La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat
+7
Le publicain
Spin
rocheclaire
Blaise
rosarum
-Ren-
Idriss
11 participants
Page 2 sur 6
Page 2 sur 6 • 1, 2, 3, 4, 5, 6
Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat
LES TENTATIVES DE MODELISATION DU PROCESSUS SYNOPTIQUE
Les trois premiers évangiles sont « synoptiques », c’est-à-dire qu’ils peuvent être « regardés ensemble ». Ces évangiles se ressemblent donc. Le trait de ressemblance le plus apparent est l’enchainement presque identique des péricopes, l'ordre de Marc est suivi par Luc plus fidèlement que par Matthieu.
Il existe des « dépendances littéraires » entre ces trois textes, c’est-à-dire que non seulement l’ordonnancement des péricopes est semblable, mais encore un nombre significatif de versets sont identiques au mot près entre ces synoptiques. Désormais se pose donc la question de savoir comment ont été élaborés ces évangiles compte tenu des emprunts qu’ils se font les uns aux autres. C’est le « problème synoptique ».
Depuis Reimarus, au 18ème siècle, de multiples tentatives d’explication – donc de modèles - ont été proposées pour tenter d’expliquer ce processus d’élaboration des synoptiques. C’est alors qu’est apparue la notion de « source » pour désigner les textes antérieurs qui auront servi de base au travail d’élaboration des évangélistes.
L’analyse moderne du problème synoptique en arrive à quelques conclusions principales :
1. Aucun modèle simple ne peut rendre compte de la complexité des rapports entre les évangiles. On suppose actuellement que les états finaux des évangiles ont été précédés par des étapes rédactionnelles intermédiaires ce qui remet immédiatement en cause le modèle des deux sources ;
2. Les étapes initiales de la constitution des documents écrits nous échappent en grande part, faute de documentation. On est donc dans une sorte d’impasse pratique puisque l’intégration dans le modèle de sources inaccessibles rend ce modèle inutilisable par les exégètes.
3. Le processus d’élaboration des évangiles s’est étalé dans le temps et a comporté plusieurs étapes de relectures et d’harmonisation entre les documents – on ne peut exclure qu’à chacune de ces étapes le recours ou l’accès aux sources ait pu varier (sans même parler ici de la question des relations entre tradition orale et l’écrit).
De fait, en ce début du XXIème siècle, les tentatives de modélisation du processus synoptique sont parvenues à une impasse. L’impasse est d’abord pratique parce que toute complexification du modèle rend ce modèle inutilisable en exégèse. Marguerat, lui-même a été amené à proposer un nouveau modèle (INT page 47), mais il ajoute : « Dans cette perspective, les sources littéraires à disposition des auteurs des évangiles de Mt et Lc nous seraient définitivement inaccessibles, puisqu’ils auraient eu accès à Mc au travers d’un « deutéro-Mc » et à Q au travers de deux versions spécifiques (QMt et QLc). »
En clair : personne ne connaît ni ce « deutéro-Mc », ni QMt, ni QLc et, par conséquent personne de peut connaître « Q » d’où proviennent QMt et QLc … Sans changement de perspective les exégètes n’ont plus rien à dire sur ce sujet !
L’impasse est aussi théorique, parce que la plupart des exégètes restent attachés au modèle des deux sources – refusant de le modifier bien que l’analyse moderne des textes synoptiques démontre que ce modèle simpliste devrait être modifié. Le modèle des deux sources n’explique pas en effet : 1. Les « accords mineurs » ; 2. Les deux versions de Q ; 3. Les reprises de Marc par Luc moins nombreuses que par Matthieu et 4. Les « leçons confluentes » de Marc (voir le texte).
L’analyse moderne de la Source Q plaide pour la cohérence notamment théologique de cette source. Mais plusieurs incertitudes persistent à son sujet. Citons trois des principaux points encore débattus concernant cette source Q : la fonction d’usage courant de cette source (vadémécum du prédicateur, catéchisme aux païens, ... etc.), la stratification littéraire de cette source et surtout la communauté se servant de cette source. Si dans un sens - la Formgeschichte suppose que toute situation de vie (Sitz im Leben) produit ses propres textes, l'inverse dans l'autre sens n'est pas nécessairement vrai. Ce n'est pas parce qu'on pense avoir trouvé un texte qu'on peut nécessairement trouver une communauté spécifique qui lui corresponde.
Pierre Perrier - s’affranchissant du modèle des deux sources - propose une interprétation alternative : la source Q ne serait pas une source complétant Matthieu et Luc vers 80 ou plus tard, mais serait l’indice d’un travail d’harmonisation des textes (araméen et grec) de Luc lors de l’année sabbatique 53/54 sur la catéchèse-liturgie araméenne de l’Eglise Mère laissée par Matthieu en 37 à Jérusalem, avant son départ pour Antioche.
La tradition orale est ou peut être une source à part entière. Pour Marguerat, les micro-unités sont identifiées à la tradition orale, c’est-à-dire que les logions ou péricopes seraient des produits par la tradition orale directement traduits en grec. En fait le postulat des micro-unités littéraire indépendantes, postulat fondamental de la Formgeschichte, sert à la fois de présupposé de base et de réponse à la question de la tradition orale. On est typiquement dans un raisonnement circulaire, c'est à dire qui ne s'appuie que sur les présupposés initiaux.
L’ouvrage de Marguerat confond ce qu'on entend par « tradition orale » - par exemple selon la méthode rabbinique du premier siècle (INT page 37) – avec la « communication orale », c’est-à-dire la transmission déstructurée du « bouche à oreille », voire de la rumeur. L’ouvrage n’a, en fait, aucune conception consistante sur la tradition orale et n'a aucune idée sur « comment pratiquement ou réellement » s'est fait ce passage de l’oral à l’écrit. Finalement, la tradition orale ne joue aucun rôle dans la modélisation du processus synoptique, car la plupart des auteurs - et pas seulement Marguerat - n’en ont qu'une vision anecdotique et confuse
Par conséquent ce que l’ouvrage de Marguerat nomme « histoire » des textes évangélique n’est que l’analyse de la « stratification » ou des « médiations littéraires », c’est-à-dire de la « généalogie littéraire » du texte grec. Cette « histoire » ne commencerait qu’avec la mise par écrit des micro-unités. L’oralité telle qu’elle a pu fonctionner dans la catéchèse ou dans la liturgie - en tant que telle - est totalement méconnue et ne joue aucun rôle. Malgré l’ambition affichée de Marguerat et de la Formgeschichte de dévoiler l’histoire – voire la préhistoire des textes – l’ouvrage, de ce point de vue spécifique, reste enfermé dans la seule logique de l’écrit grec. L'ouvrage qui revendique son approche historico-critique, n’est pas dans l’histoire. Il ne décolle pas du registre littéraire..
Pour les écrits marqué par une structuration orale (les « colliers ») comme les évangiles en araméen du second siècle, il existe une autre méthode d’identification des étapes de composition du « texte oral » . Une fois repérés des « colliers » de récitation par un travail foncièrement « synoptique » car comparatif sur les quatre évangiles, on peut classer les colliers par ordre chronologique de superposition : les colliers imbriqués les derniers cassant les colliers dans lesquels ils s'insèrent, et les colliers des différents synoptiques attestant des colliers dans des états plus ou moins développés. Puisque les méthodes menant à la source Q ou à ce « récitatif » ou Karozoutha source sont des hypothèses, il est légitime de les comparer du point de vue de leur produit final : d’un côté la Source Q et la Karozoutha source ou K0. La cohérence théologique est nettement en faveur de K0, par contre la teneur théologique de Q est plus incertaine.
1. Le fait synoptique
Le terme synoptique appliqué aux évangiles de Matthieu, Marc et Luc signifie que ces évangiles peuvent être « regardés ensemble ». Il semble que ce soit une configuration littéraire unique.
Cependant ce terme n’explique pas grand choses par lui-même. Il est facile de reconnaître que l’enchaînement des péricopes est très voisin dans ces trois évangiles - Luc suivant plus fidèlement Marc que Matthieu. Mais si certains versets sont identiques au mot près, on ne peut cependant pas prétendre que ces textes, dans leur ensemble, soient identiques, ils sont juste similaires ou « homologues ».
Du point de vue qui nous occupe qui est l’étude des parentés littéraires entre les évangiles, ce terme de « synoptique » masque quelque peu la complexité du problème. Au fil de l’analyse on va s’apercevoir que cette « ressemblance » entre ces synoptiques qui évoquent une « source commune » ne provient pas pour autant d’une « source unique », avec l’exemple de la Source Q. Inversement, cela ne signifie pas, non plus, que des sources « différentes » ne pourraient produire des récits ou des enseignements « similaires ». Et c’est à ce titre que ces textes sont « synoptiques ».
2. Le problème synoptique
Le problème synoptique nait de la volonté d’expliquer la dépendance littéraire, telle qu’elle est comprise à partir du 18ème siècle. Cette dépendance littéraire est déduite des multiples identités entre les synoptiques : au niveau de l’enchainement des péricopes ou au niveau des versets – souvent au mot près. D’après Kloppenborg, c’est à partir de Reimarus (publié en 1778) que se « déchaina un flot de tentatives pour résoudre le « problème synoptique » (1, page 228). Autrement dit les tentatives de modélisation du processus synoptique commencent à cette date. Dès lors on va utiliser la notion de « source » pour désigner les textes antérieurs qui auront servi de base de travail à l’élaboration des évangélistes.
Il existe un ample jeu de modèles hypothétiques :
o
Seules les hypothèses « généalogiques avec source extra-évangélique » sont actuellement retenues.
A l’heure actuelle, le modèle des deux sources initié par Weisse (1838) est le plus largement adopté par les exégètes. Il faut reconnaître à ce modèle un mérite : il a permis à la communauté scientifique de penser ce problème synoptique depuis plus d’un siècle. On comprend que les exégètes y soient attachés. Si on voit « la bouteille à moitié pleine » ce modèle peut être qualifié de « simple et efficace » (2).
3. Ce que le modèle des deux sources n’explique pas
Plusieurs choses sont ici, en cause (2) :
1. Les accords mineurs ;
2. Les deux versions de Q ;
3. Les « omissions » de Luc ; et
4. Les leçons confluentes de Marc.
1. Les accords mineurs : il s’agit de 700 accords entre Mt et Luc qui sont absents de Marc. Le postulat de l’absence de tout contact entre Mt et Lc posé par le modèle des deux sources doit être assoupli. On imagine alors soit un évangile primitif en amont de Mc, soit la lecture de Mt, sont une médiation par un texte intermédiaire comme un proto-Mt, un proto-Lc ou un deutéro-Mc et un proto-Mc (INT page 47).
2. Les deux versions de Q : la lecture du texte de Q comparée dans Luc et dans Matthieu montre parfois une identité complète – au mot près – sur plusieurs versets et parfois des récits « similaires » du point de vue du récit ou du seul point de vue de la parénèse, mais avec un vocabulaire nettement différent – ce qui témoigne de l’existence de deux versions dans cette source Q.
3. Les « omissions » de Luc : la question est de savoir pourquoi Luc a abandonné tant de textes de Mc alors que Matthieu les a conservés. L’explication habituelle qui est que Luc aurait disposé d’une tradition propre plus abondante, mais cette « réponse » ne répond pas entièrement à la question ;
4. Les leçons confluentes sont les cas où Marc combine le texte de Mattieu et de Luc. Ce fait pose évidemment soit la question d’une commune à Mc, Mt et Lc différente de Q (!), soit d’un texte rédigé en deux temps : un premier temps d’élaboration de Mc, puis second temps d’harmonisation sur les textes de Mt et Lc. Ceci suppose aussi que les rédactions intermédiaires – ou finales - sont pratiquement simultanées.
Ce bref aperçu mène à trois conclusions, au moins (2) :
1. Aucun modèle simple ne peut rendre compte de la complexité des rapports entre les évangiles. On suppose actuellement que les états finaux des évangiles ont été précédés par des étapes rédactionnelles intermédiaires ce qui remet immédiatement en cause le modèle des deux sources ;
2. Les étapes initiales de la constitution des documents écrits nous échappent en grande part, faute de documentation. On est donc dans une sorte d’impasse théorique puisque l’intégration de sources inaccessibles dans le modèle rend ce modèle inutilisable par les exégètes.
3. Le processus d’élaboration des évangiles s’est étalé dans le temps et a comporté plusieurs étapes de relectures et d’harmonisation entre les documents – on ne peut exclure qu’à chacun de ces étapes le recours ou l’accès aux sources ait pu varier (sans même parler ici de la question des relations oral/écrit).
La fréquence statistique de ces observations – qui contredisent le modèle des deux sources – va conduire Marguerat à proposer un nouveau modèle. Cependant Marguerat conserve une position ambiguë : d’une part il dit que c’est ce modèle des deux sources est celui « qui a la plausibilité le plus forte » (INT page 46), mais en même temps, il propose cet autre modèle (INT page 47). La modélisation devient un peu floue : historiquement on a donc trois « modèles des deux sources » : le modèle simple de Weisse (1838), le modèle complet : avec la source Q (XIXème siècle) et le modèle complexe proposé par Marguerat.
Marguerat ajoute – sans doute à regret - que si tel est le modèle, « les sources littéraires nous seraient définitivement inaccessibles ». Pourquoi « inaccessibles » ? Parce que modèle de Marguerat intercale entre les évangiles finaux ou la source Q trois textes intermédiaires hypothétiques : deutéro-Mc, QMt et QLc - inconnus à l’heure actuelle. En clair, personne ne connaît ni ce « deutéro-Mc », ni QMt, ni QLc, ni - par conséquence - « Q » d’où proviennent QMt et QLc !
Il devient clair que tout ajout raisonné au modèle des deux sources rend ce nouveau modèle trop complexe et donc inutilisable en exégèse !
Les incertitudes sur la rigueur d’analyse conduisant à l’adoption du modèle des deux sources fait que certains auteurs modernes considèrent ce modèle – à l’égal des modèles les plus anciens – comme « simpliste ». C’est bien le cas de Rolland (3). Un autre auteur dit même, sans grand ménagement, que le choix de Marguerat et de la majorité des exégètes serait « une solution de facilité » (4) :
Un article de Rolland (3) montre bien – sur deux pages - la complexité des relations entre les évangiles. Cet article de Rolland donne six exemples de versets homologues (Mt // Mc // Lc) qui présentent des indices d’une activité rédactionnelle ayant deux caractéristiques apparemment contradictoires :
- Des accords entre Mt et Lc contre le texte de Mc
- … et dans ce même verset …
- un texte de Mc intégrant des formulations de Mt et Lc, parfois même cumulant les deux formulations, celle de Mt et celle de Lc (phénomène dit de « dualité »).
Cet article de Rolland montre bien que cette complexité est apparente par la méthode d’analyse comparative au mot à mot entre versets homologues. Lorsque l’analyse est faite par la méthode plus globale de plus grands ensembles de « matériau littéraire » commun ou non entre les évangélistes, cette complexité n’est plus apparente. Or c’est de cette seconde méthode d’analyse qu’est déduit le modèle des deux sources. Par conséquent cette modélisation ne peut être qu’approximative.
Le modèle Boismard (1972) comporte sept sources (spoiler)
Les trois premiers évangiles sont « synoptiques », c’est-à-dire qu’ils peuvent être « regardés ensemble ». Ces évangiles se ressemblent donc. Le trait de ressemblance le plus apparent est l’enchainement presque identique des péricopes, l'ordre de Marc est suivi par Luc plus fidèlement que par Matthieu.
Il existe des « dépendances littéraires » entre ces trois textes, c’est-à-dire que non seulement l’ordonnancement des péricopes est semblable, mais encore un nombre significatif de versets sont identiques au mot près entre ces synoptiques. Désormais se pose donc la question de savoir comment ont été élaborés ces évangiles compte tenu des emprunts qu’ils se font les uns aux autres. C’est le « problème synoptique ».
Depuis Reimarus, au 18ème siècle, de multiples tentatives d’explication – donc de modèles - ont été proposées pour tenter d’expliquer ce processus d’élaboration des synoptiques. C’est alors qu’est apparue la notion de « source » pour désigner les textes antérieurs qui auront servi de base au travail d’élaboration des évangélistes.
L’analyse moderne du problème synoptique en arrive à quelques conclusions principales :
1. Aucun modèle simple ne peut rendre compte de la complexité des rapports entre les évangiles. On suppose actuellement que les états finaux des évangiles ont été précédés par des étapes rédactionnelles intermédiaires ce qui remet immédiatement en cause le modèle des deux sources ;
2. Les étapes initiales de la constitution des documents écrits nous échappent en grande part, faute de documentation. On est donc dans une sorte d’impasse pratique puisque l’intégration dans le modèle de sources inaccessibles rend ce modèle inutilisable par les exégètes.
3. Le processus d’élaboration des évangiles s’est étalé dans le temps et a comporté plusieurs étapes de relectures et d’harmonisation entre les documents – on ne peut exclure qu’à chacune de ces étapes le recours ou l’accès aux sources ait pu varier (sans même parler ici de la question des relations entre tradition orale et l’écrit).
De fait, en ce début du XXIème siècle, les tentatives de modélisation du processus synoptique sont parvenues à une impasse. L’impasse est d’abord pratique parce que toute complexification du modèle rend ce modèle inutilisable en exégèse. Marguerat, lui-même a été amené à proposer un nouveau modèle (INT page 47), mais il ajoute : « Dans cette perspective, les sources littéraires à disposition des auteurs des évangiles de Mt et Lc nous seraient définitivement inaccessibles, puisqu’ils auraient eu accès à Mc au travers d’un « deutéro-Mc » et à Q au travers de deux versions spécifiques (QMt et QLc). »
En clair : personne ne connaît ni ce « deutéro-Mc », ni QMt, ni QLc et, par conséquent personne de peut connaître « Q » d’où proviennent QMt et QLc … Sans changement de perspective les exégètes n’ont plus rien à dire sur ce sujet !
L’impasse est aussi théorique, parce que la plupart des exégètes restent attachés au modèle des deux sources – refusant de le modifier bien que l’analyse moderne des textes synoptiques démontre que ce modèle simpliste devrait être modifié. Le modèle des deux sources n’explique pas en effet : 1. Les « accords mineurs » ; 2. Les deux versions de Q ; 3. Les reprises de Marc par Luc moins nombreuses que par Matthieu et 4. Les « leçons confluentes » de Marc (voir le texte).
L’analyse moderne de la Source Q plaide pour la cohérence notamment théologique de cette source. Mais plusieurs incertitudes persistent à son sujet. Citons trois des principaux points encore débattus concernant cette source Q : la fonction d’usage courant de cette source (vadémécum du prédicateur, catéchisme aux païens, ... etc.), la stratification littéraire de cette source et surtout la communauté se servant de cette source. Si dans un sens - la Formgeschichte suppose que toute situation de vie (Sitz im Leben) produit ses propres textes, l'inverse dans l'autre sens n'est pas nécessairement vrai. Ce n'est pas parce qu'on pense avoir trouvé un texte qu'on peut nécessairement trouver une communauté spécifique qui lui corresponde.
Pierre Perrier - s’affranchissant du modèle des deux sources - propose une interprétation alternative : la source Q ne serait pas une source complétant Matthieu et Luc vers 80 ou plus tard, mais serait l’indice d’un travail d’harmonisation des textes (araméen et grec) de Luc lors de l’année sabbatique 53/54 sur la catéchèse-liturgie araméenne de l’Eglise Mère laissée par Matthieu en 37 à Jérusalem, avant son départ pour Antioche.
La tradition orale est ou peut être une source à part entière. Pour Marguerat, les micro-unités sont identifiées à la tradition orale, c’est-à-dire que les logions ou péricopes seraient des produits par la tradition orale directement traduits en grec. En fait le postulat des micro-unités littéraire indépendantes, postulat fondamental de la Formgeschichte, sert à la fois de présupposé de base et de réponse à la question de la tradition orale. On est typiquement dans un raisonnement circulaire, c'est à dire qui ne s'appuie que sur les présupposés initiaux.
L’ouvrage de Marguerat confond ce qu'on entend par « tradition orale » - par exemple selon la méthode rabbinique du premier siècle (INT page 37) – avec la « communication orale », c’est-à-dire la transmission déstructurée du « bouche à oreille », voire de la rumeur. L’ouvrage n’a, en fait, aucune conception consistante sur la tradition orale et n'a aucune idée sur « comment pratiquement ou réellement » s'est fait ce passage de l’oral à l’écrit. Finalement, la tradition orale ne joue aucun rôle dans la modélisation du processus synoptique, car la plupart des auteurs - et pas seulement Marguerat - n’en ont qu'une vision anecdotique et confuse
Par conséquent ce que l’ouvrage de Marguerat nomme « histoire » des textes évangélique n’est que l’analyse de la « stratification » ou des « médiations littéraires », c’est-à-dire de la « généalogie littéraire » du texte grec. Cette « histoire » ne commencerait qu’avec la mise par écrit des micro-unités. L’oralité telle qu’elle a pu fonctionner dans la catéchèse ou dans la liturgie - en tant que telle - est totalement méconnue et ne joue aucun rôle. Malgré l’ambition affichée de Marguerat et de la Formgeschichte de dévoiler l’histoire – voire la préhistoire des textes – l’ouvrage, de ce point de vue spécifique, reste enfermé dans la seule logique de l’écrit grec. L'ouvrage qui revendique son approche historico-critique, n’est pas dans l’histoire. Il ne décolle pas du registre littéraire..
Pour les écrits marqué par une structuration orale (les « colliers ») comme les évangiles en araméen du second siècle, il existe une autre méthode d’identification des étapes de composition du « texte oral » . Une fois repérés des « colliers » de récitation par un travail foncièrement « synoptique » car comparatif sur les quatre évangiles, on peut classer les colliers par ordre chronologique de superposition : les colliers imbriqués les derniers cassant les colliers dans lesquels ils s'insèrent, et les colliers des différents synoptiques attestant des colliers dans des états plus ou moins développés. Puisque les méthodes menant à la source Q ou à ce « récitatif » ou Karozoutha source sont des hypothèses, il est légitime de les comparer du point de vue de leur produit final : d’un côté la Source Q et la Karozoutha source ou K0. La cohérence théologique est nettement en faveur de K0, par contre la teneur théologique de Q est plus incertaine.
1. Le fait synoptique
Le terme synoptique appliqué aux évangiles de Matthieu, Marc et Luc signifie que ces évangiles peuvent être « regardés ensemble ». Il semble que ce soit une configuration littéraire unique.
Cependant ce terme n’explique pas grand choses par lui-même. Il est facile de reconnaître que l’enchaînement des péricopes est très voisin dans ces trois évangiles - Luc suivant plus fidèlement Marc que Matthieu. Mais si certains versets sont identiques au mot près, on ne peut cependant pas prétendre que ces textes, dans leur ensemble, soient identiques, ils sont juste similaires ou « homologues ».
Du point de vue qui nous occupe qui est l’étude des parentés littéraires entre les évangiles, ce terme de « synoptique » masque quelque peu la complexité du problème. Au fil de l’analyse on va s’apercevoir que cette « ressemblance » entre ces synoptiques qui évoquent une « source commune » ne provient pas pour autant d’une « source unique », avec l’exemple de la Source Q. Inversement, cela ne signifie pas, non plus, que des sources « différentes » ne pourraient produire des récits ou des enseignements « similaires ». Et c’est à ce titre que ces textes sont « synoptiques ».
- Spoiler:
C’est Greisbach (1776) qui introduit le terme « synoptique » pour signifier que les Évangiles de Matthieu, Marc et Luc peuvent être « regardés ensemble » : le déroulement d’ensemble du récit est parallèle, de nombreuses péricopes sont pratiquement identiques et certains versets sont identiques au mot près.
Quand Saint Augustin (4ème siècle) affirme la primauté de Matthieu et que Marc serait un résumé de Matthieu, il commente la parenté littéraire de Marc par rapport à Matthieu. Il est donc faux de penser que cette singularité des évangiles n’aurait pas été remarquée dès les premiers siècles.
Ce qui est nouveau, dès le 18ème siècle, c’est l’avènement de la critique textuelle sur les manuscrits de différentes traditions, recensés en grand nombre à partir de cette époque. La nouveauté , c'est donc cette démarche rationnelle de la critique textuelle qui vient se confronter à l’autorité de la tradition, représentée par Saint Augustin.
Le fait que les trois premiers Évangiles soient « synoptiques » ne signifie pas du tout qu’ils soient nécessairement élaborés à partir d’une « source unique » ou « commune ». Il est plus prudent et exact de parler de textes « homologues ».
Inversement, des sources complètement différentes peuvent aboutir à produire des récits, des paroles de sagesse ou des paraboles évangéliques très similaires – donc « synoptiques » - au sens de leur structure et de leur sens qui contribuent à livrer des leçons très proches sinon identiques dans les péricopes « homologues ».
2. Le problème synoptique
Le problème synoptique nait de la volonté d’expliquer la dépendance littéraire, telle qu’elle est comprise à partir du 18ème siècle. Cette dépendance littéraire est déduite des multiples identités entre les synoptiques : au niveau de l’enchainement des péricopes ou au niveau des versets – souvent au mot près. D’après Kloppenborg, c’est à partir de Reimarus (publié en 1778) que se « déchaina un flot de tentatives pour résoudre le « problème synoptique » (1, page 228). Autrement dit les tentatives de modélisation du processus synoptique commencent à cette date. Dès lors on va utiliser la notion de « source » pour désigner les textes antérieurs qui auront servi de base de travail à l’élaboration des évangélistes.
Il existe un ample jeu de modèles hypothétiques :
Modèle | Avec médiation littéraire d'un autre évangéliste | Avec source écrite extra évangélique |
Par dérivation | Non | Non |
Généalogique sans source extra évangélique | Oui | Non |
Généalogique avec source extra évangélique | Oui | Oui |
Seules les hypothèses « généalogiques avec source extra-évangélique » sont actuellement retenues.
- Spoiler:
L’exposé le plus clair sur cette question de modélisation me semble être sur (2) : http://introbible.free.fr/p2syn.html . C’est ce plan d’exposé que nous avons suivi :
1. On a des hypothèses où on suppose que les évangiles ont été élaborés en l’absence de contact les uns avec les autres. Ce sont les hypothèses « non généalogiques » ou par « dérivation immédiate », c’est-à-dire sans médiation littéraire. Ces hypothèses supposent nécessairement soit un évangile primitif ou soit un corpus de fragments, logia ou péricopes parvenus jusqu’à l’évangéliste par oral ou par écrit.
Ces hypothèses très simplistes sont maintenant écartées. Elles ne rendent pas compte des ressemblances finales entre les évangiles.
2. On a des hypothèses où on suppose que les évangiles ont été élaborés grâce à la lecture des textes des autres évangélistes. Ce sont les hypothèses « généalogiques » où, par exemple, le texte final de l’évangéliste « y » passe par l’élaboration intermédiaire ou la « médiation littéraire » de l’évangéliste « x ». Avec de deux types possibles :
a. Hypothèses sans source extra-évangéliques. Ces hypothèses très simplistes sont également écartées. Elles ne rendent pas compte des dissemblances finales entre les évangiles.
b. Hypothèses avec intervention de sources extra-évangéliques. Ces hypothèses rendent d’autant mieux compte de la composition finale des évangiles qu’ils sont plus complexes.
A l’heure actuelle, le modèle des deux sources initié par Weisse (1838) est le plus largement adopté par les exégètes. Il faut reconnaître à ce modèle un mérite : il a permis à la communauté scientifique de penser ce problème synoptique depuis plus d’un siècle. On comprend que les exégètes y soient attachés. Si on voit « la bouteille à moitié pleine » ce modèle peut être qualifié de « simple et efficace » (2).
3. Ce que le modèle des deux sources n’explique pas
Plusieurs choses sont ici, en cause (2) :
1. Les accords mineurs ;
2. Les deux versions de Q ;
3. Les « omissions » de Luc ; et
4. Les leçons confluentes de Marc.
1. Les accords mineurs : il s’agit de 700 accords entre Mt et Luc qui sont absents de Marc. Le postulat de l’absence de tout contact entre Mt et Lc posé par le modèle des deux sources doit être assoupli. On imagine alors soit un évangile primitif en amont de Mc, soit la lecture de Mt, sont une médiation par un texte intermédiaire comme un proto-Mt, un proto-Lc ou un deutéro-Mc et un proto-Mc (INT page 47).
- Spoiler:
Les accords mineurs« Si sa plausibilité [du modèle des deux sources] apparaît forte, il bute néanmoins sur un problème résiduel : les « accords mineurs » (minor agreements) Mt/Lc. Il s’agit de petites modifications du texte marcien (adjonctions, suppressions, substitutions de termes) adoptés uniformément par Mt et Luc ; d’importance mineures quant à la signification, il en a été dénombre pas moins de 700. Or la théorie des deux sources postule l’absence de tout contact entre les deux évangélistes dans leur réception de Mc. Comment expliquer cette profusion de minimes identités verbale ? Le modèle de l’utilisation en rend compte par la relecture lucanienne de Mt, mais comme on l’a vu cette hypothèse pose à son tour de nouvelles difficultés (comment expliquer les fortes divergences de langue et de contenu entre Lc et Mt ?). Des solutions combinatoires ont été proposées, articulant à l’hypothèse d’un évangile primitif l’existence d’un proto-Mt et d’un proto-Lc et ajoutant d’une source commune Mt/Lc (P. Benoit-M.-E. Boismard ; Ph Rolland) ; le risque est de grever la reconstitution d’un indice de complexité qui la rend peu opératoire en exégèse. Une solution plausible consisterait à penser que Luc, rédigeant son évangiles sur la base de Mc, de la Source Q et de ses traditions propres a eu également connaissance de Mt et a jeté sur son texte un regard latéral (H. J. Holtzman). (INT page 46)
2. Les deux versions de Q : la lecture du texte de Q comparée dans Luc et dans Matthieu montre parfois une identité complète – au mot près – sur plusieurs versets et parfois des récits « similaires » du point de vue du récit ou du seul point de vue de la parénèse, mais avec un vocabulaire nettement différent – ce qui témoigne de l’existence de deux versions dans cette source Q.
- Spoiler:
Deux versions différentes de Q« Les neuf béatitudes matthéennes (5, 3-12) et les quatre de Luc augmentées des malédictions (6, 20-26) dérivent-elles d’un même texte ? La parabole des talents (Mt 25, 14-30) et celle des mines (Lc 19, 12-27) sont-elles des variantes de la parabole de Q ? Il est très vraisemblable que la Source est parvenue aux deux évangélistes sous deux versions différentes, par exemple, sous la pression de la tradition orale : ces deux version ont été dénommées QMt et QLc (M. Sato). » (INT page 43)
Si Q est parvenu à chaque évangéliste sous deux formes différentes, il ne s’agit plus d’une seule source, mais de deux sources différentes. Le raisonnement est le même : si le texte a été modifié sous la pression de la tradition orale. Chaque version « QMt ou QLc » constitue une source en soi – même s’il nous parvient par la tradition orale.
3. Les « omissions » de Luc : la question est de savoir pourquoi Luc a abandonné tant de textes de Mc alors que Matthieu les a conservés. L’explication habituelle qui est que Luc aurait disposé d’une tradition propre plus abondante, mais cette « réponse » ne répond pas entièrement à la question ;
4. Les leçons confluentes sont les cas où Marc combine le texte de Mattieu et de Luc. Ce fait pose évidemment soit la question d’une commune à Mc, Mt et Lc différente de Q (!), soit d’un texte rédigé en deux temps : un premier temps d’élaboration de Mc, puis second temps d’harmonisation sur les textes de Mt et Lc. Ceci suppose aussi que les rédactions intermédiaires – ou finales - sont pratiquement simultanées.
Ce bref aperçu mène à trois conclusions, au moins (2) :
1. Aucun modèle simple ne peut rendre compte de la complexité des rapports entre les évangiles. On suppose actuellement que les états finaux des évangiles ont été précédés par des étapes rédactionnelles intermédiaires ce qui remet immédiatement en cause le modèle des deux sources ;
2. Les étapes initiales de la constitution des documents écrits nous échappent en grande part, faute de documentation. On est donc dans une sorte d’impasse théorique puisque l’intégration de sources inaccessibles dans le modèle rend ce modèle inutilisable par les exégètes.
3. Le processus d’élaboration des évangiles s’est étalé dans le temps et a comporté plusieurs étapes de relectures et d’harmonisation entre les documents – on ne peut exclure qu’à chacun de ces étapes le recours ou l’accès aux sources ait pu varier (sans même parler ici de la question des relations oral/écrit).
La fréquence statistique de ces observations – qui contredisent le modèle des deux sources – va conduire Marguerat à proposer un nouveau modèle. Cependant Marguerat conserve une position ambiguë : d’une part il dit que c’est ce modèle des deux sources est celui « qui a la plausibilité le plus forte » (INT page 46), mais en même temps, il propose cet autre modèle (INT page 47). La modélisation devient un peu floue : historiquement on a donc trois « modèles des deux sources » : le modèle simple de Weisse (1838), le modèle complet : avec la source Q (XIXème siècle) et le modèle complexe proposé par Marguerat.
- Spoiler:
- « Mais la fréquence statistique de ces accords reste troublante. Elle a poussé à postuler qu’une révision stylistique de Mc aurait eu lieu avant la réception de l’évangile de Mt et Lc, et que les deux évangélistes auraient travaillé sur un « deutéro-Mc » aujourd’hui perdu (A. Ennulat). D’autres pensent à un « proto-Mc », mais on s’expliquerait al pourquoi la version révisée aurait rétabli les difficultés stylistiques.
Si l’on intègre les deux recensions de la Source des paroles signalées plus haut ; le schéma modifié du modèle des deux sources se dessine comme suit :[voir image ci-dessous].Dans cette perspective ; les sources littéraires à disposition des auteurs des évangiles Mt et Lc nous seraient définitivement inaccessibles, puisqu’ils auraient au accès à Mc au travers d’un deutéro-Mc et à Q au travers des deux versions spécifiques (QMt et QLc ). » (INT page 47)
Marguerat ajoute – sans doute à regret - que si tel est le modèle, « les sources littéraires nous seraient définitivement inaccessibles ». Pourquoi « inaccessibles » ? Parce que modèle de Marguerat intercale entre les évangiles finaux ou la source Q trois textes intermédiaires hypothétiques : deutéro-Mc, QMt et QLc - inconnus à l’heure actuelle. En clair, personne ne connaît ni ce « deutéro-Mc », ni QMt, ni QLc, ni - par conséquence - « Q » d’où proviennent QMt et QLc !
Il devient clair que tout ajout raisonné au modèle des deux sources rend ce nouveau modèle trop complexe et donc inutilisable en exégèse !
Les incertitudes sur la rigueur d’analyse conduisant à l’adoption du modèle des deux sources fait que certains auteurs modernes considèrent ce modèle – à l’égal des modèles les plus anciens – comme « simpliste ». C’est bien le cas de Rolland (3). Un autre auteur dit même, sans grand ménagement, que le choix de Marguerat et de la majorité des exégètes serait « une solution de facilité » (4) :
- Spoiler:
- « Depuis fort longtemps, j’ai acquis la conviction que la dépendance de Matthieu et de Luc par rapport au Marc actuel était impossible, et que le schéma généalogique des évangiles synoptiques était plus complexe qu’on ne l’admet communément. Je tiens une position médiane entre le simplisme de la théorie des « deux sources » (Mc + Q à l’origine de Mt et de Lc) et l’extrême complication du système de Boismard (7 documents écrits antérieurs à nos évangiles actuels).
En ce qui concerne la datation des évangiles synoptiques, le schéma généalogique que je propose (comme d’ailleurs celui de Boismard) permet de laisser ouvertes les questions de chronologie: Matthieu et Luc peuvent être postérieurs à Marc, mais ils peuvent aussi lui être antérieurs. » (3)
L’option de Marguerat : une solution de facilité ?« Un bon exemple en est l'ouvrage collectif intitulé Introduction au Nouveau Testament paru sous la direction de Daniel Marguerat, professeur à la faculté de théologie protestante de Lausanne en Suisse. Seules sont développées les anciennes théories du XIXème siècle ainsi que les différents modèles de la théorie des Deux Sources. Les autres théories sont citées et réfutées en quelques lignes (Farmer, Boismard, Streeter) ou tout simplement ignorées (Vaganay, Lagrange, Parker, Gaboury) alors qu'elles sont développées en plusieurs pages dans la présente étude. Et cet ouvrage se présente « comme synthétisant les acquis de la recherche sur l'écriture du Nouveau Testament » !
En conséquence directe de cette façon de faire, Elian Cuvillier pour l'évangile de Matthieu et Daniel Marguerat lui-même pour l'évangile de Luc basent exclusivement leurs analyses sur le modèle des Deux sources, à l'exclusion de tout autre et sans en souligner le caractère hypothétique !
Les exégètes, dans leur majorité, optent pour la solution de facilité qui leur convient (remarquons que la version complexe de la théorie des Deux sources n'est pas exploité lui non plus car trop complexe) et ne dissocient pas suffisamment les niveaux d'études : 1. Données statistique ; 2. Elaboration d’un modèle à partir de ces données et 3. Interprétation d’un texte à partir de ce modèle.
Cette situation n'est pas saine car l'antériorité de Marc, transformée parfois en supériorité, est présentée à priori comme fondement des analyses. Marc devient ainsi l'inventeur d'un genre littéraire nouveau, celui de l'évangile. Nous retrouvons ici la notion de modèle fermé qui trop souvent bloque l'exégèse moderne. »
Un article de Rolland (3) montre bien – sur deux pages - la complexité des relations entre les évangiles. Cet article de Rolland donne six exemples de versets homologues (Mt // Mc // Lc) qui présentent des indices d’une activité rédactionnelle ayant deux caractéristiques apparemment contradictoires :
- Des accords entre Mt et Lc contre le texte de Mc
- … et dans ce même verset …
- un texte de Mc intégrant des formulations de Mt et Lc, parfois même cumulant les deux formulations, celle de Mt et celle de Lc (phénomène dit de « dualité »).
- Spoiler:
La conclusion de Rolland est que Marc aurait harmonisé des textes intermédiaires – différents des évangiles finaux - : le pré-Mt et le pré-Lc.
D’autres arguments sur le temps des verbes, sur les sémitismes et les attestations patristiques, lui font retenir l’hypothèse d’un évangile sémitique antérieur dont les textes intermédiaires ci-dessus ne seraient que des dérivations généalogiques.« De tels faits, qui se relèvent tout au long de nos trois premiers évangiles, ont confirmé d’année en année ce qui au début n’était qu’une hypothèse de travail : Matthieu et Luc ne dépendent pas de Marc, mais de deux sources, le pré-Matthieu et le pré-Luc, que Marc a harmonisées. » (3)
Cet article de Rolland montre bien que cette complexité est apparente par la méthode d’analyse comparative au mot à mot entre versets homologues. Lorsque l’analyse est faite par la méthode plus globale de plus grands ensembles de « matériau littéraire » commun ou non entre les évangélistes, cette complexité n’est plus apparente. Or c’est de cette seconde méthode d’analyse qu’est déduit le modèle des deux sources. Par conséquent cette modélisation ne peut être qu’approximative.
Le modèle Boismard (1972) comporte sept sources (spoiler)
- Spoiler:
Le modèle BOISMARD (2)
Dans une première phase : quatre documents, un pour chaque évangile synoptique et un quatrième commun :
1. document A : palestinien et judéo-chrétien, vers 50 ;
2. document B : interprétation de A pour des convertis, avant 58 ;
3. document C : palestinien et en araméen, très archaïque, source de Jean. Ce document reste hypothétique car il contient surtout ce qui ne peut être attribué aux autres ;
4. document Q" : matériau commun à Matthieu et à Luc, différent du Q ci-dessus
Dans une seconde phase, trois documents intermédiaires, sources des évangiles actuels
1. Matthieu intermédiaire : dépend surtout de A, aussi de Q" ; source principale de Matthieu, secondaire du proto-Luc ;
2. Marc intermédiaire : dépend surtout de B, aussi de A et de C ; source principale ce Marc, secondaire de Matthieu et Luc ;
3. Proto-Luc : dépend surtout de C pour la Passion, aussi de B et Q" ; source principale de Luc.
« Les modèles de Boismard et Rolland considèrent Matthieu et Luc comme indépendants du Marc actuel ce qui laisse ouverte leur chronologie relative : Marc n’est pas nécessairement plus ancien. P. Rolland propose même la datation suivante : entre 62 et 67 et peut-être dans l’ordre Matthieu – Luc – Marc, mais sans certitude. La théorie des deux sources propose une autre datation : Marc avant 70, Matthieu et Luc vers 80 » (2)
Roque- Messages : 5064
Date d'inscription : 15/02/2011
Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat
(Suite)
4. L’hypothèse de la Source Q
La Source Q est une hypothèse. Elle est logiquement déduite de l’analyse des évangiles synoptiques par « grandes masses de matériau narratif » permettant de distinguer :
1. Le matériau narratif commun à trois évangélistes ;
2. Le matériau narratif commun à deux évangélistes ; et
3. Les traditions propres à un seul évangéliste.
Le source Q est, donc, définie comme le texte commun à Matthieu et Luc, mais absent de Marc.
A. Origine de la source Q
Marguerat situe la naissance en Galilée – éventuellement en araméen – avec une rédaction en grec entre les années 40 et peu avant 70 - date présumée de rédaction de l'évangile de Marc.
B. Contenu de la source Q
Cette source comporterait 200 à 300 versets. Étant donné que le texte de cette hypothétique source Q n’a pas été retrouvé son étendue est inconnue.
Kloppenborg cite Downing (1. page 258) concernant les relations fonctionnelles entre la mise par écrit du texte évangélique et la prestation orale. La composition littéraire dans le monde antique était une activité sociale.
C. Les débats sur la source Q
Il y a un débat sur l’existence ou l’inexistence de la source Q (10), mais ce n’est ni le plus intéressant, ni le plus moderne. Comme pour le modèle des deux sources, on peut poser plutôt la question du point de vue des « fruits », c’est-à-dire des réalisations théoriques et pratiques découlant de cette hypothèse. En effet, si l’on admet que l’effort modélisation du processus synoptique est en impasse, cette hypothèse de la Source Q est pourtant un « fruit » du modèle des deux sources. Ainsi l'hypothèse de la source Q peut bien être vue comme la dernière chance de justification de tout l’effort de modélisation depuis 200 ans et plus.
L’existence de doublets communs serait, d’après Marguerat, un argument fort en faveur de cette source Q. Notre étude de profane (en français) de ces doublets communs – mot à mot - nous a convaincu plutôt que ce fait indéniable pourrait aussi bien correspondre à un modèle à 3 ou 4 sources – validant donc l’existence de plusieurs « versions » ou « sources » à l'intérieur de Q.
Par contre, ce qui est débattu, c’est d’abord la question de l’utilisation pratique de cette source Q. A quel public était-elle destinée ?
- Ce serait une catéchèse complémentaire à l’usage des convertis du paganisme (2) ; ou
- Elle aurait été « portée » par les missionnaires itinérants et dans certaines communautés locales (INT page 45) ; ou
- Ce serait un vadémécum pour missionnaires itinérants, vivant radicalement l’utopie du Royaume de Dieu (9).
La question des étapes de rédaction de la source Q, c’est-à-dire de sa stratification littéraire est aussi très discutée et de multiples hypothèses sont avancées (spoiler). Enfin, la « communauté Q » est typiquement « une hypothèse bâtie sur une autre hypothèse ». Si dans un sens - la Formgeschichte suppose que toute situation de vie (Sitz im Leben) produit ses propres textes, l'inverse, dans l'autre sens, n'est pas nécessairement vrai : ce n'est pas parce qu'on pense avoir trouvé un texte (première hypothèse) qu'on peut nécessairement trouver une communauté spécifique qui lui corresponde (seconde hypothèse).
D. Les deux versions de Q
Nous avons vu plus haut que ces deux versions de Q sont reconnues par Marguerat. Le débat sur ce sujet précis semble inconnu sur le net (10). Nous ne trouvons ce constat que dans l’ouvrage de Marguerat, mais pas dans le livre de N. Siffer et D. Fricker (11). Nous avons été très surpris de constater - par une petite étude de profane (spoiler) - que cela semble pourtant sauter aux yeux : plusieurs passages présentent des différences très repérables lesquelles correspondent, pour nous, à des sources différentes. Par exemple : la parabole des invités remplacés par les pauvres (Lc 14, 16-24) et la parabole du festin de noces royales - terminée par l'homme qui n'a pas mis son vêtement de noce (Mt 22, 2-10) n'ont rien à voir au niveau de la formulation et pas nécessairement non plus au niveau de la parénèse ... alors qu'elle sont présentées comme " homologues " par Marguerat (INT page 42). Et cet exemple n'est pas unique ... Il nous semble très curieux que ce fait - également indiscutable d'après nous - soit passé sous silence
On a donc un problème de cohérence de la source Q, si ces passages correspondent à des sources différentes, ils ne devraient pas être comptés dans la source " commune " qu'est sensée être Q. Il en va de même pour les passages de Jésus au désert, mais pour une autre raison : en effet Marc résume ce passage en 2 versets (Mc 1, 12-13) et on ne peut considérer qu'il serait absent de Marc, il ne s'agit donc pas d'un accord Mt/Lc contre Mc mais bien d'une triple tradition Mt // Mc // Lc, juste résumée par Marc.
Nous avons vu plus haut que la source Q qui est commune du point de vue du modèle des deux sources (analyse par grande masses de « matériau littéraire ») était immédiatement plus complexe, si on pratiquait la comparaison au mot à mot. Ici la source dite « commune » est finalement l’assemblage de plusieurs sources, deux ou plus ….
E. Un autre point de vue : « Q » pourrait être le témoin des corrections de Luc sur Matthieu quand le texte de Marc fait défaut
Pierre Perrier compare - à égalité - l’hypothèse de la source Q et sa propre hypothèse (14, page 709 à 715) :
- D’une part : une source Q intégrée par un évangéliste matthéen – donc pas par Matthieu – et sans contact avec Luc pour composer l’évangile final selon Matthieu en grec [vers 80 ou +] ;
- D’autre part : Luc en provenance de Troas se rend à Jérusalem lors de l’année sabbatique 53/54 homogénéise son texte de référence écrit de catéchèse-liturgie annuelle dont la base est l’évangile oral [en araméen] reçu par lui de saint Paul sur le texte de catéchèse-liturgie de Jérusalem qui est usage dans cette Église-Mère depuis 37 où Matthieu leur a laissé son texte de référence au moment de quitter la ville [pour Antioche].
La première différence importante entre ces deux hypothèses est que la première porte sur la composition d’un texte écrit directement en grec vers 80 (Matthieu meurt en 54), alors que la seconde s’appuie sur un tradition orale en araméen, fixée par écrit en araméen - conservés à ce jour par plusieurs églises orientales - dont la première version est structurée en « colliers de récitation » (ou Karozoutha en araméen) est en 37 – et qui a été ultérieurement traduite en grec.
La seconde différence capitale est l’inversion de logique : ce n’est pas l’évangéliste matthéen qui rassemble ses sources : Marc et Q (selon l’hypothèse des deux sources), c’est Luc qui vient de Turquie consulter à Jérusalem et combler les lacunes de Marc sur la catéchèse-liturgie de Jérusalem composée en 37 par Matthieu et qui est en usage dans l’Église-Mère.
Conclusion de Pierre Perrier :
- soit il s’agit de l’hypothèse de la source Q , alors elle témoigne d’une élaboration tardive par Marc peu avant 70 ;
- soit il s’agit de l’hypothèse de Luc venant vérifier en 53/54 sa tradition orale araméenne et son texte grec sur la tradition orale laissé par Matthieu en 37, alors c’est une vérification par Luc sur une tradition précoce et solide.
Pierre Perrier conclut sobrement : « le choix pour l’une ou l’autre hypothèse dépend de la fiabilité des présupposés initiaux ».
5. La phase orale et la généalogie du texte
Venant de la lecture de Pierre Perrier, cette question de l’oralité est la première que nous avons étudiée dans l’ouvrage de Marguerat. Mais cette question de l’oralité n’apparait que par petites touches dispersées. Cependant nous avons pu retenir quatre paragraphes plus développés sur cette question (spoiler).
A. Qu’est-ce que l’ouvrage de Marguerat nous apprend sur l’oralité ? Quelle est sa conception de l’oralité ?
+ Le premier paragraphe est intitulé « Les lois de l’oralité » ;
+ Le second paragraphe traite de la transmission rabbinique ;
+ Le troisième paragraphe décrit le langage maladroit de Marc en grec ;
+ Le quatrième paragraphe concerne « l’hypothèse de la tradition orale ».
B. Finalement comment Marguerat voit-il la transition entre la tradition orale et l’écrit ?
La réponse, tirée de deux autres paragraphes (spoiler), est sommaire : « ce sont ces « micro-unités » ou « micro-récits » qui seraient le produit de la mise par écrit en grec directement à partir de la tradition orale. »
Il y a là deux ou trois hypothèses enchainées - tenues pour des évidences ... et c’est le postulat des micro-unités indépendantes (postulat fondamental de la Formgeschichte, INT page 15) qui sert de réponse à la question de la nature et de la fonction de la tradition orale par rapport à l’écrit grec. On est typiquement dans un raisonnement circulaire, c’est-à-dire où la réponse ne repose que sur le présupposé fondateur. Nous pouvons situer l’ambition de l’école de Marguerat sur la question de la transition de la tradition orale à l’écrit à partir que quelques paragraphes (spoiler).
A la lecture du titre même de l’ouvrage : « Introduction au Nouveau Testament, Son histoire, son écriture, sa théologie » et des deux paragraphes ci-dessus (spoiler), on prend la mesure des ambitions de la Formgeschichte - et de l’école de Marguerat. Il est même suggéré que la critique formiste - de la forme, donc - aurait éclairé la « préhistoire » de micro-unités - c'est le postulat fondamental de la Formgeschichte, nous le répétons encore une fois ... parce que Marguerat ne cesse de le répéter lui aussi !
Mais cette prétention « à éclairer la préhistoire des textes » (INT page 31) est tout à fait exorbitante parce que :
L’ouvrage de Marguerat ne répond ni à la question du passage de la tradition orale à l’écrit en grec - du point de vue pratique et historique -, ni à la question du fonctionnement de la tradition orale dans la catéchèse ou la liturgie – toujours du point de vue concret et historique.
Ici, notre conclusion est négative : l’école Marguerat n’a aucune conception claire la tradition orale. Les paragraphes dédiés à cette question sont particulièrement pauvres - dépourvus de référence bibilographique. Il est probable que Marguerat confond « la tradition orale » et la « communication orale », c’est-à-dire le fonctionnement déstructuré du « bouche à oreille ». L’ouvrage, de ce point de vue spécifique, reste enfermé dans la seule logique du processus littéraire de l’écrit grec. L’ouvrage qui revendique son approche historico-critique n’est pas dans l’histoire, il ne décolle pas du registre littéraire.
Il nous semble assez remarquable que selon Marguerat la source Q aurait donc une « histoire » (INT page 44) alors que l’ouvrage tend à démontrer que les évangiles, eux, seraient « une narration, mais pas une histoire » au sens où le récit évangélique ne renvoie nécessairement ni à une origine (Jésus), ni à des souvenirs exacts, ni à une généalogie de la transmission. On est dans le glissement de sens ou le travestissement des mots et on a un peu l’impression de marcher sur la tête ! Ce constat très négatif n’est pas vraiment contrebalancé par quelques observations plus justes sur le tout début du christianisme au lendemain de la Résurrection (spoiler)
En dehors « l’histoire littéraire » du texte grec, l’ouvrage de Marguerat laisse complètement dans l’obscurité le fonctionnement et les réalisations de la tradition orale « vers 30 » jusqu’à « peu avant 70 » – date présumée de l’élaboration du premier évangile de Marc.
Pour terminer, il ne semble pas exister d’alternative - pour remonter l’histoire de l’évangile de Marc - que cette hypothèse de la source Q
C. Malgré l’absence de conception claire sur l’oralité, on a cependant quelques affirmations dispersées …
+ Des affirmations plus ou moins discutables sur :
- La tradition orale s’est surtout développée dans les milieux étrangers à la Grande Église (INT page 27) ;
- Les traditions empruntées à la Source Q sont supposée sous forme écrite parce qu’elles apparaissent dans le même ordre (INT page 41) ;
- Les traditions propres à Mt et Lc sont supposées non écrites en raison de le manque de constance littéraire et théologique (INT page 45) ;
- L’absence d’un évangile sémitique ou de trace historique d’une version ancienne de l’évangile de Matthieu (INT pages 46 et 90) ;
- Etc.
+ Des explications « bouche-trou » lorsque le modèle des deux sources devient insuffisant :
- Sur les éventuels contacts entre Marc et la Source Q : « Leur faible nombre conduit plutôt à attribuer les éléments communs à la tradition orale (F. Neirynck) » (INT page 43)
- Pour expliquer les deux versions QMt et QLc : « … sous la pression de la tradition orale. » (INT page 43)
4. L’hypothèse de la Source Q
La Source Q est une hypothèse. Elle est logiquement déduite de l’analyse des évangiles synoptiques par « grandes masses de matériau narratif » permettant de distinguer :
1. Le matériau narratif commun à trois évangélistes ;
2. Le matériau narratif commun à deux évangélistes ; et
3. Les traditions propres à un seul évangéliste.
Le source Q est, donc, définie comme le texte commun à Matthieu et Luc, mais absent de Marc.
A. Origine de la source Q
Marguerat situe la naissance en Galilée – éventuellement en araméen – avec une rédaction en grec entre les années 40 et peu avant 70 - date présumée de rédaction de l'évangile de Marc.
- Spoiler:
De notre point de vue, cette fourchette de temps très ample n’est pas très informative sur un point capital : la proximité de temps éventuelle avec les témoins oculaires. En effet, en 40 tous les apôtres étaient tous vivants – sauf Judas Iscariote, alors qu’en 70 la plupart étaient morts ! Jacques le Majeur meurt en 41, Nathanaël en 44, André en 47, Simon en 50, Matthieu en 54, Jacques le mineur en 62, Jude en 65, Pierre en 67, Thomas en 67, (Paul en 68), Philippe en 81 et Jean en 98 (4).« La source des paroles de Jésus est née en Israël (en langue araméenne ?). Sa géographie interne (Chorazain, Bethsaïda, Capharnaüm) indique la Galilée comme lieu de naissance probable. Aucun écho de la destruction de Jérusalem et de son Temple n’étant perceptible (cf. Lc 13, 34s), sa fixation littéraire a précédé l’an 70. Ses porteurs furent des missionnaires itinérants dont le discours d’envoi (Lc 10, 1-12) configure l’existence, mais aussi de petites communautés locales de l’espace syro-palestinien (M. Sato). La mise par écrit de la Source en grec est située dans la fourchette allant des années 40, où la mission juive est encore en cours (G. Theissen) à peu avant 70 dans la proximité de la rédaction de Mc (P. Hoffman). » (INT page 45)
B. Contenu de la source Q
Cette source comporterait 200 à 300 versets. Étant donné que le texte de cette hypothétique source Q n’a pas été retrouvé son étendue est inconnue.
Si on en croit Kloppenborg (2003), un spécialiste américain de cette source Q, plusieurs conclusions pourraient déjà être retenues concernant cette source Q reconstituée (1, pages 242-243). La conclusion principale est que cette source Q ne serait pas un ensemble de versets disparates, mais qu’elle serait le produit d’une histoire de composition assez complexe. Kloppenborg explique le silence relatif de la source Q sur les miracles (un seul récit : celui du centurion) ou le silence complet sur la passion et la mort de Jésus, sur les controverses sur le sabbat ou la rareté des logia concernant la Torah comme une théologique propre à cette « communauté Q ».« L’étendue exacte de la Source Q reste incertaine, dans l’impossibilité où nous sommes de savoir si des logia ont été retenues par un seul évangéliste ou ignoré par les deux. » (INT page 44)
- Spoiler:
La reconstitution de cette source Q a présenté des difficultés. Nous n’en connaissons pas exactement les causes, mais cette reconstitution a été très laborieuse et longue : 10 ans de travail au moins.« La Source des paroles de Jésus, telle que la critique récente la reconstitue, compte un peu plus de deux cents versets ou fragments de versets sûrs, auxquels il faut ajouter une petite centaine de versets ou fragments de versets incertains. Cela représente environ 4.500 mots pour un lexique d’à peu près 750 mots. On peut préciser que 2.400 mots environ sont rigoureusement identiques et se suivent dans le même ordre chez Matthieu et chez Luc, ce qui plaide fortement en faveur d’une source commune, qu’elle soit orale ou écrite. » (10)
Si on en croit Kloppenborg (2003), un spécialiste américain de cette Source Q, appartenant au mouvement de « la troisième quête » du Jésus historique (http://fr.wikipedia.org/wiki/Qu%C3%AAtes_du_J%C3%A9sus_historique ) plusieurs conclusions pourraient déjà être retenues concernant cette source Q reconstituée (1, pages 242-243) :
- Q n’est pas une collection disparate de logia, mais le produit d’une composition mûrement réfléchie ;
- La polémique contre « cette génération » est un principe clé de son organisation. Elle s’associe au thème du jugement qui vient ;
- Q est le produit d’une histoire de composition assez complexe, indépendamment de la possibilité de déterminer précisément les étapes de cette histoire.
Plus loin, plusieurs paragraphes très intéressants, de Kloppenborg toujours, abordent quelques questions qui peuvent se poser à propos des « omissions » cette source Q :
- Le silence relatif de Q sur les miracles qui est « un problème en soi » ;
- L’absence de récit de la Passion dans Q, mais il serait absurde de supposer que ceux qui ont conçu Q ignoraient la mort de Jésus ;
- L’absence de controverse sur le sabbat en Q, de même que la rareté des logia concernant la Torah représentent des problèmes difficiles à résoudre.
Ces « omissions » ne sont pas mises sur le compte d’une ignorance ou d’une négation de ces thèmes, mais d’une conception théologique propre ne mettant pas ces thèmes au centre de la conception de la figure de Jésus dans ce groupe utilisant la Source Q.
Kloppenborg cite Downing (1. page 258) concernant les relations fonctionnelles entre la mise par écrit du texte évangélique et la prestation orale. La composition littéraire dans le monde antique était une activité sociale.
Cette conception est totalement à l’opposé du scribe chrétien « inspiré » travaillant à la mode d’un écrivain : seul à forger de nouvelles paroles « dans la fidélité au Maître » comme le suggére Elian Cuvilier dans l’ouvrage de Marguerat (INT page 95). Cette citation Downing décrit aussi en pratique la relation entre la tradition orale et la composition et la mise par écrit de l'oralité (texte oral) dans une communauté vivante - alors cette perspective semble complètement hors de portée de l’ouvrage de Marguerat..« Il semble que la prestation orale aurait fait partie, souvent sinon toujours, de la production de n’importe qu’elle œuvre – de sa production, et non seulement de son but. De plus, une audience réduite ou plus considérable aurait toujours (ou le plus souvent) participé à la phase préparatoire d’une œuvre et à sa création. La composition littéraire dabs le monde antique était une activité sociale. » (1. Page 258)
C. Les débats sur la source Q
Il y a un débat sur l’existence ou l’inexistence de la source Q (10), mais ce n’est ni le plus intéressant, ni le plus moderne. Comme pour le modèle des deux sources, on peut poser plutôt la question du point de vue des « fruits », c’est-à-dire des réalisations théoriques et pratiques découlant de cette hypothèse. En effet, si l’on admet que l’effort modélisation du processus synoptique est en impasse, cette hypothèse de la Source Q est pourtant un « fruit » du modèle des deux sources. Ainsi l'hypothèse de la source Q peut bien être vue comme la dernière chance de justification de tout l’effort de modélisation depuis 200 ans et plus.
L’existence de doublets communs serait, d’après Marguerat, un argument fort en faveur de cette source Q. Notre étude de profane (en français) de ces doublets communs – mot à mot - nous a convaincu plutôt que ce fait indéniable pourrait aussi bien correspondre à un modèle à 3 ou 4 sources – validant donc l’existence de plusieurs « versions » ou « sources » à l'intérieur de Q.
- Spoiler:
Les doublets communs« Un argument vient renforcer l’hypothèse d’une seconde source à coté de Marc : le phénomène des doublets communs. On appelle de ce nom la récurrence dans le récit d’un texte analogue, sinon identique. Or à plus d’une reprise, Mt et Lc reprennent un logion une première fois suivant la version de Mc et une seconde fois suivant celle de Q. Ainsi le logion de Mc 4, 25 (« A qui a, il sera donné ; à qui n’a pas, même ce qu’il a lui sera retiré ») est repris en Mt13, 12 et Lc 8, 18 ; il se retrouve aussi en Mt 25, 29 et Lc 19, 26, où il provient de Q. Autres exemples : Mc 8, 35 (sauver ou perdre sa vie) est repris en Mt 16, 25 et Lc 9, 24, tandis qu’un logion semblable de Q apparaît en Mt 10, 39 // Lc 17, 33 » ; Mc 8, 38 (avoir honte de Jésus) a un parallèle Mt 16, 27 et Lc 9, 26, et dans la version de Q Mt 10, 32s // Lc 12, 8s. Lc présente même deux discours d’envoi aux disciples, l’un tiré de Mc (Lc 9), l’autre de la Source des paroles (Lc 10). Ces contacts permettent-ils de conclure à une connaissance réciproque de Mc et de la Source des paroles ? Leur faible nombre conduit plutôt à attribuer les éléments communs à la tradition orale (F. Neirynck). » (INT page 43)
Par contre, ce qui est débattu, c’est d’abord la question de l’utilisation pratique de cette source Q. A quel public était-elle destinée ?
- Ce serait une catéchèse complémentaire à l’usage des convertis du paganisme (2) ; ou
- Elle aurait été « portée » par les missionnaires itinérants et dans certaines communautés locales (INT page 45) ; ou
- Ce serait un vadémécum pour missionnaires itinérants, vivant radicalement l’utopie du Royaume de Dieu (9).
La question des étapes de rédaction de la source Q, c’est-à-dire de sa stratification littéraire est aussi très discutée et de multiples hypothèses sont avancées (spoiler). Enfin, la « communauté Q » est typiquement « une hypothèse bâtie sur une autre hypothèse ». Si dans un sens - la Formgeschichte suppose que toute situation de vie (Sitz im Leben) produit ses propres textes, l'inverse, dans l'autre sens, n'est pas nécessairement vrai : ce n'est pas parce qu'on pense avoir trouvé un texte (première hypothèse) qu'on peut nécessairement trouver une communauté spécifique qui lui corresponde (seconde hypothèse).
- Spoiler:
Dans l’ouvrage de Marguerat« Peut-on reconstituer l’histoire de la Source et la généalogie de son texte ? L’ordonnance des sentences et des quelques textes narratifs qui la composent dénote en effet un agencement rédactionnel (D. Lürmann). La recherche d’une stratification littéraire de la source conclut à plusieurs conjectures : faut-il différenciera une couche archaïque palestinienne axée sur la Torah d’une couche hellénistique plus tardive pointant sur le retard de la parousie et du jugement d’Israël (S. Schluz) ? ou une tradition prépascale d’une tradition secondaire centrée sur les questions communautaires (A. Polag) ? ou une strate sapientielle d’une strate ultérieure à teneur apocalyptique (J. S. Kloppenborg) ? UN accord tend à se dessiner sur le constat d’une évolution de la source à partir de sentences archaïques (Lc 11, 52 ; 16, 17) en direction de regroupements de logia (par ex. Lc 9, 57-60 ; 11, 39-51), pour aboutir à un texte plus élaboré à tendance biographique (la tentation de Jésus : Mt 4, 1-11). Ce processus évolutif est marqué par la séparation avec Israël et une accentuation progressive du thème du jugement eschatologique. (INT page 44)
Plusieurs théories qui morcellent Q en de multiples documents et sous-documents (8 )« En étudiant l'histoire de la formation des évangiles, les exégètes en sont venus naturellement à reconstruire l'histoire de la source Q. De nouveau, plusieurs théories ont été proposées qui morcellent Q en de multiples documents ou sous-documents :
• Plusieurs éditions successives : Q1 , Q2, Q3 (Haupt, Patton) ;
• Ajout de documents supplémentaires (Streeter) ;
• Deux versions différentes QMt et QLc, chaque évangile suivant l'une d'elle (Sato) ;
• Reconnaissance de différentes couches en perpétuelles croissance, sans plus (Dibelius, Meinertz) ;
• Distinction entre une couche archaïque palestinienne, à tonalité sapientielle et axée sur la Torah et une couche plus récente hellénistique, à tonalité eschatologique et axée sur le jugement d'Israël. (Schultz, Kloppenborg). »
D. Les deux versions de Q
Nous avons vu plus haut que ces deux versions de Q sont reconnues par Marguerat. Le débat sur ce sujet précis semble inconnu sur le net (10). Nous ne trouvons ce constat que dans l’ouvrage de Marguerat, mais pas dans le livre de N. Siffer et D. Fricker (11). Nous avons été très surpris de constater - par une petite étude de profane (spoiler) - que cela semble pourtant sauter aux yeux : plusieurs passages présentent des différences très repérables lesquelles correspondent, pour nous, à des sources différentes. Par exemple : la parabole des invités remplacés par les pauvres (Lc 14, 16-24) et la parabole du festin de noces royales - terminée par l'homme qui n'a pas mis son vêtement de noce (Mt 22, 2-10) n'ont rien à voir au niveau de la formulation et pas nécessairement non plus au niveau de la parénèse ... alors qu'elle sont présentées comme " homologues " par Marguerat (INT page 42). Et cet exemple n'est pas unique ... Il nous semble très curieux que ce fait - également indiscutable d'après nous - soit passé sous silence
On a donc un problème de cohérence de la source Q, si ces passages correspondent à des sources différentes, ils ne devraient pas être comptés dans la source " commune " qu'est sensée être Q. Il en va de même pour les passages de Jésus au désert, mais pour une autre raison : en effet Marc résume ce passage en 2 versets (Mc 1, 12-13) et on ne peut considérer qu'il serait absent de Marc, il ne s'agit donc pas d'un accord Mt/Lc contre Mc mais bien d'une triple tradition Mt // Mc // Lc, juste résumée par Marc.
- Spoiler:
Plusieurs reconstitutions existent, notamment : dans l’ouvrage de Marguerat (page 42) ou dans l’ouvrage de N. Siffer et D. Fricker (11). Sur le net, les sites les plus pratiques sont :
- http://www.jlturbet.net/article-34016881.html (12) ;
- http://protestantsdanslaville.org/gilles-castelnau-spiritualite/gc62.Q1.htm (13)
Nous n’avons travaillé qu'à partir du premier site. Puisque nous sommes complètement profanes en cette matière, nous avons constaté en examinant l’exemple des doublets communs (plus haut) donné par Marguerat que chaque mot compte pour juger de l’identité ou de la différence de source. Donc notre étude est faite au mot à mot, au mot près.
Nous avons pu en trouver une version de 237 versets grâce au lien : Puis les passages parallèles Mt/Mc/Lc ont été reconstitués. Ainsi, plusieurs passages attestent de sources nettement différentes, par exemple :
- Les Béatitudes : Lc 6, 20-26 ≠ Mt 5, 1-12 ;
- Les Paraboles sur les Invités : Lc 14, 16-21 ≠ Mt 22, 1-13 ;
- Les Paraboles sur les talents ou les mines : Lc 19, 16-26 ≠ Mt 25, 14-30.
Lorsqu’on compare les textes parallèles entre Matthieu et Luc dans cette source Q, il apparaît que dans 2/3 de ces textes la formulation s’écarte notablement du texte parallèle et que les sources sont donc différentes (critère de différence : moins de 50% de termes identiques).
Nous avons vu plus haut que la source Q qui est commune du point de vue du modèle des deux sources (analyse par grande masses de « matériau littéraire ») était immédiatement plus complexe, si on pratiquait la comparaison au mot à mot. Ici la source dite « commune » est finalement l’assemblage de plusieurs sources, deux ou plus ….
E. Un autre point de vue : « Q » pourrait être le témoin des corrections de Luc sur Matthieu quand le texte de Marc fait défaut
Pierre Perrier compare - à égalité - l’hypothèse de la source Q et sa propre hypothèse (14, page 709 à 715) :
- D’une part : une source Q intégrée par un évangéliste matthéen – donc pas par Matthieu – et sans contact avec Luc pour composer l’évangile final selon Matthieu en grec [vers 80 ou +] ;
- D’autre part : Luc en provenance de Troas se rend à Jérusalem lors de l’année sabbatique 53/54 homogénéise son texte de référence écrit de catéchèse-liturgie annuelle dont la base est l’évangile oral [en araméen] reçu par lui de saint Paul sur le texte de catéchèse-liturgie de Jérusalem qui est usage dans cette Église-Mère depuis 37 où Matthieu leur a laissé son texte de référence au moment de quitter la ville [pour Antioche].
La première différence importante entre ces deux hypothèses est que la première porte sur la composition d’un texte écrit directement en grec vers 80 (Matthieu meurt en 54), alors que la seconde s’appuie sur un tradition orale en araméen, fixée par écrit en araméen - conservés à ce jour par plusieurs églises orientales - dont la première version est structurée en « colliers de récitation » (ou Karozoutha en araméen) est en 37 – et qui a été ultérieurement traduite en grec.
La seconde différence capitale est l’inversion de logique : ce n’est pas l’évangéliste matthéen qui rassemble ses sources : Marc et Q (selon l’hypothèse des deux sources), c’est Luc qui vient de Turquie consulter à Jérusalem et combler les lacunes de Marc sur la catéchèse-liturgie de Jérusalem composée en 37 par Matthieu et qui est en usage dans l’Église-Mère.
- Spoiler:
Pierre Perrier décrit les présupposés de la source Q :
Premier présupposé : il ne peut y avoir eu de composition et de transmission orale catéchétique ou liturgique voulue et poursuivie depuis l’origine ;
Second présupposé : les concordances et les divergences entre les évangélistes sont évaluées sur le mot à mot littéral (ce qui est la méthode de reconstitution de Q) et non sur le sens du texte dans son contexte biblique vétéro- et néotestamentaire.
A. Analyse d’un raisonnement logique à présupposé mal cerné : la source Q
B. Bâtissons maintenant notre explication sur un autre présupposé :
Voici un excellent résumé de l’hypothèse Q donnée dans Brown. Notons tout de suite trois énoncés qui vont nous orienter dans la recherche du présupposé amont […]« Q est la source hypothétique postulée par la plupart des spécialistes pour expliquer ce que nous avons appelé ci-dessus la Double Tradition, c’est-à-dire les accords (souvent mot à mot) entre Matthieu et Luc sur des éléments absents de Marc. Cette hypothèse repose sur une suggestion plausible : l’évangéliste matthéen ne connaissait par Luc et vice versa : ils devaient donc avoir une source commune. La reconstitution de Q exige beaucoup de précautions (…) la plupart des reconstitutions suivent l’ordre lucanien (…) »
On notera d’abord que l’évangéliste matthéen nous place face à une hypothèse (apparemment évident pour Brown) que l’auteur du premier évangile n’est pas l’Apôtre Matthieu ; ensuite beaucoup de précaution est nécessaire pour identifier ce texte amont ; enfin la présentation de l’auteur insiste sur le fait que Q est une suggestion plausible […]
Ceci serait contraignant que s’il n’y avait pas d’explication autre de la double tradition. Or si on fait le présupposé inverse alors la source Q est le témoignage des corrections mot à mot de Luc sur Matthieu quand le texte de Marc fait défaut pour que cette correction mot à mot, ce qui est conforme à Lc 1, 3 et ne peut porter uqe sur des éléments secondaires (ainsi Q n’a pas plus d’intérêt que la collection des phrases où furent appliquées des corrections d’épreuves d’imprimerie sur tel ou tel livre moderne dès lors que la tradition de base est fiable.)
La confrontation des deux approches que nous venons d’exposer (A et B) permet de déterminer (avant même tout jugement sur le fond) le double présupposé sur lequel repose l’hypothèse « Q » :« Luc lui-même ayant reçu (et transmis comme les autres évangélistes d’Antioche dont son ami l’évangéliste Théophile d’Antioche) des textes oraux longs, importants (et non pas des logia) et précis, transmis de cœur à cœur, selon une forme mémorisable (en colliers), profite de son pèlerinage pour apporter une collecte financière à Jérusalem pour l’année sabbatique 53-54 venant de la base d’évangélisation (Alexandrie de Troade : nouvelle ville de Troas refondée par Alexandre en -322). Il apporte sa collecte de textes catéchétiques au « saints » de Jérusalem ; il a en vue de préciser son texte de référence écrit de catéchèse-liturgie annuelle dont la base est l’Evangile oral reçu par lui de saint Paul, pour le transmettre avec précision aux parant grec de la communauté.
Il homogénéise ce texte sur le texte de catéchèse-liturgie de Jérusalem qui est usage dans cette Eglise-Mère depuis 37 où Matthieu leur a laissé son texte de référence au moment de quitter la ville. »
- Un présupposé de forme : ce présupposé est qu’il ne peut y avoir eu de composition et de transmission orale catéchétique ou liturgique voulue et poursuivie depuis l’origine. Autrement dit, les multiples disciples de Jésus ne se sont pas sentis investis de la responsabilité vis-à-vis des générations ultérieures de transmettre le plus exactement possible ce dont ils avaient été témoins (cf. Jn 18, 20). Ce présupposé doit être concilié – on ne voit pas très bien comment – avec le fait qu’à l’époque apostolique ou immédiatement postapostolique (en 54, Jacques le Mineur, Jean et beaucoup parmi les 500 sont encore à Jérusalem) les Églises apostoliques sont en contact soit constant, soit à l’occasion des pèlerinages – notamment lors des années sabbatiques précédentes [Dates des années sabbatiques : 26/27 ; 33/34 ; 40/41 ; 47/48 ; 54/55 ; 61/62 ; 68/69 … 131/132. (14, pages 767-768]
- Un présupposé de contenu : la méthode suivie pour établir Q possède le mérite de l’objectivité puisque l’on considère comme commun à des évangélistes que ce qui est identique mot à mot. Q se propose donc d’expliquer les divergences entre les Évangiles du point de vue du mot à mot. Cette objectivité possède un inconvénient majeur : elle ne prend pas en compte les concordances et les divergences portant sur le sens du texte. […]
Si au contraire Q n’est que la trace d’un corpus des corrections minimes et secondaires d’homogénéisation sur Matthieu des formules évangéliques qui ont évolué un peu avec leur usage dans des dialectes différents de ceux de l’Église de Jérusalem, alors on ne peut que trouver normal leur faible contenu théologique et doctrinal. Il ne peut en effet s’agir que de rectifications de détails, si le corps de doctrine est stable depuis le début. […]
Ainsi l’homogénéisation du texte de Luc sur les textes originaux a-t-elle permis de vérifier la stabilité des traditions, car les traditionneurs étaient conscients du caractère précieux de chaque mot, de chaque phrase. De la sorte Luc a vérifié une tradition orale sur le texte araméen d’une autre tradition orale et a bien entendu aussi homogénéisé les traductions grecques mot à mot ; de sorte que l’existence de divergences entre les Évangiles peut aussi bien être la preuve d’une datation tardive des Évangiles (hypothèse Q) qu’une vérification de la précocité et de la solidité des témoignages sur le Christ et de la conviction qu’en avaient les catéchistes (notre hypothèse). Bien entendu, le choix de l’une ou l’autre hypothèse dépend de la fiabilité des présupposés initiaux.
Conclusion de Pierre Perrier :
- soit il s’agit de l’hypothèse de la source Q , alors elle témoigne d’une élaboration tardive par Marc peu avant 70 ;
- soit il s’agit de l’hypothèse de Luc venant vérifier en 53/54 sa tradition orale araméenne et son texte grec sur la tradition orale laissé par Matthieu en 37, alors c’est une vérification par Luc sur une tradition précoce et solide.
Pierre Perrier conclut sobrement : « le choix pour l’une ou l’autre hypothèse dépend de la fiabilité des présupposés initiaux ».
5. La phase orale et la généalogie du texte
Venant de la lecture de Pierre Perrier, cette question de l’oralité est la première que nous avons étudiée dans l’ouvrage de Marguerat. Mais cette question de l’oralité n’apparait que par petites touches dispersées. Cependant nous avons pu retenir quatre paragraphes plus développés sur cette question (spoiler).
A. Qu’est-ce que l’ouvrage de Marguerat nous apprend sur l’oralité ? Quelle est sa conception de l’oralité ?
+ Le premier paragraphe est intitulé « Les lois de l’oralité » ;
+ Le second paragraphe traite de la transmission rabbinique ;
+ Le troisième paragraphe décrit le langage maladroit de Marc en grec ;
+ Le quatrième paragraphe concerne « l’hypothèse de la tradition orale ».
- Spoiler:
Lois de l’oralité
De façon surprenante, ce paragraphe ne se réfère à aucune publication. L’unité de de temps et de lieu, l’élimination des détails superflus et la dualité des scènes dans les dialogues sont des procédées non spécifiques de l’oralité. Ces procédés d’exposé se retrouvent cependant dans l’oralité de témoignage, c’est-à-dire quand les récits construits par le « traditionneur » à partir de couples de témoins comme il est exigé par la Torah. L’insertion dans un cadre narratif ou discursif peut être jugée arbitraire si la structure en « perles » et « colliers » du texte oral n’est pas identifiée (même genre d’erreur qu’avec l’hypothèse des « micro-unités », voir : https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t1976-la-parole-de-jesus-christ-a-la-sauce-marguerat#41413 ).« Les lois de permettent de comprendre comment s’est fixé la mémoire de Jésus. 1) Chaque micro-récit (miracle, controverse, rencontre, parabole) est régi par l’unité de temps et de lieu : l’événement rapporté se déroule en cadre précis. 2) Les détails jugés superflus sont éliminés au profit d’une concentration sur la parole ou le geste que le récit veut mettre en évidence. 3) Dans les scènes de dialogue, la règle de la dualité s’applique : deux partenaires se font face (Jésus et un individu ou un groupe), qui illustrent chacun deux positions contradictoires ou un rapport de maître à élève.
De façon générale, les micro-récits dégagés par l’analyse de la forme littéraire se signalent par une extrême sobriété narrative, à laquelle les évangélistes ont souvent remédié en les insérant dans un cadre narratif ou discursif plus ou moins élaboré. On s’en convainc en comparant la façon dont Matthieu (18, 10-14) et Luc (15, 1-7) ont différemment mis en valeur la parabole de la brebis perdue dû aux petits, le second en réponse à la critique des Pharisiens et des scribes contre l’accueil par Jésus des collecteurs d’impôt et des pécheurs » (INT page 27)
Le modèle de la transmission rabbinique
Marguerat reconnaît que ce modèle établit « un lien fort entre l’enseignement de Jésus et sa réception par les disciples », et – naturellement - écarte cette explication sous différents arguments – mais sans en discuter la probabilité historique. Cependant la présentation de ce « modèle » par Marguerat est triplement faussée :« L’exégète scandinave Birger Gerhardsson a proposé un modèle inspiré de la formation de la tradition rabbinique. Même s’il concède que la fixation littéraire de Mishnah et du Talmud s’est produite bien plus tardivement que les évangiles, il estime que le principe de transmission de l’enseignement rabbinique était déjà en vigueur au premier siècle. Ce principe était la mémorisation de l’enseignement du maître par les élèves, afin de préserver la conservation de la tradition. Selon Gerhardsson, Jésus a enseigné ses disciples en usant à la fois de formules à mémoriser et de formes plus flexibles. La préservation de ses paroles s’est déroulée d’une manière analogue à la transmission de l’enseignement haggadique (c’est-à-dire narratif) chez les rabbins. Un collège composé de disciples de Jésus, les Douze ou un cercle plus large, a exercé une fonction de régulation dans la conservation et et la transmission de la tradition de Jésus. Un autre chercheur scandinave, Harald Riesenfeld, a supposé que Jésus avait enseigné à se disciples une Parole sainte, sorte d’Evangile primitif, qu’on aurait fait mémoriser et qui aurait été récité durant le culte de la communauté.
Ce modèle explicatif a le mérite d’établir un lien fort entre l’enseignement e Jésus et sa réception par les disciples. Mais sur quels indices se base-t-il ? Jamais les évangiles ne font allusion à un quelconque devoir de mémorisation des paroles du maître. La trace a plutôt été conservée que les foules étaient frappées par son enseignement, parce que Jésus « enseignait en homme qui a autorité et non pas comme les scribes » (Mc 1, 22). Le modèle de transmission rabbinique convient aux parles répétées identiquement dans les évangiles synoptiques ; mais elle échoue à expliquer leurs divergences. Par ailleurs, l’hypothèse d’un collège régulateur de la tradition de Jésus n’est nullement attestée ; la diversité très tôt observé de dans l’interprétation de la tradition de Jésus contredit l’idée d’une centralisation précoce et d’une normalisation originelle de l’héritage de Jésus. On retiendra cependant de ce modèle l’hypothèse d’une école de scribes chrétiens, attachée à préserver et interpréter l’enseignement de Jésus ; une telle école pourrait être à l’origine de la tradition d’interprétation de la Torah recueillie par l’évangéliste Matthieu (voir Mt 13, 51-52). » (INT page 15)
1. D’une part, aucun auteur ne défend l’idée que l’ordonnancement actuel des évangiles résulterait de la seule tradition orale ;
2. D’autre part le schéma est totalement « vide » (lignes pointillées divergentes) sans aucune structure, il repose sur une confusion entre « tradition orale » et « communication orale », c’est à dire le colportage déstructuré de l’histoire de Jésus par le « bouche à oreille », voire selon les " lois " que la rumeur.
3. Par définition, un modèle étant la représentation d’un système telle qu’elle résulte de l’analyse des relations entre ses composants, il n'y a ici aucun modèle, c'est à dire aucune ni analyse des composants ou des relations entre eux.
Pour finir, Marguerat ne fait pas mention d'un autre livre que Birger Gerhardsson a consacré aux évangiles; où il jugeait fiable la tradition appuyée sur cette transmission rabbinique (15).
L’écriture maladroite de Marc en grec
Ce paragraphe décrit, du point de vue d’une l’helléniste experte, le langage de Marc : maladroit bourré de sémitismes et de parataxes, au vocabulaire pauvre avec un usage des verbes au présent historique … sans mentionner que tous ces arguments peuvent être retenus en faveur d’une traduction en grec d’un texte oral sémitique - par un traducteur pas très cultivé en grec (notamment pour le temps des verbes : en araméen et en hébreu, il n’existe que l’accompli et l’inaccompli).« On a souligné que l’évangile de Marc est un écrit de langue grecque teinté de sémitismes, proche de traditions orales araméennes, au réservoir lexical pauvre, à la syntaxe élémentaire, juxtaposant des propositions plutôt que les hiérarchisant (parataxe), faisant un large usage du présent historique et dont les maladresses d’écritures restent apparentes. On précise aujourd’hui que ces traits ne le disqualifient pas, mais l’inscrivent de plein droit dans le champ reconnu de la littérature populaire hellénistique. » (INT page 69)
L'hypothèse de la tradition orale
Même si Marguerat reconnaît (encore) à cette hypothèse quelques mérites : « valorisation de l’oralité dans la préhistoire des évangiles lors de la mise par écrit de la tradition », il conclut rapidement par quelques arguments qui règlent définitivement son compte à cette hypothèse :« On discerne ici derrière l’écriture des évangiles, non pas des textes déjà fixés, mais un flux de tradition orale remontant aux apôtres. « Une loi doit être mise par écrit ; une Bonne Nouvelle on la proclame » (J.G. Herder, 1744-1803). Les accords entre évangiles sont dus à la régulation apostolique de la tradition orale, tandis que les divergences traduisent l’inflexion imprimée par chaque évangéliste en fonction de son cercle de lecteurs (J.C.L. Gieseler, 1792-1854). B. Reicke (1986) fait remonter la tradition commune de l’église primitive de Jérusalem d’expression araméenne, d’où Mc l’aurai reçu et traduite en grec.
Le double mérite de cette théorie est sa valorisation de l’oralité dans la préhistoire des évangiles lors de la mise par écrit de la tradition. Mais, au-delà des ressemblances sectorielles, des analogies structurelles d’un évangile à l’autre dépassent les capacités de rétention de la mémoire ; par ailleurs, les fortes différences peuvent-elles être attribuées à la seule liberté interprétative des évangélistes ? » (INT page 37)
+ « On discerne ici derrière l’écriture des évangiles, non pas des textes déjà fixés, mais un flux de tradition orale » … ;
+ « Les accords entre les évangiles sont dus à la régulation apostolique de la tradition orale ». Mais par ailleurs Marguerat écrit le contraire - cette fois pour disqualifier l'hypothèse du modèle de transmission rabbinique : « l’hypothèse d’un collège régulateur de la tradition de Jésus n’est nullement attestée » (INT page 13) ;
+ « Mais, au-delà des ressemblances sectorielles, des analogies structurelles d’un évangile à l’autre dépassent les capacités de rétention de la mémoire. »
B. Finalement comment Marguerat voit-il la transition entre la tradition orale et l’écrit ?
La réponse, tirée de deux autres paragraphes (spoiler), est sommaire : « ce sont ces « micro-unités » ou « micro-récits » qui seraient le produit de la mise par écrit en grec directement à partir de la tradition orale. »
Il y a là deux ou trois hypothèses enchainées - tenues pour des évidences ... et c’est le postulat des micro-unités indépendantes (postulat fondamental de la Formgeschichte, INT page 15) qui sert de réponse à la question de la nature et de la fonction de la tradition orale par rapport à l’écrit grec. On est typiquement dans un raisonnement circulaire, c’est-à-dire où la réponse ne repose que sur le présupposé fondateur. Nous pouvons situer l’ambition de l’école de Marguerat sur la question de la transition de la tradition orale à l’écrit à partir que quelques paragraphes (spoiler).
- Spoiler:
- « Après avoir identifié la forme littéraire on cherche à reconstituer son histoire en remontant de sa fixation littéraire au stade de l’oralité. L’analyse de la forme littéraire recourt à deux disciplines : l’esthétique littéraire et la sociologie. En esthétique littéraire, elle étudie la forme du texte et adopte une classification des formes fixes en usages dans le Nouveau Testament. A l’aide de la sociologie, elle relie la forme littéraire au lieu de vie (Sizt im Leben) qui génère cette forme, et détermine la fonction qui lui est affectée. Tout lieu de vie régule en effet sa communication en adoptant un code formel pourvu de fonction spécifiques : le culte recourt à diverses formules liturgiques (plusieurs types de prières, amen, bénédiction, consécration, l’enseignement à des formes didactiques, etc. Cela signifie que la mémoire de Jésus a été préservée dans les différents lieux de vie des communautés chrétiennes, et que la forme donnée à cette mémoire (surtout au stade oral) dépend directement du lieu de vie e de la fonction affectée par ce lieu à la parole ou au récit remémorés. C’est également dans ces lieux de vie que des collections des paroles ou de récits de même type (collection de logia, de paraboles, de récit de miracle ou de controverse) ont été constitués au stade oral, puis au stade écrit. » (INT pages 15-16)« La préhistoire des petites unités, avant leur intégration dans le texte des évangiles a été éclairée par la critique formiste (Formgeschichte) : paraboles, récits de miracles, controverses, logias ont reçu leur empreinte formelle au cours de leur transmission au stade d’oralité. Car la tradition de Jésus n’a pas été retenue par les premiers chrétiens dans un intérêt documentaire ; elle l’a été en vue de répondre aux besoins d’enseignement, de proclamation missionnaire, de célébration liturgique ou de codification éthique des premières communautés chrétiennes. C’est pourquoi elle s’est fixée, déjà oralement, en des formes littéraires dictées par le milieu de vie communautaire (Sitz im Leben) dans lesquelles elles s’inscrivaient : catéchèse, culte, débat avec la Synagogue, etc. » (INT pages 31-32)
A la lecture du titre même de l’ouvrage : « Introduction au Nouveau Testament, Son histoire, son écriture, sa théologie » et des deux paragraphes ci-dessus (spoiler), on prend la mesure des ambitions de la Formgeschichte - et de l’école de Marguerat. Il est même suggéré que la critique formiste - de la forme, donc - aurait éclairé la « préhistoire » de micro-unités - c'est le postulat fondamental de la Formgeschichte, nous le répétons encore une fois ... parce que Marguerat ne cesse de le répéter lui aussi !
Mais cette prétention « à éclairer la préhistoire des textes » (INT page 31) est tout à fait exorbitante parce que :
- Spoiler:
1. L’analyse de la forme a juste proposé des critères de classement des versets ou péricopes (paraboles, miracles, controverses, logias, etc …) et n’a rien démontré quant aux étapes concrètes et historiques à « l’origine » des textes et, avant les textes, : dans la « préhistoire » de la tradition orale ;
2. L’hypothèse des micro-unités indépendantes n’est qu’une hypothèse ou postulat non démontré (voir le point de vue alternatif de Pierre Perrier : https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t1976-la-parole-de-jesus-christ-a-la-sauce-marguerat#41413 ) ;
3. Le plan d’analyse est strictement littéraire. L’ouvrage livre des interprétations sur la stratification littéraire, les médiations littéraires ou la généalogie littéraire lesquelles ne sont – au mieux - que l’histoire littéraire - et non l’histoire sociale et politique, « concrète » des fait et des événements ; de plus l’analyse ne donne aucune vraie perspective sur la tradition orale, elle ne débouche en rien sur la tradition orale qui serait la « préhistoire » du texte écrit. Elle se contente par un procédé rhétorique d’assimiler les « micro unités » ou « micro récits » au produit direct de la tradition orale (hypothèse non démontrée, un fois encore !).
L’ouvrage de Marguerat ne répond ni à la question du passage de la tradition orale à l’écrit en grec - du point de vue pratique et historique -, ni à la question du fonctionnement de la tradition orale dans la catéchèse ou la liturgie – toujours du point de vue concret et historique.
Ici, notre conclusion est négative : l’école Marguerat n’a aucune conception claire la tradition orale. Les paragraphes dédiés à cette question sont particulièrement pauvres - dépourvus de référence bibilographique. Il est probable que Marguerat confond « la tradition orale » et la « communication orale », c’est-à-dire le fonctionnement déstructuré du « bouche à oreille ». L’ouvrage, de ce point de vue spécifique, reste enfermé dans la seule logique du processus littéraire de l’écrit grec. L’ouvrage qui revendique son approche historico-critique n’est pas dans l’histoire, il ne décolle pas du registre littéraire.
Il nous semble assez remarquable que selon Marguerat la source Q aurait donc une « histoire » (INT page 44) alors que l’ouvrage tend à démontrer que les évangiles, eux, seraient « une narration, mais pas une histoire » au sens où le récit évangélique ne renvoie nécessairement ni à une origine (Jésus), ni à des souvenirs exacts, ni à une généalogie de la transmission. On est dans le glissement de sens ou le travestissement des mots et on a un peu l’impression de marcher sur la tête ! Ce constat très négatif n’est pas vraiment contrebalancé par quelques observations plus justes sur le tout début du christianisme au lendemain de la Résurrection (spoiler)
- Spoiler:
- « La chrétienté palestinienne centrée à Jérusalem dès les lendemains de la résurrection (Ac 1-5) se remémore les paroles et gestes de jésus sa langue comme celle de Jésus, est l’araméen » (INT page 17)
« L’abondance des mentions géographiques présentes dans le récit de la Passion (Mc 14-15) a fait supposer qu’un tout premier récit avait eu une visée liturgique, dans le but d’accompagner une célébration ou un pèlerinage sur les lieux du martyre ; ce récit archaïque a pu naître dans les années 40 au sein de l’église de Jérusalem. » (INT page 19)
En dehors « l’histoire littéraire » du texte grec, l’ouvrage de Marguerat laisse complètement dans l’obscurité le fonctionnement et les réalisations de la tradition orale « vers 30 » jusqu’à « peu avant 70 » – date présumée de l’élaboration du premier évangile de Marc.
Pour terminer, il ne semble pas exister d’alternative - pour remonter l’histoire de l’évangile de Marc - que cette hypothèse de la source Q
- Spoiler:
- « L'auteur de l'évangile a hérité de traditions, qu'on repère sous son remodelage ; mais il est difficile de se prononcer avec précision sur leur étendue et leur teneur, de même que de rétablir les contours d'un éventuel proto-Marc. Sans-doute a-t-il bénéficié à la fois de sources écrites et de matériaux oraux, de premières ébauches du judéo-christianisme de Palestine et d'autres plus marquées par 1a culture hellénistique. Un récit de la Passion, par lequel les communautés dans leur liturgie la mort et la résurrection de leur Seigneur peut être formé le noyau de sa narration : tissé de citations des Écritures qui évoquent des figures de juste persécuté, il a donné à 1'évangile sa tension dramatique. Pour les paraboles, les controverses, les miracles, il semble que la tradition ait opéré un travail de regroupement. Marc a repris aussi des sentences isolées qu'il a maintenues ici ou là alors même que les circonstances les avaient démenties (comme l'assurance que le règne viendra avant la mort de certains auditeurs de Jésus, 9,1), ou qui avaient déjà été développées en petite collections (comme l'appel à tout homme à suivre au prix de sa propre vie. 8.34-38). » (INT p. 71)
C. Malgré l’absence de conception claire sur l’oralité, on a cependant quelques affirmations dispersées …
+ Des affirmations plus ou moins discutables sur :
- La tradition orale s’est surtout développée dans les milieux étrangers à la Grande Église (INT page 27) ;
- Les traditions empruntées à la Source Q sont supposée sous forme écrite parce qu’elles apparaissent dans le même ordre (INT page 41) ;
- Les traditions propres à Mt et Lc sont supposées non écrites en raison de le manque de constance littéraire et théologique (INT page 45) ;
- L’absence d’un évangile sémitique ou de trace historique d’une version ancienne de l’évangile de Matthieu (INT pages 46 et 90) ;
- Etc.
+ Des explications « bouche-trou » lorsque le modèle des deux sources devient insuffisant :
- Sur les éventuels contacts entre Marc et la Source Q : « Leur faible nombre conduit plutôt à attribuer les éléments communs à la tradition orale (F. Neirynck) » (INT page 43)
- Pour expliquer les deux versions QMt et QLc : « … sous la pression de la tradition orale. » (INT page 43)
Roque- Messages : 5064
Réputation : 23
Date d'inscription : 15/02/2011
Age : 80
Localisation : Paris
Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat
6. Comparons les deux hypothèses sur les « textes sources »
A. L'hypothèse de la source Q
Nous avons en premier lieu, l'hypothèse de la source Q. C'est un texte. Nous présentons ci-dessous la version qui est donnée dans l'ouvrage de Marguerat (INT page 42). Cette version compte 263 versets de Luc (spoiler)
B. L'hypothèse de la karozoutha source à deux voix
En second lieu, l'hypothèse n'est pas un texte écrit ... puisqu'on le situe dans la tradition orale.
C’est une tash’ita – du verbe araméen she'a : gestuer. C’est une récitation gestuée à la façon des chansons de geste ou des contes. A l’origine, cette tash’ita est issue d'un témoignage qui ne peut reposer que sur deux témoins conformément à la Loi juive. Si « texte oral » est plus développé en rassemblant plusieurs tash'ita mises bout à bout, cet ensemble de témoignages est appelé karozoutha, c’est-à-dire : une proclamation d’un texte oral enchaîné selon un ordrage bien construit lui conférant une unité « littéraire ». La récitation de ces karozoutha était pratiquée lors des qoubala, c’est-à-dire : des « Banquets de la Parole » pouvant prendre place lors des noces, des deuils ou lors d’autres rencontres festives. Les qoubala sont des assemblées sans consécration eucharistique à la différence des qourbana. Ces karozoutha sont structurées en « perles » et « colliers » qui sont des moyens mnémotechniques – entre autres. L'annonce de la karozoutha signifie explicitement - encore aujourd'hui dans la liturgie en araméen - qu'il s'agit d'un rassemblement de témoignages et donc de voix diverses par l'évangéliste. Par contre, l'évangéliste est bien responsable de l'ordrage. Les questions de savoir si l'évangile serait de untel ou selon untel ou pourquoi l'évangile de Pierre par exemple serait appelé Evangile selon Marc sont donc sans objet, sauf pour ceux qui sont immergés dans le grec et on oublié les règles de la tradition orale.
Dans le spoiler un exemple qui permet de comprendre une des méthodes de reconnaissance de ces « perles » et « colliers » dans le texte araméen. C'est le « collier des petits » qui est entier et d'un seul tenant en Marc, mais est brisé et défectueux en Matthieu et Luc.
C’est la récitation à deux voix à la manière des psalmodies qui a précédé la récitation à une voix. Les évangiles individualisés, par exemple, selon Marc (Pierre) et selon Jean ne sont apparus qu’ensuite – après plusieurs années - du fait du développement de la matière propre et donc de l’enrichissement de la cohérence propre de chaque tash’ita ou karozoutha individualisée.
Le témoignage alterné de Pierre (Marc) et Jean entre dans le contexte des cinq premiers chapitres des Actes des Apôtres où on voit que les « piliers de l’Eglise » sont Pierre et Jean, ces 5 premiers chapitres correspondant aussi au quatre premières années de l’Eglise Mère. D’après Pierre Perrier cette karozoutha source à deux voix comprend 571 versets - soit deux fois plus que la source Q - aurait été mise en point dans le cercle des apôtres, des diacres (les « 72 ») formés par Jésus et les Douze et par le cercle des femmes, dont Marie. Cette karozoutha source aurait été réalisée dans les deux années après l’Ascension, soit en 32 (16, page 193) - en situant l’Ascension en 30.
C. L’intérêt comparé de ces deux sources hypothétique
L’hypothèse de la source Q a des problèmes de cohérence comme signalé précédemment : certaines péricopes semblent être de sources différentes et le récit de Jésus au désert n'est pas absent de Marc. Par conséquent l'appartenance de ces péricopes (Lc 6, 20-26 ; Lc 14, 16-21, Lc 19, 16-26) et du récit de Jésus au désert (Lc 4, 1-13) à la source Q reste discutable (33 versets).
Cette source Q montre une théologie appuyée sur le thème du Fils de l’Homme qui vient – aussi distante des controverses sur la Torah que de la fin tragique de Jésus. Par ailleurs la « communauté Q » est complètement hypothétique, ainsi que le rattachement éventuel aux ébionites.
L’hypothèse de la karozoutha source à deux voix est surprenante par sa précocité. Elle l’est moins si on prend en compte l’hypothèse d’un enseignement initié et organisé par Jésus, Lui-même : un enseignement de premier degré ou malpanoutha comme le discours sur la montage de Matthieu, puis un enseignement en cascade par les Douze, prenant chacun 6 disciples à la manière rabbinique, ce qui donne lieu aux « 72 ». Cet enseignement au « 72 » aurait été le second degré, le troisième degré – toujours à la manière rabbinique - étant l’enseignement de Jean.
Cette karouzoutha source à deux voix est appuyée sur de multiples thèmes depuis Jean-Baptiste – citant en particulier les textes où Jésus appelle la totalité des Apôtres - jusqu’à la Résurrection avec un « collier central » sur le Pain de Vie. La communauté de la Grande Eglise, l’Eglise Mère de Jérusalem, celle de Jacques le mineur, frère du Christ n’est pas du tout hypothétique. Cette hypothétique karouzoutha source à deux voix pourrait très bien lui appartenir par la forme de récitation orale et par le fond clairement rattaché à trois grandes branches du témoignage de l’Eglise : Pierre (Marc), Jean et Paul (Luc). Mais cette karouzoutha source à deux voix ne peut pas être un texte ébionite puisqu’ils ne reconnaissent pas que Jésus puisse être le Fils de Dieu, dénomination présente à plusieurs reprises dans cette karozoutha source (Jn 1, 34 ; Jn 1, 49 et 51 ; Jn 3, 36 et Jn 5, 25).
Plusieurs choses nous semblent difficiles à expliquer, cependant :
- La coutume du témoignage à deux voix veut que ce soit le témoin le plus important qui parle en premier. Cependant on voit qu’à plusieurs reprises, c’est Jean qui témoigne en premier ;
- La taille très variable des « perles » : de 1 à 45 versets !! On a l’impression d’un découpage arbitraire destiné à justifier la « régularité » des 8 « colliers » de 5 « perles » de cette karozoutha source à deux voix. Ces 45 versets – par exemple ceux du passage sur la résurrection de Lazare - constituent en fait le « collier de la montée et de la dernière semaine » qui compte 10 « perles » (17, page 911). Il y a donc une contradiction dans les termes.
- La présence de versets selon Luc paraît incongrue. Mais l’explication pourrait être que ces versets faisaient à l’origine partie de l’enseignement de second degré aux « 72 disciples-serviteurs » c’est à dire les diacres. Ces versets auraient donc existé pendant la vie publique de Jésus (spoiler)
Sources
1. Jésus de Nazareth. Nouvelles approches d’une énigme. D. Marguerat ; E. Norelli et J.M. Poffet. Ed. Labor et Fides. 1998. ISBN 2-8309-0857-0. Chapitre rédigé par Kloppenborg : pages 226 à 268 ;
2. http://introbible.free.fr/p2syn.html
3. http://larevuereformee.net/articlerr/n200/la-datation-des-evangiles
4. Évangiles de l’oral à l’écrit. Pierre Perrier. 2007. Page 292. Ed Sarment. ISBN : 2-86679-296-3
5. http://wiki.ebior.be/index.php?title=Synopse_(I_)_:_Le_fait_synoptique
6. http://wiki.ebior.be/index.php?title=Synopse_(II)_:_th%C3%A9ories_et_mod%C3%A8les
7. http://wiki.ebior.be/index.php?title=Synopse_(III)_:_La_th%C3%A9orie_des_Deux_Sources
8. http://wiki.ebior.be/index.php?title=Accueil*
9. http://evangile-et-liberte.net/elements/horserie/001.html
10. http://fr.wikipedia.org/wiki/Probl%C3%A8me_synoptique
11. « Q » ou la source des paroles de Jésus. N. Siffer et D. Fricker; Ed. Cerf. Lire la Bible. 2010. ISBN : 978-2-204-08388-1
12. http://www.jlturbet.net/article-34016881.html
13. http://protestantsdanslaville.org/gilles-castelnau-spiritualite/gc62.Q1.htm
14. Évangiles de l’oral à l’écrit. Les colliers évangéliques. Pierre Perrier. Ed. Sarment. 2003. ISBN : 2-8667-9358-7.
15. Birger Gerhardsson : « Préhistoire des Évangiles. 1978. Lire la Bible n° 48 »
16. La transmission des Évangiles. (pages 125-128). Pierre Perrier. Ed Sarment. ISBN : 2-8667-9422-2
17. Évangiles de l’oral à l’écrit. Les colliers évangéliques. Pierre Perrier. Ed du Sarment. ISBN : : 2-8667-9358-7.
Comme illustration une vidéo, malheureusement trop longue et médiocre du seul point de vue vidéo, mais qui donne quelques informations intéressantes sur la karozoutha (34 mn) et sur les 5 perles alternées de la karozoutha source à deux voix (1 heure) : https://www.youtube.com/watch?v=VhJR2CFgPU0
A. L'hypothèse de la source Q
Nous avons en premier lieu, l'hypothèse de la source Q. C'est un texte. Nous présentons ci-dessous la version qui est donnée dans l'ouvrage de Marguerat (INT page 42). Cette version compte 263 versets de Luc (spoiler)
- Spoiler:
B. L'hypothèse de la karozoutha source à deux voix
En second lieu, l'hypothèse n'est pas un texte écrit ... puisqu'on le situe dans la tradition orale.
C’est une tash’ita – du verbe araméen she'a : gestuer. C’est une récitation gestuée à la façon des chansons de geste ou des contes. A l’origine, cette tash’ita est issue d'un témoignage qui ne peut reposer que sur deux témoins conformément à la Loi juive. Si « texte oral » est plus développé en rassemblant plusieurs tash'ita mises bout à bout, cet ensemble de témoignages est appelé karozoutha, c’est-à-dire : une proclamation d’un texte oral enchaîné selon un ordrage bien construit lui conférant une unité « littéraire ». La récitation de ces karozoutha était pratiquée lors des qoubala, c’est-à-dire : des « Banquets de la Parole » pouvant prendre place lors des noces, des deuils ou lors d’autres rencontres festives. Les qoubala sont des assemblées sans consécration eucharistique à la différence des qourbana. Ces karozoutha sont structurées en « perles » et « colliers » qui sont des moyens mnémotechniques – entre autres. L'annonce de la karozoutha signifie explicitement - encore aujourd'hui dans la liturgie en araméen - qu'il s'agit d'un rassemblement de témoignages et donc de voix diverses par l'évangéliste. Par contre, l'évangéliste est bien responsable de l'ordrage. Les questions de savoir si l'évangile serait de untel ou selon untel ou pourquoi l'évangile de Pierre par exemple serait appelé Evangile selon Marc sont donc sans objet, sauf pour ceux qui sont immergés dans le grec et on oublié les règles de la tradition orale.
Dans le spoiler un exemple qui permet de comprendre une des méthodes de reconnaissance de ces « perles » et « colliers » dans le texte araméen. C'est le « collier des petits » qui est entier et d'un seul tenant en Marc, mais est brisé et défectueux en Matthieu et Luc.
- Spoiler:
[/i]
C’est la récitation à deux voix à la manière des psalmodies qui a précédé la récitation à une voix. Les évangiles individualisés, par exemple, selon Marc (Pierre) et selon Jean ne sont apparus qu’ensuite – après plusieurs années - du fait du développement de la matière propre et donc de l’enrichissement de la cohérence propre de chaque tash’ita ou karozoutha individualisée.
Le témoignage alterné de Pierre (Marc) et Jean entre dans le contexte des cinq premiers chapitres des Actes des Apôtres où on voit que les « piliers de l’Eglise » sont Pierre et Jean, ces 5 premiers chapitres correspondant aussi au quatre premières années de l’Eglise Mère. D’après Pierre Perrier cette karozoutha source à deux voix comprend 571 versets - soit deux fois plus que la source Q - aurait été mise en point dans le cercle des apôtres, des diacres (les « 72 ») formés par Jésus et les Douze et par le cercle des femmes, dont Marie. Cette karozoutha source aurait été réalisée dans les deux années après l’Ascension, soit en 32 (16, page 193) - en situant l’Ascension en 30.
- Spoiler:
Il semble que ce soit un concours de circonstances qui ait permis la reconstitution de cette karozoutha source à deux voix. Au départ, c’est le Père Lagrange (1885-1938) qui a remarqué une complémentarité surprenante de certains versets de Marc et de Jean (16, page 164).
Ensuite – plus de 50 ans plus tard et sur le texte araméen - Pierre Perrier a identifié cet ensemble de versets complémentaires comme un « texte oral » à deux voix - parce que l’ensemble est constitué de 40 « perles » orales de Marc et de 40 « perles » orales de Jean – soit une structure parfaitement régulière de « 8 colliers » de « 5 perles » constituant deux karozoutha alternées, intriquées. L’ensemble compte 571 versets, soit deux fois plus que la source Q (196 versets de Marc, 40 versets de Luc et 335 versets de Jean). Par la suite cette karozoutha source à deux voix sera portée à deux fois 50 perles.
C. L’intérêt comparé de ces deux sources hypothétique
L’hypothèse de la source Q a des problèmes de cohérence comme signalé précédemment : certaines péricopes semblent être de sources différentes et le récit de Jésus au désert n'est pas absent de Marc. Par conséquent l'appartenance de ces péricopes (Lc 6, 20-26 ; Lc 14, 16-21, Lc 19, 16-26) et du récit de Jésus au désert (Lc 4, 1-13) à la source Q reste discutable (33 versets).
Cette source Q montre une théologie appuyée sur le thème du Fils de l’Homme qui vient – aussi distante des controverses sur la Torah que de la fin tragique de Jésus. Par ailleurs la « communauté Q » est complètement hypothétique, ainsi que le rattachement éventuel aux ébionites.
L’hypothèse de la karozoutha source à deux voix est surprenante par sa précocité. Elle l’est moins si on prend en compte l’hypothèse d’un enseignement initié et organisé par Jésus, Lui-même : un enseignement de premier degré ou malpanoutha comme le discours sur la montage de Matthieu, puis un enseignement en cascade par les Douze, prenant chacun 6 disciples à la manière rabbinique, ce qui donne lieu aux « 72 ». Cet enseignement au « 72 » aurait été le second degré, le troisième degré – toujours à la manière rabbinique - étant l’enseignement de Jean.
Cette karouzoutha source à deux voix est appuyée sur de multiples thèmes depuis Jean-Baptiste – citant en particulier les textes où Jésus appelle la totalité des Apôtres - jusqu’à la Résurrection avec un « collier central » sur le Pain de Vie. La communauté de la Grande Eglise, l’Eglise Mère de Jérusalem, celle de Jacques le mineur, frère du Christ n’est pas du tout hypothétique. Cette hypothétique karouzoutha source à deux voix pourrait très bien lui appartenir par la forme de récitation orale et par le fond clairement rattaché à trois grandes branches du témoignage de l’Eglise : Pierre (Marc), Jean et Paul (Luc). Mais cette karouzoutha source à deux voix ne peut pas être un texte ébionite puisqu’ils ne reconnaissent pas que Jésus puisse être le Fils de Dieu, dénomination présente à plusieurs reprises dans cette karozoutha source (Jn 1, 34 ; Jn 1, 49 et 51 ; Jn 3, 36 et Jn 5, 25).
I | II | III | IV | V |
VOCATIONS | MIRACLES | PAIN DE VIE | PASSION | RESURRECTION |
Jean Baptiste | Noces de Cana | Multiplication | Gethsémani | Myrrhophores |
Jean Précurseur | Possédés | Pains et poissons | Arrestation | Marie Madeleine au tombeau |
Jean Baptiste enseigne | Belle mère | Marche sur la mer | Procès du Sanhédrin | Femme et ange |
JB / Messie | Enfant de Cana | Rituels | Procès de Ponce Pilate | Pierre et Jean au tombeau |
Jean baptise Jésus | Paralytique | Transfiguration | Flagellation | Jésus et Marie Madeleine |
Jean témoigne | Paral. Jésus | Pain de Vie | Condamnation à mort | Jésus et Marie Madeleine |
Jésus est tenté | Aveugle de Bethsaïda | Entrée au temple | Croix | Manque de foi |
JB envoie à Jésus | Aveugle au Temple | Célébration de Pâques | Jésus - Marie | Jésus et les 10 |
Jésus appel des 4 | Fille de Jaïre | Lavement des pieds | Lance | Jésus et Thomas |
Jésus appel des 2 | Lazare | Eucharistie | Tombeau | Envoi |
Commandement d'amour |
Plusieurs choses nous semblent difficiles à expliquer, cependant :
- La coutume du témoignage à deux voix veut que ce soit le témoin le plus important qui parle en premier. Cependant on voit qu’à plusieurs reprises, c’est Jean qui témoigne en premier ;
- La taille très variable des « perles » : de 1 à 45 versets !! On a l’impression d’un découpage arbitraire destiné à justifier la « régularité » des 8 « colliers » de 5 « perles » de cette karozoutha source à deux voix. Ces 45 versets – par exemple ceux du passage sur la résurrection de Lazare - constituent en fait le « collier de la montée et de la dernière semaine » qui compte 10 « perles » (17, page 911). Il y a donc une contradiction dans les termes.
- La présence de versets selon Luc paraît incongrue. Mais l’explication pourrait être que ces versets faisaient à l’origine partie de l’enseignement de second degré aux « 72 disciples-serviteurs » c’est à dire les diacres. Ces versets auraient donc existé pendant la vie publique de Jésus (spoiler)
- Spoiler:
L’analyse textuelle orale de l4evangile de Luc par dès-imbrication de se colliers permet d’isoler un texte primitif sur le contenu de l’ordre de mission donné aux soixante-douze serviteurs disciples (en grec : diacres). Ce tex est tout à fait cohérent avec la Karozoutha-source de Jean et Pierre, mais on développement est différent.
En 32 Saul, qui deviendra Paul, arrive à Damas, aveuglé par la rencontre avec le Christ ressuscité qui l’a jeté à bas de son cheval sur la route. Ananie lui rende la vue et l’instruit de la Voie Véritable qui est le Christ. Ananie porte en lui la tradition des 72 qui ont fui la persécution du Sanhédrin en début 32, après le martyr d’Etienne (Act 8, 1) Or ils étaient en charge de la première formation catéchétique et liturgique, en assistants des apôtres. L’analyse de l’Évangile de Paul qui constitue la partie ancienne de notre Evangile d Luc actuel, montre une collection étendue de petits colliers de dix perles brèves, en général par groupes mnémotechnique sur les doigts en deux fois cinq. Très probablement, on a là un contenu primitif venant de la tradition des diacres en charge de l’enseignement des quobala-liturgies de tradition de la Parole de Jésus, la deuxième année après la Pentecôte, mas structurée par Paul, selon la forme hébraïque traditionnelle d’un collier à pendentifs de cinquante perles.
Le groupe le plus ancien, brisé par des additions ultérieures de compléments ayant d’autres structures de colliers aux perles plus importantes, comprend au centre trois colliers de dix perles : le premier donne des instructions de discernement du temps nouveau après le venue du Messie (Luc 12, 54 ; 13, 35), le second détaille les conseils pour l’organisation des qoubala (Luc 14, 1-35), et l’attitude du cœur et de l’esprit pour y participer pleinement, le troisième définit l’attitude juste du serviteur, croyant disponible, en action de grâce dans sa vie intérieure (Luc 17, 1-37). Il se complète par un collier de vocation et une vision apocalyptique du temps du retour du Messie déjà contemplé au cœur de l’Eglise dans l’Eucharistie. En écho, Jésus annonce qu’il va laisser son corps-Temple entre les mains des disciples.
On peut élargir cette première collection en constatant qu’elle fait partie d’un ensemble de cinq colliers et que ceux-ci sont complétés à leur tour par cinq autres qui les encadrent : un résumé de l’enseignement sur le replat de la montagne et des paraboles, la vocation des 72, l’annonce de la Passion et la mémoire des enseignements au cours de la dernière montée à Jérusalem avant la Passion. On remarque que cet ensemble de deux fois 50 perles se complète, très exactement avec les deux fois 50 perles de la karozoutha-source de Pierre et Jean. Or la première prédication de Saul (Paul) dans les synagogues est d’affirmer que Jésus est Fils de Dieu, ce qui est l’entame, et la conclusion de la karozoutha source. Les textes des Actes et des Lettres confirment que Paul ‘est formé aussi par la méditation au désert de la tradition, en cours de développement à Jérusalem, et transmise à Damas par l’incessant échange alimenté par les voyageurs hébreux. Il rencontre ensuite (donc en 35) Jacques le Mineur en charge de l’Eglise judéo-chrétienne, et Pierre à Jérusalem. On doit alors dater la complémentarité (Lc 3, 1 à 6, 19) de son Evangile par un texte parallèle, très proche du début de celui de Pierre, recueilli dans Marc, sous une forme indépendante de Jean, couvrant la vocation et le choix des douze comme écho de ce qu’il avait recueilli pour les 72 » (16, pages 180-182)
Sources
1. Jésus de Nazareth. Nouvelles approches d’une énigme. D. Marguerat ; E. Norelli et J.M. Poffet. Ed. Labor et Fides. 1998. ISBN 2-8309-0857-0. Chapitre rédigé par Kloppenborg : pages 226 à 268 ;
2. http://introbible.free.fr/p2syn.html
3. http://larevuereformee.net/articlerr/n200/la-datation-des-evangiles
4. Évangiles de l’oral à l’écrit. Pierre Perrier. 2007. Page 292. Ed Sarment. ISBN : 2-86679-296-3
5. http://wiki.ebior.be/index.php?title=Synopse_(I_)_:_Le_fait_synoptique
6. http://wiki.ebior.be/index.php?title=Synopse_(II)_:_th%C3%A9ories_et_mod%C3%A8les
7. http://wiki.ebior.be/index.php?title=Synopse_(III)_:_La_th%C3%A9orie_des_Deux_Sources
8. http://wiki.ebior.be/index.php?title=Accueil*
9. http://evangile-et-liberte.net/elements/horserie/001.html
10. http://fr.wikipedia.org/wiki/Probl%C3%A8me_synoptique
11. « Q » ou la source des paroles de Jésus. N. Siffer et D. Fricker; Ed. Cerf. Lire la Bible. 2010. ISBN : 978-2-204-08388-1
12. http://www.jlturbet.net/article-34016881.html
13. http://protestantsdanslaville.org/gilles-castelnau-spiritualite/gc62.Q1.htm
14. Évangiles de l’oral à l’écrit. Les colliers évangéliques. Pierre Perrier. Ed. Sarment. 2003. ISBN : 2-8667-9358-7.
15. Birger Gerhardsson : « Préhistoire des Évangiles. 1978. Lire la Bible n° 48 »
16. La transmission des Évangiles. (pages 125-128). Pierre Perrier. Ed Sarment. ISBN : 2-8667-9422-2
17. Évangiles de l’oral à l’écrit. Les colliers évangéliques. Pierre Perrier. Ed du Sarment. ISBN : : 2-8667-9358-7.
Comme illustration une vidéo, malheureusement trop longue et médiocre du seul point de vue vidéo, mais qui donne quelques informations intéressantes sur la karozoutha (34 mn) et sur les 5 perles alternées de la karozoutha source à deux voix (1 heure) : https://www.youtube.com/watch?v=VhJR2CFgPU0
Dernière édition par Roque le Mer 23 Avr - 11:14, édité 8 fois
Roque- Messages : 5064
Réputation : 23
Date d'inscription : 15/02/2011
Age : 80
Localisation : Paris
Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat
Merci pour ton travail !
(et bravo pour le tableau )
(et bravo pour le tableau )
_________________
...S'il me manque l'amour, je suis un métal qui résonne, une cymbale retentissante (1 Cor XIII, 1)
>> Mon blog change d'adresse pour fuir la pub : https://blogrenblog.wordpress.com/ <<
Pour compléter les informations sur la véracité ou non des infos des évangiles
Deux liens entre autre concernant André Sauge qui a écrit longuement sur Luc (à partir du grec ancien) :
blog médiapart
livres
Après on peut aussi considérer que les récits qui se sont construits autour de la vie de Jésus au fil des siècles, sont de l'ordre d'une mythologie contemporaine et à ce titre intéressante comme production humaine (voir Jung et la mystique !)
blog médiapart
livres
Après on peut aussi considérer que les récits qui se sont construits autour de la vie de Jésus au fil des siècles, sont de l'ordre d'une mythologie contemporaine et à ce titre intéressante comme production humaine (voir Jung et la mystique !)
rocheclaire- Messages : 4
Réputation : 0
Date d'inscription : 24/05/2014
Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat
Je ne connais pas cet auteur, par contre j'ai vu l'émission à laquelle il fait allusion.rocheclaire a écrit:Deux liens entre autre concernant André Sauge qui a écrit longuement sur Luc (à partir du grec ancien) :
blog médiapart
livres
Cette idée a pénétré même le milieu catholique. J'ai une amie catholique qui pense a peu près cela des Evangiles : " c'est un mythe, on peut y croire parce que cela porte sens " (j'ajoute : " même si ce n'est pas vrai - car un mythe est indéniablement utile car porteur de sens mais repose sur des fables).rocheclaire a écrit:Après on peut aussi considérer que les récits qui se sont construits autour de la vie de Jésus au fil des siècles, sont de l'ordre d'une mythologie contemporaine et à ce titre intéressante comme production humaine (voir Jung et la mystique !)
Avant de se jeter sur les conclusions des uns et des autres, il est capital de bien identifier les prémisses et la méthode (*) :
Je lis dans l'article Wikipédia sur Bultmann : " Il a développé la « démythologisation » du Nouveau Testament en cherchant à replacer la prédication de Jésus-Christ dans son contexte historique pour en dégager le noyau intentionnel. "
L'expression : " Bultmann a cherché à replacer .... " signifie qu'il s'agit de son intention. Mais qu'en est-il en réalité ? C'est à dire qu'en est-il du fonctionnement rationnel objectif, par exemple dans l'ouvrage collectif dirigé par Marguerat (Introduction au Nouveau Testament) que j'étudie dans ce sujet et dont le fondement théorique repose en grande partie sur la théorisation de Bultmann, c'est à dire la Formgeschichte ?
En effet, ce très long sujet, sans doute très mal écrit (mais ce n'était pas le but), m'a quelque peu éclairé sur ces questions : en quoi consiste la position de la Formgeschichte, comment fonctionne-t-elle rationnellement ? Et avant de vous en dire quelque chose, j'aimerais savoir ce que vous en pensez : vous, si vous avez eu le temps de vous pencher sur cette question.
Ma question sera donc la suivante : " D'après vous, croyez-vous (*) que la démythologisation - dans sa rationalité donc - résulte :
1. d'un travail d'analyse aboutissant à découvrir, puis à opérer, effectivement, la distinction entre les mythes et le " noyau intentionnel " des Evangiles
ou bien :
2. de postulats commandant le choix de la grille d'analyse, même et tout ce qui suit (je veux dire : l'estimation de la cohérence textuelle, le découpage du corpus, la sélection des styles ou des contenus jugés mythiques, le choix des sources patristiques valides ou non, la sélection des arguments allant dans le sens des postulats ou des arguments critiques des thèses adverses, etc ... et enfin : les options d'école : historiques, exégétiques, stylistiques, etc ... en un mot les prises de position dans les cas où plusieurs solutions historiques, exégétiques, stylistiques, etc ... sont également possibles ou sont difficiles à départager ? ")
Autrement dit : cette belle rationalité repose-t-elle sur des déductions ou - au contraire - sur des postulats cherchant à se justifier par la construction d'un argumentaire approprié ?
Autre question : " Croyez-vous à une vérité critique sur les Evangiles en ce début du XXIème siècle, établie par cette méthode historico-critique, spécifiquement celle qui fut initiée par Bultmann, c'est à dire la Formgeschichte ? " (en effet, il existe d'autres méthodes historico critiques que celle de la Formgeschichte).
Roque- Messages : 5064
Réputation : 23
Date d'inscription : 15/02/2011
Age : 80
Localisation : Paris
Je ne crois en rien je sais intuitivement
André Sauge a étudié l'évangile de Luc par une analyse scientifique des écrits les plus anciens grecs ! il a découvert qu'il y avait des ajouts plus récents en grecs et en enlevant ses ajouts il conclue que le Christ en tant que tel n'est pas Jésus, que l'enseignement de jésus n'a rien à voir avec la fondation d'une Eglise, qu'il n'y avait pas spécialement d'apôtres, etc.
C'est un ami très proche d'André Sauge qui m'a expliqué cela...
Après je trouve tous ces débats intellectuels passionnants mais pas foncièrement nécessaire à mon rapport à la religion à la foi... En quoi cela va modifier mon comportement dans la vie de tous les choses ?
J'ai une formation de conteuse et considérer les récits bibliques comme une mythologie fondatrice de l'occident m'est plus abordable [url=ww.cgjung.net/publications/jung-et-la-mystique.htm]livre qui aborde le point de vue de Jung [/url]
Livre qui m'a passionné parce qu'ils ouvrent des perspectives très intéressantes sur le concept de Dieu lui même et en quoi et comment incarner cette libido dieu comme il dit lui-même et son point de vue sur Jésus est à ce titre instructive !
Le problème pour moi n'est pas la vérité scientifique mais comment cette histoire qui est dans nos consciences occidentales voire plus nous imprègne et modifie notre comportement...
C'est un ami très proche d'André Sauge qui m'a expliqué cela...
Après je trouve tous ces débats intellectuels passionnants mais pas foncièrement nécessaire à mon rapport à la religion à la foi... En quoi cela va modifier mon comportement dans la vie de tous les choses ?
J'ai une formation de conteuse et considérer les récits bibliques comme une mythologie fondatrice de l'occident m'est plus abordable [url=ww.cgjung.net/publications/jung-et-la-mystique.htm]livre qui aborde le point de vue de Jung [/url]
Livre qui m'a passionné parce qu'ils ouvrent des perspectives très intéressantes sur le concept de Dieu lui même et en quoi et comment incarner cette libido dieu comme il dit lui-même et son point de vue sur Jésus est à ce titre instructive !
Le problème pour moi n'est pas la vérité scientifique mais comment cette histoire qui est dans nos consciences occidentales voire plus nous imprègne et modifie notre comportement...
rocheclaire- Messages : 4
Réputation : 0
Date d'inscription : 24/05/2014
Pour éclairer le lien sur Jung et la mystique
Jung et la mystique
Jung et la mystique de Steve MelansonSteve Melanson est l’auteur du livre "Jung et la mystique", ré-édité au mois d'août 2011. A cette occasion il a accepté de répondre à nos questions.
cgjung.net La mystique aujourd’hui a une connotation péjorative, comment l’expliquez vous ?
Steve Melanson Comme bien des mots, celui de « mystique » est galvaudé, utilisé à toutes les sauces. En Amérique, c’est même le nom d’une voiture ! Mais il faut comprendre que la mystique est aussi une expérience si rare qu’on ne peut qu’exceptionnellement savoir de quoi il s’agit réellement.
Si nous n’étions que deux sur mille à tomber amoureux, le mot « amour » aurait la même connotation péjorative. En plus de cela, le rationalisme et le positivisme scientifique ont réussi à bien ridiculiser tout ce qui ne correspondait pas à leurs dogmes.
Comment définissez-vous la mystique chrétienne ?
La mystique chrétienne est une noyade dans un feu puissant qui surgit de l’intérieur de soi. On s’y perd dans une énergie qui a la saveur de l’amour et de l’infini. Au réveil de l’expérience, on est convaincu d’avoir été uni à Dieu.
Quel rôle a joué l’œuvre de Maître Eckhart auprès de Jung ?
Maître Eckhart a offert à Jung un point de repère historique lui montrant que d’autres avant lui avaient considéré que le Dieu de l’expérience mystique, celui qui nous prend, est avant tout connu dans l’âme.
Une telle perspective change tout, car on sait alors que la source d’un tel vécu psychique demeure inconnue. Eckhart aurait été ainsi le premier à penser « la relativité de l’idée de Dieu ». Dieu, en tant qu’expérience, est toujours relatif à la psyché, c’est-à-dire vécu dans et connu par la psyché. De la source de l’expérience, on ne peut ni rien dire ni rien connaître…
Quelle est la place de l’expérience religieuse dans la pensée et la psychothérapie jungienne ?
« Pour Jung, on ne guérit totalement que lorsqu’on a vécu une telle expérience intime et fondatrice au sein de sa propre psyché. »
Fondamentale. Pour Jung, on ne guérit totalement que lorsqu’on a vécu une telle expérience intime et fondatrice au sein de sa propre psyché. Ce type d’expérience a toujours une saveur religieuse. Elle donne du sens et rend autonome dans sa pensée.
Mais Jung reconnaissait que tous n’avaient pas à se rendre à ce degré de guérison qui exige souvent un cheminement hors du commun.
Peut-on augmenter les chances de connaître l’expérience religieuse ?
Oui, mais sur cette voie, il y a de réels écueils, comme l’inflation ou même la schizophrénie. « Plus Dieu est proche, plus le danger est grand, » écrivait Jung. Alors, ne devraient y cheminer que ceux dont leur nature l’exige et surtout lorsqu’ils sont bien accompagnés par un « directeur de conscience ».
Quelle place accordez-vous à la synchronicité ?
Dans la vision jungienne qui explique le sens des choses (son mythe, dirait-il), la synchronicité est centrale. C’est de cette source que tout émane, c’est par celle-ci que tout advient et c’est vers celle-ci que tout retourne.
La synchronicité c’est l’ici et le maintenant. Objectivement, il n’y a, au fond, rien d’autre que l’expression de la synchronicité. Subjectivement, l’homme doit y harmoniser son existence pour réaliser l’œuvre de sa propre individuation.
Quelle est la part du mal dans le christianisme moderne ?
« La question du mal est pressante et le christianisme l’élude depuis toujours. »
Pour être moderne et continuer d’exister, le christianisme doit se renouveler. La question du mal est pressante et le christianisme l’élude depuis toujours en disant, d’une part, que le mal n’existe pas (privatio boni) ou, d’autre part, que le mal c’est toujours l’autre qui l’incarne (les non-chrétiens, Satan, etc.)
Le mal existe – et dans la chrétienté aussi – , il fait partie de la création. Le mal est un fait. Le christianisme se doit de se confronter à la question et expliquer d’une manière ou d’une autre comment son Dieu qui a tout créé… a pu aussi créer le mal. Le christianisme moderne doit prendre conscience du mal. C’est la seule voie pour quiconque veut cesser d’en être le jouet.
Y a t’il une mystique moderne ?
Si la mystique moderne existe, elle ne peut plus se contenter de se fondre dans le feu divin. Aujourd’hui, l’homme doit être responsable de « sa part » et marcher d’un pas assuré au côté du divin qu’il expérimente. Jung utilisait l’expression Deus et homo, Dieu et l’homme.
La mystique moderne doit tenir compte du terrestre, du temps et de l’espace, du mal et de l’humain. Dorénavant, l’expérience se doit d’éclore dans la conscience où tout se joue, et non plus se fondre dans le seul Dieu bon, unilatéral.
Comment peut-on empêcher les forces destructrices de poursuivre leur œuvre de destruction ?
« On est toujours la marionnette de ce dont on est inconscient en soi. »
On ne pourra empêcher les forces destructrices de poursuivre leur œuvre de destruction qu’en devenant chacun réellement autonome. C’est-à-dire en devenant conscient des influences extérieures et intérieures (inconscientes) qui nous agitent malgré soi.
L’essentiel de l’œuvre des forces destructrices est fait par l’entremise de notre inconscience : on est toujours la marionnette de ce dont on est inconscient en soi. Une addition suffisante d’hommes et de femmes conscients du mal qu’ils portent pourrait ainsi prévenir le pire.
À qui s’adresse votre ouvrage ?
À tous ceux qui s’intéressent à Jung en général, car ce livre synthétise d’une manière nouvelle et éclairante les notions clés de la pensée jungienne. Aussi à tous ceux qui s’intéressent aux questions de l’expérience religieuse et en particulier à celles la mystique. Enfin, et peut-être surtout, à ceux qui cherchent un point de vue réconfortant sur les questions religieuses qui leur permettrait de mieux développer une vie spirituelle pleine, ouverte et sans culpabilité.
Steve Melanson
Professeur de philosophie au Québec et œuvrant comme analyste, Steve Melanson est titulaire d’un doctorat en Sciences des religions (Université du Québec à Montréal) et d’une maîtrise en philosophie (Collège dominicain d’Ottawa).
Éditions Sully - Préface de Michel Cazenave - 184 pages
Jung et la mystique de Steve MelansonSteve Melanson est l’auteur du livre "Jung et la mystique", ré-édité au mois d'août 2011. A cette occasion il a accepté de répondre à nos questions.
cgjung.net La mystique aujourd’hui a une connotation péjorative, comment l’expliquez vous ?
Steve Melanson Comme bien des mots, celui de « mystique » est galvaudé, utilisé à toutes les sauces. En Amérique, c’est même le nom d’une voiture ! Mais il faut comprendre que la mystique est aussi une expérience si rare qu’on ne peut qu’exceptionnellement savoir de quoi il s’agit réellement.
Si nous n’étions que deux sur mille à tomber amoureux, le mot « amour » aurait la même connotation péjorative. En plus de cela, le rationalisme et le positivisme scientifique ont réussi à bien ridiculiser tout ce qui ne correspondait pas à leurs dogmes.
Comment définissez-vous la mystique chrétienne ?
La mystique chrétienne est une noyade dans un feu puissant qui surgit de l’intérieur de soi. On s’y perd dans une énergie qui a la saveur de l’amour et de l’infini. Au réveil de l’expérience, on est convaincu d’avoir été uni à Dieu.
Quel rôle a joué l’œuvre de Maître Eckhart auprès de Jung ?
Maître Eckhart a offert à Jung un point de repère historique lui montrant que d’autres avant lui avaient considéré que le Dieu de l’expérience mystique, celui qui nous prend, est avant tout connu dans l’âme.
Une telle perspective change tout, car on sait alors que la source d’un tel vécu psychique demeure inconnue. Eckhart aurait été ainsi le premier à penser « la relativité de l’idée de Dieu ». Dieu, en tant qu’expérience, est toujours relatif à la psyché, c’est-à-dire vécu dans et connu par la psyché. De la source de l’expérience, on ne peut ni rien dire ni rien connaître…
Quelle est la place de l’expérience religieuse dans la pensée et la psychothérapie jungienne ?
« Pour Jung, on ne guérit totalement que lorsqu’on a vécu une telle expérience intime et fondatrice au sein de sa propre psyché. »
Fondamentale. Pour Jung, on ne guérit totalement que lorsqu’on a vécu une telle expérience intime et fondatrice au sein de sa propre psyché. Ce type d’expérience a toujours une saveur religieuse. Elle donne du sens et rend autonome dans sa pensée.
Mais Jung reconnaissait que tous n’avaient pas à se rendre à ce degré de guérison qui exige souvent un cheminement hors du commun.
Peut-on augmenter les chances de connaître l’expérience religieuse ?
Oui, mais sur cette voie, il y a de réels écueils, comme l’inflation ou même la schizophrénie. « Plus Dieu est proche, plus le danger est grand, » écrivait Jung. Alors, ne devraient y cheminer que ceux dont leur nature l’exige et surtout lorsqu’ils sont bien accompagnés par un « directeur de conscience ».
Quelle place accordez-vous à la synchronicité ?
Dans la vision jungienne qui explique le sens des choses (son mythe, dirait-il), la synchronicité est centrale. C’est de cette source que tout émane, c’est par celle-ci que tout advient et c’est vers celle-ci que tout retourne.
La synchronicité c’est l’ici et le maintenant. Objectivement, il n’y a, au fond, rien d’autre que l’expression de la synchronicité. Subjectivement, l’homme doit y harmoniser son existence pour réaliser l’œuvre de sa propre individuation.
Quelle est la part du mal dans le christianisme moderne ?
« La question du mal est pressante et le christianisme l’élude depuis toujours. »
Pour être moderne et continuer d’exister, le christianisme doit se renouveler. La question du mal est pressante et le christianisme l’élude depuis toujours en disant, d’une part, que le mal n’existe pas (privatio boni) ou, d’autre part, que le mal c’est toujours l’autre qui l’incarne (les non-chrétiens, Satan, etc.)
Le mal existe – et dans la chrétienté aussi – , il fait partie de la création. Le mal est un fait. Le christianisme se doit de se confronter à la question et expliquer d’une manière ou d’une autre comment son Dieu qui a tout créé… a pu aussi créer le mal. Le christianisme moderne doit prendre conscience du mal. C’est la seule voie pour quiconque veut cesser d’en être le jouet.
Y a t’il une mystique moderne ?
Si la mystique moderne existe, elle ne peut plus se contenter de se fondre dans le feu divin. Aujourd’hui, l’homme doit être responsable de « sa part » et marcher d’un pas assuré au côté du divin qu’il expérimente. Jung utilisait l’expression Deus et homo, Dieu et l’homme.
La mystique moderne doit tenir compte du terrestre, du temps et de l’espace, du mal et de l’humain. Dorénavant, l’expérience se doit d’éclore dans la conscience où tout se joue, et non plus se fondre dans le seul Dieu bon, unilatéral.
Comment peut-on empêcher les forces destructrices de poursuivre leur œuvre de destruction ?
« On est toujours la marionnette de ce dont on est inconscient en soi. »
On ne pourra empêcher les forces destructrices de poursuivre leur œuvre de destruction qu’en devenant chacun réellement autonome. C’est-à-dire en devenant conscient des influences extérieures et intérieures (inconscientes) qui nous agitent malgré soi.
L’essentiel de l’œuvre des forces destructrices est fait par l’entremise de notre inconscience : on est toujours la marionnette de ce dont on est inconscient en soi. Une addition suffisante d’hommes et de femmes conscients du mal qu’ils portent pourrait ainsi prévenir le pire.
À qui s’adresse votre ouvrage ?
À tous ceux qui s’intéressent à Jung en général, car ce livre synthétise d’une manière nouvelle et éclairante les notions clés de la pensée jungienne. Aussi à tous ceux qui s’intéressent aux questions de l’expérience religieuse et en particulier à celles la mystique. Enfin, et peut-être surtout, à ceux qui cherchent un point de vue réconfortant sur les questions religieuses qui leur permettrait de mieux développer une vie spirituelle pleine, ouverte et sans culpabilité.
Steve Melanson
Professeur de philosophie au Québec et œuvrant comme analyste, Steve Melanson est titulaire d’un doctorat en Sciences des religions (Université du Québec à Montréal) et d’une maîtrise en philosophie (Collège dominicain d’Ottawa).
Éditions Sully - Préface de Michel Cazenave - 184 pages
rocheclaire- Messages : 4
Réputation : 0
Date d'inscription : 24/05/2014
Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat
rocheclaire a écrit:Deux liens entre autre concernant André Sauge qui a écrit longuement sur Luc (à partir du grec ancien) :
blog médiapart
livres
André Sauge a écrit:Il y a un peu plus de deux ans j'ai fait paraître chez Publibook une recherche sur les origines des Eglises chrétiennes sous le titre "Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ [...] Les deux volumes de la recherche étaient suivis d'un troisième, la traduction en français de l'enseignement de Jésus de Nazareth, précédée d'une présentation (synthèse de la recherche) ; le volume est intitulé "Actes et Paroles authentiques de Jésus de Nazareth". Le travail est fondé sur un examen détaillé, précis, rigoureux des documents les plus anciens du christianisme, sur la lecture du grec aussi attentive qu'il est possible. Il permet de mettre en évidence que la figure du "Christ" est une fabrication, par des prêtres juifs dissidents, dits "sadocides" du début du 2e siècle, que Jésus de Nazareth n'a fondé aucune Église, qu'il n'a jamais eu aucun apôtre auprès de lui, qu'il a remis en cause de manière radicale deux piliers du judaïsme, le temple et la loi d'Alliance
Nous avons là le pendant de En 650/70 Mahomet n'existe pas: https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t2197-sden-650-70-mahomet-n-existe-pas !
Dommage que Cenuij n'en soit plus....
Cependant ici la méthode employé par André Sauge à partir du Grec pour trier semble avoir son intéret, ou pour le moins mériterait qu'elle soit discuté non!
Ceci dit cela à l'air très technique et pointu...je ne sais ce qu'en pense nos spécialistes du grec maison!
Idriss- Messages : 7075
Réputation : 35
Date d'inscription : 25/05/2012
Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat
rocheclaire a écrit:Jung et la mystique
Bonjour Rocheclaire
Jung mériterait sans doute un sujet à lui tous seul!
Peut-être pourrions nous considérer que le sujet a été commencé ici: https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t1350-sd-les-energies-de-l-ame-cgjung
Mais peut-être serait-il utile de refaire une présentation rapide de Jung et de son œuvre pour ceux qui ne connaissent pas ( Comme cela a été fait pour Guénon...)
Idriss- Messages : 7075
Réputation : 35
Date d'inscription : 25/05/2012
Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat
Je vous situe déjà mieux, c'était un peu le rôle de ma question de départ ... assez hard, je dois l'avouer ... Si vous ne voulez pas vous situer sur ce terrain aride si loin de la foi, je ne peux pas vous blâmer.
Mais les exégètes qui connaissent les textes d'Evangiles en araméen affirment au contraire que de grands pans des Evangiles ont été rédigés simultanément, les témoins directs collaborant ensemble pour donner chacun les différents Evangiles " selon " Matthieu, Marc, Luc et Jean. C’est la critique interne qui le prouve. Disons pour résumer très fort que les récitatifs sont constitués de « colliers » de 5 « perles » de façon parfaitement régulière sur tout l’ensemble des Evangiles (lequels sont composés à partir de 18 " colliers " avec des variantes.
Sur ces textes araméens on a également découvert des rédactions successives. Elles ont été découvertes - non à partir de l’interprétation des thématiques - toujours subjective - mais sur : 1. Les ruptures de régularité des « colliers » et par 2. La comparaison des mêmes « colliers » homologues entre les quatre Evangiles. Il apparaît que ce sont les « colliers » ou « perles » additionnels qui viennent rompre la régularité des « colliers » les plus anciens. C’est logique et c'est un procédé beaucoup plus objectif de répérage des strates de rédaction, mais certainement rien n’est parfait ! Pour l'Evangile de Jean, notamment, on a identifié quatre strates de rédaction successives.
Je pense que les chrétiens qui persistent dans la foi (c'est bien !) en se disant " Il faut quand même y croire, même si c'est faux, parce que cela porte sens " (c'est la position du christianisme libéral) ont choisi de suivre un leurre qui leur fait plaisir, qui flatte leur sens de l'absolu, mais ils poursuivent une chimère. C'est leur droit. Heureusement que je n'en suis pas là car - pour moi - je risque simplement d'envoyer tout par dessus bord - sauf à conserver la foi en Dieu - mais pas dans le christianisme, alors.
Mon intérêt pour la question de fond - très hard - que je vous ai posée plus haut vient de là. L'évolution du christianisme de " frères " protestants - car enfin Bultmann, comme Marguerat sont, en principe, chrétiens (protestants) - qui annulent ainsi le témoignage du Verbe de Dieu et Fils Unique du Père semble me contraindre à épuiser jusqu'au bout cette théorie de Bultmann laquelle, au fond, ne repose que sur ses postulats, qui n'est donc ni rationnelle, ni scientifique - mais une opinion comme une autre.
Pour finir, je connais beaucoup mieux Freud que Jung, je ne pourrai pas être un bon interlocuteur sur la question de Jung.
Bon, ce n'est pas vraiment un atout. Les exégètes parlent habituellement hébreu, araméen et grec au minimum et vous allez immédiatement voir pourquoi.rocheclaire a écrit:André Sauge a étudié l'évangile de Luc par une analyse scientifique des écrits les plus anciens grecs !
Cette analyse de la stratification littéraire du texte grec est un grand classique. Ce découpage des strates de rédaction se pratique, en partie, par interprétation du développement des thématiques. Or personne ne peut garantir que cette méthode ne soit pas entaché de la subjectivité de l’exégète. Sur le texte grec cette stratification n’est pas parfaitement objecte, c’est une limite indépassable. Ce qui est sûr c'est que la « découverte » de strates dans les Evangiles – si elle est avérée – ne peut mener que vers l’hypothèse d’une « évolution » de la pensée de ces Evangiles, c’est la « théorie évolutionniste » dans les Evangiles. Cette théorie tient une place majeure dans les conclusions de la Formgeschichte et de l’ouvrage de Marguerat - à tel point que pour cette école les Evangiles ont été écrits certainement pas par les témoins oculaires et même probablement par des auteurs inconnus n'ayant pas même connus ces témoins oculaires.rocheclaire a écrit:il a découvert qu'il y avait des ajouts plus récents en grecs et en enlevant ses ajouts il conclue que le Christ en tant que tel n'est pas Jésus, que l'enseignement de jésus n'a rien à voir avec la fondation d'une Eglise, qu'il n'y avait pas spécialement d'apôtres, etc. C'est un ami très proche d'André Sauge qui m'a expliqué cela...
Mais les exégètes qui connaissent les textes d'Evangiles en araméen affirment au contraire que de grands pans des Evangiles ont été rédigés simultanément, les témoins directs collaborant ensemble pour donner chacun les différents Evangiles " selon " Matthieu, Marc, Luc et Jean. C’est la critique interne qui le prouve. Disons pour résumer très fort que les récitatifs sont constitués de « colliers » de 5 « perles » de façon parfaitement régulière sur tout l’ensemble des Evangiles (lequels sont composés à partir de 18 " colliers " avec des variantes.
- LES EVANGILES EN ARAMEEN:
Si vous en doutiez, je confirme que ces Evangiles existent (c’est la Peshitta) ce n’est pas un rêve. Les choses avancent très vite dans ce domaine depuis 1995. Ces textes araméens sont même traduits en français par Frédéric Guigain, prêtre maronite qui enseigne à Paris. Et je vous recommande tout particulièrement son dernier ouvrage (n° 5) – très hard je dois l’avouer – mais qui démontre très clairement la cohérente de ces pans entiers des Evangiles – notamment ceux dont la cohérence est la plus décriée à partir du grec et qui paraissent purement mythologiques, comme les Evangiles de l’Enfance. En fait, il ne faut déjà pas confondre le fait que le contenu puisse être « mythologique » (donc un récit inventé) avec le fait que les rédacteurs pourraient être fictifs ou impossibles à situer dans l’histoire concrète. Ce serait comme de dire que La Fontaine n’a pas existé parce qu’il écrivait des fables !
Voici ces livres dont j’ai acheté quelques-uns à Paris :
1. Le texte araméen des quatre Evangiles et des Actes (Peshitta) : http://eecho.fr/l%e2%80%99evangeliaire-peshitta-est-paru/#.U4HmMpVOI5s
2. L’Evangile de Luc traduit en français : http://eecho.fr/levangile-de-luc-traduit-de-larameen/#.U4HmZJVOI5s
3. L’Evangile de Marc traduit en français : http://eecho.fr/nouvelle-alliance-selon-st-marc-traduction-de-larameen/#.U4HmipVOI5s
4. L’Evangile de Matthieu : http://eecho.fr/la-traduction-de-saint-matthieu-sur-larameen7481/#.U4HmxJVOI5s
5. L’Exégèse propre à l’oralité : http://eecho.fr/livre-exegese-doralite-tome-i/#.U4HpJJVOI5s
Sur ces textes araméens on a également découvert des rédactions successives. Elles ont été découvertes - non à partir de l’interprétation des thématiques - toujours subjective - mais sur : 1. Les ruptures de régularité des « colliers » et par 2. La comparaison des mêmes « colliers » homologues entre les quatre Evangiles. Il apparaît que ce sont les « colliers » ou « perles » additionnels qui viennent rompre la régularité des « colliers » les plus anciens. C’est logique et c'est un procédé beaucoup plus objectif de répérage des strates de rédaction, mais certainement rien n’est parfait ! Pour l'Evangile de Jean, notamment, on a identifié quatre strates de rédaction successives.
Effectivement si votre foi ne s'appuie pas sur le Verbe de Dieu « venu dans la chair », ces questions de fond sont sans aucune importance. Cependant si convenir que les Evangiles n’ont rien à voir avec le Jésus de l’histoire est sans importance pour vous, nier la valeur de témoignage des Evangiles et c'est faire finalement comme si Jésus-Christ n'avait jamais existé. Je ne peux en dire plus car je n'ai pas encore bien conceptualisé les conséquences de négation de la valeur de témoignage des Evangiles. Le titre : " La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat " fait allusion à mon intuition de départ qui est que le questionnement de l'école de Marguerat fait disparaître la Parole de Jésus-Christ sous un amas de questions pour lesquelles la méthode de la Formgeschichte, elle-même, n'a pas compétence pour répondre, que le texte des Evangiles disparaît - c'est à dire est totalement disqualifié - sous un processus d'analyse foisonnant butant sur des questionnement indécidables. Ce titre signifie donc que " Qu'il n'y a plus de poisson (Jésus-Christ) dans la sauce Marguerat " Idriss - qui est musulman, ne s'y est d'ailleurs pas trompé puisqu'il met ce sujet en parallèle avec un sujet niant l'existence de Muhammad.rocheclaire a écrit:Après je trouve tous ces débats intellectuels passionnants mais pas foncièrement nécessaire à mon rapport à la religion à la foi...
Idriss a écrit:Nous avons là le pendant de En 650/70 Mahomet n'existe pas: https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t2197-sden-650-70-mahomet-n-existe-pas !
C’est simple et radical : « S'il n'y a pas de résurrection des morts, Christ non plus n'est pas ressuscité, et si Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est vide et vide aussi votre foi. Il se trouve même que nous sommes de faux témoins de Dieu, car nous avons porté un contre-témoignage en affirmant que Dieu a ressuscité le Christ alors qu'il ne l'a pas ressuscité, s'il est vrai que les morts ne ressuscitent pas. Si les morts ne ressuscitent pas, Christ non plus n'est pas ressuscité. Et si Christ n'est pas ressuscité, votre foi est illusoire, vous êtes encore dans vos péchés. Dès lors, même ceux qui sont morts en Christ sont perdus. Si nous avons mis notre espérance en Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. » (1 Co 15, 13-19)rocheclaire a écrit:En quoi cela va modifier mon comportement dans la vie de tous les jours ?
Je pense que les chrétiens qui persistent dans la foi (c'est bien !) en se disant " Il faut quand même y croire, même si c'est faux, parce que cela porte sens " (c'est la position du christianisme libéral) ont choisi de suivre un leurre qui leur fait plaisir, qui flatte leur sens de l'absolu, mais ils poursuivent une chimère. C'est leur droit. Heureusement que je n'en suis pas là car - pour moi - je risque simplement d'envoyer tout par dessus bord - sauf à conserver la foi en Dieu - mais pas dans le christianisme, alors.
Mon intérêt pour la question de fond - très hard - que je vous ai posée plus haut vient de là. L'évolution du christianisme de " frères " protestants - car enfin Bultmann, comme Marguerat sont, en principe, chrétiens (protestants) - qui annulent ainsi le témoignage du Verbe de Dieu et Fils Unique du Père semble me contraindre à épuiser jusqu'au bout cette théorie de Bultmann laquelle, au fond, ne repose que sur ses postulats, qui n'est donc ni rationnelle, ni scientifique - mais une opinion comme une autre.
Tout d'abord, la structure de conte des Evangiles a été signalée par plusieurs auteurs, j'en connaissais un qui était missionnaire ay Tchad, cela ne peut étonner puisque Jésus a bien pu utiliser des procédés apparentés notamment dans les paraboles. Ce sont aussi des procédés de tradition orale qu'Idriss connaît bien.rocheclaire a écrit:J'ai une formation de conteuse et considérer les récits bibliques comme une mythologie fondatrice de l'occident m'est plus abordable [url=ww.cgjung.net/publications/jung-et-la-mystique.htm]livre qui aborde le point de vue de Jung[/url]
Moi je crois d'abord à la mystique, à la puissance de la grâce de Dieu - c'est à dire à l'avancement intérieur dans le temps long en rapport quotidien avec Dieu - et non à cette approche de la Formgeschichte ou une approche " rationnelle ", théologique ou autre. Mystique, signifie pour moi d'abord la prière régulière, quotidienne (90%) et beaucoup moins à l'intuition (10%). La manifestation de Dieu qui vient nous toucher, nous transformer j'y crois. J'ai découvert cela assez subitement - par expérience personnelle - assez tard alors que ma formation catholique ne m'y avait pas du tout préparé. Je ne connaissais ni ne croyais avant à ce genre d'expérience. Mon expérience comparée de la psychanalyse (11 ans), du zen (15 ans) et du christianisme (60 ans, mini) m'a montré - cela n'est valable que pour moi, bien entendu - que la psychanalyse n'entraîne pas d'expérience spirituelle, alors que le zen et le christianisme : si.rocheclaire a écrit:Le problème pour moi n'est pas la vérité scientifique mais comment cette histoire qui est dans nos consciences occidentales voire plus nous imprègne et modifie notre comportement...
Pour finir, je connais beaucoup mieux Freud que Jung, je ne pourrai pas être un bon interlocuteur sur la question de Jung.
Roque- Messages : 5064
Réputation : 23
Date d'inscription : 15/02/2011
Age : 80
Localisation : Paris
Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat
Roque a écrit:[/i][/color] " Idriss - qui est musulman, ne s'y est d'ailleurs pas trompé puisqu'il met ce sujet en parallèle avec un sujet niant l'existence de Muhammad.Idriss a écrit:Nous avons là le pendant de En 650/70 Mahomet n'existe pas: https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t2197-sden-650-70-mahomet-n-existe-pas !
Le parallélisme était trop tentant, avec la même période de 2 siècles avant la fixation d'un récit structuré. Cependant j'ai précisé aussi que les méthodes dans chacun des cas n'avaient rien en commun.
Quoi qu'il en soit , il me semble que nous sommes bien dans le sujet et que si l'esprit reste bon, la confrontation des arguments peut-être fructueux.
Perso j'ai appris des choses dans le sujet sur en 650/70 Mahomet n'existe pas.
Maintenant le sujet développé ici est extrêmement pointu et l'idéal serait que si ce n'est Marguerat lui-même un spécialiste de son œuvre puisse répondre.
Et en effet et enfin , la rhétorique sémitique trouve-t-elle son compte dans ces thèses? Si il y a eu ajout et strates, la structure rhétorique sémitique devrait s'en trouvé perturbée: "qu'en est-il?"
Cette question a-t-elle été envisagé par Marguerat ou Sauge ...nous le seront sans doute jamais.
Mais si les spécialistes se recoupaient un plus cela permettrait peut-être d'avancer ...
Idriss- Messages : 7075
Réputation : 35
Date d'inscription : 25/05/2012
Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat
Mais ce parallèle est juste en partie. J'avoue que je n'ai pas suivi ce fil sur " en 650/70 Mahomet n'existe pas " ... c'est trop caricatural. Ca me m'intéresse pas plus que " Jésus était Jules César " ou " Jésus et le Migou au Tibet ". Coté Jésus, la critique provient essentiellement des postulats de l'analyse de la forme (style littéraire) des Evangiles (il y a une une critique du Jésus qui n'aurait pas existé historiquement, mais semble qu'elle soit à bout de souffle, je ne sais pas exactement pourquoi, cela est peut-être expliqué par le " Jésus de la première quête " ???), coté Muhammad ça doit venir plutôt du côté historique avec la mise ne cause de la " source " (Descente de la Révélation ou la Bible).Idriss a écrit:Le parallélisme était trop tentant, avec la même période de 2 siècles avant la fixation d'un récit structuré. Cependant j'ai précisé aussi que les méthodes dans chacun des cas n'avaient rien en commun.
Très peu probable, Marguerat est un grand exégète international, adulé, louangé (mon impression : une " diva " soignant sa communication) dans le cercle du " christianisme libéral " - qui est en fait plus ou moins un " christianisme sans Jésus ", puisque le texte des Evangiles est bidon, selon eux. Mais comme ils disent : " On peut y croire parce que ça porte sens " - une formule hypocrite pour éviter de choquer en milieu chrétien et disant que le Jésus des Evangiles est une imposture. Et pourtant, ce sont bien des " chrétiens " puisse n'importe qui peut se parer de cette appellation.Idriss a écrit:Maintenant le sujet développé ici est extrêmement pointu et l'idéal serait que si ce n'est Marguerat lui-même un spécialiste de son œuvre puisse répondre.
Je vais relire encore le passage là dessus, mais ce qui s'est passé c'est approximativement ceci (par exemple car il faut que je vérifie les chiffres exacts) :Idriss a écrit:Et en effet et enfin , la rhétorique sémitique trouve-t-elle son compte dans ces thèses? Si il y a eu ajout et strates, la structure rhétorique sémitique devrait s'en trouvé perturbée: "qu'en est-il?"
- à partir d'un noyau de petite dimension sur la Passion et la Résurrection (précoce par rapports aux événements) ;
- a été composé un texte plus cohérent de 25 colliers (?) 5 perles - sur une organisation générale qui serait homologue de l'organisation le Cantique des Cantiques ;
- puis, cet ensemble aurait été porté ensuite à 80 colliers (?) 5 perles (en conservant les 25 premiers colliers), et enfin :
- Une nouvelle addition finale d'autres " colliers " (toujours sur base des rédactions antérieures) avec des formes de tissage complexes : en torsade ou polysémiques comme j'en ai donné l'exemple dans le fil sur la rhétorique sémitique.
Je ne connais pas exactement d'où viennent ces " colliers " additionnels et s'ils correspondent ou non aux " colliers " des autres Evangiles ... il faut que je travaille ce point, mais c'est toujours le même système oral (colliers et perles) qui prévaut sur la totalité de l'Evangile de Jean - d'après ce que j'ai compris. Il n'y a pas de texte " non oral " dans les Evangiles en araméen. D'après ce que j'ai compris, toujours, cette structure orale se retrouve dans les 12 premiers chapitres des Actes et dans l'Evangile de Thomas (un texte à tendance gnostique).
Les perles additionnelles peuvent réaliser une " brisure " d'un collier comme ABCB'XA'YZY'X' mais en conservant le collier d'origine, c'est parfois nécessaire pour insèrer les colliers additionnels quelque part, lors de la composition pour respecter des questions de cohérence thématique ou rythmique (enfin, il faut que je relise à fond pour ne pas dire des bêtises ...).
L'existence de texte en araméen est quasiment niée par ces tendances libérales, il ne connaissent que le texte en grec (et c'est un peu pareil chez les catholiques). Dans l'ouvrage de Marguerat ce qui est dit sur la tradition orale (quelques posts ci-dessus), c'est complètement nul : confusion avec le bouche à oreille et de vagues racontars, contestation des capacités de mémorisation des tenants de la tradition orale, postulat d'un " évangile " arrivé en petite miettes incohérentes (dit " micro-unités indépendantes ") en rupture avec toute transmission concrète : humaine de ces miettes ... et remise en forme " au petit bonheur " à partir de rédacteurs totalement inconnus actuellement - n'étant certainement ni les apôtres, ni les témoins oculaires, ni même par l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme ... enfin à deux doigts du néant historique absolu.Idriss a écrit:Cette question a-t-elle été envisagé par Marguerat ou Sauge ...nous le seront sans doute jamais.
En fait cette théorie n'explique rien, reste fixé sur la dimension littéraire des Evangiles (les Evangiles sont un récit, une narration, mais ça on le savait déjà je crois). En dépit de ses déclarations d'intention de " tout expliquer ", cette école de Marguerat consacre l'idée qu'il existe un grand trou noir de 40 ans entre Jésus et le premier Evangile écrit en grec. Rien dans l'ouvrage n'explique ni la place qu'aurait pu prendre la tradition orale pendant ces 40 ans, ni comment s'est fait le raccord avec l'écrit. C'est le silence complet de ce côté dans cet ouvrage que j'ai lu au moins 5 ou 6 fois sur les Evangiles et plus de 15 fois sur les chapitres introductifs traitant de la méthode (ce que disent ces " chrétiens " me choque très profondément ) ... pas difficile ensuite de croire que tout cela est un énorme bobard CQFD
Roque- Messages : 5064
Réputation : 23
Date d'inscription : 15/02/2011
Age : 80
Localisation : Paris
Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat
Pointu , mais passionnant...
Tu sais Roque il n'est jamais trop tard pour faire une thèse universitaire...Le travail que tu as accumulé représente une déjà une sacrée base de départ...
Tu sais Roque il n'est jamais trop tard pour faire une thèse universitaire...Le travail que tu as accumulé représente une déjà une sacrée base de départ...
Idriss- Messages : 7075
Réputation : 35
Date d'inscription : 25/05/2012
Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat
Le temps est passé pour moi, mais toi tu as - à vue de nez 30 à 35 ans de moins que moi ... la thèse c'est pour toi. Le monde musulman a besoin de ton intelligence et de ton ouverture d'esprit - en restant dans la foi, seule vraie boussole en ce monde.Idriss a écrit:Pointu , mais passionnant...
Tu sais Roque il n'est jamais trop tard pour faire une thèse universitaire...Le travail que tu as accumulé représente une déjà une sacrée base de départ...
Roque- Messages : 5064
Réputation : 23
Date d'inscription : 15/02/2011
Age : 80
Localisation : Paris
Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat
"Saveurs du récit biblique" textes de Daniel Marguerat et de André Wenin.
Marguerat sur les styles des différents évangiles.
[L'auteur d'un récit est aussi sont lecteur.
Distinction entre le lecteur encodé, déjà formaté, qui a déjà un cadre et des références par rapport au texte lu, et une attente plus ou moins consciente, et le lecteur construit, plus ou moins vierge, celui que le texte cherche à modeler ]
Je pense que ce ce sont des types idéaux, car tout lecteur doit pouvoir comprendre un minimum l'environnement et s'identifier positivement ou négativement à l'intrigue, ou comprendre la problématique, sinon il ne pourrait lire, ce serait étranger, la rupture elle-même n'a de sens que par rapport à ce dont elle s'éloigne et il n'y a pas de lecteur totalement vierge.
Chaque évangile s'adresse à un type de lecteur, ou construit un type de lecteur.
Marc : le lecteur "dérouté", style haché, rapidité, micro-unités, rythme précipité, Jésus se déplace, se dérobe, logique du déplacement, syntaxe pas lisse mais fracturée, Messie insaisissable, secret de la parole.
Mathieu : redondance, pédagogie, récit mis en discours, alternance de récits et de discours, fonction édifiante, structurante.
Jean : lecteur initié, langage symbolique, sens caché, usage de l'ironie, du malentendu, lecteur aspiré vers le haut, processus d'initiation.
Luc : le lecteur interprète, apprendre à lire, récits différents du même événement, l'ascension racontée d'une manière différente dans l'Evangile et dans les Actes, qui ne formaient qu'une seule unité, trois variantes de la conversion de Paul, la "syncrisis", parralèle entre deux personnages.
On sait que les évangélistes ont été représentés sous la forme d'animaux et d'un homme, j'y vois un peu l'image des quatre éléments de la cosmologie traditionnelle : Marc et l'air, la rapidité, le changement, déplacement, rupture, Mathieu et la terre, la lourdeur et l'insistance, le caractère nourricier et pédagogique, Luc, l'eau et les reflets, jeux de miroirs, les mentions les plus fréquentes de Marie, Jean, le feu ascendant et transformant.
On voit au passage la pauvreté de la critique musulmane "primaire" sur les contradictions des évangiles, puisque Luc, qui est un lettré, fait usage de variantes d'un même récit.
Marguerat sur les styles des différents évangiles.
[L'auteur d'un récit est aussi sont lecteur.
Distinction entre le lecteur encodé, déjà formaté, qui a déjà un cadre et des références par rapport au texte lu, et une attente plus ou moins consciente, et le lecteur construit, plus ou moins vierge, celui que le texte cherche à modeler ]
Je pense que ce ce sont des types idéaux, car tout lecteur doit pouvoir comprendre un minimum l'environnement et s'identifier positivement ou négativement à l'intrigue, ou comprendre la problématique, sinon il ne pourrait lire, ce serait étranger, la rupture elle-même n'a de sens que par rapport à ce dont elle s'éloigne et il n'y a pas de lecteur totalement vierge.
Chaque évangile s'adresse à un type de lecteur, ou construit un type de lecteur.
Marc : le lecteur "dérouté", style haché, rapidité, micro-unités, rythme précipité, Jésus se déplace, se dérobe, logique du déplacement, syntaxe pas lisse mais fracturée, Messie insaisissable, secret de la parole.
Mathieu : redondance, pédagogie, récit mis en discours, alternance de récits et de discours, fonction édifiante, structurante.
Jean : lecteur initié, langage symbolique, sens caché, usage de l'ironie, du malentendu, lecteur aspiré vers le haut, processus d'initiation.
Luc : le lecteur interprète, apprendre à lire, récits différents du même événement, l'ascension racontée d'une manière différente dans l'Evangile et dans les Actes, qui ne formaient qu'une seule unité, trois variantes de la conversion de Paul, la "syncrisis", parralèle entre deux personnages.
On sait que les évangélistes ont été représentés sous la forme d'animaux et d'un homme, j'y vois un peu l'image des quatre éléments de la cosmologie traditionnelle : Marc et l'air, la rapidité, le changement, déplacement, rupture, Mathieu et la terre, la lourdeur et l'insistance, le caractère nourricier et pédagogique, Luc, l'eau et les reflets, jeux de miroirs, les mentions les plus fréquentes de Marie, Jean, le feu ascendant et transformant.
On voit au passage la pauvreté de la critique musulmane "primaire" sur les contradictions des évangiles, puisque Luc, qui est un lettré, fait usage de variantes d'un même récit.
DenisLouis- Messages : 1062
Réputation : 10
Date d'inscription : 15/06/2013
Age : 73
Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat
Un peu difficile de répondre ... il y a trop d'idées en même temps et je ne comprends pas tout !
Quant à distinguer une théologie propre, une vision de Dieu propre, une vision du Christ propre à chaque évangéliste, je sais que c'est un idée nouvelle du protestantisme libéral, dont fait partie Marguerat. L'dée est que chaque évangéliste s'est fait un " Christ " de sa conception - (car dans leur conception les textes des Evangiles ne sont pas fiables du tout). Mais je trouve - quand on essaie de comprendre en détail cette argumentation - on s'aperçoit que cette exégèse repose nécessairement sur un corpus d'interprétation beaucoup plus étroit qu'un corpus d'interprétation reposant sur les quatre Evangiles et que les interprétations reposent sur des nuances très ténues : un mot employé par un évangéliste contre un autre mot presque synonyme utilisé par un autre évangéliste ou bien un mot placé là par un évangéliste, mais absent chez un autre évangéliste. Quand on examine ces argumentations comparatives entre les visées théologiques de chaque évangélistes (ce que fait justement le livre que je commente) ... c'est de la micro-exégèse, on essaie de tirer des conclusions d'indices microscopiques . Finalement mon impression que c'est que ce sont des essais intéressants, mais qui n'est pas vraiment concluants. On peut démontrer que dans cet exercice l'exégète met beaucoup de ses postulats et préjugés puisqu'il y aura autant d'avis que d'exégètes interrogés. Ce n'est pas très solide à mon avis sauf quelques grands traits généraux déjà connus (par exemple : l'Evangile de Jean est plus profond que les synoptiques), ce sont juste des points de vue intéressants.
Pour juger par vous même, essayez donc de chercher sur internet avec quatre mot clés :
- Christologie de Matthieu :
- Christologies de Marc ;
- Christologie de Luc ;
- Christologie de Jean.
Comparez ce que vous trouverez et tirez en vous-même les conclusions sur les convergences et/ou les divergences (j'ai essayé).
Je ne connais pas ce livre, mais effectivement Marguerat et son école s'appuient la théorie de la Formgeschichte (au moins dans le livre que je commente sur ce fil : l'Introduction au Nouveau Testament), l'étude de la forme qui consiste essentiellement à comparer les styles littéraires. Mais je trouve que cette approche par les styles est très subjective : pour exemple Bultmann, un des initiateurs de la Formgeschichte pense que les Evangile sont en soi un style " sui generis ", donc sans équivalent - alors que Marguerat pense que les Evangiles sont une sous catégorie de la biographie gréco-romaine ( https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t1976-la-parole-de-jesus-christ-a-la-sauce-marguerat#42196 ). Très difficile de se mettre d'accord entre gens de la même école, car les arguments sur le style ou la forme ne sont que des arguments de probabilité (et d'humeur !).DenisLouis a écrit:"Saveurs du récit biblique" textes de Daniel Marguerat et de André Wenin.
Marguerat sur les styles des différents évangiles.
Ici, est-ce une citation ou est-ce votre avis sur la question ? Je ne comprends pas. Je ne comprends pas non plus cette histoire de " lecteur encodé, déjà formaté " et de " lecteur construit, plus ou moins vierge que le texte cherche à modeler ". L'idée est-elle que le texte des élaboré pour influencer le lecteur (ça pourrait effectivement être une idée dans le genre de celles que développe Marguerat).DenisLouis a écrit:[L'auteur d'un récit est aussi sont lecteur.
Distinction entre le lecteur encodé, déjà formaté, qui a déjà un cadre et des références par rapport au texte lu, et une attente plus ou moins consciente, et le lecteur construit, plus ou moins vierge, celui que le texte cherche à modeler ]
Voulez-vous dire des " types idéaux de lecteurs " à qui il faut donner ce qu'ils peuvent comprendre ? D'où vient cette idée des " types idéaux " qui correspondait à ces types de lecteurs auxquels vous faites allusion plus bas ?Je pense que ce sont des types idéaux,
DenisLouis a écrit:car tout lecteur doit pouvoir comprendre un minimum l'environnement et s'identifier positivement ou négativement à l'intrigue, ou comprendre la problématique, sinon il ne pourrait lire, ce serait étranger, la rupture elle-même n'a de sens que par rapport à ce dont elle s'éloigne et il n'y a pas de lecteur totalement vierge.
Cette idée est-elle celle du livre de Marguerat que vous citez : " Chaque évangile s'adresse à un type de lecteur, ou construit un type de lecteur. " ? Et si oui, cela sert-il a expliquer qu'il aura fallu quatre Evangiles pour correspondre à quatre types de lecteurs ? Cette théorie vous parait-elle sérieuse ? Et pourquoi pas quatre Evangiles comme les quatre points cardinaux, comme les quatre saisons ou comme le quatre symbole de l'homme dans la Bible. Je veux dire qu'on est là dans des élucubrations très peu fiables selon moi.DenisLouis a écrit:Chaque évangile s'adresse à un type de lecteur, ou construit un type de lecteur.
Marc : le lecteur "dérouté", style haché, rapidité, micro-unités, rythme précipité, Jésus se déplace, se dérobe, logique du déplacement, syntaxe pas lisse mais fracturée, Messie insaisissable, secret de la parole.
Mathieu : redondance, pédagogie, récit mis en discours, alternance de récits et de discours, fonction édifiante, structurante.
Jean : lecteur initié, langage symbolique, sens caché, usage de l'ironie, du malentendu, lecteur aspiré vers le haut, processus d'initiation.
Luc : le lecteur interprète, apprendre à lire, récits différents du même événement, l'ascension racontée d'une manière différente dans l'Evangile et dans les Actes, qui ne formaient qu'une seule unité, trois variantes de la conversion de Paul, la "syncrisis", parralèle entre deux personnages.
Quant à distinguer une théologie propre, une vision de Dieu propre, une vision du Christ propre à chaque évangéliste, je sais que c'est un idée nouvelle du protestantisme libéral, dont fait partie Marguerat. L'dée est que chaque évangéliste s'est fait un " Christ " de sa conception - (car dans leur conception les textes des Evangiles ne sont pas fiables du tout). Mais je trouve - quand on essaie de comprendre en détail cette argumentation - on s'aperçoit que cette exégèse repose nécessairement sur un corpus d'interprétation beaucoup plus étroit qu'un corpus d'interprétation reposant sur les quatre Evangiles et que les interprétations reposent sur des nuances très ténues : un mot employé par un évangéliste contre un autre mot presque synonyme utilisé par un autre évangéliste ou bien un mot placé là par un évangéliste, mais absent chez un autre évangéliste. Quand on examine ces argumentations comparatives entre les visées théologiques de chaque évangélistes (ce que fait justement le livre que je commente) ... c'est de la micro-exégèse, on essaie de tirer des conclusions d'indices microscopiques . Finalement mon impression que c'est que ce sont des essais intéressants, mais qui n'est pas vraiment concluants. On peut démontrer que dans cet exercice l'exégète met beaucoup de ses postulats et préjugés puisqu'il y aura autant d'avis que d'exégètes interrogés. Ce n'est pas très solide à mon avis sauf quelques grands traits généraux déjà connus (par exemple : l'Evangile de Jean est plus profond que les synoptiques), ce sont juste des points de vue intéressants.
Pour juger par vous même, essayez donc de chercher sur internet avec quatre mot clés :
- Christologie de Matthieu :
- Christologies de Marc ;
- Christologie de Luc ;
- Christologie de Jean.
Comparez ce que vous trouverez et tirez en vous-même les conclusions sur les convergences et/ou les divergences (j'ai essayé).
Roque- Messages : 5064
Réputation : 23
Date d'inscription : 15/02/2011
Age : 80
Localisation : Paris
Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat
Le lecteur auteur, lecteur encodé, lecteur construit, c'est une idée que Marguerat reprend, il s'agit de la narratologie mais je ce n'est pas lui qui en est l'origine.
C'est moi qui parle de types idéaux, au sens de modèles, le lecteur ordinaire pouvant combiner les deux aspects suivant des dosages différents.
Les caractéristiques par évangile, par exemple Marc, le lecteur dérouté, ce sont les classifications de Marguerat, à partir de l'analyse du style et des procédés littéraire, il y a d'autres notions que j'essaierai de noter.
Les élucubrations sont de moi, elles reposent surtout sur les représentations traditionnelles des évangélistes et sur des notions généralement répandues dans le symbolisme. Il y a qu'une chose qui ne cadre pas trop, c'est la place de l'homme, qui devrait être au centre, cette disposition reproduit les quatre figures de la vision du char et on sait par ailleurs que les quatre anges sont en rapport avec les quatre éléments.
Mais pour ce que j'ai lu, l'étude du style ici, c'est un peu différent de l'agencement plus ou moins rigoureuse en micro-unités que vous envisagez, cela peut bien sûr se conjuguer.
C'est moi qui parle de types idéaux, au sens de modèles, le lecteur ordinaire pouvant combiner les deux aspects suivant des dosages différents.
Les caractéristiques par évangile, par exemple Marc, le lecteur dérouté, ce sont les classifications de Marguerat, à partir de l'analyse du style et des procédés littéraire, il y a d'autres notions que j'essaierai de noter.
Les élucubrations sont de moi, elles reposent surtout sur les représentations traditionnelles des évangélistes et sur des notions généralement répandues dans le symbolisme. Il y a qu'une chose qui ne cadre pas trop, c'est la place de l'homme, qui devrait être au centre, cette disposition reproduit les quatre figures de la vision du char et on sait par ailleurs que les quatre anges sont en rapport avec les quatre éléments.
Mais pour ce que j'ai lu, l'étude du style ici, c'est un peu différent de l'agencement plus ou moins rigoureuse en micro-unités que vous envisagez, cela peut bien sûr se conjuguer.
DenisLouis- Messages : 1062
Réputation : 10
Date d'inscription : 15/06/2013
Age : 73
Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat
Merci de la précision, je vais lire cela. L'intéressant est que la narratologie - d'après ce que je crois en comprendre déjà - semble s'opposer à l'approche micro-fragmentée des textes imposée par les postulats de la Formgeschichte. Marguerat serait-il donc capable d'utiliser des outils intellectuels aussi diamétralement opposés en premier analyse ?DenisLouis a écrit:Le lecteur auteur, lecteur encodé, lecteur construit, c'est une idée que Marguerat reprend, il s'agit de la narratologie mais je ce n'est pas lui qui en est l'origine.
A creuser, donc.
Roque- Messages : 5064
Réputation : 23
Date d'inscription : 15/02/2011
Age : 80
Localisation : Paris
Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat
Marguerat répond à trois objections :
-c'est une théorie moderne, ignorée par les auteurs antérieurs : non, car il y a des constantes transculturelles dans l'art de la narration, une universalité dans la manière de raconter.
-elle remet en question la critique historique : non, elle ne répond pas aux mêmes questions, par contre elle est le meilleur outils pour comprendre la stratégie de communication d'un auteur, il s'agit de deux approches qui ne sont pas opposées
-Et la théologie, que devient-t-elle ? : la forme fait fond, la narrativité est un instrument de l'histoire du salut.
C'est donc une science récente et encore plus dans le domaines des études bibliques.
Un ouvrage de référence : "Art of biblic narrative" , Robert Alter. http://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Bernard_Alter
http://enseignementprotestant.be/secondaire/De_quelques_ressources_pedagogiques_pour_le_secondaire/narratologie_biblique.html
http://books.google.fr/books?id=Ut1EEKSpbxAC&pg=PA19&lpg=PA19&dq=narratologie+uspensky&source=bl&ots=ti521WZ82-&sig=TizYm7Qmrjrre3Knv7MFlO9O1pk&hl=fr&sa=X&ei=xoiiU5W1O8OKOM6PgIAG&ved=0CCAQ6AEwAA#v=onepage&q=narratologie%20uspensky&f=false
Les bases conceptuelles de la narratologie ont été étudiées par Boris Uspensky, un linguiste russe.
5 concepts interviennent :
-la spatialité, l'endroit où se situe la caméra, le point de vue d'où l'on regarde, qui regarde.
-la temporalité.
-la psychologie, informations sur les états intérieurs des personnages.
-la phraséologie.
-l'idéologie.
Exemple :
Jésus marchant sur la mer, dans Mathieu et dans Jean, chez Mathieu, la caméra est dans la barque derrière Jésus, chez elle est derrière les disciples, un point de vue est christologique, l'autre ecclésiologique.
Changements de voix narratives dans la prose arabe :
"En lisant des ahbār de la littérature d’ adab qui n’a pas eu l’impression que ce sont plusieurs personnes qui racontent l’histoire ?"
http://gerflint.fr/Base/Mondearabe6/hakan.pdf
-c'est une théorie moderne, ignorée par les auteurs antérieurs : non, car il y a des constantes transculturelles dans l'art de la narration, une universalité dans la manière de raconter.
-elle remet en question la critique historique : non, elle ne répond pas aux mêmes questions, par contre elle est le meilleur outils pour comprendre la stratégie de communication d'un auteur, il s'agit de deux approches qui ne sont pas opposées
-Et la théologie, que devient-t-elle ? : la forme fait fond, la narrativité est un instrument de l'histoire du salut.
C'est donc une science récente et encore plus dans le domaines des études bibliques.
Un ouvrage de référence : "Art of biblic narrative" , Robert Alter. http://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Bernard_Alter
http://enseignementprotestant.be/secondaire/De_quelques_ressources_pedagogiques_pour_le_secondaire/narratologie_biblique.html
http://books.google.fr/books?id=Ut1EEKSpbxAC&pg=PA19&lpg=PA19&dq=narratologie+uspensky&source=bl&ots=ti521WZ82-&sig=TizYm7Qmrjrre3Knv7MFlO9O1pk&hl=fr&sa=X&ei=xoiiU5W1O8OKOM6PgIAG&ved=0CCAQ6AEwAA#v=onepage&q=narratologie%20uspensky&f=false
Les bases conceptuelles de la narratologie ont été étudiées par Boris Uspensky, un linguiste russe.
5 concepts interviennent :
-la spatialité, l'endroit où se situe la caméra, le point de vue d'où l'on regarde, qui regarde.
-la temporalité.
-la psychologie, informations sur les états intérieurs des personnages.
-la phraséologie.
-l'idéologie.
Exemple :
Jésus marchant sur la mer, dans Mathieu et dans Jean, chez Mathieu, la caméra est dans la barque derrière Jésus, chez elle est derrière les disciples, un point de vue est christologique, l'autre ecclésiologique.
Changements de voix narratives dans la prose arabe :
"En lisant des ahbār de la littérature d’ adab qui n’a pas eu l’impression que ce sont plusieurs personnes qui racontent l’histoire ?"
http://gerflint.fr/Base/Mondearabe6/hakan.pdf
DenisLouis- Messages : 1062
Réputation : 10
Date d'inscription : 15/06/2013
Age : 73
MA CONCLUSION
Cela fait a peu près 5 ans que je réfléchis sur le contenu de : " Introduction au Nouveau Testament, Son histoire, son écritures, sa théologie. " Ed. Labor et Fides. Sous la direction de Daniel Marguerat. 2008. ISBN : 978-2-8309-1289-0. En fait mon analyse se limite aux chapitres où sont expliqués la " méthode " - chapitres rédigés par Daniel Marguerat, lui-même, aux chapitres traitant des quatre Évangiles et aux deux derniers chapitres de conclusion du livre.
Ce qui m'a frappé à la lecture très attentive de ce livre, c'est l'accumulation d'hypothèses qui prennent pratiquement valeur d'affirmations tant elles sont répétées et même martelées. Cette répétition donne l'impression nette d'une doctrine commune partagée par plusieurs des rédacteurs de cet ouvrage collectif. Au cours de ma longue analyse du livre j'ai signalé ce que j'ai appelé des leitmotive (ils sont explicitement signalés dans mes posts successifs) :
En effet les deux postulats de base (encadrés en rouge) sont liés à tous les leitmotive (sorte d'affirmations, finalement) qui sont dans ce livre. Ces leitmotive sont soit de simples reformulations des postulats de base (double trait rouge), soit des conséquences directes de ces postulats (flèche bleue).
Ce n'est bien entendu que ma lecture, mais dans la compréhension - encore une fois après une lecture très, très, très attentive (!) - du texte de cette ouvrage collectif dont la méthode est bien assumée dans les chapitres de début sous le nom de Daniel Marguerat, il m'est apparu que l'ensemble des conclusions partielles - je veux dire toutes ces conclusions intermédiaires - sont dépendantes de deux postulats de départ :
1. Les Évangiles sont construits à partir de micro-unités sans lien les unes entre les autres ;
2. Les Évangiles seraient une sous-catégorie des biographies gréco-romaine - ce qui signifie que la totalité du récit : " historiographique " ou " miraculeux " est fictif.
Trois remarques :
- L'ouvrage dans sa totalité relève donc - selon moi - du raisonnement circulaire puisque les conclusions des auteurs sont présentes dans la méthode d'analyse du texte évangélique ;
- L'analyse qui soutient la formulation des leitmotive est marquée par ce que j'ai appelé un unilatéralisme systématique c'est à dire qu'en cas d'alternative indécidable les auteurs ne retiennent que l'alternative qui va dans le sens qu'ils veulent démontrer ;
- L'ouvrage est finalement très lourd à lire dans un langage, de prime abord, très déroutant. L'intérêt du lecteur pour le contenu du texte d’Évangile est difficile à tenir (c'est très ennuyeux) ... sans compter les formulations à double sens et l'impression d’honnêteté borderline de l'approche.
Ce qui m'a frappé à la lecture très attentive de ce livre, c'est l'accumulation d'hypothèses qui prennent pratiquement valeur d'affirmations tant elles sont répétées et même martelées. Cette répétition donne l'impression nette d'une doctrine commune partagée par plusieurs des rédacteurs de cet ouvrage collectif. Au cours de ma longue analyse du livre j'ai signalé ce que j'ai appelé des leitmotive (ils sont explicitement signalés dans mes posts successifs) :
Il m'était apparu assez rapidement que la méthode d'analyse de Daniel Marguerat reposait sur quelques postulats - des affirmations indémontrables - mais dès que j'ai eu une vue d'ensemble de ces leitmotive, martelés dans l'esprit du lecteur, j'ai commencé à être convaincu de l'esprit de système de l'interprétation construite par l'école de Daniel Marguerat.A. Le texte évangélique est une « narration » et non une « histoire » au sens où le « récit » évangélique ne renvoie nécessairement ni des témoins oculaires, ni à la mémoire de faits réels, ni à un processus de tradition/transmission (collecte des témoignages, « traditionneurs » mettant en forme les traditions, récitants dédiés, chaîne de transmission, etc …), ni a une origine (" auteur ") précise : Jésus ;
B. Les Évangiles sont constitués de « micro-unités », à l’origine indépendantes, c’est à dire isolées, devront être contextualisées en les plaçant dans un cadre de récit ou de discours qui n’est pas d’origine, donc fictif pour constituer un récit continu ;
C. La narration des Évangiles est, d’abord sinon exclusivement, le reflet des préoccupations des communautés auxquelles s’adressent les « évangélistes » ;
D. Les Évangiles ont été rédigés par des « évangélistes » après la mort de Pierre (+67), de Paul (+68) et de tous les Apôtres (*) ;
E. Les « évangélistes » ont produit une forme littéraire et une rhétorique mises au service du besoin d’identité et du prosélytisme des premières communautés chrétiennes ;
F. Pour expliquer le contenu des Évangiles, il convient d’abord de les questionner à partir de leur message aux destinataires ;
G. La « remémoration de Jésus » est plus une construction de théologie apologétique postpascale qu’un travail de mémoire, proprement dit ;
H. Les Évangiles auraient été élaborés dans le milieu hellénistique en ayant recours aux formes littéraires et catégories philosophiques grecques ;
I. Les Évangiles seraient une sous-catégorie des biographies gréco-romaines ;
J. Les Évangiles – quelque qu’en soit le style – biographie gréco-romaine ou narration auraient un contenu fictif, en partie ou en totalité.
En effet les deux postulats de base (encadrés en rouge) sont liés à tous les leitmotive (sorte d'affirmations, finalement) qui sont dans ce livre. Ces leitmotive sont soit de simples reformulations des postulats de base (double trait rouge), soit des conséquences directes de ces postulats (flèche bleue).
LE PROCESSUS DE COMPOSITION DES ÉVANGILES SELON MARGUERAT
Ce n'est bien entendu que ma lecture, mais dans la compréhension - encore une fois après une lecture très, très, très attentive (!) - du texte de cette ouvrage collectif dont la méthode est bien assumée dans les chapitres de début sous le nom de Daniel Marguerat, il m'est apparu que l'ensemble des conclusions partielles - je veux dire toutes ces conclusions intermédiaires - sont dépendantes de deux postulats de départ :
1. Les Évangiles sont construits à partir de micro-unités sans lien les unes entre les autres ;
2. Les Évangiles seraient une sous-catégorie des biographies gréco-romaine - ce qui signifie que la totalité du récit : " historiographique " ou " miraculeux " est fictif.
Trois remarques :
- L'ouvrage dans sa totalité relève donc - selon moi - du raisonnement circulaire puisque les conclusions des auteurs sont présentes dans la méthode d'analyse du texte évangélique ;
- L'analyse qui soutient la formulation des leitmotive est marquée par ce que j'ai appelé un unilatéralisme systématique c'est à dire qu'en cas d'alternative indécidable les auteurs ne retiennent que l'alternative qui va dans le sens qu'ils veulent démontrer ;
- L'ouvrage est finalement très lourd à lire dans un langage, de prime abord, très déroutant. L'intérêt du lecteur pour le contenu du texte d’Évangile est difficile à tenir (c'est très ennuyeux) ... sans compter les formulations à double sens et l'impression d’honnêteté borderline de l'approche.
Dernière édition par Roque le Mer 3 Aoû - 11:05, édité 5 fois
Roque- Messages : 5064
Réputation : 23
Date d'inscription : 15/02/2011
Age : 80
Localisation : Paris
Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat
C'est typique de tout auteur plus soucieux d'imposer sa vision des choses (cf par ex ce que je constate chez E-M Gallez) que d'explorer les possibles (cf par ex ce qu'a constaté Idriss sur M.Cuypers)Roque a écrit: Ce qui m'a frappé à la lecture très attentive de ce livre, c'est l'accumulation d'hypothèses qui prennent pratiquement valeur d'affirmations tant elles sont répétées et même martelées
_________________
...S'il me manque l'amour, je suis un métal qui résonne, une cymbale retentissante (1 Cor XIII, 1)
>> Mon blog change d'adresse pour fuir la pub : https://blogrenblog.wordpress.com/ <<
Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat
Soyons méchants : c'est peut-être le défaut de tout universitaire qui veut pousser une " thèse révolutionnaire ". Quand on n'a pas de vraie idée nouvelle solide et cohérence, on tend vers l’esbroufe !-Ren- a écrit:C'est typique de tout auteur plus soucieux d'imposer sa vision des choses (cf par ex ce que je constate chez E-M Gallez) que d'explorer les possibles (cf par ex ce qu'a constaté Idriss sur M.Cuypers)Roque a écrit: Ce qui m'a frappé à la lecture très attentive de ce livre, c'est l'accumulation d'hypothèses qui prennent pratiquement valeur d'affirmations tant elles sont répétées et même martelées
Je note que sur internet, on ne trouve aucun critique de la doctrine de Daniel Marguerat. On s'incline devant la vaste érudition et les analyses d'une incroyable finesse de cet expert international du Nouveau Testament. Mais l'érudition " ébouriffante " et les analyses " ultra-subtiles " sont éventuellement de la " poudre en yeux " pour tenter de masquer la déficience de fond de la " méthode d'analyse ".
Roque- Messages : 5064
Réputation : 23
Date d'inscription : 15/02/2011
Age : 80
Localisation : Paris
Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat
...Oui, j'ai déjà entendu ça ailleurs...Roque a écrit: On s'incline devant la vaste érudition
(mais dans le sujet dont je parle, c'est plus facile, car même "l'érudition" s'avère factice... Alors que réussir à démêler les erreurs méthodologiques, c'est déjà plus ardu !)
_________________
...S'il me manque l'amour, je suis un métal qui résonne, une cymbale retentissante (1 Cor XIII, 1)
>> Mon blog change d'adresse pour fuir la pub : https://blogrenblog.wordpress.com/ <<
Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat
Roque a écrit:Cela fait a peu près 5 ans que je réfléchis sur le contenu de : " Introduction au Nouveau Testament, Son histoire, son écritures, sa théologie. " Ed. Labor et Fides. Sous la direction de Daniel Marguerat. 2008. ISBN :je n'ai pas étudié ce sujet pendant 5 ans donc mon avis sera forcément superficiel mais parmi les "postulats", certains me semblent tout à fait pertinents.
- Spoiler:
978-2-8309-1289-0. En fait mon analyse se limite aux chapitres où sont expliqués la " méthode " - chapitres rédigés par Daniel Marguerat, lui-même, aux chapitres traitant des quatre Évangiles et aux deux derniers chapitres de conclusion du livre.
Ce qui m'a frappé à la lecture très attentive de ce livre, c'est l'accumulation d'hypothèses qui prennent pratiquement valeur d'affirmations tant elles sont répétées et même martelées. Cette répétition donne l'impression nette d'une doctrine commune partagée par plusieurs des rédacteurs de cet ouvrage collectif. Au cours de ma longue analyse du livre j'ai signalé ce que j'ai appelé des leitmotive (ils sont explicitement signalés dans mes posts successifs) :Il m'était apparu assez rapidement que la méthode d'analyse de Daniel Marguerat reposait sur quelques postulats - des affirmations indémontrables - mais dès que j'ai eu une vue d'ensemble de ces leitmotive, martelés dans l'esprit du lecteur, j'ai commencé à être convaincu de l'esprit de système de l'interprétation construite par l'école de Daniel Marguerat.A. Le texte évangélique est une « narration » et non une « histoire » au sens où le « récit » évangélique ne renvoie nécessairement ni des témoins oculaires, ni à la mémoire de faits réels, ni à un processus de tradition/transmission (collecte des témoignages, « traditionneurs » mettant en forme les traditions, récitants dédiés, chaîne de transmission, etc …), ni a une origine (" auteur ") précise : Jésus ;
B. Les Évangiles sont constitués de « micro-unités », à l’origine indépendantes, c’est à dire isolées, devront être contextualisées en les plaçant dans un cadre de récit ou de discours qui n’est pas d’origine, donc fictif pour constituer un récit continu ;
C. La narration des Évangiles est, d’abord sinon exclusivement, le reflet des préoccupations des communautés auxquelles s’adressent les « évangélistes » ;
D. Les Évangiles ont été rédigés par des « évangélistes » après la mort de Pierre (+67), de Paul (+68) et de tous les Apôtres (*) ;
E. Les « évangélistes » ont produit une forme littéraire et une rhétorique mises au service du besoin d’identité et du prosélytisme des premières communautés chrétiennes ;
F. Pour expliquer le contenu des Évangiles, il convient d’abord de les questionner à partir de leur message aux destinataires ;
G. La « remémoration de Jésus » est plus une construction de théologie apologétique postpascale qu’un travail de mémoire, proprement dit ;
H. Les Évangiles auraient été élaborés dans le milieu hellénistique en ayant recours aux formes littéraires et catégories philosophiques grecques ;
I. Les Évangiles seraient une sous-catégorie des biographies gréco-romaines ;
J. Les Évangiles – quelque qu’en soit le style – biographie gréco-romaine ou narration auraient un contenu fictif, en partie ou en totalité.
En effet les deux postulats de base (encadrés en rouge) sont liés à tous les leitmotive (sorte d'affirmations, finalement) qui sont dans ce livre. Ces leitmotive sont soit de simples reformulations des postulats de base (double trait rouge), soit des conséquences directes de ces postulats (flèche bleue).LE PROCESSUS DE COMPOSITION DES ÉVANGILES SELON MARGUERAT
Ce n'est bien entendu que ma lecture, mais dans la compréhension - encore une fois après une lecture très, très, très attentive (!) - du texte de cette ouvrage collectif dont la méthode est bien assumée dans les chapitres de début sous le nom de Daniel Marguerat, il m'est apparu que l'ensemble des conclusions partielles - je veux dire toutes ces conclusions intermédiaires - sont dépendantes de deux postulats de départ :
1. Les Évangiles sont construits à partir de micro-unités sans lien les unes entre les autres ;
2. Les Évangiles seraient une sous-catégorie des biographies gréco-romaine - ce qui signifie que la totalité du récit : " historiographique " ou " miraculeux " est fictif.
Trois remarques :
- L'ouvrage dans sa totalité relève donc - selon moi - du raisonnement circulaire puisque les conclusions des auteurs sont présentes dans la méthode d'analyse du texte évangélique ;
- L'analyse qui soutient la formulation des leitmotive est marquée par ce que j'ai appelé un unilatéralisme systématique c'est à dire qu'en cas d'alternative indécidable les auteurs ne retiennent que l'alternative qui va dans le sens qu'ils veulent démontrer ;
- L'ouvrage est finalement très lourd à lire dans un langage, de prime abord, très déroutant. L'intérêt du lecteur pour le contenu du texte d’Évangile est difficile à tenir (c'est très ennuyeux) ... sans compter les formulations à double sens et l'impression d’honnêteté borderline de l'approche.
Les évangiles ne sont pas une biographie ni même une histoire car de nombreux évènements de la vie de Jesus sont passés sous silence et la chronologie est imprécise.
Il s'agit plutôt de "flash" sur des épisodes marquants. D'où les questions :
- qui a choisi ces épisodes plutôt que d'autres ?
- dans quel but ?
on voit bien que derrière ces questions émerge la notion de composition et non de narration
rosarum- Messages : 1021
Réputation : 1
Date d'inscription : 06/05/2011
Localisation : France
Re: La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat
Mais indémontrables, les deux postulats ne sont que les préjugés de Bultmann, puis de Marguerat à sa suite :rosarum a écrit:je n'ai pas étudié ce sujet pendant 5 ans donc mon avis sera forcément superficiel mais parmi les "postulats", certains me semblent tout à fait pertinents.
- Pour le premier postulat : " 1. Les Évangiles sont construits à partir de micro-unités sans lien les unes entre les autres ", il existe d'autres hypothèses bien plus séduisantes dont celle de Pierre Perrier à partir du texte araméen ( https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t1976-la-parole-de-jesus-christ-a-la-sauce-marguerat#41413 ), il n'y a pas de raison rationnelle de retenir cette hypothèse plutôt qu'une autre. Etant donné le poids des conséquences de cette affirmation : pas de témoin oculaire + pas de mémoire des faits réels + pas de tradition/transmission + pas d'origine ("auteur") : Jésus (identique chez Bultmann), il est difficile de construire une analyse extensive du texte des Évangiles si on veut garder la neutralité du jugement et pour tout dire l'honnêteté intellectuelle scientifique.
- Pour le second postulat : " 2. Les Évangiles seraient une sous-catégorie des biographies gréco-romaines - ce qui signifie que la totalité du récit : " historiographique " ou " miraculeux " est fictif. ", il existe également d'autres hypothèses dont celle de Bultmann lui-même qui pense que les Évangiles auraient un style unique, " sui generis " contredisant ainsi Marguerat, il n'y a pas non plus de raison rationnelle de retenir cette hypothèse plutôt qu'une autre.
Dans une approche impartiale, la grille d'analyse ne peut pas s'appuyer sur des affirmations indémontrables. Manifestement on ne se trouve pas dans le cas de figure d'une " analyse impartiale ", l'autre cas de figure c'est l'approche de " parti pris ", éventuellement contradictoire, c'est à dire le procès.
Déjà avec ces deux postulats on a lourdement orienté l'analyse qui ne pourra que conduire à une réduction rationaliste : pas d'histoire réelle, pas de miracles ou prophéties, etc .... Ensuite, avec ce livre, Marguerat développe une argumentation très érudite d'où j'ai tiré les dix leitmotive (d'après ma lecture) qui ne font que " bétonner " l'idée d'une fabrication des Évangiles sans mémoire réelle de Jésus. Et ce n'est pas tout : l'analyse est parsemée de dizaines de choix d'interprétation faisant preuve d'un unilatéralisme systématique - (trop long de les citer tous, c'est tellement flagrant que ça paraît " puéril " de la part d'intellectuels d'un " niveau " aussi élevé). Moi, par contre, je vois un très grand nombre de question " ouvertes " pour lesquelles il existe des alternatives indécidables là où Marguerat se dirige de façon constante vers les interprétations qui confortent ses préjugés. En fait, ce maître à penser a " réponse à tout ", c'est bien le moins qu'on puisse attendre !
Je suppose que je n'arriverai jamais à vous faire reconnaître que ce genre de méthode n'est pas du tout neutre. Pour ma part, je ne vois dans cette méthode qu'un procès à charge tendant à " justifier " rétroactivement le préjugé rationaliste qui détermine toute la démarche. Raisonnement circulaire, je le répète ... qui fait que la démarche n'est pas rationnelle - bien que rationaliste .
Roque- Messages : 5064
Réputation : 23
Date d'inscription : 15/02/2011
Age : 80
Localisation : Paris
Page 2 sur 6 • 1, 2, 3, 4, 5, 6
Sujets similaires
» Jésus-Christ est-il maudit ?
» Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
» Que celui qui n'a point d'épée vende son vêtement et achète une épée.
» Jésus a-t-il bâti son Eglise sur la parole de foi ou sur la personne de Pierre ?
» Que sont devenu les apôtres après Jésus Christ ?
» Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
» Que celui qui n'a point d'épée vende son vêtement et achète une épée.
» Jésus a-t-il bâti son Eglise sur la parole de foi ou sur la personne de Pierre ?
» Que sont devenu les apôtres après Jésus Christ ?
Page 2 sur 6
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum