[SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
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Roque
Rashid Al-Jundullah
DenisLouis
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
C'est justement ce point que je cherche à discuter.DenisLouis a écrit:il est difficile d'écarter le rôle des bulles pontificales dans la constitution du droit spécifique aux Indiens (elles sont citées partout).
Quant à Wikipédia (comme le lien sur un Commission des Nations Unies que vous aviez donné au début et peut-être vous mêmes au début du sujet ? ), ils pensent simplement que l'argument de la "Terra Nullius " provient des bulles pontificales Romanus Pontifex et Inter Caetera. Vous pouvez vérifier vous-même que c'est une légende urbaine :
http://www.nativeweb.org/pages/legal/indig-romanus-pontifex.html
http://www.nativeweb.org/pages/legal/indig-inter-caetera.html
Et un peu plus haut j'ai argumenté sur le fait que ni le terme, ni la notion de " Terre Nullius " n'apparaît dans la pensée des papes. Si ces arguments, sur ce point particulier, " ne portent pas " pour vous, je ne peux rien faire de plus (sauf mon prochain post ... bientôt qui traitera de la question du " Dominium " et de ses variations entre le 13ème et le 16ème siècle dans la pensée de l'Eglise).
Roque- Messages : 5064
Date d'inscription : 15/02/2011
Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Si on parle de point de vue partisan cela signifie qu'il y a des parties qui ont des points de vue différents, contradictoires.
Quelles sont ces parties ? En gros : l'Eglise en général, la papauté, la chrétienté (dans la mesure où les pays protestants se sont appuyés sur cette notion), les pays colonisateurs, les pays indépendants issus de cette colonisation, et les différentes communautés indiennes.
Ces parties ne sont pas monolithiques, on peut être indien converti et trouver la situation favorable aux Indiens, ou catholique et s'insurger. Ensuite la situation a évolué dans le temps, les droits des aborigènes en tant que premiers occupants commencent à être reconnus pratiquement.
Les professeurs auteurs de l'article enseignent le droit en la matière (aux USA) à des étudiants qui seront peut-être chargés de l'appliquer concrètement, ce droit repose sur une décision de la Cour Suprême et des décisions d'autres cours, qui font intervenir les événements historiques de la découverte (mention explicite d'événements qui se sont passées quatre siècles auparavant et de la notion de chrétienté opposable aux peuples premiers). Les auteurs montrent bien, d'après moi, qu'il ne s'agit pas uniquement des bulles papales, mais de tout un ensemble qui serait cependant incompréhensible si l'on enlevait le rôle de ces bulles.
Il n'est pas dit dans l'article que la notion de terra nullius remonte aux bulles papales, puisqu'elle n'a été systématisée que plus tard. Mais en relisant une de ces bulles, il m'apparait clair que le pape entend faire donation de ces terres à perpétuité, donation des terres à un roi chrétien. La souveraineté éventuelle existant auparavant sur ces terres n'est pas prise en compte et je n'ai pas vu que le pape propose à tel empereur ou roi indien de se convertir pour inclure son royaume dans la chrétienté.
"En vertu de l'autorité du Dieu Tout-Puissant que nous avons reçue par le bienheureux Pierre, et de celle qui est attachée aux fonctions de Vicaire de Jésus-Christ que nous exerçons sur la terre, nous donnons, concédons, transférons à perpétuité, aux termes des présentes, ces îles et ces continents, avec toutes leurs dominations, cités, places fortes, lieux et campagnes, droits et juridictions, à vous et à vos héritiers et successeurs, les Rois de Castille et de Léon ; et nous vous en faisons, constituons et. estimons maîtres, vous et vos susdits héritiers et successeurs, avec pleine, libre et entière puissance, autorité et juridiction. Mais c'est notre volonté que notre présente donation, concession et assignation, ne puisse ni être censée avoir été mise en question ou détruite, ni détruire les droits des Princes Chrétiens qui auraient effectivement possédé les dites îles et les dits continents jusqu'au jour précité de la nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ."
Le pape dit donner, concéder, transférer à perpétuité les terres, et octroie le pouvoir aux rois de Castille et de Léon, sauf si ces terres étaient déjà en possession de rois chrétiens. La souveraineté d'un roi non chrétien n'est pas envisagée, qu'elle soit considérée comme non existante ou disparaissant lors de la conquête par un roi chrétien.
Quelles sont ces parties ? En gros : l'Eglise en général, la papauté, la chrétienté (dans la mesure où les pays protestants se sont appuyés sur cette notion), les pays colonisateurs, les pays indépendants issus de cette colonisation, et les différentes communautés indiennes.
Ces parties ne sont pas monolithiques, on peut être indien converti et trouver la situation favorable aux Indiens, ou catholique et s'insurger. Ensuite la situation a évolué dans le temps, les droits des aborigènes en tant que premiers occupants commencent à être reconnus pratiquement.
Les professeurs auteurs de l'article enseignent le droit en la matière (aux USA) à des étudiants qui seront peut-être chargés de l'appliquer concrètement, ce droit repose sur une décision de la Cour Suprême et des décisions d'autres cours, qui font intervenir les événements historiques de la découverte (mention explicite d'événements qui se sont passées quatre siècles auparavant et de la notion de chrétienté opposable aux peuples premiers). Les auteurs montrent bien, d'après moi, qu'il ne s'agit pas uniquement des bulles papales, mais de tout un ensemble qui serait cependant incompréhensible si l'on enlevait le rôle de ces bulles.
Il n'est pas dit dans l'article que la notion de terra nullius remonte aux bulles papales, puisqu'elle n'a été systématisée que plus tard. Mais en relisant une de ces bulles, il m'apparait clair que le pape entend faire donation de ces terres à perpétuité, donation des terres à un roi chrétien. La souveraineté éventuelle existant auparavant sur ces terres n'est pas prise en compte et je n'ai pas vu que le pape propose à tel empereur ou roi indien de se convertir pour inclure son royaume dans la chrétienté.
"En vertu de l'autorité du Dieu Tout-Puissant que nous avons reçue par le bienheureux Pierre, et de celle qui est attachée aux fonctions de Vicaire de Jésus-Christ que nous exerçons sur la terre, nous donnons, concédons, transférons à perpétuité, aux termes des présentes, ces îles et ces continents, avec toutes leurs dominations, cités, places fortes, lieux et campagnes, droits et juridictions, à vous et à vos héritiers et successeurs, les Rois de Castille et de Léon ; et nous vous en faisons, constituons et. estimons maîtres, vous et vos susdits héritiers et successeurs, avec pleine, libre et entière puissance, autorité et juridiction. Mais c'est notre volonté que notre présente donation, concession et assignation, ne puisse ni être censée avoir été mise en question ou détruite, ni détruire les droits des Princes Chrétiens qui auraient effectivement possédé les dites îles et les dits continents jusqu'au jour précité de la nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ."
Le pape dit donner, concéder, transférer à perpétuité les terres, et octroie le pouvoir aux rois de Castille et de Léon, sauf si ces terres étaient déjà en possession de rois chrétiens. La souveraineté d'un roi non chrétien n'est pas envisagée, qu'elle soit considérée comme non existante ou disparaissant lors de la conquête par un roi chrétien.
DenisLouis- Messages : 1077
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Date d'inscription : 15/06/2013
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
LE DOMINIUM
Un droit légitime qui émerge dès le 13ème siècle - donc sans rapport avec les découvertes ultérieures
J’ai pour ma part été très surpris que des hommes du 13ème siècle ne soient pas dans le déni de droit de « l’autre » ou de « l’ennemi ». Comme tout le monde, je suis formaté par la mentalité antireligieuse ambiante en France et par mon inculture … Et je découvre que ce droit découle en fait du jus gentium plus ancien qui désignait - dans le droit romain – les droits minimaux des étrangers y compris des ennemis. … Donc dès le 13ème siècle - du point de vue catholique - « l’autre » ou « l’ennemi » n’est pas un « non humain » et, dans ce cas, il a déjà été pensé qu’il avait des droits, et notamment le droit de propriété ou « Dominium ».
Tous les arbitrages de l’Eglise cités dans l’article MLL ont réaffirmé que tous les hommes – chrétiens ou non - ont ce droit légitime ou « Dominium ». On peut le constater en se reportant aux exemples suivants :
1. Le pape Innocent IV donnant son avis de canoniste en 1240 (MLL, page 828) ;
2. L’arbitrage du pape demandé par les Chevaliers Teutoniques en Pologne en 1414 (MLL, page 829) ;
3. L’arbitrage du pape face aux juristes mandatés par le roi Edouard 1er du Portugal en 1434 (MLL, page 831) ; et
4. L’arbitrage du pape pour le roi Ferdinand d’Espagne date ? (MLL, page 836) ; et
5. L’avis du théologien dominicain Francisco de Vitoria en 1552 (MLL, page 843).
Francisco de Vitoria ainsi que Bartolomé de Las Casas – tous deux dominicains – affirment que les Indiens possèdent les mêmes droits que tout être humain. Cette position met en relation le droit et la nature de tout être humain. Sous leur influence, Charles Quint publie les Leyes Nuevas en 1542 qui mettent les Indiens sous la protection de la Couronne d’Espagne.
Les modulations de ce Dominium entre le 13ème et le 16ème siècle
Si la question du « Dominium » légitime des indigènes est resté une position constante de l’Eglise, d’autres éléments de droit influençant la définition ou l’exercice de droit de ce « Dominium » ont varié. Bien entendu elles ont été favorables - ou non - au droit des autochtones. Je vois des variations au moins sur trois points :
A. Les conditions d’exercice de ce « Dominium » ;
B. Le champ de compétence du pape ou les limites de souveraineté du pape (et des rois) ;
C. Le lien convenu entre ce « Dominium » et la nature humaine commune de tous les hommes, ce qui va constituer le « droit naturel », notamment avec l'Ecole de Salamanque.
A. En premier lieu, les conditions d’exercice ou de validité de ce « Dominium » ont varié. Rien que dans l’article MLL, nous avons déjà trois formulations de ces conditions d’exercice :
- Respect de la loi naturelle, au temps du pape Innocent IV en 1240, c’est à dire : absence de cannibalisme, sodomie, idolâtrie ou sacrifices humains (MLL, page 828) ;
- Acceptation des missionnaires et respect de la loi naturelle en 1434 (MLL, page 831 : spoiler) ; et
- La libre circulation pour le commerce selon Francisco Vitoria, en 1532. Par ailleurs, le même Vitoria considérer comme nulle l’acte de donation du pape d’Alexandre VI (Inter Caeteara, 1492), il va écarter les idées de pouvoir temporel du pape, de possibilité de retraits de droits inhérents (par nature) des indigènes et de la légitimité d’une guerre déclenchée sous autorité du pape en cas de refus des missionnaires catholiques (MLL, page 844 à 846 : spoiler)
Il est vrai que certaines conditions font la part belle aux conquérants et ont pu rendre souvent, en pratique, inopérant le droit de « Dominium » des indigènes : par exemple le refus vrai ou allégué d’accueil des missionnaires. Mais il ne faut pas oublier - outre le droit - les facteurs politiques. Précisément, dans le cas de l’Espagne, la fragilité de l’autorité de Charles Quint (1519-1558) dans le Nouveau Monde et la résistance des colons aux lois édictées ont joué un rôle important dans la perpétuation, par exemple de l’encomienda (semi-servage) instituée et 1498 et qui va s’étendre à toute la colonisation espagnole au 17ème siècle et perdurer jusqu’à 1791.
Il y a, à mon avis, historiquement un échec et un recul de l’autorité de la Couronne espagnole devant les appétits des encomenderos (curateurs en charge du semi-servage des indigènes). Aucune des dispositions légales prises par l’Espagne pour réformer les pratiques de servage en ce 16ème siècle ne sera vraiment respectée ou ne tiendra longtemps dans les faits ;
- La cédule royale de 1503 prise à la suite des récits sur l’extermination et la réduction en esclavage des indigènes d’Hispaniola – sous Christophe Colomb ;
- Les lois de Burgos de 1512 prises sont l’influence du dominicain Antonio de Montesinos ;
- Les Nouvelles Lois (Leyes nuevas) sur les Indes promulguée en 1542 par Charles Quint sous l’influence de Francisco de Vitoria et Batholomé de las Casas – tous deux dominicains. Ces lois assuraient la liberté aux indigènes et abolissaient le système des encomiendas ( )
- Du fait de la révolte des encomenderos et de la mort violente du vice-roi du Pérou, Charles Quint reviendra sur ces Leyes Nuévas rétablissant les encomienda - sauf pour les curés - et abrogeant en 1546 ces lois donnant liberté (affranchissement) liberté du travail et liberté de résidence aux indigènes. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Bartolom%C3%A9_de_las_Casas )
Toutes ces conditions mise à l’exercice du droit légitime de propriété des autochtones sont condamnés par les auteurs de l’article MLL. La dernière condition énoncée par Vitoria leur parait aussi dommageable pour les nations indigènes que le système antérieur reposant sur « l’autorité du roi et la cession du pape ». (MLL, page 846).
Il est vrai que les conditions d’exercice de ce « Dominium » des indigènes ont été dictées depuis l'étranger et non par les indigènes eux-mêmes. Rétrospectivement on peut juger que ces dispositions ont été dommageables pour les nations indigènes et les blâmer. Cependant, à l’époque aucune nation indigène sur Hispaniola n’était suffisamment constituée pour présenter un imaginaire plaidoyer devant une quelconque autorité de l’époque (pas d'équivalent de la " communauté internationale "). Par ailleurs, il semble que le déclin démographique de ces indigènes ait été très rapide – au moins en ce qui concerne Hispaniola - et était déjà très avancé au temps de Las Casas.
Et puis il y a une question de réalisme. Comment la " communauté internationale " aujourd’hui pose-t-elle la question des guerres défensives, des guerres contre les tyrans ou des guerres pour faire respecter les " droits de l'homme " et " la démocratie " ? Nos principes d'aujourd'hui sont-ils si différents de ceux du 15ème siècle - hormis le fait que ni papes, ni rois ne sont plus impliqués ? Qu'on pense à la guerre contre le nazisme, ou plus près de nous, à la Lybie et à l'Irak et aux guerres déjà en cours contre le djihadisme ?
C’est l’énoncé de ces conditions d’exercice du « Dominium » des indigènes qui a servi de moyens de régulation – dans les vues des papes – sans avoir besoin d’avoir recours au fait ou à l’argument de droit que les terres découvertes seraient vacantes, c'est à dire à la notion de « Terra Nullius ». Et dans le cas très particulier de la donation du pape Alexandre VI par la bulle Inter Ceatera, le pape s'est autorisé de sa prétendue souveraineté universelle, ni plus, ni moins ! (voir plus bas).
B. En second lieu, c’est le champ de compétence ou de souveraineté du pape qui a varié. Dans cet article MLL, nous avons déjà deux conceptions de la souveraineté du pape :
- En 1240, le pape a (aurait) le devoir et le pouvoir d’intervenir dans les affaires séculières des royaumes catholiques et des « infidèles » au temps du pape Innocent IV en 1240 (MLL, page 828 : spoiler) ;
- En 1532, c’est Francisco Vitoria qui va radicalement modifier la problématique en tirant la source du droit de " Dominium " de la nature libre et rationnelle des indigènes et en rejetant l’autorité du pape dans le domaine temporel.
C. En troisième lieu, c’est le lien posé entre « droit » et « nature » qui a varié. L'Ecole de Salamanque va être à l’origine du « droit naturel »
Sur cette question des options idéologiques de l’Ecole de Salamanque, il y a une opposition d’interprétation entre l’article MLL et Wikipédia. L’article MLL juge que le droit selon Francisco de Vitoria repose sur l’Ancien et le Nouveau Testament, alors que Wikipédia pense que le même auteur réinterprète Thomas d’Aquin et - recherchant les sources du droit par « l’examen de la nature à la lumière de la raison » - opère un changement de postulat qui rompt avec le droit médiéval, par exemple de Thomas d’Aquin. De fait, avec Francisco de Vitoria, il ne s’agit plus du tout du même droit, le changement de postulat change complètement le paradigme du droit, même si certaines dénominations ou notions du droit ancien sont reprises dans le nouveau.
L'école de Salamanque va aussi remettre en question la souveraineté du roi :
Un droit légitime qui émerge dès le 13ème siècle - donc sans rapport avec les découvertes ultérieures
La question du droit de propriété légitime ou « Dominium » est le point de droit qui sert de pivot à toute la question de la conquête et de la colonisation du Nouveau Monde.DenisLouis a écrit:Vitoria reconnaît les droits naturels des Indiens, ils sont des êtres libres et rationnels, ils ont le droit de souveraineté, le dominium. Le titre de l'Espagne sur l'Amérique ne peut résulter d'une donation papale, car le pape ne peut pas enlever aux indigènes leurs droits naturels. La "découverte" n'a aucun pouvoir d'enlever aux Indiens la possession de leur terre en tant que premiers occupants. Toute décision papale en ce domaine est invalide, le pape n'a aucun pouvoir temporel sur les Indiens, pas plus que sur tout autre non croyant.
Que les Indiens ne reconnaissent aucune autorité au pape ne donne pas le droit de leur déclarer la guerre et de de saisir leurs possessions.
J’ai pour ma part été très surpris que des hommes du 13ème siècle ne soient pas dans le déni de droit de « l’autre » ou de « l’ennemi ». Comme tout le monde, je suis formaté par la mentalité antireligieuse ambiante en France et par mon inculture … Et je découvre que ce droit découle en fait du jus gentium plus ancien qui désignait - dans le droit romain – les droits minimaux des étrangers y compris des ennemis. … Donc dès le 13ème siècle - du point de vue catholique - « l’autre » ou « l’ennemi » n’est pas un « non humain » et, dans ce cas, il a déjà été pensé qu’il avait des droits, et notamment le droit de propriété ou « Dominium ».
Tous les arbitrages de l’Eglise cités dans l’article MLL ont réaffirmé que tous les hommes – chrétiens ou non - ont ce droit légitime ou « Dominium ». On peut le constater en se reportant aux exemples suivants :
1. Le pape Innocent IV donnant son avis de canoniste en 1240 (MLL, page 828) ;
2. L’arbitrage du pape demandé par les Chevaliers Teutoniques en Pologne en 1414 (MLL, page 829) ;
3. L’arbitrage du pape face aux juristes mandatés par le roi Edouard 1er du Portugal en 1434 (MLL, page 831) ; et
4. L’arbitrage du pape pour le roi Ferdinand d’Espagne date ? (MLL, page 836) ; et
5. L’avis du théologien dominicain Francisco de Vitoria en 1552 (MLL, page 843).
- DES PRECURSEURS :
Les missionnaires arrivent à Hispaniola en 1510. Dès 1511, Antonio Montesinos, un dominicain, dénonce la cruauté de encomenderos (curateurs) à l’égard des Indiens et obtient de Ferdinand de Castille la promulgation des lois de Burgos en 1512 qui prévoient de limiter le travail forcé à 9 mois par an (http://fr.wikipedia.org/wiki/Antonio_de_Montesinos ) – lesquelles lois ne seront pas mieux appliquées que la cédule royale de 1503 (pas de maltraitance, pas d’esclavage, salaire, protection et instruction religieuse) sensée atténuer la dureté du système de l’encomienda, institué dès 1498. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Encomienda )
Il est à souligner que la question du statut d’homme pourvus d’une âme de ces Indiens n’a jamais été en question à cette époque. La qualité d’humains des indigènes (natives) – pouvant être convertis – a été réglée avant cette période.Sermon de Antonio Montesinos de 1511 : « la voix qui crie dans le désert de cette île, c'est moi, et je vous dis que vous êtes tous en état de pêché mortel à cause de votre cruauté envers une race innocente. […] Ces gens ne sont-ils pas hommes ? N'ont-ils pas une âme, une raison ? »
http://fr.wikipedia.org/wiki/Antonio_de_MontesinosEntre temps, le pape Paul III, par les bulles Veritas ipsa (2 juin 1537) et Sublimis Deus (le 9 juin 1537), condamne l'esclavage des Indiens et affirme leurs droits, en tant qu'êtres humains, à la liberté et à la propriété.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Controverse_de_Valladolid
Francisco de Vitoria ainsi que Bartolomé de Las Casas – tous deux dominicains – affirment que les Indiens possèdent les mêmes droits que tout être humain. Cette position met en relation le droit et la nature de tout être humain. Sous leur influence, Charles Quint publie les Leyes Nuevas en 1542 qui mettent les Indiens sous la protection de la Couronne d’Espagne.
Il [Francisco de Vitoria] s'intéresse également aux droits des Indiens. Dans son De Indis, Vitoria exprime son point de vue sur les nombreux excès commis par les conquistadors espagnols en Amérique. Il affirme que les Indiens ne sont pas des êtres inférieurs, mais possèdent les mêmes droits que tout être humain, et sont les légitimes propriétaires de leurs terres et de leurs biens. Avec Bartolomé de Las Casas, il exerce son influence auprès de Charles Quint lors de l'adoption des Nouvelles Lois sur les Indes, qui placent les Indiens sous la protection de la Couronne
http://fr.wikipedia.org/wiki/Francisco_de_Vitoria
Les modulations de ce Dominium entre le 13ème et le 16ème siècle
Si la question du « Dominium » légitime des indigènes est resté une position constante de l’Eglise, d’autres éléments de droit influençant la définition ou l’exercice de droit de ce « Dominium » ont varié. Bien entendu elles ont été favorables - ou non - au droit des autochtones. Je vois des variations au moins sur trois points :
A. Les conditions d’exercice de ce « Dominium » ;
B. Le champ de compétence du pape ou les limites de souveraineté du pape (et des rois) ;
C. Le lien convenu entre ce « Dominium » et la nature humaine commune de tous les hommes, ce qui va constituer le « droit naturel », notamment avec l'Ecole de Salamanque.
A. En premier lieu, les conditions d’exercice ou de validité de ce « Dominium » ont varié. Rien que dans l’article MLL, nous avons déjà trois formulations de ces conditions d’exercice :
- Respect de la loi naturelle, au temps du pape Innocent IV en 1240, c’est à dire : absence de cannibalisme, sodomie, idolâtrie ou sacrifices humains (MLL, page 828) ;
- Acceptation des missionnaires et respect de la loi naturelle en 1434 (MLL, page 831 : spoiler) ; et
- La libre circulation pour le commerce selon Francisco Vitoria, en 1532. Par ailleurs, le même Vitoria considérer comme nulle l’acte de donation du pape d’Alexandre VI (Inter Caeteara, 1492), il va écarter les idées de pouvoir temporel du pape, de possibilité de retraits de droits inhérents (par nature) des indigènes et de la légitimité d’une guerre déclenchée sous autorité du pape en cas de refus des missionnaires catholiques (MLL, page 844 à 846 : spoiler)
- DIFFERENTS ENONCES DES CONDITION D’EXERCICE DU DOMINIUM DES INDIGENES:
Le recours du roi Edouard du Portugal devant le pape en 1434
La réflexion du dominicain Vitoria en 1532Le Portugal avait apparemment découvert les îles Canaries en 1341 […] Quelques autochtones des Iles Canaries avaient été convertis au christianisme. Cependant la compétition et les combats des espagnols amenèrent à attaquer les canariens et même contre les convertis du christianisme […] le pape Eugène IV édité une bulle en 1434 qui bannissait tous les européens des îles Canaries pour protéger à la fois les canariens convertis et infidèles.
[…]
Le roi Edouard du Portugal en appela au pape concernant le bannissement des îles Canaries (MLL, page 830) […]
Le Pape consulta ensuite au moins deux canonistes sur cette question, et ces avocats - s'appuyant également sur le commentaire du Pape Innocent IV - conclurent que les infidèles des îles Canaries avaient un dominium dans le cadre du droit canon international des nations (jus gentium), mais que la papauté maintenait une forme juridique de compétence indirecte sur leurs actions séculières. Les canonistes furent d’accord que le pape avait l’autorité de priver les infidèles de leur propriété et seigneurie, si ils n'admettaient pas les missionnaires chrétiens ou violaient la loi naturelle (MLL, page 831).Selon Vitoria, les obligations que les Indiens devaient aux européens en vertu de la loi des nations incluaient de permettre aux espagnols le droit de voyager partout où ils le désiraient. Ceci était fondé sur la société naturelle et de fraternité des hommes, que Vitoria avait tirée de l’Ancien et du Nouveau Testament. En outre, ces obligations de droit naturel exigeaient que les autochtones permettent aux espagnols commerce ouvert et libre, échange et bénéfice, là où ils voyageaient. Cela a également inclus l'idée que les Indiens devaient permettre aux espagnols de recueillir et d’échanger des objets qui ont été traités comme commun, tels que poissons, animaux, et, surtout, métaux précieux. Ainsi, les Espagnols et Vitoria ensemble étaient heureux de définir la quasi-totalité des biens des peuples autochtones comme une propriété commune que les Espagnols avaient un droit de la loi naturelle de pendre. Vitoria accepta aussi de bon cœur l'idée de guerre juste ou sainte si les indigènes violaient l'une de ces lois naturelles européennes.
[…]
Par conséquent, alors que Vitoria a apparemment rejeté la seule autorité du pape pour accorder des droits dans le Nouveau Monde et la Doctrine de la Découverte aux deux premières étapes de son analyse [légitime propriété des autochtones et souveraineté limitée du pape], la troisième étape [liberté du commerce] est une énorme échappatoire pour l’Espagne. Son argument que les autochtones étaient liés à des droits naturels européo-centrés définis par les espagnols étaient une ample excuse pour envahir en déclencher une « guerre juste » contre n’importe quelle nations qui oseront s’opposer aux espagnols. Ainsi Vitoria a limité les libertés de la loi naturelle des Indiens d'Amérique en permettant des droits de la loi naturelle de l’Espagne pour l’emporter sur les droits des indigènes. Le régime juridique prévu par Vitoria était tout aussi destructeur pour la souveraineté, la propriété et les droits humains des indigènes de right que la précédente définition de l'autorité du roi basée uniquement sur la cession du pape. (MLL, page 844-845 et 846)
Il est vrai que certaines conditions font la part belle aux conquérants et ont pu rendre souvent, en pratique, inopérant le droit de « Dominium » des indigènes : par exemple le refus vrai ou allégué d’accueil des missionnaires. Mais il ne faut pas oublier - outre le droit - les facteurs politiques. Précisément, dans le cas de l’Espagne, la fragilité de l’autorité de Charles Quint (1519-1558) dans le Nouveau Monde et la résistance des colons aux lois édictées ont joué un rôle important dans la perpétuation, par exemple de l’encomienda (semi-servage) instituée et 1498 et qui va s’étendre à toute la colonisation espagnole au 17ème siècle et perdurer jusqu’à 1791.
Il y a, à mon avis, historiquement un échec et un recul de l’autorité de la Couronne espagnole devant les appétits des encomenderos (curateurs en charge du semi-servage des indigènes). Aucune des dispositions légales prises par l’Espagne pour réformer les pratiques de servage en ce 16ème siècle ne sera vraiment respectée ou ne tiendra longtemps dans les faits ;
- La cédule royale de 1503 prise à la suite des récits sur l’extermination et la réduction en esclavage des indigènes d’Hispaniola – sous Christophe Colomb ;
- Les lois de Burgos de 1512 prises sont l’influence du dominicain Antonio de Montesinos ;
- Les Nouvelles Lois (Leyes nuevas) sur les Indes promulguée en 1542 par Charles Quint sous l’influence de Francisco de Vitoria et Batholomé de las Casas – tous deux dominicains. Ces lois assuraient la liberté aux indigènes et abolissaient le système des encomiendas ( )
- Du fait de la révolte des encomenderos et de la mort violente du vice-roi du Pérou, Charles Quint reviendra sur ces Leyes Nuévas rétablissant les encomienda - sauf pour les curés - et abrogeant en 1546 ces lois donnant liberté (affranchissement) liberté du travail et liberté de résidence aux indigènes. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Bartolom%C3%A9_de_las_Casas )
Toutes ces conditions mise à l’exercice du droit légitime de propriété des autochtones sont condamnés par les auteurs de l’article MLL. La dernière condition énoncée par Vitoria leur parait aussi dommageable pour les nations indigènes que le système antérieur reposant sur « l’autorité du roi et la cession du pape ». (MLL, page 846).
Il est vrai que les conditions d’exercice de ce « Dominium » des indigènes ont été dictées depuis l'étranger et non par les indigènes eux-mêmes. Rétrospectivement on peut juger que ces dispositions ont été dommageables pour les nations indigènes et les blâmer. Cependant, à l’époque aucune nation indigène sur Hispaniola n’était suffisamment constituée pour présenter un imaginaire plaidoyer devant une quelconque autorité de l’époque (pas d'équivalent de la " communauté internationale "). Par ailleurs, il semble que le déclin démographique de ces indigènes ait été très rapide – au moins en ce qui concerne Hispaniola - et était déjà très avancé au temps de Las Casas.
Et puis il y a une question de réalisme. Comment la " communauté internationale " aujourd’hui pose-t-elle la question des guerres défensives, des guerres contre les tyrans ou des guerres pour faire respecter les " droits de l'homme " et " la démocratie " ? Nos principes d'aujourd'hui sont-ils si différents de ceux du 15ème siècle - hormis le fait que ni papes, ni rois ne sont plus impliqués ? Qu'on pense à la guerre contre le nazisme, ou plus près de nous, à la Lybie et à l'Irak et aux guerres déjà en cours contre le djihadisme ?
C’est l’énoncé de ces conditions d’exercice du « Dominium » des indigènes qui a servi de moyens de régulation – dans les vues des papes – sans avoir besoin d’avoir recours au fait ou à l’argument de droit que les terres découvertes seraient vacantes, c'est à dire à la notion de « Terra Nullius ». Et dans le cas très particulier de la donation du pape Alexandre VI par la bulle Inter Ceatera, le pape s'est autorisé de sa prétendue souveraineté universelle, ni plus, ni moins ! (voir plus bas).
B. En second lieu, c’est le champ de compétence ou de souveraineté du pape qui a varié. Dans cet article MLL, nous avons déjà deux conceptions de la souveraineté du pape :
- En 1240, le pape a (aurait) le devoir et le pouvoir d’intervenir dans les affaires séculières des royaumes catholiques et des « infidèles » au temps du pape Innocent IV en 1240 (MLL, page 828 : spoiler) ;
- En 1532, c’est Francisco Vitoria qui va radicalement modifier la problématique en tirant la source du droit de " Dominium " de la nature libre et rationnelle des indigènes et en rejetant l’autorité du pape dans le domaine temporel.
- DIFFERENTS ENONCES SUR LA SOUVERAINETE DU PAPE:
Notons que dans ce paragraphe une partie de la formulation « sonne faux » - au moins pour le catholicisme. Si l’argument de la « paternelle et universelle sollicitude du pape » – qui sonne parfaitement juste - peut avoir entraîné une conception extensive et excessive de souveraineté du pape, par contre au moins trois idées de ce paragraphe sonnent vraiment faux :Parce qu’au pape était confiée la santé spirituelle de tous les humains, le pape avait aussi une voix dans les affaires séculières de tous les humains. Bien entendu, un « pape peut donner l’ordre aux infidèles de laisser entrer des prédicateurs de la Bible » … [et sinon] ils pêchent et en conséquence devraient être punis … et une guerre peut être déclarée par eux ou par n’importe qui d’autre. Par conséquent, le pape avait le devoir d’intervenir dans les affaires séculières de infidèles s’ils violaient la loi naturelle, telle que définie par les européens, ou s’ils empêchaient la prédication de la Bible » (MLL page 828, voir aussi page)
1. Le pape du 13ème siècle qui s’adresserait aux infidèles et leur donnant un ordre (!). On le voit bien avec ces deux bulles, le pape ne s'adresse qu'aux catholiques ... J’ai cependant bien dû convenir que le pape utilisait le terme « d’infidèle » qui n’est plus du tout usité dans le catholicisme actuellement ;
2. L’idée que celui qui n’obéit pas au pape commet un péché qui autorise le pape à le punir par la force des armes est une vision assez puérile et risible. Elle totalement infondée en théologie chrétienne ; et
3. Le « loi naturelle, telle que définie par les européens » est un double anachronisme : ni la loi naturelle, ni l’Europe n’existent au 13ème siècle (nous en avons déjà parlé plus haut). On est ici dans l’amalgame d’idées différentes et chronologiquement distinctes – servant, bien évidemment, le plaidoyer des auteurs.
A propos de l’idée fausse 3, ci-dessus, précisons l’idée qui nous paraît exacte : en fait l’argument du pape est plutôt un argument de droit : si la condition d’exercice du « Dominium » n’est pas remplie, la guerre de conquête ou de reconquête devient licite. Pratiquement, on peut objecter que cela revient au même pour les indigènes et on aura raison. Mais nous soulignons seulement ici que les auteurs de l'article MLL comprennent mal la logique du pape.
On a l'impression que ce paragraphe - comme plusieurs autres dans l'article - relèvent de la libre interprétation des auteurs qui ne s'embarrassent pas des subtilités - parfois blâmables - de la pensée des papes. Si on se reporte à la note correspondante (note 40 page 828 qui renvoie à la note 34, laquelle renvoie à la note 28), on s’aperçoit qu’il ne s’agit pas d’une citation ni littérale, ni en substance du texte d’Innocent IV, mais d’un commentaire de Miller (l’un des auteurs de cet article MLL) et d’autres nombreux commentateurs dans le même sens. Sans citation du texte original, la porte est ouvertes à toutes sortes de « thèses » tendancieuses, voire erronées.Ces bulles [Romanus Pontifex, 1455] incarnent la signification de la Découverte à cette époque parce qu’elles reconnaissent « l’intérêt paternel » du pape en amenant tout le genre humain « dans l’unique bercail du Seigneur », tout en autorisant même temps le travail de conversion du Portugal et en reconnaissant le titre et la souveraineté du Portugal sur les terres « qui ont déjà été acquises et qui seront acquise dans la futur. » (MLL page 832)
En 1532, Francisco de Vitoria va radicalement modifier la problématique en posant que la légitimité du « Dominium » découle de la nature humaine – laquelle est inhérente, donc non modifiable par une quelconque autorité ou institution - et en définissant une limite de compétence à l’autorité du pape, lui-même. Le pape ne peut donc pas enlever aux indigènes leurs droits naturels, inhérents à leur nature. Francisco de Vitoria conteste la validité des donations du pape Alexandre VI (1492-1503) au roi de Castille et de Léon » sur le même argument. Ce qui des inhérent de et à leurs successeurs simplement parce qu’il a outrepassé son domaine de compétence qui n’est pas temporel.
De plus, il a rejeté le simulacre de consentement organisé par les espagnol avec le Requerimiento (de 1512) ainsi que l’idée que le pape puisse déclencher une guerre d’agression sur la base du rejet de ce Requerimento :« Toute décision papale en ce domaine est invalide, le pape n'a aucun pouvoir temporel sur les Indiens, pas plus que sur tout autre non croyant et que les Indiens ne reconnaissent aucune autorité au pape ne donne pas le droit de leur déclarer la guerre et de de saisir leurs possessions ».Vitoria a même apparemment rejeté le Requerimiento, parce qu’il a écrit :
« même si les barbares refusent de reconnaître une quelconque souveraineté et pape, cela ne fournit pas de motif pour leur faire une guerre et saisir leur propriété. (MLL, page 844)
Signalons enfin une terminologie impropre page 845 et d'autres pages : dans la christianisme la notion de guerre sainte n'existe pas. Le paragraphe qui résume et traduit la page 845 montre que Francisco Vitoria développe sa conception d'un point de vue de missionnaire, donc interne à l'Eglise. Une personne peu avertie de la pensée de l'Eglise pourra penser qu'il s'agit simplement du triomphe de la raison. C'est cela mais pas seulement, Vitoria corrige la pensée du pape. Ce que dit Vitoria concorde avec deux éléments de tradition catholique très bien établis depuis l'origine de l'Eglise : d'abord si on se réfère au pouvoir donné par Jésus à Pierre, il n'est pas du tout question de pouvoir temporel (Mt 16, 13-20, Mc 8, 27-30 et Lc 9, 18-21) et ensuite l'être humain (homme/femme) - de même que l'histoire sainte - est compris comme un enseignement sur la volonté de Dieu (l'homme est créé à l'image de Dieu). Le christianisme n'est pas une religion où la " loi juste " serait donnée dans le Livre écrit par Dieu, ça c'est l'Islam.DenisLouis a écrit:Il conclut cependant que la violation par les Indiens de la loi des nations telle que définie par les Européens autorise leur conquête et domination par les puissances chrétiennes. Les Indiens doivent se soumettre à la loi naturelle des Européens, ce qui inclut le droit des Espagnols à voyager où ils veulent, à commercer comme ils l'entendent, à acquérir tous les biens qu'ils jugent utiles, particulièrement les métaux précieux qui seront à l’origine d’un enrichissement considérable.
Les Indiens ont l’obligation de ne pas empêcher l’évangélisation sous peine de guerre, le pape a le pouvoir exclusif de confier l’évangélisation à un prince chrétien.
C. En troisième lieu, c’est le lien posé entre « droit » et « nature » qui a varié. L'Ecole de Salamanque va être à l’origine du « droit naturel »
Sur cette question des options idéologiques de l’Ecole de Salamanque, il y a une opposition d’interprétation entre l’article MLL et Wikipédia. L’article MLL juge que le droit selon Francisco de Vitoria repose sur l’Ancien et le Nouveau Testament, alors que Wikipédia pense que le même auteur réinterprète Thomas d’Aquin et - recherchant les sources du droit par « l’examen de la nature à la lumière de la raison » - opère un changement de postulat qui rompt avec le droit médiéval, par exemple de Thomas d’Aquin. De fait, avec Francisco de Vitoria, il ne s’agit plus du tout du même droit, le changement de postulat change complètement le paradigme du droit, même si certaines dénominations ou notions du droit ancien sont reprises dans le nouveau.
- OPPOSITION D'INTERPRETATION ENTRE L'ARTICLE MLL ET WIKIPEDIA:
- Selon Vitoria, les obligations que devaient aux européens selon le droit des nations incluait de permettre aux Espagnols le droit de voyager où ils voulaient. Cela était basé sur la société naturelle et la fraternité des humains que Vitoria tirait de l’Ancien et du Nouveau Testaments. (MLL, page 844)
Nous relevons encore l’emploi abusif de la notion « d’européen », cette notion n’existant pas au 16ème siècle. Nous pensons que cette formulation confuse répétitive est utilisée à dessein pour donner l'impression d'une continuité entre le droit du 15ème siècle et le droit ultérieur, alors que déjà ce 15ème siècle - lui-même - est une rupture majeure dans la conception du droit et que cette ruptures sera suivie d'autres ruptures de la conception du droit.L'École de Salamanque (Escuela de Salamanca) est le nom donné au XXe siècle à un groupe de théologiens et de juristes espagnols du XVIe siècle, liés à l'ancienne université de Salamanque, dont la doctrine a été redécouverte par des économistes, en particulier Joseph Schumpeter et reprise par les fondateurs de la doctrine des libertariens qui en font les précurseurs de l'école autrichienne. Il désigne de manière générique l'ensemble des réflexions que menèrent des théologiens espagnols à la suite des travaux intellectuels et pédagogiques entamés par Francisco de Vitoria, en réinterprétant la pensée de Thomas d'Aquin à partir du postulat que les sources de la justice, du droit et de la morale ne doivent plus être recherchées dans les textes sacrés ou les traditions, mais dans l'examen de la nature à la lumière de la Raison.
http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_de_Salamanque
L'école de Salamanque va aussi remettre en question la souveraineté du roi :
- Spoiler:
- « Vitoria conclut que les autochtones américains possédaient des droits naturels en tant que peuple libre et rationnel. Juste comme le Pape Innocent IV et de nombreux autres penseurs l’avaient soutenu, Vitoria a convenu que les infidèles détenaient des droits de propriété et de souveraineté, ou dominium. Le titre de l’Espagne dans le Nouveau Monde ne pouvait alors pas être basé sur une donation papale parce que le pape ne pouvait les droit de loi naturelle des infidèles. Un titre [de propriété acquis] par une découverte était faux parce que les Indiens étaient des hommes libres et les vrais propriétaires de leurs terres. » (MLL, page 844)L'École de Salamanque a distingué deux pouvoirs, le domaine naturel ou civil, et le domaine surnaturel, qui ne se différenciaient pas au Moyen Âge. Une conséquence directe de la séparation des pouvoirs est que le roi ou l'empereur n'a pas d'autorité sur les âmes, ni le pape de pouvoir temporel.
http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_de_SalamanqueAinsi, selon Luis de Molina une nation est analogue à une société marchande dans laquelle les dirigeants seraient les administrateurs, mais où le pouvoir réside dans l'ensemble de ses administrés considérés individuellement […] divers membres de l'École ont soutenu que le peuple est le récepteur de le Souveraineté, lequel la transmet au prince dirigeant selon diverses conditions. Le principal défenseur de cette thèse a été probablement Francisco Suárez […] Les hommes naissent libres par nature et non pour servir un autre homme, et peuvent désobéir et même détrôner un souverain injuste
http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_de_Salamanque
- LE DOMINIUM ET SAINT THOMAS D’AQUIN ou INNOCENT IV:
- Thomas d’Aquin [1224-1274] recourt à la notion médiévale de dominium pour penser le pouvoir et la propriété. Ce terme a deux sens très différents selon qu’il s’applique aux personnes ou aux choses. Dans le premier cas, il s’agit soit du pouvoir politique dans le cadre de la cité, soit du pouvoir domestique dans le cadre de la famille. Dans le deuxième cas, il s’agit de la possession des choses, qui peut être commune ou propre (on parle alors de propriété). Thomas d’Aquin analyse, d’une manière méthodique et parfois surprenante, le dominium sur les personnes et sur les choses, en précisant sa nature, son fondement et ses formes.
http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=RSPT_944_0655En 1240 le Pape Innocent IV, un canoniste, écrivit un commentaire sur les droits des peuples non-chrétiens. Son travail influença à la fois le développement de la Doctrine de la Découverte et les écrits de Francisco de Vitoria et Hugo Grotius, fameux théoriciens du droit du 16ème et 17ème siècle. Dans son commentaire d’un décret papal de 1209, le pape Innocent IV demanda s’il était « licite d’envahir une terre que des infidèles possèdent et qui leur appartient ? » Innocent finalement répondit « oui », parce que de telles invasions étaient des guerres « justes », luttaient pour la « défense » des Chrétiens et pour la reconquête des terres chrétiennes. […] Il concéda que les païens avaient quelques droits naturels et que les chrétiens devaient reconnaître le droit des infidèles à leur propriété et à se gouverner eux-mêmes. (MLL, page 827-828)
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Roque- Messages : 5064
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Il y a effectivement une rumeur sur le net qui parle d'une bulle "terra nullius". Attribuée à Urbain II !
Foundation for international law
" In 1095, at the beginning of the Crusades, Pope Urban II issued an edict ‐the Papal Bull Terra Nullius (meaning empty land). It gave the kings and princes of Europe the right to "discover" or claim land in non Christian areas "
Je ne vois pas de bulle portant ce nom.
Une thèse intéressante qui parait assez complète :
"Droit naturel et droit divin comme fondements de la légitimité politique, une étude comparative du christianisme et de l'islam":
http://publications.ut-capitole.fr/699/1/ThMJJavid.pdf
page des matières à la page 13
Foundation for international law
" In 1095, at the beginning of the Crusades, Pope Urban II issued an edict ‐the Papal Bull Terra Nullius (meaning empty land). It gave the kings and princes of Europe the right to "discover" or claim land in non Christian areas "
Je ne vois pas de bulle portant ce nom.
Une thèse intéressante qui parait assez complète :
"Droit naturel et droit divin comme fondements de la légitimité politique, une étude comparative du christianisme et de l'islam":
http://publications.ut-capitole.fr/699/1/ThMJJavid.pdf
page des matières à la page 13
DenisLouis- Messages : 1077
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
DenisLouis a écrit:Il y a effectivement une rumeur sur le net qui parle d'une bulle "terra nullius". Attribuée à Urbain II !
Foundation for international law
" In 1095, at the beginning of the Crusades, Pope Urban II issued an edict ‐the Papal Bull Terra Nullius (meaning empty land). It gave the kings and princes of Europe the right to "discover" or claim land in non Christian areas "
Je ne vois pas de bulle portant ce nom.
en 1095 le pape Urbain II était fort occupé: en effet cette année là il y eut 2 conciles, celui de Plaisance du 1er au 5 mars, et celui de Clermont du 18 au 27 novembre de la même année.
Un certain nombre de décisions fut prises (voir les décisions des conciles), mais nulle bulle "terra nullius"...
phobos- Messages : 77
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Je ne vois pas de nom pour toutes les bulles. Ont-t-elles un titre explicite ou bien le titre résulte-t-il des premiers mots ou de certains mots importants ?
DenisLouis- Messages : 1077
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Ce sont toujours les premiers mots qui donnent le nom des documents des papes.DenisLouis a écrit:Je ne vois pas de nom pour toutes les bulles. Ont-t-elles un titre explicite ou bien le titre résulte-t-il des premiers mots ou de certains mots importants ?
C'est sans doute hérité des juifs qui nomment les livres bibliques par le premier mot de chaque livre.
Dans l'article, il y a un passage sur l'envoi en croisades et la conquête de l'Angleterre au 11ème siècle : pages 828-829. L'article parle de " guerre sainte ", notion qui n'existe pas dans le christianisme !
Roque- Messages : 5064
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
un petit lien pour expliquer les envois des papes.
j'ai découvert aussi un document fort interressant répertoriant tous les traités (et çe depuis l'antiquité !!!) ayant des conséquençes en droit international et droit des gens:
http://books.google.fr/books?id=FWw42_8WxoMC&pg=PR19&lpg=PR19&dq=urbain+II+terra+nullius&source=bl&ots=Yx51FUNtNI&sig=vT5uUPqf8JYx2aZKGMrakb4jN5o&hl=fr&sa=X&ei=GlgAVNiwCo7TaISlgfAC&ved=0CG4Q6AEwCQ#v=onepage&q=urbain%20II%20terra%20nullius&f=false
et notamment à la page XXXII 2 documents de notre Urbain II en 1091 qui ont joué un rôle inattendu lors de la découverte de l'Amérique 400 ans plus tard, la bulle cum universae insulae et celle cum omnes insulae.
comme l'explique un compte-rendu de Charles Verlinden dans la Revue belge de philologie et d'histoire à propos d'un ouvrage de Luis Weckmann http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/issue/rbph_0035-0818_1951_num_29_2 (pages 588-596, attention le lien direct est défectueux mais pas le pdf):
Par ces bulles, le pape en vertu de la (fausse) Donation de Constantin (et en extrapolant bien entendu) prétend avoir juridiction sur toutes les îles de la Chrétienté. La bulle d'Alexandre VI serait la dernière manifestation de cette théorie médiévale, après on passerait définitivement à une conception moderne (cf article et posts précédents).
j'ai découvert aussi un document fort interressant répertoriant tous les traités (et çe depuis l'antiquité !!!) ayant des conséquençes en droit international et droit des gens:
http://books.google.fr/books?id=FWw42_8WxoMC&pg=PR19&lpg=PR19&dq=urbain+II+terra+nullius&source=bl&ots=Yx51FUNtNI&sig=vT5uUPqf8JYx2aZKGMrakb4jN5o&hl=fr&sa=X&ei=GlgAVNiwCo7TaISlgfAC&ved=0CG4Q6AEwCQ#v=onepage&q=urbain%20II%20terra%20nullius&f=false
et notamment à la page XXXII 2 documents de notre Urbain II en 1091 qui ont joué un rôle inattendu lors de la découverte de l'Amérique 400 ans plus tard, la bulle cum universae insulae et celle cum omnes insulae.
comme l'explique un compte-rendu de Charles Verlinden dans la Revue belge de philologie et d'histoire à propos d'un ouvrage de Luis Weckmann http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/issue/rbph_0035-0818_1951_num_29_2 (pages 588-596, attention le lien direct est défectueux mais pas le pdf):
Par ces bulles, le pape en vertu de la (fausse) Donation de Constantin (et en extrapolant bien entendu) prétend avoir juridiction sur toutes les îles de la Chrétienté. La bulle d'Alexandre VI serait la dernière manifestation de cette théorie médiévale, après on passerait définitivement à une conception moderne (cf article et posts précédents).
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Pas accessible pour moi ...phobos a écrit:et notamment à la page XXXII 2 documents de notre Urbain II en 1091 qui ont joué un rôle inattendu lors de la découverte de l'Amérique 400 ans plus tard, la bulle cum universae insulae et celle cum omnes insulae.
comme l'explique un compte-rendu de Charles Verlinden dans la Revue belge de philologie et d'histoire à propos d'un ouvrage de Luis Weckmann http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/issue/rbph_0035-0818_1951_num_29_2 (pages 588-596, attention le lien direct est défectueux mais pas le pdf):
Roque- Messages : 5064
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Roque a écrit:Pas accessible pour moi ...phobos a écrit:
comme l'explique un compte-rendu de Charles Verlinden dans la Revue belge de philologie et d'histoire à propos d'un ouvrage de Luis Weckmann http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/issue/rbph_0035-0818_1951_num_29_2 (pages 588-596, attention le lien direct est défectueux mais pas le pdf):
oui je sais il y a un problème pour lire cet article, mais il est accessible en cliquant directement sur l'icone pdf (comme je l'ai mentionné)
phobos- Messages : 77
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
phobos a écrit:il est accessible en cliquant directement sur l'icone pdf (comme je l'ai mentionné)
J'y suis finalement parvenu et voila ce que j'ai pu lire.
Il y a deux paragraphes – dans la citation qui suit - qui confortent deux des points que j’ai avancés plus haut - et un point de droit, éventuellement nouveau.
C’est ce qui est appelé la « doctrine omni-insulaire » qui est l’objet d’analyse de cet article.Luis Weckmann a écrit:Il [E. Staedler] souligne d’abord qu’Alexandre VI n’a pas agi en tant qu’arbitre, en quoi il est d’accord avec H. Vander Linden. Le pape apparait comme fons iuris (source du droit) et accorde à l’Espagne et au Portugal une investiture de terres ou plus exactement d’îles. Ce qu’il veut, c’est séparer les îles africaines considérées par Nicolas V, Calixte III et Sixte IV au roi de Portugal, des îles découvertes par Colomb. La date même des bulles exclut qu’elles aient quelque chose à voir avec une inféodation du continent américain.
On a eu tort jusqu’à présent de considérer ces documents comme appartenant à l’époque moderne, comme se rattachant à une suite nouvelle de conceptions et d’événements. En réalité, ils sont, pense M. W., les derniers éléments d’une longue histoire purement médiévale. […] Pour M. W. celles-ci constituent une des dernières manifestations d’une théorie énoncée pour la première fois par Urbain II et d’après laquelle toutes les îles sont sur la juridiction de St Pierre et de ses successeurs.
D’abord le pape Alexander VI, par sa bulle Inter Caetera, a agi en se réclamant de sa seule souveraineté et non sur l’argument de droit de la « Terra Nullius ». Mais le paragraphe corrige ce que j’avais cru comprendre : le pape Alexandre VI ne se réclamait pas d’une souveraineté reçue de Jésus-Christ (qui n’est, bien évidemment, pas temporelle), mais d’une souveraineté tirée de la prétendue « donation de Constantin » ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Donation_de_Constantin ). L’humaniste Lorenzo Valla a démontré en 1440 que cette donation de Constantin était un faux du 8ème siècle. Mais selon toute évidence le pape, en 1493, n’a pas pris en compte de cet avis éclairé.
En second lieu, on a tort de penser que cette bulle Inter Caetera « appartient à la suite nouvelle des conceptions et des événements » qui nous mènent jusqu'au droit de l’époque moderne. Cette bulle Inter Caetera appartient à la logique médiévale et – comme je le disais plus haut – c’est précisément immédiatement après cette bulle de 1493 - dans le 16ème siècle que se situe l'une des ruptures philosophiques et d’horizon intellectuel qui vont mener à l'époque moderne. Cette bulle de 1493 est la fin du droit médiéval et non le début d'une série de décisions et conceptions menant au droit moderne.
Ceux qui formulent des thèses contre la « Doctrine de la Découverte » se trompent donc lorsqu’ils croient comprendre que cette Doctrine serait née avec les bulles Romanus Pontifex et Inter Caetara. Non, cette doctrine si elle a jamais existé est née selon une philosophie et une logique forgées après le 16ème siècle, mais pas au 15ème siècle et a fortiori pas avec ces bulles pontificales.
Le point de droit éventuellement nouveau est que si la bulle Inter Caetera n’implique qu’une souveraineté sur des îles - prétendument données par Constantin - elle ne peut en aucun cas concerner le continent américain.
Cette théorie « omni –insulaire » aurait donc été énoncée pour la première fois par Urbain II et certains éléments allant dans ce sens pourraient se retrouver dans le texte de 17 bulles (page 595), citons déjà :
- Bulle Cum universae insulae concernant les îles Lipari en 1091 qui dit ceci « secundumins titula, regalis iuris sint » et ajoute que « religiosi imperatoris Constantini privilegio in ius proprium b. Petro ejusque successoribus occidentales omnes insulae codonataea sunt » (je comprends à peu près : que toutes les îles occidentales ont été données ensemble à Pierre et à ses successeurs par l'empereur Constantin ... mon latin est loin !);
- Bulle Cum Omnes Insulae concernant l’ïle de Corse – la texte étend la donation de Constantin à toutes les îles ;
- Bulle Laudabiliter qui donne l4irlanade à l’Angleterre en 1155 ;
- Bulle ... : inféodation de la Sicile è Robert Guiscart en 1059 ;
- Bulle ... : inféodation des iles Canaries au portugais Luis de la Cerda en 1344 par Clément VI
- En 1455 (un an après Romanus Pontifex) Nicolas V confirme au roi du Portugal la possession d’îles dans l’Atlantique déjà acquises depuis 25 ans ;
- Etc …
Curieusement, le denier de Saint Pierre au 12ème siècle et 13ème siècles se serait appliqué aux îles - sans doute en raison de cette souveraineté temporelle reçue de Cosntantin. Mais on est bien obligé de reconnaître que cette « doctrine omni-insulaire » n’a jamais été énoncée dans les documents pontificaux et l’auteur de l’article. Il n’existe pas non plus de texte formel établissant un lien entre la doctrine « omni-insulaire » et le denier de St Pierre.
Pour finir : l’existence de cette doctrine « omni insulaire » pontificale n’est pas avérée, mais le caractère médiéval de la bulle Inter Caetera d’Alexandre VI en 1493 est – pour l’auteur – confirmé :
Luis Weckmann a écrit:Il reste néanmoins que si M.W. n’est pas parvenu à montrer l’existence réelle ou plutôt la continuité réelle d’une « doctrine omni insulaire » pontificale, il a prouvé jusqu’à l’évidence que l’esprit qui anime les bulles de 1493 est purement médiéval. Cet esprit n’est pas d’inspiration unique, comme le croit M.W. Il y entre beaucoup qui vient de la doctrine générale du pouvoir pontifical telle que l’avait construire un Innocent III [1160-1216].
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Du point de vue européen, il n'y a en effet pas de "doctrine de la découverte" utilisée d'une manière juridique, pour au moins une raison, c'est qu'il n'y a pas en Europe d'Indiens et qu'aucune cour de justice européenne n'a eu à traiter de l'attribution des terres en relation avec ces communautés. Tout ce qui existe en Europe et que nous avons appris en histoire c'est la notion spectaculaire des "grandes découvertes". Même en Amérique cette doctrine ne s'est constitué d'une manière formelle que tardivement, après les décisions de certains tribunaux, il n'empêche que les autochtones n'avait aucun droit de premiers occupants et que cette doctrine, si elle n'était pas énoncée et structurée, était actée dans les faits. Bien sur tout cela s'explique, les vainqueurs écrivent l'histoire et imposent leurs perspective, mais cela va mieux en le disant, celui qui est vaincu peut alors comprendre ce qui lui est arrivé et choisir de se définir librement en dehors des cadres, implicites ou explicites, imposés par les vainqueurs.
Ce qui a changé aussi depuis quelques décennies, ce qui est en train de changer, c'est que les communautés indiennes ont pris une conscience plus nette de leur histoire, vue de leur propre coté, ces communautés en Amérique du Sud notamment ont maintenant une visibilité politique accrue, et des chefs d'états issus de leurs rangs. Elles peuvent jouer un rôle original, elles jouent déjà un certain rôle dans la définition d'une politique différente, dégagée d'une exploitation avide de la terre (pour elles, la terre n'est pas une marchandise, c'est un territoire sacré, les Indiens d'Amérique du Nord n'ont jamais compris ni admis la relation prédatrice des Européens avec la terre).
Je découvre un peu mieux l'idée de "droit naturel", je me demande quelle relation on pourrait établir avec la notion islamique de "fitra" ou hindoue de "dharma", ces deux notions indiquant la fidélité originelle adamique à la loi divine, une fidélité de nature et intérieure, non dictée par une loi extérieure, mais constitutive même de l'être.
Ce n'est que plus tard, lors de ce qui est symbolisé par la chute, que, selon l'islam, les lois sacrées divines sont descendues à titre correctif. Le droit naturel serait une subsistance de cette loi originelle, ce qui subsiste de la régularité primordiale et qui empêche les sociétés de tomber dans le chaos (voir aussi les "lois de Noé" représentant des lois très générales partagées par toutes les communautés au moins au sein du monde sémitique).
Quant au droit positif, il représenterait un droit purement humain et conventionnel, institué pour des raisons pratiques.
Dominium et souveraineté :
http://www.transeo-review.eu/L-espace-de-la-souverainete.html
Ce qui a changé aussi depuis quelques décennies, ce qui est en train de changer, c'est que les communautés indiennes ont pris une conscience plus nette de leur histoire, vue de leur propre coté, ces communautés en Amérique du Sud notamment ont maintenant une visibilité politique accrue, et des chefs d'états issus de leurs rangs. Elles peuvent jouer un rôle original, elles jouent déjà un certain rôle dans la définition d'une politique différente, dégagée d'une exploitation avide de la terre (pour elles, la terre n'est pas une marchandise, c'est un territoire sacré, les Indiens d'Amérique du Nord n'ont jamais compris ni admis la relation prédatrice des Européens avec la terre).
Je découvre un peu mieux l'idée de "droit naturel", je me demande quelle relation on pourrait établir avec la notion islamique de "fitra" ou hindoue de "dharma", ces deux notions indiquant la fidélité originelle adamique à la loi divine, une fidélité de nature et intérieure, non dictée par une loi extérieure, mais constitutive même de l'être.
Ce n'est que plus tard, lors de ce qui est symbolisé par la chute, que, selon l'islam, les lois sacrées divines sont descendues à titre correctif. Le droit naturel serait une subsistance de cette loi originelle, ce qui subsiste de la régularité primordiale et qui empêche les sociétés de tomber dans le chaos (voir aussi les "lois de Noé" représentant des lois très générales partagées par toutes les communautés au moins au sein du monde sémitique).
Quant au droit positif, il représenterait un droit purement humain et conventionnel, institué pour des raisons pratiques.
Dominium et souveraineté :
http://www.transeo-review.eu/L-espace-de-la-souverainete.html
DenisLouis- Messages : 1077
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Roque a écrit:
J'y suis finalement parvenu et voila ce que j'ai pu lire.
Il y a deux paragraphes – dans la citation qui suit - qui confortent deux des points que j’ai avancés plus haut - et un point de droit, éventuellement nouveau.
Merçi Roque d'avoir pris le temps de lire l'article et d'en faire le résumé argumenté, le résultat en est meilleur que ce que j'aurais pu faire
c'est quand même étonnant que les spécialistes du Vatican et (leurs contradicteurs) n'aient pas mentionnés ce que nous avons pu trouver, nous simples amateurs autodictates en 2/3 clics et recherches sur google...
phobos- Messages : 77
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Oui, effectivement.DenisLouis a écrit:Du point de vue européen, il n'y a en effet pas de "doctrine de la découverte" utilisée d'une manière juridique,
C'est ma conviction. Il est facile de démontrer que les auteurs de l'article MLL n'ont pas d'arguments probants pour l'attribuer au XVème siècle - sauf ces deux malheureuses bulles pontificales, mais ce lien (perçue comme une accusation par un catholique) se révèle finalement historiquement non pertinent.DenisLouis a écrit:Même en Amérique cette doctrine ne s'est constitué d'une manière formelle que tardivement, après les décisions de certains tribunaux
Cette structuration sociale et politique a peut-être été trop faible ou fragmentée pour faire valoir leur droits au moment de la conquête. Il faut que je signale ici quelque chose que je ne connais que de façon marginale. Je tiens d'un zaïrois que les colons - à quelle époque - auraient passé et signé des contrats ou des alliances avec un bon nombre de rois locaux - des contrats dont bien entendu ces rois ne comprenaient qu'une partie des enjeux (exploitation des matières premières). C'est à vérifier mais - au moins pour la RDC - il est possible que ce ne soit pas cette prétendue " Doctrine de la Découverte " qui ait été appliquée. La fragmentation des royaumes locaux, l'inégalité de l'armement et la coordination, la durabilité dans le temps des actions guerrières et/ou commerciales ont joué fortement en défaveur des indigènes.DenisLouis a écrit:Ce qui a changé aussi depuis quelques décennies, ce qui est en train de changer, c'est que les communautés indiennes ont pris une conscience plus nette de leur histoire, vue de leur propre coté, ces communautés en Amérique du Sud notamment ont maintenant une visibilité politique accrue, et des chefs d'états issus de leurs rangs.
Son intérêt est de reposer sur un donné appelé " nature " - et cette référence tenue pour solide par l'Eglise est en train de disparaître avec cette histoire de mariage de sexe indéterminé.DenisLouis a écrit:Je découvre un peu mieux l'idée de "droit naturel",
Intéressant, mais trop savant pour moi.DenisLouis a écrit:je me demande quelle relation on pourrait établir avec la notion islamique de "fitra" ou hindoue de "dharma", ces deux notions indiquant la fidélité originelle adamique à la loi divine, une fidélité de nature et intérieure, non dictée par une loi extérieure, mais constitutive même de l'être.
En fait non pas tout à fait. Dans l'esprit du 16ème siècle ce n'est pas directement " une subsistance de cette loi originelle ", mais ce qui de la " régularité primordiale " est intelligible par l'acte de raison de l'homme. Cette acte de raison est essentiel et - dans la Bible - il voulu par Dieu. Voulu par Dieu, au même titre que l'homme est mis au centre de la création pour qu'il identifie et nomme toute chose dans la Genèse : Gn 2, 20 (sauf Dieu). Dieu met l'homme - non en position " parmi d'autres créatures ", mais en position de " maître de la maison " (au sens étymologique, il est appelé à " dominer " de dominus : maître ou propriétaire ) et par cet acte de raison (que l'Ancien Testament appelle Sagesse) ou cet acte d'élaboration intellectuelle, l'homme accomplit, rejoint et connaît la volonté de Dieu. Il y a derrière la notion de " loi naturelle " au départ au 16ème siècle une vision biblique de l'homme - vision implicite qui situe le raison humaine dans la plan de Dieu. Elle disparaît avec la " modernité "des Lumières, puis la sécularisation. Ce n'est - également - pas construit comme la Loi descendue " toute faite " de la part de Dieu comme dans l'Islam (au moins le plus courant, car je présume que les mutazilites - des rationalistes en fait - ne doivent pas voir les choses comme cela).DenisLouis a écrit:Ce n'est que plus tard, lors de ce qui est symbolisé par la chute, que, selon l'islam, les lois sacrées divines sont descendues à titre correctif. Le droit naturel serait une subsistance de cette loi originelle, ce qui subsiste de la régularité primordiale et qui empêche les sociétés de tomber dans le chaos (voir aussi les "lois de Noé" représentant des lois très générales partagées par toutes les communautés au moins au sein du monde sémitique).
Pour moi, ressemble de plus en plus à un bricolage soumis aux aléas de l'opinion et des modes ... un assemblage hypocrite car servant dans biens des cas à protéger de gros intérêts financiers ou industriels.DenisLouis a écrit:Quant au droit positif, il représenterait un droit purement humain et conventionnel, institué pour des raisons pratiques.
Dernière édition par Roque le Lun 1 Sep - 12:39, édité 1 fois
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Au sujet des alliances les Indiens d'Amérique ont bien signé des traités avec les autorités américaines, mais le plus souvent ils n'ont pas été respectés.
L'avancée des colons, une supériorité des armes, les actions illégales de bandes pour s'approprier des ressources imposaient constamment une situation de fait que les autorités ne pouvaient ou ne voulaient pas contrôler.
L'avancée des colons, une supériorité des armes, les actions illégales de bandes pour s'approprier des ressources imposaient constamment une situation de fait que les autorités ne pouvaient ou ne voulaient pas contrôler.
DenisLouis- Messages : 1077
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
(C'est la suite des posts plus haut)
Les interêts contradictoires dans l’Eglise
Il faut d'abord préciser ce que nous entendons par « Eglise ». Dans la tradition la plus ancienne, l'Eglise est l’ensemble des catholiques qu’ils soient clercs ou non. C'est une erreur de croire que l'Eglise se limite à la hiérarchie ecclésiastique, même si au 19ème siècle la fixation sur l'image du " prêtre-modèle " de la communauté et le repli de l'Eglise à la suite des ruptures entre l'Eglise et les Etats a pu donner cette impression jusqu'à la moitié du 20ème siècle : avant Vatican II.
Cet article MLL montre bien qu’au cours de l’histoire, il n’a jamais manqué de partisans de la spoliation pure et simple, du déni de liberté, du travail forcé (« l‘encomienda ») des indigènes afin de s’approprier par la force des terres et des biens, quitte à justifier le fait accompli par la manipulation du droit. Dans l’Eglise catholique, ces gouvernants, guerriers et commerçants – imbus de leur bon droit - se sont toujours réclamé de la fidélité au pape (ça existe encore aujourd'hui ...). L’article en donne plusieurs exemples, tous au 15ème siècle, où tous ces prédateurs ont voulu présenter leur appétits comme parfaitement conformes à la pensée du pape Innocent IV avec :
1. Les Chevaliers Teutoniques en Pologne (MLL, page 829) ;
2. Le roi Edouard 1er du Portugal (MLL, page 831) ; et
3. Le roi Ferdinand d’Espagne (MLL, page 836).
Notons que les Chevaliers Teutoniques ont tenté de faire valider le déni de droit pur et simple des indigènes. En s’appuyant sur une bulle du temps des croisades (?) qui aurait autorisé la complète confiscation de propriété et de souveraineté aux non-chrétiens ont argumenté que les infidèles manquaient de « Dominium » (MLL, page 829)
Les avocats du Roi Edouard 1er du Portugal ont voulu faire dire au pape que si les habitants des îles Canaries n’étaient pas disposés à recevoir les missionnaires chrétiens (en fait avec le temps, il y a eu des conversions et ensuite ce sont les espagnols qui sont venus tuer ces catholiques ...), il fallait que le pape ordonne le recours à la force pour punir et civiliser ces autochtones (page 831). Pour ces prédateurs et leurs avocats parfois ecclésiastiques, il semblait bien que la réduction en servitude était une condition du salut ou même que leur nature inférieure vouait les autochtones à l’esclavage :
Quand les juristes de cour ont été interrogés par leur roi, ces courtisans ont, dans la plupart des cas (Cf. : article MLL), donné raison au roi dans ses conquêtes coloniales et ont trouvé des justifications au déni de droit, au travail forcé et la mise en esclavage des indigènes.
Mais il n’en a pas été de même quand ces juristes ont envoyé pour présenter un recours devant pape : le « Dominium » ou droit de propriété légitime des indigènes a été réaffirmé de façon constante – même s’il faut reconnaître qu’il était assortie de conditions d’exercice le rendaient bien souvent inopérant.
On peut reprocher à l’article MLL, de présenter pêle-mêle des avis, positions et justifications contradictoires sans assez souligner qu’on est en présence d’un conflit d'intérêts opposés, d'une polémique séculaire et sans en nommer l’enjeu dans le droit.
De notre point de vue, la ligne de confrontation entre ces positions contradictoires, l'enjeu, c’est justement ce « Dominium » des indigènes :
- maintenu et défendu, dans son principe, par les uns - restant fidèles à Thomas d’Aquin - cette position étant liée à l'autre question clé de la dignité et de l'humanité plénières des indigènes - mais
– attaqué et discrédité par les autres, justifiant l’impérialisme de leur roi, justifiant le servage et supposant des races inférieures se réclamant de la pensée d’Aristote.
On peut encore reprocher à l’article MLL, de mettre bout à bout des avis plus ou moins fondés, des positions et justifications contradictoires qu'on attribue finalement - comme un ensemble cohérent - à cette prétendue " Doctrine de la Découverte " (une technique de falsification vieille comme le monde). Il en découle une pensée " patch-work " - foncièrement erronée - comme l'illustre le tableau ci-dessous. Nous analysons - par exemple - le texte de l’instance permanente sur les questions autochtones de la Commission Economique et Social de l’ONU :
Les interêts contradictoires dans l’Eglise
Il faut d'abord préciser ce que nous entendons par « Eglise ». Dans la tradition la plus ancienne, l'Eglise est l’ensemble des catholiques qu’ils soient clercs ou non. C'est une erreur de croire que l'Eglise se limite à la hiérarchie ecclésiastique, même si au 19ème siècle la fixation sur l'image du " prêtre-modèle " de la communauté et le repli de l'Eglise à la suite des ruptures entre l'Eglise et les Etats a pu donner cette impression jusqu'à la moitié du 20ème siècle : avant Vatican II.
Cet article MLL montre bien qu’au cours de l’histoire, il n’a jamais manqué de partisans de la spoliation pure et simple, du déni de liberté, du travail forcé (« l‘encomienda ») des indigènes afin de s’approprier par la force des terres et des biens, quitte à justifier le fait accompli par la manipulation du droit. Dans l’Eglise catholique, ces gouvernants, guerriers et commerçants – imbus de leur bon droit - se sont toujours réclamé de la fidélité au pape (ça existe encore aujourd'hui ...). L’article en donne plusieurs exemples, tous au 15ème siècle, où tous ces prédateurs ont voulu présenter leur appétits comme parfaitement conformes à la pensée du pape Innocent IV avec :
1. Les Chevaliers Teutoniques en Pologne (MLL, page 829) ;
2. Le roi Edouard 1er du Portugal (MLL, page 831) ; et
3. Le roi Ferdinand d’Espagne (MLL, page 836).
Notons que les Chevaliers Teutoniques ont tenté de faire valider le déni de droit pur et simple des indigènes. En s’appuyant sur une bulle du temps des croisades (?) qui aurait autorisé la complète confiscation de propriété et de souveraineté aux non-chrétiens ont argumenté que les infidèles manquaient de « Dominium » (MLL, page 829)
Les avocats du Roi Edouard 1er du Portugal ont voulu faire dire au pape que si les habitants des îles Canaries n’étaient pas disposés à recevoir les missionnaires chrétiens (en fait avec le temps, il y a eu des conversions et ensuite ce sont les espagnols qui sont venus tuer ces catholiques ...), il fallait que le pape ordonne le recours à la force pour punir et civiliser ces autochtones (page 831). Pour ces prédateurs et leurs avocats parfois ecclésiastiques, il semblait bien que la réduction en servitude était une condition du salut ou même que leur nature inférieure vouait les autochtones à l’esclavage :
Curieusement, l’aumônier officiel du roi Ferdinand, comme le théologien Juan Ginès de Sepulveda, historiographe de Charles Quint, appuyaient leur théorie de la « race inférieure » sur la pensée grecque d'Aristote. Il se pourrait donc – si on est en désaccord avec ce point de vue - que ce qu’il faille remettre en cause soit la pensée grecque du 4ème siècle avant notre ère - et non d'abord la pensée de l’Eglise.Bien plus, l’aumônier officiel du roi [Ferdinand d’Aragon] blâma les indiens pour leur mise en esclavage et déclara que leur plus grand vice était la paresse et que le roi avait à « faire plier leur inclination vicieuse et les contraindre au travail ». Un autre prédicateur royal argumenta que les indiens devaient être réduits en esclavages pour être sauvés. En venant à cette conclusion, il appliqua le raisonnement d’Aristote : certains peuples sont des esclaves naturels parce qu’ils sont, comme il disait, une classe inférieure de peuple bâtie pour être esclaves. (MLL, page 835-836).
[...]
Ces écrits ont passé en revue toute la gamme possible des opinions et justifications pour l’autorité papale ou royale sur les peuples indigènes. Beaucoup de cette discussion peut être résumé par le juriste de droit canon Fernando Vasquez de Menchaca, qui établit que chaque autochtone américain étaient « nos ennemis, nuisibles, répugnants et dangereux » et par le théologien Juan Ginès de Sepulveda, qui écrivit que les autochtones américains étaient comme les turcs et étaient « incultes » et « inhumains » (MLL, page 841)
Quand les juristes de cour ont été interrogés par leur roi, ces courtisans ont, dans la plupart des cas (Cf. : article MLL), donné raison au roi dans ses conquêtes coloniales et ont trouvé des justifications au déni de droit, au travail forcé et la mise en esclavage des indigènes.
Mais il n’en a pas été de même quand ces juristes ont envoyé pour présenter un recours devant pape : le « Dominium » ou droit de propriété légitime des indigènes a été réaffirmé de façon constante – même s’il faut reconnaître qu’il était assortie de conditions d’exercice le rendaient bien souvent inopérant.
On peut reprocher à l’article MLL, de présenter pêle-mêle des avis, positions et justifications contradictoires sans assez souligner qu’on est en présence d’un conflit d'intérêts opposés, d'une polémique séculaire et sans en nommer l’enjeu dans le droit.
De notre point de vue, la ligne de confrontation entre ces positions contradictoires, l'enjeu, c’est justement ce « Dominium » des indigènes :
- maintenu et défendu, dans son principe, par les uns - restant fidèles à Thomas d’Aquin - cette position étant liée à l'autre question clé de la dignité et de l'humanité plénières des indigènes - mais
– attaqué et discrédité par les autres, justifiant l’impérialisme de leur roi, justifiant le servage et supposant des races inférieures se réclamant de la pensée d’Aristote.
- LAS CASAS VERSUS JUAN GINES DE SEPULVEDA:
Notons que la conception de Thomas d'Aquin est orientée vers Dieu, tout le travail de construction de la société (cette construction humaine est un " droit naturel ") est ordonnée au Bien Commun, mais également au " droit de connaître la Vérité que tout homme possède sui generis ". Ce " droit " (un peu surprenant pour un homme du 21ème siècle) a évidemment disparu avec la modernité des Lumières et avec la sécularisation actuelle.Las Casas (1484-1566) est favorable à l'application de la philosophie de saint Thomas d'Aquin selon laquelle :
• une société est une donnée de la nature ; toutes les sociétés sont d'égale dignité : une société de païens n'est pas moins légitime qu'une société chrétienne ;
• on n'a pas le droit de convertir de force, la propagation de la foi doit se faire de manière évangélique, par l'exemple.
En 1532, Francisco de Vitoria (1483-1486) avait explicitement appliqué au Nouveau Monde, les principes de saint Thomas d'Aquin de destination universelle des biens terrestres (ils sont pour tous et le droit de propriété est conditionné par le Bien Commun) et le droit de connaître la Vérité que tout homme possède sui generis : ceux qui vont aux Amériques n'ont donc pas un titre de propriété mais un devoir de mission ; personne n'a le droit d'occupation de ces territoires mais chacun doit jouir de « la liberté de passer par les mers ».
http://fr.wikipedia.org/wiki/Controverse_de_Valladolid
Il serait plus exact de chercher à faire de Juan Ginès de Sepulveda l'initiateur de la doctrine colonialiste ... reposant sur la philosophie grecque.Il [Juan Ginès de Sepuveda] s'oppose également au dominicain Bartolomé de las Casas et publie en 1544 le Democrates secundus, sive De justis causis belli apud indium dit aussi Democrates alter, pour répliquer aux Trente propositions très juridiques de ce dernier. Dans cet ouvrage, se fondant sur Aristote qu’il considère comme entièrement compatible avec la doctrine chrétienne, Sepulveda défend la thèse que la guerre de conquête menée en Amérique est juste et que les Indiens sont esclaves par nature. Il pose ainsi les fondements de l’impérialisme espagnol en analysant les droits et les responsabilités de la couronne en la matière. Sepulveda fait des Indiens des esclaves « par nature », radicalement inférieurs aux Espagnols. Affirmant l’infériorité des sociétés indigènes, il condamne leurs pratiques contre nature (cannibalisme, sacrifices humains) et proclame la nécessité de veiller au bien des vaincus en leur enseignant des « modes de vie justes et humains ».
http://fr.wikipedia.org/wiki/Juan_Gin%C3%A9s_de_Sep%C3%BAlveda
On peut encore reprocher à l’article MLL, de mettre bout à bout des avis plus ou moins fondés, des positions et justifications contradictoires qu'on attribue finalement - comme un ensemble cohérent - à cette prétendue " Doctrine de la Découverte " (une technique de falsification vieille comme le monde). Il en découle une pensée " patch-work " - foncièrement erronée - comme l'illustre le tableau ci-dessous. Nous analysons - par exemple - le texte de l’instance permanente sur les questions autochtones de la Commission Economique et Social de l’ONU :
Née en 1455, avec la bulle Romanus Pontifex, la construction juridique internationale dite « doctrine de la découverte », qui a donné naissance au concept de « terra nullius ou terra nullus », consacre le principe selon lequel tout monarque chrétien qui découvre des terres non chrétiennes » a le droit de les proclamer siennes car elles n’appartiennent à personne consacre le principe selon lequel tout monarque chrétien qui découvre des terres non chrétiennes » a le droit de les proclamer siennes car elles n’appartiennent à personne et s’est traduite par la dépossession et l’appauvrissement des peuples autochtones.
http://www.un.org/News/fr-press/docs/2010/DH5019.doc.htm
Née en 1455, avec la bulle Romanus Pontifex, | C'est factuel, sauf que la date est 1454. Dans le contexte de la reconquête sur les Sarrasins - et non de la découverte du continent américain qui n'aura lieu que 40 ans plus tard approximativement. |
la construction juridique internationale | C'est faux. Ce décret pontifical n'est pas une " construction juridique ", il comprend une mesure unique : une licence de reconquête sur les terres des Sarrasins à l'exclusivité du roi de Portugal assortie d'une licence de mise en esclavage des mêmes Sarrasins - symétriquement les Sarrasins pratiquant la mise en esclavage des ennemis chrétiens capturés au combat (" lois de la guerres"). Etant signé par le pape seul, il n'est pas non plus " international " au même sens que le Traité de Tordesillas signé conjointement par le Portugal et l'Espagne, par exemple. |
dite " doctrine de la découverte " | C'est partial. L'existence de cette prétendue doctrine en tant que doctrine constituée au 15ème siècle est discutable et pas démontrée par l'article MLL. |
qui a donné naissance au concept de " terra nullius ou terra nullus", | C'est faux et anachronique. Ni le terme, ni la notion ne figurent dans les bulles pontificales. Cette notion a été introduite ultérieurement dans le droit par le colonialisme anglo-saxon et protestant. |
consacre le principe selon lequel tout monarque chrétien qui découvre des terres non chrétiennes à le droit de les proclamer siennes car elles n'appartienne à personne. | C'est faux. D'une part, l'argument de la " terre qui n'appartient à personne " est totalement absent des documents pontificaux. Aucun " principe " de ce type n'a jamais été énoncé dans ces documents ... il y a une confusion sans doute avec une pratique des colons et autres prédateurs, parfois à l'insu du roi lui-même, et plus souvent avec une tolérance coupable du pouvoir politique. D'autre part, le pape Alexandre VI pour la bulle Inter Caetera de 1493 a plutôt fait appel à une prétendue souveraineté sur les îles en vertu d'une donation de Constantin. Or, il s'est avéré en 1440 que cette donation est un faux du 8ème siècle. |
Au fil des siècles, cette doctrine a été institutionnalisée dans les lois et politiques nationales et inetrnationales | C'est partial et anachronique. Cette " construction juridique internationale " a été élaborée dans les siècles suivant le 15ème siècle par des gouvernants de multiples nationalités selon des philosophies et des conceptions du droit qui ont subi plusieurs ruptures majeures, notamment au 16ème siècle et à l'époque des Lumières. Et il ne s'agit en aucune façon du droit initié par les documents pontificaux. |
et s'est traduite par la dépossession et l'appauvrissement des peuples autochtones. | Cette dépossession et cet appauvrissement sont factuels. Mais la chaîne des responsabilités est longue et complexe. La responsabilité du " droit " découlant directement de cette bulle n'est pas démontrable. |
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Comme j'ai écrit et comme il me parait de l'article, la bulle n'est qu'un élément, indissociable, d'un ensemble, un ensemble holistique comme on dit, les "grandes découvertes" marquent une rupture, radicale et dramatique du point de vue des Indiens.
Ce qui compte aux yeux des Indiens, ce ne sont pas tant les raisons de la papauté d'écrire telle ou telle bulle, mais la résultante globale sur leur destinée de l'action des Européens, indissociable de la chrétienté qui ne se résume pas au catholicisme ni au Vatican.
Pour les juristes américains et les juges il s'agit d'appuyer le droit qui est appliqué en montrant la genèse pratique des décisions (qu'a dit tel juge, quel élément historique a-t-il invoqué pour débouter les Indiens ? La découverte est toujours mentionnée comme assise des décisions, sans la "découverte" les terres des Indiens auraient toujours été non seulement en fait mais ici en droit les possessions des premiers occupants), si ce droit est appliqué faussement sur des décisions papales ayant un autre objectif, tant mieux pour les Indiens si cet élément parvient à être dissocié de l'ensemble.
La seule vérité de la "doctrine de la découverte", c'est qu'elle est appliquée, si elle est démontrée et reconnue fausse par les autorités et les juges c'est que le droit des peuples premiers sera reconnu.
Sur le sujet proprement dit "religion des conquérants et aborigènes", il est intéressant de voir comment une religion "conquérante" assimile, bien ou mal, acculturation ou syncrétisme, les éléments préexistants, l'Amérique du Sud est caractéristique en ce que les éléments Indiens n'ont pas disparus, avec le rôle important pour le Mexique de la Vierge de la Guadalupe, apparition devant un Indien et intégration d'éléments locaux.
Subsistance de cultes animistes également plus ou moins mélangés à des éléments chrétiens.
De même l'islam africain n'a pas éliminé les anciennes croyances et pratiques animistes.
Lu : "La Controverse de Valladolid" de Jean-Claude Carrière. Il s'agit d'un roman bien sûr, qui dramatise et scénarise (invention d'un légat du pape, apparitions des colons de d'Indiens dans le monastère, concordance chronologique modifiée...), mais "pour tout le reste qui constitue évidemment l'essentiel - les épisodes de l'histoire et les arguments échangés -, j'ai suivi scrupuleusement tout ce que j'ai pu lire et apprendre. Je n'ai rien inventé dans les considérations théologiques, culturelles et raciales. J'ai même serré de près le vocabulaire". Il a lu tous les manuscrits des intervenants espagnols et des ouvrages historiques de référence.
Roque : "dominium" : à cerner car il y a un dominium de l'état, une possession sur laquelle l'état repose ou non selon les conceptions et un dominium des individus, il semble que tu fasses référence plus haut à la possession des individus :"Mais il n’en a pas été de même quand ces juristes ont envoyé pour présenter un recours devant pape : le « Dominium » ou droit de propriété légitime des indigènes a été réaffirmé de façon constante – même s’il faut reconnaître qu’il était assortie de conditions d’exercice le rendaient bien souvent inopérant." Je visais aussi la souveraineté des rois et empereurs Indiens, qu'elle repose ou non dans leurs conceptions sur un territoire, il me semble qu'elle a été ignorée des papes (je n'ai rien vu jusqu'à présent de contraire...), leurs seuls interlocuteurs sont les rois espagnols ou européens, ils ne parlent pas (sous réserve d'une preuve contraire) directement aux rois indiens.
Ce qui compte aux yeux des Indiens, ce ne sont pas tant les raisons de la papauté d'écrire telle ou telle bulle, mais la résultante globale sur leur destinée de l'action des Européens, indissociable de la chrétienté qui ne se résume pas au catholicisme ni au Vatican.
Pour les juristes américains et les juges il s'agit d'appuyer le droit qui est appliqué en montrant la genèse pratique des décisions (qu'a dit tel juge, quel élément historique a-t-il invoqué pour débouter les Indiens ? La découverte est toujours mentionnée comme assise des décisions, sans la "découverte" les terres des Indiens auraient toujours été non seulement en fait mais ici en droit les possessions des premiers occupants), si ce droit est appliqué faussement sur des décisions papales ayant un autre objectif, tant mieux pour les Indiens si cet élément parvient à être dissocié de l'ensemble.
La seule vérité de la "doctrine de la découverte", c'est qu'elle est appliquée, si elle est démontrée et reconnue fausse par les autorités et les juges c'est que le droit des peuples premiers sera reconnu.
Sur le sujet proprement dit "religion des conquérants et aborigènes", il est intéressant de voir comment une religion "conquérante" assimile, bien ou mal, acculturation ou syncrétisme, les éléments préexistants, l'Amérique du Sud est caractéristique en ce que les éléments Indiens n'ont pas disparus, avec le rôle important pour le Mexique de la Vierge de la Guadalupe, apparition devant un Indien et intégration d'éléments locaux.
Subsistance de cultes animistes également plus ou moins mélangés à des éléments chrétiens.
De même l'islam africain n'a pas éliminé les anciennes croyances et pratiques animistes.
Lu : "La Controverse de Valladolid" de Jean-Claude Carrière. Il s'agit d'un roman bien sûr, qui dramatise et scénarise (invention d'un légat du pape, apparitions des colons de d'Indiens dans le monastère, concordance chronologique modifiée...), mais "pour tout le reste qui constitue évidemment l'essentiel - les épisodes de l'histoire et les arguments échangés -, j'ai suivi scrupuleusement tout ce que j'ai pu lire et apprendre. Je n'ai rien inventé dans les considérations théologiques, culturelles et raciales. J'ai même serré de près le vocabulaire". Il a lu tous les manuscrits des intervenants espagnols et des ouvrages historiques de référence.
Roque : "dominium" : à cerner car il y a un dominium de l'état, une possession sur laquelle l'état repose ou non selon les conceptions et un dominium des individus, il semble que tu fasses référence plus haut à la possession des individus :"Mais il n’en a pas été de même quand ces juristes ont envoyé pour présenter un recours devant pape : le « Dominium » ou droit de propriété légitime des indigènes a été réaffirmé de façon constante – même s’il faut reconnaître qu’il était assortie de conditions d’exercice le rendaient bien souvent inopérant." Je visais aussi la souveraineté des rois et empereurs Indiens, qu'elle repose ou non dans leurs conceptions sur un territoire, il me semble qu'elle a été ignorée des papes (je n'ai rien vu jusqu'à présent de contraire...), leurs seuls interlocuteurs sont les rois espagnols ou européens, ils ne parlent pas (sous réserve d'une preuve contraire) directement aux rois indiens.
DenisLouis- Messages : 1077
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Pourquoi " indissociable de la chrétienté " ?DenisLouis a écrit:Ce qui compte aux yeux des Indiens, ce ne sont pas tant les raisons de la papauté d'écrire telle ou telle bulle, mais la résultante globale sur leur destinée de l'action des Européens, indissociable de la chrétienté qui ne se résume pas au catholicisme ni au Vatican.
.... ou plutôt ...
En quel sens " indissociable de la chrétienté " ?
DenisLouis a écrit:Pour les juristes américains et les juges il s'agit d'appuyer le droit qui est appliqué en montrant la genèse pratique des décisions ...
C'est à mes yeux le seul élément qui pourraient rattacher cette prétendue " Doctrine de la Découverte " aux éléments de droit prétendument introduits par la papauté ...
Mais ces juristes américains ont pu faire une grossière erreur en croyant que le droit du 18ème siècle (les Lumières) relève de la même souveraineté et a les mêmes bases de légitimité que le droit du 16ème siècle (le droit naturel) ou que le droit du 16ème siècle relève de la même souveraineté (le pape n'a pas de pouvoir temporel) et a les mêmes bases de légitimité que le droit du 15ème siècle qui est médiéval (donation de Constantin et relation de vassalité des rois - ou même apparentement - par rapport au pape).
Je crois qu'on est là dans une grande confusion intellectuelle ... sans compter que le droit international dans notre monde sécularisé au 20ème et 21ème siècle (droit positif et communauté internationale constituée), c'est encore autre chose que le droit au temps des Lumières ou de la Révolution française.
Ces ruptures de continuité itératives dans tout ce qui constitue le droit : 1. Les juridictions énonçant le droit et 2. Les fondements de la légitimité du droit font qu'il peut n'y avoir aucun rapport entre les droits d'une époque à une autre, d'une nation à une autre. Cette rupture périodique dans la continuité du droit fait que ce qui a été édicté au 15ème siècle dans un contexte médiéval n'a aucun rapport avec ce qui a été décrété au 16ème siècle sur une autre base philosophique, hors de l'autorité du pape et ainsi de suite ... et que l'idée qu'il y aurait une continuité entre le " droit international " du 15ème - dont ces deux malheureuses bulles papales - jusqu'au 16ème siècle, puis jusqu'au 18ème et 21ème siècle n'a aucun sens. Ce n'est pas sérieux.
Je pense que chaque époque est responsable du droit qu'elle a fabriqué et adopté. Le droit est pour moi une construction 100% humaine - imitation lointaine et totalement bancale (voire pervertie) de la justice divine. Je crois aussi que les papes - ou plutôt les papes assistés par leurs théologiens - ont renoncé progressivement à toute souveraineté sur le droit civil, pénal ou international quel qu'il soit - hors du droit canon - à partir de l'école de Salamanque au 16ème siècle.
Je me suis longtemps gratté la tête pour comprendre dans quelle logique ce " droit " initié par les papes au 15ème siècle pourrait avoir influencé, marqué ou conditionné le droit ultérieur sur quatre ou cinq siècles - malgré les ruptures historiques aussi bien au niveau des fondements et que du contexte de ces " droits " successifs. C'est parfaitement irrationnel. Et dans l'irrationnel, je vois plusieurs types de relations : la relation généalogique : un droit en génèrerait ou enfanterait un autre, la contamination par un " esprit " qui contaminerait le droit ultérieur ou une sorte de " malédiction " qui tiendrait captif le libre-arbitre des législateurs ultérieurs ... et puis allons y carrément : une sorte de " péché originel de pensée papale " - en quelque sorte - comme une marque indélébile qui permet d'affirmer que la " faute " ou la " responsabilité " est à rechercher - non au présent - mais au niveau du plus lointain ancêtre !! Irrationnel, j'ai bien dit.
Et finalement, ce lien irrationnel qui est fait entre ces bulles et le droit des quatre ou cinq siècles suivants fonctionne comme une théorie du complot où tout est question de croyance dans une relation pré-établie entre des éléments qui n'ont rien à faire ensemble. C'est irrationnel et donc pas aisément discutable. C'est un peu ce que je retrouve sur ce lien qui se présente comme hyper-rationel (rationaliste et anticlérical), mais dont le fond est complètement irrationnel :
http://resistance71.wordpress.com/2013/10/09/lorigine-profonde-du-colonialisme-occidental-les-bulles-pontificales-romanus-pontifex-1455-et-inter-caetera-1493/
Je soupçonne donc les auteurs de cet article MLL d'avoir un lourd préjugé sur la volonté des papes de contrôler le droit international (procès d'intention insoluble) et de faite une erreur d'analyse historique fondamentale sur l'évolution du droit.
-o-o-o-o-o-o-o-
Maintenant, un ultime argument contre la thèse de la responsabilité papale dans ce prétendu " droit international " qui aurait prétendument légitimé tout la prédation coloniale qui suivra sur quatre siècles.
Avez-vous remarqué que l'article MLL pose, comme une évidence, l'existence de cette " Doctrine de la Découverte " sans du tout démontrer ni que cette doctrine aurait été explicitement formulées par l'Eglise ni qu'elle aurait comme origine ces deux bulles papales au 15ème siècle ? Avez-vous remarqué que cet article MLL se contente juste de décrire cette " Doctrine de la Découverte ", mais que son véritable objet est ailleurs, qu'il est de démontrer l'utilisation de cette " Doctrine de la Découverte " pour Chili bien après le 15ème siècle (voir les deux pages d'introduction et à la fin de l'article) ?
DenisLouis, ne croyez vous pas qu'il serait bon quand même - dans la logique du présent sujet - d'en arriver à démontrer le lien qui aurait existé entre les deux bulles incriminées et cette prétendue Doctrine de la Découverte ?
Alors voilà ma question : pouvez-vous me démontrer que les deux bulles incriminées ont un lien quelconque avec tous les dix points de cette prétendue " Doctrine de la Découverte " que vous avez vous même fort bien résumés ?
- LA DOCTRINE DE LA DECOUVERTE EN 10 POINTS:
DenisLouis c’est vous qui avez résumé ce que dit l’article MLL :
https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t2400p15-sd-religions-des-conquerants-et-aborigenes#50987Les dix éléments de la doctrine de la découverte :
1. Le premier pays européen qui accède à une terre acquiert la propriété et les droits de souveraineté. Mais cela ne suffit pas pour avoir un titre complet.
2. Pour avoir un droit complet il faut une occupation permanente (ce qui fait preuve ce sont des constructions établies dans un temps raisonnable après la première arrivée).
3. Droit de préemption : droit exclusif d'acheter des terrains aux indigènes pour le premier arrivant, les autres ne peuvent acheter.
4. Les populations indigènes perdent leurs pleins droits de propriété selon la loi européenne, mais elles conservent l'usage et l'occupation.
5. En raison de leur perte de souveraineté, elles ne peuvent plus avoir librement d'échanges internationaux, mais peuvent commercer uniquement avec le pays qui a fait leur découverte.
6. Contiguïté : donne un droit au pays arrivant sur les terres limitrophes. Découvrir un estuaire donne des droits sur tous les territoires parcourus par la rivière, même éloignés de centaines de km/
7. Terra nullius : si une personne ou une nation pour la gestion d'un territoire qui n'avait pas recours à ds procédés approuvés par les systèmes légaux européens, le territoire était considéré comme vide et ouvert à la "découverte".
8. Religion : les peuples non chrétiens étaient considérés comme ne bénéficiant pas des mêmes droits à la propriété, à la souveraineté, à l'auto détermination.
9. Civilisation : idée d'une supériorité de la civilisation européenne, les Européens pensant que Dieu les avait destinés à apporter la civilisation, l'éducation et la religion aux indigènes.
10. Conquête : les Européens pouvaient obtenir la souveraineté sur une terre par la guerre juste. Mais le mot de conquête était aussi utilisé dans le cas d'une découverte dans guerre.
Et si ce lien n'est pas démontrable avec ces deux bulles (ou plus généralement avec le 15ème siècle), c'est peut être parce que cette prétendue " Doctrine de la Découverte " aura été fabriquée plus tard - par exemple par les colons anglo-saxons essentiellement protestants - ni très regardants sur la teneur réelle des documents pontificaux ou ni très aptes à comprendre la logique interne des documents pontificaux qui appartiennent en fait au Moyen Age et non à la modernité.
S'il y a une responsabilité des papes, ce n'est pas dans ce pseudo droit international fantomatique qu'ils auraient en quelque sorte créé (!), mais dans leur complicité historique et pratique éventuelle (penser à Pie XII) avec une réalité inacceptable. Mais c'est un autre sujet ...
Roque- Messages : 5064
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
[Que l’argument de la terra nullius ait été utilisé par l’Espagne est contestable, car les territoires qu’ils ont découverts étaient déjà occupés par de nombreuses populations, des cultures et des gouvernements bien établis. Comme l’écrivait de Vitoria dans les années 1530, ces possessions avaient un maitre et n’appartenaient pas à la catégorie des terres vacantes…
Nous devons noter que l’expression terra nullius peut être définie de deux manières, la première désigne une étendue de terre sans occupation humaine, selon la seconde un pays peut être considéré comme vide, même occupé par une société si celle-ci est régie par une forme de gouvernement non reconnu par la loi européenne. L’Espagne et les commentateurs espagnols utilisèrent les deux définitions pour considérer des territoires comme vacants et relevant du domaine de la découverte.
En 1572 un juriste et conseiller de Toledo vice-roi du Pérou déclare : « Les Indes ont été justement conquises. Par la concession du pape ou parce que les Espagnols ont trouvé ces pays vides. Vers 1500 un traité est conclus justifiant le titre de l’Espagne sur ces pays. Il était considéré comme déraisonnable et dangereux d’attribuer aux Incas la seigneurie sur ces terres. Les Européens à cette époque ne considéraient pas les organisations politiques locales comme des gouvernements. La déclaration de Toledo ne faisait qu’exprimer cette opinion largement répandue et niait l’existence des Indiens en tant qu’état souverain. »]
(Citation du texte)
Je ne dis pas que les deux bulles ont un lien dans la pensée des papes et dans leurs intentions politiques avec l'interprétation qui en a été faite, je n'en sais rien, mais je dis par exemple que les juristes américains (du Nord) les ont utilisés dans leurs jugements (je mettrai plus de précisions) et qu'elles ont donné l'imperium, la souveraineté, aux Espagnols et Portugais sur les terres indiennes.
Sans les bulles pas de conquête, et sans les Espagnols et Portugais, pas de christianisation, ou alors il faut refaire l'histoire. Difficile d'imaginer un autre scénario. Des rois espagnols "très catholiques" désobéissants aux papes ? Même les conquêtes anglaises et françaises plus tardives ont pris en compte ces bulles, pour ne pas se mettre en défaut vis à vis d'elles et pour trouver des ficelles juridiques originales.
Les bulles donnent l'imperium, la souveraineté, aux rois d'Espagne et du Portugal, sur les terres indiennes. Que la donation de Constantin soit un faux, qu'elle soit à l'origine du droit des papes à disposer de ces terres n'y change rien. Le pape en tant qu'autorité spirituelle possède, selon les références qui sont les miennes, "en éminence", le pouvoir temporel, ce qui signifie si je me souviens bien qu'il possède cette compétence d'une manière supérieure au pouvoir temporel, mais qu'il n'intervient pas dans la gestion pratique. Son rôle dans ce domaine est plus celui d'un arbitre et d'un guide . Il faut évoquer ici la situation particulière de l'occident, la querelle des investitures et l'héritage impérial romain de la papauté.
Remarque : plusieurs liens sont envisageables entre le spirituel et le temporel, ces autorités peuvent être dans un lien hiérarchique, se cumuler dans une seule fonction ou être dans un état d'indépendance comme à l'époque moderne, le Moyen-Age chrétien a vu un conflit entre les deux (querelle des investitures), ou dépendre toutes les deux d'une autre autorité, antérieure à la séparation temporel/spirituel.
Guénon mentionne l'héritage imperial romain du pape qui subsiste par exemple dans ses armoiries (clé d'or céleste et clé d'argent terrestre), l'empereur romain cumulait ces deux fonctions.
Selon une interprétation des théologiens catholiques le pouvoir temporel du pape remonte à St Pierre (pouvoir de lier et de délier sur terre et au ciel), ce qui explique la présence du nom de St Pierre dans le Requerimiento, un autre courant s'en tient à la séparation des domaines ("Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu").
Mais le problème selon moi n'est pas tant l'intervention du pape dans les affaires terrestres que son action dans un domaine traditionnel ( à prendre au sens guénonien) qui jusque là avait son autonomie, des royaumes, des empires, une spiritualité propre, sans doute il y a eu dans cette situation des raisons de sagesse, mais cette "découverte" a produit, et des deux cotés, européens et américains une véritable crise des consciences, un éclatement de la vision du monde.
L'imperium est presque toujours lié chez les auteurs au dominium, la possession terrestre, car le pouvoir temporel repose en général sur une assise territoriale (le pouvoir des rois de France s'est affirmé avec l'agrandissement de leur domaine). Les deux notions ne sont pas toutefois synonymes (nous parlons bien du domaine public, pas de la possession privée), car il peut y avoir des liens de subordination temporels qui ne reposent pas sur un territoire. Le seul dominium concédé aux Indiens par la papauté, c'est il me semble la propriété privée. Mais ceci est resté lettre morte, voir le lien suivant sur la répartition des terres en Amérique du Sud :
http://delahayeoli.blogspot.fr/2009/12/les-bulles-alexandrines-et-la-structure.html
De plus les rapports des Indiens avec la terre étaient d'une autre nature.
Sur le droit international : il portait un autre nom, droit des nations, mais quand il était question de "famille des nations", il s'agissait du "christian common wealth" ou très précisément de "chrétienté".
A suivre...
Nous devons noter que l’expression terra nullius peut être définie de deux manières, la première désigne une étendue de terre sans occupation humaine, selon la seconde un pays peut être considéré comme vide, même occupé par une société si celle-ci est régie par une forme de gouvernement non reconnu par la loi européenne. L’Espagne et les commentateurs espagnols utilisèrent les deux définitions pour considérer des territoires comme vacants et relevant du domaine de la découverte.
En 1572 un juriste et conseiller de Toledo vice-roi du Pérou déclare : « Les Indes ont été justement conquises. Par la concession du pape ou parce que les Espagnols ont trouvé ces pays vides. Vers 1500 un traité est conclus justifiant le titre de l’Espagne sur ces pays. Il était considéré comme déraisonnable et dangereux d’attribuer aux Incas la seigneurie sur ces terres. Les Européens à cette époque ne considéraient pas les organisations politiques locales comme des gouvernements. La déclaration de Toledo ne faisait qu’exprimer cette opinion largement répandue et niait l’existence des Indiens en tant qu’état souverain. »]
(Citation du texte)
Je ne dis pas que les deux bulles ont un lien dans la pensée des papes et dans leurs intentions politiques avec l'interprétation qui en a été faite, je n'en sais rien, mais je dis par exemple que les juristes américains (du Nord) les ont utilisés dans leurs jugements (je mettrai plus de précisions) et qu'elles ont donné l'imperium, la souveraineté, aux Espagnols et Portugais sur les terres indiennes.
Sans les bulles pas de conquête, et sans les Espagnols et Portugais, pas de christianisation, ou alors il faut refaire l'histoire. Difficile d'imaginer un autre scénario. Des rois espagnols "très catholiques" désobéissants aux papes ? Même les conquêtes anglaises et françaises plus tardives ont pris en compte ces bulles, pour ne pas se mettre en défaut vis à vis d'elles et pour trouver des ficelles juridiques originales.
Les bulles donnent l'imperium, la souveraineté, aux rois d'Espagne et du Portugal, sur les terres indiennes. Que la donation de Constantin soit un faux, qu'elle soit à l'origine du droit des papes à disposer de ces terres n'y change rien. Le pape en tant qu'autorité spirituelle possède, selon les références qui sont les miennes, "en éminence", le pouvoir temporel, ce qui signifie si je me souviens bien qu'il possède cette compétence d'une manière supérieure au pouvoir temporel, mais qu'il n'intervient pas dans la gestion pratique. Son rôle dans ce domaine est plus celui d'un arbitre et d'un guide . Il faut évoquer ici la situation particulière de l'occident, la querelle des investitures et l'héritage impérial romain de la papauté.
Remarque : plusieurs liens sont envisageables entre le spirituel et le temporel, ces autorités peuvent être dans un lien hiérarchique, se cumuler dans une seule fonction ou être dans un état d'indépendance comme à l'époque moderne, le Moyen-Age chrétien a vu un conflit entre les deux (querelle des investitures), ou dépendre toutes les deux d'une autre autorité, antérieure à la séparation temporel/spirituel.
Guénon mentionne l'héritage imperial romain du pape qui subsiste par exemple dans ses armoiries (clé d'or céleste et clé d'argent terrestre), l'empereur romain cumulait ces deux fonctions.
Selon une interprétation des théologiens catholiques le pouvoir temporel du pape remonte à St Pierre (pouvoir de lier et de délier sur terre et au ciel), ce qui explique la présence du nom de St Pierre dans le Requerimiento, un autre courant s'en tient à la séparation des domaines ("Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu").
Mais le problème selon moi n'est pas tant l'intervention du pape dans les affaires terrestres que son action dans un domaine traditionnel ( à prendre au sens guénonien) qui jusque là avait son autonomie, des royaumes, des empires, une spiritualité propre, sans doute il y a eu dans cette situation des raisons de sagesse, mais cette "découverte" a produit, et des deux cotés, européens et américains une véritable crise des consciences, un éclatement de la vision du monde.
L'imperium est presque toujours lié chez les auteurs au dominium, la possession terrestre, car le pouvoir temporel repose en général sur une assise territoriale (le pouvoir des rois de France s'est affirmé avec l'agrandissement de leur domaine). Les deux notions ne sont pas toutefois synonymes (nous parlons bien du domaine public, pas de la possession privée), car il peut y avoir des liens de subordination temporels qui ne reposent pas sur un territoire. Le seul dominium concédé aux Indiens par la papauté, c'est il me semble la propriété privée. Mais ceci est resté lettre morte, voir le lien suivant sur la répartition des terres en Amérique du Sud :
http://delahayeoli.blogspot.fr/2009/12/les-bulles-alexandrines-et-la-structure.html
De plus les rapports des Indiens avec la terre étaient d'une autre nature.
Sur le droit international : il portait un autre nom, droit des nations, mais quand il était question de "famille des nations", il s'agissait du "christian common wealth" ou très précisément de "chrétienté".
A suivre...
DenisLouis- Messages : 1077
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Date d'inscription : 15/06/2013
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