Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
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Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ
Publié le 4 août 2015 par André Sauge
Les résultats de ma recherche sur le ,Nouveau Testament à laquelle la relecture de l’Evangile de Luc a servi d’impulsion, sont désormais intégralement publiés aux éditions Publibook (www.publibook.com), 14, rue des Volontaires, Paris 15e. Il s’agit d’une édition en ligne et sur papier.
La publication comprend deux ouvrages en trois volumes. Le premier ouvrage comporte trois tomes en 2 volumes. Il est intitulé:
Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ – I, II et III
Ce premier ensemble expose le détail de la recherche et de l’argumentation. Il est fondé sur une analyse linguistique et sur la critique textuelle des documents qui permettent de comprendre quelles ont été les sources des écritures du christianisme (outre les évangiles, Les Actes des Apôtres, quelques passages parmi les lettres de Paul de Tarse, les fragments de Papias de Hiérapolis, la première lettre de Clément de Rome aux Corinthiens et les lettres d’Ignace d’Antioche, pour citer les documents essentiels). Ces documents sont bien connus des spécialistes ; il m’est apparu nécessaire de reprendre leur analyse et la lecture attentive de la langue dans laquelle ils ont été écrits (le grec) parce que la tradition critique véhiculée à l’intérieur des institutions ecclésiastiques est, dans plus d’un cas, biaisée par des présupposés dogmatiques insuffisamment soumis à examen.
J’ai notamment été conduit à remettre en cause la validité de la théorie dominante dite « des deux sources »: au cours de l’enquête, il est apparu que « Marc » n’est pas la source de Luc et de Matthieu en ce qui concerne les « actes » de Jésus; la source des paroles de Jésus de Nazareth n’a pas été orale, mais écrite. Jésus de Nazareth n’était pas une sorte de prophète hugolien, un hallucine de l’arrière monde, mais, vraisemblablement, un rabbi thérapeute, qui se proposait une réforme radicale du judaïsme en remettant en cause ses deux institutions constitutives, celle du temple (refus des sacrifices pour des raisons politiques et économiques) et la loi mosaïque en tant que Loi d’Alliance.
Suite: http://www.histor.ch/jesus-de-nazareth-contre-jesus-christ/
Dernière édition par Idriss le Ven 18 Sep - 21:03, édité 1 fois
Idriss- Messages : 7135
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Re: Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
André Sauge:
Etudes universitaires de philosophie à Lyon, de littérature française à Genève, licence et doctorat en grec ancien à Genève. Carrière d'enseignant à Genève. Recherches diverses sur la civilisation grecque antique.
Publications :
De l'épopée à l'histoire. Fondement de la notion d'historié (publication d'une thèse autour d'Hérodote), Frankfurt, 1992
L'Iliade, poème athénien de l'époque de Solon, Bern, 2000
Les degrés du verbe. Sens et formation du parfait grec ancien, Bern, 2000
Iliade, langue, récit, écriture, Berne, 2007
Sophocle lecteur de Freud, Berne, 2009
http://www.histor.ch/nouveau-testament.html
http://www.histor.ch/assets/files/Ecriture%20du%20NT.%201.%20Ehrman.pdf
Etudes universitaires de philosophie à Lyon, de littérature française à Genève, licence et doctorat en grec ancien à Genève. Carrière d'enseignant à Genève. Recherches diverses sur la civilisation grecque antique.
Publications :
De l'épopée à l'histoire. Fondement de la notion d'historié (publication d'une thèse autour d'Hérodote), Frankfurt, 1992
L'Iliade, poème athénien de l'époque de Solon, Bern, 2000
Les degrés du verbe. Sens et formation du parfait grec ancien, Bern, 2000
Iliade, langue, récit, écriture, Berne, 2007
Sophocle lecteur de Freud, Berne, 2009
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Idriss- Messages : 7135
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Re: Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
Je vous avait parlé d'André sauge ici: https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t2724-quels-sont-les-paroles-et-gestes-authentiques-de-jesus-et-qu-est-ce-qui-a-ete-invente-par-la-suite#56439
Et je vous avait dit que je me procurerait ces deux livres et reviendrai vers vous après lecture.
C'est fait dans les grandes lignes! Je ne maitrise pas totalement le sujet ( surtout le grec quand il sert à argumenter tel ou tel choix de traduction...etc) mais cela ce laisse lire.
Je préfère prévenir c'est plutôt dérangeant pour la foi chrétienne, et ceux qui sont sensible devraient s'abstenir.
C'est sans doute aussi dérangeant que pourrait l'être Guillaume Dye ou Edouard-Marie Gallez pour un musulman qui ne seraient pas capable de faire la part des choses!
Sauf que André Sauge , n'est pas à proprement parlé christianophobe et sans autre motivations à priori que la recherche de la vérité historique...
Bon je n'ai pas lu Guillaume Dye ou Edouard-Marie Gallez , juste les résumés de leur aficionados, et des citations par ci par là ...souvent agrémentés de jugements à l'emporte pièce sur la nature de l'islam et des musulmans...
Mais ici nous ne sommes pas dans ce genre de polémiques , c'est un travail universitaire d'un professeur dont on sent une volonté pédagogique et scientifique!
Déjà, en bon universitaire , il commence par publier sa biographie , une liste solide à priori d'ouvrages de références auxquels il a confronté ses propres recherches et ses propres analyses...
Quand il y a des variantes dans les manuscrits il le précise , justifie ses choix...
C'est un peu long, il reprend souvent plusieurs fois la même argumentation pour y rajouter des précisions, des nouveaux éléments , un autre angle...
Mais ceci dit c'est très agréable à lire et assez passionnant..pour peu que l'ont ait des notions de grec cela doit être excellent...ou cauchemardesque...
je vais essayé d'extraire quelques points qui ont retenu mon attention et les présenter à votre critique..
Après si certains courageux se sentent de lire l'ouvrage et d'en faire la critique...Surtout que ce monsieur Sauge ne semble pas être inaccessible...
Et je vous avait dit que je me procurerait ces deux livres et reviendrai vers vous après lecture.
C'est fait dans les grandes lignes! Je ne maitrise pas totalement le sujet ( surtout le grec quand il sert à argumenter tel ou tel choix de traduction...etc) mais cela ce laisse lire.
Je préfère prévenir c'est plutôt dérangeant pour la foi chrétienne, et ceux qui sont sensible devraient s'abstenir.
C'est sans doute aussi dérangeant que pourrait l'être Guillaume Dye ou Edouard-Marie Gallez pour un musulman qui ne seraient pas capable de faire la part des choses!
Sauf que André Sauge , n'est pas à proprement parlé christianophobe et sans autre motivations à priori que la recherche de la vérité historique...
Bon je n'ai pas lu Guillaume Dye ou Edouard-Marie Gallez , juste les résumés de leur aficionados, et des citations par ci par là ...souvent agrémentés de jugements à l'emporte pièce sur la nature de l'islam et des musulmans...
Mais ici nous ne sommes pas dans ce genre de polémiques , c'est un travail universitaire d'un professeur dont on sent une volonté pédagogique et scientifique!
Déjà, en bon universitaire , il commence par publier sa biographie , une liste solide à priori d'ouvrages de références auxquels il a confronté ses propres recherches et ses propres analyses...
Quand il y a des variantes dans les manuscrits il le précise , justifie ses choix...
C'est un peu long, il reprend souvent plusieurs fois la même argumentation pour y rajouter des précisions, des nouveaux éléments , un autre angle...
Mais ceci dit c'est très agréable à lire et assez passionnant..pour peu que l'ont ait des notions de grec cela doit être excellent...ou cauchemardesque...
je vais essayé d'extraire quelques points qui ont retenu mon attention et les présenter à votre critique..
Après si certains courageux se sentent de lire l'ouvrage et d'en faire la critique...Surtout que ce monsieur Sauge ne semble pas être inaccessible...
Idriss- Messages : 7135
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Re: Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
Merci d'avance, hâte de découvrir tout ça !
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...S'il me manque l'amour, je suis un métal qui résonne, une cymbale retentissante (1 Cor XIII, 1)
>> Mon blog change d'adresse pour fuir la pub : https://blogrenblog.wordpress.com/ <<
Re: Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
-Ren- a écrit:Merci d'avance, hâte de découvrir tout ça !
En fait c'est pas simple à réaliser!
Entre scanner des pages entières ( avec les lettres grec....) un peu long...
Extraire une idée, un point précis au risque en l'isolant de faire perdre de la pertinence du raisonnement ...
En introduction un premier chapitre historique qui fait l'état des lieux, des forces en présence, les divers courants du judaïsme dans le siècle précédant "l’ère commune".
Ce petit voyage dans le temps est fort agréable à lire et assez instructif: On y parle des romains , de Flavius Joseph,....
Des sadducéens, des pharisiens , et des esséniens...des Asmonéens...etc plus sur un plan des rapports socio- politiques que sur les nuances religieuses...on y parle de classe sacerdotale, de classe laborieuse qui n'ayant pas le temps de respecter toutes les obligations religieuses de la loi juive font des sacrifices au temple pour compenser...
L'analyse socio-politique de de Sauge mériterait à elle seule un débat...à La fin de son livre il y reviens et c'est assez comment dire: vivifiant!
Idriss- Messages : 7135
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Re: Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
Donc allez hop!
Pas de shahada avant le IIéme siécle ap l’hégire ce qui est , il faut l'avouer, un peu déstabilisant...
Et bien il semblerait qu'il n' y ait pas d’apôtre non plus avant le IIéme siécle ap JC!
Bon au moins avec Sauge nous allons revisiter notre culture générale:
Rappel:
Pas de shahada avant le IIéme siécle ap l’hégire ce qui est , il faut l'avouer, un peu déstabilisant...
Et bien il semblerait qu'il n' y ait pas d’apôtre non plus avant le IIéme siécle ap JC!
Bon au moins avec Sauge nous allons revisiter notre culture générale:
Rappel:
Wikipédia a écrit:Papias d'Hiérapolis
Évêque de Hiérapolis (Phrygie) dans la première partie du IIe siècle, Papias a écrit un ouvrage en cinq livres intitulé Λογἱων κυριακῶν ἐξηγήσεις / Logiôn kyriakôn exêgêseis, titre qu'on traduit généralement par Explication des paroles du Seigneur. Papias est considéré comme « Bienheureux » par l'Église catholique.
Date
L'œuvre de Papias est perdue. lI est à peu près impossible de la dater avec précision, ce qui serait pourtant indispensable. Le seul témoignage dont on dispose est celui d'Irénée de Lyon (Contre les hérésies 5, 33, 4), qui le qualifie d'ancien. Il nous dit que Papias avait écouté la prédication de l'apôtre Jean et qu'il était l'ami de Polycarpe de Smyrne.
Autre relation intéressante : d'après Eusèbe de Césarée, historien du IVe siècle, Papias croyait au Règne du Christ de mille années littérales (même si Eusèbe était en complet désaccord avec lui).-Histoire ecclésiastique d'Eusèbe,III,39.
On peut avancer avec prudence qu'une date haute mènerait vers 115, une date basse vers 140 ou même plus tard. Quand on donne ordinairement la date de 130, ce n'est qu'une date moyenne qui n'a pas de réel fondement. Encore faut-il remarquer que la date du livre est une chose, autre chose celle des logia qu'il rapporte.
Les fragments eusébiens
Eusèbe, notre source principale, consacre à Papias un chapitre de son Histoire ecclésiastique (3, 39), mais il ne l'apprécie guère. C'est, selon lui, un homme d'intelligence médiocre « comme le montrent ses livres ». On devine sans peine ce qui motive le jugement d'Eusèbe.
Voilà d'abord un Père de l'Église qui dit que, pour sa formation personnelle, il se méfie des livres et qu'il leur préfère la tradition orale « vivante » :
« Si quelque part venait quelqu'un qui avait été dans la compagnie des presbytres, je m'informais des paroles des presbytres : ce qu'ont dit André ou Pierre, ou Philippe, ou Thomas, ou Jacques, ou Jean, ou Matthieu, ou quelque autre des disciples du Seigneur ; et ce que disent Aristion et le presbytre Jean, disciples du Seigneur. Je ne pensais pas que les choses qui proviennent des livres me fussent aussi utiles que ce qui vient d'une parole vivante et durable. »
Par « presbytres » il faut entendre les « anciens ». Papias utilise le terme à la fois pour parler des membres du groupe des douze — qui seront appelés « Douze Apôtres » par la suite — et d'autres « anciens » qui ont d'après lui été aussi « disciples du Seigneur » et qu'il a rencontré personnellement, comme Aristion ou « Jean le presbytre » (distinct de Jean de Zébédée), ou encore un étranger de passage.
Idriss- Messages : 7135
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Re: Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
André Sauge a écrit: Les spécialistes situent la rédaction de l’œuvre de Papias dans une fourchette allant de 110 à 150!
E. Norelli, dont l'étude détaillé des fragments de Papias est la plus récente, propose une date moyenne de 125. Sa computation est la conséquence d'une analyse dans laquelle il s'efforce de légitimer l’interprétation conventionnelle selon laquelle les anciens doivent être distingué des apôtres, et forment donc une génération intermédiaire entre les premiers disciples et ces compagnons auprès de qui Papias a recueilli des "paroles du maitre" (18)
Et dans la note 18 Sauge explique:
Supposons un intervalle de trente ans entre générations : Le temps des premiers diciples s'étend en moyenne jusque dans les années 60,disons jusqu'en 64, date de l'incendie de Rome ( à ce moment là, Jacques , le frère de Jésus, et Paul, probablement, sont morts);la génération supposée des Anciens s'étendra jusque dans les années 90, celle de leurs compagnons jusque vers 120. Laissons à Papias qui n'était pas très intelligent, de l'avis d’Eusèbe,le temps de digérer le contenu ésotérique "des oracles du seigneur". Nous obtenons la date de 125 pour la publication de son ouvrage. Si la génération "des Anciens" et "des disciples" du maitre n'en fait qu'une , il faut remonter l’œuvre de Papias de trente ans, soit au tournant des années 90 . Je pense que Papias a recueilli des compagnons des disciples "qui arrivaient" dans la province d'Asie, ce que ces disciples rapportaient du maitre à l'époque qui a suivi la fin de la guerre de Judée, et qui a provoqué un important mouvement de population en provenance de Judée et de Galilée. Les juifs ont été exposés à subir des mauvais coups, à ce moment là, jusque dans la cité d’Antioche.
Et Sauge de poursuivre:
Sauge a écrit:" On comprend pourquoi il importe de faire l'hypothése que les Anciens sont distincts des Apotres, ou plus précisement des Douze: sans elle il n'est plus de trace d'un groupe de disciples que Jésus aurait choisi pour faire d'eux les hommes qu'ils chargeaient de poursuivre sa mission.
Idriss- Messages : 7135
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Re: Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
En attendant d'extraire quelques pages significatives sur la source Q tiré de Jésus de Nazareth contre Jésus- Christ voici cet avant propos, un peu raide serte mais qui dresse un sommaire en quelque sorte...
Actes et paroles authentiques de Jésus de Jésus de Nazareth – André Sauge.
AVANT-PROPOS
- Spoiler:
L’ouvrage présent est, dans sa première partie, l’exposé succinct de l’argumentation qui a conduit l’auteur à extraire du Nouveau Testament ce qui peut être tenu pour l’enseignement véritable de Jésus de Nazareth. Le lecteur curieux du détail de l’argumentation voudra bien se reporter à la recherche intitulée Jésus de Nazareth contre Jésus- Christ, subdivisée en trois parties.
I - La condamnation à mort - lecture de Luc, chapitres 19 à 23
Dans cette première partie, je démonte le récit « chrétien » de la mort (évangiles de Matthieu, Marc, Jean) à l’appui du récit que nous pouvons lire dans Luc. Ma conclusion est que ce sont les autorités de Jérusalem, notamment les prêtres, qui ont cherché un motif de condamnation à mort et qui ont exploité une réponse malheureuse de Jésus pour lui imputer un blasphème purement inventé ; mais si les prêtres ont voulu sa mort, c’est qu’il était devenu dangereux pour l’institution du temple et pour eux-mêmes (pour l’ordre sacrificiel). Les prêtres, qui l’ont condamné à mort, ont dû prendre des précautions pour l’exécution de la sentence; ils se sont adressés à Pilate, pour éviter que le peuple à Jérusalem, favorable à Jésus, ne s’en prenne à eux, et ils l’ont accusé de subversion (il aurait prétendu être le Messie). Je montre dans cette première partie que Jésus de Nazareth a justement rejeté toute prétention messianique et que, bien sûr, à aucun moment il n’a laissé entendre qu’il pourrait être « Fils de Dieu ». L’interprétation théologique que Joseph Ratzinger - Benoît XVI fait des récits de la passion, notamment celle selon laquelle Jésus aurait revendiqué un titre royal, en conformité à sa nature divine, dénote passablement de désinvolture envers l’exigence d'une lecture critique des textes.
II - La divergence de contenu dans le récit de la mort entre le texte de Luc (récit de la mort de
« Jésus de Nazareth ») et celui des autres évangélistes (mort de « Jésus- Christ ») conduit à la
question de la Fabrique du Nouveau Testament.
J’ai montré qu'il a existé deux documents écrits[un récit de Simon (Pierre) et un recueil de paroles du maître = l’enseignement de Jésus de Nazareth] remontant aux origines, dont un compagnon de Paul (Silas et non Luc) a fait la synthèse au moment de rédiger un mémoire pour la défense de l'apôtre et du Nazaréisme devant le prétoire romain : dans la logique de ce second objectif, primant en importance sur le premier, la défense contenait un exposé de l'enseignement du maître galiléen. L’intention de Paul et de Silas était d’obtenir la reconnaissance de la « voie nazaréenne » parmi les diverses « voies » juives (sadducéens, pharisiens, esséniens).Parmi les évangiles, Matthieu est entièrement écrit vers 100-110, Jean a probablement été rédigé par un prêtre doctrinaire dans les années 90, le mémoire de Silas a été « noyé » dans ce qui est devenu l’évangile de Luc, Marc est une réécriture du récit de Simon pour l’adapter aux circonstances nouvelles. Toutes les lettres de Paul ont été trafiquées, et on lui en a attribué de nouvelles (Épîtreaux Hébreux, aux Colossiens, aux Ephésiens, et sans doute aucun, aux Thessaloniciens, dont la première est donnée comme le premier texte du Nouveau Testament !)
- Spoiler:
Le procès a été perdu : comme Jésus de Nazareth, Paul a trouvé sur son chemin des membres de la caste sacerdotale, qui ont bénéficié de l'appui de Poppée, alors l’épouse de Néron. Parmi ces membres, il y avait Flavius Josèphe, dont je montre que la mention qu'il fait de Jésus dans les Antiquités Juives laisse entendre une position violemment antimessianiste, dans l’esprit de la caste sacerdotale à laquelle il appartenait.
Après la chute du temple, au moment de la refondation du judaïsme autour du Livre sous la conduite des rabbins issus du pharisaïsme, les prêtres dissidents depuis la prise de pouvoir des Asmonéens (révolte des Macchabées), les « sadocides », ont investi les Assemblées chrétiennes au Moyen Orient et à Rome (ils ont eu quelques problèmes en Grèce), y ont introduit le rôle de « sacrificateurs » d'abord sous le nom d'épiscopes (évêques), ont réinterprété la mort de Jésus en « sacrifice » et ont donc dû « réécrire » tous les textes existants ou en écrire de nouveaux. En procédant ainsi, ces hommes ont continué la tradition des écritures juives.
III - La troisième partie de l’ouvrage est une restitution du texte primitif de l’enseignement de Jésus de Nazareth (« Actes et paroles de Jésus de Nazareth ») à partir du texte actuel de l’évangile de Luc.
Elle comporte une explication sur la méthode de restitution (examen de la langue et des contenus) et une restitution du texte grec, établi par mes propres soins à l’appui de l’ouvrage de Swanson, New Testament Greek Manuscripts, Sheffield et Pasadena (CA, USA), 1995 et l’édition du codex Bezae par les soins de Mme Chabert d’Hyères, L 'Évangile de Luc et les Actes des Apôtres selon le Codex Bezae Cantabrigiensis, Paris, 2009.
- Spoiler:
Dans ce qui suit, je propose donc au lecteur une « présentation » succincte des résultats de la recherche exposée dans Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ, auquel devra nécessairement se référer qui voudra en contester les conclusions. Ma démarche est fondée sur un examen de la langue des documents du christianisme primitif (le grec) et sur les règles de l’analyse textuelle (organisation d’un récit, par exemple) à l’appui de notions empruntées essentiellement à la linguistique. Elle n’est donc pas conforme au style des exégètes, dont je montre qu’il est trop souvent possible de les prendre en défaut dans leur compréhension de la langue grecque ancienne.
La « présentation » est suivie de la traduction en français des Actes et Paroles de Jésus de Nazareth, faite sur un texte grec à l'établissement duquel j'ai moi-même procédé.
Idriss- Messages : 7135
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Re: Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
En cours d'OCR ! Cela patine sur les points diacritiques du Grec ....mais cela bosse!
Idriss- Messages : 7135
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Date d'inscription : 25/05/2012
Re: Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
La clef de l'affaire se trouve non dans les détail de l'argumentation, mais dans les postulats de la méthode d'analyse. Et pour identifier ces postulats il faut évidemment lire le livre très attentivement pour en comprendre les mécanismes et en identifier la logique de démonstration jusqu'à son origine. C'est là - à l'origine du raisonnement, dans le background philosophique des questions de départ - que sont le ou les postulats.Idriss a écrit:Je préfère prévenir c'est plutôt dérangeant pour la foi chrétienne
Idriss ton exposé est cependant très intéressant : une approche même partiale reste toujours intéressante - l'expérience de l'exégèse des 150 dernières années dans le christianisme l'a bien montré.
Par ailleurs une méthode reposant sur l'évolution d'une langue (comme par le passé la méthode reposant sur le style littéraire : la Formgeschichte de Bultmann) n'est pas une méthode historique, à proprement parler. De nombreuses tentatives par le passé tentant de distinguer le " Jésus de l'histoire " du " Jésus du dogme " ont existé. L'idée est de retrouver les " strates successives de rédaction " des Evangiles - par différentes méthodes avec des outils d'analyse variés - mais ces travaux n'ont pas toujours été concluants. On en est même à une " troisième période " de ces recherches qui naissent à la fin du 18ème siècle (rationalisme) - avant même la fameuse " Vie de Jésus " d'Ernest Renan en 1863 :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Qu%C3%AAtes_du_J%C3%A9sus_historique
Autre remarque, dans ce domaine les approches pluridisciplinaires sont les plus appropriées.
Roque- Messages : 5064
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Re: Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
Roque a écrit:La clef de l'affaire se trouve non dans les détail de l'argumentation, mais dans les postulats de la méthode d'analyse. Et pour identifier ces postulats il faut évidemment lire le livre très attentivement pour en comprendre les mécanismes et en identifier la logique de démonstration jusqu'à son origine. C'est là - à l'origine du raisonnement, dans le background philosophique des questions de départ - que sont le ou les postulats.
Bonjour Roque , voici les premier extraits pour que vous ( entre autre !) puissiez vous faire une opinion sur le sérieux de l'auteur, et vous faire une petite idée sur ces intentions!
Dans ce chapitre 1 : Où il est question de sources André Sauge fait un bref travail de recensement des travaux antérieurs un peu comme vous l'avez fait dans le sujet :La Parole de Jésus-Christ à la sauce Marguerat https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t1976p15-la-parole-de-jesus-christ-a-la-sauce-marguerat#48334 .
Comme vous semblez maitriser le sujet vous vous ferez sans doute rapidement une opinion...
Idriss- Messages : 7135
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Re: Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
Pour gérer les notes en bas de pages je pense que je dois publier le texte page par page ( et oui il faut gérer cela aussi dans l'OCR! mais nous avons un texte dont on peut faire des citations par copier-collé)
Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ – André Sauge - a écrit:
La fabrique du nouveau testament
⁂
Chapitre 1.
Où il est question de sources
Le lecteur voudra bien considérer les pages de ce chapitre comme l’exposé ingénu d’un auteur s’efforçant de s’orienter dans un domaine où les voies des spécialistes sont compliquées de détours à la subtilité desquels il n’est pas possible de rendre hommage. Il y sera peu question de la méthode historico-critique, sésame pourtant de l’accès aux textes du Nouveau Testament. C’est que, avant de travailler sur les sources de tel ou tel texte, il s’agit de se demander si les voies que l’on invite à emprunter pour accéder aux sources débouchent bien là où l’on prétend qu’elles conduisent.
Bref état de la question
L’interprétation dominante des spécialistes aujourd’hui s’appuie sur ce que l’on considère comme une donnée, dont la formule remonte au XIXe siècle [voir C. Lachmann, 1835, pp. 570-590 ; C. H. Weiss, Leipzig, 1838, cités par M. Goguel, Introduction (1922), pp. 76-78] : Marc a été le premier évangile rédigé ; Matthieu et Luc ont respecté l’ordre de son récit pour tous les éléments qu’ils ont en commun avec lui (que ce ne soit pas toujours le cas pour Luc, on admettra provisoirement qu’il s’agit là d’un détail, qui peut s’expliquer). Matthieu et Luc dépendent en outre d’une source commune des paroles de Jésus (la source dite Q = « Quelle », mot qui signifie « source » en allemand) [voir H.-J. Hotzmann (1861)] 1. Enfin chacun des rois évangélistes a intégré des éléments d’une tradition orale propre à chacun d’eux .2
Sur cette base se sont développés divers mouvements de la recherche que je propose de regrouper en deux écoles. Car la question porte sur l’en deçà de la rédaction, l’origine des récits et des paroles.
Dans la première école, partiellement héritière de la vision ancienne, on fait remonter le plus haut possible l’existence d’une écriture des actes et des paroles, en s’appuyant notamment sur ce que rapporte une tradition qui argue de l’existence d’un « évangile » de Matthieu en araméen. L’énoncé de l’école est simple : il y a, à la base des trois synoptiques, au moins un texte écrit ancien, que l’on nomme « Évangile de Matthieu en araméen ». Certains, soucieux de rattacher l’enseignement de Jésus à la tradition judaïque la plus noble, essaient de montrer que ce texte de Matthieu a été, en réalité, rédigé dans la langue de la Torah et des prophètes, en hébreu. Le démontage de la thèse (Tresmontant) par Grelot (1986, pp. 21-55) ne manque pas de pertinence et de rigueur. Le même Grelot nous rappelle que Lagrange a été retenu par la doctrine officielle de l’Église catholique (décret de 1912) interdisant, jusqu’au concile de Vatican II, de fixer la rédaction de Luc (le dernier des synoptiques dans cette perspective) au-delà de l’année 63 (voir également Loisy, L’Évangile selon Luc, 1924, introduction, p. 12).
______________________
1 Sur le problème de l’écriture des évangiles, voir la bibliographie in Conzelmann - Lindemann, avec nuances, Léon-Dufour (1976) ; plus récemment R. Brown (2000) et Marguerat (2000/2001 ainsi que l’introduction à Les Actes des apôtres (1- 12), 2007, Genève) ou les grands commentaires de Fitzmyer (1981, pp. 65-72) et de Bovon (1991-2009). Des exégètes proposent des schémas de sources écrites complexes (voir par exemple Boismard-Benoît, 1965).
2 La réalité des écoles exégétiques et de leurs appartenances aux institutions ecclésiales (catholicisme, luthérianisme, etc.) est un peu plus complexe. En territoire catholique, il est bon d’atténuer la primauté de Marc ; il ne faut jamais y oublier Matthieu araméen (et, dans ses Études d’évangile, Léon-Dufour, en effet, n’en perd pas le souvenir, même s’il ne l’affirme jamais qu’incidemment).
Idriss- Messages : 7135
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Re: Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
- Chapitre 1. Où il est question de sources suite1:
- Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ – André Sauge a écrit:À cette tendance de l’exégète, essentiellement catholique, appartiennent, dans le domaine français, Vaganay, qui défendait encore la primauté de Matthieu (1954), Boismard et Benoît (1965), Rolland (1984 et 1994), Nodet (2002). L’ouvrage de. Benoît XVI (Joseph Ratzinger) est la tentative la plus récente pour lire dans les évangiles un portrait transparent d’un Jésus de l’histoire, indissolublement homme et Dieu, fondateur de l’Église. Mordillât et Prieur ont contribué à nous rappeler que Loisy a été excommunié parce qu’il dissociait clairement l’enseignement de Jésus de Nazareth de la prédication de l’Église. En vérité Loisy affirmait que l’on ne pouvait pas comprendre Jean si l’on ne traitait pas les repères spatio-temporels de son récit comme une construction symbolique et si l’on ne lisait pas dans les Synoptiques les traces d’une prise de conscience progressive de la messianité de Jésus par les communautés de ses disciples après sa mort (voir in 1903, le premier chapitre, « Les sources des évangiles», pp. 1-33). Il écrivait cela au moment où, en Allemagne, Wrede faisait du « secret messianique » de Marc un aveu de l’ignorance où les disciples avaient été de la messianité de Jésus. Dans l’histoire des sources, ce moment a joué un rôle décisif : expliquer les sources des évangiles, c’est en même temps expliquer la prise de conscience progressive de la messianité et de la nature divine de Jésus, Christ. L’école la plus traditionnelle tente de rattacher cette prise de conscience à l’expérience des disciples dans leur rapport à Jésus de Nazareth lui-même. Comme on peut montrer que la conscience de la filiation divine n’apparaît que progressivement dans les textes du Nouveau Testament (voir Boismard, 2000, ou encore Nodet, 2002), on distinguera entre le maître et les disciples, dont l’intelligence a eu besoin « de patience et de longueur de temps » pour comprendre les mystères divins.
Le deuxième grand courant de l’exégèse, né au XXe siècle des travaux de Schmidt, Dibelius et de Bultmann vers 1920, s’articule autour de deux notions, celle de la Formgeschichte (« histoire des formes (littéraires) » et du Sitz im Leben (« lieux de vie » ; il faudrait entendre, plus précisément, « façon de s’installer/d’être installé dans la vie », « setting » en anglais).
L’hypothèse de la Formgeschichte, c’est que tous les actes et toutes les paroles de Jésus ont une source orale élaborée à l’intérieur des premières communautés de disciples après la mort du Nazaréen, selon les schémas des traditions orales populaires, que Bultmann plus particulièrement a décrites en examinant différents documents grecs, romains et judaïques 3. Les souvenirs des premiers témoins, « activés » selon des circonstances diverses de la vie du groupe (prières, repas en commun, soirées) ont été peu à peu mis en forme selon les procédés de l’oralité (pour les actes : récits de miracles, apophtegmes - sentences frappantes en situation -, légendes ; pour les paroles : maximes de sagesse, paroles prophétiques ; règles disciplinaires ; paraboles ; allégories ; controverses rédigées selon les règles rabbiniques). Ce sont ces récits ou ces paroles qui ont servi de matériau de base à la rédaction des trois Synoptiques. Tous les éléments retenus sont à mettre en relation avec la vie de la communauté dont ils refléteraient les préoccupations 4. La théorie s’est d’abord développée dans l’exégèse protestante ; elle s’est répandue dans l’exégèse catholique dès la seconde moitié du XXe siècle après Vatican II 5.
Dans le cadre de la théorie, l’existence d’un recueil écrit de la « Source des paroles » de Jésus s’explique également comme le résultat de la tradition orale d’une communauté chrétienne (galiléenne), élaborée dans les années 40-60 et mise par écrit avant même la composition, vers 70, pense-t-on assez communément, de l’évangile de Marc 6.
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3 Voir Bultmann (1921), précédé par K. L. Schmidt (1919) et par M. Dibelius (1919) en ce qui concerne les études du Nouveau Testament du moins. La méthode a été empruntée aux exégètes de l’Ancien Testament.
4 Voir par exemple introduction de Picard à Genèse de l’écriture chrétienne, Brepols, 1991, H. Koester/Fr. Bovon, introduction J.-C. Picard ; d'où l’importance donnée désormais aux apocryphes pour tenter d’étudier l’usage des paroles dans leur contexte social.
5 Dans le cadre d’une entreprise dirigée par P. Grelot ; voir notamment X. Léon-Dufour/C. Perrot, 1976. Pour un exposé succinct de la doctrine de la Formgeschichte, voir E. Charpentier (1981), M. Quesnel, 1987, une présentation plus détaillée par E. Trocmé (1963, pp. 28 sqq.), Koch K. (1982) ; sur Bultmann, voir Marié R. (1958). On trouvera une tentative de reconstitution de l’histoire littéraire du Nouveau Testament à l'appui de sources orales dans le manuel de Vielhauer (1975). G. Vermes (2004) propose son point de vue d’historien pour reconstituer les formules de l’enseignement du Nazaréen.
6 Sur la Source dite « Q », voir, en dernier, in Dettwiler et Marguerat éds, 2008, la présentation générale de D. Marguerat (« Pourquoi s’intéresser à la source ? Histoire de la recherche et questions ouvertes», 19-49), en outre les contributions de F. Amsler (pp. 51-72), J. Schlosser (pp. 123-147), T. Schmeller (pp. 149-171) et J. Schrôter (295-320). Pour les différentes éditions du texte reconstitué de la Source, voir, en français, F. Amsler (2001), ibidem, pp. 323-344 ; l’édition de référence est celle qui a été réalisée sous la conduite de J. M. Robinson (2002).
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Re: Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
- Chapitre 1. Où il est question de sources suite2::
- Cette source, reconstituée principalement à partir des recoupements entre les paroles, paraboles et discours que l’on peut lire dans les évangiles de Matthieu et de Luc, aurait essentiellement compris des formules de sagesse et des sentences prophétiques. Elle invite à supposer, sous les couches de la tradition orale, un Jésus que l’on hésite à ranger parmi les maîtres de sagesse ou parmi les prophètes itinérants. On va même jusqu’à faire l’hypothèse que le « premier évangile » ne comportait aucun récit ni de la mort ni de la résurrection. On tente de reconstituer ce qui s’est passé à partir d’analyses des documents qui nous éclairent quelque peu sur la société galiléenne du début du premier siècle 7.
Le débat est donc entre tenants de sources orales ou sources écrites des actes et des paroles de Jésus. Les tenants des sources orales peuvent être regroupés en deux sous-ensembles : les partisans de la Formgeschichte, d’une part, qui conçoivent que les récits portant sur Jésus et les paroles que l’on en rapporte ont cristallisé peu à peu dans deux types de communauté plus nettement différenciés (une communauté galiléenne ancrant Jésus dans la tradition juive de langue araméenne, puis une communauté hellénistique, dont les préoccupations se reflètent dans l’évangile de Luc principalement). Dans l’autre sous-ensemble, on rangera les exégètes qui font des premiers disciples les premiers relais de la tradition, ceux qui ont étoffé le kérygme de leurs souvenirs personnels des événements marquants de la vie de Jésus et de ses paroles remarquables 8. Qu’il y ait également une tradition paulinienne de l’évangile, quoique Paul de Tarse n’ait pas été un disciple, ne fait pas particulièrement difficulté : d’abord, Paul a été initié à la tradition des actes et des paroles ; ensuite, comme la tradition sur Jésus est une tradition interprétée au prisme de la foi, l’évangile de Paul porte l’interprétation du sens que le disciple de Gamaliel conférait à la mort et à la résurrection du Nazaréen.
On peut rattacher à ce groupe la théorie de Gehrardsson (1961 ; 1963) : Jésus de Nazareth aurait développé un enseignement oral de type rabbinique, fondé sur la mémorisation de formules dont les disciples sont imprégnés par leur répétition et leur récitation ; l’écriture des paroles aurait donc consisté en une simple transcription de ce que le groupe des initiés connaissait par cœur au moment où les chrétiens ont formé, à l’intérieur du judaïsme, un mouvement dissident. Selon cette théorie, il reste toutefois à expliquer pourquoi il existe au moins trois traditions des paroles (Matthieu, Luc, Thomas) et non pas seulement trois « écoles » dirigées par trois maîtres.
Seraient-ils minoritaires, il subsiste des tenants de sources écrites. Ils arguaient traditionnellement de l’existence d’un évangile araméen de Matthieu. C.-B. Amphoux (1993 + les différents articles publiés depuis) est le défenseur le plus systématique de la mise en place, vers 120, d’un « évangile » à quatre entrées (Matthieu, Jean, Luc et Marc) selon un schéma littéraire nettement dessiné et fortement charpenté, à l’appui d’une conception, héritée de la tradition, de la structure d’un texte sacré réfléchissant la relation de Dieu (l’Un) au monde (la Dualité). L’ensemble aurait été élaboré à partir de divers documents écrits dont les premiers remontent à la mort de Jésus (les Actes de Pilate remonteraient, par exemple, à un rapport du préfet à l’empereur) et à l’époque qui a suivi immédiatement la « résurrection » (un recueil de paroles élaboré par un groupe de disciples). Boismard et Benoît ont tenté la mise en place de schémas complexes rendant compte de la génération des textes évangéliques à partir de sources écrites. A. Paul (2000, t. I, pp. 673-757) suggère l’existence de notes écrites à la source des évangiles.
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7 Voir Theissen de manière générale, Theissen et Merz (1996) sur les rapports entre l’histoire et la tradition évangélique.
8 Voir les ouvrages de R. Bauckham (2006) et de M. Hengel (2008) ; pour P. Rolland (1994), par exemple, la source galiléenne est celle de la prédication de Pierre.
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Re: Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
Je suis l'ordre du chapitre I
Voilà de quoi se faire une petite idée de la démarche , si ce n'est des intentions d'André Sauge....Rien que ce petit extrait mériterait une discussion, discussion qui s'appliquerait aussi aux exégèses du Coran bien sure!
Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ – André Sauge a écrit:
Présupposé de l’exégèse
Dans les études exégétiques, les théories des sources reposent sur un présupposé des raisonnements que l’on n’explicite pas, comme s’il était une donnée dont « il va de soi » qu’elle doit être admise ; ce présupposé constitue comme la base d’un accord minimal permettant la discussion : les quatre évangiles canoniques (ainsi que les autres textes recueillis dans l’ensemble formant le Nouveau Testament) appartiennent à un genre littéraire particulier, celui des « textes sacrés ». En conséquence, la lecture de ces textes n’a de sens que pour celui qui admet leur statut particulier, de textes objets d’une révélation ou, du moins, requérant un respect particulier ; le moment déclencheur de leur production, dans le christianisme, a été la foi en la résurrection de Jésus de Nazareth. En conséquence également, seul un lecteur qui partage la même foi peut en développer une véritable intelligence. Les débats entre exégètes d’obédiences diverses ont lieu à l’intérieur de ce cadre-là : qui n’a pas la foi ne peut véritablement comprendre les contenus du Nouveau Testament. Ceux qui le refusent et observent d’un point de vue laïc (disons, non engagé) les textes, soit les traitent comme de la littérature indigente destinée à gruger les crédules ou les âmes en peine, soit les utilise comme documents pour tenter de reconstituer la figure d’un Jésus historique sous les déformations des croyances. Je laisserai ici de mentionner les exposés caricaturaux, à la façon du Traité d’athéologie, qui font douter de l’honnêteté intellectuelle de leurs auteurs.
Voilà de quoi se faire une petite idée de la démarche , si ce n'est des intentions d'André Sauge....Rien que ce petit extrait mériterait une discussion, discussion qui s'appliquerait aussi aux exégèses du Coran bien sure!
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Re: Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
Puisque la reconnaissance de texte de ce passage a été faite je met ce passage au cas où cela intéresse quelqu'un , mais j'ai bien conscience que cela commence à faire beaucoup! Trop sans doute!
Surtout que c'est juste une mise en bouche avant d'entrer dans le vif du sujet ...j’espère que je n'aurait pas perdu tous le monde d'ici là... Donc économisez vous pour la suite ! Ne lisez que si vous êtes passionné par la question!
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Petit flou sur la gestion des notes ! La 10?
Surtout que c'est juste une mise en bouche avant d'entrer dans le vif du sujet ...j’espère que je n'aurait pas perdu tous le monde d'ici là... Donc économisez vous pour la suite ! Ne lisez que si vous êtes passionné par la question!
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Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ – André Sauge a écrit:Ingénuité phénoménologique
J’aimerais proposer, dans ce qui suit, ce que j’appellerai une approche phénoménologique du genre « évangile ». Une telle approche signifie que l’on suspend son jugement, positif ou négatif, sur le type du texte que l’on se propose d’examiner ; en conséquence, on s’efforce d’expliciter tous les présupposés de ses conditions de possibilité et donc de ses lectures. Je ne sais pas à l’avance si les évangiles sont nécessairement un type de texte dit sacré ; il me faut préalablement examiner ce qui fait d’eux d’abord un texte, puis ce que la qualification, que l’on ajoutera, de sacré impliquera du type de lecture que l’on en fera.Nous voici revenus à notre questionnement initial : sans que cela soit déclaré explicitement, les théories des sources des évangiles prennent appui sur un axiome ; tout ce qui appartient à l’histoire de Jésus de Nazareth est irrémédiablement réfracté dans le bain de la « foi en la résurrection » et de l’expérience de la Pentecôte ; ces deux expériences ont été fondamentales dans la remémoration et l’intelligence après coup, sous l’inspiration de l’Esprit Saint , de l’histoire et des paroles du Nazaréen. Les textes évangéliques ne sont pas des récits du même type que les autres ; leur contenu « historique » ne concerne que médiatement les actes et les paroles de Jésus de Nazareth ; ils parlent d’abord de la foi des communautés chrétiennes primitives. Étudier les sources, c’est étudier la mise en place considéré comme un gain de sens ?) ou au contraire comme un déplacement d’un lieu du sens (profane) vers un autre lieu (sacré), qui permettrait apparemment un gain, mais qui reviendrait à introduire une taie dans la vision des lecteurs ? Ces premières questions en entraînent d’autres : est-il possible de saisir à sa source la production du genre « Évangile » ? Qui l’a produit ? Dans quel intérêt ? Selon quelle modalité ? (Dans la production, y a-t-il eu, par exemple, manipulation de contenus idéologiques ? Des pouvoirs étaient-ils en jeu ?) Quelle sorte de rapport cherchait-on à instaurer entre le texte et son auditeur ou son lecteur ? En posant la question du lecteur, l’analyste n’oubliera pas qu’être lecteur d’un texte, dans l’Antiquité, c’est être au même niveau que son producteur, c’est, potentiellement, disposer des moyens qui permettent d’en maîtriser ou, au moins, comprendre les mécanismes de production. Cela signifie que tout lecteur antique peut se faire manipulateur de la copie qu’il détient s’il dispose de l’autorité (royale, par exemple) qui lui donne la capacité de le faire.
- suite:
On se demandera alors si la supposition de la qualité de texte « sacré » doit nécessairement être admise pour tels textes, si elle n’est pas simplement un choix qui laisse entière sa part à une approche sans un tel présupposé pouvant prétendre à la même, voire à une plus grande légitimité pour la lecture. Il s’agira de voir si la lecture de certains contenus des évangiles en dehors du présupposé de la sacralité ne permet pas de les comprendre mieux qu’une lecture croyante. La « sacralité » est-elle un critère intrinsèque à un texte ? Si c’est le cas, c’est quelque chose d’une qualité particulière du texte qui permettra de la dégager. Si ce n’est pas le cas, on pourra considérer qu’elle lui est surimposée de l’extérieur ; il n’est alors pas interdit de s’interroger sur les raisons que l’on peut avoir de prétendre qu’un texte est sacré. Ne serait-ce pas une façon d’arrêter le mouvement de la lecture critique ?
Il n’est pas possible de construire les contenus d’un texte sans tenir compte de différents paramètres qui structurent la lecture (la forme littéraire, par exemple) ; il en est un dont la prise en compte est indispensable, c’est celui du destinataire. Dire d’un texte qu’il est « sacré », c’est dire aussi quelque chose de son statut énonciatif : il comporte une révélation, et donc des contenus ésotériques, formulés en un langage réservé à ceux qui sont capables « d’entendre », destinés à un groupe d’élus, sélectionnés selon tel critère particulier, en l’occurrence, celui de la foi en Jésus, ressuscité et donc Christ. Dans une perspective phénoménologique, on ne dissociera pas la question des sources des textes de celle des croyances et du rôle que ces croyances ont joué dans leur élaboration : sont-elles elles-mêmes une condition sine qua non de la production des textes ? Ne le sont-elles que de leur production en tant qu’évangile ? Le genre évangile n’est-il pas une superstructure greffée sur une autre production de texte, dont elle aurait profondément transformé les significations ? Cette transformation peut-elle être considérée comme un gain de sens (sacraliser des contenus doit-il être nécessairement considéré comme un gain de sens ?) ou au contraire comme un déplacement d’un lieu du sens (profane) vers un autre lieu (sacré), qui permettrait apparemment un gain, mais qui reviendrait à introduire une taie dans la vision des lecteurs ? Ces premières questions en entraînent d’autres : est-il possible de saisir à sa source la production du genre « Évangile » ? Qui l’a produit ? Dans quel intérêt ? Selon quelle modalité ? (Dans la production, y a-t-il eu, par exemple, manipulation de contenus idéologiques ? Des pouvoirs étaient-ils en jeu ?) Quelle sorte de rapport cherchait-on à instaurer entre le texte et son auditeur ou son lecteur ? En posant la question du lecteur, l’analyste n’oubliera pas qu’être lecteur d’un texte, dans l’Antiquité, c’est être au même niveau que son producteur, c’est, potentiellement, disposer des moyens qui permettent d’en maîtriser ou, au moins, comprendre les mécanismes de production. Cela signifie que tout lecteur antique peut se faire manipulateur de la copie qu’il détient s’il dispose de l’autorité (royale, par exemple) qui lui donne la capacité de le faire.
Dans l’exégèse catholique, on accorde un rôle central à une tradition s’enracinant dans la foi des apôtres (« tradition apostolique ») et, particulièrement, dans la confession de Pierre ; cette tradition aurait été transmise en ligne ininterrompue, du vivant de Jésus, par les Douze, consacrés par l’Esprit dans leur mission un jour de Pentecôte après la résurrection, à de premiers disciples qu’ils ont placés à la tête des communautés chrétiennes qu’ils fondaient et dont les évêques, apparus au 2e siècle, sont les héritiers (voir, ci-dessous, l’analyse de la lettre de Clément de Rome aux Corinthiens ). Irénée de Lyon est, pour nous, le premier témoin de la tradition (vers 180), Tertullien celui qui l’a formalisée (De praescriptione Haereticorum, 20, 21 ; cité in A New Eusebius, pp. 165-166). Dans l’exégèse protestante, l’authentification des sources repose sur la foi des communautés primitives, articulée au moment de la mort et de la résurrection. Le don de l’Esprit y joue également une fonction cardinale. Dans les deux cas, sous des modalités différentes, la foi, animée de l’intérieur par l’Esprit, est un élément central qui permet de conférer à la tradition des actes et des paroles le caractère d’une révélation . Dans un premier cas, Jésus est obscurément perçu par les disciples dont il aurait fait ses envoyés (les Douze) comme le Christ, envoyé de Dieu pour réconcilier les hommes avec Lui ; cette perception est confirmée de manière éclatante par la résurrection ; dans le second cas, c’est la foi en la résurrection elle-même et la sanction de la Pentecôte qui agissent comme une illumination et sont porteuses de connaissance ; elles sont les médiatrices de la « révélation » « chrétienne ». Les deux voies d’accès à Jésus, lui-même voie d’accès à Dieu qui, par lui, se fait reconnaître comme Dieu d’amour, font des évangiles le message d’une révélation - Dieu y fait reconnaître ce qu’il est (amour) - dont le destinataire en dernière instance est celui qui accomplit la démarche croyante des apôtres ou des premières communautés chrétiennes fondées par les apôtres.
- Suite :
Dans l’exégèse catholique, on accorde un rôle central à une tradition s’enracinant dans la foi des apôtres (« tradition apostolique ») et, particulièrement, dans la confession de Pierre ; cette tradition aurait été transmise en ligne ininterrompue, du vivant de Jésus, par les Douze, consacrés par l’Esprit dans leur mission un jour de Pentecôte après la résurrection, à de premiers disciples qu’ils ont placés à la tête des communautés chrétiennes qu’ils fondaient et dont les évêques, apparus au 2e siècle, sont les héritiers (voir, ci-dessous, l’analyse de la lettre de Clément de Rome aux Corinthiens 9). Irénée de Lyon est, pour nous, le premier témoin de la tradition (vers 180), Tertullien celui qui l’a formalisée (De praescriptione Haereticorum, 20, 21 ; cité in A New Eusebius, pp. 165-166). Dans l’exégèse protestante, l’authentification des sources repose sur la foi des communautés primitives, articulée au moment de la mort et de la résurrection. Le don de l’Esprit y joue également une fonction cardinale. Dans les deux cas, sous des modalités différentes, la foi, animée de l’intérieur par l’Esprit, est un élément central qui permet de conférer à la tradition des actes et des paroles le caractère d’une révélation . Dans un premier cas, Jésus est obscurément perçu par les disciples dont il aurait fait ses envoyés (les Douze) comme le Christ, envoyé de Dieu pour réconcilier les hommes avec Lui ; cette perception est confirmée de manière éclatante par la résurrection ; dans le second cas, c’est la foi en la résurrection elle-même et la sanction de la Pentecôte qui agissent comme une illumination et sont porteuses de connaissance ; elles sont les médiatrices de la « révélation » « chrétienne ». Les deux voies d’accès à Jésus, lui-même voie d’accès à Dieu qui, par lui, se fait reconnaître comme Dieu d’amour, font des évangiles le message d’une révélation - Dieu y fait reconnaître ce qu’il est (amour) - dont le destinataire en dernière instance est celui qui accomplit la démarche croyante des apôtres ou des premières communautés chrétiennes fondées par les apôtres. Nous voici revenus à notre questionnement initial : sans que cela soit déclaré explicitement, les théories des sources des évangiles prennent appui sur un axiome ; tout ce qui appartient à l’histoire de Jésus de Nazareth est irrémédiablement réfracté dans le bain de la « foi en la résurrection » et de l’expérience de la Pentecôte ; ces deux expériences ont été fondamentales dans la remémoration et l’intelligence après coup, sous l’inspiration de l’Esprit Saint 11, de l’histoire et des paroles du Nazaréen. Les textes évangéliques ne sont pas des récits du même type que les autres ; leur contenu « historique » ne concerne que médiatement les actes et les paroles de Jésus de Nazareth ; ils parlent d’abord de la foi des communautés chrétiennes primitives. Étudier les sources, c’est étudier la mise en place progressive du christianisme en entrant en christianisme si l'on veut comprendre en profondeur ce qui s’est passé, soit, si l’on veut tout simplement le comprendre.
Telles sont donc les « données » : selon la théorie d’Amphoux, qui a le mérite de s’appuyer sur l’analyse des familles de manuscrits, il y a eu un moment historique, au début du deuxième siècle de notre ère, où nos quatre évangiles canoniques ont été construits comme formant une suite, ayant statut de texte sacré, ayant prétention à contenir la révélation sur Dieu. Je considère que l’analyse par Amphoux de l’action d’Ignace d’Antioche, puis de Polycarpe de Smyrne, en tant qu’éditeurs de « l’évangile », le montre de manière probante. Divers indices nous confirmeront que, dans les années 110-115, l’écriture des quatre évangiles qui deviendront les évangiles canoniques est achevée, ce qui ne veut pas dire que les textes n’ont pas subi, ensuite, quelques modifications. Cet aboutissement a-t-il été la conclusion d’un processus de révélation progressive sous l’éclairage constant de la foi vivifiée par l’Esprit ?
La source des textes sacrés chrétiens est-elle chrétienne ? J’entends : nos premiers témoignages sont-ils tous enracinés dans la foi en la résurrection ou dans la foi des apôtres en Jésus, Christ, confirmée par la résurrection ? Il me semble que cette question fait singulièrement défaut, en tant que question explicite, dans l’exégèse telle qu’elle est pratiquée à l’intérieur des institutions religieuses. Dans le catholicisme, elle n’est posée que de manière biaisée, puisque l’on y prétend pouvoir atteindre à l’historicité du Christ sous la figure de Jésus. Y a-t- il, dans les évangiles, des traces d’un enseignement qui fût un enseignement d’un homme que l’on appellera Jésus de Nazareth, et non de Jésus, Christ ? Une telle question est nécessaire si l’on veut traiter des sources sans présupposé doctrinal élaboré à partir de l’idée que, puisque les évangiles sont les textes de référence des Églises chrétiennes, tout leur contenu ressortit strictement à une lecture dont seules les institutions ecclésiales (catholique, protestante, orthodoxe) peuvent énoncer la norme.
Je me propose une approche phénoménologique de ces textes en mettant entre parenthèses le présupposé de la foi, interprétée du moins comme illumination et « organe » de connaissance du divin, à partir de l’hypothèse, forgée notamment à travers la lecture de l’évangile dit de Luc, qu’il y a dans cet ensemble quelque chose qui intéresse les êtres humains dans leurs rapports entre eux et dans leur rapport au divin, quelque chose qui ne relève pas d’une révélation de la foi, mais de l’action et de l’enseignement d’un homme auquel nous garderons le nom de Jésus de Nazareth. La démarche conduira à montrer que l’interprétation croyante de l’œuvre du Nazaréen n’est pas la révélation de sa vraie nature et de la vraie connaissance, à contenus ésotériques, mais une surinterprétation qui a eu pour effet d’occulter son œuvre et son enseignement. Mon Je considère que l’analyse par Amphoux de l’action d’Ignace d’Antioche, puis de Polycarpe de Smyrne, en tant qu’éditeurs de « l’évangile », le montre de manière probante. Divers indices nous confirmeront que, dans les années 110-115, l’écriture des quatre évangiles qui deviendront les évangiles canoniques est achevée, ce qui ne veut pas dire que les textes n’ont pas subi, ensuite, quelques modifications. Cet aboutissement a-t-il été la conclusion d’un processus de révélation progressive sous l’éclairage constant de la foi vivifiée par l’Esprit ?
La source des textes sacrés chrétiens est-elle chrétienne ? J’entends : nos premiers témoignages sont-ils tous enracinés dans la foi en la résurrection ou dans la foi des apôtres en Jésus, Christ, confirmée par la résurrection ? Il me semble que cette question fait singulièrement défaut, en tant que question explicite, dans l’exégèse telle qu’elle est pratiquée à l’intérieur des institutions religieuses. Dans le catholicisme, elle n’est posée que de manière biaisée, puisque l’on y prétend pouvoir atteindre à l’historicité du Christ sous la figure de Jésus. Y a-t- il, dans les évangiles, des traces d’un enseignement qui fût un enseignement d’un homme que l’on appellera Jésus de Nazareth, et non de Jésus, Christ ? Une telle question est nécessaire si l’on veut traiter des sources sans présupposé doctrinal élaboré à partir de l’idée que, puisque les évangiles sont les textes de référence des Églises chrétiennes, tout leur contenu ressortit strictement à une lecture dont seules les institutions ecclésiales (catholique, protestante, orthodoxe) peuvent énoncer la norme.
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9 Voir J. Daniélou, le chapitre premier de L’Église des premiers temps, in Nouvelle histoire de l’Église, 1963.
10 Ortigues, Encyclopaedia Universalis, article « Foi », §5 : « Ce qui rend la situation paradoxale, c’est que, dans les deux confessions (catholique et protestante), la Règle de foi demeure l’interprétation de l’Écriture dans l’Église universelle ».
11 Klijn A. F. J. par exemple, « Die Entstehungsgeschichte des Neuen Testaments », in Auttieg und Niedergang der römischen Welt II, 26.1, Berlin, pp. 64-97, ne craint pas d’affirmer qu'une grande partie des « paroles de Jésus » a été « inspirée » par le Saint-Esprit.
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Re: Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
Oui, il me semble que j'arrive à suivre assez bien l'exposé.
https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t1976p15-la-parole-de-jesus-christ-a-la-sauce-marguerat#48334
Pour se convaincre que cette prétendue source Q n'est pas une seule source, il suffit de lire les deux paraboles sur les Invités : Lc 14, 16-21 ≠ Mt 22, 1-13, présentées comme " identiques " chez Mt et Lc et prétenduement tirées de cette même source Q. En réalité ces deux paraboles sont complètement différentes. On a, donc, au minimum, deux versions de Q :
https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t1976p15-la-parole-de-jesus-christ-a-la-sauce-marguerat#48439
Comme conséquence, l'idée que la rédaction de Mc a été effectuée en premier et l'idée de Mc (v 60) constituant la date butoir au dessous de laquelle on ne peut pas passer pour situer les rédactions de Mt et Lc s'évanouissent ...
Sans avoir lu le livre, j'imagine bien que Sauge a pu réaliser l'inanité de lé " théorie des deux source " parce qu'il a étudié le mot à mot du texte grec comparativement entre Mt, Mc et Lc. Il a pu voir que les correspondances - dans le mot à mot - vont dans tous les sens en non pas exclusivement de Mc à Mt ou de Mc à Lc. En fait cette théorie dit des " deux sources " relève d'une analyse à la louche par grands pans de texte, et ne résiste pas à une analyse de détail. Dans mon lien, j'ai cité Rolland qui après une analyse mot à mot comparative des textes a tiré cette conclusion, il y a 30 ans.
Je trouve qu'il écarte un peu rapidement la théorie du rabbin Gehrardsson (1961 ; 1963) très proche de la théorie de Pierre Perrier sur la système rabbinique de composition, de mémorisation et de transmission des textes oraux. Il ignore complètement l'école de Pierre Perrier, commode pour affirmer que les Evangiles ont été d'abord composés par écrit (selon de modèle de l'écrivain occidental probablement). Sauge semble ignorer également tous les " témoignages historiques " sur la rédaction des Evangiles des Eglises araméophones. Il est dans une tradition bien établie pour ceux qui ne s'intéressent qu'au grec.
Je suis d'accord : la théorie dite « des deux sources » n'a pas à être retenue comme schéma explicatif exclusif du processus de rédaction des Evangiles parce que deux éléments clés, au moins, de cette théorie ne sont pas vrais : l'absence de communication entre Matthieu et Luc est contredite par ce qu'on appelle les " accords mineurs " entre Mt et Lc qui sont au nombre de 700 - ce sont des " corrections " mineurs par des changement de mot grec qui sont toutes ignorées de Mc et l'unicité de la source Q : même Marguerat reconnaît qu'il s'agit d'une " source composite " ce qui fait que finalement cette théorie dite « des deux sources » n'a plus aucun intérêt opérationnel en exégèse - car trop de documents intermédiaires dans le processus de rédaction sont définitivement inaccessibles.Idriss a écrit:J’ai notamment été conduit à remettre en cause la validité de la théorie dominante dite « des deux sources »: au cours de l’enquête, il est apparu que « Marc » n’est pas la source de Luc et de Matthieu en ce qui concerne les « actes » de Jésus; la source des paroles de Jésus de Nazareth n’a pas été orale, mais écrite. Jésus de Nazareth n’était pas une sorte de prophète hugolien, un hallucine de l’arrière monde, mais, vraisemblablement, un rabbi thérapeute, qui se proposait une réforme radicale du judaïsme en remettant en cause ses deux institutions constitutives, celle du temple (refus des sacrifices pour des raisons politiques et économiques) et la loi mosaïque en tant que Loi d’Alliance.
https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t1976p15-la-parole-de-jesus-christ-a-la-sauce-marguerat#48334
Pour se convaincre que cette prétendue source Q n'est pas une seule source, il suffit de lire les deux paraboles sur les Invités : Lc 14, 16-21 ≠ Mt 22, 1-13, présentées comme " identiques " chez Mt et Lc et prétenduement tirées de cette même source Q. En réalité ces deux paraboles sont complètement différentes. On a, donc, au minimum, deux versions de Q :
https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t1976p15-la-parole-de-jesus-christ-a-la-sauce-marguerat#48439
Comme conséquence, l'idée que la rédaction de Mc a été effectuée en premier et l'idée de Mc (v 60) constituant la date butoir au dessous de laquelle on ne peut pas passer pour situer les rédactions de Mt et Lc s'évanouissent ...
Sans avoir lu le livre, j'imagine bien que Sauge a pu réaliser l'inanité de lé " théorie des deux source " parce qu'il a étudié le mot à mot du texte grec comparativement entre Mt, Mc et Lc. Il a pu voir que les correspondances - dans le mot à mot - vont dans tous les sens en non pas exclusivement de Mc à Mt ou de Mc à Lc. En fait cette théorie dit des " deux sources " relève d'une analyse à la louche par grands pans de texte, et ne résiste pas à une analyse de détail. Dans mon lien, j'ai cité Rolland qui après une analyse mot à mot comparative des textes a tiré cette conclusion, il y a 30 ans.
Ceci est un premier postulat, car on ne connaît rien de certain en fait sur ce point.la source des paroles de Jésus de Nazareth n’a pas été orale, mais écrite
Ceci pourrait être le second postulat. Je mets cela au conditionnel, tout dépend si cette conviction intervient ou non pour orienter l'argumentation et trancher systématiquement quand on se trouve devant des hypothèses alternatives " indécidables ". Cette vision de Jésus de Nazareth est a peu près celle de Marguerat. Pour ce qui est de trancher dans les hypothèses alternatives " indécidables ", Marguerat y va vraiment franco sans vérgogne.un rabbi thérapeute, qui se proposait une réforme radicale du judaïsme
Je trouve qu'il écarte un peu rapidement la théorie du rabbin Gehrardsson (1961 ; 1963) très proche de la théorie de Pierre Perrier sur la système rabbinique de composition, de mémorisation et de transmission des textes oraux. Il ignore complètement l'école de Pierre Perrier, commode pour affirmer que les Evangiles ont été d'abord composés par écrit (selon de modèle de l'écrivain occidental probablement). Sauge semble ignorer également tous les " témoignages historiques " sur la rédaction des Evangiles des Eglises araméophones. Il est dans une tradition bien établie pour ceux qui ne s'intéressent qu'au grec.
On suppose des couches de rédaction successives : 1. Jésus maître de sagesse, puis 2. Jésus thaumaturge réalisant des miracles, puis 3. Jésus mis sur les autels comme un Dieu sur un texte, lui-même hypothétique ... bel exercice d'équilibriste - pratiqué même par des catholiques ... mais sur le fond et selon moi (comme Sauge), cette source Q n'est qu'une source composite que ne mérite pas tant d'efforts exégétiques !Elle [la souce Q] invite à supposer, sous les couches de la tradition orale, un Jésus que l’on hésite à ranger parmi les maîtres de sagesse ou parmi les prophètes itinérants. On va même jusqu’à faire l’hypothèse que le « premier évangile » ne comportait aucun récit ni de la mort ni de la résurrection.
Roque- Messages : 5064
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Re: Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
Je refais un post parce que cette question des préalables, des présupposés ou de l'entrée en matière des questions initiales est capitale pour cerner l'attitude de l'auteur et de ses postulats.
C'est vrai que du point de vue " laïc " les Evangiles sont présentent des récits merveilleux irréels (Renan) sont soit des récits folkloriques (Bultmann) ou des sortes de biographies (Marguerat) avec un contenu miraculeux parfaitement imaginaire. Il n'existe pas tellement d'alternative entre le rationaliste qui tiennent les miracles pour un imposture et les chrétiens ou croyants qui croient que la miracle peut exister. " Reconstituer la figure d’un Jésus historique sous les déformations des croyances " consiste dans ce contexte " laïc " en des auteurs déistes fondamentalement opposés à la théologie du Dieu chrétien ou des auteurs protestants préoccupés par la lutte contre le dogme catholique. Pleins de postulats dans tout ça, sans compter les athées ! Je ne vois pas du tout qui les empêche de développer leurs théories complètement étrangère à la foi chrétienne et même étrangère à la foi en Dieu !
Résultat : l'objectivité et la neutralité de cet auteur ... ? Boâf ! J'ai l'impression qu'il essaie de contenter tous les publics ... mais on espère qu'il fera mieux en matière de neutralité par la suite
Et là c'est ok 100% sur la méthode, ce qui est l'essentiel (à suivre)
Non, vraiment non de non. Sauge parle d'un état du débat entre catholiques qui remonte sans doute au début du 20ème siècle (il y a près de 100 ans !) par exemple d'auteurs catholiques contestant les avancées exégétiques décisives du P. Lagrange (1885 à 1938). Prétendre que " les études exégétiques et les théories des sources " sont au mains des catholiques qui tiennent les Evangiles pour des textes sacrés, n'est pas vraiment honnête : parmi la multitude des travaux depuis la fin du 18ème siècle, les plus grands noms n'ont jamais tenu compte du fait que le texte évangélique serait un genre particulier et encore moins des « textes sacrés ». C'est abusey, mec !Dans les études exégétiques, les théories des sources reposent sur un présupposé des raisonnements que l’on n’explicite pas, comme s’il était une donnée dont « il va de soi » qu’elle doit être admise ; ce présupposé constitue comme la base d’un accord minimal permettant la discussion : les quatre évangiles canoniques (ainsi que les autres textes recueillis dans l’ensemble formant le Nouveau Testament) appartiennent à un genre littéraire particulier, celui des « textes sacrés ».
Dire que les débats ont lieu exclusivement dans ce cadre-là est vraiment très faux. Il y a des exégètes dans la mouvance de la Formgeschichte - même à l'intérieur de l'Eglise catholique. De cela je suis absolument sûr. Par contre quand un exégète développe son texte comme un plaidoyer pour ses a priori rationalistes - en ne relevant que les arguments allant dans son sens - et en ignorant les autres - en tranchant les hypothèses alternatives systématiquement dans le sens de son / ses postulats de départ - et en ignorant les autres alternatives -, c'est vrai qu'un catholique pensera " cet exégète se montre incapable de saisir l'intelligence du texte ". Le catholique est très sensible à cet esprit de système, à cette idéologie que beaucoup développent librement à partir d'une lecture tronquée des textes ... Et le catholique aura tendance à sourire, bien que dans les médias on ne parle que de ces exégèses rationalistes et partiales ... comme cette chimère de la théorie dite " des deux sources ".En conséquence également, seul un lecteur qui partage la même foi peut en développer une véritable intelligence. Les débats entre exégètes d’obédiences diverses ont lieu à l’intérieur de ce cadre-là : qui n’a pas la foi ne peut véritablement comprendre les contenus du Nouveau Testament.
Le débat clos à l'intérieur de la foi est un postulat inacceptable.Ceux qui le refusent [ce débat enclos à l'intérieur de la foi] et observent d’un point de vue laïc (disons, non engagé) les textes, soit les traitent comme de la littérature indigente destinée à gruger les crédules ou les âmes en peine, soit les utilise comme documents pour tenter de reconstituer la figure d’un Jésus historique sous les déformations des croyances.
C'est vrai que du point de vue " laïc " les Evangiles sont présentent des récits merveilleux irréels (Renan) sont soit des récits folkloriques (Bultmann) ou des sortes de biographies (Marguerat) avec un contenu miraculeux parfaitement imaginaire. Il n'existe pas tellement d'alternative entre le rationaliste qui tiennent les miracles pour un imposture et les chrétiens ou croyants qui croient que la miracle peut exister. " Reconstituer la figure d’un Jésus historique sous les déformations des croyances " consiste dans ce contexte " laïc " en des auteurs déistes fondamentalement opposés à la théologie du Dieu chrétien ou des auteurs protestants préoccupés par la lutte contre le dogme catholique. Pleins de postulats dans tout ça, sans compter les athées ! Je ne vois pas du tout qui les empêche de développer leurs théories complètement étrangère à la foi chrétienne et même étrangère à la foi en Dieu !
Oui, Michel Onfray n'a pas été très fort sur ce coup. Il y a été carrément : pour lui, Jésus n'a pas existé. Mais l'avantage est qu'il n'a donc rien à en direJe laisserai ici de mentionner les exposés caricaturaux, à la façon du Traité d’athéologie, qui font douter de l’honnêteté intellectuelle de leurs auteurs.
Résultat : l'objectivité et la neutralité de cet auteur ... ? Boâf ! J'ai l'impression qu'il essaie de contenter tous les publics ... mais on espère qu'il fera mieux en matière de neutralité par la suite
Et là c'est ok 100% sur la méthode, ce qui est l'essentiel (à suivre)
en conséquence, on s’efforce d’expliciter tous les présupposés de ses conditions de possibilité et donc de ses lectures. Je ne sais pas à l’avance si les évangiles sont nécessairement un type de texte dit sacré ; il me faut préalablement examiner ce qui fait d’eux d’abord un texte, puis ce que la qualification, que l’on ajoutera, de sacré impliquera du type de lecture que l’on en fera
Roque- Messages : 5064
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Re: Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
Roque a écrit:Je trouve qu'il écarte un peu rapidement la théorie du rabbin Gehrardsson (1961 ; 1963) très proche de la théorie de Pierre Perrier sur la système rabbinique de composition, de mémorisation et de transmission des textes oraux.
Oui je vous rejoint d'un certaine manière sur ce point. Je me suis dit en effet : "Et la rhétorique sémitique?".
D'ailleurs si je devais rencontrer A. Sauge j'aimerai lui poser la question!
La rhétorique sémitique semble soit être ignorée, soit méprisée...Au point que je me suis demandé si elle était vraiment reconnue au niveau universitaire , ( si comme la graphologie elle était rangée au rayon des gadgets sans fondement scientifique ...pourtant la graphologie est au moins un test projectif aussi digne d’intérêt que le test de rorschah ) .
Idriss- Messages : 7135
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Re: Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
Je crois que la " rhétorique sémitique " n'a simplement pas encore pénétré les milieux universitaires français - y compris coté catholique. Il ne connaissent tout simplement pas. Comme je suis des cours au Collège des Bernardins à Paris (catholique), j'ai posé la question à une professeure sur Pierre Perrier. Il est totalement inconnu et cette professeure était convaincue dur comme fer que les Evangiles ont été écrits en grec et que en grec ! Pour ces universitaires, la pratique de la récitation orale des Ecritures est complètement " hors champs " (en fait elle n'a jamais existé en grec !) et il y a un préjugé que tous les textes araméens des Evangiles sont des traductions à partir du grec (il n'y a que les Eglises orientales - souvent non catholiques ou marginalisées qui contestent ce point). Je pense qu'elle a trop été " moulée " dans le grec biblique !Idriss a écrit:La rhétorique sémitique semble soit être ignorée, soit méprisée...Au point que je me suis demandé si elle était vraiment reconnue au niveau universitaire , ( si comme la graphologie elle était rangée au rayon des gadgets sans fondement scientifique ...pourtant la graphologie est au moins un test projectif aussi digne d’intérêt que le test de rorschah ) .
Par contre côté catholique il y a des universitaires super costauds en grec et hébreu, moins souvent en araméen (Cf Les Eglises " orientales " actuelles). Le livre de Sauge trouvera très probablement des commentateurs ...
Roque- Messages : 5064
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Re: Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
Puisque vous avez bien avancé en lecture je vous met encore un bout :
- Spoiler:
- Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ – André Sauge a écrit:. Mon propos ne coïncide pas avec les approches philosophiques qui consistent à extraire des évangiles des contenus éthiques dont on examine le degré d’universalité 12 ; je m’intéresse à l’histoire d’un texte, en intégrant dans cette histoire, la question de sa sacralisation. Une attitude phénoménologique est une attitude réceptive de la « chose » (en l’occurrence un ensemble de textes), mais qui tente de suspendre tous les pré-jugés, qui décident à l’avance, consciemment ou inconsciemment, de ce qu’est cette « chose », qui s’abstient de la valoriser ou de la dévaloriser sur simple préjugé.
Dès le premier moment de la démarche, il importe d’exposer clairement ce qui, intellectuellement la motive. Il n’est pas seulement légitime de soumettre un texte sacré à la méthode historico-critique, comme le font les exégètes - les spécialistes chrétiens du Nouveau Testament - depuis le XVIIe siècle, il faut soumettre à l’examen le processus de sacralisation du texte. En l’occurrence, cela revient à se demander si tout des textes des évangiles est du ressort de la foi. Il ne s’agit pas d’examiner d’un point de vue rationnel leur contenu et d’en extraire ce qui pourrait, par exemple, entrer dans un traité philosophique d’éthique, il s’agit de prêter une attention précise, à l’appui des divers indices transmis par la tradition écrite, à partir des textes que nous pouvons considérer comme des documents, dont il restera à évaluer la qualité, il s’agit donc, pardon pour l’expression derrière laquelle on voudra bien entendre un usage de Francis Ponge, de prêter attention à la « fabrique » du texte des évangiles tel qu’il a été mis en place à une date que j’utiliserai comme repère, celle des années 120, en Asie Mineure, entre Antioche, Éphèse et Smyme. Vers ce moment, selon la formule d’Ignace, l’écriture de « l’Évangile » (emploi de l’article défini pour désigner un ensemble de quatre textes) « atteint le terme de son développement », atteint à sa complétude : cela signifie que ce moment est l’aboutissement d’un processus d’écriture, qu’il est donc légitime de tenter de reconstituer en tant que processus d’écriture. Dans l’examen du processus, il sera possible de découvrir le moment de la sacralisation. A-t-il été originaire ? Tardif ?
Je montrerai - poursuivant le travail commencé dans la première partie de l’ouvrage - que l’élaboration des contenus évangéliques à l’appui, primitif, d’une tradition orale à l’intérieur de communautés croyantes ou d’une tradition écrite s’enracinant dans l’expérience de la foi en la résurrection, ne permet pas de rendre compte de tous les contenus transmis, qu’il nous faut faire au moins l’hypothèse de l’existence d’un recueil écrit d’un enseignement imputable à un Juif s’adressant à ses compatriotes de Galilée et de Judée principalement. Je montrerai que le schéma d’explication des sources par la foi des disciples ou des communautés primitives ne permet pas de rendre compte de ce qui est spécifique de l’évangile attribué à Luc. 11 nous reviendra également de montrer qu’en recourant à une « tradition apostolique » l’Église catholique donne un statut de témoin primitif, authentifiant le message de la révélation, à un groupe (les Douze) qui n’a pas existé au temps de Jésus ; que, pour le dire brutalement, la « tradition apostolique » est une fiction. Bref, je montrerai que le cadre à l’intérieur duquel l’exégèse protestante ou catholique discute des sources lui en fait manquer l’essentiel, le personnage historique à la source des évangiles. Il doit d’emblée être clair à l’esprit du lecteur qu’il ne sera possible de retrouver dans les textes mêmes des évangiles un personnage historique, nommé Jésus de Nazareth, qu’en le déchristianisant totalement pour retourner « à la chose même ». Sera-ce pour le rejudaïser ? Certes ! Mais ce sera pour constater que le Nazaréen a été, à ma connaissance, le critique le plus radical du judaïsme antique, et qu’il l’aurait été non moins des Sages (les rabbins de la refondation après la destruction du temple) qui ont investi tous leurs efforts à sauver la tradition mosaïque
___________________________________
12 Récemment, voir F. Lenoir (2007). Il est regrettable que manque, dans l’ouvrage de Lenoir, une histoire de l’interprétation philosophique des contenus évangéliques, notamment dans une perspective rationaliste de type kantien, intéressée aux fondements de l’éthique.
- Spoiler:
- Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ – André Sauge a écrit:L’idée d’une révélation implique la mise en place d’un dispositif intellectuel, prenant appui sur un appareillage textuel ; tous deux doivent permettre de rendre compte de la possibilité et de la vraisemblance d’une telle opération (la révélation). Dans le christianisme, la foi en tant que foi dans le Christ (catholicisme) confirmée par la résurrection ou en tant que foi en la résurrection (protestantisme), précède le don de l’Esprit et le conditionne. Un examen du début des Actes des Apôtres (1,8) laisse clairement percevoir le sens accordé au don de l’Esprit : Jésus ressuscité dit à quelques disciples : « Vous recevrez la puissance du Saint-Esprit, qui viendra sur vous, et vous serez mes témoins » depuis Jérusalem jusqu’aux confins du monde habité. La résurrection joue donc le rôle d’expérience première de la révélation, et la foi celui de principe solidarisateur de l’action d’un groupe 13 . En tant que foi en la résurrection de Jésus de Nazareth, elle articule un être visible, donné dans l’expérience sensible, à un être invisible, de nature divine, reconnu dans son essence soit obscurément au cours de sa vie, soit après coup. Qu’est-ce qui confirme que cet être invisible est de nature divine ou, au moins, un messager de Dieu ? En ce qu’il l’a manifesté par des signes ? Parce qu’il a accompli des miracles ? Même miraculeux, les signes sont ambigus : les textes évangéliques eux-mêmes attestent que ceux qui ne « croyaient » pas que Jésus était un envoyé divin attribuaient sa capacité d’accomplir des miracles à une puissance démoniaque ou au fait qu’il était un faiseur de tours de passe-passe. Seule la foi en la résurrection atteste après coup l’origine divine de sa puissance.
Atteste ? Si la foi est un acte de confiance fondateur d’un pacte de confiance (pistis), lorsque cet acte de confiance s’appuie sur une « croyance » (doxa), soit sur le fait que l’on admet que quelque chose est vrai et que, pour l’action, on n’a d’autre ressource que de l’admettre, c’est par un tour de passe- passe intellectuel que cet acte de confiance transforme l’objet d’une croyance en objet de connaissance : une qualité du sujet (sa certitude intérieure confirmée par une « grâce » de l’Esprit, inspirée) ne peut en aucun cas être transférée à l'objet. La foi ne peut être tenue pour un organe de connaissance que par un paradoxe logique, qui voudrait trouver dans une modalité de l’expérience intérieure la réalité de l’existence de l’objet médiatisé. L’admettre ce serait faire du fanatisme le critère par excellence de l’objectivité. L’idée de résurrection s’appuie sur un signe ambigu, le tombeau vide ; la résurrection elle-même ne peut en aucun cas être tenue pour un fait, c’est-à-dire pour un « objet de connaissance ». Que le pape Benoît XVI affirme le contraire signifie simplement qu’il commet une erreur, grave, de raisonnement. Il y a peut-être des « choses » révélées : jamais elles n’auront statut d’objets de la connaissance. À partir du moment où elles deviennent « choses auxquelles il faut croire », elles sont dégradées en instruments d’un endoctrinement fanatisant.
Le dispositif intellectuel de la révélation chrétienne - mais étant donné que toute révélation repose sur un acte de foi, il en va de même des révélations hindouiste, judaïque et musulmane - est formellement déficient et ne permet pas de lui donner l’assise d’un fondement solide en tant qu’objet de connaissance. Seul son appareillage scripturaire peut donner quelque apparence de solidité à la prétention d’un texte à être le support d’une révélation. Un tel texte doit comporter en lui quelque chose qui favorise l’adhésion du lecteur à l’idée que son contenu est probablement « révélé ». Il dit quelque chose de qualité divine qui ne serait jamais venu à l’idée d’aucun homme dans la logique des expériences communes, mais il le dit de telle sorte qu’un être doué d’intelligence et de raison peut y croire sans sacrifier ni l’une ni l’autre. Le dogme - au sens strictement défini (voir ci-dessus) - de la « résurrection » est, tel est le présupposé exégétique, à la source du témoignage des premiers disciples sur Jésus de Nazareth. Comment les textes en leur appareillage formel médiatisent-ils cette expérience ? Comment la rendent-ils crédible ?
Aborder d’un point de vue phénoménologique cette question ne peut se faire de manière naïve, puisque l’attitude phénoménologique vise un accès à la chose même par-delà, non seulement les préjugés, mais également une conception naïve selon laquelle l’ensemble textuel auquel on a affaire serait à prendre en tant que ce tout qu’il se donne, ou à laisser. La phénoménologie vient nécessairement après les diverses approches (l’étude des traditions manuscrites, par exemple) qui conduisent à repérer dans un ensemble qui se donne comme un tout constitué, des failles, à travers ces failles, des strates appartenant à au moins deux niveaux temporels ou à des provenances spatiales (sociales) différentes. Une approche phénoménologique doit se poser la question du statut du texte qui prétend véhiculer une expérience, de quelque sorte qu’elle soit.
Compte tenu de cette précaution, que nous disent les textes du Nouveau Testament de la résurrection, c’est-à-dire de cette croyance (ou dogme, selon la définition donnée ci-dessus) qui, affirme-t-on, a conduit à la mise en place de l’écriture qui en rend compte ? Comment cette croyance s’est-elle élaborée ? S’y donne-t-il à lire quelque chose d’une expérience humaine de ce qui serait divin, réclamant la singularité d’une écriture pour se dire ? L’attitude phénoménologique n’exclut pas d’emblée que soient possibles une expérience du divin et sa dicibilité : elle va à la « chose » pour voir si elle tient bien ce qu’elle promet. Ce qui se donne à lire peut-il être considéré comme quelque chose qui inspire réellement confiance ?
Comme l’explique X. Léon-Dufour en introduction à son étude, Résurrection de Jésus et message pascal (1971), les divers récits de résurrection conduisent à l’hypothèse de deux traditions narratives, l’une hiérosolymitaine, l’autre galiléenne. Déjà, l’idée de l’existence de deux traditions doit nous alerter : il n’y a pas un discours unique sur ia résurrection. À quoi tient, sinon l’équivocité, du moins le fait que le témoignage n’est pas unique 14 ?
__________________________________
13 La foi en est venue, assez vite dans le temps - dès le début du 2e siècle - à désigner une modalité de la connaissance. Tel est l’usage qu’en font les exégètes modernes et contemporains. Or elle est primitivement un « pacte de confiance » ; la résurrection a été, pour certains des premiers disciples, un « dogme », soit quelque chose dont on a admis que cela était vrai (le dogme n’est pas ce à quoi il faut croire ; ce sens est un détournement de la théologie au service du pouvoir romain). Sur ce dogme, qui n’a d’autre fonction que d’orienter l’action, s’est élaboré un pacte de confiance. La foi est donc d’abord un pacte social offrant un appui à l’action. Dans quelle action a-t-elle engagé les premiers chrétiens ? Voilà ce qu’il nous faut clarifier.
14 La tradition galiléenne est attestée dans l’évangile de Matthieu. Un des résultats de l’enquête sur la mise en place du Nouveau Testament sera de montrer que la composition de cet évangile est à situer vers 110. Dès lors, il y a de fortes chances que la tradition galiléenne doive s’interpréter à l’intérieur du processus historique du schisme entre judaïsme orthodoxe, qui s’est développé en Galilée, et judaïsme chrétien. L’envoi en mission des Onze par le Christ ressuscité, depuis une montagne, que mentionne Matthieu à la fin de l’évangile (28, 16-20) est un acte de propagande parallèle à celui auquel les Sages ont donné l’impulsion ; la concurrence entre les deux « voies » du judaïsme est apparue à partir des années 80 au plus tôt. Sur le thème de la rivalité entre les deux propagandes, voir Blanchetière (2001).
Idriss- Messages : 7135
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Re: Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
Roque a écrit:. Le livre de Sauge trouvera très probablement des commentateurs ...
Non justement il me semble avoir compris qu'il s'en plaint! C'est pas que l'on descende son travail qui lui pose probléme, mais que l'on l'ignore...! Mais je vais essayé de lui faire transmettre vos remarques...Peut-être cela le poussera à sortir du bois! Dans l'idéal il faudrait qu'il nous rejoigne ( on peu rêver!) . Cela nous stimulerait et nous ferait travailler nos sources et nos connaissances à défaut de changer nos points de vus respectifs....
Idriss- Messages : 7135
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Re: Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
Bon et puis nous voilà à un passage en grec ...a défaut d'attirer Sauge ici , avec ces gribouillis ésotériques plein de points diacritiques je vais peut-être faire rappliquer -Ren-! .
Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ – André Sauge a écrit:
Le récit le plus ancien, remontant au premier lustre des années 50, serait celui que nous lisons dans la première épître de Paul aux Corinthiens. Le témoignage aurait été écrit quelque vingt-cinq ans après la crucifixion.
1 Cor 15.1 Γνωρίζω δὲ ὑμῖν, ἀδελφοί, τὸ εὐαγγέλιον ὃ εὐηγγελισάμην ὑμῖν, ὃ καὶ παρελάβετε, ἐν ᾧ καὶ ἑστήκατε,
15.2 δι’ οὗ καὶ σῴζεσθε, τίνι λόγῳ εὐηγγελισάμην ὑμῖν εἰ κατέχετε, ἐκτὸς εἰ μὴ εἰκῇ ἐπιστεύσατε.
15.3 παρέδωκα γὰρ ὑμῖν ἐν πρώτοις, ὃ καὶ παρέλαβον, ὅτι Χριστὸς ἀπέθανεν ὑπὲρ τῶν ἁμαρτιῶν ἡμῶν κατὰ τὰς γραφάς,
15.4 καὶ ὅτι ὤφθη Κηφᾷ, ἔπειτα τοῖς δώδεκα·
15.5 ἔπειτα ὤφθη ἐπάνω πεντακοσίοις ἀδελφοῖς ἐφάπαξ, ἐξ ὧν οἱ πλείονες μένουσιν ἕως ἄρτι, τινὲς δὲ ἐκοιμήθησαν·
15.6 ἔπειτα ὤφθη Ἰακώβῳ, ἔπειτα τοῖς ἀποστόλοις πᾶσιν·
15.7 έσχατον δέ πάντων ώσπερει τώ έκτρώματι ωφθη κάμοί.
Nous ne rendons pas justice au passage si, en extrayant simplement la confession de foi qu’il comporte, nous omettons d’en relever les formules qui font problème. Je traduis en restant aussi près que possible de la formulation grecque.
« Je vous fais connaître, frères, la bonne nouvelle (l’évangile) que je vous ai annoncée (que je vous ai “évangélisée”), que vous avez aussi reçue, dans laquelle aussi vous êtes fermement établis 15, par laquelle aussi vous êtes sauvés, que vous devez retenir16 conformément à la formule selon laquelle je vous l’ai annoncée, à moins que17 vous ne fondiez votre confiance sur du hasard ; car je vous ai transmis à vous, parmi les premiers18 , ce que moi aussi j’ai reçu :
“Christ mourut pour19 nos “fautes” (αμαρτιών) conformément aux Écritures,
il a été mis au tombeau (il a reçu les honneurs funèbres), il s’est (définitivement) réveillé au jour le troisième conformément aux Écritures, il a été l’objet d’une vision par Céphas, ensuite par les douze.”
Ensuite il a été, en une seule fois, l’objet d’une vision de plus de cinq cents frères, dont la plupart survivent jusqu’à récemment, certains se sont endormis.
Ensuite il a été l’objet d’une vision de Jacques, ensuite de tous les apôtres. En dernier de tous, il a été l’objet d’une vision de moi aussi, comme de l’avorton. » (I Cor 15, 1-8)
Sans prêter une trop grande attention au langage qui l’introduit, tenons-nous-en au noyau dur de l’annonce évangélique selon ce qui nous est dit là : la mort ignominieuse de Christ (Messie) sur la croix - ce qui veut dire sa condamnation parce qu’il a été accusé d’aspirer à la royauté sur Israël - a été suivie de ses funérailles (ἐτἀφη) ; le troisième jour, « il s’est/il a été - définitivement - réveillé » (il est ressuscité), puis il a été « regardé » (ὢφθη) par Pierre, ensuite par les douze. À partir de là, sur le fondement de ce « contrat de confiance » (de cette pistis autrement dite fides ou foi), on comprend que ceux qui ont suivi Jésus durant les années où il a agi et parlé ont vu sous un jour nouveau ce qu’il a fait et entendu différemment ce qu’il a dit. Tout cela a donc été réinterprété. En conséquence, nous avons, dans les évangiles, dans les synoptiques non moins que dans celui de Jean, un accès direct au Jésus de la foi (au Christ) et non au Jésus de l’histoire 20.
_________________________________________
14 La tradition galiléenne est attestée dans l’évangile de Matthieu. Un des résultats de l’enquête sur la mise en place du Nouveau Testament sera de montrer que la composition de cet évangile est à situer vers 110. Dès lors, il y a de fortes chances que la tradition galiléenne doive s’interpréter à l’intérieur du processus historique du schisme entre judaïsme orthodoxe, qui s’est développé en Galilée, et judaïsme chrétien. L’envoi en mission des Onze par le Christ ressuscité, depuis une montagne, que mentionne Matthieu à la fin de l’évangile (28, 16-20) est un acte de propagande parallèle à celui auquel les Sages ont donné l’impulsion ; la concurrence entre les deux « voies » du judaïsme est apparue à partir des années 80 au plus tôt. Sur le thème de la rivalité entre les deux propagandes, voir Blanchetière (2001).
15 Traduction dans la TOB : « auquel vous restez attachés »... ἑστήκατε : je préfère rester proche du sens de ἔστηκα, « je me tiens debout », « j’occupe une position ferme », « je suis mis dans une position ferme ».
16 J’adopte la leçon ὀφείλετε κατέχειν.
17 ἐκτὸς εἰ μὴ : il n’existe que trois occurrences dans le Nouveau Testament de la locution, deux dans la première épître aux Corinthiens, la troisième dans la première épître à Timothée. Manifestement, l’emploi d’εκτός est explétif. Ma remarque signifie que j’ai un doute sur un tel emploi par Paul de Tarse.
18 On comprend aussi ἐν πρώτοις dans le sens de « en premier lieu ».
19 ὑπὲρ τῶν ἁμαρτιῶν ἡμῶν : « en faveur de », « pour » « nos fautes », c’est-à-dire en paiement de la dette de nos manquements envers Dieu. Une telle formule implique qu’un manquement à la loi de Moïse est un manquement à Dieu. Elle implique donc aussi que Jésus n’a pas contesté la notion de Loi d’alliance. Elle est donc une interprétation de l’œuvre de Jésus de Nazareth, dont il reste à se demander si elle est pertinente. Elle ne peut être d’emblée reçue comme « la formule » de « la » tradition des disciples.
20 J’insiste : la réinterprétation, par le regard de la « foi » en la résurrection, du message de Jésus de Nazareth n’est une hypothèse nécessaire que s’il n’a existé aucun document écrit antérieur à sa mort.
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Re: Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ – André Sauge a écrit:Première remarque : la syntaxe permet de subdiviser en deux parties le propos de l’auteur de « la confession de foi » ; seule la première partie est placée sous l’autorité d’une tradition ; elle comprend toutes les propositions introduites par ὅτι, auquel j’ai substitué la forme du discours direct : « Christ mourut pour nos “fautes” (ἁμαρτιῷν) conformément aux Écritures, il reçut les honneurs funèbres, il s’est (définitivement) réveillé au jour le troisième conformément aux Écritures, il fut l’objet d’une vision21 par Céphas, ensuite par les douze. » La pertinence de l’usage de cet indice formel est confirmée par un contenu : Paul ne peut avoir reçu de la tradition l’information que Christ lui est apparu à lui aussi. L’apparition à plus de cinq cents disciples, à Jacques puis à tous les apôtres, enfin à Paul n’a pas le même statut énonciatif que ce que « Paul » a reçu de la tradition.
Que le récit des apparitions relève de deux énonciations différentes soulève déjà un problème en ce qui concerne le témoignage que Paul est censé nous rapporter.
« Paul » affirme qu’il est l’héritier d’une tradition qu’il ne fait que transmettre, à laquelle il donne le nom d’évangile, « de bonne nouvelle ». Cette qualification de la mort de Christ, sur la croix, « pour nos fautes » et de la résurrection - elles sont une bonne nouvelle qui motive la proclamation d’une victoire, à la façon des hérauts précédant le retour triomphal d’un roi - doit aussitôt retenir notre attention de lecteur qui sait quelque chose du contenu des textes évangéliques. Est-il bien vrai que l’annonce de la résurrection d’un personnage mort en tant que Messie est le contenu primitif de l’évangile ? Force nous est, pour répondre à la question, de nous reporter aux textes évangéliques. La réponse est claire : la première bonne nouvelle est celle qui est contenue dans la citation d’Isaïe, 61,1, sq., et dont l’évangile de Luc fait la première parole de Jésus, à Nazareth (Luc, 4, 18) : « Le Souffle du Seigneur (est venu) sur moi afin de me consacrer pour annoncer la bonne nouvelle aux mendiants/pauvres... ». Le premier contenu évangélique que Jésus de Nazareth a assumé, nous dit-on ici, est celui de l’annonce de la bonne nouvelle du règne (ou royaume) de Dieu, autrement dit de l’affranchissement des opprimés ou méprisés soustraits au pouvoir de leurs oppresseurs. Il n’est pas question, dans cette annonce, de « fautes », mais de libération de « dettes » et d’un affranchissement de l’esclavage, pour dettes justement. Je me contente, ici, de noter que l’annonce de Nazareth dans Luc et celle dont parle I Cor. 15 n’ont pas le même contenu, que la seconde présuppose la première mais ne s’ensuit pas d’elle : il n’y a pas continuité logique de l’affranchissement d’un asservissement pour dettes à une mort pour expier les fautes des hommes (à un sacrifice d’expiation).
Ce que « Paul » affirme avoir reçu en héritage, ce n’est pas « l’évangile », mais un évangile, qui, lui, n’a pas recueilli, semble-t-il, dans son intégrité le premier évangile, mais en a modifié les contenus : il a eu pour effet de transformer l’attente du royaume terrestre à la suite d’un affranchissement en royaume céleste et, du coup, de complètement casser la radicalité sociopolitique de l’annonce de Nazareth, puisqu’elle a déplacé vers l’au-delà l’annonce d’une réalisation terrestre, et du côté éthico-religieux un projet qui annonçait une réalisation sur le plan éthique, certes, mais également économique et social
_________________________________________
21 Le verbe employé est un aoriste passif sur la base lexicale op- provenant de okw-, véhiculant la notion de l’œil. « Se rendre visible et se faire identifier comme tel et tel » se serait dit « εἲδετο » ; ὢφθη est une forme passive qui implique l’idée que « Jésus a été l’objet d’une vision » (d’une activité oculaire) et non qu’il « s’est fait reconnaître et identifier ». Tout ce que dit Paul, si c’est bien lui qui le dit, c’est que Céphas, Jacques et lui- même ont eu une vision. Quand ? Comment ? Nous n’en savons rien. L’expression n’exclut pas que leur vision ait été d’ordre hallucinatoire. La formule employée le laisse explicitement entendre : celui qui parle ne tente pas d’escamoter ce que son affirmation comporte de problématique.
Je laisse les notes sur le Grec en grand : pour les amateur que vous êtes j'imagine que c'est cela qui peut le plus vous intéresser dans le travail de ce professeur de grec ancien!
Idriss- Messages : 7135
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Re: Jésus de Nazareth contre Jésus-Christ par André Sauge
Hum ! Ce genre d'entrée en matière ne m'inspire en général aucune confianceLe lecteur voudra bien considérer les pages de ce chapitre comme l’exposé ingénu d’un auteur s’efforçant de s’orienter dans un domaine où les voies des spécialistes sont compliquées de détours à la subtilité desquels il n’est pas possible de rendre hommage
...Mais j'ai lu la suite, bien sûr !
Son usage au niveau du Coran commence tout juste à être pris en considération, donc côté Bible, ça doit être pareil.Idriss a écrit: La rhétorique sémitique semble soit être ignorée, soit méprisée...Au point que je me suis demandé si elle était vraiment reconnue au niveau universitaire
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