement inaccessibles ». Pourquoi « inaccessibles » ? Parce que modèle de Marguerat intercale entre les évangiles finaux ou la source Q trois textes intermédiaires hypothétiques : deutéro-Mc, QMt et QLc - inconnus à l’heure actuelle. En clair, personne ne connaît ni ce « deutéro-Mc », ni QMt, ni QLc, ni - par conséquence - « Q » d’où proviennent QMt et QLc !

Il devient clair que tout ajout raisonné au modèle des deux sources rend ce nouveau modèle trop complexe et donc inutilisable en exégèse !

Les incertitudes sur la rigueur d’analyse conduisant à l’adoption du modèle des deux sources fait que certains auteurs modernes considèrent ce modèle – à l’égal des modèles les plus anciens – comme « simpliste ». C’est bien le cas de Rolland (3). Un autre auteur dit même, sans grand ménagement, que le choix de Marguerat et de la majorité des exégètes serait « une solution de facilité » (4) :

Spoiler:

Un article de Rolland (3) montre bien – sur deux pages - la complexité des relations entre les évangiles. Cet article de Rolland donne six exemples de versets homologues (Mt // Mc // Lc) qui présentent des indices d’une activité rédactionnelle ayant deux caractéristiques apparemment contradictoires :
- Des accords entre Mt et Lc contre le texte de Mc
- … et dans ce même verset
- un texte de Mc intégrant des formulations de Mt et Lc, parfois même cumulant les deux formulations, celle de Mt et celle de Lc (phénomène dit de « dualité »).

Spoiler:

Cet article de Rolland montre bien que cette complexité est apparente par la méthode d’analyse comparative au mot à mot entre versets homologues. Lorsque l’analyse est faite par la méthode plus globale de plus grands ensembles de « matériau littéraire » commun ou non entre les évangélistes, cette complexité n’est plus apparente. Or c’est de cette seconde méthode d’analyse qu’est déduit le modèle des deux sources. Par conséquent cette modélisation ne peut être qu’approximative.

Le modèle Boismard (1972) comporte sept sources (spoiler)

Spoiler:
« Les modèles de Boismard et Rolland considèrent Matthieu et Luc comme indépendants du Marc actuel ce qui laisse ouverte leur chronologie relative : Marc n’est pas nécessairement plus ancien. P. Rolland propose même la datation suivante : entre 62 et 67 et peut-être dans l’ordre Matthieu – Luc – Marc, mais sans certitude. La théorie des deux sources propose une autre datation : Marc avant 70, Matthieu et Luc vers 80 » (2)

Roque

Messages : 5064
Réputation : 23
Date d'inscription : 15/02/2011
Age : 80
Localisation : Paris

Revenir en haut Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat

Message  Roque Ven 18 Avr - 12:11

(Suite)

4. L’hypothèse de la Source Q

La Source Q est une hypothèse. Elle est logiquement déduite de l’analyse des évangiles synoptiques par « grandes masses de matériau narratif » permettant de distinguer :
1. Le matériau narratif commun à trois évangélistes ;
2. Le matériau narratif commun à deux évangélistes ; et
3. Les traditions propres à un seul évangéliste.

Le source Q est, donc, définie comme le texte commun à Matthieu et Luc, mais absent de Marc.


A. Origine de la source Q

Marguerat situe la naissance en Galilée – éventuellement en araméen – avec une rédaction en grec entre les années 40 et peu avant 70 - date présumée de rédaction de l'évangile de Marc.

Spoiler:


B. Contenu de la source Q

Cette source comporterait 200 à 300 versets. Étant donné que le texte de cette hypothétique source Q n’a pas été retrouvé son étendue est inconnue.
« L’étendue exacte de la Source Q reste incertaine, dans l’impossibilité où nous sommes de savoir si des logia ont été retenues par un seul évangéliste ou ignoré par les deux. » (INT page 44)
Si on en croit Kloppenborg (2003), un spécialiste américain de cette source Q, plusieurs conclusions pourraient déjà être retenues concernant cette source Q reconstituée (1, pages 242-243). La conclusion principale est que cette source Q ne serait pas un ensemble de versets disparates, mais qu’elle serait le produit d’une histoire de composition assez complexe. Kloppenborg explique le silence relatif de la source Q sur les miracles (un seul récit : celui du centurion) ou le silence complet sur la passion et la mort de Jésus, sur les controverses sur le sabbat ou la rareté des logia concernant la Torah comme une théologique propre à cette « communauté Q ».

Spoiler:


Kloppenborg cite Downing (1. page 258) concernant les relations fonctionnelles entre la mise par écrit du texte évangélique et la prestation orale. La composition littéraire dans le monde antique était une activité sociale.
« Il semble que la prestation orale aurait fait partie, souvent sinon toujours, de la production de n’importe qu’elle œuvre – de sa production, et non seulement de son but. De plus, une audience réduite ou plus considérable aurait toujours (ou le plus souvent) participé à la phase préparatoire d’une œuvre et à sa création. La composition littéraire dabs le monde antique était une activité sociale. » (1. Page 258)
Cette conception est totalement à l’opposé du scribe chrétien « inspiré » travaillant à la mode d’un écrivain : seul à forger de nouvelles paroles « dans la fidélité au Maître » comme le suggére Elian Cuvilier dans l’ouvrage de Marguerat (INT page 95). Cette citation Downing décrit aussi en pratique la relation entre la tradition orale et la composition et la mise par écrit de l'oralité (texte oral) dans une communauté vivante - alors cette perspective semble complètement hors de portée de l’ouvrage de Marguerat..


C. Les débats sur la source Q

Il y a un débat sur l’existence ou l’inexistence de la source Q (10), mais ce n’est ni le plus intéressant, ni le plus moderne. Comme pour le modèle des deux sources, on peut poser plutôt la question du point de vue des « fruits », c’est-à-dire des réalisations théoriques et pratiques découlant de cette hypothèse. En effet, si l’on admet que l’effort modélisation du processus synoptique est en impasse, cette hypothèse de la Source Q est pourtant un « fruit » du modèle des deux sources. Ainsi l'hypothèse de la source Q peut bien être vue comme la dernière chance de justification de tout l’effort de modélisation depuis 200 ans et plus.  

L’existence de doublets communs serait, d’après Marguerat, un argument fort en faveur de cette source Q. Notre étude de profane (en français) de ces doublets communs – mot à mot - nous a convaincu plutôt que ce fait indéniable pourrait aussi bien correspondre à un modèle à 3 ou 4 sources – validant donc l’existence de plusieurs « versions » ou «  sources » à l'intérieur de Q.

Spoiler:

Par contre, ce qui est débattu, c’est d’abord la question de l’utilisation pratique de cette source Q. A quel public était-elle destinée ?
- Ce serait une catéchèse complémentaire à l’usage des convertis du paganisme (2) ; ou
- Elle aurait été « portée » par les missionnaires itinérants et dans certaines communautés locales (INT page 45) ; ou
- Ce serait un vadémécum pour missionnaires itinérants, vivant radicalement l’utopie du Royaume de Dieu (9).

La question des étapes de rédaction de la source Q, c’est-à-dire de sa stratification littéraire est aussi très discutée et de multiples hypothèses sont avancées (spoiler). Enfin, la « communauté Q » est typiquement « une hypothèse bâtie sur une autre hypothèse ». Si dans un sens - la Formgeschichte suppose que toute situation de vie (Sitz im Leben) produit ses propres textes, l'inverse, dans l'autre sens, n'est pas nécessairement vrai : ce n'est pas parce qu'on pense avoir trouvé un texte (première hypothèse) qu'on peut nécessairement trouver une communauté spécifique qui lui corresponde (seconde hypothèse).

Spoiler:


D. Les deux versions de Q

Nous avons vu plus haut que ces deux versions de Q sont reconnues par Marguerat. Le débat sur ce sujet précis semble inconnu sur le net (10). Nous ne trouvons ce constat que dans l’ouvrage de Marguerat, mais pas dans le livre de N. Siffer et D. Fricker (11). Nous avons été très surpris de constater - par une petite étude de profane  :)  (spoiler) - que cela semble pourtant sauter aux yeux : plusieurs passages présentent des différences très repérables lesquelles correspondent, pour nous, à des sources différentes. Par exemple : la parabole des invités remplacés par les pauvres (Lc 14, 16-24) et la parabole du festin de noces royales - terminée par l'homme qui n'a pas mis son vêtement de noce (Mt 22, 2-10) n'ont rien à voir au niveau de la formulation et pas nécessairement non plus au niveau de la parénèse ... alors qu'elle sont présentées comme " homologues " par Marguerat (INT page 42). Et cet exemple n'est pas unique ... Il nous semble très curieux que ce fait - également indiscutable d'après nous - soit passé sous silence  :) 

On a donc un problème de cohérence de la source Q, si ces passages correspondent à des sources différentes, ils ne devraient pas être comptés dans la source " commune " qu'est sensée être Q. Il en va de même pour les passages de Jésus au désert, mais pour une autre raison : en effet Marc résume ce passage en 2 versets (Mc 1, 12-13) et on ne peut considérer qu'il serait absent de Marc, il ne s'agit donc pas d'un accord Mt/Lc contre Mc mais bien d'une triple tradition Mt // Mc // Lc, juste résumée par Marc.

Spoiler:

Nous avons vu plus haut que la source Q qui est commune du point de vue du modèle des deux sources (analyse par grande masses de « matériau littéraire ») était immédiatement plus complexe, si on pratiquait la comparaison au mot à mot. Ici la source dite « commune » est finalement l’assemblage de plusieurs sources, deux ou plus ….


E. Un autre point de vue : « Q » pourrait être le témoin des corrections de Luc sur Matthieu quand le texte de Marc fait défaut

Pierre Perrier compare - à égalité - l’hypothèse de la source Q et sa propre hypothèse (14, page 709 à 715) :

- D’une part : une source Q intégrée par un évangéliste matthéen – donc pas par Matthieu – et sans contact avec Luc pour composer l’évangile final selon Matthieu en grec [vers 80 ou +] ;

- D’autre part : Luc en provenance de Troas se rend à Jérusalem lors de l’année sabbatique 53/54 homogénéise son texte de référence écrit de catéchèse-liturgie annuelle dont la base est l’évangile oral [en araméen] reçu par lui de saint Paul  sur le texte de catéchèse-liturgie de Jérusalem qui est usage dans cette Église-Mère depuis 37 où Matthieu leur a laissé son texte de référence au moment de quitter la ville [pour Antioche].  

La première différence importante entre ces deux hypothèses est que la première porte sur la composition d’un texte écrit directement en grec vers 80 (Matthieu meurt en 54), alors que la seconde s’appuie sur un tradition orale en araméen, fixée par écrit en araméen - conservés à ce jour par plusieurs églises orientales - dont la première version est structurée en « colliers de récitation » (ou Karozoutha en araméen) est en 37 – et qui a été ultérieurement traduite en grec.

La seconde différence capitale est l’inversion de logique : ce n’est pas l’évangéliste matthéen qui rassemble ses sources : Marc et Q (selon l’hypothèse des deux sources), c’est Luc qui vient de Turquie consulter à Jérusalem et combler les lacunes de Marc sur la catéchèse-liturgie de Jérusalem composée en 37 par Matthieu et qui est en usage dans l’Église-Mère.

Spoiler:

Conclusion de Pierre Perrier :

- soit il s’agit de l’hypothèse de la source Q , alors elle témoigne d’une élaboration tardive par Marc peu avant 70 ;

- soit il s’agit de l’hypothèse de Luc venant vérifier en 53/54 sa tradition orale araméenne et son texte grec sur la tradition orale laissé par Matthieu en 37, alors c’est une vérification par Luc sur une tradition précoce et solide.

Pierre Perrier conclut sobrement : « le choix pour l’une ou l’autre hypothèse dépend de la fiabilité des présupposés initiaux ».


5. La phase orale et la généalogie du texte

Venant de la lecture de Pierre Perrier, cette question de l’oralité est la première que nous avons étudiée dans l’ouvrage de Marguerat. Mais cette question de l’oralité n’apparait que par petites touches dispersées. Cependant nous avons pu retenir quatre paragraphes plus développés sur cette question (spoiler).


A. Qu’est-ce que l’ouvrage de Marguerat nous apprend sur l’oralité ? Quelle est sa conception de l’oralité ?

+ Le premier paragraphe est intitulé « Les lois de l’oralité » ;
+ Le second paragraphe traite de la transmission rabbinique ;
+ Le troisième paragraphe décrit le langage maladroit de Marc en grec ;
+ Le quatrième paragraphe concerne « l’hypothèse de la tradition orale ».

Spoiler:

B. Finalement comment Marguerat voit-il la transition entre la tradition orale et l’écrit ?

La réponse, tirée de deux autres paragraphes (spoiler), est sommaire : « ce sont ces « micro-unités » ou « micro-récits » qui seraient le produit de la mise par écrit en grec directement à partir de la tradition orale. »

Il y a là deux ou trois hypothèses enchainées - tenues pour des évidences ... et c’est le postulat des micro-unités indépendantes (postulat fondamental de la Formgeschichte, INT page 15) qui sert de réponse à la question de la nature et de la fonction de la tradition orale par rapport à l’écrit grec. On est typiquement dans un raisonnement circulaire, c’est-à-dire où la réponse ne repose que sur le présupposé fondateur. Nous pouvons situer l’ambition de l’école de Marguerat sur la question de la transition de la tradition orale à l’écrit à partir que quelques paragraphes (spoiler).

Spoiler:

A la lecture du titre même de l’ouvrage : « Introduction au Nouveau Testament, Son histoire, son écriture, sa théologie » et des deux paragraphes ci-dessus (spoiler), on prend la mesure des ambitions de la Formgeschichte - et de l’école de Marguerat. Il est même suggéré que la critique formiste - de la forme, donc - aurait éclairé la « préhistoire » de micro-unités - c'est le postulat fondamental de la Formgeschichte, nous le répétons encore une fois ... parce que Marguerat ne cesse de le répéter lui aussi !

Mais cette prétention « à éclairer la préhistoire des textes » (INT page 31) est tout à fait exorbitante parce que :
Spoiler:

L’ouvrage de Marguerat ne répond ni à la question du passage de la tradition orale à l’écrit en grec - du point de vue pratique et historique -, ni à la question du fonctionnement de la tradition orale dans la catéchèse ou la liturgie – toujours du point de vue concret et historique.

Ici, notre conclusion est négative : l’école Marguerat n’a aucune conception claire la tradition orale. Les paragraphes dédiés à cette question sont particulièrement pauvres - dépourvus de référence bibilographique. Il est probable que Marguerat confond « la tradition orale » et la « communication orale », c’est-à-dire le fonctionnement déstructuré du « bouche à oreille ». L’ouvrage, de ce point de vue spécifique, reste enfermé dans la seule logique du processus littéraire de l’écrit grec. L’ouvrage qui revendique son approche historico-critique n’est pas dans l’histoire, il ne décolle pas du registre littéraire.

Il nous semble assez remarquable que selon Marguerat la source Q aurait donc une « histoire » (INT page 44) alors que l’ouvrage tend à démontrer que les évangiles, eux, seraient « une narration, mais pas une histoire » au sens où le récit évangélique ne renvoie nécessairement ni à une origine (Jésus), ni à des souvenirs exacts, ni à une généalogie de la transmission. On est dans le glissement de sens ou le travestissement des mots et on a un peu l’impression de marcher sur la tête ! Ce constat très négatif n’est pas vraiment contrebalancé par quelques observations plus justes sur le tout début du christianisme au lendemain de la Résurrection (spoiler)

Spoiler:

En dehors « l’histoire littéraire » du texte grec, l’ouvrage de Marguerat laisse complètement dans l’obscurité le fonctionnement et les réalisations de la tradition orale « vers 30 » jusqu’à « peu avant 70 » – date présumée de l’élaboration du premier évangile de Marc.

Pour terminer, il ne semble pas exister d’alternative - pour remonter l’histoire de l’évangile de Marc - que cette hypothèse de la source Q  

Spoiler:

C. Malgré l’absence de conception claire sur l’oralité, on a cependant quelques affirmations dispersées …

+ Des affirmations plus ou moins discutables sur :

- La tradition orale s’est surtout développée dans les milieux étrangers à la Grande Église (INT page 27) ;
- Les traditions empruntées à la Source Q sont supposée sous forme écrite parce qu’elles apparaissent dans le même ordre (INT page 41) ;
- Les traditions propres à Mt et Lc sont supposées non écrites en raison de le manque de constance littéraire et théologique (INT page 45) ;
- L’absence d’un évangile sémitique ou de trace historique d’une version ancienne de l’évangile de Matthieu (INT pages 46 et 90) ;
- Etc.

+ Des explications « bouche-trou » lorsque le modèle des deux sources devient insuffisant :

- Sur les éventuels contacts entre Marc et la Source Q : « Leur faible nombre conduit plutôt à attribuer les éléments communs à la tradition orale (F. Neirynck) » (INT page 43)

- Pour expliquer les deux versions QMt et QLc : « … sous la pression de la tradition orale. » (INT page 43)

Roque

Messages : 5064
Réputation : 23
Date d'inscription : 15/02/2011
Age : 80
Localisation : Paris

Revenir en haut Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat

Message  Roque Sam 19 Avr - 14:49

6. Comparons les deux hypothèses sur les « textes sources »


A. L'hypothèse de la source Q

Nous avons en premier lieu, l'hypothèse de la source Q. C'est un texte. Nous présentons ci-dessous la version qui est donnée dans l'ouvrage de Marguerat (INT page 42). Cette version compte 263 versets de Luc (spoiler)

Spoiler:


B. L'hypothèse de la karozoutha source à deux voix

En second lieu, l'hypothèse n'est pas un texte écrit ... puisqu'on le situe dans la tradition orale.

C’est une tash’ita – du verbe araméen she'a : gestuer. C’est une récitation gestuée à la façon des chansons de geste ou des contes. A l’origine, cette tash’ita est issue d'un témoignage qui ne peut reposer que sur deux témoins conformément à la Loi juive. Si « texte oral » est plus développé en rassemblant plusieurs tash'ita mises bout à bout, cet ensemble de témoignages est appelé karozoutha, c’est-à-dire : une proclamation d’un texte oral enchaîné selon un ordrage bien construit lui conférant une unité « littéraire ». La récitation de ces karozoutha était pratiquée lors des qoubala, c’est-à-dire : des « Banquets de la Parole » pouvant prendre place lors des noces, des deuils ou lors d’autres rencontres festives. Les qoubala sont des assemblées sans consécration eucharistique à la différence des qourbana. Ces karozoutha sont structurées en « perles » et « colliers » qui sont des moyens mnémotechniques – entre autres. L'annonce de la karozoutha signifie explicitement - encore aujourd'hui dans la liturgie en araméen - qu'il s'agit d'un rassemblement de témoignages et donc de voix diverses par l'évangéliste. Par contre, l'évangéliste est bien responsable de l'ordrage. Les questions de savoir si l'évangile serait de untel ou selon untel ou pourquoi l'évangile de Pierre par exemple serait appelé Evangile selon Marc sont donc sans objet, sauf pour ceux qui sont immergés dans le grec et on oublié les règles de la tradition orale.

Dans le spoiler un exemple qui permet de comprendre une des méthodes de reconnaissance de ces « perles » et « colliers » dans le texte araméen. C'est le « collier des petits » qui est entier et d'un seul tenant en Marc, mais est brisé et défectueux en Matthieu et Luc.

Spoiler:

C’est la récitation à deux voix à la manière des psalmodies qui a précédé la récitation à une voix. Les évangiles individualisés, par exemple, selon Marc (Pierre) et selon Jean ne sont apparus qu’ensuite – après plusieurs années - du fait du développement de la matière propre et donc de l’enrichissement de la cohérence propre de chaque tash’ita ou karozoutha individualisée.

Le témoignage alterné de Pierre (Marc) et Jean entre dans le contexte des cinq premiers chapitres des Actes des Apôtres où on voit que les « piliers de l’Eglise » sont Pierre et Jean, ces 5 premiers chapitres correspondant aussi au quatre premières années de l’Eglise Mère. D’après Pierre Perrier cette karozoutha source à deux voix comprend 571 versets - soit deux fois plus que la source Q - aurait été mise en point dans le cercle des apôtres, des diacres (les « 72 ») formés par Jésus et les Douze et par le cercle des femmes, dont Marie. Cette karozoutha source aurait été réalisée dans les deux années après l’Ascension, soit en 32 (16, page 193) - en situant l’Ascension en 30.

Spoiler:


C. L’intérêt comparé de ces deux sources hypothétique

L’hypothèse de la source Q a des problèmes de cohérence comme signalé précédemment : certaines péricopes semblent être de sources différentes et le récit de Jésus au désert n'est pas absent de Marc. Par conséquent l'appartenance de ces péricopes (Lc 6, 20-26 ; Lc 14, 16-21, Lc 19, 16-26) et du récit de Jésus au désert (Lc 4, 1-13) à la source Q reste discutable (33 versets).

Cette source Q montre une théologie appuyée sur le thème du Fils de l’Homme qui vient – aussi distante des controverses sur la Torah que de la fin tragique de Jésus. Par ailleurs la « communauté Q » est complètement hypothétique, ainsi que le rattachement éventuel aux ébionites.

L’hypothèse de la karozoutha source à deux voix est surprenante par sa précocité. Elle l’est moins si on prend en compte l’hypothèse d’un enseignement initié et organisé par Jésus, Lui-même : un enseignement de premier degré ou malpanoutha comme le discours sur la montage de Matthieu, puis un enseignement en cascade par les Douze, prenant chacun 6 disciples à la manière rabbinique, ce qui donne lieu aux « 72 ». Cet enseignement au « 72 » aurait été le second degré, le troisième degré – toujours à la manière rabbinique - étant l’enseignement de Jean.

Cette karouzoutha source à deux voix est appuyée sur de multiples thèmes depuis Jean-Baptiste – citant en particulier les textes où Jésus appelle la totalité des Apôtres - jusqu’à la Résurrection avec un « collier central » sur le Pain de Vie. La communauté de la Grande Eglise, l’Eglise Mère de Jérusalem, celle de Jacques le mineur, frère du Christ n’est pas du tout hypothétique. Cette hypothétique karouzoutha source à deux voix pourrait très bien lui appartenir par la forme de récitation orale et par le fond clairement rattaché à trois grandes branches du témoignage de l’Eglise : Pierre (Marc), Jean et Paul (Luc). Mais cette karouzoutha source à deux voix ne peut pas être un texte ébionite puisqu’ils ne reconnaissent pas que Jésus puisse être le Fils de Dieu, dénomination présente à plusieurs reprises dans cette karozoutha source (Jn 1, 34 ; Jn 1, 49 et 51 ; Jn 3, 36 et Jn 5, 25).


I
II
III
IV
V
VOCATIONS
MIRACLES
PAIN DE VIE
PASSION
RESURRECTION
Jean Baptiste
Noces de Cana
Multiplication
Gethsémani
Myrrhophores
Jean Précurseur
Possédés
Pains et poissons
Arrestation
Marie Madeleine au tombeau
Jean Baptiste enseigne
Belle mère
Marche sur la mer
Procès du Sanhédrin
Femme et ange
JB / Messie
Enfant de Cana
Rituels
Procès de Ponce Pilate
Pierre et Jean au tombeau
Jean baptise Jésus
Paralytique
Transfiguration
Flagellation
Jésus et Marie Madeleine
Jean témoigne
Paral. Jésus
Pain de Vie
Condamnation à mort
Jésus et Marie Madeleine
Jésus est tenté
Aveugle de Bethsaïda
Entrée au temple
Croix
Manque de foi
JB envoie à Jésus
Aveugle au Temple
Célébration de Pâques
Jésus - Marie
Jésus et les 10
Jésus appel des 4
Fille de Jaïre
Lavement des pieds
Lance
Jésus et Thomas
Jésus appel des 2
Lazare
Eucharistie
Tombeau
Envoi
Commandement d'amour


Plusieurs choses nous semblent difficiles à expliquer, cependant :
- La coutume du témoignage à deux voix veut que ce soit le témoin le plus important qui parle en premier. Cependant on voit qu’à plusieurs reprises, c’est Jean qui témoigne en premier ;
- La taille très variable des « perles » : de 1 à 45 versets !! On a l’impression d’un découpage arbitraire destiné à justifier la « régularité » des 8 « colliers » de 5 « perles » de cette karozoutha source à deux voix. Ces 45 versets – par exemple ceux du passage sur la résurrection de Lazare - constituent en fait le « collier de la montée et de la dernière semaine » qui compte 10 «  perles » (17, page 911). Il y a donc une contradiction dans les termes.
- La présence de versets selon Luc paraît incongrue. Mais l’explication pourrait être que ces versets faisaient à l’origine partie de l’enseignement de second degré aux « 72 disciples-serviteurs » c’est à dire les diacres. Ces versets auraient donc existé pendant la vie publique de Jésus (spoiler)

Spoiler:

Sources

1. Jésus de Nazareth. Nouvelles approches d’une énigme. D. Marguerat ; E. Norelli et J.M. Poffet. Ed. Labor et Fides. 1998. ISBN 2-8309-0857-0. Chapitre rédigé par Kloppenborg : pages 226 à 268 ;
2. http://introbible.free.fr/p2syn.html
3. http://larevuereformee.net/articlerr/n200/la-datation-des-evangiles
4. Évangiles de l’oral à l’écrit. Pierre Perrier. 2007. Page 292. Ed Sarment. ISBN : 2-86679-296-3
5. http://wiki.ebior.be/index.php?title=Synopse_(I_)_:_Le_fait_synoptique
6. http://wiki.ebior.be/index.php?title=Synopse_(II)_:_th%C3%A9ories_et_mod%C3%A8les
7. http://wiki.ebior.be/index.php?title=Synopse_(III)_:_La_th%C3%A9orie_des_Deux_Sources
8. http://wiki.ebior.be/index.php?title=Accueil*
9. http://evangile-et-liberte.net/elements/horserie/001.html
10. http://fr.wikipedia.org/wiki/Probl%C3%A8me_synoptique
11. « Q » ou la source des paroles de Jésus. N. Siffer et D. Fricker; Ed. Cerf. Lire la Bible. 2010. ISBN : 978-2-204-08388-1
12. http://www.jlturbet.net/article-34016881.html
13. http://protestantsdanslaville.org/gilles-castelnau-spiritualite/gc62.Q1.htm
14. Évangiles de l’oral à l’écrit. Les colliers évangéliques. Pierre Perrier. Ed. Sarment. 2003. ISBN : 2-8667-9358-7.
15. Birger Gerhardsson : « Préhistoire des Évangiles. 1978. Lire la Bible n° 48 »
16. La transmission des Évangiles. (pages 125-128). Pierre Perrier. Ed Sarment. ISBN : 2-8667-9422-2
17. Évangiles de l’oral à l’écrit. Les colliers évangéliques. Pierre Perrier. Ed du Sarment. ISBN : : 2-8667-9358-7.

Comme illustration une vidéo, malheureusement trop longue et médiocre du seul point de vue vidéo, mais qui donne quelques informations intéressantes sur la karozoutha (34 mn) et sur les 5 perles alternées de la karozoutha source à deux voix (1 heure) : https://www.youtube.com/watch?v=VhJR2CFgPU0


Dernière édition par Roque le Mer 23 Avr - 11:14, édité 8 fois

Roque

Messages : 5064
Réputation : 23
Date d'inscription : 15/02/2011
Age : 80
Localisation : Paris

Revenir en haut Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat

Message  -Ren- Sam 19 Avr - 17:28

Merci pour ton travail !
(et bravo pour le tableau ;) )

_________________
...S'il me manque l'amour, je suis un métal qui résonne, une cymbale retentissante (1 Cor XIII, 1)
>> Mon blog change d'adresse pour fuir la pub : https://blogrenblog.wordpress.com/ <<
-Ren-
-Ren-

Messages : 17475
Réputation : 29
Date d'inscription : 10/02/2011
Age : 46
Localisation : France

https://blogrenblog.wordpress.com/

Revenir en haut Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Pour compléter les informations sur la véracité ou non des infos des évangiles

Message  rocheclaire Sam 24 Mai - 18:25

Deux liens entre autre concernant André Sauge qui a écrit longuement sur Luc (à partir du grec ancien) :

blog médiapart

livres

Après on peut aussi considérer que les récits qui se sont construits autour de la vie de Jésus au fil des siècles, sont de l'ordre d'une mythologie contemporaine et à ce titre intéressante comme production humaine (voir Jung et la mystique !)

rocheclaire

Messages : 4
Réputation : 0
Date d'inscription : 24/05/2014

Revenir en haut Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat

Message  Roque Sam 24 Mai - 23:42

rocheclaire a écrit:Deux liens entre autre concernant André Sauge qui a écrit longuement sur Luc (à partir du grec ancien) :

blog médiapart

livres
Je ne connais pas cet auteur, par contre j'ai vu l'émission à laquelle il fait allusion.

rocheclaire a écrit:Après on peut aussi considérer que les récits qui se sont construits autour de la vie de Jésus au fil des siècles, sont de l'ordre d'une mythologie contemporaine et à ce titre intéressante comme  production humaine (voir Jung et la mystique !)
Cette idée a pénétré même le milieu catholique. J'ai une amie catholique qui pense a peu près cela des Evangiles : " c'est un mythe, on peut y croire parce que cela porte sens " (j'ajoute : " même si ce n'est pas vrai - car un mythe est indéniablement utile car porteur de sens mais repose sur des fables).

Avant de se jeter sur les conclusions des uns et des autres, il est capital de bien identifier les prémisses et la méthode (*) :

Je lis dans l'article Wikipédia sur Bultmann : " Il a développé la « démythologisation » du Nouveau Testament en cherchant à replacer la prédication de Jésus-Christ dans son contexte historique pour en dégager le noyau intentionnel. "

L'expression : " Bultmann a cherché à replacer .... " signifie qu'il s'agit de son intention. Mais qu'en est-il en réalité ? C'est à dire qu'en est-il du fonctionnement rationnel objectif, par exemple dans l'ouvrage collectif dirigé par Marguerat (Introduction au Nouveau Testament) que j'étudie dans ce sujet et dont le fondement théorique repose en grande partie sur la théorisation de Bultmann, c'est à dire la Formgeschichte ?

En effet, ce très long sujet, sans doute très mal écrit (mais ce n'était pas le but), m'a quelque peu éclairé sur ces questions : en quoi consiste la position de la Formgeschichte, comment fonctionne-t-elle rationnellement ? Et avant de vous en dire quelque chose, j'aimerais savoir ce que vous en pensez : vous, si vous avez eu le temps de vous pencher sur cette question.  :) 

Ma question sera donc la suivante : " D'après vous, croyez-vous (*) que la démythologisation -  dans sa rationalité donc - résulte :

1. d'un travail d'analyse aboutissant à découvrir, puis à opérer, effectivement, la distinction entre les mythes et le " noyau intentionnel " des Evangiles

ou bien :

2. de postulats commandant le choix de la grille d'analyse, même et tout ce qui suit (je veux dire : l'estimation de la cohérence textuelle, le découpage du corpus, la sélection des styles ou des contenus jugés mythiques, le choix des sources patristiques valides ou non, la sélection des arguments allant dans le sens des postulats ou des arguments critiques des thèses adverses, etc ... et enfin : les options d'école : historiques, exégétiques, stylistiques, etc ... en un mot les prises de position dans les cas où plusieurs solutions historiques, exégétiques, stylistiques, etc ... sont également possibles ou sont difficiles à départager ? ")

Autrement dit : cette belle rationalité repose-t-elle sur des déductions ou - au contraire - sur des postulats cherchant à se justifier par la construction d'un argumentaire approprié ?

Autre question  :)  : " Croyez-vous à une vérité critique sur les Evangiles en ce début du XXIème siècle, établie par cette méthode historico-critique, spécifiquement celle qui fut initiée par Bultmann, c'est à dire la Formgeschichte ? " (en effet, il existe d'autres méthodes historico critiques que celle de la Formgeschichte).

Roque

Messages : 5064
Réputation : 23
Date d'inscription : 15/02/2011
Age : 80
Localisation : Paris

Revenir en haut Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Je ne crois en rien je sais intuitivement

Message  rocheclaire Dim 25 Mai - 10:36

André Sauge a étudié l'évangile de Luc par une analyse scientifique des écrits les plus anciens grecs ! il a découvert qu'il y avait des ajouts plus récents en grecs et en enlevant ses ajouts il conclue que le Christ en tant que tel n'est pas Jésus, que l'enseignement de jésus n'a rien à voir avec la fondation d'une Eglise, qu'il n'y avait pas spécialement d'apôtres, etc.
C'est un ami très proche d'André Sauge qui m'a expliqué cela...
Après je trouve tous ces débats intellectuels passionnants mais pas foncièrement nécessaire à mon rapport à la religion à la foi... En quoi cela va modifier mon comportement dans la vie de tous les choses ?
J'ai une formation de conteuse et considérer les récits bibliques comme une mythologie fondatrice de l'occident m'est plus abordable [url=ww.cgjung.net/publications/jung-et-la-mystique.htm]livre qui aborde le point de vue de Jung [/url]

Livre qui m'a passionné parce qu'ils ouvrent des perspectives très intéressantes sur le concept de Dieu lui même et en quoi et comment incarner cette libido dieu comme il dit lui-même et son point de vue sur Jésus est à ce titre instructive !

Le problème pour moi n'est pas la vérité scientifique mais comment cette histoire qui est dans nos consciences occidentales voire plus nous imprègne et modifie notre comportement...

rocheclaire

Messages : 4
Réputation : 0
Date d'inscription : 24/05/2014

Revenir en haut Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Pour éclairer le lien sur Jung et la mystique

Message  rocheclaire Dim 25 Mai - 10:56

Jung et la mystique
Jung et la mystique de Steve MelansonSteve Melanson est l’auteur du livre "Jung et la mystique", ré-édité au mois d'août 2011. A cette occasion il a accepté de répondre à nos questions.

cgjung.net La mystique aujourd’hui a une connotation péjorative, comment l’expliquez vous ?

Steve Melanson Comme bien des mots, celui de « mystique » est galvaudé, utilisé à toutes les sauces. En Amérique, c’est même le nom d’une voiture ! Mais il faut comprendre que la mystique est aussi une expérience si rare qu’on ne peut qu’exceptionnellement savoir de quoi il s’agit réellement.

Si nous n’étions que deux sur mille à tomber amoureux, le mot « amour » aurait la même connotation péjorative. En plus de cela, le rationalisme et le positivisme scientifique ont réussi à bien ridiculiser tout ce qui ne correspondait pas à leurs dogmes.
Comment définissez-vous la mystique chrétienne ?

La mystique chrétienne est une noyade dans un feu puissant qui surgit de l’intérieur de soi. On s’y perd dans une énergie qui a la saveur de l’amour et de l’infini. Au réveil de l’expérience, on est convaincu d’avoir été uni à Dieu.
Quel rôle a joué l’œuvre de Maître Eckhart auprès de Jung ?

Maître Eckhart a offert à Jung un point de repère historique lui montrant que d’autres avant lui avaient considéré que le Dieu de l’expérience mystique, celui qui nous prend, est avant tout connu dans l’âme.

Une telle perspective change tout, car on sait alors que la source d’un tel vécu psychique demeure inconnue. Eckhart aurait été ainsi le premier à penser « la relativité de l’idée de Dieu ». Dieu, en tant qu’expérience, est toujours relatif à la psyché, c’est-à-dire vécu dans et connu par la psyché. De la source de l’expérience, on ne peut ni rien dire ni rien connaître…
Quelle est la place de l’expérience religieuse dans la pensée et la psychothérapie jungienne ?
« Pour Jung, on ne guérit totalement que lorsqu’on a vécu une telle expérience intime et fondatrice au sein de sa propre psyché. »

Fondamentale. Pour Jung, on ne guérit totalement que lorsqu’on a vécu une telle expérience intime et fondatrice au sein de sa propre psyché. Ce type d’expérience a toujours une saveur religieuse. Elle donne du sens et rend autonome dans sa pensée.

Mais Jung reconnaissait que tous n’avaient pas à se rendre à ce degré de guérison qui exige souvent un cheminement hors du commun.
Peut-on augmenter les chances de connaître l’expérience religieuse ?

Oui, mais sur cette voie, il y a de réels écueils, comme l’inflation ou même la schizophrénie. « Plus Dieu est proche, plus le danger est grand, » écrivait Jung. Alors, ne devraient y cheminer que ceux dont leur nature l’exige et surtout lorsqu’ils sont bien accompagnés par un « directeur de conscience ».
Quelle place accordez-vous à la synchronicité ?

Dans la vision jungienne qui explique le sens des choses (son mythe, dirait-il), la synchronicité est centrale. C’est de cette source que tout émane, c’est par celle-ci que tout advient et c’est vers celle-ci que tout retourne.

La synchronicité c’est l’ici et le maintenant. Objectivement, il n’y a, au fond, rien d’autre que l’expression de la synchronicité. Subjectivement, l’homme doit y harmoniser son existence pour réaliser l’œuvre de sa propre individuation.
Quelle est la part du mal dans le christianisme moderne ?
« La question du mal est pressante et le christianisme l’élude depuis toujours. »

Pour être moderne et continuer d’exister, le christianisme doit se renouveler. La question du mal est pressante et le christianisme l’élude depuis toujours en disant, d’une part, que le mal n’existe pas (privatio boni) ou, d’autre part, que le mal c’est toujours l’autre qui l’incarne (les non-chrétiens, Satan, etc.)

Le mal existe – et dans la chrétienté aussi – , il fait partie de la création. Le mal est un fait. Le christianisme se doit de se confronter à la question et expliquer d’une manière ou d’une autre comment son Dieu qui a tout créé… a pu aussi créer le mal. Le christianisme moderne doit prendre conscience du mal. C’est la seule voie pour quiconque veut cesser d’en être le jouet.
Y a t’il une mystique moderne ?

Si la mystique moderne existe, elle ne peut plus se contenter de se fondre dans le feu divin. Aujourd’hui, l’homme doit être responsable de « sa part » et marcher d’un pas assuré au côté du divin qu’il expérimente. Jung utilisait l’expression Deus et homo, Dieu et l’homme.

La mystique moderne doit tenir compte du terrestre, du temps et de l’espace, du mal et de l’humain. Dorénavant, l’expérience se doit d’éclore dans la conscience où tout se joue, et non plus se fondre dans le seul Dieu bon, unilatéral.
Comment peut-on empêcher les forces destructrices de poursuivre leur œuvre de destruction ?
« On est toujours la marionnette de ce dont on est inconscient en soi. »

On ne pourra empêcher les forces destructrices de poursuivre leur œuvre de destruction qu’en devenant chacun réellement autonome. C’est-à-dire en devenant conscient des influences extérieures et intérieures (inconscientes) qui nous agitent malgré soi.

L’essentiel de l’œuvre des forces destructrices est fait par l’entremise de notre inconscience : on est toujours la marionnette de ce dont on est inconscient en soi. Une addition suffisante d’hommes et de femmes conscients du mal qu’ils portent pourrait ainsi prévenir le pire.
À qui s’adresse votre ouvrage ?

À tous ceux qui s’intéressent à Jung en général, car ce livre synthétise d’une manière nouvelle et éclairante les notions clés de la pensée jungienne. Aussi à tous ceux qui s’intéressent aux questions de l’expérience religieuse et en particulier à celles la mystique. Enfin, et peut-être surtout, à ceux qui cherchent un point de vue réconfortant sur les questions religieuses qui leur permettrait de mieux développer une vie spirituelle pleine, ouverte et sans culpabilité.
Steve Melanson

Professeur de philosophie au Québec et œuvrant comme analyste, Steve Melanson est titulaire d’un doctorat en Sciences des religions (Université du Québec à Montréal) et d’une maîtrise en philosophie (Collège dominicain d’Ottawa).
Éditions Sully - Préface de Michel Cazenave - 184 pages

rocheclaire

Messages : 4
Réputation : 0
Date d'inscription : 24/05/2014

Revenir en haut Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat

Message  Idriss Dim 25 Mai - 18:09

rocheclaire a écrit:Deux liens entre autre concernant André Sauge qui a écrit longuement sur Luc (à partir du grec ancien) :

blog médiapart

livres


André Sauge a écrit:Il y a un peu plus de deux ans j'ai fait paraître chez Publibook une recherche sur les origines des Eglises chrétiennes sous le titre "Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ [...] Les deux volumes de la recherche étaient suivis d'un troisième, la traduction en français de l'enseignement de Jésus de Nazareth, précédée d'une présentation (synthèse de la recherche) ; le volume est intitulé "Actes et Paroles authentiques de Jésus de Nazareth". Le travail est fondé sur un examen détaillé, précis, rigoureux des documents les plus anciens du christianisme, sur la lecture du grec aussi attentive qu'il est possible. Il permet de mettre en évidence que la figure du "Christ" est une fabrication, par des prêtres juifs dissidents, dits "sadocides" du début du 2e siècle, que Jésus de Nazareth n'a fondé aucune Église, qu'il n'a jamais eu aucun apôtre auprès de lui, qu'il a remis en cause de manière radicale deux piliers du judaïsme, le temple et la loi d'Alliance

Nous avons là le pendant de En 650/70 Mahomet n'existe pas: https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t2197-sden-650-70-mahomet-n-existe-pas !
Dommage que Cenuij n'en soit plus.... ^^ 

Cependant ici la méthode employé par André Sauge à partir du Grec pour trier semble avoir son intéret, ou pour le moins mériterait qu'elle soit discuté non!
Ceci dit cela à l'air très technique et pointu...je ne sais ce qu'en pense nos spécialistes du grec maison!

Idriss
Idriss

Messages : 7124
Réputation : 35
Date d'inscription : 25/05/2012

Revenir en haut Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat

Message  Idriss Dim 25 Mai - 18:18

rocheclaire a écrit:Jung et la mystique

Bonjour Rocheclaire
Jung mériterait sans doute un sujet à lui tous seul!
Peut-être pourrions nous considérer que le sujet a été commencé ici: https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t1350-sd-les-energies-de-l-ame-cgjung

Mais peut-être serait-il utile de refaire une présentation rapide de Jung et de son œuvre pour ceux qui ne connaissent pas ( Comme cela a été fait pour Guénon...)
Idriss
Idriss

Messages : 7124
Réputation : 35
Date d'inscription : 25/05/2012

Revenir en haut Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat

Message  Roque Dim 25 Mai - 20:31

Je vous situe déjà mieux, c'était un peu le rôle de ma question de départ ... assez hard, je dois l'avouer ...  :)  Si vous ne voulez pas vous situer sur ce terrain aride si loin de la foi, je ne peux pas vous blâmer.
rocheclaire a écrit:André Sauge a étudié l'évangile de Luc par une analyse scientifique des écrits les plus anciens grecs !
Bon, ce n'est pas vraiment un atout. Les exégètes parlent habituellement hébreu, araméen et grec au minimum et vous allez immédiatement voir pourquoi.
rocheclaire a écrit:il a découvert qu'il y avait des ajouts plus récents en grecs et en enlevant ses ajouts il conclue que le Christ en tant que tel n'est pas Jésus, que l'enseignement de jésus n'a rien à voir avec la fondation d'une Eglise, qu'il n'y avait pas spécialement d'apôtres, etc. C'est un ami très proche d'André Sauge qui m'a expliqué cela...
Cette analyse de la stratification littéraire du texte grec est un grand classique. Ce découpage des strates de rédaction se pratique, en partie, par interprétation du développement des thématiques. Or personne ne peut garantir que cette méthode ne soit pas entaché de la subjectivité de l’exégète. Sur le texte grec cette stratification n’est pas parfaitement objecte, c’est une limite indépassable. Ce qui est sûr c'est que la « découverte » de strates dans les Evangiles – si elle est avérée – ne peut mener que vers l’hypothèse d’une « évolution » de la pensée de ces Evangiles, c’est la « théorie évolutionniste » dans les Evangiles. Cette théorie tient une place majeure dans les conclusions de la Formgeschichte et de l’ouvrage de Marguerat - à tel point que pour cette école les Evangiles ont été écrits certainement pas par les témoins oculaires et même probablement par des auteurs inconnus n'ayant pas même connus ces témoins oculaires.

Mais les exégètes qui connaissent les textes d'Evangiles en araméen affirment au contraire que de grands pans des Evangiles ont été rédigés simultanément, les témoins directs collaborant ensemble pour donner chacun les différents Evangiles " selon " Matthieu, Marc, Luc et Jean. C’est la critique interne qui le prouve. Disons pour résumer très fort que les récitatifs sont constitués de « colliers » de 5 « perles » de façon parfaitement régulière sur tout l’ensemble des Evangiles (lequels sont composés à partir de 18 " colliers " avec des variantes.

LES EVANGILES EN ARAMEEN:

Sur ces textes araméens on a également découvert des rédactions successives. Elles ont été découvertes - non à partir de l’interprétation des thématiques - toujours subjective - mais sur : 1. Les ruptures de régularité des « colliers » et par 2. La comparaison des mêmes « colliers » homologues entre les quatre Evangiles. Il apparaît que ce sont les « colliers » ou « perles » additionnels qui viennent rompre la régularité des « colliers » les plus anciens. C’est logique et c'est un procédé beaucoup plus objectif de répérage des strates de rédaction, mais certainement rien n’est parfait ! Pour l'Evangile de Jean, notamment, on a identifié quatre strates de rédaction successives.
rocheclaire a écrit:Après je trouve tous ces débats intellectuels passionnants mais pas foncièrement nécessaire à mon rapport à la religion à la foi...
Effectivement si votre foi ne s'appuie pas sur le Verbe de Dieu « venu dans la chair », ces questions de fond sont sans aucune importance. Cependant si convenir que les Evangiles n’ont rien à voir avec le Jésus de l’histoire est sans importance pour vous, nier la valeur de témoignage des Evangiles et c'est faire finalement comme si Jésus-Christ n'avait jamais existé. Je ne peux en dire plus car je n'ai pas encore bien conceptualisé les conséquences de négation de la valeur de témoignage des Evangiles. Le titre : " La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat " fait allusion à mon intuition de départ qui est que le questionnement de l'école de Marguerat fait disparaître la Parole de Jésus-Christ sous un amas de questions pour lesquelles la méthode de la Formgeschichte, elle-même, n'a pas compétence pour répondre, que le texte des Evangiles disparaît - c'est à dire est totalement disqualifié - sous un processus d'analyse foisonnant butant sur des questionnement indécidables. Ce titre signifie donc que " Qu'il n'y a plus de poisson (Jésus-Christ) dans la sauce Marguerat " Idriss - qui est musulman, ne s'y est d'ailleurs pas trompé puisqu'il met ce sujet en parallèle avec un sujet niant l'existence de Muhammad.
Idriss a écrit:Nous avons là le pendant de En 650/70 Mahomet n'existe pas: https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t2197-sden-650-70-mahomet-n-existe-pas !
rocheclaire a écrit:En quoi cela va modifier mon comportement dans la vie de tous les jours ?
C’est simple et radical : « S'il n'y a pas de résurrection des morts, Christ non plus n'est pas ressuscité, et si Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est vide et vide aussi votre foi. Il se trouve même que nous sommes de faux témoins de Dieu, car nous avons porté un contre-témoignage en affirmant que Dieu a ressuscité le Christ alors qu'il ne l'a pas ressuscité, s'il est vrai que les morts ne ressuscitent pas. Si les morts ne ressuscitent pas, Christ non plus n'est pas ressuscité. Et si Christ n'est pas ressuscité, votre foi est illusoire, vous êtes encore dans vos péchés. Dès lors, même ceux qui sont morts en Christ sont perdus. Si nous avons mis notre espérance en Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. » (1 Co 15, 13-19)

Je pense que les chrétiens qui persistent dans la foi (c'est bien !) en se disant " Il faut quand même y croire, même si c'est faux, parce que cela porte sens " (c'est la position du christianisme libéral) ont choisi de suivre un leurre qui leur fait plaisir, qui flatte leur sens de l'absolu, mais ils poursuivent une chimère. C'est leur droit. Heureusement que je n'en suis pas là car - pour moi - je risque simplement d'envoyer tout par dessus bord - sauf à conserver la foi en Dieu - mais pas dans le christianisme, alors.

Mon intérêt pour la question de fond - très hard - que je vous ai posée plus haut vient de là. L'évolution du christianisme de " frères " protestants - car enfin Bultmann, comme Marguerat sont, en principe, chrétiens (protestants) - qui annulent ainsi le témoignage du Verbe de Dieu et Fils Unique du Père semble me contraindre à épuiser jusqu'au bout cette théorie de  Bultmann laquelle, au fond, ne repose que sur ses postulats, qui n'est donc ni rationnelle, ni scientifique - mais une opinion comme une autre.
rocheclaire a écrit:J'ai une formation de conteuse et considérer les récits bibliques comme une mythologie fondatrice de l'occident m'est plus abordable [url=ww.cgjung.net/publications/jung-et-la-mystique.htm]livre qui aborde le point de vue de Jung[/url]
Tout d'abord, la structure de conte des Evangiles a été signalée par plusieurs auteurs, j'en connaissais un qui était missionnaire ay Tchad, cela ne peut étonner puisque Jésus a bien pu utiliser des procédés apparentés notamment dans les paraboles. Ce sont aussi des procédés de tradition orale qu'Idriss connaît bien.
rocheclaire a écrit:Le problème pour moi n'est pas la vérité scientifique mais comment cette histoire qui est dans nos consciences occidentales voire plus nous imprègne et modifie notre comportement...
Moi je crois d'abord à la mystique, à la puissance de la grâce de Dieu - c'est à dire à l'avancement intérieur dans le temps long en rapport quotidien avec Dieu - et non à cette approche de la Formgeschichte ou une approche " rationnelle ", théologique ou autre. Mystique, signifie pour moi d'abord la prière régulière, quotidienne (90%) et beaucoup moins à l'intuition (10%). La manifestation de Dieu qui vient nous toucher, nous transformer j'y crois. J'ai découvert cela assez subitement - par expérience personnelle - assez tard alors que ma formation catholique ne m'y avait pas du tout préparé. Je ne connaissais ni ne croyais avant à ce genre d'expérience. Mon expérience comparée de la psychanalyse (11 ans), du zen (15 ans) et du christianisme (60 ans, mini) m'a montré - cela n'est valable que pour moi, bien entendu - que la psychanalyse n'entraîne pas d'expérience spirituelle, alors que le zen et le christianisme : si.

Pour finir, je connais beaucoup mieux Freud que Jung, je ne pourrai pas être un bon interlocuteur sur la question de Jung.

Roque

Messages : 5064
Réputation : 23
Date d'inscription : 15/02/2011
Age : 80
Localisation : Paris

Revenir en haut Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat

Message  Idriss Dim 25 Mai - 22:21

Roque a écrit:[/i][/color] " Idriss - qui est musulman, ne s'y est d'ailleurs pas trompé puisqu'il met ce sujet en parallèle avec un sujet niant l'existence de Muhammad.
Idriss a écrit:Nous avons là le pendant de En 650/70 Mahomet n'existe pas: https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t2197-sden-650-70-mahomet-n-existe-pas !

Le parallélisme était trop tentant, avec la même période de 2 siècles avant la fixation d'un récit structuré. Cependant j'ai précisé aussi que les méthodes dans chacun des cas n'avaient rien en commun.
Quoi qu'il en soit , il me semble que nous sommes bien dans le sujet et que si l'esprit reste bon, la confrontation des arguments peut-être fructueux.
Perso j'ai appris des choses dans le sujet sur en 650/70 Mahomet n'existe pas.
Maintenant le sujet développé ici est extrêmement pointu et l'idéal serait que si ce n'est Marguerat lui-même un spécialiste de son œuvre puisse répondre.

Et en effet et enfin , la rhétorique sémitique trouve-t-elle son compte dans ces thèses? Si il y a eu ajout et strates, la structure rhétorique sémitique devrait s'en trouvé perturbée: "qu'en est-il?"
Cette question a-t-elle été envisagé par Marguerat ou Sauge ...nous le seront sans doute jamais.
Mais si les spécialistes se recoupaient un plus cela permettrait peut-être d'avancer ...

Idriss
Idriss

Messages : 7124
Réputation : 35
Date d'inscription : 25/05/2012

Revenir en haut Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat

Message  Roque Lun 26 Mai - 14:22

Idriss a écrit:Le parallélisme était trop tentant, avec la même période de 2 siècles avant la fixation d'un récit structuré. Cependant j'ai précisé aussi que les méthodes dans chacun des cas n'avaient rien en commun.
Mais ce parallèle est juste en partie. J'avoue que je n'ai pas suivi ce fil sur " en 650/70 Mahomet n'existe pas " ... c'est trop caricatural. Ca me m'intéresse pas plus que " Jésus était Jules César " ou " Jésus et le Migou au Tibet ". Coté Jésus, la critique provient essentiellement des postulats de l'analyse de la forme (style littéraire) des Evangiles (il y a une une critique du Jésus qui n'aurait pas existé historiquement, mais semble qu'elle soit à bout de souffle, je ne sais pas exactement pourquoi, cela est peut-être expliqué par le " Jésus de la première quête " ???), coté Muhammad ça doit venir plutôt du côté historique avec la mise ne cause de la " source " (Descente de la Révélation ou la Bible).
Idriss a écrit:Maintenant le sujet développé ici est extrêmement pointu et l'idéal serait que si ce n'est Marguerat lui-même un spécialiste de son œuvre puisse répondre.
Très peu probable, Marguerat est un grand exégète international, adulé, louangé (mon impression : une " diva " soignant sa communication) dans le cercle du " christianisme libéral " - qui est en fait plus ou moins un " christianisme sans Jésus ", puisque le texte des Evangiles est bidon, selon eux. Mais comme ils disent : " On peut y croire parce que ça porte sens " - une formule hypocrite pour éviter de choquer en milieu chrétien et disant que le Jésus des Evangiles est une imposture. Et pourtant, ce sont bien des " chrétiens " puisse n'importe qui peut se parer de cette appellation.  :) 
Idriss a écrit:Et en effet et enfin , la rhétorique sémitique trouve-t-elle son compte dans ces thèses? Si il y a eu ajout et strates, la structure rhétorique sémitique devrait s'en trouvé perturbée: "qu'en est-il?"
Je vais relire encore le passage là dessus, mais ce qui s'est passé c'est approximativement ceci (par exemple car il faut que je vérifie les chiffres exacts) :
- à partir d'un noyau de petite dimension sur la Passion et la Résurrection (précoce par rapports aux événements) ;
- a été composé un texte plus cohérent  de 25 colliers (?) 5 perles - sur une organisation générale qui serait homologue de l'organisation le Cantique des Cantiques ;
- puis, cet ensemble aurait été porté ensuite à 80 colliers (?) 5 perles (en conservant les 25 premiers colliers), et enfin :
- Une nouvelle addition finale d'autres " colliers " (toujours sur base des rédactions antérieures) avec des formes de tissage complexes : en torsade ou polysémiques comme j'en ai donné l'exemple dans le fil sur la rhétorique sémitique. 

Je ne connais pas exactement d'où viennent ces " colliers " additionnels et s'ils correspondent ou non aux " colliers " des autres Evangiles ... il faut que je travaille ce point, mais c'est toujours le même système oral (colliers et perles) qui prévaut sur la totalité de l'Evangile de Jean - d'après ce que j'ai compris. Il n'y a pas de texte " non oral " dans les Evangiles en araméen. D'après ce que j'ai compris, toujours, cette structure orale se retrouve dans les 12 premiers chapitres des Actes et dans l'Evangile de Thomas (un texte à tendance gnostique).

Les perles additionnelles peuvent réaliser une " brisure " d'un collier comme ABCB'XA'YZY'X' mais en conservant le collier d'origine, c'est parfois nécessaire pour insèrer les colliers additionnels quelque part, lors de la composition pour respecter des questions de cohérence thématique ou rythmique (enfin, il faut que je relise à fond pour ne pas dire des bêtises ...).
Idriss a écrit:Cette question a-t-elle été envisagé par Marguerat ou Sauge ...nous le seront sans doute jamais.
L'existence de texte en araméen est quasiment niée par ces tendances libérales, il ne connaissent que le texte en grec (et c'est un peu pareil chez les catholiques). Dans l'ouvrage de Marguerat ce qui est dit sur la tradition orale (quelques posts ci-dessus), c'est complètement nul : confusion avec le bouche à oreille et de vagues racontars, contestation des capacités de mémorisation des tenants de la tradition orale, postulat d'un " évangile " arrivé en petite miettes incohérentes (dit " micro-unités indépendantes ") en rupture avec toute transmission concrète : humaine de ces miettes ... et remise en forme " au petit bonheur " à partir de rédacteurs totalement inconnus actuellement - n'étant certainement ni les apôtres, ni les témoins oculaires, ni même par l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme ... enfin à deux doigts du néant historique absolu.

En fait cette théorie n'explique rien, reste fixé sur la dimension littéraire des Evangiles (les Evangiles sont un récit, une narration, mais ça on le savait déjà je crois). En dépit de ses déclarations d'intention de " tout expliquer ", cette école de Marguerat consacre l'idée qu'il existe un grand trou noir de 40 ans entre Jésus et le premier Evangile écrit en grec. Rien dans l'ouvrage n'explique ni la place qu'aurait pu prendre la tradition orale pendant ces 40 ans, ni comment s'est fait le raccord avec l'écrit. C'est le silence complet de ce côté dans cet ouvrage que j'ai lu au moins 5 ou 6 fois sur les Evangiles et plus de 15 fois sur les chapitres introductifs traitant de la méthode (ce que disent ces " chrétiens " me choque très profondément  :o   8D )  ... pas difficile ensuite de croire que tout cela est un énorme bobard  :mm:  CQFD

Roque

Messages : 5064
Réputation : 23
Date d'inscription : 15/02/2011
Age : 80
Localisation : Paris

Revenir en haut Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat

Message  Idriss Lun 26 Mai - 18:53

Pointu , mais passionnant...
Tu sais Roque il n'est jamais trop tard pour faire une thèse universitaire...Le travail que tu as accumulé représente une déjà une sacrée base de départ...

Idriss
Idriss

Messages : 7124
Réputation : 35
Date d'inscription : 25/05/2012

Revenir en haut Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat

Message  Roque Lun 26 Mai - 20:21

Idriss a écrit:Pointu , mais passionnant...
Tu sais Roque il n'est jamais trop tard pour faire une thèse universitaire...Le travail que tu as accumulé représente une déjà une sacrée base de départ...
Le temps est passé pour moi, mais toi tu as - à vue de nez 30 à 35 ans de moins que moi ... la thèse c'est pour toi. Le monde musulman a besoin de ton intelligence et de ton ouverture d'esprit - en restant dans la foi, seule vraie boussole en ce monde.

Roque

Messages : 5064
Réputation : 23
Date d'inscription : 15/02/2011
Age : 80
Localisation : Paris

Revenir en haut Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat

Message  DenisLouis Lun 16 Juin - 8:35

"Saveurs du récit biblique" textes de Daniel Marguerat et de André Wenin.
Marguerat sur les styles des différents évangiles.

[L'auteur d'un récit est aussi sont lecteur.
Distinction entre le lecteur encodé, déjà formaté, qui a déjà un cadre et des références par rapport au texte lu, et une attente plus ou moins consciente, et le lecteur construit, plus ou moins vierge, celui que le texte cherche à modeler ]

Je pense que ce ce sont des types idéaux, car tout lecteur doit pouvoir comprendre un minimum l'environnement et s'identifier positivement ou négativement à l'intrigue, ou comprendre la problématique, sinon il ne pourrait lire, ce serait étranger, la rupture elle-même n'a de sens que par rapport à ce dont elle s'éloigne et il n'y a pas de lecteur totalement vierge.

Chaque évangile s'adresse à un type de lecteur, ou construit un type de lecteur.

Marc : le lecteur "dérouté", style haché, rapidité, micro-unités, rythme précipité, Jésus se déplace, se dérobe, logique du déplacement, syntaxe pas lisse mais fracturée, Messie insaisissable, secret de la parole.

Mathieu : redondance, pédagogie, récit mis en discours, alternance de récits et de discours, fonction édifiante, structurante.

Jean : lecteur initié, langage symbolique, sens caché, usage de l'ironie, du malentendu, lecteur aspiré vers le haut, processus d'initiation.

Luc : le lecteur interprète, apprendre à lire, récits différents du même événement, l'ascension  racontée d'une manière différente dans l'Evangile et dans les Actes, qui ne formaient qu'une seule unité, trois variantes de la conversion de Paul, la "syncrisis", parralèle entre deux personnages.

On sait que les évangélistes ont été représentés sous la forme d'animaux et d'un homme, j'y vois un peu l'image des quatre éléments de la cosmologie traditionnelle : Marc et l'air, la rapidité, le changement, déplacement, rupture, Mathieu et la terre, la lourdeur et l'insistance, le caractère nourricier et pédagogique, Luc, l'eau et les reflets, jeux de miroirs, les mentions les plus fréquentes de Marie, Jean, le feu ascendant et transformant.
On voit au passage la pauvreté de la critique musulmane "primaire" sur les contradictions des évangiles, puisque Luc, qui est un lettré, fait usage de variantes d'un même récit.

DenisLouis

Messages : 1072
Réputation : 10
Date d'inscription : 15/06/2013
Age : 73

Revenir en haut Aller en bas

La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat - Page 2 Empty Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat

Message  Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Page 1 sur 6 1, 2, 3, 4, 5, 6  Suivant

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum