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De Prosopon à Persona : une méprise sur la Trinité ?

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De Prosopon à Persona : une méprise sur la Trinité ? - Page 2 Empty Re: De Prosopon à Persona : une méprise sur la Trinité ?

Message  Roque Ven 22 Juin - 21:58

pauline.px a écrit:Que, depuis saint Justin Martyr jusqu'à Nicée, les premiers penseurs chrétiens aient prêté le flanc à l'accusation de subordinatianisme, c'est exact.
Que ce soit une sorte de privilège orthodoxe avant Nicée ? je ne vois pas.
Je me suis mal exprimé. Ce subordinatianisme pré-nicéen (qui regroupe l'ensemble des réponses aux questions sur la Trinité qui ont permis de déplacer progressivement les termes du problème, mais donnant parfois l'impression d'une hiérarchie dans la Trinité) est appelé " subordinatianisme orthodoxe provisoire " par Joseph Wolinski - un des auteurs du livre auquel je me réfère. Par " orthodoxie " cet auteur entend la doctrine reçue dans l'Eglise catholique - car ne rejetant pas le divinité de Jésus-Christ - jusqu'au 4ème siècle. Rien à voir avec l'Eglise Orthodoxe qui apparaîtra plusieurs siècles plus tard, c'est à dire : l'" orthodoxie " au sens actuel.

Pour la question de la relation substantielle, c'est un développement de Saint Thomas d'Aquin - donc après la séparation de nos Eglises. Je te donne tout de suite un lien très sérieux sur ce sujet. Je l'ai un peu lu, mais c'est vraiment ardu !
:arrow: http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=LEPH_072_0163
:arrow: http://www.cairn.info/revue-les-etudes-philosophiques-2007-2-page-163.htm

Je vais d'abord essayer de le comprendre ... :)

J'ai quand même un a priori : il est impossible que cela introduise une quelconque hiérarchisation dans la Trinité, sinon ... hé bien ... ce ne serait plus la Communion de la Trinité - donc plus de Trinité du tout ! Cela me paraît impossible dès qu'on comprend un peu de quoi il s'agit. Je suppose que tu seras d'accord là dessus !

Roque

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De Prosopon à Persona : une méprise sur la Trinité ? - Page 2 Empty Re: De Prosopon à Persona : une méprise sur la Trinité ?

Message  Invité Sam 23 Juin - 10:47

Bonjour Roque,

Roque a écrit:
pauline.px a écrit:D'où mon interrogation :

Au lieu de penser que le Christianisme aurait mal interprété une doctrine antérieure,
au lieu d’imaginer la Kabbale préexistante à l’Incarnation,
n’est-ce pas plutôt la Kabbale qui, quelques siècles plus tard, retrouve la mémoire d'un courant théologique Juif orthodoxe conservé à leur insu par les tout premiers Chrétiens ?
Je ne comprends naturellement pas ce questionnement, non plus ! :)

Eh bien je vais essayer de reformuler.

1 ) Nous avons des traces dans le Christianisme primitif et dans le Judéo-christianisme d'une réflexion sur la puissance créatrice de D.ieu, béni soit-Il.
Réflexion qui aboutit souvent à ce que, dans la Création par le Créateur, se manifestent des puissances individuées, quasi personnelles.
Les derniers livres de la Septante évoquent en termes personnels la Sagesse.
Un peu plus tard, les Chrétiens voient le Verbe et l'Esprit comme acteurs personnels de la Création.
Puis, des judéo-chrétiens ont pu hypostasier la Parole, la Sagesse, le béréshit, etc. ou distinguer subtilement les Élohîm de Y.HWH, etc.

2 ) Il me semble que la Kabbale n'est pas universellement considérée comme hérétique. Si le judaïsme rabbinique et le Talmud représentent plutôt l’orthodoxie officielle du Judaïsme, cela ne signifie pas pour autant que les réflexions dont témoigneront le Sefer Yetsirah ne relèvent pas de l’Orthodoxie.

3 ) J’en déduis l’existence d'une large tradition orthodoxe Juive antérieure à l’Incarnation pour laquelle l’Incarnation du Verbe de D.ieu, béni soit-Il, est attendue.

4 ) Toutefois les traces véritablement historiques de la Kabbale sont assez tardives. Difficile d’affirmer que c’est vraiment Avraham qui a écrit le Sefer Yetsirah, audacieux d’affirmer que ce texte serait antérieur au quatrième siècle…

Voilà pourquoi je me demande si le courant orthodoxe qui attendait l’incarnation du Verbe de D.ieu, béni soit-Il, et qui ne l’a pas reconnu en Jésus ne serait pas l’ancêtre de la Kabbale telle que nous pouvons la connaître aujourd’hui.

Très cordialement,

Votre sœur Pauline

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De Prosopon à Persona : une méprise sur la Trinité ? - Page 2 Empty Re: De Prosopon à Persona : une méprise sur la Trinité ?

Message  Invité Dim 24 Juin - 10:13

Bonjour Roque,

Roque a écrit:Je te donne tout de suite un lien très sérieux sur ce sujet. Je l'ai un peu lu, mais c'est vraiment ardu !
:arrow: http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=LEPH_072_0163
:arrow: http://www.cairn.info/revue-les-etudes-philosophiques-2007-2-page-163.htm

Merci pour cet article...
Moi aussi je dois prendre un peu de temps pour assimilier tout ça.

Roque a écrit:hé bien ... ce ne serait plus la Communion de la Trinité - donc plus de Trinité du tout ! Cela me paraît impossible dès qu'on comprend un peu de quoi il s'agit. Je suppose que tu seras d'accord là dessus !

Mon sentiment est qu'il n'est pas équivalent de parler d'abord de relations substantielles ou d'abord des personnes.

Et personnellement je vois un ferment de subordinatianisme dans le filioque.


Très cordialement

votre soeur Pauline

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De Prosopon à Persona : une méprise sur la Trinité ? - Page 2 Empty Re: De Prosopon à Persona : une méprise sur la Trinité ?

Message  Roque Dim 24 Juin - 20:09

Pour ce qui concerna la kabbale, je pense comme HANNAT qu'il serait préférable d'ouvrir un sujet dans l'Enseignement Juif. Nous y aurons des avis plus autorisés que nos interprétations externes.

Voici ce que j'ai cru comprendre de :
:arrow: http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=LEPH_072_0163
:arrow: http://www.cairn.info/revue-les-etudes-philosophiques-2007-2-page-163.htm


Introduction.

J’ai eu quelques cours sur ce qu’il dit saint Thomas d’Aquin de la Trinité, mais ce qui a été traité se limitait aux questions des « processions » et des « relations » en Dieu, précédant immédiatement les questions sur la « relation subsistante » :
« Ce qui devait être préalablement connu au sujet des processions et des relations [divines] ayant été exposé, il est maintenant nécessaire d’en venir aux personnes. » (page 1)
Ce cours n’était pas centré ni sur Thomas d’Aquin, ni sur la Trinité. C’est donc un sujet totalement neuf pour moi. J’expose d’abord ce que j’en ai finalement compris avec un préalable important : c’est dans le cadre d’une réflexion d’abord sur Dieu, théologique – non sur l’homme. Je précise que je ne suis pas sûr de totalement comprendre la partie philosophique de l’article que je t’ai indiqué.


Mon résumé :

Une « relation subsistante » signifie « une relation étant substance » ou, plus approximatif : « une relation est une substance ».

Dans le commentaire de la définition de Boèce : « La personne est un substance individuelle de nature rationnelle » (page 2), il me semble comprendre que l’approfondissement de saint Thomas d’Aquin porte d’abord sur les notions d’ « individu » et de « substance », c’est-à-dire en définitive aussi d’« existence ».

Saint Thomas d’Aquin a des conclusions un peu surprenantes : que « la substance est individuée en elle-même » et que l’universel subsiste en quelque sorte par la somme des particuliers.
« Les singuliers sont des étants [sunt entia], et davantage [magis] que les universels ; car les universels ne subsistent pas par eux-mêmes, mais sont [sunt : possèdent l’être] seulement dans les singuliers. » (page 4)
Dans la conception des modernes : l’ « universel » ou l’ « existence » sont des a priori « qui vont de soi », mais qu’on situe « un peu dans les nuages ». Dans cette vision universelle des choses : la substance abstraire bénéficie d’une bien « étrange préexistence » (page 4). Saint Thomas d’Aquin a une approche inverse par l’individu : « la substance est individuée par elle-même » (page 4). Cet appui de saint Thomas d’Aquin sur l’individuel (ou l’individu) comme substance permet de percevoir le caractère concret de cette définition de la « substance » - tout comme de l’ « existence » dans sa conception – ce que ne permet pas l’approche inverse par l’universel – approche abstraite plus coutumière à notre esprit moderne.

J’ai bien conscience qu’au sens plus courant du mot « subsister », la formule de saint Thomas d’Aquin devrait donner « une relation subsistante » est « une relation qui existe » ou « qui continue à exister ». Mais je préféré « traduire » par « une relation étant substance » qui est plus explicite et qui rend beaucoup mieux compte de la conception concrète de l’ « existence » ou de la « substance » selon saint Thomas d’Aquin.

Plusieurs passages justifient, encore à mon sens, mon choix de traduction de la formule de saint Thomas d’Aquin, dans le spoiler :
Spoiler:

Conséquence pour les affirmations de Nicée et de Chalcédoine

Ceci n’invalide pas du tout la représentation antérieure issue de la théologie d’Origène qui affirme que « les trois hypostases sont un seul Dieu » et qui sont à la base de nos Crédos communs de Nicée et de Chalcédoine. Simplement cette affirmation d’Origène est une déclaration de conviction – monothéiste, encore une fois – dans laquelle un maillon logique manque. Les notions d'hypostase et de Dieu sont juste rapprochées sans explications du lien logique. « Comment se réalise cette unité et cette unicité entre les Trois ? ». Thomas d’Aquin complète Origène : « Cette substance unique est relation subsistante ».

Commentaire : ceci prouve que l’affirmation d’Origène - issues de la lecture des Evangiles - prime sur la logique philosophique de cette formulation. Cette affirmation ne fait que rapprocher les " trois hypostases " de " un seul Dieu " - de façon brute - sans expliciter le lien logique. Le fait que la formulation complète se soit fait attendre et que la formulation initiale ait été maintenue dans son imprécision même pendant 10 siècles - entre Origène au 3ème siècle et saint Thomas d’Aquin au 13ème siècle – avant d’être « bouclée philosophiquement » est bien la preuve que la conviction monothéiste des chrétiens est sincère et solide – n’en déplaise à ceux qui pensent le contraire hors du christianisme.

Pour se convaincre qu’il n’y a pas de subordinatianisme dans cette formulation de saint Thomas d’Aquin : la « personne » désigne la réalité du Père, du Fils et de Saint Esprit, les notions de « relation » et de « substance » sont parfaitement intégrées en Dieu et la propriété inaliénable des Trois en Dieu :
« La relation en Dieu n’est pas comme un accident inhérent à un sujet, elle est la divine essence même ; d’où il suit qu’elle subsiste [unde est subsistens], au même titre que l’essence. » (page 11)
« Tandis qu’une relation est toujours signifiée abstraitement à la manière d’une forme, d’un rapport à autrui, comme lorsque nous parlons de « paternité », de « filiation », de « spiration » ou de « procession » divines, la personne, elle, désigne la même réalité, mais sur le mode du sujet, du subsistant concret : le Père, le Fils, le Saint-Esprit. Thomas d’Aquin ne cesse d’affiner et de préciser cette divine connexion, pour nous si déroutante, de la personne, de la relation et de la substance.

Pour entendre convenablement cette subsistence de la relation divine, il ne suffit donc pas de s’arrêter à la substance abstraite, qui est l’essence, mais il faut aller, encore et toujours, vers ce « mode de la substance qui est l’hypostase » Alors, et alors seulement, relation et substance ne sont plus juxtaposées ou additionnées l’une à l’autre par simple accommodation de langage ou artifice de pensée. Elles sont désormais intimement intégrées dans l’approche thomasienne de la tripersonnalité divine, aussi bien sous l’aspect formel du relatif, qui éclaire la propriété inaliénable de chacun des Trois mutuellement distincts, que sous l’aspect de subsistence, qui en fait de réelles hypostases, possédant en plénitude et en parfaite identité l’être même de Dieu »(page 12)


Les obstacles à la compréhension de cette formulation

1. Une compréhension anachronique de cette formulation.

On a complètement oublié que le vocabulaire sur la « personne » et la « relation subsistante » fait partie d’une réflexion au Moyen Age portant exclusivement sur Dieu – et non sur l’homme, même par analogie … alors que nous avons spontanément tendance à comprendre l’inverse que la personne en Dieu peut se comprendre par analogie à partir de la personne humaine.
« Au Moyen Âge, en effet, on ne cherche pas d’abord ce qu’est la personne humaine dans une sorte d’anthropologie close et autonome pour ensuite transposer la notion ainsi obtenue et tâcher de l’appliquer tant bien que mal au mystère du Dieu unique et tripersonnel transmis par la Révélation chrétienne. Les maîtres médiévaux font le chemin inverse : tous sont conduits par le donné révélé lui-même dont ils ont à rendre raison et sous l’impérieuse exigence de l’intellectus fidei, à cerner, explorer et renouveler radicalement, quoique de manière contrastée et disputée, la métaphysique de la personne. On semble avoir oublié aujourd’hui ce que la philosophie doit ici à la théologie, singulièrement à l’immense questionnement christologique et trinitaire déployé par les Pères et les docteurs de l’Église, en Orient comme en Occident, depuis les premiers siècles de l’ère chrétienne. (page 1)
« … rendre à Thomas d’Aquin le juste hommage [… de] la découverte géniale de la notion jusqu’alors inconcevable de « relation subsistante » … Mais en raison de l’anachronisme contemporain la respectueuse et fine analyse de saint Thomas d’Aquin est mise à mal: « La « relation subsistante » est brutalement ramenée du ciel sur la terre ; elle ne désigne plus de loin, comme chez Thomas, le secret bienheureux, le royal apanage des trois personnes divines en leur vie transcendante et mutuelle immanence, mais elle est censée désormais pouvoir fournir à tout individu humain la formule univoque et standardisée par quoi se constitue sa personnalité. » (page 1)

Saint Thomas d’Aquin pose la question : [i] le nom de « personne » convient-il en Dieu ?
», il répond sans ambages :
« La personne signifie ce qu’il y a de plus parfait [perfectissimum] dans toute la nature : savoir, ce qui subsiste dans une nature raisonnable. Or tout ce qui est de l’ordre d’une perfection doit être attribué à Dieu, puisque son essence contient en soi toute perfection. Il convient donc que ce nom “personne” soit dit de Dieu. » (page 5)
« Pour saint Thomas, « personne » est un cas éminent de ces noms qui nous font connaître réellement quelque chose de Dieu tout en manifestant son incompréhensibilité toujours en excès sur nos modes de conception et de signification. Définir la " personne " et l’attribuer à Dieu ne revient donc aucunement à tenter de définir Dieu lui-même, comme si nous pouvions le circonscrire ou le circonvenir dans nos pauvres nasses conceptuelles : « Tant le nom de personne, écrit-il, que la définition qui en a été donnée conviennent à Dieu ; pas au point cependant que ce soit là sa définition à lui, car il y a plus en Dieu que n’en signifie le nom. C’est toujours ce plus, cet excès qui intéresse Thomas dans l’attribution analogique du nom de personne à Dieu, c’est ce « mode plus excellent » qu’elle fait pressentir sans le saisir. Aussi ne s’attarde-t-il guère aux étymologies, comme celle bien connue du masque de théâtre : ces étymologies ramènent le mot de personne à l’usage ou à la réalité contingente qui en expliquent l’origine, qui disent peut-être « ce à partir de quoi on a primitivement formé le nom » (id a quo nomen primo impositum est), mais n’orientent pas vers « ce qu’il tend à signifier » (id ad quod significandum imponitur) et qui seul importe vraiment […] « La dignité de la nature divine surpasse (excedit) toute dignité, et c’est bien en cela que le nom de personne convient avant tout à Dieu. » » (page 6)
Commentaire : cette compréhension du mot « personne » appliqué à la Trinité est augmentée et complétée au 13ème siècle - donc très longtemps après un éventuel glissement de sens entre « Prosopon » et « Persona » - comme suggéré par la question posée dans ce sujet. C’est encore la conception théologique qui a infléchi le sens du vocabulaire – ici latin - et non la compréhension courante de ce mot grec ou en latin qui serait à l’origine de la conception tripersonnelle de la Trinité.

2. La conviction nominaliste de nos contemporains.

D’après cette conviction nominaliste (à l’origine de l’athéisme, rappelons-le) la relation n’est que ce que nous en pensons ou percevons, c’est-à-dire une peu une « vue de l’esprit ». L’idée que la relation puisse être elle-même réelle, puisse exister indépendamment de notre point de vue nous est largement étrangère.
« Modernes quoique nous en ayons, nous n’entendons plus guère la notion de relation qu’à la façon nominaliste, c’est-à-dire comme un pur être de raison, un lien conçu et projeté par l’esprit entre les individus, puis éventuellement « réalisé » ou « concrétisé » par la seule volonté. L’idée que la relation puisse être elle-même réelle, qu’elle puisse nous précéder, exister dans les choses indépendamment du point de vue que nous prenons sur elles, cette idée, cette vérité, nous est devenue largement étrangère. Elle est pourtant au fondement de toute la doctrine thomasienne de la personne divine comme relation subsistante, doctrine qui, sans cela, demeure parfaitement incompréhensible. »
Saint Thomas d’Aquin nie que la « relation » soit uniquement un « être de raison » – sommairement dit – une « vue de l’esprit » en prenant l’exemple de la relation père - fils :
« La relation ne saurait cependant se réduire à son essence, à sa notion formelle qui l’ordonne extatiquement à un autre. Elle a aussi un être, un esse, et cet être, à son tour, ne se réduit pas à l’être de raison. Car le rapport à autrui qu’est la relation peut exister, explique saint Thomas, « dans la nature même des choses, lorsque des réalités sont ordonnées l’une à l’autre selon leur nature, et ont une inclination l’une vers l’autre. Ainsi, la relation d’un fils à son père ou d’un père à son fils n’est pas une relation tout extrinsèque, comme celle qu’on établit entre une espèce et un genre ; elle est réelle, au contraire, fondée dans la nature même qu’ils partagent et où ils communient : « Quand un être procède d’un principe de même nature, tous les deux – ce qui procède et son principe – appartiennent nécessairement à un même ordre ; ils doivent donc entretenir des rapports mutuels réels. Ces relations réelles, tout en gardant leur raison propre de référence adaliquid extra, retrouvent alors le mode d’être commun à tous les accidents, savoir l’inhérence en un sujet (esse in), mais une inhérence aussi prégnante qu’évanescente, sans rien chez elle qui pèse ou qui pose : la filiation, on le sait, pur rapport à un parent, pur regard immatériel vers un père ou une mère, existe pourtant bien – et de quelle singulière présence ! en celui-là qui est fils, en celle-là qui est fille. »


Ouf … l'auteur aurait pu quand même nous donner une petit dictionnaire !


pauline.px a écrit:Et personnellement je vois un ferment de subordinatianisme dans le filioque
Il faudrait ouvrir ce dossier - qui contient deux visions et deux groupes de définitions des mots : ceux des catholiques et ceux des orthodoxes - pour discuter ce point. Pour ma part je pense qu'il y a eu comme souvent un malentenentendu sur les mots et des querelles de personnes à l'origine de cette séparation. Cela est souvent arrivé dans la vie des Eglises chrétiennes, mais là ça a mal tourné !

Roque

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Message  Invité Lun 25 Juin - 13:53

Bonjour Roque,

Bravo pour ce beau travail.
Je reste néanmoins encore dans le brouillard.
Il me faut redoubler d'efforts !

Les femmes ont-elles un cerveau différent de celui des hommes ?

Très cordialement

votre soeur Pauline

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Message  Roque Lun 25 Juin - 14:59

pauline.px a écrit:Les femmes ont-elles un cerveau différent de celui des hommes ?
Non d'autant que je fonctionne en partie à l'intuition - donc comme on le prétend de façon féminine. J'ai une sorte de représentation de ce que pourrait être la Trinité : Communion parfaite, Tri-unité, Amour Infini - donc je " sens " les propositions compatibles et non compatibles ... quand je ne comprends pas bien les mots, je " teste " avec cette représentation et je vois " si ça passe ou non ", c'est à dire s'il y a ou non cohérence au plan des idées formulées. Je suis par ailleurs confiant que Thomas d'Aquin ait une juste vision de ce qu'est le monothéisme, c'est aussi un autre fil directeur.

Par contre pour Thomas d'Aquin qui a tout élaboré sans filet et en démêlant toutes les formulation de ses prédécesseurs : Boèce, Richard de Saint Victor, saint Augustin ... chapeau ! Assez stupéfiant même, et totalement passé de mode !

Ah oui ... j'ai lu ce texte par bribes sur 2 jours - trois ou quatre fois de suite. :)

Roque

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Message  Invité Lun 25 Juin - 18:21

Bonjour Roque,

Encore merci pour vos contributions.

Roque a écrit:Je suis par ailleurs confiant que Thomas d'Aquin ait une juste vision de ce qu'est le monothéisme, c'est aussi un autre fil directeur.

C'est ce qui doit me manquer.

Car mon intuition me chuchote que :

1 ) Saint Thomas reconnaît l'excellence de la terminologie "personne" tout en avouant que c'est plutôt un terme faute de mieux (car on se demande pourquoi il ne préfère pas le mot "individu").

2 ) Puis saint Thomas fait remarquer qu'il y a deux types de relations, grosso modo celles qui concernent le créé et celles qui concernent D.ieu. Quand elles concernent de D.ieu, béni soit-Il, ces relations ne sont plus accidentelles mais subsistantes. Elles acquièrent une véritable subsistance (pour simplifier : existence sans principe extérieur) au contraire des relations que notre raison tisse ici ou là.

3 ) Enfin saint Thomas donne, sans doute avec le léger décalage de la sémantique, une définition à "personne" quand il s'agit de D.ieu, béni soit-Il, et cette définition est que la "personne", jusque-là assez énigmatique, est une "relation subsistante".

Personnellement, j’ai bien l’impression que saint Thomas pose le primat de la relation subsistante sur la notion de personne.

À lire cet article, j’ai le sentiment que ce ne sont plus les personnes du Père et du Fils et du Saint Esprit qui sont des vérités révélées mais que c’est la paternité/filiation et la spiration/procession qui sont mises en avant.

À l’œil cela paraît subalterne, mais en définitive cela suggère une antériorité logique de la notion très humaine de « relation » vis-à-vis d’un donné révélé qui est que le D.ieu unique, béni soit-Il, est Père et Fils et Saint-Esprit et non pas engendrement et spiration.

Mais j’ai sans doute lu trop vite, peut-être saurez-vous me remettre sur les rails.


Très cordialement,
Votre sœur Pauline


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Message  Roque Lun 25 Juin - 19:25

Comment comprends tu au final la formule : " relation subsistante " ?

Ce que je comprends pour ma part est que la substance de Dieu (existence ou nature) est " relation subsistante " ... pour moi ça colle ... aucune antériorité en Dieu entre les hypostases et leurs relations mutuelles. Ca me paraît -simple ... Mais je schématise peut être trop, car le langage philosophique ... :?:

Roque

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Message  Invité Mar 26 Juin - 9:07

Bonjour Roque,

Je ne voudrais pas trop ratiociner sur un sujet que je maîtrise mal.

Roque a écrit:Comment comprends tu au final la formule : " relation subsistante " ?

En lisant :
« La relation en Dieu n’est pas comme un accident inhérent à un sujet, elle est la divine essence même ; d’où il suit qu’elle subsiste (unde est subsistens), au même titre que l’essence. »

Je crois comprendre que la relation subsistante n'est pas un accident mais qu'elle est essentielle.

Je note que la définition de « personne » énoncée par Richard de Saint-Victor utilisait le mot « existence », probablement embarrassant puisque que l’existence est un accident, et que Thomas lui substitue le mot « relation ».
Nous avons donc là l’expression d’un glissement et d’un choix : ce n’est pas le mot « personne » (ou l’existence que signifie la personne) qui définit la relation personnelle mais à l’inverse le mot « relation » qui définit la personne.

En lisant :
Les personnes divines sont donc, en toute propriété de terme, ces relations qui subsistent
je crois comprendre qu'en D.ieu, béni soit-Il, sont plusieurs (2 ou 4 ?) relations qui sont la divine essence même.

Enfin, en lisant :
« En Dieu, répond Thomas, il n’y a de distinction que par les relations d’origine », à savoir ces quatre relations opposées deux à deux qui reçoivent leur fondement des « processions » respectives, ou provenances immanentes, du Fils à partir du Père (par mode de génération intellective du Verbe) et du Saint-Esprit à partir du Père et du Fils (selon cette procession de l’Amour qui n’a pas de nom propre dans le langage humain). La paternité pose le Père vis-à-vis du Fils et la filiation pose corrélativement le Fils vis-à-vis du Père sans les séparer ; le Père et le Fils, pareillement, se trouvent posés en vis-à-vis de l’Esprit comme principe unique d’une commune « spiration », en même temps que l’Esprit se distingue de l’un et de l’autre comme le terme qui en procède de toute éternité.

Je vois confirmer l’impression que du point de vue logique il y a d’abord les quatre (2×2) relations d’origine et qu’elles définissent les trois Personnes divines.

Par conséquent, pour moi tout cela suggère que le donné révélé devient le couple relationnel paternité/filiation associé au couple relationnel spiration/procession et non pas les trois personnes du Père et du Fils et du Saint Esprit.


Très cordialement,

votre soeur Pauline


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Message  Blaise Mar 26 Juin - 23:41

Roque a écrit:Pour ce qui concerna la kabbale, je pense comme HANNAT qu'il serait préférable d'ouvrir un sujet dans l'Enseignement Juif. Nous y aurons des avis plus autorisés que nos interprétations externes.

Voici ce que j'ai cru comprendre de :
:arrow: http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=LEPH_072_0163
:arrow: http://www.cairn.info/revue-les-etudes-philosophiques-2007-2-page-163.htm


Pour ce qui concerne la Kabbale, elle ne fait son apparition que dans la période médiévale. Le dogme trinitaire est depuis longtemps formulé.
Blaise
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Message  Invité Mer 27 Juin - 10:58

Bonjour Blaise

Blaise a écrit:Pour ce qui concerne la Kabbale, elle ne fait son apparition que dans la période médiévale. Le dogme trinitaire est depuis longtemps formulé.

Je n'ai pas lu le livre de M. Élie Benamozegh.

Peut-être l'auteur parvient-il à fonder sur des bases historiques sérieuses l'antériorité de la conception intellectuelle de l'arbre séfirotique par rapport à l'Incarnation du Verbe.

À défaut de cette démonstration,
j'ignore comment Élie Benamozegh parvient à distinguer l'inspiré de l'inspirateur, l'anthentique de la méprise...

Comme je l'ai déjà dit,
mon sentiment (ce n'est qu'un sentiment) est que la réflexion orthodoxe Juive sur la Création (et notamment sur le tout début du livre de la Genèse) n'a pu manquer d'envisager l'idée d'une différenciation des "énergies" divines.
Dans cette perspective :
Aux temps de Jésus, la réflexion Juive orthodoxe distinguait déjà DABAR-Y.HWH, ROUAH-ELOHIM, HOKHMAH...
probablement, à cette époque, les théophanies Y.HWH étaient perçues comme la manifestation d'une émanation de D.ieu, béni soit-Il...
et
ce n'est qu'ultérieurement, dans le sillage du judéo-christianisme et du dualisme Juif, que la Kabbale a développé l'arbre séfirotique
.

Mais ce n'est qu'un sentiment, sans démonstration.

Très cordialement

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Message  Blaise Mer 27 Juin - 13:26

Elie Benamozegh est un auteur juif du XIXe siècle (il est mort en 1865). Je le connaissais déjà pour son livre Morale juive et morale chrétienne. Il est probable qu'à l'époque l'origine médiévale (et française) de la Kabbale était encore recouverte par les légendes pieuses. Gershom Scholem n'était même pas né.

A vérifier!
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Message  Roque Mar 3 Juil - 12:26

pauline.px a écrit:Comme je l'ai déjà dit,
mon sentiment (ce n'est qu'un sentiment) est que la réflexion orthodoxe Juive sur la Création (et notamment sur le tout début du livre de la Genèse) n'a pu manquer d'envisager l'idée d'une différenciation des "énergies" divines.
Dans cette perspective :
Aux temps de Jésus, la réflexion Juive orthodoxe distinguait déjà DABAR-Y.HWH, ROUAH-ELOHIM, HOKHMAH...
probablement, à cette époque, les théophanies Y.HWH étaient perçues comme la manifestation d'une émanation de D.ieu, béni soit-Il...
et
ce n'est qu'ultérieurement, dans le sillage du judéo-christianisme et du dualisme Juif, que la Kabbale a développé l'arbre séfirotique.

Mais ce n'est qu'un sentiment, sans démonstration.
Oui effectivement les noms DABAR-Y.HWH, ROUAH-ELOHIM, HOKHMAH... existaient certainement avant Jésus. Mais quel était le lien entre ces titres ou ces noms ... question clé quand il s'agit de la Trinité ? La notion d’émanation dans la philosophie grecque est, à l’origine, extérieure à Dieu, c’est un système qui fait que par dégradations successives on passe de la sphère de Dieu à la création multiple, imparfaite et pleine de violence. Donc si DABAR-Y.HWH, ROUAH-ELOHIM, HOKHMAH sont des émanations elles ne peuvent pas être Dieu, lui-même – sauf à adopter le polythéisme.

pauline.px voici qui pourrait t’intéresser : j’apprends que le prochain hors-série du Monde de la Bible (septembre – octobre - novembre) sera sur « La naissance de la Bible » avec les découvertes des dernières décennies sur les conditions de séparation du christianisme et du judaïsme rabbinique. Juifs et chrétiens seraient en quelque sorte frères jumeaux. Peut-être en apprendrons-nous un peu plus sur les questions que tu poses ici.

A suivre …

Voici aussi un article qui me permet de comprendre un peu mieu le vocabulaire de saint Thomas d’Aquin en ce qui concerne la Trinité et sa « relation subsistante ».
:arrow: http://www.paris-sorbonne.fr/IMG/pdf/Sylvain_Chareton___Position.pdf


La source de la problématique c’est Boèce

On y apprend d’abord que la réflexion de saint Thomas d’Aquin s’appuie sur un cadre intellectuel transmis par Boèce et qui plonge ses racines jusqu'à Aristote :
« C’est donc dans un contexte très précis, celui de l’appropriation latine de la notion d’hupostasis, que se noue originellement la problématique de la relation entre personne et subsistence depuis Boèce jusqu’à Thomas »
D’après cette tradition boécienne, il y aurait fondamentalement une dualité de sens et donc de traduction possible du mot « hupostasis » : substance, d’une part, et subsistence, d’autre part.
« La métaphysique qui se dégage des réflexions boéciennes sur la traduction d’hupostasis dans le traité Contre Eutychès est fondamentalement dualiste : l’étant se définit dans une tension entre sa réalité de substance d’une part, c'est-à-dire de sujet individualisé par les accidents qu’il soutient, et de subsistence d’autre part, c'est-à-dire de réalité intelligible existant de manière autonome dans une substance. »

« Sans pour autant articuler ces trois propriétés dans une perspective unifiée, Boèce établit que la personne humaine doit être saisie en termes (1) de mode d’être autonome (subsistence), (2) de sujet individuel en relation avec des accidents (substance) en lien avec (3) la nature rationnelle. Le lien entre personne humaine et subsistence établi par Boèce est donc initialement complexe et problématique. »

Le vocabulaire de Thomas d’Aquin

Saint Thomas d’Aquin élabore une métaphysique du sujet qui repose sur trois propriétés ou modalités – tirées du vocabulaire néo-platonicien. Mais saint Thomas d’Aquin opère une rupture avec les conceptions néo-platoniciennes de Boèce (voir l’article, car je ne peux l'expliquer. Ce qui est sûr déjà pour moi que toutes les autres avancées de la théologie trinitaire, par ailleurs, se sont faites par rupture avec le système néo-platonicien). Saint Thomas d’Aquin va donc articuler les trois notions :

- Une substance,

Je comprends d’abord qu’une substance est une réalité (par opposition avec une vision de l’esprit ou une chimère) qu'il s'agit d'un sujet qui constitue la fondation des accidents (hupostasis : se tenir sous).

Hupostasis ne désigne donc ni l’espace sans limite situé « au dessous de » (ce que je croyais), ni le « substrat » (comme tu le croyais). Dans cette définition philosophique par rapport aux accidents, qui n'a rien à voir avec une représentation au sens propre : d’espace, de support ou de consistance, etc …
En métaphysique, l’accident est l’opposé de l’essence (ou substance). C'est ce qui peut être modifié ou supprimé sans que la chose en elle-même change ou disparaisseL’accident en philosophie :
:arrow: http://fr.wikipedia.org/wiki/Accident

- Une subsistence.

C’est-à-dire le mode d’exister par soi.


- Une nature rationnelle

Cela signifie d’abord que le sujet est « intelligible ». Ensuite cette nature rationnelle le situe au sommet des sujets sensibles, c’est-à-dire que le sujet est une personne.
Ainsi, les substances qui sont au principe de leur agir, qui fondent en elles-mêmes la relation aux accidents (substare), grâce à l’usage de leurs facultés intellectuelles, ne subsistent pas comme les autres sujets, ce sont des personnes. La personne désigne la manière supérieure d’exister par soi (subsistere) des substances de nature rationnelle manifestée par la façon particulière qu’ont ces sujets de fonder les accidents (substare) dans l’agir libre.

Une « relation subsistante » en Dieu c’est quoi finalement ?

Dire que les « trois hypostases sont une relation subsistante » signifie donc – si je comprends bien les interrelations entre les trois notions ci-dessus – que les trois hypostases sont :
- un sujet réel (une substance) ;
- qui existe par soi (subsistence) ; et
- intelligible et au sommet des êtres sensibles (rationnelle) ;
- les trois hupostases (personnes) étant en relation les unes avec les autres (et probablement pas : " les relations étant substance " comme je l'ai cru plus haut).

Comme je l’ai dit plus haut je pense que cela ne fait que complèter et achever théologie de la Trinité d’Origène. C'est une théologie qui repose sur les mêmes bases, elle ne l’altère pas et ne la contredit pas.


Le fin mot de cette question :

Il reste que la réponse de fond se trouve par exemple sur :
:arrow: G. EMERY, La théologie trinitaire de saint Thomas d’Aquin, Paris, 2004, p. 99-156

Roque

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Message  Invité Mar 3 Juil - 13:32

Roque a écrit:Juifs et chrétiens seraient en quelque sorte frères jumeaux. Peut-être en apprendrons-nous un peu plus sur les questions que tu poses ici.

Je me permets juste cette petite remarque : je dirais plutôt que juifs et musulmans sont en quelque sorte frères jumeaux. Il faudrait poser la question aux juifs tiens. Mais bon, aucun chrétien n'accepterait une telle affirmation même si la vérité sautait aux yeux.

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Message  Roque Mar 3 Juil - 13:56

Cebrâîl a écrit:Il faudrait poser la question aux juifs tiens.
Nous sommes tellement nombreux à leur avoir craché dessus qu'à la fin il faudra bien leur demander leur avis, tu as raison sur ce point.
L'amitié ne se décrète pas !

Roque

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Message  Invité Mar 3 Juil - 17:04

Bonjour Roque

Roque a écrit:La notion d’émanation dans la philosophie grecque est, à l’origine, extérieure à Dieu, c’est un système qui fait que par dégradations successives on passe de la sphère de Dieu à la création multiple, imparfaite et pleine de violence. Donc si DABAR-Y.HWH, ROUAH-ELOHIM, HOKHMAH sont des émanations elles ne peuvent pas être Dieu, lui-même – sauf à adopter le polythéisme.

Au même titre que les Sefirot... Je ne crois pas que l'on puisse affirmer que les Sefirot sont des créatures.

D'ailleurs, l'interprétation en terme d'émanations de la Trinité (même si elle est condamnée) a précisément pour objet premier de respecter scrupuleusement le monothéisme

Entre le "modèle grec" et le "modèle sémitique" il y a clairement des ressemblances, et elles mettent en valeur les oppositions.
Le Dieu Unique de la Bible n'est pas ni le démiurge plutôt théorique ni le Un impersonnel des philosophes grecs.
Entre le Créateur biblique et sa Création, il n'y a ni point commun ni passerelle, alors que c'est plutôt un continuum dans l'ordre de la manifestation.
La Création peut être très bonne voire parfaite dans le modèle biblique et elle n'est que le résultat d'une succesion de dégradation pour les grecs.

De sorte que si la comparasion est éclairante, il convient de ne pas projeter les catégories grecques sur la lecture Juive de la Création.



Roque a écrit:voici qui pourrait t’intéresser : j’apprends que le prochain hors-série du Monde de la Bible (septembre – octobre - novembre) sera sur « La naissance de la Bible » avec les découvertes des dernières décennies sur les conditions de séparation du christianisme et du judaïsme rabbinique.

Merci.
Je suis abonnée au MdB, c'est un peu un luxe...
Ce numéro devrait s'appuyer sur les thèses de l'auteur américain que j'ai cité plus haut, Daniel Boyarin.
Ce qui me permettra d'arbitrer la difficile question "acheter ou pas son livre ?"

Très cordialement

votre soeur Pauline

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Message  Roque Mar 3 Juil - 18:13

pauline.px a écrit:Au même titre que les Sefirot... Je ne crois pas que l'on puisse affirmer que les Sefirot sont des créatures.
Il faudrait reprendre cette discussion dans la section Enseignement du Judaïsme. Ce sont pour moi - de simple vue de l'esprit, des jeux de langage ou de nombres. Ca donne à penser mais cela n'a aucune réalité, sauf si on m'explique le contraire. Je suis disposé à entendre cette démonstration.

pauline.px a écrit:D'ailleurs, l'interprétation en terme d'émanations de la Trinité (même si elle est condamnée) a précisément pour objet premier de respecter scrupuleusement le monothéisme.
A ma connaissance, la conception des émanations étaient à l'origine extérieures à Dieu, Lui-même. Les gnostiques avec leurs " éons " ne les concevaient pas comme Dieu, Lui-même mais comme des " sphères " entre Dieu et la création - justement comme des " machins " vagues un peu comme les séphiroth. Cette vision aboutit nécessairement à un polythéïsme et a bloqué la théologie de la Trinité, car le Fils " sorti " du Père était alors conçu comme une naissance du Fils à l'extérieur du Père, soit un autre Dieu. Seul, le gnostique Valentin concevait le Plérôme comme une plénitude dont la richesse s'épanouit en elle-même. C'est en s'engageant dans cette voie que Tertullien va dégager la voie théologique vers la conception ultérieure de la Trinité - la notion d'émanation étant désormais abandonnée, il parle alors de naissance en Dieu (conception un peu bizarre d'ailleurs) ou de génération du Fils à l'intérieur du Père, comme Sagesse. Cette acception de l'émanation n'a pas été à proprement condamnée par l'Eglise, elle est devenue tout simplement inutile.


Pour revenir à la " relation subsistante " de saint Thomas d'Aquin, je crois que - finalement - mon intuition première était la bonne : la relation en Dieu est la substance de Dieu :

C'est ainsi que saint Thomas explique que les relations que nous entretenons avec Dieu sont réelles, tandis que du côté de Dieu les relations envers ses créatures sont 'de raison'. Ce vocabulaire doit être bien compris: il ne signifie absolument pas que Dieu soit 'indifférent' à ses créatures, ni que le rapport de Dieu au monde soit une illusion, mais il signifie que Dieu n'est pas enrichi, n'est pas modifié par sa relation au monde, car Dieu est d'un autre ordre que le monde. Cette relation au monde n'ajoute rien à Dieu, elle ne rend pas Dieu plus parfait, mais c'est la créature qui est enrichie par l'action divine. L'action de Dieu dans le monde est bien réelle. Elle est réelle au point qu'elle est la substance et l'être même de Dieu, n'ajoutant pas un 'plus' à ce qu'est Dieu, et c'est pourquoi elle n'introduit aucune différence en Dieu lui- même. Dieu dépasse la relation que nous entretenons avec lui, parce qu'il en est la cause transcendante" (p. 110). Dans cette doctrine se trouve à notre sens une clef indispensable pour affirmer l'existence réelle d'un monde qui ne soit pas Dieu, sans pour autant devoir nier l'absolu divin. En Dieu, la seule relation réelle est la relation entre les personnes divines, ce qui doit être bien précisé: "Le rapport de l'esse et de la ratio de la relation est donc différent en Dieu et chez les créatures. Tandis que, dans les créatures, la relation réelle s'ajoute au sujet qui la possède et se distingue réellement de ce sujet, en Dieu l'absolu et la relation 'sont une seule et même réalité' [Ia, q. 28, a. 2, ad 2]."
:arrow: http://www.thomisme.fr/recensions/gilles_emery_theologie_trinitaire.html

Dans le livre de Gilles Emery cité, ci-dessus, je te signale un chapitre qui concerne les relations entres Orthodoxes et Catholiques :
Le chapitre 11, " Le Saint-Esprit procède du Père et du Fils ", aborde un point sensible des relations entre chrétiens occidentaux et orientaux. Les lecteurs de notre Revue se souviendront de l'article qu'y avait publié le P. Emery sur un point qui touche directement à l'objet de ce chapitre: " Saint Thomas d'Aquin et l'Orient chrétien ", Nova et Vetera LXXIV/4, 1999, p. 19-36. L'objet du traitement de cette question dans le présent ouvrage est d'en saisir l'enjeu doctrinal, ce qui constitue aussi un apport au dialogue œcuménique. L'affirmation de la procession de l'Esprit a filio a pour origine historique la nécessité de répondre à l'arianisme: affirmer le Saint-Esprit procède du Fils implique l'unité de nature du Père et du Fils. En outre, il s'agit de souligner que tout ce qui ne relève pas de la paternité et de la filiation doit être commun au Père et au Fils. Enfin, comme cela a déjà été signalé à la fin du chapitre 10, il importe de montrer le lien nécessaire sur le plan de l'économie (action de Dieu dans le monde) entre l'action du Christ et celle de l'Esprit, ce qui souligne l'importance accordée par la théologie occidentale sur le lien entre processions éternelles et processions temporelles (en d'autres termes: sur la relation entre " Trinité immanente " et " Trinité économique "). Le dossier patristique de S. Thomas, notamment sur la présence du Filioque chez S. Cyrille d'Alexandrie, se révèle remarquablement exact (cf. p. 332-333). Il en va de même de sa conscience - pas totale mais déjà vive - de certaines différences entre vocabulaire grec et vocabulaire latin, à laquelle on accorde parfois une influence excessive sur les conflits doctrinaux.

De toute façon j'en aurai le coeur net. J'ai commandé le livre.
De Prosopon à Persona : une méprise sur la Trinité ? - Page 2 Gilles10

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Message  Invité Mer 4 Juil - 11:30

Bonjour Roque

Roque a écrit:
A ma connaissance, la conception des émanations étaient à l'origine extérieures à Dieu, Lui-même.
Là encore, il faut distinguer les créatures intermédiaires des émanations incréées qui ne mettent pas en cause le monothéisme.
Par exemple la Gloire de D.ieu, béni soit-Il, n'est pas créée mais elle peut nous inonder de sa splendeur, elle émane de D.ieu, béni soit-Il, et Lui est extérieure.

Il me semble que dans d'innombrables spiritualités, quand la question de la Création est vraiment abordée, c'est à dire quand les humains s'interrogent sur :
- comment passer de un à deux, puis au multiple ?
- où, comment et pourquoi créer du non-dieu ?
- comment expliquer le caractère apparemment assez rationnel de la création et le fait qu’apparemment un lien reste tissé entre le divin et le créé ?
On passe de 1 à 2 avec nécessairement l'irruption d'un 3 qui assure la relation..
- où et comment articuler l’actuel et le potentiel, l’essence et la substance, le spirituel et le matériel ? toutes ces oppositions duales…
je suis loin d’être exhaustive !

Il me semble que dans de nombreuses spiritualités occidentales ou orientales (je songe à Purusha et Prakriti de l'Hindouisme), les humains peinent à conserver un pur et parfait monolithisme au UN impersonnel ou au Créateur personnel.

Alors c’est vrai,
il paraît plus simple d’organiser un panthéon de créatures spirituelles,
il paraît plus subtil et raffiné de distinguer des univers concentriques, etc.
… et cela paraît une gageure de « tout mettre » en D.ieu, béni soit-Il, sans contester ni Son unicité, ni Son unité ni Sa simplicité !

et c’est précisément parce qu’une telle option paraît a priori absurde que j’en déduis que cette réponse radicale ne pouvait surgir que dans un monothéisme rigide et jaloux (ce n'est nullement péjoratif ici), c’est-à-dire très soucieux de ne paraître ni polythéiste ni hénothéiste.

D’où cette impression toute personnelle que la pure orthodoxie Juive a réussi ce prodige intellectuel sous le feu de l'Esprit Saint, prodige dont, successivement, la Très Sainte Trinité puis la Kabbale seront plus tard des témoins.

Très cordialement

votre soeur Pauline

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Message  Invité Mer 4 Juil - 11:48

Bonjour Roque

Roque a écrit:
Pour revenir à la " relation subsistante " de saint Thomas d'Aquin, je crois que - finalement - mon intuition première était la bonne : la relation en Dieu est la substance de Dieu :
J’admire votre travail mais veuillez me pardonner si je reste un peu déconcertée.

Car le mot « relation » n’a rien d’une notion première à mes yeux, et exploiter ce mot, surtout en lui rajoutant l’épithète de "subsistante", pour donner un sens à un autre mot ("personne") ne me convainc pas.

Ma façon de voir le débat est, en reprenant le vocabulaire, la suivante :
Ou bien « la relation en Dieu est la substance et l’être même de Dieu »
Ou bien « la personne en Dieu est la substance et l’être même de Dieu »

La première définit la personne un peu comme l’effet de la relation c’est-à-dire comme seconde par rapport à la relation, et cette antériorité logique est particulièrement affirmée puisque cet argument servira à saint Thomas d’Aquin pour justifier le filioque :
si le Saint-Esprit procèdait uniquement du Père et pas du Fils, puisque le Fils serait alors dans la même situation, rien ne distinguerait le Saint-Esprit et le Fils, "le Saint-Esprit ne pourrait en aucune manière être distingué personnellement du Fils", puisque les personnes divines ne se distinguent entre elles que par leurs relations : "Respondeo dicendum quod necesse est dicere spiritum sanctum a filio esse. Si enim non esset ab eo, nullo modo posset ab eo personaliter distingui. Quod ex supra dictis patet." (Ia, Q. 36, art. 2).

La seconde définit la relation comme seconde par rapport à la personne, c'est parce qu'il y a des personnes qu'il y a des relations.

À mes yeux, la première proclame un Credo du genre « je crois en la Génération et en la Procession » tandis que la seconde dit « je crois au Fils et à l’Esprit »

Mais ce n'est qu'un sentiment personnel.

Très cordialement

Votre sœur Pauline

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Message  titou2 Ven 3 Aoû - 1:23

HANNAT a écrit:J'arrive vers la fin du livre de Benamozegh :
De Prosopon à Persona : une méprise sur la Trinité ? - Page 2 51zJEjFKihL._SL500_AA300_

Il soutient que la Trinité serait une mise en exergue de 3 des 10 séfirot de l'arbre des Cabbalistes, mais ce qui me semble le plus intéressant, c'est qu'il affirme que la lutte primitive entre les unitariens et les trinitariens aurait pour origine un glissement entre le grec "Prosopon" qui signifie aussi bien face qu'aspect et le latin "Persona", qui au départ désignait également un aspect dans son sens théologique mais en serait venu à désigner une personne indépendante. Le Grec Prosopon restant par ailleurs très proche de l'hébreu Partsuf (face, aspect)

On serait donc passé de trois aspect du divin à travers le Père, le Fils, l'Esprit, à 3 "personnes" distinctes, corrélées par le terme "hypostases".

Qu'en pensez-vous ?

Assalam,

Nous trouvons l'équivalent de ces mondes (dans les autres Traditions) ces sphères dont chaque ange est recteur.

Dans la Tradition Hindoue, par exemple, ces manifestations divines sont dites non suprêmes. L'Essence, elle, étant envisagée d'une manière totalement indépendante.

ci joint mon intervention dans un autre forum :

on parle de la "Parole divine" selon la Genèse. La bible affirme que Dieu parle et que c'est ainsi que la lumière est

Et comme on sait que la parole divine n'est pas une bouche géante qui vient claquer la langue dans les cieux. De quoi s'agit il alors ?

le son et la lumière sont des --> "ondes".

Une onde c'est une --> "vibration" qui se propage comme des cercles concentriques

comme quand tu jettes une pierre dans l'eau --> une succession de sphères concentriques.

Chaque "jour" de la bible semble correspondre à --> une "rotation" de cette sphère

La rotation ne s'arrête jamais --> c'est pourquoi la parole divine ne s'arrête jamais et que la création est sans cesse renouvelée.

C'est par l'irradiation de l'Unité que toute chose est produite sans que l'Unité soit affectée.

la circonférence tourne autour de l'Unité mais l'Unité ne bouge pas, elle est immuable. Elle ne participe pas au mouvement.


De Prosopon à Persona : une méprise sur la Trinité ? - Page 2 Kaaba

Le reflet du mouvement autour du point fixe.


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Message  Invité Mar 21 Aoû - 21:37

Bonjour à toutes et à tous,

Nous en avons évoqué l'existence naguère.
Le prochain Monde de la Bible doit lui être consacré.

Permettez-moi d'évoquer la parution d'un livre assez intéressant et plutôt à contre-courant de la mode.
Ouvrage qui, à mes yeux du moins, bouleverse radicalement notre lecture de l'évangile selon saint Jean.

aucun humain ne peut voir DIEU sans mourir

Est-ce que les théophanies ne seraient donc que des mises en scène où un intermédiaire jouerait le rôle de D.ieu ? béni soit-Il

Cet intermédiaire est un problème considérable pour le Judaïsme orthodoxe avant la chute du Temple.

a. parce que la Bible semble se complaire à brouiller les pistes : parfois on peut identifier ce mystérieux intermédiaire (exemple : pour la théophanie de Jacob en Genèse 32, c’est un être qui est tantôt appelé homme tantôt ange, tantôt D.ieu) parfois il est difficile de se faire une idée (exemple : Exode 33:23 et lorsque je retournerai ma main, tu me verras par derrière, mais ma face ne pourra pas être vue.)

b. parce qu'il faudrait expliquer pourquoi dans Sa Toute-Puissance D.ieu, béni soit-Il, aurait besoin d’un intermédiaire pour interagir avec la Création. L’existence même de cet intermédiaire n’est-elle pas une contestation de la Toute-Puissance de D.ieu ?

Je viens donc de terminer un ouvrage très récent (qui m’a paru difficile et parfois peu convainquant) mais, malgré mes difficultés, je l’ai trouvé passionnant :
La partition du Judaïsme et du Christianisme, de Daniel Boyarin, collection « Patrimoines » au CERF

Une des leçons les plus convaincantes de ce livre est que dans les deux derniers siècles avant la destruction du Temple en 70, les Juifs pieux se sont très probablement divisés en deux camps :

1 ) Ceux qui croient que chaque fois que D.ieu Se manifeste c’est bien Lui-même qui Se manifeste directement malgré Son absolue transcendance :
Il est tout puissant et peut donc Se manifester sous la forme qu’Il veut : ange, brise, feu, nuée, buisson enflammé, gloire, lumière, parole, tonnerre, etc. sous ces aspects c’est toujours D.ieu qui intervient en personne. Inversement les autres expressions mystiques du genre Shekinah (Présence), Hokhmah (Sagesse), Kabod (Gloire), le Char, Metatron (un archange ?), Memra (la Parole, en araméen)… sont des euphémismes, ils désignent D.ieu et non pas une réalité distincte de D.ieu.

Daniel Boyarin appelle cette théologie : « Modalisme dynamique ».
D.ieu est tout-puissant et n’a besoin d’aucun intermédiaire, Il organise les théophanies comme Il veut et sans aucune contrainte.
Pour Daniel Boyarin, cette théologie est celle des Yeshivoth, c'est à dire des maisons d’études pharisiennes.

2 ) Ceux qui croient que chaque fois que D.ieu Se manifeste, c’est toujours par un intermédiaire.
Je dirais même « par L’Intermédiaire », car c’est toujours le même intermédiaire.
Intermédiaire unique entre le Créateur et Sa Création.
Intermédiaire capable d’adopter des formes variées pour se présenter sous des aspects multiples.
Intermédiaire qui crée, agit, intervient, parle, se fait voir ou entendre, se révèle ou se cache, etc.
bref ! le porte-parole et l’agent à tout faire de D.ieu.

Daniel Boyarin appelle cette théologie : « Binitarisme juif » (en référence à un trinitarisme chrétien).
Évidemment, les partisans du Binitarisme Juif resteront divisés sur l’identité exacte de l’Intermédiaire, sur son statut et sur sa nature.
Pour Daniel Boyarin, cette théologie est celle des synagogues et des Targums. Cette théologie sera proclamée hérétique après le mythique concile de Yavnée et ne survivra que marginalement sous l’habit de la Gnose puis de la Kabbale.

Donc…
À mes yeux,
quand on étudie les théophanies et/ou que l'on pointe vers la notion d’intermédiaire entre le Créateur et la Création,
il est peut-être bon de se rappeler quels débats cette notion a pu nourrir jusqu’à la séparation radicale des Juifs et des Chrétiens :
« Aux Cieux, y a-t-il une seule puissance ou deux ? »


Très cordialement


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Message  Invité Dim 26 Aoû - 13:35

pauline.px a écrit:2 ) Ceux qui croient que chaque fois que D.ieu Se manifeste, c’est toujours par un intermédiaire.
Je dirais même « par L’Intermédiaire », car c’est toujours le même intermédiaire.
Intermédiaire unique entre le Créateur et Sa Création.
Intermédiaire capable d’adopter des formes variées pour se présenter sous des aspects multiples.
Intermédiaire qui crée, agit, intervient, parle, se fait voir ou entendre, se révèle ou se cache, etc.
bref ! le porte-parole et l’agent à tout faire de D.ieu.

Je crois bien que ce point n°2 correspond aussi à celui de l'Islam : Dieu interagit avec Sa création par l'intermédiaire de forces angéliques. Le Coran est parsemé de tels passages : [sourate 16, verset 2] ; [sourate 8, verset 9] ; [sourate 97, verset 4] ; [sourate 9, verset 26]....


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Message  titou2 Dim 26 Aoû - 15:36

pauline.px a écrit:

Donc…
À mes yeux,
quand on étudie les théophanies et/ou que l'on pointe vers la notion d’intermédiaire entre le Créateur et la Création,
il est peut-être bon de se rappeler quels débats cette notion a pu nourrir jusqu’à la séparation radicale des Juifs et des Chrétiens :
« Aux Cieux, y a-t-il une seule puissance ou deux ? »

Assalam,

L'infini n'est pas contenu dans le fini (le ciel) chère Pauline.

titou2

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De Prosopon à Persona : une méprise sur la Trinité ? - Page 2 Empty Re: De Prosopon à Persona : une méprise sur la Trinité ?

Message  Roque Dim 26 Aoû - 20:34

titou2 a écrit:L'infini n'est pas contenu dans le fini (le ciel) chère Pauline.
Approche de type " philosophique " coutumière chez les musulmans ... mais la pensée judéo-chrétienne est différente, je le souligne encore. La pensée judéo-chrétienne - si elle est authentique - ne repose pas sur des spéculations, mais elle repose sur l'étude de la Bible comme je le démontre ci-dessous.

En effet, la Bible recèle - comme le dit bien pauline.px - une réflexion sur l'Intermédiaire de YHWH. Justin de Naplouse qui écrivait à Rome entre 150 et 165 est probablement une témoin de cette réflexion " binitariste juive " - si elle a vraiment existé.

Justin de Naplouse pratique une analyse très précise des Écritures pour montrer qu’en certains passages il a Dieu et une autre personne à coté de Dieu, pouvant parfois être appelée « ange », mais qui est Dieu et Seigneur (Dialogue avec Tryphon, LVI, 4) et la Sagesse engendrée et créatrice de Pr 8, 22-31 (Dialogue avec Tryphon, LXI, 1) . Manifestement cette analyse scripturaire est au service du paradoxe chrétien, c'est à dire de l’affirmation conjointe de la divinité de Jésus et de l'unicité de Dieu.

ABRAHAM AU CHENE DE MAMBRE

Les trois hommes qui apparaissent à Abraham au chêne de Mambré (Gn 18, 2) sont une apparition de Dieu (Gn 18, 1). Mais Dieu n’est pas présent en personne, Il est présent à travers ces trois que l’interlocuteur juif Tryphon identifie comme des anges. Deux « hommes » partent pour détruire Sodome (Gn 19, 12). Le troisième « homme » qui dit qu’il « doit revenir au temps du renouveau » (Gn 18,10). Et il revient effectivement un peu plus loin, mais il n’est ni un « ange », ni un « homme », le texte l’appelle « Dieu »: « Mais Dieu lui dit ne te fâche pas à propos du garçon et de ta servante » (Gn 21, 12).

De cette façon Justin cherche à démontrer « qu’après le créateur de l’univers, il existe une autre personne qu’on appelle Dieu et Seigneur, et qui l’est réellement l’un et l’autre, elle aussi parfois désignée sous le nom d’ange, parce qu’elle annonce aux hommes tout ce que veut annoncer le Dieu créateur, au -dessus duquel il n’est pas d’autre Dieu » (Dialogue avec Tryphon, LVI, 4).

Commentaire : cette démonstration de l'unicité de Dieu et de cet autre également appelé " Dieu et Seigneur " ou " ange " peut sembler assez curieuse pour des hommes du XXIème siècle. Elle est en tout cas la preuve qu'en dépit du " paradoxe chrétien ", Justin de Naplouse défend la conviction que Jésus et le Père sont un - et non "deux dieux " comme le prétendent ses interlocuteurs juifs - au milieu du 2ème siècle - 15 ans après le grand massacre qui a suivi la révolte de Bar Kochba aux alentours de Jérusalem - c'est à dire la chute catastrophique de la nation juive. Cette défense de l'unicité de Dieu - en tenant ferme sur les élements du paradoxe chrétien - est spécifique de la foi chrétienne - n'en déplaise à divers commentateurs mal informés.

A la suite du binarisme juif dans un foi monothéiste, il y a eu une sorte de binarisme chrétien dans une foi également monothéiste : c'est la théologie de Verbe - qui concerne directement le 2ème siècle et y compris Justin de Naplouse.

JACOB et le BUISSON ARDENT

La même démonstration est faite avec deux autres passages des Ecritures avec Jacob lors du combat avec l’ange et Moïse au buisson ardent (Dialogue avec Tryphon, LVI à LX)

(à suivre ... mais ça ne doit pas être dans la Coran ou la Sunna, sauf erreur)

Roque

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Message  Invité Dim 26 Aoû - 22:58

Bonjour Titou2

titou2 a écrit:

« Aux Cieux, y a-t-il une seule puissance ou deux ? »
Assalam,
L'infini n'est pas contenu dans le fini (le ciel) chère Pauline.

Il me semble que cela doit dépendre des restrictions que vous imposez à votre infini et des concepts matérialistes que vous manipulez (ici "contenir").

1 ) L'évocation de D.ieu, béni soit-Il, "contenu" me fait frémir et je vous en laisse la responsabilité. D.ieu béni soit-Il est partout et pas seulement partout. S'Il était seulement "en tout, partout et toujours" Il serait limité.

2 ) D.ieu, béni soit-Il, est non pas "au delà du temps et de l'espace" mais au contraire D.ieu est "plus que le temps et l'espace", c'est à dire qu'Il en est le Maître, Il en fait ce qu'Il veut, et Se situe par rapport à eux à Sa guise.

3 ) D.ieu, béni soit-Il, est partout, cela ne signifie pas que D.ieu, béni soit-Il, est dilué mais au contraire qu'Il investit totalement chaque point de l'univers.
Si D.ieu, béni soit-Il, veut investir la pointe d'une aiguille, celle-ci reçoit D.ieu, béni soit-Il, et non pas une partie (!!!) de D.ieu.
Si D.ieu, béni soit-Il, ne veut pas investir la pointe de cette aiguille, cela ne signifie ni un "trou", ni une lacune, ni une anomalie mais cela signifie que D.ieu, béni soit-Il, n'est pas présent de la même manière.

Par conséquent,
Dire qu'Il est aux Cieux ne signifie pas que les Cieux Le contiennent.
Si un chrétien me confie que D.ieu, béni soit-Il, fait Sa demeure en son coeur, cela ne signifie pas que son coeur est plus "gros" que D.ieu, béni soit-Il.

Dire "Notre père qui es aux Cieux" ne définit pas le Père (on ne définit pas D.ieu, béni soit-Il) mais affirme l'existence d'un lieu ou d'un état appelé "Cieux".

Cette notion de "Cieux" n'est pas marginale dans la Révélation, elle suggère le lieu (ou l'état) d'une relation privilégiée entre le Créateur et Sa Création à l'image du Jardin d'Eden, du Saint des Saints de la Tente de rencontre, de la Jérusalem céleste, etc.

Très cordialement

votre soeur,


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Message  Roque Dim 26 Aoû - 23:17

pauline.px a écrit:1 ) L'évocation de D.ieu, béni soit-Il, "contenu" me fait frémir et je vous en laisse la responsabilité. D.ieu béni soit-Il est partout et pas seulement partout. S'Il était seulement "en tout, partout et toujours" Il serait limité.

Le Credo trinitaire d'Irénée de Lyon (daté de +180 environ, tout de suite après Justin de Naplouse) dit dans son premier article que " Dieu n'est pas contenu. " .... c'est du B. A. BA. liminaire.
Ce genre d'allégations ou de questions mal oriéntées sont sans fondement et les preuves historiques de la foi des chrétiens sont disponibles dès les 2ème et 3ème siècles, sans compter le 1er siècle ! Les chrétiens, comme les juifs ou les musulmans comprennent bien de quoi il est question - au fond - quand on parle de Dieu. Ceux qui affectent de croire différemmment sont simplement mal informés.

Roque

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