Débats sur la mise par écrit des Evangiles
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Re: Débats sur la mise par écrit des Evangiles
Bon ; sinon, sur la question de la primauté de l'araméen, c'est quand même passionnant d'écouter ça :
(le père Guigain a un talent d'oralteur qui manque cruellement à Pierre Perrier)
(le père Guigain a un talent d'oralteur qui manque cruellement à Pierre Perrier)
Libremax- Messages : 1367
Date d'inscription : 18/10/2011
Re: Débats sur la mise par écrit des Evangiles
Bonjour à toutes et à tous,
Sur l'Histoire Ecclésiastique d'Eusèbe de Césarée, nous disposons du formidable travail de Philippe Remacle, et de ses amis.
Voici par exemple deux passages du Livre III et du Livre VI, où il est question de la chronologie évangélique selon Clément d'Alexandrie :
http://remacle.org/bloodwolf/historiens/eusebe/histoire3.htm
(voir le chapitre XXIV)
http://remacle.org/bloodwolf/historiens/eusebe/histoire6.htm#XIV
et plus largement
http://remacle.org/bloodwolf/historiens/eusebe/index.htm#HIS
par contre, pour Origène... je n'ai rien trouvé de facilement exploitable.
J'ai trouvé une patrologie bilingue (latin/grecque)... j'avoue mes difficultés...
Très cordialement
pauline
Sur l'Histoire Ecclésiastique d'Eusèbe de Césarée, nous disposons du formidable travail de Philippe Remacle, et de ses amis.
Voici par exemple deux passages du Livre III et du Livre VI, où il est question de la chronologie évangélique selon Clément d'Alexandrie :
http://remacle.org/bloodwolf/historiens/eusebe/histoire3.htm
(voir le chapitre XXIV)
http://remacle.org/bloodwolf/historiens/eusebe/histoire6.htm#XIV
et plus largement
http://remacle.org/bloodwolf/historiens/eusebe/index.htm#HIS
par contre, pour Origène... je n'ai rien trouvé de facilement exploitable.
J'ai trouvé une patrologie bilingue (latin/grecque)... j'avoue mes difficultés...
Très cordialement
pauline
Invité- Invité
Re: Débats sur la mise par écrit des Evangiles
Notre site préféré !pauline.px a écrit:Sur l'Histoire Ecclésiastique d'Eusèbe de Césarée, nous disposons du formidable travail de Philippe Remacle, et de ses amis.
Même frustration... Et comme je compte plutôt m'atteler à des traductions du Πανάριον d'Epiphane, je suis désolé de ne pouvoir vous proposer de faire de même avec Origène dans les semaines à venir.pauline.px a écrit:par contre, pour Origène... je n'ai rien trouvé de facilement exploitable.
J'ai trouvé une patrologie bilingue (latin/grecque)... j'avoue mes difficultés...
_________________
...S'il me manque l'amour, je suis un métal qui résonne, une cymbale retentissante (1 Cor XIII, 1)
>> Mon blog change d'adresse pour fuir la pub : https://blogrenblog.wordpress.com/ <<
Re: Débats sur la mise par écrit des Evangiles
Grand merci LibreMax pour cette vidéo passionnante.
Même si au début, je n'ai guère été convaincue par les "arguments externes", la suite et la fin de la conférence incitent à acheter le livre :
La- Torah de la Nouvelle Alliance selon la récitation orale des Apôtres.
du P. Frédéric Guigain
C'est assez cher pour moi, (même si le web me propose des prix extrêmement dispersés)
est-ce que quelqu'un l'a lu ?
je crains d'être déçue...
j'y vais, ou pas ?
très cordialement
votre sœur
pauline
Même si au début, je n'ai guère été convaincue par les "arguments externes", la suite et la fin de la conférence incitent à acheter le livre :
La- Torah de la Nouvelle Alliance selon la récitation orale des Apôtres.
du P. Frédéric Guigain
C'est assez cher pour moi, (même si le web me propose des prix extrêmement dispersés)
est-ce que quelqu'un l'a lu ?
je crains d'être déçue...
j'y vais, ou pas ?
très cordialement
votre sœur
pauline
Invité- Invité
Re: Débats sur la mise par écrit des Evangiles
Attention!
C'est le texte araméen de la Peshytta, séquencé selon les colliers évangéliques. Il y a juste des titres français qui indiquent les péricopes, et puis quelques annotations.
En revanche il a publié "exégèse d'oralité", qui est un ouvrage de présentation gélérale de l'oralité et de certains colliers emblématiques, pas aussi long que ceux de Pierre Perrier, mais assez denses tout de même, en tout cas passionnants en terme d'implication spirituelle.
C'est le texte araméen de la Peshytta, séquencé selon les colliers évangéliques. Il y a juste des titres français qui indiquent les péricopes, et puis quelques annotations.
En revanche il a publié "exégèse d'oralité", qui est un ouvrage de présentation gélérale de l'oralité et de certains colliers emblématiques, pas aussi long que ceux de Pierre Perrier, mais assez denses tout de même, en tout cas passionnants en terme d'implication spirituelle.
Libremax- Messages : 1367
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Re: Débats sur la mise par écrit des Evangiles
Pour se faire une idée du contenu de ce livre, en voici un extrait :
http://eecho.fr/wp-content/uploads/2010/11/COLLIER-DE-JEAN.pdf
C'est réellement destiné aux araméophones / araméophiles ?
http://eecho.fr/wp-content/uploads/2010/11/COLLIER-DE-JEAN.pdf
C'est réellement destiné aux araméophones / araméophiles ?
Libremax- Messages : 1367
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Date d'inscription : 18/10/2011
Re: Débats sur la mise par écrit des Evangiles
pauline.px a écrit:La- Torah de la Nouvelle Alliance selon la récitation orale des Apôtres.
du P. Frédéric Guigain
Il faut voir le contenu d'abord, y a-t-il la traduction en français (au départ Frédéric Guigain a travaillé sur le reconstitution des rythmes des textes syriaques Peshitto et Peshitta).
Personnellement j'ai acheté : " La récitation orale de la Nouvelle Alliance Selon Marc " 2012. ISBN : 978-2-87601-350-6 : il n'y a que le texte français disposé en colliers et perles. Je crois que la Torah de la Nouvelle Alliance " est la restitution de cette récitation alternée mais en araméen seulement (sauf erreur).
Je sais que cette " Récitation orale de la Nouvelle Alliance " existe maintenant pour Matthieu et Luc. Seul Jean manque encore ainsi que les Actes des Apôtres. Mais comme il s'agit d'un texte français qui - au fond - ne se différencie pas beaucoup du texte français habituel (TOB), j'ai choisi d'acheter récemment : "Exégèse d'oralité " 2012 ISBN : 978-2-87601-353-7. Pour comprendre la méthode de cette école - avant de juger des résultats - c'est l'ouvrage indiqué. Frédéric parle et écrit beaucoup plus clairement que Pierre Perrier, il est d'une méticulosité dans ses descriptions à la limite de la redondance - mais si on est patient, c'est parfaitement clair. Séduisant même !
C'est malheureux car Frédéric Guigain donne son enseignement chaque semaine à 2 Km de chez moi le lundi à 20h00 ... j'ai des contraintes qui m'empêche d'y participer - habituellement - à cette heure. Peut-être l'année prochaine ....
Roque- Messages : 5064
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Re: Débats sur la mise par écrit des Evangiles
Bonjour Libremax
Mais si on disait qu'au XIXème siècle que le français est la langue vivante des Français, rendrait-on compte de la langue parlée dans les villages ? de la langue parlée par les femmes ? par les enfants ?
Alors veuillez m'éclairer :
37 Au moment d’être introduit dans la forteresse, Paul dit au tribun: M’est-il permis de te dire quelque chose ? Le tribun répondit : Tu sais le grec ?
qui signifie à mes yeux que le tribun n'imagine pas que Paul parle grec, il s'attendait à une autre langue, le copte peut-être, ou l'araméen ou tout autre idiome.
2 Lorsqu’ils entendirent qu’il leur parlait en langue hébraïque, ils redoublèrent de silence.
La foule va adopter une attitude de respect en entendant la langue dans laquelle Paul s'exprime.
Je ne vois ppas bien pourquoi la foule (qui connaît sans doute mieux Paul que le tribun) se serait attendue à ce que Paul s'adresse à eux en grec ou en copte.
Pourquoi des Juifs pieux de Jérusalem redoubleraient de silence (μαλλον παρεσχον ησυχιαν) si saint Paul s'exprime dans la langue qui sert à tout le monde, à tous les goïms ?
En quoi l'usage de l'araméen va-t-il imposer le silence à ces défenseurs de la vraie foi ?
Que la Peshitta ne dise qu'une seule fois "Talitha koumi" ne m'étonne pas, c'est le contraire qui m'eût étonnée.
Sur le site
http://www.peshitta.org/
nous pouvons consulter la peshitta, ou plus exactement une version interlinéaire dont je ne peux déchiffrer que l'anglais.
L'anglais me suggère que Jésus dit "Jeune fille, lève-toi"...
J'ignore si le texte araméen confirme le "Talitha koumi" mais j'aurais été très surprise que la Peshitta répétât deux fois cette formule séparées du commentaire "ce qui signifie".
Voulez-vous dire qu'initialement le texte grec ne disait que "ταλιθα κουμι" ou bien qu'il ne disait que "το κορασιον σοι λεγω εγειρε" ?
Ce qui me turlupine c'est que si Jésus s'adresse à tous en araméen alors sur quelle base les évangélistes ont-il retenu quelques isolats "en araméen dans le texte".
Même "Eli, Eli, lama sabachthani ?" ?
Mon sentiment est que la bascule assez exceptionnelle du grec évangélique à l'araméen vernaculaire témoigne du fait que parfois les témoins remarquaient l'usage de l'araméen dans la bouche de Jésus.
Y a des circonstances où cela attirait l'attention, où cela prenait un sens... et puis d'autres où cela passait comme une lettre à la poste
Jésus parlait-Il toujours araméen ?
l'araméen n'est-elle pas seulement la langue des hommes ? voire celles des hommes urbains ?
Il pouvait par exemple s'adapter à Son interlocuteur ou (au contraire) aux spectateurs en employant tel ou tel patois, jargon, idiome etc.
Par exemple, je Le vois mal discuter avec les scribes et les docteurs dans une autre langue que l'hébreu, la langue du sanctuaire comme le rappellent les targums palestiniens.
Et je Le vois mal S'adresser à solennellement à Son Père en araméen... Ignorait-Il l'hébreu du Psaume 22 ?
très cordialement
votre sœur
pauline
Libremax a écrit:l'hypothèse de la prédication araméenne de l'Evangile part du principe que l'araméen est la langue vivante des hébreux en Palestine à l'époque de Jésus.
Mais si on disait qu'au XIXème siècle que le français est la langue vivante des Français, rendrait-on compte de la langue parlée dans les villages ? de la langue parlée par les femmes ? par les enfants ?
Libremax a écrit:
A tel point que l'appellation "dialecte hébraïque" ne signifie pas "en hébreu", mais bien "en araméen", c'est à dire dans la langue parlée par les hébreux. Le grec, qui est la langue véhiculaire de l'Empire, est bien sûr souvent utilisée pour communiquer dans le commerce et la politique avec les colons, c'est pourquoi Paul parle grec au tribun. Mais il n'y a pas de troisième langue dans cet épisode.
Alors veuillez m'éclairer :
37 Au moment d’être introduit dans la forteresse, Paul dit au tribun: M’est-il permis de te dire quelque chose ? Le tribun répondit : Tu sais le grec ?
qui signifie à mes yeux que le tribun n'imagine pas que Paul parle grec, il s'attendait à une autre langue, le copte peut-être, ou l'araméen ou tout autre idiome.
2 Lorsqu’ils entendirent qu’il leur parlait en langue hébraïque, ils redoublèrent de silence.
La foule va adopter une attitude de respect en entendant la langue dans laquelle Paul s'exprime.
Je ne vois ppas bien pourquoi la foule (qui connaît sans doute mieux Paul que le tribun) se serait attendue à ce que Paul s'adresse à eux en grec ou en copte.
Pourquoi des Juifs pieux de Jérusalem redoubleraient de silence (μαλλον παρεσχον ησυχιαν) si saint Paul s'exprime dans la langue qui sert à tout le monde, à tous les goïms ?
En quoi l'usage de l'araméen va-t-il imposer le silence à ces défenseurs de la vraie foi ?
Libremax a écrit:
Quant aux citations "en araméen dans le texte", il est inexact de dire que tout le monde parlait araméen : la Bonne Nouvelle a vite été adressée à des convertis uniquement hellénophones, et c'est précisément le problème qui est à l'origine de la désignation des diacres au début des Actes. Par ailleurs, il est très significatif de constater que ces citations sont purement et simplement absentes du texte araméen de la Peshytta
Que la Peshitta ne dise qu'une seule fois "Talitha koumi" ne m'étonne pas, c'est le contraire qui m'eût étonnée.
Sur le site
http://www.peshitta.org/
nous pouvons consulter la peshitta, ou plus exactement une version interlinéaire dont je ne peux déchiffrer que l'anglais.
L'anglais me suggère que Jésus dit "Jeune fille, lève-toi"...
J'ignore si le texte araméen confirme le "Talitha koumi" mais j'aurais été très surprise que la Peshitta répétât deux fois cette formule séparées du commentaire "ce qui signifie".
Libremax a écrit:
les traductions du genre "talitha koum, c'est à dire jeune-fille, lève-toi" sont des gloses ajoutées dans le texte grec
Voulez-vous dire qu'initialement le texte grec ne disait que "ταλιθα κουμι" ou bien qu'il ne disait que "το κορασιον σοι λεγω εγειρε" ?
Ce qui me turlupine c'est que si Jésus s'adresse à tous en araméen alors sur quelle base les évangélistes ont-il retenu quelques isolats "en araméen dans le texte".
Libremax a écrit:
Les citations sont à mon avis des formules qui sont devenues rituelles, et qui ont été conservées telles quelles dans le texte grec à dessein.
Même "Eli, Eli, lama sabachthani ?" ?
Mon sentiment est que la bascule assez exceptionnelle du grec évangélique à l'araméen vernaculaire témoigne du fait que parfois les témoins remarquaient l'usage de l'araméen dans la bouche de Jésus.
Y a des circonstances où cela attirait l'attention, où cela prenait un sens... et puis d'autres où cela passait comme une lettre à la poste
Jésus parlait-Il toujours araméen ?
l'araméen n'est-elle pas seulement la langue des hommes ? voire celles des hommes urbains ?
Il pouvait par exemple s'adapter à Son interlocuteur ou (au contraire) aux spectateurs en employant tel ou tel patois, jargon, idiome etc.
Par exemple, je Le vois mal discuter avec les scribes et les docteurs dans une autre langue que l'hébreu, la langue du sanctuaire comme le rappellent les targums palestiniens.
Et je Le vois mal S'adresser à solennellement à Son Père en araméen... Ignorait-Il l'hébreu du Psaume 22 ?
très cordialement
votre sœur
pauline
Invité- Invité
Re: Débats sur la mise par écrit des Evangiles
Bonsoir Pauline,Pauline.px a écrit:Mais si on disait qu'au XIXème siècle que le français est la langue vivante des Français, rendrait-on compte de la langue parlée dans les villages ? de la langue parlée par les femmes ? par les enfants ?
pas tout à fait, si l'on tient compte des patois, qui sont très disparates en France. Au moins ne serait-on pas induit en erreur en ne prétendant pas qu'on y parlait le latin. De même, l'araméen avait ses variantes dialectales (quoique, de loin moins hétérogènes que le français et les divers patois), mais l'écart entre l'usage de l'araméen et celui de l'hébreu était à peu près le même qu'entre le français et le latin, langue uniquement liturgique et ecclésiastique.
Bien sûr : il s'attendait à ce que Paul parlât uniquement araméen.Alors veuillez m'éclairer :
37 Au moment d’être introduit dans la forteresse, Paul dit au tribun: M’est-il permis de te dire quelque chose ? Le tribun répondit : Tu sais le grec ?
qui signifie à mes yeux que le tribun n'imagine pas que Paul parle grec, il s'attendait à une autre langue, le copte peut-être, ou l'araméen ou tout autre idiome.
Il semblerait que la foule ne connaît pas si bien Paul que cela : la rumeur court que Paul veut pousser les juifs à abandonner le culte de Moïse, et on l'accuse de profaner le Temple en y amenant des grecs. Ses excursions dans l'empire romain sont éventuellement connues : il parle la langue maternelle des juifs, et non le grec profane : c'est donc en tant que juif qu'il expose sa défense. Nous ne sommes plus en présence exclusive des juifs pieux de Jérusalem, mais de toute une foule, dans laquelle règne un grand tumulte.2 Lorsqu’ils entendirent qu’il leur parlait en langue hébraïque, ils redoublèrent de silence.
La foule va adopter une attitude de respect en entendant la langue dans laquelle Paul s'exprime.
Je ne vois ppas bien pourquoi la foule (qui connaît sans doute mieux Paul que le tribun) se serait attendue à ce que Paul s'adresse à eux en grec ou en copte.
Pourquoi des Juifs pieux de Jérusalem redoubleraient de silence (μαλλον παρεσχον ησυχιαν) si saint Paul s'exprime dans la langue qui sert à tout le monde, à tous les goïms ?
En quoi l'usage de l'araméen va-t-il imposer le silence à ces défenseurs de la vraie foi ?
Ce n'est pas ce que je voulais dire, mais ici, ce serait à un spécialiste de s'exprimer. J'entendais que le texte grec a cru bon de conserver une phrase en araméen et de la traduire juste après : c'est donc pour une raison bien précise.Voulez-vous dire qu'initialement le texte grec ne disait que "ταλιθα κουμι" ou bien qu'il ne disait que "το κορασιον σοι λεγω εγειρε" ?
Ce qui me turlupine c'est que si Jésus s'adresse à tous en araméen alors sur quelle base les évangélistes ont-il retenu quelques isolats "en araméen dans le texte".
Or, personne ne conteste l'usage général de l'araméen dans les campagnes de Palestine à cette époque. Il était donc normal que Jésus s'exprime dans cette langue. si le texte grec choisit de restituer la phrase en araméen, et précisément dans le cadre d'un miracle, je pense que c'est parce qu'elle a un statut spécial.
Le cas du ""Eli, Eli,..." est différent : il s'agit de reproduire un texte qui renvoie à la fois au début du psaume 22 récité en araméen, et à la fois à un malentendu chez les pharisiens, ( qui d'ailleurs, parlent selon toute probabilité un autre dialecte araméen que celui qu'utilise Jésus à cet instant. )Même "Eli, Eli, lama sabachthani ?" ?
Mon sentiment est que la bascule assez exceptionnelle du grec évangélique à l'araméen vernaculaire témoigne du fait que parfois les témoins remarquaient l'usage de l'araméen dans la bouche de Jésus.
Y a des circonstances où cela attirait l'attention, où cela prenait un sens... et puis d'autres où cela passait comme une lettre à la poste
Non, c'est la langue du peuple.Jésus parlait-Il toujours araméen ?
l'araméen n'est-elle pas seulement la langue des hommes ? voire celles des hommes urbains ?
Il y a bien un "araméen d'empire", celui qui sert de langue véhiculaire dans l'empire perse/parthe, et un dialecte araméen de Judée, mais on parle bel et bien araméen en Samarie et en Galilée.
L'hébreu est la langue des religieux et des intellectuels ; le grec est la langue du commerce et de la politique avec le monde romain (pas avec le monde perse).
Tout à fait. C'est juste que les patois en question sont des variantes dialectales d'un même idiome. Jésus s'est de toute évidence lancé dans de grandes controverses avec les docteurs de la loi en hébreu. Mais ceux-ci avaient aussi intérêt à être compris du public lorsqu'ils venaient l'apostropher.Il pouvait par exemple s'adapter à Son interlocuteur ou (au contraire) aux spectateurs en employant tel ou tel patois, jargon, idiome etc.
Par exemple, je Le vois mal discuter avec les scribes et les docteurs dans une autre langue que l'hébreu, la langue du sanctuaire comme le rappellent les targums palestiniens.
Certainement pas.Et je Le vois mal S'adresser à solennellement à Son Père en araméen... Ignorait-Il l'hébreu du Psaume 22 ?
Mais Jésus s'adressait-Il toujours au Père de manière solennelle, au point de n'utiliser que la langue des prêtres ? La dévotion juive était tout autant populaire, familiale, et pour tout dire, maternelle, que sacrale. Sur la croix, Jésus pouvait tout à fait réciter ce verset à l'adresse des proches qui restaient encore, et qui venaient de Galilée.
"Abba" est un mot araméen...
Libremax- Messages : 1367
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Re: Débats sur la mise par écrit des Evangiles
pauline.px a écrit:Grand merci LibreMax pour cette vidéo passionnante.
Même si au début, je n'ai guère été convaincue par les "arguments externes",
Oui les arguments externes sont faibles, Frédéric Guigain le dit d'ailleurs lui-même (48 mn). Au début de la vidéo, Frédéric Guigain souligne bien l'énorme paradoxe d'un " texte oral " rédigé en araméen - pratiquement immédiatement traduit en grec. C'est une autre objection possible à cette thèse, donc. Mais tu sais bien entendu que j'y reste quand même favorable au sens où elle concurrence très solidement et efficacement des thèses comme celle de Marguerat and C°.
Cependant, voici une autre vidéo (si tu as le temps), passionnante également. On y trouve une explication sur les astérisques et points qui indiquent respectivement les " reprises de souffle " (petgame) et le balancement latéral pendant la récitation de l'Evangile. Aussi étonnant que ce soit pour nous, cela est porté sur les manuscrits (à partir de 25 mn sur la vidéo ci-dessous). Ce sont des preuves internes aussi :
la vidéo : https://www.dailymotion.com/video/xhrl9g_la-torah-de-la-nouvelle-alliance_school
déjà sur ce forum : https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t47p75-debats-sur-la-mise-par-ecrit-des-evangiles#8895
Roque- Messages : 5064
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Re: Débats sur la mise par écrit des Evangiles
Roque a écrit:Oui les arguments externes sont faibles. Au début de la vidéo, Frédéric Guigain souligne bien l'énorme paradoxe d'un " texte oral " rédigé en araméen - pratiquement immédiatement traduit en grec. C'est une autre objection possible à cette thèse, donc.
Bonjour cher Roque,
pour moi, ce serait une objection si elle n'avait une explication tout à fait rationnelle dans la thèse de l'oralité araméenne :
Beaucoup de juifs venus de la diaspora à Jérusalem, lieu de la première évangélisation, ne parlent pas araméen. Les apôtres mettent en forme une catéchèse structurée qu'il faut donc traduire pour ce public (c'est ce que suggère l'épisode de la nomination des Sept dans les Actes des Apôtres). L'évangélisation se répandant, une version grecque, c'est à dire ouverte aux juifs hellénistes doit être supervisée par les apôtres.
Papias dit d'ailleurs que la première proclamation s'est faite en langue hébraïque, et que "chacun traduisait comme il pouvait" : il semblerait que les apôtres n'aient pas eu le temps de traduire eux-mêmes tout de suite : il y a eu vraisemblablement des traductions spontanées, ce qui pourrait expliquer la profusion de versions grecques avant la crise marcionite.
Libremax- Messages : 1367
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Re: Débats sur la mise par écrit des Evangiles
Oui, Libremax. J'essaie seulement de retenir des éléments objectifs contre les thèses de Pierre Perrier et Frédéric Guigain. Mais comme tu vas le voir dans quelques jours, mes objections contre les thèses de Marguerat sont carrément massives.
Roque- Messages : 5064
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Re: Débats sur la mise par écrit des Evangiles
Bonjour Libremax
Merci pour votre attention.
Veuillez me pardonner ma nuque raide et les doutes que je peux exprimer vis à vis du consensus
Néanmoins, je ne suis pas sûre qu’il y ait eu un temps où, sur le territoire de la France, la plupart des paysans, des femmes et des enfants parlaient le latin, langue qui fut quand même la langue de l’envahisseur.
Le latin s’est imposé sur les idiomes gaulois puis francs en se transformant et en s’éloignant considérablement du latin d’Église. Je note en passant que le latin ne s’est jamais imposé chez les femmes en pays Celte ou Basque.
En revanche, on peut imaginer qu’il fut un temps où le peuple hébreu parlait hébreu.
Admettons !
La tradition veut que Juda ait perdu sa langue suite à quelques décennies d’exil de son élite intellectuelle à Babylone (quelques décennies à mettre en regard avec les quatre siècles de servitude en Égypte).
Mais, au-delà de cette tradition, que sait-on d’indiscutable au sujet de la langue des femmes, des enfants, des paysans ?
Si l’hébreu était d’accès si difficile comment expliquer la prééminence de cette langue au sein de la production littéraire canonique, apocryphe, sectaire, qumranienne et autres dans le domaine spirito-religieux pendant la période du second Temple ?
Jusqu'au premier siècle après Jésus-Christ, il est de bon ton d'employer l'hébreu pour écrire un texte spirito-ésotérico-religieux. Jusqu'à la correspondance de Bar-Kokhba qui mélange hébreu et araméen...
Je peine à imaginer que s’adresser, comme n’importe quel touriste, en araméen à des Juifs hostiles pourrait imposer un silence respectueux, silence sur lequel saint Luc insiste particulièrement.
Il est clair que si tout le corpus est araméen alors il faut d’impérieuses raisons pour isoler, çà et là, quelques expressions araméennes…
En ce moment, je peine à rassembler des données historiques précises sur la vie quotidienne des femmes. Je ne trouve que des conjectures élaborées à partir de rares textes (généralement normatifs) qui parlent des femmes. On y suggère que les épouses de la bonne société ne sortaient que très exceptionnellement de la maison de leur époux et qu'elles ne parlaient pas en public.
De quels éléments dispose-t-on pour affirmer que les paysannes galiléennes parlaient la langue commerciale de l’élite ?
J’ose un parallèle avec le Coran, écrit il y a près d’un millénaire et demi, il reste encore accessible à beaucoup de gens du peuple.
Si jamais l’hébreu a été parlé en Palestine alors c’est probablement assez contemporain des débuts de la mise par écrit des Traditions bibliques.
Autant vous dire que je ne crois pas que ce soit très très très ancien.
Évidement cela n’a de sens que si, dans tout Son ministère, Jésus ne s’exprimait pas uniquement en araméen.
Pour que cela ait un sens il faut qu’il y ait un contraste.
vous m’assurez que c’est du AB araméen et non pas du AB hébreu.
A-t-on des éléments pour affirmer que Abba n’a aucun lien avec le AB hébreu ?
PAPA est-il français ou allemand ?
Très cordialement
Votre sœur
pauline
Merci pour votre attention.
Veuillez me pardonner ma nuque raide et les doutes que je peux exprimer vis à vis du consensus
Il y a beaucoup de négations qui ne seraient pas erronées...Libremax a écrit:
Au moins ne serait-on pas induit en erreur en ne prétendant pas qu'on y parlait le latin.
Néanmoins, je ne suis pas sûre qu’il y ait eu un temps où, sur le territoire de la France, la plupart des paysans, des femmes et des enfants parlaient le latin, langue qui fut quand même la langue de l’envahisseur.
Le latin s’est imposé sur les idiomes gaulois puis francs en se transformant et en s’éloignant considérablement du latin d’Église. Je note en passant que le latin ne s’est jamais imposé chez les femmes en pays Celte ou Basque.
En revanche, on peut imaginer qu’il fut un temps où le peuple hébreu parlait hébreu.
Admettons !
La tradition veut que Juda ait perdu sa langue suite à quelques décennies d’exil de son élite intellectuelle à Babylone (quelques décennies à mettre en regard avec les quatre siècles de servitude en Égypte).
Mais, au-delà de cette tradition, que sait-on d’indiscutable au sujet de la langue des femmes, des enfants, des paysans ?
Si l’hébreu était d’accès si difficile comment expliquer la prééminence de cette langue au sein de la production littéraire canonique, apocryphe, sectaire, qumranienne et autres dans le domaine spirito-religieux pendant la période du second Temple ?
Jusqu'au premier siècle après Jésus-Christ, il est de bon ton d'employer l'hébreu pour écrire un texte spirito-ésotérico-religieux. Jusqu'à la correspondance de Bar-Kokhba qui mélange hébreu et araméen...
Le texte me suggère un parallélisme où l’usage d’une langue induit une réaction chez l’auditeur.Libremax a écrit:
Il semblerait que la foule ne connaît pas si bien Paul que cela : la rumeur court que Paul veut pousser les juifs à abandonner le culte de Moïse, et on l'accuse de profaner le Temple en y amenant des grecs. Ses excursions dans l'empire romain sont éventuellement connues : il parle la langue maternelle des juifs, et non le grec profane : c'est donc en tant que juif qu'il expose sa défense. Nous ne sommes plus en présence exclusive des juifs pieux de Jérusalem, mais de toute une foule, dans laquelle règne un grand tumulte.
Je peine à imaginer que s’adresser, comme n’importe quel touriste, en araméen à des Juifs hostiles pourrait imposer un silence respectueux, silence sur lequel saint Luc insiste particulièrement.
Oui.Libremax a écrit:
J'entendais que le texte grec a cru bon de conserver une phrase en araméen et de la traduire juste après : c'est donc pour une raison bien précise.
Il est clair que si tout le corpus est araméen alors il faut d’impérieuses raisons pour isoler, çà et là, quelques expressions araméennes…
L’histoire est généralement l’histoire des classes dominantes.Libremax a écrit:
Or, personne ne conteste l'usage général de l'araméen dans les campagnes de Palestine à cette époque.
En ce moment, je peine à rassembler des données historiques précises sur la vie quotidienne des femmes. Je ne trouve que des conjectures élaborées à partir de rares textes (généralement normatifs) qui parlent des femmes. On y suggère que les épouses de la bonne société ne sortaient que très exceptionnellement de la maison de leur époux et qu'elles ne parlaient pas en public.
De quels éléments dispose-t-on pour affirmer que les paysannes galiléennes parlaient la langue commerciale de l’élite ?
Au temps de la splendeur de l’Église Catholique Romaine, les gens du peuple en France pouvaient réciter des psaumes en latin, pourquoi imaginer que les gens du peuple et les femmes seraient devenus incapable de réciter les psaumes ?Libremax a écrit:
Mais Jésus s'adressait-Il toujours au Père de manière solennelle, au point de n'utiliser que la langue des prêtres ? La dévotion juive était tout autant populaire, familiale, et pour tout dire, maternelle, que sacrale.
J’ose un parallèle avec le Coran, écrit il y a près d’un millénaire et demi, il reste encore accessible à beaucoup de gens du peuple.
Si jamais l’hébreu a été parlé en Palestine alors c’est probablement assez contemporain des débuts de la mise par écrit des Traditions bibliques.
Autant vous dire que je ne crois pas que ce soit très très très ancien.
Je crois, en effet, que l’emploi de l’araméen signifie que notre Seigneur S’adressait à nous et qu’Il ne S’adressait pas du tout à Son Père.Libremax a écrit:
Sur la croix, Jésus pouvait tout à fait réciter ce verset à l'adresse des proches qui restaient encore, et qui venaient de Galilée.
Évidement cela n’a de sens que si, dans tout Son ministère, Jésus ne s’exprimait pas uniquement en araméen.
Pour que cela ait un sens il faut qu’il y ait un contraste.
C’est un dérivé affectueux du mot AB,Libremax a écrit:
"Abba" est un mot araméen...
vous m’assurez que c’est du AB araméen et non pas du AB hébreu.
A-t-on des éléments pour affirmer que Abba n’a aucun lien avec le AB hébreu ?
PAPA est-il français ou allemand ?
Très cordialement
Votre sœur
pauline
Invité- Invité
Re: Débats sur la mise par écrit des Evangiles
Bonjour chère Pauline,
Vous m'avez parlé de la langue parlée en France par les femmes et les enfants au XIXe siècle : pour sûr, on n'y parlait pas le latin. Le français était bien stabilisé. Au pire, me semble-t-il, les patois avaient un usage beaucoup plus prononcé qu'aujourd'hui, les tournures et vocabulaires locaux devaient être marqués, mais cela s'arrêtait là.
Les hébreux n'ont certainement pas perdu l'usage de leur langue uniquement à cause de l'Exil. Les babyloniens n'étaient pas les seuls araméophones du Moyen-Orient, la langue en question n'était donc pas uniquement celle de l'envahisseur. L'araméen a eu le temps d'être utilisé pour les échanges entre pays longtemps avant les prises successives de Jérusalem, et les hébreux ont toujours essaimé en dehors d'Israël pour établir des colonies. Israël n'a donc pas eu le même rapport avec l'araméen que celui qu'elle a eu avec la langue égyptienne, par exemple.
Cependant, il semble tout de même qu'un évènement culturel majeur se soit déroulé durant cet Exil, à tout point de vue, dans lequel la linguistique est impliquée.
Il est vrai qu'il n'a duré que quelques décennies, mais il paraît que quelques décennies aussi après l'invasion francque en Gaule, les francs ont organisé une rencontre avec leurs frères restés au pays : ils ne se comprenaient plus ! Il a fallu des interprètes. Les choses peuvent donc aller vite, c'est déjà arrivé.
Pour ma part, puisqu'on dit souvent que le Temple avait quelque peu "embourgeoisé" la religion des hébreux et que l'Exil avait favorisé une spiritualité libérée de la centralisation du sacrifice, je ne serais pas étonné qu'il ait favorisé aussi une décrispation des usages linguistiques religieux.
Mais, elle s'explique par le fait que l'hébreu était la langue sacrée, celle-là même que Dieu a utilisé pour s'adresser à Moïse! Les Ecritures avaient été données en hébreu : il n'était pas pensable d'abandonner l'hébreu. Les midrashim, le pesher se faisant sur l'Ecriture, il était logique, quand on était un érudit des Ecritures, de les composer en hébreu.
Nous en avons, ici par contre, un équivalent avec le latin en occident plus tard : celui-ci était devenu la langue de référence, la langue sacrée de l'Eglise : il était normal de n'utiliser qu'elle pour tout ce qui était religieux.
Les textes de Qumran montrent aussi qu'une partie importante de textes, pourtant religieux, sont écrits en araméen. Par ailleurs, les Targoums attestent de la désaffection générale de l'hébreu même au sein de la synagogue : il faut traduire et commenter les lectures sacrées dans la langue du peuple. Et Bar Kochba n'était pas un simple paysan.
C'est justement parce que vous partez du principe que l'araméen est la langue de n'importe quel touriste.
Or, Paul s'adresse à la foule dans la langue du pays, et peut-être même dans le dialecte araméen de Jérusalem, fortement teinté d'hébreu. Parler en hébreu, c'est s'assurer que beaucoup ne le comprendront pas. A la Pentecôte, les auditeurs des Apôtres sont tous des gens qui viennent de contrées où l'araméen est au moins une langue commerciale.
D'aucun : il y a longtemps que l'araméen parlé dans les familles juives n'était plus la langue commerciale de l'élite.
Il y avait deux langues pour remplir cette fonction : le grec, pour l'empire romain, et l'araméen dit "araméen d'empire" pour l'empire perse/parthe. Mais il y avait un dialecte araméen galiléen, samaritain, judéen. (entre autres)
Il est certain qu'ils étaient capables de les réciter. Mais il est question en revanche qu'ils n'étaient plus tellement capables de les comprendre. Et je suis sûr que beaucoup de monde au temps de la splendeur de l'Eglise catholique devaient réciter des choses qu'ils ne comprenaient pas. Aujourd'hui encore, au pays basque, "il est de bon ton" de parler basque, les messes sont dites en basque, tout le monde récite les prières en basque, mais une bonne partie des gens est incapable de traduire "Père" ou "pain quotidien".
Quant au coran, il est accessible au peuple parce que les chefs religieux et politiques de l'Islam ont depuis toujours imposé l'arabe. Il est probable que si Moïse avait levé des armées pour conquérir le monde, celui-ci eût parlé l'hébreu d'un bout à l'autre. Mais il n'est pas allé jusque là. Ce n'est pas le cas des premiers musulmans.
Quoi qu'il en soit, elle n'a pas été mise par écrit par des gens du peuple...
Je ne comprends pas pourquoi.
Je comprends, au contraire, que parler à son Père dans sa langue maternelle, celle qu'on parlait dans sa région, faisait sens : le sens d'Emmanuel, "Dieu avec nous".
Je dois vous concéder que je n'en ai d'autres que le consensus.
Puissiez-vous en parler avec des linguistes !
Vous m'avez parlé de la langue parlée en France par les femmes et les enfants au XIXe siècle : pour sûr, on n'y parlait pas le latin. Le français était bien stabilisé. Au pire, me semble-t-il, les patois avaient un usage beaucoup plus prononcé qu'aujourd'hui, les tournures et vocabulaires locaux devaient être marqués, mais cela s'arrêtait là.
Les hébreux n'ont certainement pas perdu l'usage de leur langue uniquement à cause de l'Exil. Les babyloniens n'étaient pas les seuls araméophones du Moyen-Orient, la langue en question n'était donc pas uniquement celle de l'envahisseur. L'araméen a eu le temps d'être utilisé pour les échanges entre pays longtemps avant les prises successives de Jérusalem, et les hébreux ont toujours essaimé en dehors d'Israël pour établir des colonies. Israël n'a donc pas eu le même rapport avec l'araméen que celui qu'elle a eu avec la langue égyptienne, par exemple.
Cependant, il semble tout de même qu'un évènement culturel majeur se soit déroulé durant cet Exil, à tout point de vue, dans lequel la linguistique est impliquée.
Il est vrai qu'il n'a duré que quelques décennies, mais il paraît que quelques décennies aussi après l'invasion francque en Gaule, les francs ont organisé une rencontre avec leurs frères restés au pays : ils ne se comprenaient plus ! Il a fallu des interprètes. Les choses peuvent donc aller vite, c'est déjà arrivé.
Pour ma part, puisqu'on dit souvent que le Temple avait quelque peu "embourgeoisé" la religion des hébreux et que l'Exil avait favorisé une spiritualité libérée de la centralisation du sacrifice, je ne serais pas étonné qu'il ait favorisé aussi une décrispation des usages linguistiques religieux.
Si l’hébreu était d’accès si difficile comment expliquer la prééminence de cette langue au sein de la production littéraire canonique, apocryphe, sectaire, qumranienne et autres dans le domaine spirito-religieux pendant la période du second Temple ?
Jusqu'au premier siècle après Jésus-Christ, il est de bon ton d'employer l'hébreu pour écrire un texte spirito-ésotérico-religieux. Jusqu'à la correspondance de Bar-Kokhba qui mélange hébreu et araméen...
Mais, elle s'explique par le fait que l'hébreu était la langue sacrée, celle-là même que Dieu a utilisé pour s'adresser à Moïse! Les Ecritures avaient été données en hébreu : il n'était pas pensable d'abandonner l'hébreu. Les midrashim, le pesher se faisant sur l'Ecriture, il était logique, quand on était un érudit des Ecritures, de les composer en hébreu.
Nous en avons, ici par contre, un équivalent avec le latin en occident plus tard : celui-ci était devenu la langue de référence, la langue sacrée de l'Eglise : il était normal de n'utiliser qu'elle pour tout ce qui était religieux.
Les textes de Qumran montrent aussi qu'une partie importante de textes, pourtant religieux, sont écrits en araméen. Par ailleurs, les Targoums attestent de la désaffection générale de l'hébreu même au sein de la synagogue : il faut traduire et commenter les lectures sacrées dans la langue du peuple. Et Bar Kochba n'était pas un simple paysan.
Le texte me suggère un parallélisme où l’usage d’une langue induit une réaction chez l’auditeur.Libremax a écrit:
Il semblerait que la foule ne connaît pas si bien Paul que cela : la rumeur court que Paul veut pousser les juifs à abandonner le culte de Moïse, et on l'accuse de profaner le Temple en y amenant des grecs. Ses excursions dans l'empire romain sont éventuellement connues : il parle la langue maternelle des juifs, et non le grec profane : c'est donc en tant que juif qu'il expose sa défense. Nous ne sommes plus en présence exclusive des juifs pieux de Jérusalem, mais de toute une foule, dans laquelle règne un grand tumulte.
Je peine à imaginer que s’adresser, comme n’importe quel touriste, en araméen à des Juifs hostiles pourrait imposer un silence respectueux, silence sur lequel saint Luc insiste particulièrement.
C'est justement parce que vous partez du principe que l'araméen est la langue de n'importe quel touriste.
Or, Paul s'adresse à la foule dans la langue du pays, et peut-être même dans le dialecte araméen de Jérusalem, fortement teinté d'hébreu. Parler en hébreu, c'est s'assurer que beaucoup ne le comprendront pas. A la Pentecôte, les auditeurs des Apôtres sont tous des gens qui viennent de contrées où l'araméen est au moins une langue commerciale.
En ce moment, je peine à rassembler des données historiques précises sur la vie quotidienne des femmes. Je ne trouve que des conjectures élaborées à partir de rares textes (généralement normatifs) qui parlent des femmes. On y suggère que les épouses de la bonne société ne sortaient que très exceptionnellement de la maison de leur époux et qu'elles ne parlaient pas en public.
De quels éléments dispose-t-on pour affirmer que les paysannes galiléennes parlaient la langue commerciale de l’élite ?
D'aucun : il y a longtemps que l'araméen parlé dans les familles juives n'était plus la langue commerciale de l'élite.
Il y avait deux langues pour remplir cette fonction : le grec, pour l'empire romain, et l'araméen dit "araméen d'empire" pour l'empire perse/parthe. Mais il y avait un dialecte araméen galiléen, samaritain, judéen. (entre autres)
Au temps de la splendeur de l’Église Catholique Romaine, les gens du peuple en France pouvaient réciter des psaumes en latin, pourquoi imaginer que les gens du peuple et les femmes seraient devenus incapable de réciter les psaumes ?
Il est certain qu'ils étaient capables de les réciter. Mais il est question en revanche qu'ils n'étaient plus tellement capables de les comprendre. Et je suis sûr que beaucoup de monde au temps de la splendeur de l'Eglise catholique devaient réciter des choses qu'ils ne comprenaient pas. Aujourd'hui encore, au pays basque, "il est de bon ton" de parler basque, les messes sont dites en basque, tout le monde récite les prières en basque, mais une bonne partie des gens est incapable de traduire "Père" ou "pain quotidien".
Quant au coran, il est accessible au peuple parce que les chefs religieux et politiques de l'Islam ont depuis toujours imposé l'arabe. Il est probable que si Moïse avait levé des armées pour conquérir le monde, celui-ci eût parlé l'hébreu d'un bout à l'autre. Mais il n'est pas allé jusque là. Ce n'est pas le cas des premiers musulmans.
Si jamais l’hébreu a été parlé en Palestine alors c’est probablement assez contemporain des débuts de la mise par écrit des Traditions bibliques.
Autant vous dire que je ne crois pas que ce soit très très très ancien.
Quoi qu'il en soit, elle n'a pas été mise par écrit par des gens du peuple...
Je crois, en effet, que l’emploi de l’araméen signifie que notre Seigneur S’adressait à nous et qu’Il ne S’adressait pas du tout à Son Père.Libremax a écrit:
Sur la croix, Jésus pouvait tout à fait réciter ce verset à l'adresse des proches qui restaient encore, et qui venaient de Galilée.
Évidement cela n’a de sens que si, dans tout Son ministère, Jésus ne s’exprimait pas uniquement en araméen.
Pour que cela ait un sens il faut qu’il y ait un contraste.
Je ne comprends pas pourquoi.
Je comprends, au contraire, que parler à son Père dans sa langue maternelle, celle qu'on parlait dans sa région, faisait sens : le sens d'Emmanuel, "Dieu avec nous".
C’est un dérivé affectueux du mot AB,Libremax a écrit:
"Abba" est un mot araméen...
vous m’assurez que c’est du AB araméen et non pas du AB hébreu.
A-t-on des éléments pour affirmer que Abba n’a aucun lien avec le AB hébreu ?
Je dois vous concéder que je n'en ai d'autres que le consensus.
Puissiez-vous en parler avec des linguistes !
Libremax- Messages : 1367
Réputation : 16
Date d'inscription : 18/10/2011
Re: Débats sur la mise par écrit des Evangiles
Bonjour Libremax
Deux de mes gendres sont d’origine Kabyle, ils sont nés à quelques dizaines de kilomètres de distance et leur langue maternelle diffère parfois sur le vocabulaire de base. Sans s’appuyer particulièrement sur l’écrit, la langue kabyle a bien résisté à de nombreux siècles d’arabisation et à cent cinquante ans de francisation. Ce fait me suggère que la langue maternelle peut avoir beaucoup plus de permanence que ne le suggéreront tous les écrits de la langue des hommes.
C’est pour moi un mystère que les mères Juives aient raté ce que réussissent si souvent les mères des minorités linguistiques.
Un argument décisif serait la durée… un millénaire c’est énorme !
Mais la Bible confirme-t-elle ce millénaire ?
Du temps de Josias, on peut lire le Deutéronome à la foule. Dès lors, l’hébreu biblique semble encore à la fin du septième siècle la version « soutenue » de la langue maternelle des Juifs.
Et, bien plus tard, le second livre des Maccabées suggère l’usage persistant chez les Juifs mâles de la « langue des pères » (τη πατριω φωνη)…
Que les élites aient progressivement adopté l’araméen d’Empire n’implique pas qu’ils aient oublié l’hébreu et que le menu peuple en ait fait autant.
Mais bien qu’il soit impensable d’abandonner l’hébreu, la langue sacrée, celle-là même que Dieu a utilisé pour s'adresser à Moïse, admettons-le !
Si l’on admet que les élites ont abandonné l’hébreu alors pourquoi la Bible n’a-t-elle jamais été traduite en araméen ?
L’exemple de la Septante démontre que cette option de traduction a été mise en œuvre dans la diaspora dès la fin du troisième siècle et que cette traduction se voulait le plus fidèle possible jusqu’à conserver autant que possible l’ordre des mots. Pourquoi le même projet n’a-t-il jamais été mené vers l’araméen ? Les Targums, apparemment tardifs, ne sont nullement obsédés par la fidélité littérale au texte hébreu. Ce sont des adaptations glosées plus que des traductions mot à mot.
Le message biblique authentique aurait-il donc été réservé à une caste hébraïsante d’une part et aux hellénophones d’autre part ?
Voilà pour moi plein de mystères…
Pas si sûre que vous.
Je vous propose un texte universitaire à ce sujet.
http://www.academia.edu/894811/Larameen_de_Qumran_-_la_question_de_larameen_standard_reconsideree
En voici le début :
Pour moi, il est plus simple de penser que l’hébreu a été perdu par les mères à l'occasion de l’exil consécutif à la répression romaine. Le déracinement et la dispersion durable en terre étrangère offrent une explication crédible.
Très cordialement
Votre sœur
Pauline
Qu’entendez-vous par « mais cela s'arrêtait là »Libremax a écrit:Le français était bien stabilisé. Au pire, me semble-t-il, les patois avaient un usage beaucoup plus prononcé qu'aujourd'hui, les tournures et vocabulaires locaux devaient être marqués, mais cela s'arrêtait là.
Deux de mes gendres sont d’origine Kabyle, ils sont nés à quelques dizaines de kilomètres de distance et leur langue maternelle diffère parfois sur le vocabulaire de base. Sans s’appuyer particulièrement sur l’écrit, la langue kabyle a bien résisté à de nombreux siècles d’arabisation et à cent cinquante ans de francisation. Ce fait me suggère que la langue maternelle peut avoir beaucoup plus de permanence que ne le suggéreront tous les écrits de la langue des hommes.
J’ai l’impression (eh oui c’est toujours davantage de l’ordre du sentiment que de la démonstration mathématique) que l’on nous brosse un tableau qui relève plus du mythe que de l’histoire : l’hébreu s’enracinerait dans la langue maternelle des Juifs réduits à l’esclavage en Égypte. Hélas, la langue maternelle de Moïse n’aurait pas résisté à un millénaire de conflits, de guerres, de brassages de population, d’exils (soi-disant massifs). Et sous les assauts de la langue de la puissance dominante, les mères auraient oublié leur langue pour adopter la langue du commerce et de la diplomatie.Libremax a écrit:Les hébreux n'ont certainement pas perdu l'usage de leur langue uniquement à cause de l'Exil.
C’est pour moi un mystère que les mères Juives aient raté ce que réussissent si souvent les mères des minorités linguistiques.
Un argument décisif serait la durée… un millénaire c’est énorme !
Mais la Bible confirme-t-elle ce millénaire ?
Du temps de Josias, on peut lire le Deutéronome à la foule. Dès lors, l’hébreu biblique semble encore à la fin du septième siècle la version « soutenue » de la langue maternelle des Juifs.
Et, bien plus tard, le second livre des Maccabées suggère l’usage persistant chez les Juifs mâles de la « langue des pères » (τη πατριω φωνη)…
Que les élites aient progressivement adopté l’araméen d’Empire n’implique pas qu’ils aient oublié l’hébreu et que le menu peuple en ait fait autant.
Mais bien qu’il soit impensable d’abandonner l’hébreu, la langue sacrée, celle-là même que Dieu a utilisé pour s'adresser à Moïse, admettons-le !
Si l’on admet que les élites ont abandonné l’hébreu alors pourquoi la Bible n’a-t-elle jamais été traduite en araméen ?
L’exemple de la Septante démontre que cette option de traduction a été mise en œuvre dans la diaspora dès la fin du troisième siècle et que cette traduction se voulait le plus fidèle possible jusqu’à conserver autant que possible l’ordre des mots. Pourquoi le même projet n’a-t-il jamais été mené vers l’araméen ? Les Targums, apparemment tardifs, ne sont nullement obsédés par la fidélité littérale au texte hébreu. Ce sont des adaptations glosées plus que des traductions mot à mot.
Le message biblique authentique aurait-il donc été réservé à une caste hébraïsante d’une part et aux hellénophones d’autre part ?
Voilà pour moi plein de mystères…
Partie importante ? qu’entendez-vous par là ?Libremax a écrit:Les textes de Qumran montrent aussi qu'une partie importante de textes, pourtant religieux, sont écrits en araméen
Pas si sûre que vous.
Je vous propose un texte universitaire à ce sujet.
http://www.academia.edu/894811/Larameen_de_Qumran_-_la_question_de_larameen_standard_reconsideree
En voici le début :
Symbiose avec une langue sœur morte cinq siècles auparavant ?…Observations sur l'araméen de qumrân: la question de l'araméen littéraire standard reconsidérée
Par le Docteur Ursula Schattner-Rieser.
Le corpus araméen de Qumrân comporte une centaine de textes. Il est donc largement minoritaire par rapport aux quelque huit cent cinquante textes écrits en hébreu. Les sujets en sont biblique, targoumique, midrashique, apocalyptique, testamentaire, pseudépigraphique et astronomique. Cette littérature, à l'exception de 4QAmram ne contient pas d'éléments sectaires. Parmi les textes non bibliques, il y en a six plus ou moins longs; d'autres courts. Beaucoup sont malheureusement souvent fragmentaires.
La littérature araméenne de Qumrân nous montre un araméen assez spécifique, riche en innovations, qui se distingue de l'araméen officiel de l'époque achéménide et de l'araméen biblique par de nombreux traits dans tous les domaines de la grammaire. Certaines particularités morphologiques et orthographiques lui sont tout à fait spécifiques et résultent probablement d'une symbiose avec l'hébreu, sa langue-sœur la mieux représentée dans ce micro-milieu.
Pour moi, il est plus simple de penser que l’hébreu a été perdu par les mères à l'occasion de l’exil consécutif à la répression romaine. Le déracinement et la dispersion durable en terre étrangère offrent une explication crédible.
Très cordialement
Votre sœur
Pauline
Invité- Invité
Re: Débats sur la mise par écrit des Evangiles
Qu’entendez-vous par « mais cela s'arrêtait là »Libremax a écrit:Le français était bien stabilisé. Au pire, me semble-t-il, les patois avaient un usage beaucoup plus prononcé qu'aujourd'hui, les tournures et vocabulaires locaux devaient être marqués, mais cela s'arrêtait là.
Deux de mes gendres sont d’origine Kabyle, ils sont nés à quelques dizaines de kilomètres de distance et leur langue maternelle diffère parfois sur le vocabulaire de base. Sans s’appuyer particulièrement sur l’écrit, la langue kabyle a bien résisté à de nombreux siècles d’arabisation et à cent cinquante ans de francisation. Ce fait me suggère que la langue maternelle peut avoir beaucoup plus de permanence que ne le suggéreront tous les écrits de la langue des hommes.
Bonjour chère Pauline,
j'entendais par là qu'au XIXe siècle, c'est la langue française qui était apprise dans les écoles, et que c'était la langue parlée pour se faire comprendre quand on sortait de sa région. Beaucoup de monde parlait uniquement un "patois", sans nul doute, mais voyez que leur usage a largement décliné aujourd'hui. En Bretagne, peu de monde connaît le breton comme langue maternelle.
Bien sûr, une langue peut résister à un contexte linguistique, et peut-être même, d'autant plus que celui-ci est imposé. Mais les choses changent quand on est dans un contexte de paix. Ainsi les juifs au contact des araméophones durant de longs siècles avant les invasions assyriennes, et surtout après la fin de l'Exil accordée par l'empereur Perse, (Perse araméphone) alors considéré comme une sorte de messie!
J’ai l’impression (eh oui c’est toujours davantage de l’ordre du sentiment que de la démonstration mathématique) que l’on nous brosse un tableau qui relève plus du mythe que de l’histoire : l’hébreu s’enracinerait dans la langue maternelle des Juifs réduits à l’esclavage en Égypte. Hélas, la langue maternelle de Moïse n’aurait pas résisté à un millénaire de conflits, de guerres, de brassages de population, d’exils (soi-disant massifs). Et sous les assauts de la langue de la puissance dominante, les mères auraient oublié leur langue pour adopter la langue du commerce et de la diplomatie.
Mais de quel envahisseur parlez-vous ?
L'araméen ne s'est probablement pas imposé de but en blanc au jour d'un retour brutal d'Exil. Il était déjà la langue de partenaires commerciaux, il est devenu la langue de l'Exil, oui, mais Exil qui s'est révélé être l'occasion d'un sursaut spirituel incontournable, d'autant que c'est un empire araméen qui a libéré les hébreux.
Du temps de Josias, on peut lire le Deutéronome à la foule. Dès lors, l’hébreu biblique semble encore à la fin du septième siècle la version « soutenue » de la langue maternelle des Juifs.
Et, bien plus tard, le second livre des Maccabées suggère l’usage persistant chez les Juifs mâles de la « langue des pères » (τη πατριω φωνη)…
La "langue des pères" , oui, pour faire opposition au grec, que l'envahisseur séleucide tend à imposer dans sa région. Si bien que les "pères" parlent déjà araméen plutôt qu'hébreu. (il faut se rappeler que si on veut absolument faire remonter la notion de "pères" le plus loin possible dans le passé, alors Abraham était un araméen : les hébreux sont conscients de leur parenté. )
Quand Esdras lit la Torah au peuple, sont-ils capables de comprendre ? Non.
Ne8.5 Esdras ouvrit le livre aux yeux de tout le peuple, car il était au-dessus de tout le peuple, et lorsqu'il l'ouvrit tout le peuple se tint debout.
Ne8.6 Et Esdras bénit le SEIGNEUR, le grand Dieu, et tout le peuple répondit: «Amen! Amen»! en levant les mains. Puis ils s'inclinèrent et se prosternèrent devant le SEIGNEUR, le visage contre terre.
Ne8.7 Yéshoua, Bani, Shérévya, Yamîn, Aqqouv, Shabtaï, Hodiya, Maaséya, Qelita, Azarya, Yozavad, Hanân, Pelaya les lévites expliquaient la Loi au peuple, et le peuple restait debout sur place.
Ne8.8 Ils lisaient dans le livre de la Loi de Dieu, de manière distincte, en en donnant le sens, et ils faisaient comprendre ce qui était lu.
Que les élites aient progressivement adopté l’araméen d’Empire n’implique pas qu’ils aient oublié l’hébreu et que le menu peuple en ait fait autant.
Les élites juives sont loin d'avoir oublié l'hébreu : elles le parlent, elles l'ont appris à l'école du rabbin, à le lire et à l'écrire. Elles parlent probablement l'araméen d'empire, mais elles parlent aussi l'araméen local, qui en est une autre variante dialectale : ainsi, la langue maternelle des juifs de galilée vont parler leur propre dialecte araméen, qui diffère de l'araméen d'empire.
Le menu peuple ne reçoit pas forcément le même enseignement.
Si l’on admet que les élites ont abandonné l’hébreu alors pourquoi la Bible n’a-t-elle jamais été traduite en araméen ?
L’exemple de la Septante démontre que cette option de traduction a été mise en œuvre dans la diaspora dès la fin du troisième siècle et que cette traduction se voulait le plus fidèle possible jusqu’à conserver autant que possible l’ordre des mots. Pourquoi le même projet n’a-t-il jamais été mené vers l’araméen ? Les Targums, apparemment tardifs, ne sont nullement obsédés par la fidélité littérale au texte hébreu. Ce sont des adaptations glosées plus que des traductions mot à mot.
Le message biblique authentique aurait-il donc été réservé à une caste hébraïsante d’une part et aux hellénophones d’autre part ?
Je ne sais pas où vous trouvez que les élites auraient abandonné l'hébreu. Son usage change, mais il n'est pas abandonné. Ces élites sont bilingues, c'était une qualité au moins aussi répandue à cette époque qu'aujourd'hui.
Cela dit, les targums que nous conservons aujourd'hui sont des versions glosées, c'est vrai, et c'est sans doute pourquoi elles sont conservées. L'usage de traduction en araméen de la Torah, à la synagogue, en direct, à l'oral, ne nécessite pas de trace écrite. La traduction à la synagogue est faite en direct, elle est précise et fidèle. Cet usage est attesté par Egérie durant son voyage à Jérusalem.
Par ailleurs, la Bible a bel et bien été traduite en araméen : il y a des Bibles syriaques (autre nom de l'araméen). Elles n'ont pas eu le rayonnement de la Septante, précisément parce que les juifs araméophones ont gardé des élites parlant l'hébreu. La traduction de la Septante était d'ailleurs loin de faire l'unanimité dans le monde juif, les élites juives d'Alexandrie ont pris un vrai risque en la publiant.
Partie importante ? qu’entendez-vous par là ?Libremax a écrit:Les textes de Qumran montrent aussi qu'une partie importante de textes, pourtant religieux, sont écrits en araméen
Pas si sûre que vous.
Je vous propose un texte universitaire à ce sujet.
http://www.academia.edu/894811/Larameen_de_Qumran_-_la_question_de_larameen_standard_reconsideree
En voici le début :Observations sur l'araméen de qumrân: la question de l'araméen littéraire standard reconsidérée
Par le Docteur Ursula Schattner-Rieser.
Le corpus araméen de Qumrân comporte une centaine de textes. Il est donc largement minoritaire par rapport aux quelque huit cent cinquante textes écrits en hébreu. Les sujets en sont biblique, targoumique, midrashique, apocalyptique, testamentaire, pseudépigraphique et astronomique. Cette littérature, à l'exception de 4QAmram ne contient pas d'éléments sectaires. Parmi les textes non bibliques, il y en a six plus ou moins longs; d'autres courts. Beaucoup sont malheureusement souvent fragmentaires.
Ce n'est pas une portion majoritaire, mais certainement pas négligeable! Or, ils sont d'ordre religieux, là où on aurait attendu que tout texte religieux fût en hébreu. C'est donc que l'araméen avait une certaine emprise.
La littérature araméenne de Qumrân nous montre un araméen assez spécifique, riche en innovations, qui se distingue de l'araméen officiel de l'époque achéménide et de l'araméen biblique par de nombreux traits dans tous les domaines de la grammaire. Certaines particularités morphologiques et orthographiques lui sont tout à fait spécifiques et résultent probablement d'une symbiose avec l'hébreu, sa langue-sœur la mieux représentée dans ce micro-milieu.
Symbiose avec une langue sœur morte cinq siècles auparavant ?…
Ce n'était pas une langue "morte". Elle était encore parlée, certes par une élite, mais surtout écrite. Bien sûr, l'araméen de Qumran est différent de l'araméen achéménide : il se diversifie en de nombreux dialectes, au cours de l'histoire et de la géographie. L'araméen est encore parlé aujourd'hui, et il n'a rien à voir avec l'araméen de l'époque.
Il était teinté d'hébreu, c'est bien normal.
Mais, savez-vous, même l'hébreu, et surtout celui des derniers livres de la Bible (qui ont parfois des chapitres entiers en araméen) ainsi que l'hébreu parlé à Jérusalem, recèle de nombreux aramaïsmes.
Libremax- Messages : 1367
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Re: Débats sur la mise par écrit des Evangiles
Petite remarque HS : le breton (qui n'est pas un patois, mais une langue à part entière, avec en son sein ses propres patois) n'a pas simplement "décliné" ; il a carrément été assassiné par le jacobinisme... Dans une République moins centralisatrice, il aurait survécu sans problème.Libremax a écrit:Beaucoup de monde parlait uniquement un "patois", sans nul doute, mais voyez que leur usage a largement décliné aujourd'hui. En Bretagne, peu de monde connaît le breton comme langue maternelle
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Re: Débats sur la mise par écrit des Evangiles
Bonjour Libremax,
Par conséquent, l’exemple tout à fait singulier de la France me suggère que les langues maternelles sont particulièrement résistantes et qu’il faut une détermination sans faille d’un État jacobin pour les affaiblir.
Que l’on songe à la vigueur des langues régionales en Espagne, au fait que les émigrés hispanisants aux USA n’ont presque plus besoin d’apprendre l’anglais on peut mesurer l’inertie d’une langue maternelle...
Il me semble qu'il y a confusion entre "lingua franca", la langue des élites et des échanges, et "langue maternelle".
Les classes populaires et les femmes n’ont rien à voir avec les relations commerciales par conséquent j’ignore quel mécanisme aurait pu peser sur leur langue maternelle.
Au fond,
si l’on admet que, malgré le communautarisme voire le nationalisme juif l’hébreu n’était presque plus parlé au premier siècle avant Jésus-Christ alors il faut s’interroger sur cette langue évanescente et sur la réalité historique du peuple hébreu.
Interrogation des plus légitimes après les travaux de Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman.
2-mac 7, 20 Éminemment admirable et digne d’une excellente renommée fut la mère, qui voyait mourir ses sept fils en l’espace d’un seul jour et le supportait avec sérénité, parce qu’elle mettait son espérance dans le Seigneur. 21 Elle exhortait chacun d’eux dans la langue de ses pères. Remplie de nobles sentiments et animée d’un mâle courage, cette femme leur disait :
Sincèrement, je ne crois pas qu'il soit pertinent de préciser qu'elle ne parlait pas grec.
Personne ne peut croire spontanément que dans un contexte de combat identitaire, une telle mère puisse s’adresser à ses enfants dans la langue des bourreaux.
De même,
2-mac 12, 36 Quant aux soldats d’Esdrias, ils combattaient depuis longtemps et tombaient d’épuisement : Judas supplia le Seigneur de se montrer leur allié et leur guide dans la guerre, 37 il entonna dans la langue paternelle le cri de guerre avec des hymnes et mit en déroute les gens de Gorgias.
Ces versets nous situent indiscutablement dans un temps de prière quasi liturgique, personne ne pouvait imaginer que Judas pouvait parler grec en cette occasion.
Pourquoi le rédacteur inspiré eût-il précisé "Judas ne chantait pas les hymnes en grec" ?
Veuillez me pardonnez si j’estime qu’il y a bien peu de personnes qui privilégient l'hypothèse d'un Judas entonnant des hymnes en araméen.
Quand je dis que je ne lis nulle part c’est un aveu d’impuissance.
Je ne lis peut-être pas au bon endroit, pouvez-vous m’indiquer où je pourrais mieux m’informer ?
Je ne trouve pas de traces de bibles syriaques avant l’âge postapostolique.
Le fait que je ne trouve pas ne signifie rien, bien sûr…
J’ai même un peu le sentiment que les Testaments Premiers syriaques sont plutôt des initiatives chrétiennes que juives.
Une fois encore, si vous pouviez me mettre sur la voie…
Que peut-on conclure de ce qui n’est pas négligeable ?
Dans les classes dominantes (la dynastie hérodienne n'est pas juive), chez les commerçants... incontestablement...
Mais nous sommes loin d’en déduire que l’araméen pouvait avoir une position dominante partout.
Ne projetons-nous pas sur tout le peuple hébreu les vicissitudes des classes dominantes ?
Mais nous savons que le hiatus linguistique peut être durable et profond :
À quel moment le français sera-t-il remplacé par l'anglais à la cour d'Angleterre ?
Très cordialement
Votre sœur
pauline
Mais c’est très récent, et c’est notamment consécutif à l’obligation scolaire pour les filles.Libremax a écrit:
Beaucoup de monde parlait uniquement un "patois", sans nul doute, mais voyez que leur usage a largement décliné aujourd'hui.
Par conséquent, l’exemple tout à fait singulier de la France me suggère que les langues maternelles sont particulièrement résistantes et qu’il faut une détermination sans faille d’un État jacobin pour les affaiblir.
Que l’on songe à la vigueur des langues régionales en Espagne, au fait que les émigrés hispanisants aux USA n’ont presque plus besoin d’apprendre l’anglais on peut mesurer l’inertie d’une langue maternelle...
Il me semble qu'il y a confusion entre "lingua franca", la langue des élites et des échanges, et "langue maternelle".
Cela ne concerne que l’élite intellectuelle, rien de probant n’atteste l’exil des classes populaires.Libremax a écrit:
il est devenu la langue de l'Exil, oui
Les classes populaires et les femmes n’ont rien à voir avec les relations commerciales par conséquent j’ignore quel mécanisme aurait pu peser sur leur langue maternelle.
À vous lire, je me demande s’il fut un temps où l’hébreu a été la langue maternelle de quelqu’un.Libremax a écrit:
Si bien que les "pères" parlent déjà araméen plutôt qu'hébreu.
(…)
Abraham était un araméen
Au fond,
si l’on admet que, malgré le communautarisme voire le nationalisme juif l’hébreu n’était presque plus parlé au premier siècle avant Jésus-Christ alors il faut s’interroger sur cette langue évanescente et sur la réalité historique du peuple hébreu.
Interrogation des plus légitimes après les travaux de Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman.
Voulez-vous dire que le rédacteur inspiré du second livre des Maccabées a apporté cette précision à seule fin que l’on ne s’imagine pas que la mère des sept martyrs parlait grec ?Libremax a écrit:
La "langue des pères" , oui, pour faire opposition au grec
2-mac 7, 20 Éminemment admirable et digne d’une excellente renommée fut la mère, qui voyait mourir ses sept fils en l’espace d’un seul jour et le supportait avec sérénité, parce qu’elle mettait son espérance dans le Seigneur. 21 Elle exhortait chacun d’eux dans la langue de ses pères. Remplie de nobles sentiments et animée d’un mâle courage, cette femme leur disait :
Sincèrement, je ne crois pas qu'il soit pertinent de préciser qu'elle ne parlait pas grec.
Personne ne peut croire spontanément que dans un contexte de combat identitaire, une telle mère puisse s’adresser à ses enfants dans la langue des bourreaux.
De même,
2-mac 12, 36 Quant aux soldats d’Esdrias, ils combattaient depuis longtemps et tombaient d’épuisement : Judas supplia le Seigneur de se montrer leur allié et leur guide dans la guerre, 37 il entonna dans la langue paternelle le cri de guerre avec des hymnes et mit en déroute les gens de Gorgias.
Ces versets nous situent indiscutablement dans un temps de prière quasi liturgique, personne ne pouvait imaginer que Judas pouvait parler grec en cette occasion.
Pourquoi le rédacteur inspiré eût-il précisé "Judas ne chantait pas les hymnes en grec" ?
Veuillez me pardonnez si j’estime qu’il y a bien peu de personnes qui privilégient l'hypothèse d'un Judas entonnant des hymnes en araméen.
Ce sont les coutumes et l’orthopraxie juive qui est combattue par Antiochus et consorts, je ne lis nulle part dans la Bible la mise en œuvre d’une telle politique linguistique à cette époque.Libremax a écrit:
… que l'envahisseur séleucide tend à imposer dans sa région.
Quand je dis que je ne lis nulle part c’est un aveu d’impuissance.
Je ne lis peut-être pas au bon endroit, pouvez-vous m’indiquer où je pourrais mieux m’informer ?
Là encore j’avoue mon ignorance.Libremax a écrit:
Par ailleurs, la Bible a bel et bien été traduite en araméen : il y a des Bibles syriaques (autre nom de l'araméen).
Je ne trouve pas de traces de bibles syriaques avant l’âge postapostolique.
Le fait que je ne trouve pas ne signifie rien, bien sûr…
J’ai même un peu le sentiment que les Testaments Premiers syriaques sont plutôt des initiatives chrétiennes que juives.
Une fois encore, si vous pouviez me mettre sur la voie…
De même que la part des textes en grec n’est pas négligeable non plus à Qumran.Libremax a écrit:
Ce n'est pas une portion majoritaire, mais certainement pas négligeable!
Que peut-on conclure de ce qui n’est pas négligeable ?
Une certaine emprise, pourquoi le nier ?Libremax a écrit:
C'est donc que l'araméen avait une certaine emprise.
Dans les classes dominantes (la dynastie hérodienne n'est pas juive), chez les commerçants... incontestablement...
Mais nous sommes loin d’en déduire que l’araméen pouvait avoir une position dominante partout.
Pourtant, n’est-ce pas précisément l’élite qui n’a pas su la conserver ?Libremax a écrit:
Ce n'était pas une langue "morte". Elle était encore parlée, certes par une élite
Ne projetons-nous pas sur tout le peuple hébreu les vicissitudes des classes dominantes ?
Mais nous savons que le hiatus linguistique peut être durable et profond :
À quel moment le français sera-t-il remplacé par l'anglais à la cour d'Angleterre ?
Très cordialement
Votre sœur
pauline
Invité- Invité
Re: Débats sur la mise par écrit des Evangiles
Bonjour, chère Pauline !
Oui... vous prenez des exemples de langues qui résistent. Mais combien de langues, au cours de l'histoire, ont disparu, malgré qu'elles fussent maternelles? Savez-vous qu'aujourd'hui encore, il est dit qu'une langue disparaît tous les 15 jours ? Et ce n'est pas uniquement à cause de massacres : toutes les langues ne bénéficient pas des structures sociales nécessaires à leur survie.
Il y avait très probablement déjà des Juifs en Babylonie avant l'Exil, et les élites ont dû y emmener leur "personnel". Le commerce n'est pas le seul fait des élites , à moins de considérer les marins et les artisans comme en faisant partie... Ce qui ne voudrait pas dire qu'une lingua franca devrait se substituer à la langue maternelle, c'est vrai. Pourtant, c'est la position unanimement tenue par les historiens. Je me doute que ça n'a pas forcément de valeur absolue pour vous, et à moi non plus. Mais il se trouve qu'aucune phrase de Jésus en hébreu n'est retranscrite dans les Evangiles : pourquoi aurait-on conservé des phrases en araméen? Or, il y a une explication possible à l'essor de l'araméen même chez les Juifs : une langue peut disparaître par "suicide linguistique", ça arrive. Vous vous faites une noble idée de la ténacité des mères juives à conserver la "langue des pères" hébreux. Or, l'histoire du peuple hébreu est remplie de concessions du peuple aux cultures avoisinantes, et de tentations d'oublier son identité. Une langue peut s'effacer au profit de celle du peuple dominant, c'est à dire celui qui a le prestige, les richesses et l'armée. Pour le peuple du petit état d'Israël, on peut penser que c'était vite fait.
Le problème est que vous faites du communautarisme juif, tel celui des macchabées, une constante de l'histoire d'Israël, mais ce n'est pas aussi simple! Il y a eu des périodes beaucoup plus permissives; les récriminations des Prophètes à cet égard en sont la trace.
Et pourtant, les historiens parlent d'un regain d'intérêt pour l'hébreu et l'araméen lors des révoltes des Macchabées (Meyer, par exemple) : le grec était beaucoup utilisé jusqu'au temps de ces révoltes, qui ont été l'occasion d'un sursaut religieux et national. Il est donc tout à fait pertinent, au contraire, de préciser que cette mère utilisait la langue du peuple, et non le grec qui avait gagné du terrain.
Je ne suis pas sûr du tout qu'il y ait lieu de distinguer ici l'hébreu de l'araméen pour l'auteur des Macchabées. Cela dit, il existait des cris de guerre et des cantiques juifs en araméen !
Le langage est un vecteur culturel. Antiochus voulait procéder à une hellénisation forcée de la Judée, et certains Juifs ont résisté. Il avait pourtant son parti au sein même du clergé de Jérusalem : la culture grecque est donc la bienvenue pour une partie de la population. Forcément, il y a deux partis linguistiques qui vont s'affronter.
Dites-vous cela parce que les seuls à conserver une Bible syriaque ont été des chrétiens? On pourrait dire de même de la Septante, dans ce compte-là. On sait bien que ce n'est pas cela.
Et pourtant, en découvrant une librairie médiévale remplie de livres en latin, aurait-il fallu en conclure que tout le monde parlait latin ?
Ce ne sont pas des commerçants qui ont écrit les textes de Qumran. Ce sont des leaders politiques et religieux. On ne peut pas conclure à partir de Qumran que tous les juifs parlaient araméen. On s'aperçoit seulement d'une fluctuation de l'usage de l'hébreu, même dans son propre domaine réservé : celui de l'écrit intellectuel et spirituel.
Bien sûr que si, l'élite a pu le conserver : tout enfant qui faisait des études apprenait l'hébreu sur la Torah. L'influence de l'araméen était donc plus globale.
Il reste à expliquer pourquoi les évangiles conservent des paroles et des noms araméens plutôt qu'hébreux dans leur version grecque.
Pourquoi aussi les Israélites ne comprenaient pas la Torah qu'Esdras leur lisait.
Pourquoi Egérie décrit la traduction simultanée des lectures à Jérusalem en araméen.
pauline.px a écrit:Mais c’est très récent, et c’est notamment consécutif à l’obligation scolaire pour les filles.Libremax a écrit:
Beaucoup de monde parlait uniquement un "patois", sans nul doute, mais voyez que leur usage a largement décliné aujourd'hui.
Par conséquent, l’exemple tout à fait singulier de la France me suggère que les langues maternelles sont particulièrement résistantes et qu’il faut une détermination sans faille d’un État jacobin pour les affaiblir.
Que l’on songe à la vigueur des langues régionales en Espagne, au fait que les émigrés hispanisants aux USA n’ont presque plus besoin d’apprendre l’anglais on peut mesurer l’inertie d’une langue maternelle...
Oui... vous prenez des exemples de langues qui résistent. Mais combien de langues, au cours de l'histoire, ont disparu, malgré qu'elles fussent maternelles? Savez-vous qu'aujourd'hui encore, il est dit qu'une langue disparaît tous les 15 jours ? Et ce n'est pas uniquement à cause de massacres : toutes les langues ne bénéficient pas des structures sociales nécessaires à leur survie.
Cela ne concerne que l’élite intellectuelle, rien de probant n’atteste l’exil des classes populaires.Libremax a écrit:
il est devenu la langue de l'Exil, oui
Les classes populaires et les femmes n’ont rien à voir avec les relations commerciales par conséquent j’ignore quel mécanisme aurait pu peser sur leur langue maternelle.
Il y avait très probablement déjà des Juifs en Babylonie avant l'Exil, et les élites ont dû y emmener leur "personnel". Le commerce n'est pas le seul fait des élites , à moins de considérer les marins et les artisans comme en faisant partie... Ce qui ne voudrait pas dire qu'une lingua franca devrait se substituer à la langue maternelle, c'est vrai. Pourtant, c'est la position unanimement tenue par les historiens. Je me doute que ça n'a pas forcément de valeur absolue pour vous, et à moi non plus. Mais il se trouve qu'aucune phrase de Jésus en hébreu n'est retranscrite dans les Evangiles : pourquoi aurait-on conservé des phrases en araméen? Or, il y a une explication possible à l'essor de l'araméen même chez les Juifs : une langue peut disparaître par "suicide linguistique", ça arrive. Vous vous faites une noble idée de la ténacité des mères juives à conserver la "langue des pères" hébreux. Or, l'histoire du peuple hébreu est remplie de concessions du peuple aux cultures avoisinantes, et de tentations d'oublier son identité. Une langue peut s'effacer au profit de celle du peuple dominant, c'est à dire celui qui a le prestige, les richesses et l'armée. Pour le peuple du petit état d'Israël, on peut penser que c'était vite fait.
Au fond,
si l’on admet que, malgré le communautarisme voire le nationalisme juif l’hébreu n’était presque plus parlé au premier siècle avant Jésus-Christ alors il faut s’interroger sur cette langue évanescente et sur la réalité historique du peuple hébreu.
Interrogation des plus légitimes après les travaux de Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman.
Le problème est que vous faites du communautarisme juif, tel celui des macchabées, une constante de l'histoire d'Israël, mais ce n'est pas aussi simple! Il y a eu des périodes beaucoup plus permissives; les récriminations des Prophètes à cet égard en sont la trace.
Voulez-vous dire que le rédacteur inspiré du second livre des Maccabées a apporté cette précision à seule fin que l’on ne s’imagine pas que la mère des sept martyrs parlait grec ?Libremax a écrit:
La "langue des pères" , oui, pour faire opposition au grec
2-mac 7, 20 Éminemment admirable et digne d’une excellente renommée fut la mère, qui voyait mourir ses sept fils en l’espace d’un seul jour et le supportait avec sérénité, parce qu’elle mettait son espérance dans le Seigneur. 21 Elle exhortait chacun d’eux dans la langue de ses pères. Remplie de nobles sentiments et animée d’un mâle courage, cette femme leur disait :
Sincèrement, je ne crois pas qu'il soit pertinent de préciser qu'elle ne parlait pas grec.
Personne ne peut croire spontanément que dans un contexte de combat identitaire, une telle mère puisse s’adresser à ses enfants dans la langue des bourreaux.
Et pourtant, les historiens parlent d'un regain d'intérêt pour l'hébreu et l'araméen lors des révoltes des Macchabées (Meyer, par exemple) : le grec était beaucoup utilisé jusqu'au temps de ces révoltes, qui ont été l'occasion d'un sursaut religieux et national. Il est donc tout à fait pertinent, au contraire, de préciser que cette mère utilisait la langue du peuple, et non le grec qui avait gagné du terrain.
De même,
2-mac 12, 36 Quant aux soldats d’Esdrias, ils combattaient depuis longtemps et tombaient d’épuisement : Judas supplia le Seigneur de se montrer leur allié et leur guide dans la guerre, 37 il entonna dans la langue paternelle le cri de guerre avec des hymnes et mit en déroute les gens de Gorgias.
Ces versets nous situent indiscutablement dans un temps de prière quasi liturgique, personne ne pouvait imaginer que Judas pouvait parler grec en cette occasion.
Pourquoi le rédacteur inspiré eût-il précisé "Judas ne chantait pas les hymnes en grec" ?
Veuillez me pardonnez si j’estime qu’il y a bien peu de personnes qui privilégient l'hypothèse d'un Judas entonnant des hymnes en araméen.
Je ne suis pas sûr du tout qu'il y ait lieu de distinguer ici l'hébreu de l'araméen pour l'auteur des Macchabées. Cela dit, il existait des cris de guerre et des cantiques juifs en araméen !
Ce sont les coutumes et l’orthopraxie juive qui est combattue par Antiochus et consorts, je ne lis nulle part dans la Bible la mise en œuvre d’une telle politique linguistique à cette époque.
Quand je dis que je ne lis nulle part c’est un aveu d’impuissance.
Je ne lis peut-être pas au bon endroit, pouvez-vous m’indiquer où je pourrais mieux m’informer ?
Le langage est un vecteur culturel. Antiochus voulait procéder à une hellénisation forcée de la Judée, et certains Juifs ont résisté. Il avait pourtant son parti au sein même du clergé de Jérusalem : la culture grecque est donc la bienvenue pour une partie de la population. Forcément, il y a deux partis linguistiques qui vont s'affronter.
Là encore j’avoue mon ignorance.Libremax a écrit:
Par ailleurs, la Bible a bel et bien été traduite en araméen : il y a des Bibles syriaques (autre nom de l'araméen).
Je ne trouve pas de traces de bibles syriaques avant l’âge postapostolique.
Le fait que je ne trouve pas ne signifie rien, bien sûr…
J’ai même un peu le sentiment que les Testaments Premiers syriaques sont plutôt des initiatives chrétiennes que juives.
Une fois encore, si vous pouviez me mettre sur la voie…
Dites-vous cela parce que les seuls à conserver une Bible syriaque ont été des chrétiens? On pourrait dire de même de la Septante, dans ce compte-là. On sait bien que ce n'est pas cela.
Une certaine emprise, pourquoi le nier ?Libremax a écrit:
C'est donc que l'araméen avait une certaine emprise.
Dans les classes dominantes (la dynastie hérodienne n'est pas juive), chez les commerçants... incontestablement...
Mais nous sommes loin d’en déduire que l’araméen pouvait avoir une position dominante partout.
Et pourtant, en découvrant une librairie médiévale remplie de livres en latin, aurait-il fallu en conclure que tout le monde parlait latin ?
Ce ne sont pas des commerçants qui ont écrit les textes de Qumran. Ce sont des leaders politiques et religieux. On ne peut pas conclure à partir de Qumran que tous les juifs parlaient araméen. On s'aperçoit seulement d'une fluctuation de l'usage de l'hébreu, même dans son propre domaine réservé : celui de l'écrit intellectuel et spirituel.
Pourtant, n’est-ce pas précisément l’élite qui n’a pas su la conserver ?Libremax a écrit:
Ce n'était pas une langue "morte". Elle était encore parlée, certes par une élite
Ne projetons-nous pas sur tout le peuple hébreu les vicissitudes des classes dominantes ?
Mais nous savons que le hiatus linguistique peut être durable et profond :
À quel moment le français sera-t-il remplacé par l'anglais à la cour d'Angleterre ?
Bien sûr que si, l'élite a pu le conserver : tout enfant qui faisait des études apprenait l'hébreu sur la Torah. L'influence de l'araméen était donc plus globale.
Il reste à expliquer pourquoi les évangiles conservent des paroles et des noms araméens plutôt qu'hébreux dans leur version grecque.
Pourquoi aussi les Israélites ne comprenaient pas la Torah qu'Esdras leur lisait.
Pourquoi Egérie décrit la traduction simultanée des lectures à Jérusalem en araméen.
Libremax- Messages : 1367
Réputation : 16
Date d'inscription : 18/10/2011
Re: Débats sur la mise par écrit des Evangiles
Bonjour LibreMax
Pourquoi les artisans parleraient-ils l’araméen ? aujourd’hui en France les chantiers de BTP emploient des tas de compagnons qui ne parlent guère français et qui n'ont pas de souci.
Ne sont-ce pas des atouts ?
Le rédacteur inspiré prend soin de souligner la langue des Pères.
Vous avez émis l’hypothèse que c’était pour éviter que le lecteur puisse songer que Judas parlât grec à ce moment-là.
Je suis convaincue que personne ne peut imaginer que Judas parlait grec à ce moment-là.
La langue des Pères ne s’oppose pas au grec complètement improbable à cette occasion, la langue des pères s'oppose à une autre langue.
De sorte que je privilégie l’autre hypothèse : la mention de la langue des Pères a pour but d'éviter que le lecteur puisse songer que Judas parlait araméen.
Si j’ai compris la conférence du Père Guigain, il y aurait eu une interdiction linguistique du temps de Tatien mais nous sommes là après la défaite définitive des derniers résistants juifs.
Et cette interdiction n'avait plus cours du temps d'Égérie...
La question que je soulève est simple :
Ceux qui sont dans la « communication » c’est à dire les notables, les élites, les commerçants, sont-ils représentatifs des usages du peuple et surtout des mères ?
Votre exemple de la bibliothèque est parlant : une bibliothèque à Paris au XIIIème siècle ne nous dit rien de la langue parlée par les paysans en Auvergne.
Ma remarque consiste à dire que personnellement je n’ai pas d’autres traces que celle qui évoquent l’apparition d’une traduction araméenne au second siècle après Jésus-Christ probablement dans un milieu chrétien.
En milieu juif, j’ai l’impression, mais je vous demande de rectifier mon erreur, que nous ne trouvons que les Targums, fixés plus tardivement encore, et qui ne sont pas des traductions.
Dans l'état actuel de mes connaissances, la comparaison avec le grec me suggère que les Juifs de Palestine n'ont pas ressenti le besoin d'opérer le même travail vers l'araméen.
Ou bien les Juifs de Palestine sachant lire lisaient tous grec, ou bien ils étaient encore très nombreux à comprendre l'hébreu.
Enfin, j'en profite pour m'interroger : est-il si évident que la peshitta du Nouveau Testament présente un état antérieur des textes ?
si l’on admet que notre Seigneur Jésus-Christ ne parlait pas toujours grec,
alors les Évangiles nous offrent une "sorte" de traduction d’une « langue araméenne » vers le grec.
Or, quand nous lisons une traduction de la langue A vers la langue B, nous ne nous attendons pas à lire des passages en langue A.
Si on rencontre un mot allemand dans la traduction d’un poème de Goethe on ne comprend pas ce mot et on s’étonne de cette incise.
Il faut en effet des motifs sérieux pour que le traducteur ne fasse pas son travail complètement, par exemple un mot intraduisible, un mot technique, une expression qui ne trouverait pas d’équivalent, un mot devenu "international", etc.
Mais dans l’Évangile, les incises en araméens sont généralement traduites, ce n’est donc pas parce que c’est intraduisible.
et comme vous l’avez remarqué elles ne sont nullement identifiées dans la Peshitta, ce n’est donc pas davantage pour les mettre en exergue.
En revanche, dans cette traduction en B d'un texte originellement en A, on peut s'attendre à lire des expressions d'une langue tierce C.
Si le traducteur est confronté de façon exceptionnelle à une langue tierce, on aimerait qu’il témoigne de ces exceptions mais on admet qu’il puisse les masquer.
Or, les seules ruptures linguistiques du texte grec sont vers l’araméen.
Personnellement, je crois que lorsque Jésus lit le rouleau d’Isaïe, Il parle hébreu.
Quand il cite les Très Saintes Écritures, quand Il polémique avec les scribes nécessairement bilingues, quand Il enseigne « avec autorité », quand Il comparaît devant le Sanhédrin...
... est-on certain qu’Il parlait araméen ?
De sorte que l’état du consensus actuel ne me paraît nullement évident.
Il me semble relever de la banale projection des usages des classes dominantes sur les classes populaires dont on ignore tout (et, combien plus, ignore-t-on tout des femmes).
Or, la promesse n’est pas adressée aux élites, les prophètes ne leur font pas confiance.
La promesse est adressée aux ‘aniyîm, aux ptôchoï.
Pourquoi le bas-peuple qui n’a pas connu l’exil, qui est nécessairement moins influencé par la "mondialisation", aurait-il perdu sa langue maternelle ?
A-t-on des arguments précis concernant la langue parlée par les mères juives ?
Très cordialement
Votre sœur
pauline
Je ne sais pas si nous parlons de la même personne mais il me semble que l’Égérie dont on a retrouvé le carnet de voyage vivait au IVème siècle après Jésus-Christ.Libremax a écrit:
Pourquoi Egérie décrit la traduction simultanée des lectures à Jérusalem en araméen.
Sont-ils nombreux les marins en Galilée ?Libremax a écrit:
Le commerce n'est pas le seul fait des élites , à moins de considérer les marins et les artisans comme en faisant partie...
Pourquoi les artisans parleraient-ils l’araméen ? aujourd’hui en France les chantiers de BTP emploient des tas de compagnons qui ne parlent guère français et qui n'ont pas de souci.
L’hébreu dispose d’une considérable littérature, de l’orthopraxie et du patriotisme des Juifs et, évidemment, de l’élection divine.Libremax a écrit:
Oui... vous prenez des exemples de langues qui résistent. Mais combien de langues, au cours de l'histoire, ont disparu, malgré qu'elles fussent maternelles? Savez-vous qu'aujourd'hui encore, il est dit qu'une langue disparaît tous les 15 jours ? Et ce n'est pas uniquement à cause de massacres : toutes les langues ne bénéficient pas des structures sociales nécessaires à leur survie.
Ne sont-ce pas des atouts ?
La question n’est pas là.Libremax a écrit:
Je ne suis pas sûr du tout qu'il y ait lieu de distinguer ici l'hébreu de l'araméen pour l'auteur des Macchabées. Cela dit, il existait des cris de guerre et des cantiques juifs en araméen !
Le rédacteur inspiré prend soin de souligner la langue des Pères.
Vous avez émis l’hypothèse que c’était pour éviter que le lecteur puisse songer que Judas parlât grec à ce moment-là.
Je suis convaincue que personne ne peut imaginer que Judas parlait grec à ce moment-là.
La langue des Pères ne s’oppose pas au grec complètement improbable à cette occasion, la langue des pères s'oppose à une autre langue.
De sorte que je privilégie l’autre hypothèse : la mention de la langue des Pères a pour but d'éviter que le lecteur puisse songer que Judas parlait araméen.
Nulle trace d’un combat linguistique mené par les autorités séleucides où que ce soit.Libremax a écrit:
Le langage est un vecteur culturel. Antiochus voulait procéder à une hellénisation forcée de la Judée, et certains Juifs ont résisté.
Si j’ai compris la conférence du Père Guigain, il y aurait eu une interdiction linguistique du temps de Tatien mais nous sommes là après la défaite définitive des derniers résistants juifs.
Et cette interdiction n'avait plus cours du temps d'Égérie...
La question que je soulève est simple :
Ceux qui sont dans la « communication » c’est à dire les notables, les élites, les commerçants, sont-ils représentatifs des usages du peuple et surtout des mères ?
Votre exemple de la bibliothèque est parlant : une bibliothèque à Paris au XIIIème siècle ne nous dit rien de la langue parlée par les paysans en Auvergne.
Aucun lecteur de ce livre ne peut envisager qu’une mère usât de la langue du bourreau pour exhorter ses enfants martyrisés au motif qu’ils accordent la plus grande importance à la Torah.Libremax a écrit:
Il est donc tout à fait pertinent, au contraire, de préciser que cette mère utilisait la langue du peuple, et non le grec qui avait gagné du terrain.
Nous avons des éléments sérieux pour affirmer que la LXX fut en usage par les Juifs avant la destruction du Temple, je vous ai seulement demandé si nous disposions de traces d’un usage juif des traductions syriaques avant la chute du Temple.Libremax a écrit:
Dites-vous cela parce que les seuls à conserver une Bible syriaque ont été des chrétiens? On pourrait dire de même de la Septante, dans ce compte-là. On sait bien que ce n'est pas cela.
Ma remarque consiste à dire que personnellement je n’ai pas d’autres traces que celle qui évoquent l’apparition d’une traduction araméenne au second siècle après Jésus-Christ probablement dans un milieu chrétien.
En milieu juif, j’ai l’impression, mais je vous demande de rectifier mon erreur, que nous ne trouvons que les Targums, fixés plus tardivement encore, et qui ne sont pas des traductions.
Dans l'état actuel de mes connaissances, la comparaison avec le grec me suggère que les Juifs de Palestine n'ont pas ressenti le besoin d'opérer le même travail vers l'araméen.
Ou bien les Juifs de Palestine sachant lire lisaient tous grec, ou bien ils étaient encore très nombreux à comprendre l'hébreu.
Enfin, j'en profite pour m'interroger : est-il si évident que la peshitta du Nouveau Testament présente un état antérieur des textes ?
Si on admet que les rédacteurs inspirés tentent de nous rapporter fidèlement les propos de notre Seigneur,Libremax a écrit:
Mais il se trouve qu'aucune phrase de Jésus en hébreu n'est retranscrite dans les Evangiles : pourquoi aurait-on conservé des phrases en araméen?
si l’on admet que notre Seigneur Jésus-Christ ne parlait pas toujours grec,
alors les Évangiles nous offrent une "sorte" de traduction d’une « langue araméenne » vers le grec.
Or, quand nous lisons une traduction de la langue A vers la langue B, nous ne nous attendons pas à lire des passages en langue A.
Si on rencontre un mot allemand dans la traduction d’un poème de Goethe on ne comprend pas ce mot et on s’étonne de cette incise.
Il faut en effet des motifs sérieux pour que le traducteur ne fasse pas son travail complètement, par exemple un mot intraduisible, un mot technique, une expression qui ne trouverait pas d’équivalent, un mot devenu "international", etc.
Mais dans l’Évangile, les incises en araméens sont généralement traduites, ce n’est donc pas parce que c’est intraduisible.
et comme vous l’avez remarqué elles ne sont nullement identifiées dans la Peshitta, ce n’est donc pas davantage pour les mettre en exergue.
En revanche, dans cette traduction en B d'un texte originellement en A, on peut s'attendre à lire des expressions d'une langue tierce C.
Si le traducteur est confronté de façon exceptionnelle à une langue tierce, on aimerait qu’il témoigne de ces exceptions mais on admet qu’il puisse les masquer.
Or, les seules ruptures linguistiques du texte grec sont vers l’araméen.
Personnellement, je crois que lorsque Jésus lit le rouleau d’Isaïe, Il parle hébreu.
Quand il cite les Très Saintes Écritures, quand Il polémique avec les scribes nécessairement bilingues, quand Il enseigne « avec autorité », quand Il comparaît devant le Sanhédrin...
... est-on certain qu’Il parlait araméen ?
De sorte que l’état du consensus actuel ne me paraît nullement évident.
Il me semble relever de la banale projection des usages des classes dominantes sur les classes populaires dont on ignore tout (et, combien plus, ignore-t-on tout des femmes).
Or, la promesse n’est pas adressée aux élites, les prophètes ne leur font pas confiance.
La promesse est adressée aux ‘aniyîm, aux ptôchoï.
Pourquoi le bas-peuple qui n’a pas connu l’exil, qui est nécessairement moins influencé par la "mondialisation", aurait-il perdu sa langue maternelle ?
A-t-on des arguments précis concernant la langue parlée par les mères juives ?
Très cordialement
Votre sœur
pauline
Invité- Invité
Re: Débats sur la mise par écrit des Evangiles
Bonjour, chère Pauline !
Nous parlons bien de la même personne.
Au IVe siècle après Jésus-Christ, Egérie constate que les chrétiens de Palestine parlent araméen. Les textes liturgiques sont en grec, mais il faut les leur traduire, et non pas en hébreu. L'araméen est la langue parlée au pays avant que l'arabe y soit imposé. Pourquoi ? A quel moment s'est faite la transition ?
A propos des marins et des artisans, il est uniquement question de "lingua franca". La Galilée est un carrefour de nations et de routes commerciales ou militaires, frontalières avec les autres pays araméophones. Les artisans vendent leur production aux étrangers.
Si, tout à fait. Et c'est pour ça qu'il a perduré. Mais il est justement question de littérature, donc de la langue des classes sociales qui produisent cette littérature. Et comme je vous le disais, le patriotisme juif n'a pas toujours connu la même adhésion.
Ma question est : pourquoi ? Dans la mesure ou la langue maternelle des Juifs serait (je dis bien serait, au conditionnel) l'araméen, langue dans laquelle ils prieraient, transmettraient leur tradition orale et célèbreraient en même temps que l'hébreu depuis de nombreuses générations, pourquoi faudrait-il ici préciser que Judas chanterait en hébreu plutôt qu'en araméen ?
A vrai dire, il est très probable que Judas l'ai fait en hébreu : mais c'est parce qu'il est issu de la caste sacerdotale, et qu'il défend le Temple de Jérusalem.
Ce n'est pas à ce genre d'interdiction auquel je faisais allusion. Je n'ai pas parlé de combat linguistique, juste de la langue grecque que l'envahisseur tendait à imposer. Tendance inévitable, à mon sens, lorsqu'il y a imposition d'une culture. Or, l'usage du grec connaissait un certain succès avant Antiochus en Israël.
Pas forcément, c'est vrai.
Mais, d'une part, l'hébreu est précisément une langue de communication, même s'il s'agit là d'une communication "interne", religieuse et patriotique : ce sont aussi des notables qui l'écrivent. D'autre part, l'usage de l'araméen est attesté par des signes beaucoup plus révélateurs que les grands textes : les graffitis, les inscriptions mortuaires.
Le grec n'a pas toujours été la langue des bourreaux en Israël. Elle le devient lorsque les grecs se font bourreaux.
A ma connaissance, il n'y a pas eu d'usage juif d'un texte écrit de la Torah en araméen. (au passage, j'en profite pour remarquer que l'édition de la Septante montre que la question de la "langue des bourreaux" est complexe) Les targums n'ont pas tous le même degré de glose. Certains sont quasi littéraux. Mais la question à se poser sur les targoums, à mon sens est celle-ci : pourquoi sont-ils en araméen ? S'ils sont explicatifs, s'ils transposent en même temps qu'ils développent, pourquoi n'est-ce pas en hébreu ?
Si les juifs de Palestine lisaient tous le grec ou étaient nombreux à comprendre l'hébreu, à quoi servaient les targoums?
L'explication donnée en général est assez simple : l'araméen est la langue communément comprise par tous ; il est nécessaire de traduire les Ecritures lors de leur lecture à la synagogue, et il en est fait aussi un commentaire pour l'assemblée. Les targoums en sont des traces écrites. Il n'y a pas eu le même besoin d'éditer une traduction araméenne écrite de la Torah que la Septante, parce que l'araméen traduit plus aisément l'hébreu que le grec, ce qui a amené les responsables des communautés d'Alexandrie à se mettre d'accord sur une version grecque de référence à l'usage des gentils et des juifs perdant l'usage de l'hébreu.
Sur cette question, je ne puis que vous renvoyer aux autres vidéos du père Guigain, de Pierre Perrier, et de leurs collègues, ainsi qu'à leurs ouvrages. Il s'agit là d'une affaire d'araméophones confirmés, et leur réponse est oui, sans conteste. Les textes grecs se révèlent être des traductions-décalques dans un grec maladroit, la pechitta un texte dense à la rythmique très repérable pour un araméophone. Cette rythmique donne une structure au texte qui révèle sa nature orale, et ses propriétés déclamatoire, gestuelle, mnémotechnique.
Je suis bien votre logique. Mais elle ne répond pas à la question : pourquoi certains passages sont-ils conservés en araméen, ou plutôt : pourquoi restitue-t-on certains passages où Jésus s'exprimerait en araméen ?
Dans la pechitta, il n'y a aucun passage conservé en grec. (il y a pourtant les parlant-grecs qui cherchent à parler à Jésus, il y a probablement le centurion...)
Il y a une autre raison possible qui explique la conservation de ces phrases. Elle est due à l'oralité du texte évangélique. Remarquez je vous prie, que ces phrases sont toutes dites dans des contextes très particuliers, le plus souvent dans celui d'une guérison, ( où Jésus s'adresse d'ailleurs très personnellement au malade ). Il s'agit donc de phrases célèbres, qui sont peut-être reprises par les apôtres quand ils guérissent à leur tour. Elles peuvent ne pas avoir été traduites directement par le récitant parce qu'elles résonnaient encore dans sa tête et qu'il avait le souci de rendre fidèlement ce qui avait été dit à des instants importants pour la mimique.
Nullement. Il est certain que ces personnages parlent hébreu, et que Jésus le connaissait. La question porte sur le témoignage des évangélistes, qui eux, s'adressaient à tous.
Encore une fois, chère Pauline, vous inversez la problématique. Vous vous demandez si on ne projette pas un usage de l'élite sur le peuple. Or, personne ne dit que l'élite a perdu l'usage de l'hébreu, au contraire. C'est elle qui le conserve.
Enfin, ce n'est pas parce que le bas-peuple n'a pas connu l'Exil qu'il n'est pas influencé par la mondialisation. Israël n'était pas un pays totalement refermé sur lui-même, loin de là.
Nous n'avons que ce que nous laisse le temps : l'écrit.
Or, les auteurs antiques n'utilisent pas le même vocabulaire que nous, et Israël est une société de l'oral plus encore que de l'écrit. Nous devons faire avec.
Reste encore à expliquer pourquoi on a conservé des phrases de Jésus en araméen.
Et pourquoi le peuple ne comprenait pas la Torah qu'Esdras lui lisait.
(et accessoirement, pourquoi on trouve tant d'inscriptions mortuaires en araméen)
Je ne sais pas si nous parlons de la même personne mais il me semble que l’Égérie dont on a retrouvé le carnet de voyage vivait au IVème siècle après Jésus-Christ.Libremax a écrit:
Pourquoi Egérie décrit la traduction simultanée des lectures à Jérusalem en araméen.
Nous parlons bien de la même personne.
Au IVe siècle après Jésus-Christ, Egérie constate que les chrétiens de Palestine parlent araméen. Les textes liturgiques sont en grec, mais il faut les leur traduire, et non pas en hébreu. L'araméen est la langue parlée au pays avant que l'arabe y soit imposé. Pourquoi ? A quel moment s'est faite la transition ?
Sont-ils nombreux les marins en Galilée ?Libremax a écrit:
Le commerce n'est pas le seul fait des élites , à moins de considérer les marins et les artisans comme en faisant partie...
Pourquoi les artisans parleraient-ils l’araméen ? aujourd’hui en France les chantiers de BTP emploient des tas de compagnons qui ne parlent guère français et qui n'ont pas de souci.
A propos des marins et des artisans, il est uniquement question de "lingua franca". La Galilée est un carrefour de nations et de routes commerciales ou militaires, frontalières avec les autres pays araméophones. Les artisans vendent leur production aux étrangers.
L’hébreu dispose d’une considérable littérature, de l’orthopraxie et du patriotisme des Juifs et, évidemment, de l’élection divine.Libremax a écrit:
Oui... vous prenez des exemples de langues qui résistent. Mais combien de langues, au cours de l'histoire, ont disparu, malgré qu'elles fussent maternelles? Savez-vous qu'aujourd'hui encore, il est dit qu'une langue disparaît tous les 15 jours ? Et ce n'est pas uniquement à cause de massacres : toutes les langues ne bénéficient pas des structures sociales nécessaires à leur survie.
Ne sont-ce pas des atouts ?
Si, tout à fait. Et c'est pour ça qu'il a perduré. Mais il est justement question de littérature, donc de la langue des classes sociales qui produisent cette littérature. Et comme je vous le disais, le patriotisme juif n'a pas toujours connu la même adhésion.
La question n’est pas là.Libremax a écrit:
Je ne suis pas sûr du tout qu'il y ait lieu de distinguer ici l'hébreu de l'araméen pour l'auteur des Macchabées. Cela dit, il existait des cris de guerre et des cantiques juifs en araméen !
Le rédacteur inspiré prend soin de souligner la langue des Pères.
Vous avez émis l’hypothèse que c’était pour éviter que le lecteur puisse songer que Judas parlât grec à ce moment-là.
Je suis convaincue que personne ne peut imaginer que Judas parlait grec à ce moment-là.
La langue des Pères ne s’oppose pas au grec complètement improbable à cette occasion, la langue des pères s'oppose à une autre langue.
De sorte que je privilégie l’autre hypothèse : la mention de la langue des Pères a pour but d'éviter que le lecteur puisse songer que Judas parlait araméen.
Ma question est : pourquoi ? Dans la mesure ou la langue maternelle des Juifs serait (je dis bien serait, au conditionnel) l'araméen, langue dans laquelle ils prieraient, transmettraient leur tradition orale et célèbreraient en même temps que l'hébreu depuis de nombreuses générations, pourquoi faudrait-il ici préciser que Judas chanterait en hébreu plutôt qu'en araméen ?
A vrai dire, il est très probable que Judas l'ai fait en hébreu : mais c'est parce qu'il est issu de la caste sacerdotale, et qu'il défend le Temple de Jérusalem.
Nulle trace d’un combat linguistique mené par les autorités séleucides où que ce soit.Libremax a écrit:
Le langage est un vecteur culturel. Antiochus voulait procéder à une hellénisation forcée de la Judée, et certains Juifs ont résisté.
Si j’ai compris la conférence du Père Guigain, il y aurait eu une interdiction linguistique du temps de Tatien mais nous sommes là après la défaite définitive des derniers résistants juifs.
Et cette interdiction n'avait plus cours du temps d'Égérie...
Ce n'est pas à ce genre d'interdiction auquel je faisais allusion. Je n'ai pas parlé de combat linguistique, juste de la langue grecque que l'envahisseur tendait à imposer. Tendance inévitable, à mon sens, lorsqu'il y a imposition d'une culture. Or, l'usage du grec connaissait un certain succès avant Antiochus en Israël.
La question que je soulève est simple :
Ceux qui sont dans la « communication » c’est à dire les notables, les élites, les commerçants, sont-ils représentatifs des usages du peuple et surtout des mères ?
Votre exemple de la bibliothèque est parlant : une bibliothèque à Paris au XIIIème siècle ne nous dit rien de la langue parlée par les paysans en Auvergne.
Pas forcément, c'est vrai.
Mais, d'une part, l'hébreu est précisément une langue de communication, même s'il s'agit là d'une communication "interne", religieuse et patriotique : ce sont aussi des notables qui l'écrivent. D'autre part, l'usage de l'araméen est attesté par des signes beaucoup plus révélateurs que les grands textes : les graffitis, les inscriptions mortuaires.
Aucun lecteur de ce livre ne peut envisager qu’une mère usât de la langue du bourreau pour exhorter ses enfants martyrisés au motif qu’ils accordent la plus grande importance à la Torah.Libremax a écrit:
Il est donc tout à fait pertinent, au contraire, de préciser que cette mère utilisait la langue du peuple, et non le grec qui avait gagné du terrain.
Le grec n'a pas toujours été la langue des bourreaux en Israël. Elle le devient lorsque les grecs se font bourreaux.
Nous avons des éléments sérieux pour affirmer que la LXX fut en usage par les Juifs avant la destruction du Temple, je vous ai seulement demandé si nous disposions de traces d’un usage juif des traductions syriaques avant la chute du Temple.Libremax a écrit:
Dites-vous cela parce que les seuls à conserver une Bible syriaque ont été des chrétiens? On pourrait dire de même de la Septante, dans ce compte-là. On sait bien que ce n'est pas cela.
Ma remarque consiste à dire que personnellement je n’ai pas d’autres traces que celle qui évoquent l’apparition d’une traduction araméenne au second siècle après Jésus-Christ probablement dans un milieu chrétien.
En milieu juif, j’ai l’impression, mais je vous demande de rectifier mon erreur, que nous ne trouvons que les Targums, fixés plus tardivement encore, et qui ne sont pas des traductions.
Dans l'état actuel de mes connaissances, la comparaison avec le grec me suggère que les Juifs de Palestine n'ont pas ressenti le besoin d'opérer le même travail vers l'araméen.
Ou bien les Juifs de Palestine sachant lire lisaient tous grec, ou bien ils étaient encore très nombreux à comprendre l'hébreu.
A ma connaissance, il n'y a pas eu d'usage juif d'un texte écrit de la Torah en araméen. (au passage, j'en profite pour remarquer que l'édition de la Septante montre que la question de la "langue des bourreaux" est complexe) Les targums n'ont pas tous le même degré de glose. Certains sont quasi littéraux. Mais la question à se poser sur les targoums, à mon sens est celle-ci : pourquoi sont-ils en araméen ? S'ils sont explicatifs, s'ils transposent en même temps qu'ils développent, pourquoi n'est-ce pas en hébreu ?
Si les juifs de Palestine lisaient tous le grec ou étaient nombreux à comprendre l'hébreu, à quoi servaient les targoums?
L'explication donnée en général est assez simple : l'araméen est la langue communément comprise par tous ; il est nécessaire de traduire les Ecritures lors de leur lecture à la synagogue, et il en est fait aussi un commentaire pour l'assemblée. Les targoums en sont des traces écrites. Il n'y a pas eu le même besoin d'éditer une traduction araméenne écrite de la Torah que la Septante, parce que l'araméen traduit plus aisément l'hébreu que le grec, ce qui a amené les responsables des communautés d'Alexandrie à se mettre d'accord sur une version grecque de référence à l'usage des gentils et des juifs perdant l'usage de l'hébreu.
Enfin, j'en profite pour m'interroger : est-il si évident que la peshitta du Nouveau Testament présente un état antérieur des textes ?
Sur cette question, je ne puis que vous renvoyer aux autres vidéos du père Guigain, de Pierre Perrier, et de leurs collègues, ainsi qu'à leurs ouvrages. Il s'agit là d'une affaire d'araméophones confirmés, et leur réponse est oui, sans conteste. Les textes grecs se révèlent être des traductions-décalques dans un grec maladroit, la pechitta un texte dense à la rythmique très repérable pour un araméophone. Cette rythmique donne une structure au texte qui révèle sa nature orale, et ses propriétés déclamatoire, gestuelle, mnémotechnique.
Si on admet que les rédacteurs inspirés tentent de nous rapporter fidèlement les propos de notre Seigneur,Libremax a écrit:
Mais il se trouve qu'aucune phrase de Jésus en hébreu n'est retranscrite dans les Evangiles : pourquoi aurait-on conservé des phrases en araméen?
si l’on admet que notre Seigneur Jésus-Christ ne parlait pas toujours grec,
alors les Évangiles nous offrent une "sorte" de traduction d’une « langue araméenne » vers le grec.
Or, quand nous lisons une traduction de la langue A vers la langue B, nous ne nous attendons pas à lire des passages en langue A.
Si on rencontre un mot allemand dans la traduction d’un poème de Goethe on ne comprend pas ce mot et on s’étonne de cette incise.
Il faut en effet des motifs sérieux pour que le traducteur ne fasse pas son travail complètement, par exemple un mot intraduisible, un mot technique, une expression qui ne trouverait pas d’équivalent, un mot devenu "international", etc.
Mais dans l’Évangile, les incises en araméens sont généralement traduites, ce n’est donc pas parce que c’est intraduisible.
et comme vous l’avez remarqué elles ne sont nullement identifiées dans la Peshitta, ce n’est donc pas davantage pour les mettre en exergue.
En revanche, dans cette traduction en B d'un texte originellement en A, on peut s'attendre à lire des expressions d'une langue tierce C.
Si le traducteur est confronté de façon exceptionnelle à une langue tierce, on aimerait qu’il témoigne de ces exceptions mais on admet qu’il puisse les masquer.
Or, les seules ruptures linguistiques du texte grec sont vers l’araméen.
Je suis bien votre logique. Mais elle ne répond pas à la question : pourquoi certains passages sont-ils conservés en araméen, ou plutôt : pourquoi restitue-t-on certains passages où Jésus s'exprimerait en araméen ?
Dans la pechitta, il n'y a aucun passage conservé en grec. (il y a pourtant les parlant-grecs qui cherchent à parler à Jésus, il y a probablement le centurion...)
Il y a une autre raison possible qui explique la conservation de ces phrases. Elle est due à l'oralité du texte évangélique. Remarquez je vous prie, que ces phrases sont toutes dites dans des contextes très particuliers, le plus souvent dans celui d'une guérison, ( où Jésus s'adresse d'ailleurs très personnellement au malade ). Il s'agit donc de phrases célèbres, qui sont peut-être reprises par les apôtres quand ils guérissent à leur tour. Elles peuvent ne pas avoir été traduites directement par le récitant parce qu'elles résonnaient encore dans sa tête et qu'il avait le souci de rendre fidèlement ce qui avait été dit à des instants importants pour la mimique.
Personnellement, je crois que lorsque Jésus lit le rouleau d’Isaïe, Il parle hébreu.
Quand il cite les Très Saintes Écritures, quand Il polémique avec les scribes nécessairement bilingues, quand Il enseigne « avec autorité », quand Il comparaît devant le Sanhédrin...
... est-on certain qu’Il parlait araméen ?
Nullement. Il est certain que ces personnages parlent hébreu, et que Jésus le connaissait. La question porte sur le témoignage des évangélistes, qui eux, s'adressaient à tous.
De sorte que l’état du consensus actuel ne me paraît nullement évident.
Il me semble relever de la banale projection des usages des classes dominantes sur les classes populaires dont on ignore tout (et, combien plus, ignore-t-on tout des femmes).
Or, la promesse n’est pas adressée aux élites, les prophètes ne leur font pas confiance.
La promesse est adressée aux ‘aniyîm, aux ptôchoï.
Pourquoi le bas-peuple qui n’a pas connu l’exil, qui est nécessairement moins influencé par la "mondialisation", aurait-il perdu sa langue maternelle ?
Encore une fois, chère Pauline, vous inversez la problématique. Vous vous demandez si on ne projette pas un usage de l'élite sur le peuple. Or, personne ne dit que l'élite a perdu l'usage de l'hébreu, au contraire. C'est elle qui le conserve.
Enfin, ce n'est pas parce que le bas-peuple n'a pas connu l'Exil qu'il n'est pas influencé par la mondialisation. Israël n'était pas un pays totalement refermé sur lui-même, loin de là.
A-t-on des arguments précis concernant la langue parlée par les mères juives ?
Nous n'avons que ce que nous laisse le temps : l'écrit.
Or, les auteurs antiques n'utilisent pas le même vocabulaire que nous, et Israël est une société de l'oral plus encore que de l'écrit. Nous devons faire avec.
Reste encore à expliquer pourquoi on a conservé des phrases de Jésus en araméen.
Et pourquoi le peuple ne comprenait pas la Torah qu'Esdras lui lisait.
(et accessoirement, pourquoi on trouve tant d'inscriptions mortuaires en araméen)
Libremax- Messages : 1367
Réputation : 16
Date d'inscription : 18/10/2011
Re: Débats sur la mise par écrit des Evangiles
Bonjour Libremax
Toutefois, le second livre des Macchabées connaît un autre mot :
2 Maccabées 15 . 29. γενομενης δε κραυγης και ταραχης ευλογουν τον δυναστην τη πατριω φωνη
29 Au milieu des clameurs et de la confusion, ils bénissaient le souverain Maître dans la langue de leurs pères.
(…)
15. 36. εδογματισαν δε παντες μετα κοινου ψηφισματος μηδαμως εασαι απαρασημαντον τηνδε την ημεραν εχειν δε επισημον την τρισκαιδεκατην του δωδεκατου μηνος αδαρ λεγεται τη συριακη φωνη προ μιας ημερας της μαρδοχαικης ημερας
36 Ils décrétèrent tous par un vote public de ne pas laisser passer ce jour sans le signaler, mais de célébrer le treizième jour du douzième mois, appelé adar en araméen, la veille du jour dit de Mardochée.
À quelques versets de distance, est-il très probable que "τη πατριω φωνη" et "συριακη φωνη" pointent vers la même réalité ?
Dans le même ordre d'idée, la Bible dispose d’un autre mot pour désigner l’araméen : "συριστι" en opposition à "ιουδαιστι" (voir 2-Rois 18,26 ; Esdras 4,7 et Isaïe 36,11)
Je veux bien admettre que lorsque qu'un Clément d'Alexandrie parle de langage hébraïque il fasse l'amalgame entre l'hébreu et l'araméen, mais les Juifs pratiquent-ils la même identification ?
Si, lorsque notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ dit quelque chose d’important, Il ne parle que très rarement en araméen alors les rédacteurs évangéliques ne font que refléter cet usage linguistique.
Un dernier mot pour évoquer la complexité de cette question de l'oralité.
Dans les Actes nous trouvons un autre moment où les Saintes Écritures évoquent la pluralité des langues et probablement l'opposition entre la langue des échanges et la langue maternelle :
ACTES II, 7 Ils étaient tous dans l’étonnement et la surprise, et ils se disaient les uns aux autres : Voici, ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ?
Actes 2:8 Et comment les entendons-nous dans notre propre langue à chacun, dans celle où nous sommes nés ?
Acts 2:8 και πως ημεις ακουομεν εκαστος τη ιδια διαλεκτω ημων εν η εγεννηθημεν
Où je perçois la distinction entre la « langue que je comprends », la langue de communication et la « langue d’où je suis né », la langue maternelle.
Et en poursuivant la lecture,
9 Parthes, Mèdes, Elamites, ceux qui habitent la Mésopotamie, la Judée, la Cappadoce, le Pont, l’Asie, 10 la Phrygie, la Pamphylie, l’Egypte, le territoire de la Libye voisine de Cyrène, et ceux qui sont venus de Rome, Juifs et prosélytes, 11 Crétois et Arabes, comment les entendons-nous parler dans nos langues des merveilles de Dieu ?
Où je perçois que les habitants de la Judée peuvent être surpris d’entendre dans leur langue maternelle les propos des Galiléens.
3 Esdras lut dans le livre depuis le matin jusqu’au milieu du jour, sur la place qui est devant la porte des eaux, en présence des hommes et des femmes et de ceux qui étaient aptes à comprendre. Tout le peuple fut attentif à la lecture du livre de la loi. 4 Esdras, le scribe, était placé sur une estrade de bois, dressée à cette occasion. Auprès de lui, à sa droite, se tenaient Matthithia, Schéma, Anaja, Urie, Hilkija et Maaséja, et à sa gauche, Pedaja, Mischaël, Malkija, Haschum, Haschbaddana, Zacharie et Meschullam. 5 Esdras ouvrit le livre à la vue de tout le peuple, car il était élevé au-dessus de tout le peuple ; et lorsqu’il l’eut ouvert, tout le peuple se tint en place. 6 Esdras bénit l’Eternel, le grand Dieu, et tout le peuple répondit, en levant les mains : Amen ! amen ! Et ils s’inclinèrent et se prosternèrent devant l’Eternel, le visage contre terre. 7 Josué, Bani, Schérébia, Jamin, Akkub, Schabbethaï, Hodija, Maaséja, Kelitha, Azaria, Jozabad, Hanan, Pelaja, et les Lévites, expliquaient la loi au peuple, et chacun restait à sa place. 8 Ils lisaient distinctement dans le livre de la loi de Dieu, et ils en donnaient le sens pour faire comprendre ce qu’ils avaient lu.
Pour ces gens aptes à comprendre auxquels s’adressait Esdras, s’agissait-il d’une traduction ou d’une interprétation ?
Très cordialement
Votre sœur
pauline
Le témoigne d’Égérie est bien tardif pour en conclure quoi que ce soit au premier siècle avant la destruction du Temple.Libremax a écrit:
A quel moment s'est faite la transition ?
Cette hypothèse simplifie considérablement la question en lui apportant une réponse.Libremax a écrit:
Ma question est : pourquoi ? Dans la mesure ou la langue maternelle des Juifs serait (je dis bien serait, au conditionnel) l'araméen
Toutefois, le second livre des Macchabées connaît un autre mot :
2 Maccabées 15 . 29. γενομενης δε κραυγης και ταραχης ευλογουν τον δυναστην τη πατριω φωνη
29 Au milieu des clameurs et de la confusion, ils bénissaient le souverain Maître dans la langue de leurs pères.
(…)
15. 36. εδογματισαν δε παντες μετα κοινου ψηφισματος μηδαμως εασαι απαρασημαντον τηνδε την ημεραν εχειν δε επισημον την τρισκαιδεκατην του δωδεκατου μηνος αδαρ λεγεται τη συριακη φωνη προ μιας ημερας της μαρδοχαικης ημερας
36 Ils décrétèrent tous par un vote public de ne pas laisser passer ce jour sans le signaler, mais de célébrer le treizième jour du douzième mois, appelé adar en araméen, la veille du jour dit de Mardochée.
À quelques versets de distance, est-il très probable que "τη πατριω φωνη" et "συριακη φωνη" pointent vers la même réalité ?
Dans le même ordre d'idée, la Bible dispose d’un autre mot pour désigner l’araméen : "συριστι" en opposition à "ιουδαιστι" (voir 2-Rois 18,26 ; Esdras 4,7 et Isaïe 36,11)
Je veux bien admettre que lorsque qu'un Clément d'Alexandrie parle de langage hébraïque il fasse l'amalgame entre l'hébreu et l'araméen, mais les Juifs pratiquent-ils la même identification ?
Parce qu’ils sont exceptionnels.Libremax a écrit:
Mais elle ne répond pas à la question : pourquoi certains passages sont-ils conservés en araméen, ou plutôt : pourquoi restitue-t-on certains passages où Jésus s'exprimerait en araméen ?
Si, lorsque notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ dit quelque chose d’important, Il ne parle que très rarement en araméen alors les rédacteurs évangéliques ne font que refléter cet usage linguistique.
Libremax a écrit:Nous n'avons que ce que nous laisse le temps : l'écrit.A-t-on des arguments précis concernant la langue parlée par les mères juives ?
Or, les auteurs antiques n'utilisent pas le même vocabulaire que nous, et Israël est une société de l'oral plus encore que de l'écrit. Nous devons faire avec.
Un dernier mot pour évoquer la complexité de cette question de l'oralité.
Dans les Actes nous trouvons un autre moment où les Saintes Écritures évoquent la pluralité des langues et probablement l'opposition entre la langue des échanges et la langue maternelle :
ACTES II, 7 Ils étaient tous dans l’étonnement et la surprise, et ils se disaient les uns aux autres : Voici, ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ?
Actes 2:8 Et comment les entendons-nous dans notre propre langue à chacun, dans celle où nous sommes nés ?
Acts 2:8 και πως ημεις ακουομεν εκαστος τη ιδια διαλεκτω ημων εν η εγεννηθημεν
Où je perçois la distinction entre la « langue que je comprends », la langue de communication et la « langue d’où je suis né », la langue maternelle.
Et en poursuivant la lecture,
9 Parthes, Mèdes, Elamites, ceux qui habitent la Mésopotamie, la Judée, la Cappadoce, le Pont, l’Asie, 10 la Phrygie, la Pamphylie, l’Egypte, le territoire de la Libye voisine de Cyrène, et ceux qui sont venus de Rome, Juifs et prosélytes, 11 Crétois et Arabes, comment les entendons-nous parler dans nos langues des merveilles de Dieu ?
Où je perçois que les habitants de la Judée peuvent être surpris d’entendre dans leur langue maternelle les propos des Galiléens.
Où se situe exactement et quelle est l’ampleur de cette incompréhension ?Libremax a écrit:
Et pourquoi le peuple ne comprenait pas la Torah qu'Esdras lui lisait.
3 Esdras lut dans le livre depuis le matin jusqu’au milieu du jour, sur la place qui est devant la porte des eaux, en présence des hommes et des femmes et de ceux qui étaient aptes à comprendre. Tout le peuple fut attentif à la lecture du livre de la loi. 4 Esdras, le scribe, était placé sur une estrade de bois, dressée à cette occasion. Auprès de lui, à sa droite, se tenaient Matthithia, Schéma, Anaja, Urie, Hilkija et Maaséja, et à sa gauche, Pedaja, Mischaël, Malkija, Haschum, Haschbaddana, Zacharie et Meschullam. 5 Esdras ouvrit le livre à la vue de tout le peuple, car il était élevé au-dessus de tout le peuple ; et lorsqu’il l’eut ouvert, tout le peuple se tint en place. 6 Esdras bénit l’Eternel, le grand Dieu, et tout le peuple répondit, en levant les mains : Amen ! amen ! Et ils s’inclinèrent et se prosternèrent devant l’Eternel, le visage contre terre. 7 Josué, Bani, Schérébia, Jamin, Akkub, Schabbethaï, Hodija, Maaséja, Kelitha, Azaria, Jozabad, Hanan, Pelaja, et les Lévites, expliquaient la loi au peuple, et chacun restait à sa place. 8 Ils lisaient distinctement dans le livre de la loi de Dieu, et ils en donnaient le sens pour faire comprendre ce qu’ils avaient lu.
Pour ces gens aptes à comprendre auxquels s’adressait Esdras, s’agissait-il d’une traduction ou d’une interprétation ?
Dans mon ignorance, je ne dispose pas beaucoup d’éléments à ce sujet.Libremax a écrit:
et accessoirement, pourquoi on trouve tant d'inscriptions mortuaires en araméen)
Très cordialement
Votre sœur
pauline
Invité- Invité
Re: Débats sur la mise par écrit des Evangiles
Bonsoir, chère Pauline.
Très bien ; ne tirons pas de conclusion et tentons de répondre à la question : A quel moment s'est faite la transition? Entre le début de notre ère et la période d'Egérie, les palestiniens vivent sous domination romaine, le Temple est détruit, Jérusalem est rasée et reconstruite en ville romaine... Qu'est-ce qui expliquerait durant ces siècles là un abandon de la langue hébraïque pour l'araméen ?
C'est très probable à une seule condition : que la "langue des pères" soit effectivement l'araméen depuis plusieurs générations. Imaginez un français parler de la "langue des pères" sous l'occupation allemande, par exemple. Il ferait référence à une langue que ses ancêtres utilisent depuis 400 ans au grand maximum. Ce serait à peu près l'équivalent entre le temps des Macchabées et de l'Exil.
Et alors ? Les juifs savaient bien que leur langue parlée différait de l'hébreu.
Votre hypothèse soulève quelques questions : Qu'est-ce que ces phrases ont d'exceptionnel ? Pourquoi choisir ces phrases là ? Et pourquoi cette langue uniquement ? Jésus parlait hébreu : pourquoi le texte grec ne restitue-t-il jamais l'hébreu ? Si le texte était hébreu à l'origine, pourquoi ne rend-t-il jamais de grec, alors que Jésus parlait très probablement un peu de grec? Qu'est-ce que l'araméen a de si important ?
Pourquoi y a-t-il même des noms de lieux qui sont donnés en araméen (comme Golgotha ?)
Il faut donc se rendre à l'évidence : Tout le monde ne parle pas hébreu en Palestine.
Or, assurément ils ne parlent pas tout à fait la même langue : ils n'ont pas le même dialecte araméen.
Mais en cela, il n'y a guère de différence avec les autres peuplades alentour, qui parlent des dialectes araméens aussi.
La réponse n'est pas évidente.
Certains auteurs à ce sujet semblent considérer que le champ sémantique du texte permet de comprendre que ce qui est fait à cet instant correspond exactement à ce que faisait le targoum : traduire, et le cas échéant, expliquer.
... A quoi bon s'adresser à des gens "aptes à comprendre" s'il faut encore expliquer ce qui est lu ?
Bonne soirée,
à bientôt.
Le témoigne d’Égérie est bien tardif pour en conclure quoi que ce soit au premier siècle avant la destruction du Temple.Libremax a écrit:
A quel moment s'est faite la transition ?
Très bien ; ne tirons pas de conclusion et tentons de répondre à la question : A quel moment s'est faite la transition? Entre le début de notre ère et la période d'Egérie, les palestiniens vivent sous domination romaine, le Temple est détruit, Jérusalem est rasée et reconstruite en ville romaine... Qu'est-ce qui expliquerait durant ces siècles là un abandon de la langue hébraïque pour l'araméen ?
Toutefois, le second livre des Macchabées connaît un autre mot :
29 Au milieu des clameurs et de la confusion, ils bénissaient le souverain Maître dans la langue de leurs pères.
(…)
36 Ils décrétèrent tous par un vote public de ne pas laisser passer ce jour sans le signaler, mais de célébrer le treizième jour du douzième mois, appelé adar en araméen, la veille du jour dit de Mardochée.
À quelques versets de distance, est-il très probable que "τη πατριω φωνη" et "συριακη φωνη" pointent vers la même réalité ?
C'est très probable à une seule condition : que la "langue des pères" soit effectivement l'araméen depuis plusieurs générations. Imaginez un français parler de la "langue des pères" sous l'occupation allemande, par exemple. Il ferait référence à une langue que ses ancêtres utilisent depuis 400 ans au grand maximum. Ce serait à peu près l'équivalent entre le temps des Macchabées et de l'Exil.
Dans le même ordre d'idée, la Bible dispose d’un autre mot pour désigner l’araméen : "συριστι" en opposition à "ιουδαιστι" (voir 2-Rois 18,26 ; Esdras 4,7 et Isaïe 36,11)
Et alors ? Les juifs savaient bien que leur langue parlée différait de l'hébreu.
Parce qu’ils sont exceptionnels.Libremax a écrit:
Mais elle ne répond pas à la question : pourquoi certains passages sont-ils conservés en araméen, ou plutôt : pourquoi restitue-t-on certains passages où Jésus s'exprimerait en araméen ?
Si, lorsque notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ dit quelque chose d’important, Il ne parle que très rarement en araméen alors les rédacteurs évangéliques ne font que refléter cet usage linguistique.
Votre hypothèse soulève quelques questions : Qu'est-ce que ces phrases ont d'exceptionnel ? Pourquoi choisir ces phrases là ? Et pourquoi cette langue uniquement ? Jésus parlait hébreu : pourquoi le texte grec ne restitue-t-il jamais l'hébreu ? Si le texte était hébreu à l'origine, pourquoi ne rend-t-il jamais de grec, alors que Jésus parlait très probablement un peu de grec? Qu'est-ce que l'araméen a de si important ?
Pourquoi y a-t-il même des noms de lieux qui sont donnés en araméen (comme Golgotha ?)
Dans les Actes nous trouvons un autre moment où les Saintes Écritures évoquent la pluralité des langues et probablement l'opposition entre la langue des échanges et la langue maternelle :
ACTES II, 7 Ils étaient tous dans l’étonnement et la surprise, et ils se disaient les uns aux autres : Voici, ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ?
Actes 2:8 Et comment les entendons-nous dans notre propre langue à chacun, dans celle où nous sommes nés ?
Acts 2:8 και πως ημεις ακουομεν εκαστος τη ιδια διαλεκτω ημων εν η εγεννηθημεν
Où je perçois la distinction entre la « langue que je comprends », la langue de communication et la « langue d’où je suis né », la langue maternelle.
Et en poursuivant la lecture,
9 Parthes, Mèdes, Elamites, ceux qui habitent la Mésopotamie, la Judée, la Cappadoce, le Pont, l’Asie, 10 la Phrygie, la Pamphylie, l’Egypte, le territoire de la Libye voisine de Cyrène, et ceux qui sont venus de Rome, Juifs et prosélytes, 11 Crétois et Arabes, comment les entendons-nous parler dans nos langues des merveilles de Dieu ?
Où je perçois que les habitants de la Judée peuvent être surpris d’entendre dans leur langue maternelle les propos des Galiléens.
Il faut donc se rendre à l'évidence : Tout le monde ne parle pas hébreu en Palestine.
Or, assurément ils ne parlent pas tout à fait la même langue : ils n'ont pas le même dialecte araméen.
Mais en cela, il n'y a guère de différence avec les autres peuplades alentour, qui parlent des dialectes araméens aussi.
Où se situe exactement et quelle est l’ampleur de cette incompréhension ?Libremax a écrit:
Et pourquoi le peuple ne comprenait pas la Torah qu'Esdras lui lisait.
3 Esdras lut dans le livre depuis le matin jusqu’au milieu du jour, sur la place qui est devant la porte des eaux, en présence des hommes et des femmes et de ceux qui étaient aptes à comprendre. Tout le peuple fut attentif à la lecture du livre de la loi. 4 Esdras, le scribe, était placé sur une estrade de bois, dressée à cette occasion. Auprès de lui, à sa droite, se tenaient Matthithia, Schéma, Anaja, Urie, Hilkija et Maaséja, et à sa gauche, Pedaja, Mischaël, Malkija, Haschum, Haschbaddana, Zacharie et Meschullam. 5 Esdras ouvrit le livre à la vue de tout le peuple, car il était élevé au-dessus de tout le peuple ; et lorsqu’il l’eut ouvert, tout le peuple se tint en place. 6 Esdras bénit l’Eternel, le grand Dieu, et tout le peuple répondit, en levant les mains : Amen ! amen ! Et ils s’inclinèrent et se prosternèrent devant l’Eternel, le visage contre terre. 7 Josué, Bani, Schérébia, Jamin, Akkub, Schabbethaï, Hodija, Maaséja, Kelitha, Azaria, Jozabad, Hanan, Pelaja, et les Lévites, expliquaient la loi au peuple, et chacun restait à sa place. 8 Ils lisaient distinctement dans le livre de la loi de Dieu, et ils en donnaient le sens pour faire comprendre ce qu’ils avaient lu.
Pour ces gens aptes à comprendre auxquels s’adressait Esdras, s’agissait-il d’une traduction ou d’une interprétation ?
La réponse n'est pas évidente.
Certains auteurs à ce sujet semblent considérer que le champ sémantique du texte permet de comprendre que ce qui est fait à cet instant correspond exactement à ce que faisait le targoum : traduire, et le cas échéant, expliquer.
... A quoi bon s'adresser à des gens "aptes à comprendre" s'il faut encore expliquer ce qui est lu ?
Bonne soirée,
à bientôt.
Libremax- Messages : 1367
Réputation : 16
Date d'inscription : 18/10/2011
Re: Débats sur la mise par écrit des Evangiles
Bonjour Libremax
Je crois avoir épuisé les arguments contestant le primat de l’araméen chez les femmes et les classes les plus populaires de la société juive du premier siècle.
Il ne conviendrait pas que je m’acharnasse davantage...
Je vous remercie de votre patience, de votre douce pédagogie et du temps que vous avez consacré à me répondre.
Très cordialement
Votre sœur
pauline
Je crois avoir épuisé les arguments contestant le primat de l’araméen chez les femmes et les classes les plus populaires de la société juive du premier siècle.
Il ne conviendrait pas que je m’acharnasse davantage...
Je vous remercie de votre patience, de votre douce pédagogie et du temps que vous avez consacré à me répondre.
Très cordialement
Votre sœur
pauline
Invité- Invité
Re: Débats sur la mise par écrit des Evangiles
Bonjour Pauline,
C'est une joie de discuter avec vous. Vous savez mettre à l'épreuve les "consensus" !
A vous lire bientôt.
C'est une joie de discuter avec vous. Vous savez mettre à l'épreuve les "consensus" !
A vous lire bientôt.
Libremax- Messages : 1367
Réputation : 16
Date d'inscription : 18/10/2011
Re: Débats sur la mise par écrit des Evangiles
De mon côté, permettez-moi de vous remercier tous deux pour la qualité de vos échanges !
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