Blanquer dénonce "l'islamo-gauchisme"
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Re: Blanquer dénonce "l'islamo-gauchisme"
Michel Wieviorka : "Ceux qui dénoncent l'islamo-gauchisme l'installent dans une sorte de nébuleuse"
dimanche 25 avril 2021 19 minutes
Le sociologue, directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, vient de publier "Racisme, antisémitisme, antiracisme : apologie pour la recherche" paru aux éditions La Boîte à Pandore.
Alors que Frédérique Vidal exigeait un rapport sur "l'islamo-gauchisme" à l'université, le sociologue s'est auto-saisi de la question des champs de la recherche et a écrit un livre qu'il a remis à la ministre. "Je n'ai pas eu de retour pour l'instant", raconte-t-il. "Mais je ne désespère pas !"
Pour lui, ce concept d'islamo-gauchisme est "une drôle de construction : islamo, ça n'est pas islamismo, c'est donc tout l'islam qui est en jeu, tous les musulmans ; et gauchisme, c'est pas toute la gauche, c'est le gauchisme. C'est assez étrange."
"Les terroristes ne sont pas des gens passés par l'université"
"Admettons que cette construction nous dise quelque chose, sur une sorte de rencontre qui existerait entre certains secteurs de la gauche et certaines dérives de l'islam", pose comme hypothèse Michel Wieviorka. "Je suis allé voir à l'université, je suis ces questions depuis très longtemps."
"Je ne dis pas qu'il n'y a rien. Mais ce n'est pas grand chose."
Pour le sociologue, "on vit avec la hantise et parfois la réalité du terrorisme. C'est pas des gens qui sont passés par l'université dont il est question ! Il y a d'autres problèmes, et la ministre a tout amalgamé. Elle a fait des déclarations pour faire un lien entre l'islamo-gauchisme qu'elle attribue à l'université, en parlant de gangrène, une maladie, avec l'invasion du capitole le 6 janvier 2021 ! Tout ça n'est pas très sérieux. Les mêmes qui dénoncent l'islamo-gauchisme l'installent dans une sorte de nébuleuse où il y aurait aussi les études post-coloniales, les études décoloniales, tout est mélangé."
"C'est une vision qui ignore ce qui se passe dans l'université, dans l'univers de la recherche en sciences sociales", assure Michel Wieviorka. "Il s'y passe des choses intéressantes, contestables mais qui méritent d'être examinées sérieusement plutôt que d'être balayées d'un revers de main."
En utilisant le même mot pour deux choses différentes, "on fabrique de la confusion"
Il revient également sur la question de la racialisation, où le terme "race" n'a pas le même sens que dans le racisme historique. "La race, pendant des siècles, c'était une idée scientifique", rappelle le sociologue. "Depuis les années 70, il y a toute une façon de penser en général le social et en particulier les questions de races, qui consiste à dire que tout est construction sociale. La race n'est pas une réalité physique, mais une construction sociale : c'est la société qui fabrique l'idée de race."
"On arrive à ce moment de grande confusion où c'est le même mot "race" sert à désigner quelque chose de nocif et proprement raciste,
mais aussi quelque chose de sociologique. On fabrique de la confusion !"
Pour Michel Wieviorka, l'intersectionnalité dont on parle également beaucoup, "avant d'être dans la revendication, c'est d'abord un outil pour analyser le réel. C'est l'idée que si vous cumulez les risques de discrimination (genre, "race", handicap, sexualité), ce que vous allez subir n'est pas simplement l'addition des difficultés, mais quelque chose de plus : ça fait système. L'idée d'intersectionnalité, c'est l'idée que si on veut réfléchir aux discriminations, il ne faut pas mettre chacune dans une sorte de silo, il faut les analyser dans leur ensemble."
"C'est intéressant comme idée", assure le sociologue. "Mais de là à en faire un combat politique... On entend des choses assez consternantes. Mais ce ne sont pas les chercheurs qui sont au cœur de ce combat politique ! Ce sont des politiques. Le débat, qui pourrait être un débat scientifique, passe au débat public, où tout est simplifié, tout est amalgamé, on ne sait pas de quoi on parle. Et on met à mal la raison, le souci d'être sérieux, et le souci de comprendre ce que disent les autres, le souci d'échanger."
https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-du-week-end/l-invite-du-week-end-25-avril-2021
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Re: Blanquer dénonce "l'islamo-gauchisme"
Faut-il encore rappeler qu'on ne parle pas de personnes ou d'entités poursuivant un but déclaré ou occulte, mais d'une tendance globale, facile à expliquer. Il serait bien plus difficile d'expliquer qu'elle ne se manifeste pas si elle ne se manifestait pas.
L'Islam, pas seulement l'islamisme, joue énormément, depuis le début, sur la victimisation, vraie ou supposée. C'est ancré dans sa culture. La gauche, depuis le début (Révolution française), est axée sur la défense des défavorisés, donc des victimes. Ce n'est certainement pas infamant en soi. Mais les deux ne peuvent que converger, susciter des synergies et complicités, d'une manière ou d'une autre. A quoi peuvent s'ajouter l'electoralisme à courte vue, le clientélisme.
L'Islam, pas seulement l'islamisme, joue énormément, depuis le début, sur la victimisation, vraie ou supposée. C'est ancré dans sa culture. La gauche, depuis le début (Révolution française), est axée sur la défense des défavorisés, donc des victimes. Ce n'est certainement pas infamant en soi. Mais les deux ne peuvent que converger, susciter des synergies et complicités, d'une manière ou d'une autre. A quoi peuvent s'ajouter l'electoralisme à courte vue, le clientélisme.
Re: Blanquer dénonce "l'islamo-gauchisme"
Plutôt que de tendance globale, je parlerais de tendance diffuse. Reste que le terme est une trouvaille astucieuse et d'un populisme extrêmement malhonnête — à la fois parce qu'on met islam et intégrisme dans le même sac et qu'on confond sensibilité de gauche et gauchisme. C'est quand même assez dégueulasse. J'ai connu ce genre de propagande en vivant en Allemagne fin des années 60 : la CDU (droite catholique) expliquait que si les sociaux-démocrates venaient au pouvoir (ce qui est arrivé en 69), ce serait la dictature communiste. Il n'en a rien été, et Willy Brandt a été très bénéfique pour l'Allemagne, entraînant le dégel des relations avec l'Est.
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Re: Blanquer dénonce "l'islamo-gauchisme"
Qu'est-ce que ça change ?Jans a écrit:Plutôt que de tendance globale, je parlerais de tendance diffuse.
Autant que je sache, ce terme est d'abord venu non de quelconques mouvements populistes, même s'il a pu y avoir récupération, mais d'ex-musulmans qui se rendaient de plus en plus compte, pas seulement en France, que leurs cris d'alarme se heurtaient à une opposition quasi-systématique, largement sous-tendue par les valeurs de la gauche et la victimisation alléguée des musulmans.Jans a écrit:Reste que le terme est une trouvaille astucieuse et d'un populisme extrêmement malhonnête — à la fois parce qu'on met islam et intégrisme dans le même sac et qu'on confond sensibilité de gauche et gauchisme. C'est quand même assez dégueulasse.
Re: Blanquer dénonce "l'islamo-gauchisme"
et Blanquer ?
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Re: Blanquer dénonce "l'islamo-gauchisme"
Je ne suis pas dans sa tête. Mais pourquoi n'aurait-il pas aussi été sincèrement indigné par une tendance trop répandue à ses yeux dans les université ?Jans a écrit:et Blanquer ?
Re: Blanquer dénonce "l'islamo-gauchisme"
Cela me rappelle l'indignation de François Copé déclarant comprendre le père de famille à qui son fils raconte qu'un musulman, lors du ramadan, a enlevé son pain au chocolat à la récré ! sauf que, on l'a appris plus tard, l'histoire avait été totalement inventée.
Cela dit, l'endoctrinement islamiste de certains élèves est une réalité dans certains quartiers. Au moins temporaire, car, adultes, ils se calment et ne deviennent pas des terroristes — sinon ce serait déjà le chaos.
Cela dit, l'endoctrinement islamiste de certains élèves est une réalité dans certains quartiers. Au moins temporaire, car, adultes, ils se calment et ne deviennent pas des terroristes — sinon ce serait déjà le chaos.
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Re: Blanquer dénonce "l'islamo-gauchisme"
Je rappelle encore une fois que le terrorisme n'est qu'un moyen parmi d'autres, dont certains très suaves, pour atteindre un but.Jans a écrit:Cela me rappelle l'indignation de François Copé déclarant comprendre le père de famille à qui son fils raconte qu'un musulman, lors du ramadan, a enlevé son pain au chocolat à la récré ! sauf que, on l'a appris plus tard, l'histoire avait été totalement inventée.
Cela dit, l'endoctrinement islamiste de certains élèves est une réalité dans certains quartiers. Au moins temporaire, car, adultes, ils se calment et ne deviennent pas des terroristes — sinon ce serait déjà le chaos.
Ce n'est pas parce qu'on a échappé à ce péril, ou qu'il a été instrumentalisé de façon douteuse, qu'il n'a jamais existé, qu'il n'aurait pas triomphé si on n'avait pas fait ce qu'il fallait.Jans a écrit:J'ai connu ce genre de propagande en vivant en Allemagne fin des années 60 : la CDU (droite catholique) expliquait que si les sociaux-démocrates venaient au pouvoir (ce qui est arrivé en 69), ce serait la dictature communiste.
Ibn Warraq aime reprendre à son compte, en tant qu'ex-musulman, cet avertissement d'Arthur Koestler du temps de la guerre froide : "Vous détestez nos cris de Cassandre et vous nous refusez comme alliés, mais nous, ex-communistes, sommes les seuls de votre côté à savoir ce qui est en jeu".
Re: Blanquer dénonce "l'islamo-gauchisme"
Tu lis de travers, ce n'est pas possible : Il n'y avait pas de péril communiste venant de la SPD, sauf dans la tête de certains Bavarois et Rhénans très à droite.Ce n'est pas parce qu'on a échappé à ce péril, ou qu'il a été instrumentalisé de façon douteuse, qu'il n'a jamais existé, qu'il n'aurait pas triomphé si on n'avait pas fait ce qu'il fallait.
Et que n'a-t-on dit du péril communiste quand Mitterrand est arrivé au pouvoir ! Mon père, médecin, croyait d'ailleurs qu'il allait devoir payer des impôts monstrueux...
Dans mon collège privé catholique, on m'expliquait aussi à 16 ans qu'aller au lycée public pour la terminale, c'était affronter l'athéisme et le chaos ! En fait, j'ai découvert surtout des profs agrégés très au-dessus des enseignants du privé.
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Re: Blanquer dénonce "l'islamo-gauchisme"
Je n'ai pas dit le contraire. Je dis que le "péril communiste" existait encore globalement. Même si on pouvait déjà se rendre compte que le bloc soviétique pourrissait irrémédiablement de l'intérieur. C'est d'ailleurs surtout ça qui y a mis fin, mais il avait quand même fallu le prendre au sérieux.Jans a écrit:Tu lis de travers, ce n'est pas possible : Il n'y avait pas de péril communiste venant de la SPD, sauf dans la tête de certains Bavarois et Rhénans très à droite.
Re: Blanquer dénonce "l'islamo-gauchisme"
La sincérité est un sentiment totalement inconnu de Blanquer, personne bien connue de mon institution.Spin a écrit:Je ne suis pas dans sa tête. Mais pourquoi n'aurait-il pas aussi été sincèrement indigné par une tendance trop répandue à ses yeux dans les université ?Jans a écrit:et Blanquer ?
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Re: Blanquer dénonce "l'islamo-gauchisme"
Je ne le connais pas plus que ça pour ma part, et je peux comprendre les ressentiments multiples. Mais je trouve un peu inquiétant qu'on puisse affirmer ça, de qui que ce soit à la limite.-Ren- a écrit:La sincérité est un sentiment totalement inconnu de Blanquer, personne bien connue de mon institution.
Re: Blanquer dénonce "l'islamo-gauchisme"
Mon expression était volontairement caricaturale, mais on va reformuler plus précisément : factuellement, dans le cadre de l'EN, cet individu s'est illustré par une capacité au mensonge et à la tromperie visiblement inépuisable.Spin a écrit:Je ne le connais pas plus que ça pour ma part, et je peux comprendre les ressentiments multiples. Mais je trouve un peu inquiétant qu'on puisse affirmer ça, de qui que ce soit à la limite.
Un exemple tout frais : le recours contre la loi Molac ( https://www.francebleu.fr/infos/education/recours-contre-la-loi-molac-sur-les-langues-regionales-mais-de-quoi-ont-ils-peur-1619144191 ) > nous avons déjà 2 députés qui ont signalé qu'ils y avait usurpation d'identité et qu'ils n'avaient PAS signé le fameux recours.
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Re: Blanquer dénonce "l'islamo-gauchisme"
Lu sur Blanquer wiki :
Le problème éternel des gens de sensibilité droite-très libérale (Blanquer est dans la ligne de Sarkozy, qu'il a servi) est de ne pas estimer les fonctionnaires en général et les enseignants en particulier, surtout collèges et lycées, peu dociles, trop à gauche (ce qu'il faudrait nuancer..), qui coûtent trop cher... (il a été directeur de l'ESSEC) et que des établissements privés remplaceraient avantageusement... Mais là, on met le feu aux poudres ! On procède donc par petits pas... par exemple, on va attribuer des CPGE (classes préparatoires) à un établissement privé sous contrat plutôt qu'au lycée d'à côté qui les demande depuis longtemps (je sais de quoi je parle, j'y étais).En mai 2020, un groupe d’enseignants, de chercheurs, d’inspecteurs généraux, de directeurs académiques et de hauts cadres de l’administration centrale signe une tribune publique dans laquelle on peut lire : « Dans ce climat aux ordres, le cabinet ministériel manie contrôles, censures, dans un management autoritaire fondé sur la suspicion, la menace, le verrouillage de toute expression qui ne serait pas « dans la ligne ». Les recteurs et les directeurs d’académie sont convoqués pour une grand-messe qui nie leur marge d’autonomie et d’expertise. Ces procédés sont inédits, jamais vus à ce niveau dans l’école de la République
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Re: Blanquer dénonce "l'islamo-gauchisme"
Les propos ci-dessus reproduits de Valérie Pécresse sont franchement absurdes, écoeurants, assez dégueulasses et ne vont engendrer que de la haine.
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Re: Blanquer dénonce "l'islamo-gauchisme"
Si tu veux, mais les ex-musulmans sont nombreux à dire peu ou prou la même chose sur la tendance dominante de la gauche actuelle (et pas qu'en France)... qu'il y ait aussi des compromissions à droite, comme l'explique Bardella, n'y change rien.Jans a écrit:Les propos ci-dessus reproduits de Valérie Pécresse sont franchement absurdes, écoeurants, assez dégueulasses et ne vont engendrer que de la haine.
Re: Blanquer dénonce "l'islamo-gauchisme"
La gauche actuelle... elle est moribonde, décomposée, inexistante, et ce n'est que justice : une fois au pouvoir, ils furent aussi injustes et avides que les autres.
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Re: Blanquer dénonce "l'islamo-gauchisme"
Un vrai-faux colloque à la Sorbonne pour mener le procès du « wokisme »
8 janvier 2022 Lucie Delaporte et Mathilde Goanec
Vendredi 7 et samedi 8 janvier s’est tenu à la Sorbonne un colloque éloigné des canons du genre, mais patronné par d’illustres visiteurs, dont le ministre de l’éducation nationale, qui a par ailleurs aidé à financer l’événement. « Épidémie de transgenres », « soleil noir des minorités » : les formules ont fleuri pour qualifier la manière dont le décolonialisme et les études intersectionnelles martyriseraient l’université française.
[...]
En plus des agents de la Sorbonne, légèrement sur les dents, des jeunes du très droitier syndicat UNI (Union nationale universitaire) font le contrôle des passes sanitaires et des identités, sweat-shirts floqués à leurs couleurs sur le dos. Ce sont d’ailleurs quasiment les seuls étudiants présents, les cheveux blancs étant plutôt dominant dans l’assistance. Deux jeunes gens s’en plaignent auprès de l’un des intervenants : « Les étudiants ont eu peur de venir, c’est sûr, mais nous vous soutenons ! »
Mais pour l’heure, la star du jour s’appelle Jean-Michel Blanquer, présent à la tribune en ouverture des travaux. Le ministre de l’éducation nationale remercie les organisateurs pour ce colloque sur un thème « si essentiel », « pour avoir eu le courage et la persévérance de l’organiser », et s’excuse par avance de la brièveté de son passage, « en raison de la crise sanitaire », mais il « devait être là, en Sorbonne ». Le ministre a même financé l’événement sur un fonds réservé. « Quand l’université ne soutient pas les universitaires, il faut bien qu’ils aillent chercher du soutien ailleurs », nous a répondu la professeure de littérature Emmanuelle Hénin, cheville ouvrière de l’opération.
Un tel patronage n’a rien d’évident. Co-organisé par deux associations extra-universitaires controversées, l’Observatoire du décolonialisme et le Collège de philosophie, l’événement ressemble plus à une discussion savante – mais très politique – qu’à un colloque selon les canons du genre.
Contactée par Mediapart, Sorbonne-Université a d’ailleurs tenu à préciser qu’elle n’avait rien à voir avec l’organisation, nous renvoyant vers la chancellerie des universités. Celle-ci, sous le patronage du recteur de Paris, propose en effet différentes salles du prestigieux bâtiment à la location pour des entreprises, des associations, autonomie des universités oblige…
L’Observatoire du décolonialisme fondé l’an dernier pour « mettre un terme à l’embrigadement de la recherche et de la transmission des savoirs » par « l’idéologie décoloniale », réunit des universitaires et des chercheurs, pour certains éminents dans leur spécialité, mais qui ont tous pour point commun de ne pas avoir de compétence particulière sur les sujets de sciences sociales dont ils parlent.
Dans une tribune publiée le 5 janvier dans Le Monde, 74 chercheurs mettaient en garde contre une telle « caricature » : « Il s’agit, est-il précisé [dans ce colloque – ndlr], de “favoriser la construction, chez les élèves et les étudiants, des repères culturels fondamentaux” et de “ faire un état des lieux, aussi nuancé que possible”. Cette recommandation laisse perplexe lorsque l’on constate que les animateurs des tables rondes sont les intervenants, et vice versa, et la quasi-totalité d’entre eux membres de l’Observatoire. Il serait vain dès lors d’attendre débat contradictoire ou mise en perspective. »
Enfin le Collège de philosophie, association loi 1901 pour le moins confidentielle, peut induire en erreur tant son nom est proche du Collège international de philosophie, une institution au rayonnement scientifique international, créée notamment par Jacques Derrida, le penseur de la déconstruction. Des intellectuels tels que Giorgio Agamben, Barbara Cassin, Jacques Rancière, Alain Badiou en ont assuré la renommée.
Et alors qu’il sera tout au long de la première journée beaucoup question de Derrida, pas un seul spécialiste connu de l’intellectuel n’est présent. « On parle de la déconstruction, qui n’est pas la propriété de Derrida, justement pour montrer que c’est un concept dynamique, pas figé, qui est aujourd’hui réinterprété », justifie Emmanuelle Hénin. Certes, mais quand l’anthropologue Albert Doja saute en quelques minutes de la dispute intellectuelle opposant Jacques Derrida et Claude Lévi-Strauss sur la « leçon d’écriture » du célèbre ouvrage Tristes tropiques à… l’écriture inclusive, on s’interroge sur le choix du panel.
Parmi les intervenants, mêmes approximations et parfois tromperies sur l’étiquette. Sami Biasoni, présenté comme philosophe, est un ancien trader en matières premières à la Société générale, ancien candidat aux municipales sur une liste dissidente de LR dans le VIIIe arrondissement de Paris, docteur en philosophie. Mais on ne lui connaît aucune publication scientifique. Pierre Valentin, également présenté comme philosophe, est en réalité « journaliste en formation », salarié depuis un an par FigaroVox. Il est l’auteur d’une note sur le « phémonène woke » pour la Fondapol, « en deux volumes ». L’agrégé de lettres classiques et adjoint à l’urbanisme à la mairie de Pecq, Raphaël Doan, devient, dans cette présentation, « historien » et intervient sur la « cancel culture ».
« Ce n’est pas un colloque scientifique, c’est une réunion politique
Ces propos trouvent un écho bien au-delà du cénacle de l’amphithéâtre Liard. En juin 2020, Emmanuel Macron disait en privé que les universitaires sont coupables d’« ethnicisation de la question sociale » » et « cassent la République en deux », des propos proches des théories des mouvements du Printemps républicain et de Vigilance université, dont nombre d’intervenants du colloque sont proches ou membres.
Jean-Michel Blanquer lui-même a parlé, visant à nouveau les universitaires, de « complicités » après l’attentat contre Samuel Paty en octobre 2020. Il y a un, an Frédérique Vidal déclenchait à son tour la consternation dans la communauté scientifique en annonçant vouloir diligenter une enquête sur « l’islamo-gauchisme » à l’université.
Le CNRS, auquel cette embarrassante mission aurait été confiée, avait immédiatement répondu par voie de communiqué que la notion n’était qu’un « slogan politique » ne correspondant « à aucune réalité scientifique ». L’organisme avait par ailleurs mis en garde contre toute « instrumentalisation de la science », en précisant qu’il condamnait « les tentatives de délégitimation de différents champs de la recherche, comme les études postcoloniales, les études intersectionnelles ou les travaux sur le terme de “race”, ou tout autre champ de la connaissance ».
Certains débats du colloque tentent de sortir de l’acrimonie, notamment sur la question de la place de l’étude de l’islam à l’université, avec les interventions moins directement polémistes du sociologue Bernard Rougier et du politologue Arnaud Lacheret, basé au Bahreïn.
Le mélange des registres n’arrange rien puisque chacun y va de son histoire personnelle, de la journaliste Claire Koç au politologue Vincent Tournier, enseignant à l’Institut d’études politiques de Grenoble, où les polémiques s’enchaînent depuis neuf mois. Ce dernier, dans une table ronde intitulée « Il faut sauver Blanche-Neige ! Totems et tabous de la cancel culture », n’y est pas allé avec le dos de la cuillère.
Relevant sous forme de blague la non-parité à la tribune (norme du colloque d’après nos observations), il disserte sur la censure dans le cinéma et fait rire en regrettant qu’une photo d’actrice nue soit peu visible sur le grand écran de la Sorbonne. « Vous ratez, messieurs, la meilleure partie du film ! » Puis, à propos de Blanche-Neige, il se demande benoîtement si le dessin animé n’est pas totalement « woke-compatible », puisqu’il met en scène des nains, et même le « quota handicapé, grâce à Simplet ».
Aucune expression réellement discordante n’a eu voix au chapitre.
« Nous avons essayé d’en inviter mais ils ne sont pas venus, par peur des réactions, explique Emmanuelle Hénin. Et d’ailleurs, quand il y a des colloques sur le colonialisme, ils ne nous invitent pas ! » Au moins trois chercheurs, dont le professeur de droit Olivier Beaud et le professeur de littérature Jean-Yves Masson, ont effectivement fini par décliner l’invitation devant l’absence de légitimité académique de certains des intervenants.
Mais les outrances l’emportent le plus souvent, dont celles de Pierre-André Taguieff, qui n’hésite pas à faire du « wokisme » un « ethnocide de grande ampleur », ou de la sociologue de l’art Nathalie Heinich, qui parle « d’abus sur enfant » en donnant les coordonnées d’une association luttant contre ce qu’elle nomme une « épidémie de transgenres » favorisée par les enseignants de l’Éducation nationale.
« Quand l’Observatoire du décolonialisme a lancé son appel lors de sa création, ils ont été 77 à répondre, 30 professeurs émérites, donc des retraités, et 60 hommes, c’est un premier élément d’explication, remarque Caroline Ibos. Ce sont des gens qui ont été puissants, très puissants, et qui se trouvent confrontés à une perte de pouvoir car oui, l’université change, et les sciences sociales aussi. Nous, on fait notre travail de chercheurs, on dirige des thèses, on gère un laboratoire, on travaille beaucoup. Nous n’avons pas le temps pour ces bêtises. »
Se poursuivant samedi 8 janvier, le colloque devait se clore par l’intervention de Gilbert Abergel, président du Comité laïcité République, et plus surprenant, de Thierry Coulhon, président du très officiel Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES). Interrogé sur la critique concernant le manque de rigueur scientifique des intitulés et la composition des panels, ce dernier reconnaît « des formulations un peu flottantes et peu rigoureuses ».
Pas de quoi faire renoncer Thierry Coulhon, ancien conseiller d’Emmanuel Macron sur l’enseignement supérieur : « Je ne suis pas là pour apporter une caution ou pour me faire instrumentaliser mais je trouve dangereux d’aller à des débats où l’on est d’accord avec tout le monde. Dans le milieu universitaire, on a intérêt à se parler. » Quitte à monologuer.
8 janvier 2022 Lucie Delaporte et Mathilde Goanec
Vendredi 7 et samedi 8 janvier s’est tenu à la Sorbonne un colloque éloigné des canons du genre, mais patronné par d’illustres visiteurs, dont le ministre de l’éducation nationale, qui a par ailleurs aidé à financer l’événement. « Épidémie de transgenres », « soleil noir des minorités » : les formules ont fleuri pour qualifier la manière dont le décolonialisme et les études intersectionnelles martyriseraient l’université française.
[...]
En plus des agents de la Sorbonne, légèrement sur les dents, des jeunes du très droitier syndicat UNI (Union nationale universitaire) font le contrôle des passes sanitaires et des identités, sweat-shirts floqués à leurs couleurs sur le dos. Ce sont d’ailleurs quasiment les seuls étudiants présents, les cheveux blancs étant plutôt dominant dans l’assistance. Deux jeunes gens s’en plaignent auprès de l’un des intervenants : « Les étudiants ont eu peur de venir, c’est sûr, mais nous vous soutenons ! »
- Spoiler:
- Dans les travées, avant l’ouverture des travaux sur « la pensée décoloniale, aussi nommée woke ou cancel culture », les discussions donnent un peu le ton : « Maintenant, si tu as un fils qui veut mettre une jupe, tu vas devoir lui dire “oui, peut-être”, se plaint un participant. Alors qu’il y a 30 ans, ça ne se faisait pas, et puis c’est tout. Aujourd’hui, tu es homme hétérosexuel le lundi, femme le mardi et tu te fais opérer le mercredi… » L'eurodéputé Les Républicains (LR) François-Xavier Bellamy tweete depuis la salle ses remerciements pour cette initiative « salutaire ».
Élisabeth Lévy, éditorialiste vedette du magazine Causeur, distribue les saluts sonores, une journaliste prend des notes pour l’Incorrect. D’autres spectateurs ont tout annulé pour entendre en vrai de vrai Mathieu Bock-Côté, chroniqueur choisi par Europe 1 et CNews en remplacement de Zemmour. « Je l’adore, il est génial, non ? »
Ils seront servis. Nombre des intervenants sont des chouchous de CNews et de FigaroVox, effrayés par la « dictature des minorités » : l’essayiste Pascal Bruckner, figure médiatique de ce courant néoconservateur qui a récemment publié Un coupable presque parfait. La construction du bouc émissaire blanc (Grasset, 2020) ; le dessinateur Xavier Gorce, qui a récemment quitté Le Monde après la « censure » de dessins jugés insultants ; Pierre-André Taguieff, qui a imposé le terme d’« islamo-gauchisme » dans le débat public et dont Nicolas Lebourg rappelait récemment dans Mediapart le rôle essentiel joué dans la dénonciation de l’antiracisme comme « nouveau totalitarisme » ; ou encore le linguiste François Rastier, connu pour ses croisades contre l’écriture inclusive et les recherches sur le genre.
Mais pour l’heure, la star du jour s’appelle Jean-Michel Blanquer, présent à la tribune en ouverture des travaux. Le ministre de l’éducation nationale remercie les organisateurs pour ce colloque sur un thème « si essentiel », « pour avoir eu le courage et la persévérance de l’organiser », et s’excuse par avance de la brièveté de son passage, « en raison de la crise sanitaire », mais il « devait être là, en Sorbonne ». Le ministre a même financé l’événement sur un fonds réservé. « Quand l’université ne soutient pas les universitaires, il faut bien qu’ils aillent chercher du soutien ailleurs », nous a répondu la professeure de littérature Emmanuelle Hénin, cheville ouvrière de l’opération.
Un tel patronage n’a rien d’évident. Co-organisé par deux associations extra-universitaires controversées, l’Observatoire du décolonialisme et le Collège de philosophie, l’événement ressemble plus à une discussion savante – mais très politique – qu’à un colloque selon les canons du genre.
Contactée par Mediapart, Sorbonne-Université a d’ailleurs tenu à préciser qu’elle n’avait rien à voir avec l’organisation, nous renvoyant vers la chancellerie des universités. Celle-ci, sous le patronage du recteur de Paris, propose en effet différentes salles du prestigieux bâtiment à la location pour des entreprises, des associations, autonomie des universités oblige…
L’Observatoire du décolonialisme,
réunit des universitaires et des chercheurs, qui ont tous pour point commun de ne pas avoir de compétence particulière sur les sujets de sciences sociales dont ils parlent.
réunit des universitaires et des chercheurs, qui ont tous pour point commun de ne pas avoir de compétence particulière sur les sujets de sciences sociales dont ils parlent.
L’Observatoire du décolonialisme fondé l’an dernier pour « mettre un terme à l’embrigadement de la recherche et de la transmission des savoirs » par « l’idéologie décoloniale », réunit des universitaires et des chercheurs, pour certains éminents dans leur spécialité, mais qui ont tous pour point commun de ne pas avoir de compétence particulière sur les sujets de sciences sociales dont ils parlent.
Dans une tribune publiée le 5 janvier dans Le Monde, 74 chercheurs mettaient en garde contre une telle « caricature » : « Il s’agit, est-il précisé [dans ce colloque – ndlr], de “favoriser la construction, chez les élèves et les étudiants, des repères culturels fondamentaux” et de “ faire un état des lieux, aussi nuancé que possible”. Cette recommandation laisse perplexe lorsque l’on constate que les animateurs des tables rondes sont les intervenants, et vice versa, et la quasi-totalité d’entre eux membres de l’Observatoire. Il serait vain dès lors d’attendre débat contradictoire ou mise en perspective. »
Enfin le Collège de philosophie, association loi 1901 pour le moins confidentielle, peut induire en erreur tant son nom est proche du Collège international de philosophie, une institution au rayonnement scientifique international, créée notamment par Jacques Derrida, le penseur de la déconstruction. Des intellectuels tels que Giorgio Agamben, Barbara Cassin, Jacques Rancière, Alain Badiou en ont assuré la renommée.
Et alors qu’il sera tout au long de la première journée beaucoup question de Derrida, pas un seul spécialiste connu de l’intellectuel n’est présent. « On parle de la déconstruction, qui n’est pas la propriété de Derrida, justement pour montrer que c’est un concept dynamique, pas figé, qui est aujourd’hui réinterprété », justifie Emmanuelle Hénin. Certes, mais quand l’anthropologue Albert Doja saute en quelques minutes de la dispute intellectuelle opposant Jacques Derrida et Claude Lévi-Strauss sur la « leçon d’écriture » du célèbre ouvrage Tristes tropiques à… l’écriture inclusive, on s’interroge sur le choix du panel.
Parmi les intervenants, mêmes approximations et parfois tromperies sur l’étiquette. Sami Biasoni, présenté comme philosophe, est un ancien trader en matières premières à la Société générale, ancien candidat aux municipales sur une liste dissidente de LR dans le VIIIe arrondissement de Paris, docteur en philosophie. Mais on ne lui connaît aucune publication scientifique. Pierre Valentin, également présenté comme philosophe, est en réalité « journaliste en formation », salarié depuis un an par FigaroVox. Il est l’auteur d’une note sur le « phémonène woke » pour la Fondapol, « en deux volumes ». L’agrégé de lettres classiques et adjoint à l’urbanisme à la mairie de Pecq, Raphaël Doan, devient, dans cette présentation, « historien » et intervient sur la « cancel culture ».
« Ce n’est pas un colloque scientifique, c’est une réunion politique
- Spoiler:
- « Ce n’est pas un colloque scientifique, c’est une réunion politique, cingle Caroline Ibos, sociologue au département Études de genre à l’université Paris VIII-Vincennes-Saint-Denis. Ce n’est pas un problème d’ailleurs, encore faut-il le dire... C’est d’autant plus gênant que ces gens se drapent dans la neutralité axiologique et ne cessent de dénoncer les chercheurs qui confondraient la science et le militantisme. Le plus gros souci dans tout cela est la présence de Blanquer. »
Le ministre de l’éducation nationale semble n’avoir cure de cette critique, vantant dans sa prise de parole « un événement intellectuel, scientifique » sur un sujet qui a « de grandes conséquences sociales, sociétales, civiques ». « Les Lumières font peur, il y a comme une haine de soi qui doit être identifiée, poursuit le ministre, avant d’appeler à « l’offensive » pour sauver « l’universalisme pris en tenaille entre revendications identitaires de l’extrême gauche comme de l’extrême droite ». Il est vivement applaudi.
« Ceci n’est pas un colloque », s’amuse le philosophe Pierre-Henri Tavoillot, co-organisateur, citant le peintre Magritte, alors que le ministre s’échappe, sous les huées du dehors. Pour présenter la première table ronde, consacrée aux « trois âges » de la pensée déconstructionniste, dont le « wokisme » et l’intersectionnalité seraient les enfants, il invite à réfléchir sur une période où « tout serait oppression, unique clé de lecture du monde contemporain ». L’historien Pierre Vermeren, spécialiste du monde arabe et auteur d’un livre récent sur la métropolisation du monde, estime que tout est sur la table depuis 60 ans, un seul « mot d’ordre intellectuel et politique » : retourner la civilisation européenne contre elle-même, le « verbe français contre lui-même ».
Au fil des tables rondes et de la critique de l’intersectionnalité (concept visant, dans l’analyse sociologique et politique, à croiser les discriminations de classe, de genre ou encore de race au sens de construction sociale), l’ouvrier, le prolétaire, est régulièrement convoqué face au « soleil noir que sont devenues les minorités » (comprendre les femmes, les racisé·es, les personnes LGBTQ+), souvent par des personnalités pourtant peu connues pour leurs sympathies marxistes.
Pascal Perrineau, politologue à Sciences-Po Paris, habitué des plateaux télévisés, critique ainsi une idéologie qui vise à déconstruire « toutes les catégories du réel et la démocratie représentative », et parle d’une « obscure oppression généralisée, par les hommes blancs hétérosexuels, qu’il faudrait déconstruire avec d’autant plus de vigueur qu’elle n’a pas l’évidence de l’oppression économique ».
Il tacle au passage des membres du Centre de recherches politiques de Sciences-Po (Cevipof), et notamment Réjane Sénac pour son livre L’Égalité sans condition. Osons nous imaginer et être semblables (Rue de l’Échiquier, 2019), avant de glisser, sous l’œil complice de l’assistance : « Vous voyez pourquoi je ne suis plus directeur… », après quand même 21 années passées à la tête du Cevipof.
La prétendue mainmise des tenants de l’intersectionnalité, du décolonialisme ou des « genderistes » sur l’université française, sous influence-nord américaine, est au cœur des discussions. Y compris sur les sciences dites dures, comme la physique ou les mathématiques. Le programme pour la mobilisation des savoirs autochtones dans l’étude de la physique, développé par l’université Concordia au Canada, provoque l’effroi (« Ils veulent décoloniser la lumière », moque Bruno Chaouat, spécialiste de littérature), alors que le mathématicien de Princeton Sergiu Klainerman dénonce dans une vidéo le débat autour du manque de diversité dans l’enseignement des mathématiques et d’un biais raciste.
« Deux et deux ne font plus quatre », déclare t-on à la tribune. « Cela rappelle le moment Lyssenko, quand la science prolétaire devait remplacer la science bourgeoise, ou le moment Goebbels, quand la science devenait plus sensible à la race », ose Pierre Jourde, écrivain et critique.
Ces propos trouvent un écho bien au-delà du cénacle de l’amphithéâtre Liard. En juin 2020, Emmanuel Macron disait en privé que les universitaires sont coupables d’« ethnicisation de la question sociale » » et « cassent la République en deux », des propos proches des théories des mouvements du Printemps républicain et de Vigilance université, dont nombre d’intervenants du colloque sont proches ou membres.
Jean-Michel Blanquer lui-même a parlé, visant à nouveau les universitaires, de « complicités » après l’attentat contre Samuel Paty en octobre 2020. Il y a un, an Frédérique Vidal déclenchait à son tour la consternation dans la communauté scientifique en annonçant vouloir diligenter une enquête sur « l’islamo-gauchisme » à l’université.
Le CNRS, auquel cette embarrassante mission aurait été confiée, avait immédiatement répondu par voie de communiqué que la notion n’était qu’un « slogan politique » ne correspondant « à aucune réalité scientifique ». L’organisme avait par ailleurs mis en garde contre toute « instrumentalisation de la science », en précisant qu’il condamnait « les tentatives de délégitimation de différents champs de la recherche, comme les études postcoloniales, les études intersectionnelles ou les travaux sur le terme de “race”, ou tout autre champ de la connaissance ».
Certains débats du colloque tentent de sortir de l’acrimonie, notamment sur la question de la place de l’étude de l’islam à l’université, avec les interventions moins directement polémistes du sociologue Bernard Rougier et du politologue Arnaud Lacheret, basé au Bahreïn.
Le mélange des registres n’arrange rien puisque chacun y va de son histoire personnelle, de la journaliste Claire Koç au politologue Vincent Tournier, enseignant à l’Institut d’études politiques de Grenoble, où les polémiques s’enchaînent depuis neuf mois. Ce dernier, dans une table ronde intitulée « Il faut sauver Blanche-Neige ! Totems et tabous de la cancel culture », n’y est pas allé avec le dos de la cuillère.
Relevant sous forme de blague la non-parité à la tribune (norme du colloque d’après nos observations), il disserte sur la censure dans le cinéma et fait rire en regrettant qu’une photo d’actrice nue soit peu visible sur le grand écran de la Sorbonne. « Vous ratez, messieurs, la meilleure partie du film ! » Puis, à propos de Blanche-Neige, il se demande benoîtement si le dessin animé n’est pas totalement « woke-compatible », puisqu’il met en scène des nains, et même le « quota handicapé, grâce à Simplet ».
Aucune expression réellement discordante n’a eu voix au chapitre.
« Nous avons essayé d’en inviter mais ils ne sont pas venus, par peur des réactions, explique Emmanuelle Hénin. Et d’ailleurs, quand il y a des colloques sur le colonialisme, ils ne nous invitent pas ! » Au moins trois chercheurs, dont le professeur de droit Olivier Beaud et le professeur de littérature Jean-Yves Masson, ont effectivement fini par décliner l’invitation devant l’absence de légitimité académique de certains des intervenants.
Mais les outrances l’emportent le plus souvent, dont celles de Pierre-André Taguieff, qui n’hésite pas à faire du « wokisme » un « ethnocide de grande ampleur », ou de la sociologue de l’art Nathalie Heinich, qui parle « d’abus sur enfant » en donnant les coordonnées d’une association luttant contre ce qu’elle nomme une « épidémie de transgenres » favorisée par les enseignants de l’Éducation nationale.
« Quand l’Observatoire du décolonialisme a lancé son appel lors de sa création, ils ont été 77 à répondre, 30 professeurs émérites, donc des retraités, et 60 hommes, c’est un premier élément d’explication, remarque Caroline Ibos. Ce sont des gens qui ont été puissants, très puissants, et qui se trouvent confrontés à une perte de pouvoir car oui, l’université change, et les sciences sociales aussi. Nous, on fait notre travail de chercheurs, on dirige des thèses, on gère un laboratoire, on travaille beaucoup. Nous n’avons pas le temps pour ces bêtises. »
Se poursuivant samedi 8 janvier, le colloque devait se clore par l’intervention de Gilbert Abergel, président du Comité laïcité République, et plus surprenant, de Thierry Coulhon, président du très officiel Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES). Interrogé sur la critique concernant le manque de rigueur scientifique des intitulés et la composition des panels, ce dernier reconnaît « des formulations un peu flottantes et peu rigoureuses ».
Pas de quoi faire renoncer Thierry Coulhon, ancien conseiller d’Emmanuel Macron sur l’enseignement supérieur : « Je ne suis pas là pour apporter une caution ou pour me faire instrumentaliser mais je trouve dangereux d’aller à des débats où l’on est d’accord avec tout le monde. Dans le milieu universitaire, on a intérêt à se parler. » Quitte à monologuer.
Idriss- Messages : 7081
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Re: Blanquer dénonce "l'islamo-gauchisme"
Merci, Idriss, pour ces infos. Il paraît que l'Elysée est agacé des prises de position de Blanquer — ses jours sont comptés de toute façon, tellement il a mal géré l'Education Nationale. La droite dure est une vraie menace, et l'humaniste qui veut faire un bilan honnête et humain du passé colonial passe pour un voyou ou un gauchiste...
Jans- Messages : 3566
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Re: Blanquer dénonce "l'islamo-gauchisme"
Jans a écrit:La gauche actuelle... elle est moribonde, décomposée, inexistante, et ce n'est que justice : une fois au pouvoir, ils furent aussi injustes et avides que les autres.
Une bonne part d'intox des médias ( 9 millardaires possédent 90% des média en France ) qui occultent l'existence de cette vrai gauche
Et appeler gauche la social démocratie libérale de François Hollande cela sème la confusion .
La gauche c'est refondée autour de la France Insoumise dans l'union populaire . Je ne donnerais qu'un exemple la qualité et la diversité des débats et des intervenants durant l'université d été de la FI ...Et je met au défi de trouver l'équivalent dans ce qui reste de la vielle gauche de notables ( PCF, PS ) et même chez les verts ( 23éme université d'été pour eux mais encore au stade amateurisme )
https://amfis2021.fr/videos/
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Re: Blanquer dénonce "l'islamo-gauchisme"
Le wokisme est un autre sujet. On peut toujours faire un nouveau fil. Cela posé, voici quelques éléments qui se veulent à charge : "Le langage est violent ! La science est sexiste ! Le sexe biologique n’existe pas ! Seuls les blancs peuvent être racistes ! Vous avez forcément entendu un de ces lieux communs woke dans la bouche d’un ami progressiste, d’un homme politique français d’extrême gauche ou d’un journaliste de Radio France. Dans Le triomphe des impostures intellectuelles, les chercheurs Helen Pluckrose et James Lindsay nous expliquent comment de telles âneries sont peu à peu devenues crédibles, et comment répliquer à tous ces déconstructeurs". C'est le chapeau. Pour la suite : https://www.causeur.fr/le-triomphe-des-impostures-intellectuelles-helen-pluckrose-et-james-lindsay-222373Idriss a écrit:Un vrai-faux colloque à la Sorbonne pour mener le procès du « wokisme »
8 janvier 2022 Lucie Delaporte et Mathilde Goanec
Vendredi 7 et samedi 8 janvier s’est tenu à la Sorbonne un colloque éloigné des canons du genre, mais patronné par d’illustres visiteurs, dont le ministre de l’éducation nationale, qui a par ailleurs aidé à financer l’événement. « Épidémie de transgenres », « soleil noir des minorités » : les formules ont fleuri pour qualifier la manière dont le décolonialisme et les études intersectionnelles martyriseraient l’université française.
On dira que c'est de droite. Il y a aussi des raisons "de gauche" de dénoncer les idioties et intolérances du wokisme (je les ai trouvées en discutant sur le forum sceptiques du Québec). La grave crise économique de 2007-2008 a fait que les ultra-riches se sont retrouvés de plus en plus sur la sellette (par exemple, occupation de Wall Street en 2008), et qu'il devenait difficile de réprimer. Le wokisme est arrivé à point, en envahissant trop facilement les milieux intellectuels de gauche, les universités, certaines administrations outre-Atlantique, les réseaux sociaux avec le soutien de leurs richissimes patrons, pour détourner les gens de gauche de ce qui aurait dû rester leur objectif essentiel. C'est le vieux principe diviser pour régner.
Re: Blanquer dénonce "l'islamo-gauchisme"
Quand on veut détruire une sensibilité adverse, on lui colle une étiquette extrémiste. Des extrémistes, il y a en a partout, je n'apprends rien à personne. Trouvailles fabuleuses : "l'islamo-gauchisme" et le "wokisme". Nous avons toujours eu dans notre pays une tendance droitière dure à sensibilité colonialiste (qui signifie : tout ce que la France a fait aux colonies était bien !) et une tendance gauche-humaniste-droits-de-l'homme, observée tôt avec Albert Londres et Gide (et d'autres) relatant de graves excès durant la colonisation (lire Gide sur le Congo, c'est édifiant et écoeurant). Le Général de Gaulle a pensé qu'une voie modérée était possible en Algérie en accordant le même droit de vote à l'assemblée locale aux colons et aux indigènes, ce fut refusé. On sait la suite.
J'ai connu des modérés de l'Algérie française (peu nombreux), des modérés de la réconciliation par horreur de la guerre. Les massmédias sont actuellement à 90% dans les mains de la droite plus ou moins dure, entre Bolloré, Arnault et Dassault (Bloch). La tendance humaniste n'a pas grand-chose, elle se réfugie souvent dans l'université, étant plutôt intellectuelle. Le catholicisme pratiquant, les 5% restants sont à droite, voire très à droite, sans problème, l'évangile reste une arrière-plan théorique. Mais que deviendrait l'évangile qui ne reconnaitrait pas un musulman pacifique comme son frère ? (ce qui est mon cas). Il y a clairement une guerre idéologique, et Bolloré veut la gagner en mettant en avant son poulain, Eric Zemmour, qui bénéficie de privilèges de toutes sortes. Au passage, il en fait aussi le champion de l'économie ultra-libérale, abolissant les chaînes publiques et favorisant l'enseignement privé hors contrat...
J'ai connu des modérés de l'Algérie française (peu nombreux), des modérés de la réconciliation par horreur de la guerre. Les massmédias sont actuellement à 90% dans les mains de la droite plus ou moins dure, entre Bolloré, Arnault et Dassault (Bloch). La tendance humaniste n'a pas grand-chose, elle se réfugie souvent dans l'université, étant plutôt intellectuelle. Le catholicisme pratiquant, les 5% restants sont à droite, voire très à droite, sans problème, l'évangile reste une arrière-plan théorique. Mais que deviendrait l'évangile qui ne reconnaitrait pas un musulman pacifique comme son frère ? (ce qui est mon cas). Il y a clairement une guerre idéologique, et Bolloré veut la gagner en mettant en avant son poulain, Eric Zemmour, qui bénéficie de privilèges de toutes sortes. Au passage, il en fait aussi le champion de l'économie ultra-libérale, abolissant les chaînes publiques et favorisant l'enseignement privé hors contrat...
Jans- Messages : 3566
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Re: Blanquer dénonce "l'islamo-gauchisme"
Désolé, mais à un moment il faut sortir de ce relativisme débilitant, il y a de tout partout donc tout se vaut et on n'a rien à craindre (je ne vois pas d'autre logique à ton assertion). On l'a opposé aussi, en leur temps, à ceux qui s'inquiétaient de la montée du nazisme ou des horreurs du bolchevisme (parler de point Godwin, c'est en appeler un pour soi-même). A un moment, il faut peser et évaluer.Jans a écrit:Quand on veut détruire une sensibilité adverse, on lui colle une étiquette extrémiste. Des extrémistes, il y a en a partout, je n'apprends rien à personne. Trouvailles fabuleuses : "l'islamo-gauchisme" et le "wokisme".
Avec le wokisme comme avec l'islamo-gauchisme, on parle de tendances lourdes qui ont infiltré, en peu d'années, y compris les université pas seulement en France, qui n'ont pas pu pousser spontanément, sortir comme ça de nulle part. Il y a des puissances financières derrière. Parler automatiquement par principe de "théorie du complot", même s'il existe aussi des délires complotistes dangereux, ça revient à nier en bloc le lobbying, qui est pourtant enseigné ouvertement dans de hautes écoles.
Quand on parle de boycotter Joanne Rowling (auteur de Harry Potter pour qui l'ignorerait) parce qu'elle prétend continuer à se définir comme une femme plutôt que comme une "personne pourvue d'un vagin", et que ce discours prend une telle ampleur, il y a des alarmes qui doivent sonner quelque part, non ?
Re: Blanquer dénonce "l'islamo-gauchisme"
A condition de pouvoir lui dire qu'on n'est pas d'accord avec lui (sinon ce n'est pas le considérer comme un frère), à condition de ne pas oublier que l'islamisme mise autant voire plus sur la séduction que sur la force.Jans a écrit:Mais que deviendrait l'évangile qui ne reconnaitrait pas un musulman pacifique comme son frère ? (ce qui est mon cas).
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