[SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
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Re: [SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
D'un autre côté, le mot dîn lui-même est riche de malentendus éventuels compte tenu de l'évolution de sa signification au fil du temps de la révélation coranique... Il n'existe sans doute aucune solution idéale.Blaise a écrit:La « religion » en tant que concept abstrait, hérité de la modernité occidentale, n'existe pas dans le Coran; reprendre le mot sans beaucoup de précision risque de créer des malentendus.
D'un point de vue subjectif, je peux cependant noter que ma perception chrétienne du mot "religion" est très axée sur la notion de lien (avec Dieu ET avec mes frères humains), alors que la perception musulmane de ma femme de ce même mot est nettement orientée sur le sentiment de la Dette (envers Dieu)
Re: [SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
-Ren- a écrit:D'un autre côté, le mot dîn lui-même est riche de malentendus éventuels compte tenu de l'évolution de sa signification au fil du temps de la révélation coranique... Il n'existe sans doute aucune solution idéale.Blaise a écrit:La « religion » en tant que concept abstrait, hérité de la modernité occidentale, n'existe pas dans le Coran; reprendre le mot sans beaucoup de précision risque de créer des malentendus.
D'un point de vue subjectif, je peux cependant noter que ma perception chrétienne du mot "religion" est très axée sur la notion de lien (avec Dieu ET avec mes frères humains), alors que la perception musulmane de ma femme de ce même mot est nettement orientée sur le sentiment de la Dette (envers Dieu)
Je suis d'accord avec vous! c'est d'ailleurs pour cela que j'hésite sur la bonne interprétation à fournir.
Voici en tout cas la sourate 2, verset 256 non traduite :
Lâ ikrâta fî d-dîni
Les termes Lâ ikrâta fî d-dîni signifient que personne ne peut être contraint à embrasser l’Islam... il est également possible d’admettre que l’article a été introduit ici avec une fonction de pronom de rappel qui renverrait au Nom divin mentionné dans le verset précédent. Le sens serait alors le suivant : Il est le Sublime, l’Immense ; pas de contrainte dans sa religion. Les commentateurs sont partagés sur le sens de ce verset...
Enfin, selon d’autres, ce verset a été abrogé car il a été révélé avant que le combat contre les associateurs ne soit imposé.
L’avis le plus pertinent est de considérer que ce verset a été descendu à propos de certaines catégories de gens : les gens des deux livres, les Mazdéens (Majûs) et tous ceux qui professent une religion différente de l’Islam et desquels la capitation peut être acceptée. Tous les musulmans rapportent que le Prophète contraignit certaines catégories de gens à embrasser l’Islam, qu’il n’acceptait aucune autre profession de foi de leur part, et qu’il les condamnait à mort s’ils refusaient ; c’était le cas des Arabes idolâtres, des renégats et d’autres cas semblables.
Il n’y a pas à contraindre à faire entrer dans la religion quelqu’un dont il est licite d’accepter la capitation dans la mesure où il acquitte cette capitation et agrée le statut que lui confère l’Islam.
J'ai ensuite cherché s'il n'y avait pas sur la Toile d'autres versions de ce passage, afin de pouvoir comparer, mais sans succès.
Nous avons enfin un commentaire autorisé. C'est un début.
Blaise- Messages : 220
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Re: [SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
Je n'avais pas encore commencé à chercher pour Coran II, 256 (je trouvais utile de dégrossir un peu avant), mais je n'aurais pas pensé à aller chercher sur ce site. MerciBlaise a écrit:j’ai trouvé ce passage du Tafsir At-Tabari, de Muhammad al- Tabari sur le site Le Messie et son Prophète
Je vais voir si je trouve autre chose.
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Re: [SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
Tafsir Ibn Kathir (j'ai trouvé une traduction anglaise, à partir de laquelle je fais cette traduction rapide) :
http://www.quran4u.com/Tafsir%20Ibn%20Kathir/002%20Baqarah%20II.htmIbn Kathir a écrit:لاَ إِكْرَاهَ فِي الدِّينِ (Il n'y a pas de contrainte en religion) signifie "ne forcez personne à devenir musulman, car l'Islam est complet et clair, et ses preuves et évidences sont complètes et claires. Ainsi, il n'est nul besoin de forcer qui que ce soit à embrasser l'Islam. En fait, quiconque Allah dirige vers l'Islam, lui ouvrant le coeur et illuminant son esprit, embrassera l'Islam avec certitude. Et à quiconque Dieu aveugle le coeur et scelle son ouïe et sa vision, il n'est aucun bénéfice à être forcé d'embrasser l'Islam"
Il a été rapporté que les Ansars furent à l'origine de la révélation de cet Ayah, même si cette indication a une portée générale. Ibn Jarir rapporte que Ibn Abbas a dit (avant l'Islam) : Quand une femme (des Ansars) n'arrivait pas à donner naissance à un enfant qui survive, elle faisait le voeu d'éduquer tout enfant survivant auquel elle donnerait naissance comme un juif. Quand les Banu An-Nadir (la tribu juive) furent expulsés (de Médine), certains des enfants des Ansars avaient été élevés parmi eux, et les Ansars dirent : "Nous ne pouvons avandonner nos enfants" ; Dieu révéla لاَ إِكْرَاهَ فِي الدِّينِ قَد تَّبَيَّنَ الرُّشْدُ مِنَ الْغَيِّ
Abu Dawud et An-Nasa'i ont aussi rapporté ce hadith.
Il y a aussi ce hadith que l'imam Ahmad a rapporté, dans lequel Anas dit que le Messager de Dieu a dit à un homme : أَسْلِم ("Islamise-toi)
L'homme dit : "ça ne me plaît pas"
Le Prophète dit : وَإِنْ كُنْتَ كَارِهًا ("Même si ça ne te plaît pas")
Premièrement, c'est un hadith authentique, avec seulement 3 narrateurs entre l'imam Ahmad et le Prophète.
Cependant, ce n'est pas lié au sujet discuté, car le Prophète n'a pas forcé cet homme à devenir musulman. Le Prophète a simplement invité cet homme à devenir musulman, et il a répondu qu'il ne se sentait pas le désir de devenir musulman. Le Prophète a dit à cet homme que même si ça ne lui plaisait pas d'embrasser l'Islam, il devrait quand même le faire, "car Allah t'accordera la sincérité et l'intention véridique"
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Re: [SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
Et j'ai trouvé en français le tafsir complet de la sourate II par Ibn Kathir! nous allons pouvoir comparer.
256. Nulle contrainte en religion! Car le bon chemin s'est distingué de l'égarement. Donc, quiconque mécroit au Rebelle tandis qu'il croit en Allah saisit l'anse la plus solide, qui ne peut se briser. Et Allah est Audient et Omniscient.
Dieu le tout-haut ordonne aux croyants de ne contraindre plus personne à embrasser l'Islam Car l'Islam est vrai et clair et n'a pas besoin que quiconque soit contraint à l'embrasser. La foi est une soumission, et elle ne peut être acquise par la force, mail par la preuve et la démonstration. Il est clair que cette religion apporte le bien et conduit au droit chemin, et que toutes les autres doctrines qui s'y opposent sont dans l'erreur et l'égarement. Celui qui rejette les égaux les idoles et tout ce que le Diable ordonne d'adorer outre le Seigneur (c'est-à-dire celui qui rejette tout ce dont l'adoration est un égarement une erreur et une injustice) s'est raffermi sur la bonne voie. Celui-ci s'est attaché a une anse solide, indétectable et qui l'empêche de s'égarer dans les ténèbres. Dieu entend celui qui prétend rejeter l'erreur (l'adoration des idoles et, selon certains, du diable) et croire en Dieu. Il connaît ses véritables sentiments et sait donc s'il dit la vérité ou s'il ment.
Blaise- Messages : 220
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Re: [SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
Sur internet ?Blaise a écrit:Et j'ai trouvé en français le tafsir complet de la sourate II par Ibn Kathir
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Re: [SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
-Ren- a écrit:Sur internet ?Blaise a écrit:Et j'ai trouvé en français le tafsir complet de la sourate II par Ibn Kathir
Sur Internet! il s'agit de la Bibliothèque Islamique Coran et Sunna.
Blaise- Messages : 220
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Re: [SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
Je vous invite donc à nous mettre le lien direct dans https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t7-ressources-en-ligneBlaise a écrit:Sur Internet! il s'agit de la Bibliothèque Islamique Coran et Sunna
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Re: [SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
-Ren- a écrit:Je vous invite donc à nous mettre le lien direct dans https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t7-ressources-en-ligneBlaise a écrit:Sur Internet! il s'agit de la Bibliothèque Islamique Coran et Sunna
Je ne peux pas :
Les nouveaux membres ne sont pas autorisés à poster de liens externes ou des emails pendant 7 jours.
Blaise- Messages : 220
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Re: [SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
Désolé, cette règle a dû être ajoutée par notre hébergeur, je vais voir si je peux y remédier, car notre forum -contrairement à d'autres- n'a rien contre les liens externes, bien au contraire.Blaise a écrit:Je ne peux pas :Les nouveaux membres ne sont pas autorisés à poster de liens externes ou des emails pendant 7 jours.
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Re: [SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
C'est réglé
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Re: [SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
Le mot din apparaît dans un autre verset (entre autres),
Et comme piqûre de rappel, voici un petit résumé des différentes significations de din, par Hassan ABDELHAMID (« Etat et religion en Orient Musulman » in Pouvoir Civil et Pouvoir Religieux Entre Conjonction et Opposition, sous la dir. de Jacques Bouineau, Paris, L’Harmattan, 2010):
Encore un autre verset : Coran I, 4
Excepté la dernière version que j'ai tirée de Jacques Berque, j'ai grapillé ces traductions sur des Coran en ligne.
Dans ces deux versets, din n'a pas tout-à-fait la même signification.
Aujourd’hui j’ai parachevé votre Din, je vous ai comblés de ma grâce et j’agrée pour vous l’Islam comme Din. (Coran, V, 3)
Et comme piqûre de rappel, voici un petit résumé des différentes significations de din, par Hassan ABDELHAMID (« Etat et religion en Orient Musulman » in Pouvoir Civil et Pouvoir Religieux Entre Conjonction et Opposition, sous la dir. de Jacques Bouineau, Paris, L’Harmattan, 2010):
La notion de Din embrasse donc un ensemble de coutumes et d’usages qui furent à l’origine rattachés à des principes transcendants, et c’est ce qui constitue ce que l’on nomme couramment la tradition dans son sens plénier. Il est aussi une prise de conscience, un jugement direct de l’être sur ce qui l’environne et plus particulièrement sur la grande Réalité : enfin, le Din est règle de conduite supra-humaine régissant les actions et le comportement des êtres. (p. 147)
Encore un autre verset : Coran I, 4
Māliki Yawmi Ad-Dīn
Maître du Jour de la rétribution
ou
le Souverain du Jour du Jugement dernier !
ou
Le roi du Jour de l’allégeance
Maître du Jour de la rétribution
ou
le Souverain du Jour du Jugement dernier !
ou
Le roi du Jour de l’allégeance
Excepté la dernière version que j'ai tirée de Jacques Berque, j'ai grapillé ces traductions sur des Coran en ligne.
Dans ces deux versets, din n'a pas tout-à-fait la même signification.
Blaise- Messages : 220
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Re: [SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
Faute de commentaires vraiment détaillés, je propose l'interprétation suivante :
Les versets 253-254 de la sourate 2 formulent une doctrine de la prédestination, en accord avec le verset 255, qui exalte la toute-puissance de Dieu : « si Allah avait voulu », les infidèles auraient cru, et ils auraient obtenu la vie éternelle.
Puis viennent les versets 256-257 : celui qui « croit en Allah » suit « le bon chemin » ; il a Allah pour « défenseur », qui le « fait sortir des ténèbres à la lumière ». Le processus est l’exact inverse pour l’infidèle, qui est prédestiné en ce monde à l’injustice et en l’autre à la damnation.
A la lumière de ce contexte, din désignerait peut-être le for interne de l’homme : Le Coran inviterai le musulman à ne pas exercer de contrainte sur le jugement de l’infidèle, car, si ce dernier ne croit pas, c’est parce qu’Il l’a volontairement aveuglé, et le destine au Feu éternel.
En cherchant à élucider la signification de « din », j'ai du même coup posé la question de la prédestination des justes et des injustes. Ce sujet a-t-il déjà été abordé ailleurs?
Les versets 253-254 de la sourate 2 formulent une doctrine de la prédestination, en accord avec le verset 255, qui exalte la toute-puissance de Dieu : « si Allah avait voulu », les infidèles auraient cru, et ils auraient obtenu la vie éternelle.
Puis viennent les versets 256-257 : celui qui « croit en Allah » suit « le bon chemin » ; il a Allah pour « défenseur », qui le « fait sortir des ténèbres à la lumière ». Le processus est l’exact inverse pour l’infidèle, qui est prédestiné en ce monde à l’injustice et en l’autre à la damnation.
A la lumière de ce contexte, din désignerait peut-être le for interne de l’homme : Le Coran inviterai le musulman à ne pas exercer de contrainte sur le jugement de l’infidèle, car, si ce dernier ne croit pas, c’est parce qu’Il l’a volontairement aveuglé, et le destine au Feu éternel.
En cherchant à élucider la signification de « din », j'ai du même coup posé la question de la prédestination des justes et des injustes. Ce sujet a-t-il déjà été abordé ailleurs?
Blaise- Messages : 220
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Re: [SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
Je ne pense pas. C'est donc l'occasion d'ouvrir un nouveau filBlaise a écrit:Ce sujet a-t-il déjà été abordé ailleurs?
(...sur ce, je retourne à l'écriture du prochain article de notre blog collectif )
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Re: [SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
De la discussion qui vient d'être fait ici, il ressort que vous tentez de mieux connaître quel est le concept musulman de la religion, sous le vocable arabe dîn. Il faut cependant faire attention au fait que, comme tout mot arabe, le mot dîn peut signifier bien des choses précises très différentes en fonction de son contexte : créance, foi, piété, croyance, dévotion, voie,jugement,coutume, obéissance, etc..
Donc lorsque vous faites une citation d'un texte dans lequel vous trouverez le mot Dîn, vous ne pouvez à priori pas dire qu'il s'agit du terme désignant la "religion" en général, la religion musulmane en particulier, de la seule piété d'une personne ou encore de sa dette financière.
Je veux dire par là que le sens particulier que prend le mot dans une phrase particulière ne peut être appliqué au sens général de ce même vocable. La piété "dîn",( Attachement fervent à Dieu) ce n'est pas la religion "dîn",(Ensemble des croyances relatives à un ordre surnaturel , des règles de vie, des pratiques rituelles, propre à une communauté ainsi déterminée et constituant une institution sociale organisée) , même si il y a des points communs. Dans certains textes, on parle précisément de piété, ferveur, et de rien d'autre.
Il faut analyser la phrase et son contexte en général.
Par exemple concret dans la citation à propos de يون الدين; yawn ad-dîn; il est exclusivement question du jour du jugement dernier, et on ne peut rien extraire d'autre du mot dîn dans cette expression.
Donc lorsque vous faites une citation d'un texte dans lequel vous trouverez le mot Dîn, vous ne pouvez à priori pas dire qu'il s'agit du terme désignant la "religion" en général, la religion musulmane en particulier, de la seule piété d'une personne ou encore de sa dette financière.
Je veux dire par là que le sens particulier que prend le mot dans une phrase particulière ne peut être appliqué au sens général de ce même vocable. La piété "dîn",( Attachement fervent à Dieu) ce n'est pas la religion "dîn",(Ensemble des croyances relatives à un ordre surnaturel , des règles de vie, des pratiques rituelles, propre à une communauté ainsi déterminée et constituant une institution sociale organisée) , même si il y a des points communs. Dans certains textes, on parle précisément de piété, ferveur, et de rien d'autre.
Il faut analyser la phrase et son contexte en général.
Par exemple concret dans la citation à propos de يون الدين; yawn ad-dîn; il est exclusivement question du jour du jugement dernier, et on ne peut rien extraire d'autre du mot dîn dans cette expression.
Re: [SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
Nous nous sommes en effet focalisé sur cet aspect de la question ; mais reprendre sur le sens du terme français "religion" dans l'esprit de chacun fait aussi partie de ce filYahia a écrit:De la discussion qui vient d'être fait ici, il ressort que vous tentez de mieux connaître quel est le concept musulman de la religion, sous le vocable arabe dîn
Merci pour les précisions sur notre conversation initiale
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Re: [SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
-Ren- a écrit: reprendre sur le sens du terme français "religion" dans l'esprit de chacun fait aussi partie de ce fil
et je ne demande pas mieux !''
Je trouve deux définitions qui me semblent correctes de la religion :
1°. en général :
" Rapport de l'homme à l'ordre du divin ou d'une réalité supérieure, tendant à se concrétiser sous la forme de systèmes de dogmes ou de croyances, de pratiques rituelles et morales "
ce qui s'applique à toutes les religions.
2° en particulier:
"Forme particulière que revêt pour un individu ou une collectivité cette relation de l'homme au divin ou à une réalité supérieure.: Ensemble des croyances relatives à un ordre surnaturel ou supra-naturel, des règles de vie, éventuellement des pratiques rituelles, propre à une communauté ainsi déterminée et constituant une institution sociale plus ou moins fortement organisée."
Lorsque l'on parle de la religion catholique, de la religion musulmane, d'une religion animiste, etc...
Je constate très souvent, ici même , que d'aucuns, pratiquant Une religion (chrétienne, musulmane...), prennent comme définition de LA religion, les règles qui ne s'appliquent qu'à la leur.
Et l'on a ainsi tel musulman nous définissant, la bouche en cœur, la religion selon les normes musulmanes, à quoi tel chrétien répliquera , sourire aux lèvres, en définissant la religion selon ses vérités dogmatiques. Cependant, la question ne porte pas précisément sur les professions de foi particulière à chacun, sur lesquelles un désaccord est inévitable.
J'aimerais lire ici la conception plus détachée de certains autres, se penchant sur la relation du croyant envers le divin plutôt que sur les vérités dogmatiques. A tous le moins, certaines attitudes subjectives, la sincérité des démarches, certaines démarches peuvent être communes. S'il n'y a qu'un seul Dieu, n'y a-t-il pas en face, pour vous, une seule nature humaine qui vous attire vers Lui ? C'est cela qui m'intéresse. Les différences, je ne les connais que trop : on me les rappelle tous les jours, à bon ou mauvais escient.
('')
Ps: petite Pub pour un "Dico" en ligne gratuit, sérieux, complet, incontournable :
http://www.cnrtl.fr/definition/
Re: [SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
J'ai ébauché un début de réponse avec la notion de religion dans la Rome antique sur : https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t979p15-laicite-religion-de-la-republique-d-apres-le-franc-macon-vincent-peillon#20329 Je la recopie ici :
Je ne sais pas si ce qui suit va éclairer le débat. Mais j'ai trois acceptions historiques du mot religion.
Commentaire c'est donc surtout une religion soutenant de l'ordre social avec un caractère d'obligation sociale ou rituelle indépendante de toute conviction intime. Toute personne voulant déroger à ces pratiques est qualifié " d"athée ". Le shinto japonais est encore une religion de ce type et les premiers chrétiens japonais ont été accusés d'athéisme en référence à cette conception de la religio - très similaire à la religio de la Rome antique. Les premiers chrétiens avaient été de la même façon accusés d'athéîsme aux premiers siècles en raison de leur refus de sacrifier à l'empereur-dieu. Toute utilisation exclusive de la religion comme support de l'ordre social - avant tout autre considération - s'apparente de près ou de loin à cette conception n° 1 de la religion.
A suivre, c'est un peu long désolé ... mais je remarque déjà que la laïcité-religion de la République présentée par Vincent Peillon (éventuellement légèrement différente de la laïcité de la Loi de 1905) a plusieurs points communs remarquables avec cette première conception de la religion de la Rome antique : 1. par l'objectif prépondérant de l'ordre social, 2. par le caractère obligatoire de pratiques prescrites par la loi et 3. par le caractère indifférent des convictions personnelles de l'individu qui se soumet à ces obligations rituelles et/ou sociales.
De mon point de vue, on est peu ou prou en présence d'une " Religion de l'Etat (= César) " ou de la " Cohésion Nationale " - avec ou sans Dieu.
Il existe deux autres acceptions : celle de christianisme médiéval et celle de la Réforme qui va conduire à la compréhension actuelle du mot religion (c'est long ... à suivre).
Je ne sais pas si ce qui suit va éclairer le débat. Mais j'ai trois acceptions historiques du mot religion.
Dans la Rome antique le terme de religio designait une obligation contraignante d'accomplir une action donnée. Le mot provient très probablement de re-ligare, qui signifie relier rejoindre, c'est à dire rétablir un lien qui a été rompu. Lorsque l'on disait religio mihi est - quelque chose est " religio pour moi " cela siognifiait que ce quelque chose avait un caractère d'obligation pour moi. L'expression n'incluait pas seulement les observances cultuelles - qui prenaient parfois elles-mêmes le nom de religiones à tel point qu'il y avait une religio, ou une enemble d'onservances, différentes dans chaque sanctuaire - mais elle comprenait égelement les serments civiques et les rituels familiaux; toutes choses que les Occidentaux modernes considèrent normalement comme étant " séculières ". Lorsque religio faisait vraiment référence, dans la Rome antique, aux sacrifices perpétrés au temple; il était alors possible - et même courant parmi certains intellectuels - de pratiquer la religio, mais non de croire à l'existence des dieux. Bien que Cicéron, dans son De Natura deorum, émette des théories sociales et psychologiques naturalistes pour expliquer l'origine de la croyance dans les dieux, il était lui-même prêtre tout en conservant sa position au sein du collège des Augures de la République. Comme le signale S.N. Balagangadhara, cela lui a été possible car la religio était alors indifférente à toute doctrine théologique et qu'elle portait surtout sur les coutumes et traditions qui étaient de levain de l'ordre social romain. pages 102-103
Commentaire c'est donc surtout une religion soutenant de l'ordre social avec un caractère d'obligation sociale ou rituelle indépendante de toute conviction intime. Toute personne voulant déroger à ces pratiques est qualifié " d"athée ". Le shinto japonais est encore une religion de ce type et les premiers chrétiens japonais ont été accusés d'athéisme en référence à cette conception de la religio - très similaire à la religio de la Rome antique. Les premiers chrétiens avaient été de la même façon accusés d'athéîsme aux premiers siècles en raison de leur refus de sacrifier à l'empereur-dieu. Toute utilisation exclusive de la religion comme support de l'ordre social - avant tout autre considération - s'apparente de près ou de loin à cette conception n° 1 de la religion.
A suivre, c'est un peu long désolé ... mais je remarque déjà que la laïcité-religion de la République présentée par Vincent Peillon (éventuellement légèrement différente de la laïcité de la Loi de 1905) a plusieurs points communs remarquables avec cette première conception de la religion de la Rome antique : 1. par l'objectif prépondérant de l'ordre social, 2. par le caractère obligatoire de pratiques prescrites par la loi et 3. par le caractère indifférent des convictions personnelles de l'individu qui se soumet à ces obligations rituelles et/ou sociales.
De mon point de vue, on est peu ou prou en présence d'une " Religion de l'Etat (= César) " ou de la " Cohésion Nationale " - avec ou sans Dieu.
Il existe deux autres acceptions : celle de christianisme médiéval et celle de la Réforme qui va conduire à la compréhension actuelle du mot religion (c'est long ... à suivre).
Roque- Messages : 5064
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Re: [SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
Ce que tu évoques là est certes intéressant mais ce n'est là qu'un aspect de la religion, relatif aux normes sociales. Dans certaines sociétés le paraître social a une prédominance différente. Cet aspect n'a d'ailleurs pas disparu et n'est pas incompatible avec l'autre aspect, plus personnel, dont on parle plus de nos jours sous le vocable religion. Nous ne sommes pas informés par cette explication sur la nature de la relation intérieure de l'homme vis-à-vis du divin. Et je ne conçois pas qu'elle soit inexistante. Il y aurait lieu de reprendre ainsi l'étude des mêmes périodes ainsi décrites sur le plan de la relation personnelle pour s'approcher de l'aspect envisagé de nos jours.
Sous l'aspect social, je comprends mieux le vocable "religion" que tu appliques à la laïcité. Mais je te rappelles qu'à mon sens, comme au sens commun de nos jours, cet aspect social est insuffisant pour qualifier une attitude de religieuse, puisque de nos jours, et à mon avis également jadis , nous désignons par là surtout la relation intérieure de l'homme à Dieu (voir définition CNRTL )
Et c'est cet aspect dont j'aimerais que l'on parle.
Sous l'aspect social, je comprends mieux le vocable "religion" que tu appliques à la laïcité. Mais je te rappelles qu'à mon sens, comme au sens commun de nos jours, cet aspect social est insuffisant pour qualifier une attitude de religieuse, puisque de nos jours, et à mon avis également jadis , nous désignons par là surtout la relation intérieure de l'homme à Dieu (voir définition CNRTL )
Et c'est cet aspect dont j'aimerais que l'on parle.
Re: [SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
J'ai bien aimé ces deux définitions :
Source : Psychologie Des Religions de R. Otto & C. G. Jung.
Première définition :
La religion est considérée comme une attitude religieuse que l’individu doit adopter à l’écoute de ce que l’inconscient a à lui dire :
" La religion me semble être une attitude spéciale de l’esprit vis-à-vis de certains facteurs dynamiques qui agissent en nous, et que nous concevons comme des puissances, des dieux, des démons, des lois, des idées quels que soient les noms que l’homme leur a donnée, puissances, qu’il a éprouvées assez dangereuses, assez bienfaisantes pour en tenir compte, pour les aimer et les adorer lorsqu’elles se présentent à lui sous un aspect de beauté et de grandeur et lorsqu’elles donnent un sens à leur vie ". (Michel Casenave, C.G. Jung, p 355)
Seconde définition :
La religion est une prise en considération attentive, une observation consciencieuse de ce que Otto a appelé le numineux, c’est-à-dire une puissance qui domine l’homme indépendamment de sa volonté et qu’il attribue à une présence invisible :
" La religion est, ainsi que l'exprime le mot latin religere, une prise en considération attentive, une observation consciencieuse de ce que Rudolf Otto a appelé le "numen", ou le "numineux" (das Numinosum), c'est-à-dire une puissance qui domine l'homme indépendamment de sa volonté, et qu'il attribue à une présence invisible. " (Michel Casenave, C.G. Jung,p 334)
Source : Psychologie Des Religions de R. Otto & C. G. Jung.
Invité- Invité
Re: [SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
L'APPROCHE DU RELIGIEUX
Source : Psychologie Des Religions de R. Otto & C. G. Jung.
Le sacré
De manière générale, le terme "sacré" répond à une définition claire et précise. En effet, il porte en lui un sens moral. Il désigne ce que nous pourrons qualifier de "bon". Pour illustrer ce propos, prenons son contraire : profane. Généralement, cet adjectif a une connotation négative : une action profane est par principe opposée au bien et par conséquent au sacré. Pourtant, le sens que nous lui prêtons n'est plus le même qu'à l'origine où il n'appartenait qu'au domaine religieux. Ce sens original du terme "sacré", dénué de toute rationalité, non-définissable par des concepts et donc d'une nature complètement différente de l'image première qui se forme en nos esprits lorsque nous l'évoquons, Otto l'appelle le "numineux". En effet, selon lui il est indispensable de trouver un terme qui désigne le "sacré" dans son sens religieux, un terme qui puisse contenir l'aspect irrationnel et originaire de ce mot. Le numineux est donc le sacré diminué de son sens moral et rationnel.
Le mysterium tremendum/le sacré :
C'est un sentiment qui ressemble à la peur mais qui n'est pas la peur naturelle. Otto cherche donc un autre terme pour les différencier. Pour ce faire, il explore les significations de ce terme que donnent d'autres langues. Par exemple en anglais où le terme "awe" ou en allemand celui de "schauervoll" qui signifient une "terreur sacrée". Ces comparaisons linguistiques lui permettent de conclure que dans d'autres langues ce terme signifie bien plus que la frayeur naturelle, mais une frayeur qui aurait pour objet quelque chose d'irrationnel, de "sacré" au sens originaire du terme, une terreur mystérieuse. Otto a son terme : mysterium tremendum.
Le fascinans
Le fascinans est une impulsion paradoxalement liée au mysterium tremendum car il est son contraire. En effet, si le tremendum est le mystère, l'effroi, la répulsion que procure le numineux, le fascinans est l'attirance et l'ivresse. Selon Otto, ces deux entités forment une "harmonie des contrastes". Cela s'explique par le fait que le mystère a un côté merveilleux que l'âme recherche. Cette recherche, celle de la paix de l'âme, est intuitive mais donne à l'homme le désir de trouver un moyen de se l'approprier, d'où les rites sacramentaux que nous pouvons observer dans différentes religions. Ainsi, les demandes au dieu, les sacrifices, les actions de grâce sont autant de méthodes pour atteindre ce but.
L'auguste
L'expérience de l'auguste a lieu lorsque l'individu réussi à dégager le numineux de toute crainte, de tout tremendum. C'est l'expérience de dieu par excellence. Il s'en dégage alors un sentiment d'humilité face au créateur. Pour l'exemple, Otto cite les termes d'Esaie et de Pierre qui, en la présence du numineux s'écrient; "J'ai des lèvres impure et appartient à un peuple impure" (R.Otto, ibid., p.82). Il y aurait donc, face au numineux une réaction de dépréciation de soi que l'auteur appelle "le sentiment de l'état de créature" (R.Otto, ibid., p.25).
Source : Psychologie Des Religions de R. Otto & C. G. Jung.
Invité- Invité
Re: [SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
Je ne vais pas commenter pour l'instant ces définitions qui tentent d'approcher en fait " l'expérience religieuse ". Cette approche subjective est moderne. Pour ce que j'en sais : elle dérive de débats qui ont eu lieu d'abord dans la chrétienté au 15ème (la Réforme) puis en dehors au 17ème siècle (Locke).Cebrâîl a écrit:J'ai bien aimé ces deux définitions :
Yahia pour l'instant je vais developper la conception de la religion n° 2 qui est - approximativement - celle du Moyen Age : entre le 6ème et le 13ème siècles.
La religio est un concept relativement mineur pour les premiers chrétiens, et ce, en partie, parce qu’elle ne correspondait alors à aucun concept particulier que les auteurs bibliques considéraient important. Page 103.
Le sujet d’Augustin - [dans le De vera religon à la fin du 4ème siècle] - n’est pas de présenter le « christianisme » comme étant une – ou la – « religion » vraie en comparaison des autres religions comprises comme étant des ensembles systématiques de notions et de rites. Pour Augustin, religio signifie culte, l’action par laquelle nous rendons grâce. Il y a le vrai culte et le faux culte. Le faux culte est orienté vers de nombreux dieux ou vers de simples créatures. Le vrai culte est orienté vers le Dieu unique tel qu’il est révélé en Jésus-Christ, il se trouve donc avant tout dans l’Eglise catholique. Il y a cependant des parcelles de vérité partout ailleurs et des traces du Créateur dans la création. L'élan vers le culte est présent en tout être humain qui est un être inachevé désirant ardemment son Créateur. Page 104,
A l’époque médiévale, le christianisme n’était pas une religion à part, ou contre les autres religions et systèmes dont les notions portaient sur la nature des choses et leurs rites correspondants, par exemple le bouddhisme, l’islam, l’hindouisme; etc .. La doctrine n’était pas sans importance pour cultiver la vraie religio, mais la religio chrétienne n’était pas un système de notions sur la réalité. C’était plutôt une vertu, une disposition de la personne qui élevait son action pour qu’elle devienne participation à la vie de la Trinité. Etant une vertu, la religio chrétienne était un type d’habitus, une disposition de la personne à l’excellence morale obtenue par des disciplines hautement spécifiques de l’âme et du corps. La religio n’était pas tant une question d’apprentissage de certaines notions universelles exactes sur le monde qu’une question de formation à des habitudes corporelles. Comme Asad le remarque dans son étude sur le monachisme médiéval :.La formation/transformation des dispositions morales (vertus chrétiennes) dépendait de bien plus que la seule capacité d’imaginer, percevoir et imiter – ces aptitudes qu’après tout chacun possède à des degrées divers. Cela requérait un programme particulier de pratiques disciplinaires. Les rites qui étaient prescrits par ce programme n’évoquaient ou ne libéraient pas simplement des émotions universelles – le désir (cupiditas/caritas), l’humilité (humilitas), la contrition (contritio) – émotions dont dépendait la vertu chrétienne centrale de l’obéissance à Dieu. Ce point doit être mentionné car les émotions mentionnées ici sont des sentiments humains universels … Ce sont des émotions historiquement spécifiques qui sont structurées intérieurement et qui sont reliées selon des voies historiquement déterminées [par le programme de la discipline monastique]. Elles sont issues, non par simple lecture de symboles, mais de procédure de pouvoir. Page 108
Pour Thomas d’Aquin, la religio est une vertu, une vertu est un type d’habitudes et les habitudes sont produites par la répétition de certains actes. Ces actes impliquant nécessairement le corps qui n’est pas simplement le réceptacle de l’äme. L’âme et le corps forment une unité psychososmatique, et l'âme n’est pas une chose à part, mais la « forme » du corps. Ce point n’est pas spécifique à Thomas d’Aquin, mais il est partagé par la Chrétienté médiavale en général. Dans les écrits d’Hugues de Saint Victor par exemple :C’est la discipline imposée au corps qui forme la vertu. Le corps et l’esprit ne font qu’un : les mouvements désordonnés du premier trahissent extérieurement (foris) l’intérieur (intus) déréglé de l’âme. Mais inversement, « la discipline » peut agir sur l’âme par le corps – aux moyen de l’habit (in habitu), de l’attitude et du mouvement (in gestu), de la parole (in locutione) et des manières à table (in mensa). Page 109
Mon commentaire et résumé : Pendant la période médiévale, le terme de religio est encore plus rarement utilisé dans le discours chrétien. Page 105. Même si le mot religio est utilisé pour exprimer quelque chose proche de la « piété » et de la « vénération », il n’a cependant pas le sens de « religion » que lui donnent les hommes modernes. Pages 106 à 112.
Le sens moderne du mot religion n'est pas du tout présent pendant cette période pour quatre raisons :
1. La religio n’est pas un genre universel dont le christianisme serait une espèce particulière ;
2. La religio n’est pas un système de notion ou de croyances ;
3. La religio n’est pas un élan purement intérieur et caché dans l’âme humaine ;
4. La religio n’est pas pour les chrétiens du Moyen Age une force institutionnelle séparable des autres forces non religieuses ou séculières.
A cette époque en " Chrétienté ", la division entre le " religieux " et le " non-religieux " ne passait pas entre les clercs et les laïcs ou entre spirituel et temporel - comme on pourrait le croire - mais - approximativement - entre ceux qui avaient fait les " trois voeux " (pauvreté; chasteté et obéissance) et ceux qui ne les avaient pas faits ou qui les avaient faits, mais incomplètement. Parmi les clercs eux-mêmes on distinguait donc les prêtres " séculiers " et des prêtres " réguliers " : le plus souvent des moines. De fait les moines non prêtres étaient des laïcs " réguliers " - bien que cette expression ne soit pas en usage.
La religio telle qu’elle est connue dès le début du monachisme chrétien est d’imprégner le corps et l’âme du moine au moyen de disciplines décrites par la règle monastique. Le but est la participation à la vie trinitaire. La Règle de Saint Benoit fondateur du monachisme au 6ème siècle est considérée jusqu’à Thomas d’Aquin au 13ème siècle comme la forme la plus haute de la religio. Page 108. La notion de religio englobe donc pratiquement toutes les activités du moine, notamment la piété personnelle, les rites externes et d’autres disciplines propres au culte. Page 109.
Cette conception n° 2 de la religion est celle d'une discipline, d'une mise en condition par des pratiques, par une atttitude constantes qui vont développer des dispositions pour atteindre un but visé. Attention, ici, le perfectionnement moral - si c'est possible -n'est là qu'un moyen, mais pas le but. Dans le monachisme chrétien, le but est la participation à la vie trinitaire. Dans la pratique du zen, le but est le " satori " ou le " kensho ". Le point commun avec le monachisme chrétien est que seul le point ultime compte - pas du tout les étapes du chemin. Pour prendre une image - à moi - le moine zen s'expose pendant des décennies à la survenue du satori comme s'il se tenait nu les pieds dans l'eau au sommet d'une montagne pour " attraper un coup de foudre ". Il se donne toutes les chances et après ... il attend patiemment - on ne peut pas dire avec " amour " parce que cette terminologie n'existe pas dans la bouddhisme, mais qui sait ? Que ce soit dans le zen ou dans la vie monastique, se faire " un " (monos) s'unifier est un moyen en fonction du but ultime - mais pas du tout le but en soi. Et ce moyen c'est la religion au sens n° 2.
Pour rendre mon explication plus saisissante, cette demarche a quelque point de ressemblance aussi avec le Kama Sutra. Il faut bien sûr s'entendre : par Kama Sutra je veux parler de la notion d'origine - avant notre ère - où le terme " kama " réfère à la jouissance que peuvent se donner des personnes au moyen des cinq sens, alors que " sutra " représente les enseignements reliés à l’amour, à l’esprit et à l’âme. Selon ces écrits, on ne peut pas prétendre au kama (le plaisir, l’eros grec) si on se livre à des relations sexuelles sans sutra (l’amour). Je me refère donc à une pratique assidue et faite d'apprentissage humble et patient sensé mener à l’expérience d’une volupté suprême qui soit une intuition du divin - en quelque sorte : le " kama " servant de support au " sutra " et où seule l'expérience de volupté ultime (sorte de satori) entraînerait de réel attachement. On peut toujours le supposer possible !
Il est bien évident que tout cela n'a rien à voir ni avec notre notion de religion actuelle, ni avec la laîcité - sorte de religion de l'Etat ou de la cohésion nationale, etc ... - décrite par Vincent Peillon (autre sujet).
Roque- Messages : 5064
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Re: [SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
Je propose ce texte de l'historien Jean-Claude Schmitt :
Jean-Claude Schmitt n'est pas le seul historien à contester, pour des raisons méthodologiques, l'usage anachronique du concept de religion pour des périodes antérieures au XVIIIe siècle. Il rejoint en celà Philippe Borgeaud, qui travaille sur la période antique. L'un et l'autre proposent des solutions similaires afin dépasser le problème: étudier des « systèmes symboliques », « des représentations et des pratiques sociales» plutôt que de projeter sur la réalité le modèle a priori de la religion (plus ou moins calquée sur un Christianisme simplifié).
Mais il fallait porter la critique plus loin encore : la notion même de « religion » est-elle justifiée quand l'historien s'applique à rendre compte des représentations et des pratiques rituelles, collectives et individuelles, ayant trait à la représentation du divin dans l'Europe médiévale ? « Religion » : voilà un mot qui semble venir tout droit des « siècles de foi » du Moyen Age. Il pourrait justifier à lui seul que l'« histoire religieuse » du Moyen Âge s'établît sur des définitions strictes, avec un programme de travail précisément délimité. Pourtant, la religion, telle que nous la définissons aujourd'hui, est une invention de date récente de notre culture. Elle ne remonte pas plus haut que les Lumières du XVIIIe siècle. Au Moyen Âge, la religion n'existe pas. Le mot religio existe, mais il désigne avant tout un « ordre religieux » ou le lien que consacre le vœu religieux. Mieux vaut donc, pour éviter toute confusion, employer d'autres mots et parler plutôt, comme les anthropologues, de systèmes symboliques — ou, d'une manière moins stricte, de « dimensions symboliques » —, c'est-à-dire de croyances, de mythes, de rites qui innervent l'ensemble des représentations et des pratiques sociales, parmi lesquelles nous n’avons que trop tendance aujourd’hui à distinguer, avec un égal anachronisme, l’ « économie », la « politique » ou la « religion ».
(Les corps, les rites, les rêves, le temps, Paris, éd. Gallimard, 2001, p. 10-11)
Jean-Claude Schmitt n'est pas le seul historien à contester, pour des raisons méthodologiques, l'usage anachronique du concept de religion pour des périodes antérieures au XVIIIe siècle. Il rejoint en celà Philippe Borgeaud, qui travaille sur la période antique. L'un et l'autre proposent des solutions similaires afin dépasser le problème: étudier des « systèmes symboliques », « des représentations et des pratiques sociales» plutôt que de projeter sur la réalité le modèle a priori de la religion (plus ou moins calquée sur un Christianisme simplifié).
Blaise- Messages : 220
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Re: [SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
Merci de m'avoir fait découvrir cet auteurBlaise a écrit:Je propose ce texte de l'historien Jean-Claude Schmitt
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Re: [SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
Il est certes intéressant de bien remarquer que l'usage du mot religion a varié au fil des temps, et que en utilisant ce mot de nos jours, on désigne un autre phénomène que celui qu'au désignait par exemple au moyen-âge. Il est intéressant également de ne pas s'enfermer dans des catégories héritées du christianisme ( c'est le propos de Borgeaud) lorsque que l'on étudie les religions en général.Blaise a écrit:Je propose ce texte de l'historien Jean-Claude Schmitt :
Jean-Claude Schmitt n'est pas le seul historien à contester, pour des raisons méthodologiques, l'usage anachronique du concept de religion pour des périodes antérieures au XVIIIe siècle. Il rejoint en cela Philippe Borgeaud, qui travaille sur la période antique. L'un et l'autre proposent des solutions similaires afin dépasser le problème: étudier des « systèmes symboliques », « des représentations et des pratiques sociales» plutôt que de projeter sur la réalité le modèle a priori de la religion (plus ou moins calquée sur un Christianisme simplifié).
MAIS de là à dire que l'emploi du mot religion est "anachronique"! C'est comme si parler d' économie ou de liens sociaux pour une époque ou on ne pensait pas ces réalités serait "anachronique" alors que l'conomie, même non pensée, était bien un phénomène réel. Non, on essaye juste d'analyser de manière contemporaine, des réalités vécues jadis ou ailleurs, autrement ou de façon similaire avec nos mots d’aujourd’hui. Par exemple,ne pas confondre l'usage du mot démocratie à Athène et notre usage contemporain ne revient pas à invalider notre concept actuel.Il en est de même de la religion. Notre seul effort nécessaire est de ne pas confondre nos mots et les leurs.Que le mot "religion" soit compris autrement jadis ou ailleurs, n'empêche nullement que le concept de religion, tel qu'on le pense actuellement, puisse également s'appliquer aux réalités passées ou lointaines. Donc dire que telle civilisation, ,à telle époque réservait au domaine rituel externe et social la signification du mot religion ne nous empêche nullement de tenter de savoir si pour cette même époque, et pour cette même civilisation, notre concept actuel de religion, qui est autre, peut également s'appliquer. Penser l'aspect "rituel externe et social" d'un phénomène ne nous dispense pas de penser l'aspect " relation personnelle". Ces deux aspects peuvent coexister-ou non- s'opposer ou se rejoindre. Comprendre la manière de penser de jadis ou ailleurs est certes indispensable pour ne pas se tromper, mais cela ne nous dispense pas de penser à notre manière , avec nos mots d’aujourd’hui.
Vous risquez fort en vous lançant ainsi dans l'analyse historique et sociologique des religions, par ailleurs intéressante, d'en compliquer encore le concept,et non pas de l'éclaire, voire d'oublier le volet actuel du débat : vous, personnellement , aujourd’hui et maintenant; quelle est votre conception de la religion ?
Avec la question secondaire qui sous-tend le débat: Pensez-vous que "la religion" s'applique à votre seule rite, votre seule croyance, ou avez vous une pensée plus globale de ce phénomène ?
.
Re: [SD] Qu'est-ce que "la religion" ?
Ce que je dis, c’est que le concept moderne de « religion » procède à un découpage arbitraire de la réalité sociale ; qu’il isole et classifie, en fonction de préjugés hautement contestables, certains phénomènes plutôt que d’autres. Vous partez d’une évidence, la religion ; mais cette « évidence » n’est au fond qu’une opinion, et comme telle peut être soumise à vérification.
Ces lignes de Michel Foucault illustrent assez bien ma démarche initiale :
La « religion » est un opérateur de classement ; voilà mon point de départ. Or je constate, après enquête, que les ensembles prétendument cohérents de phénomènes, qualifiés de religion, reposent sur un arbitraire pur et simple.
Effectivement, j’ai une définition de la religion, celle des Pères de l’Eglise – qui n’est pas celle, dominante en leur temps, des Latins. Je me suis déjà expliqué à ce sujet. Par contre, le théologien William Cavanaugh, très critique à l’égard de la notion moderne de religion, fait abondamment usage de la religion prise dans son acception romaine ancienne. Je ne suis pas puriste en la matière; mais la voie tracée par les Pères de l'Eglise me semble mieux convenir pour aborder la question du dialogue interreligieux.
La religion, telle qu'elle est massivement comprise aujourd'hui, n'est pas seulement erronnée : elle exclut. Et du coup, elle crée des barrières somme toute artificielles au dialogue interreligieux. Ceux qui n'appartiennent pas à des groupes étiquetés « religieux » se voient exclus, du moins en théorie. Je propose donc de dépasser ces blocages; Benoît XVI lors de la dernière rencontre d'Assise a bien montré qu'il ne se satisfaisait pas d'un échange qui excluerait les « non-religieux. » Le dialogue interreligieux devrait être ouvert à toute personne cherchant la vérité et oeuvrant pour la paix.
Ces lignes de Michel Foucault illustrent assez bien ma démarche initiale :
Quand nous instaurons un classement réfléchi, quand nous disons que le chat et le chien se ressemblent moins que deux lévriers, même s’ils sont l’un et l’autre apprivoisés ou embaumés, même s’ils courent tous deux comme des fous, et même s’ils viennent de casser la cruche, quel est donc le sol à partir de quoi nous pouvons l’établir en toute certitude ? Sur quelle « table », selon quel espace d’identités, de similitudes, d’analogies, avons-nous pris l’habitude de distribuer tant de choses différentes et pareilles ? Quelle est cette cohérence – dont on voit bien tout de suite qu’elle n’est ni déterminée par un enchaînement a priori et nécessaire, ni imposée par des contenus immédiatement sensibles ? (Les mots et les choses, Paris, Gallimard, 1966, p. 11)
La « religion » est un opérateur de classement ; voilà mon point de départ. Or je constate, après enquête, que les ensembles prétendument cohérents de phénomènes, qualifiés de religion, reposent sur un arbitraire pur et simple.
Effectivement, j’ai une définition de la religion, celle des Pères de l’Eglise – qui n’est pas celle, dominante en leur temps, des Latins. Je me suis déjà expliqué à ce sujet. Par contre, le théologien William Cavanaugh, très critique à l’égard de la notion moderne de religion, fait abondamment usage de la religion prise dans son acception romaine ancienne. Je ne suis pas puriste en la matière; mais la voie tracée par les Pères de l'Eglise me semble mieux convenir pour aborder la question du dialogue interreligieux.
La religion, telle qu'elle est massivement comprise aujourd'hui, n'est pas seulement erronnée : elle exclut. Et du coup, elle crée des barrières somme toute artificielles au dialogue interreligieux. Ceux qui n'appartiennent pas à des groupes étiquetés « religieux » se voient exclus, du moins en théorie. Je propose donc de dépasser ces blocages; Benoît XVI lors de la dernière rencontre d'Assise a bien montré qu'il ne se satisfaisait pas d'un échange qui excluerait les « non-religieux. » Le dialogue interreligieux devrait être ouvert à toute personne cherchant la vérité et oeuvrant pour la paix.
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