[SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
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Roque
Rashid Al-Jundullah
DenisLouis
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
ah je tiens peut être quelque chose...
http://www.alterinfo.net/Analyse-de-la-falsification-historique-du-Vatican-au-sujet-des-bulles-papales-du-XVeme-siecle_a102364.html
http://www.alterinfo.net/Analyse-de-la-falsification-historique-du-Vatican-au-sujet-des-bulles-papales-du-XVeme-siecle_a102364.html
phobos- Messages : 77
Date d'inscription : 17/02/2013
Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Les bulles alexandrines et la structure foncière en Amérique latine :
http://delahayeoli.blogspot.fr/2009/12/les-bulles-alexandrines-et-la-structure.html
Un aspect important est la marchandisation de la terre.
http://delahayeoli.blogspot.fr/2009/12/les-bulles-alexandrines-et-la-structure.html
Un aspect important est la marchandisation de la terre.
DenisLouis- Messages : 1072
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Age : 73
Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Entendu d'une oreille distraite hier sur France -Inter ( 30 minutes c'est raisonnable!)
Des Indiens qui fascinent. Des aventuriers et des commerçants de tous poils qui intriguent, des Portugais, pas bien nombreux qui cherchent à organiser une colonie où ils trouveraient assez de bois pour construire des bateaux qui les emmèneraient encore plus loin...Carte française de la baie de Guanabara vers 1555 par Duval
Et, l'espace d'un instant, en 1555-1560, une poignée de Français qui s'insinue dans ce grand jeu. L'aventure de la France antarctique - c'est le nom qu'elle se donne - ne durera que très peu d'années. Mais elle se prolongera dans la controverse religieuse : bien des chrétiens, tolérants ou protestants, regretteront "l'Eglise du Fort de Coligny en l'Amérique" telle qu'elle aurait pu se constituer dans la baie de Rio. Et la réflexion philosophique en sera marquée. Sans cette première expédition française au pays de braise, Montaigne n'aurait pas réfléchi sur les cannibales et le mythe du bon sauvage n'aurait pas été ce qu'il fut. Enfin, étonnant rebondissement en ce début de XXIe siècle, nous n'aurions pas eu ..."Rouge Brésil"...
wikipédia a écrit:Rouge Brésil raconte un épisode aussi extraordinaire que mal connu de la Renaissance : la première conquête du Brésil par les Français, sous la conduite d’un chevalier de Malte, Nicolas Durand de Villegagnon En 1555, une expédition censée profitable au commerce et au royaume est montée au nom d’Henri II pour fonder la France antarctique sous les tropiques.
Pour ramener l’ordre dans une île menacée par toutes les corruptions, Villegagnon demande l’aide de Calvin, ignorant son évolution radicale. En fait de secours, l’arrivée de cette seconde expédition de calvinistes a surtout pour effet de transformer l’île en champ de batailles théologiques et de précipiter la fin de la colonie. C’est le prélude, dix ans auparavant, des guerres de religion qui vont ravager la France pour longtemps.
Idriss- Messages : 7124
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Date d'inscription : 25/05/2012
Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Les romans de Rufin sont toujours intéressants. J'avais lu "Katiba", bien avant les événements du Mali, mais tout y est déjà.
En 1493 quatre points étaient acquis concernant la conquête et son droit :
-L'Eglise avait autorité pour garantir au rois chrétiens une forme de possession et de souveraineté sur les peuples infidèles.
-L'exploration et la colonisation permettait à la papauté d'assumer une protection universelle sur tout le troupeau de l'humanité, y compris les infidèles.
-Espagne et Portugal avait des droits exclusifs par rapport aux autres pas européens.
-En cas de nouvelles découvertes par l'Espagne et le Portugal dans leurs sphères respectives, il suffisait d'une prise de possession symbolique (comme ériger des croix).
Après les découvertes de Colomb et la prise de pouvoir sur ces terres, des actes de contraintes et de violences furent commis contre les Indiens, Isabelle fut scandalisée et envoya un nouveau gouverneur pour mettre fin à l'esclavage et transmettre le catholicisme. Peu de temps après cependant fut mis en application le système de travail forcé de l'encomienda.
Peu de prêtres furent envoyés au début, le roi attendait l'autorisation papale de nommer lui-même des évêques. Le pape accepta en échange d'une aide contre la France. Vint ensuite le premier évêque et des prêtres dominicains, lesquels protestèrent aussitôt quand ils virent la manière dont on traitait les Indiens. Le roi n'apprécia pas, ordonna que l'on montre les bulles papales aux religieux et qu'ils cessent leurs sermons contre les activités de l'Espagne.
Mais les rapports des dominicains suscitèrent un débat juridique et religieux sur les droits de la couronne à l'encontre des indigènes. Le roi s'appuyait sur les bulles papales, cependant les protestations réouvrirent la question et le roi convoqua un conseil de juristes et de théologiens ; cette assemblée trouva correcte et légale la manière d'agir de l'Espagne.
En 1493 quatre points étaient acquis concernant la conquête et son droit :
-L'Eglise avait autorité pour garantir au rois chrétiens une forme de possession et de souveraineté sur les peuples infidèles.
-L'exploration et la colonisation permettait à la papauté d'assumer une protection universelle sur tout le troupeau de l'humanité, y compris les infidèles.
-Espagne et Portugal avait des droits exclusifs par rapport aux autres pas européens.
-En cas de nouvelles découvertes par l'Espagne et le Portugal dans leurs sphères respectives, il suffisait d'une prise de possession symbolique (comme ériger des croix).
Après les découvertes de Colomb et la prise de pouvoir sur ces terres, des actes de contraintes et de violences furent commis contre les Indiens, Isabelle fut scandalisée et envoya un nouveau gouverneur pour mettre fin à l'esclavage et transmettre le catholicisme. Peu de temps après cependant fut mis en application le système de travail forcé de l'encomienda.
Peu de prêtres furent envoyés au début, le roi attendait l'autorisation papale de nommer lui-même des évêques. Le pape accepta en échange d'une aide contre la France. Vint ensuite le premier évêque et des prêtres dominicains, lesquels protestèrent aussitôt quand ils virent la manière dont on traitait les Indiens. Le roi n'apprécia pas, ordonna que l'on montre les bulles papales aux religieux et qu'ils cessent leurs sermons contre les activités de l'Espagne.
Mais les rapports des dominicains suscitèrent un débat juridique et religieux sur les droits de la couronne à l'encontre des indigènes. Le roi s'appuyait sur les bulles papales, cependant les protestations réouvrirent la question et le roi convoqua un conseil de juristes et de théologiens ; cette assemblée trouva correcte et légale la manière d'agir de l'Espagne.
DenisLouis- Messages : 1072
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Le juriste espagnol Juan Lopez de Palacios Rubios rédigea en 1512 le texte du Requerimiento (dans le lien discussion d'une possible influence des guerres avec l'islam), sommation de se soumettre aux Espagnols et de reconnaitre l'Eglise comme reine et souveraine du monde, qui devait être lue par les conquistadors lors de la première rencontre avec les Indiens ou avant une bataille.
Ce texte remontait à Adam, puis passait à Saint Pierre et aux papes, puis aux Espagnols auxquels le pape avait fait don de l'Amérique. En cas de refus de soumission ils s'exposaient à la guerre et à l'esclavage. Toutes les conséquences du refus seraient de la responsabilité unique des Indiens. Ce texte très souvent ne fut pas lu, ou de loin, et dans une langue que les Indiens ne connaissaient pas.
Un sermon d'un protestant en 1932 sur la colonisation :
http://www.careme-protestant.org/spip.php?article308
Ce texte remontait à Adam, puis passait à Saint Pierre et aux papes, puis aux Espagnols auxquels le pape avait fait don de l'Amérique. En cas de refus de soumission ils s'exposaient à la guerre et à l'esclavage. Toutes les conséquences du refus seraient de la responsabilité unique des Indiens. Ce texte très souvent ne fut pas lu, ou de loin, et dans une langue que les Indiens ne connaissaient pas.
Un sermon d'un protestant en 1932 sur la colonisation :
http://www.careme-protestant.org/spip.php?article308
DenisLouis- Messages : 1072
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Date d'inscription : 15/06/2013
Age : 73
Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Le juriste espagnol Juan Lopez de Palacios Rubios rédigea en 1512 le texte du Requerimiento
extraordinaire que cet article, merçi de nous l'avoir fait partager
phobos- Messages : 77
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Dans le débat théorique, légal, politique et spirituel qui se manifesta en Espagne après la découverte et la colonisation de l'Amérique du Sud, exemplifié dans la Controverse de Valladolid entre de Sepulveda et La Casas, intervient le dominicain Francisco de Vitoria. Il avait une position centrale en tant que théologien à Salamanque et conseiller royal, il est reconnu comme un des premiers auteurs en droit international et comme le plus important théoricien espagnol en la matière au XVIème siècle.
[La notion de « terra nullius » : si les bulles papales ne contiennent pas ce terme juridique, sa réalité est bien là, en ce sens que ces terres sont alors considérées par les papes comme dépourvues d’une autorité souveraine ou dépourvue d’une autorité digne d’être prise en compte.]
Vitoria reconnait les droits naturels des Indiens, ils sont des êtres libres et rationnels, ils ont le droit de souveraineté, le dominium. Le titre de l'Espagne sur l'Amérique ne peut résulter d'une donation papale, car le pape ne peut pas enlever aux indigènes leurs droits naturels. La "découverte" n'a aucun pouvoir d'enlever aux Indiens la possession de leur terre en tant que premiers occupants. Toute décision papale en ce domaine est invalide, le pape n'a aucun pouvoir temporel sur les Indiens, pas plus que sur tout autre non croyant.
Que les Indiens ne reconnaissent aucune autorité au pape ne donne pas le droit de leur déclarer la guerre et de de saisir leurs possessions.
Il conclut cependant que la violation par les Indiens de la loi des nations telle que définie par les Européens autorise leur conquête et domination par les puissances chrétiennes. Les Indiens doivent se soumettre à la loi naturelle des Européens, ce qui inclut le droit des Espagnols à voyager où ils veulent, à commercer comme ils l'entendent, à acquérir tous les biens qu'ils jugent utiles, particulièrement les métaux précieux qui seront à l’origine d’un enrichissement considérable.
Les Indiens ont l’obligation de ne pas empêcher l’évangélisation sous peine de guerre, le pape a le pouvoir exclusif de confier l’évangélisation à un prince chrétien.
Si Vitoria reconnait les droits naturels des Indiens et remet en cause l’autorité papale dans le domaine temporel, néanmoins sa conception du droit est totalement eurocentrée, les droits des natifs tels que ceux-ci les comprennent sont ignorés. La nouvelle conception est aussi destructrice pour les Indiens que la justification par la donation papale.
[La notion de « terra nullius » : si les bulles papales ne contiennent pas ce terme juridique, sa réalité est bien là, en ce sens que ces terres sont alors considérées par les papes comme dépourvues d’une autorité souveraine ou dépourvue d’une autorité digne d’être prise en compte.]
Vitoria reconnait les droits naturels des Indiens, ils sont des êtres libres et rationnels, ils ont le droit de souveraineté, le dominium. Le titre de l'Espagne sur l'Amérique ne peut résulter d'une donation papale, car le pape ne peut pas enlever aux indigènes leurs droits naturels. La "découverte" n'a aucun pouvoir d'enlever aux Indiens la possession de leur terre en tant que premiers occupants. Toute décision papale en ce domaine est invalide, le pape n'a aucun pouvoir temporel sur les Indiens, pas plus que sur tout autre non croyant.
Que les Indiens ne reconnaissent aucune autorité au pape ne donne pas le droit de leur déclarer la guerre et de de saisir leurs possessions.
Il conclut cependant que la violation par les Indiens de la loi des nations telle que définie par les Européens autorise leur conquête et domination par les puissances chrétiennes. Les Indiens doivent se soumettre à la loi naturelle des Européens, ce qui inclut le droit des Espagnols à voyager où ils veulent, à commercer comme ils l'entendent, à acquérir tous les biens qu'ils jugent utiles, particulièrement les métaux précieux qui seront à l’origine d’un enrichissement considérable.
Les Indiens ont l’obligation de ne pas empêcher l’évangélisation sous peine de guerre, le pape a le pouvoir exclusif de confier l’évangélisation à un prince chrétien.
- Le Droit et l'Ecole de Salamanque:
La doctrine juridique de l'École de Salamanque a signifié la fin des concepts médiévaux du Droit, avec une revendication de liberté inhabituelle dans l'Europe de l'époque. Les droits naturels de l'homme sont devenus, d'une manière ou d'une autre, le centre d'intérêt, tant pour ceux relatifs au corps (droit à la vie, à la propriété) que ceux liés à l'esprit (droit à la liberté de pensée, à la dignité).
Droit naturel et droits humains
L'École de Salamanque a reformulé le concept de Droit naturel. Celui-ci provient de la nature même, et tout ce qui existe selon l'ordre naturel partage ce droit. La conclusion évidente est donc que tous les hommes partageant la même nature partagent aussi les mêmes droits comme l'égalité ou la liberté. Face à la conception prédominante en Espagne et en Europe, considérant les indiens d'Amérique comme des mineurs ou incapables, la grande nouveauté a été la reconnaissance de leurs droits, comme ceux de rejeter la conversion forcée ou le droit à la propriété de leurs terres. Puisque l'homme ne vit pas isolé mais en société, la loi naturelle n'est pas limitée à l'individu. Ainsi, par exemple, la justice est un exemple de loi naturelle qui est effectuée dans la société. Pour Gabriel Vázquez (1549-1604) agir avec justice est un devoir dicté par la loi naturelle.
Souveraineté
L'École de Salamanque a distingué deux pouvoirs, le domaine naturel ou civil, et le domaine surnaturel, qui ne se différenciaient pas au Moyen Âge. Une conséquence directe de la séparation des pouvoirs est que le roi ou l'empereur n'a pas d'autorité sur les âmes, ni le pape de pouvoir temporel. Ils ont même proposé que le pouvoir du dirigeant a ses limites. Ainsi, selon Luis de Molina une nation est analogue à une société marchande dans laquelle les dirigeants seraient les administrateurs, mais où le pouvoir réside dans l'ensemble de ses administrés considérés individuellement.
Francisco de Vitoria a peut-être été le premier à développer une théorie sur le jus gentium (droit des personnes) qui sans aucun doute peut être qualifié de moderne. Il a développé ses idées d'un pouvoir souverain légitime sur la société au cadre international, en concluant que ce cadre doit aussi être régi par des règles justes et respectueuses des droits de tous. Le bien commun de l'univers est de rang supérieur au bien de chaque état. Cela signifie que les relations entre états ne devaient plus être justifiées par la force, mais être justifiées par le droit et la justice. C'est ce qui fait de Francisco de Vitoria le créateur du droit international.
On décomposa l'ius gentium. Francisco Suárez, qui travaillait déjà sur ces catégories bien distinctes, distinguait entre ius inter gentes et ius intra gentes. Tandis que l'ius inter gentes, qui correspondrait au droit international moderne, était commun à la plupart des pays (étant un droit positif, non naturel, ne doit pas être obligatoire à tous les peuples), l'ius intra gens ou droit civil est spécifique à chaque nation.
Guerre juste
Puisque la guerre est un des pires maux dont puisse souffrir l'homme, les membres de l'École en déduisirent qu'on ne peut pas y recourir dans toutes les occasions, mais seulement pour éviter un mal plus grand. Il est même préférable d'avoir un accord raisonnable plutôt que d'entamer un conflit. Des exemples de guerre juste sont :
pour sa propre défense, pourvu qu'il ait des possibilités de succès. Si elle est condamnée à l'avance à l'échec, cette guerre ne serait qu'une effusion inutile de sang
Guerre préventive contre un tyran qui est sur le point d'attaquer
Guerre de punition contre un ennemi coupable
Mais une guerre est licite ou illicite non seulement en fonction du motif déclencheur, mais doit aussi remplir toute une série de conditions supplémentaires :
Il est nécessaire que la réponse soit proportionnelle au mal, si on utilise davantage de violence que celle strictement nécessaire, elle en deviendrait injuste.
Le dirigeant est celui qui doit déclarer la guerre, mais sa décision n'est pas une cause suffisante pour la commencer. Si la population s'y oppose elle est illicite. Évidemment, si le dirigeant veut entreprendre une guerre injuste, il est préférable de le détrôner avant et de le juger.
Une fois la guerre commencée on ne peut pas tout y faire, comme attaquer des innocents ou tuer des otages, il y a des limites morales.
Il est nécessaire de rechercher toutes les possibilités de dialogue et de négociation avant de l'entreprendre une guerre, seule est licite la guerre comme dernier recours.
Sont injustes les guerres expansionnistes, le pillage, dans un but de conversion des infidèles ou païens, par la gloire, etc.
Voir aussi : Doctrine de la guerre juste
Conquête de l'Amérique
En ce début du colonialisme, l'Espagne a été le seul pays européen dans lequel un groupe important d'intellectuels a proposé d'étudier les conditions de légitimité d'une conquête au lieu d'essayer de la justifier par des motifs traditionnels.
Francisco de Vitoria a commencé son analyse de la conquête en rejetant les titres illégitimes. Il a été le premier à oser nier que les bulles d'Alexandre VI (regroupées sous le terme des Bulles de la Donation) étaient un titre valable de possession des terres découvertes. Pas plus la primauté universelle de l'empereur que l'autorité du Pape (qui manque de pouvoir temporel) n'étaient acceptables, ni une soumission ou une conversion volontaires des indiens d'Amérique. Ils ne pouvaient pas être considérés pécheurs ou peu intelligents, mais étaient libres par nature et propriétaires légitimes de leurs terres. Quand les Espagnols sont arrivés en Amérique ils ne portaient aucun titre légitime pour occuper ces terres qui en avaient déjà.
Vitoria a aussi analysé l'existence possible de motifs qui justifieraient un certain type de domination sur les terres découvertes. Il a trouvé jusqu'à huit titres légitimes de domination.
Le premier qu'il indique, peut-être le plus fondamental, est en rapport avec la communication entre les hommes, qui constituent ensemble une société universelle. L'ius peregrinandi et degendi est le droit de tout être humain de voyager et de traiter sur toute la terre, indépendamment du gouvernement ou de la religion de chaque territoire. Si les Indiens ne permettaient pas le libre passage, il était juste de se défendre, et de rester sur les territoires obtenus par cette guerre.
Le second titre fait référence à un autre droit dont l'empêchement était aussi une cause de guerre juste. Les Indiens pouvaient volontairement rejeter la conversion, mais ne devaient pas empêcher les Espagnols de prêcher, sans quoi on se retrouvait dans une situation analogue à celle du premier titre. Toutefois Vitoria fait remarquer que même si c'était une cause de guerre juste, elle ne serait cependant pas opportune du fait des décès qu'elle pourrait causer. Les titres suivants, de moindre d'importance, sont :
Si les souverains païens forcent les convertis à retourner à l'idolâtrie.
S'il y a un nombre suffisant de chrétiens convertis, ils peuvent recevoir du Pape un dirigeant chrétien.
S'il y a tyrannie ou dommages faits à des innocents (sacrifices…)
En raison de partenaires et d'amis attaqués, comme les tlaxcaltecas, alliés des Espagnols mais soumis, comme beaucoup de peuples, par les aztèques.
Le dernier titre légitime, bien que qualifié par Vitoria lui-même de douteux, est le manque de lois justes, de magistrats, de techniques agricoles, etc. En tout cas, il serait toujours motivé par la charité chrétienne et pour le bien des Indiens.
http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_de_Salamanque
Si Vitoria reconnait les droits naturels des Indiens et remet en cause l’autorité papale dans le domaine temporel, néanmoins sa conception du droit est totalement eurocentrée, les droits des natifs tels que ceux-ci les comprennent sont ignorés. La nouvelle conception est aussi destructrice pour les Indiens que la justification par la donation papale.
DenisLouis- Messages : 1072
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Date d'inscription : 15/06/2013
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Reprenons le débat. Ce sujet historique n’est pas facile pour moi. Habituellement je ne m'y engage pas car je n'y connais rien … mais comme j’avais un peu avancé, il faut que j’essaie de terminer …
Un gros amalgame est habituellement fait sur ce sujet complexe et il est difficile à démêler le vrai du faux, si on ne passe pas chaque argument par une analyse critique soigneuse. Tout d’abord, un extrait qui me semble un bon reflet de cet amalgame d’idées pas nécessairement ni logiquement ou juridiquement cohérentes, ni historiquement vraies :
Mon but est d'essayer d’analyser, ici, cette accusation d’une prétendue « doctrine de la découverte » qui aurait été bâtie sur les bulles papales : Romanus Pontifex (1454) et Inter Caetera (1494).
LES DEUX BULLES INCRIMINEES
Commençons par relire attentivement ces deux bulles : leur contenu, leur contexte.
1. La bulle Romanus Pontifex de 1454
Cette bulle du pape Nicolas V donne une exclusivité de conquête et de possession au roi catholique Alphonse 1er du Portugal et à ses successeurs sur la voie maritime longeant le continent africain sur sa rive marocaine, puis la rive appelée à l'époque : « guinéenne ».
L’idée explicite de la bulle est double : une volonté de reconquête sur les Sarrasins et d’ouverture d’une voie maritime d’accès aux Indes : « qui sont dites adorer le nom de Jésus-Christ ».
Il est possible que le mythe du royaume chrétien du Prêtre Jean, imaginé aux Indes ou en Asie ait joué un rôle dans cette exploration, l’idée étant de trouver un allié prenant à revers les Sarrasins.
La justification par le pape de ces conquêtes du roi du Portugal
La justification est qu’il s’agit essentiellement d’une reconquête sur « les Sarrasins et les païens quel qu’ils soient, et d'autres ennemis du Christ » assortie - selon les lois de guerre de l’époque - de la saisie de leurs propriétés et biens comme butin et de leur mise « en servitude perpétuelle ». Signalons, qu'à l'époque, les Sarrasins, eux-mêmes, réduisaient également en esclavage leurs ennemis chrétiens capturés au combat.
Le contexte de cette bulle de 1454
La conquête portugaise est amorcée avec la prise de Ceuta (1415). Parallèlement – au large des îles déjà conquises des Açores (1427) et du Cap Vert (1444) - le Portugal va découvrir découvert le Brésil (1500) qui est alors pris pour la côte orientale des Indes (les « Indes orientales »). La voie maritime du « sud » longeant le Maroc ne sera comprise comme le contournement du continent africain que beaucoup plus tard avec le retour de Vasco de Gama des Indes (1499), puis le retour de Rafael Perestrello de Chine (1513)
Cette conquête maritime débute dès que le Portugal est libéré de l’effort de reconquête de sa région méridionale (Algarve) sur les Sarrasins (1249) et libéré de la menace sur son indépendance de la Castille - alliée aux français - après la bataille d'Aljubarrota (1385). ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Empire_colonial_portugais )
Cette « reconquête » qui a, au départ, un motif religieux et de découverte, se transforme rapidement avec une recherche d’une voie alternative vers les Indes pour des raisons commerciales, surtout après la prise de Constantinople par Mehmed II en 1453.
La bulle Romanus Pontifex de 1454 est directement motivée par la perte de Constantinople en 1453. Du point de vue du pape, c’est la volonté de reconquête sur les Sarrasins – en quelque sorte de « croisade » - et d’expansion de la foi qui priment. ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Romanus_pontifex )
Mais, le pape est devant un fait accompli portugais : la dynamique de conquête du Portugal précède de plusieurs décennies cette bulle (Ceuta : 1415 ; Madère : 1419 ; Açores : 1427 ; Cap Bojador : 1434 ; Cap Vert : 1444 ; Mauritanie et Sénégal : 1445). Le pape n’en est pas à l’origine, mais la justifie et l’encourage à des fins d’expansion du christianisme. L’essor de la « découverte » se fait avec les moyens propres du Portugal. Cet essor tient certainement à un ensemble complexe de facteurs : historiques, politiques, militaires, commerciaux et capitalistiques ou techniques, comme l’invention de la caravelle (1434), citée dans la bulle.
Commentaires et interprétation
Sur un point, au moins, le pape ne s’est pas trompé : avec d’un côté, sur le Bosphore : la fermeture de la voie terrestre vers les Indes du fait de la prise de Constantinople et de l’autre côté, le long des côtes du Maroc : l’ouverture d’une voie maritime (invention de la caravelle en 1434), cette bulle survient à un moment charnière de l’histoire de l’expansion de l’occident et de la chrétienté.
L’exclusivité octroyée par le pape au roi de Portugal est à l’origine directe du monopole colonial et commercial du Portugal sur l’Atlantique sud, sur l’Océan indien et vers le Brésil. Ce monopole va aussi contraindre Christophe Colomb à choisir une voie maritime « ouest ». Cette bulle va donc aussi - indirectement - induire le débarquement de Christophe Colomb sur l’ile d’Hispaniola (Saint Domingue).
Cette bulle justifie la conquête par une doctrine de la reconquête et non par la fameuse doctrine de la découverte. Il s’agit de la reconquête sur les Sarrasins « et autres ennemis du Christ », donc du droit de la guerre. Il n’est donc pas possible de tirer de cette bulle une position sur le droit civil ayant trait au droit à la propriété - ou non - des autochtones (voir : la question de la « Terra Nullius » plus bas).
Une première cargaison d’esclaves est signalée en 1444. A quelle destination, pour quel « marché » ? Je n’ai malheureusement rien trouvé là-dessus. Bien entendu il s’agit d’un esclavage antérieur au « commerce triangulaire » car les « Amériques » ne seront découvertes que 50 ans plus tard.
2. La bulle Inter Caetera de 1493
La bulle du pape Alexandre VI se félicite du rétablissement du Royaume de Grenade et de la découverte Christophe Colomb, la même année en 1492. L’Espagne avance ses pions vers l’ouest, c’est encore un fait accompli - cette fois de l'Espagne - et la bulle du pape établit une ligne de démarcation entre la zone de conquête du roi du Portugal et celle du roi d’Espagne :
L’objectif est en premier lieu d’éviter les conflits territoriaux entre ces rois catholiques – y compris avec d’éventuels rois chrétiens préalablement établis - mais aussi de les encourager à de nouvelles conquêtes favorisant les conversions.
Le contexte de la bulle
La bulle Inter Caetera est à situer par rapport à deux faits nouveaux qui viennent compléter et préciser le contexte de la bulle précédente : fin de la Reconquista espagnole et espoir d’ouverture de deux voies maritimes vers les « Indes » au sud et vers l’ouest :
- Rétablissement du Royaume de Grenade : 1492 ;
- Passage du cap de Bonne Espérance : 1488 ;
- Découverte de l’Ile l’Hispaniola (Saint Domingue) par Christophe Colomb la même année en 1492.
La bulle est précédée par la découverte de Christophe Colomb, l’année précédente. Christophe Colomb ne va pas tarder à décimer et à réduire les autochtones en esclavage - bien avant que la reine d’Espagne ou le pape n’en soient informés, bien avant le désaveu qui lui sera infligé par la reine (1500) et l’arrivée des premiers missionnaires (1510).
Globalement, cette bulle - comme la précédente - a une visée stratégique internationale : éviter la confrontation entre les rois catholiques et conjuguer leurs efforts en vue de l'expansion du christianisme – cette perspective est totalement différente des considérations de droit civil sur le droit ou le déni de droit de propriété des autochtones qu'on prête à ces bulles papales. (voir « Terra Nullius » plus bas).
3. Le Traite de Tordesillas de 1494
Le Traite de Tordesillas de 1494 est un accord bilatéral signé conjointement par l’Espagne et le Portugal, à la différence des bulles qui sont des décrets signés uniquement par le pape.
Nous faisons un petit développement sur ce sujet, car il jouera un rôle dans l'argumentation qui va suivre (fabrication de la " doctrine de la découverte ", statut juridique et pérennité historique de la construction résultante).
Un gros amalgame est habituellement fait sur ce sujet complexe et il est difficile à démêler le vrai du faux, si on ne passe pas chaque argument par une analyse critique soigneuse. Tout d’abord, un extrait qui me semble un bon reflet de cet amalgame d’idées pas nécessairement ni logiquement ou juridiquement cohérentes, ni historiquement vraies :
DenisLouis a écrit:La construction juridique, nommée la doctrine de la découverte, incluant la notion de "terra nullius" qui a été mise en place à partir des bulles papales autorisait les états chrétiens arrivant sur des terres non chrétiennes et réputées sans souveraineté à prendre possession des lieux et d'en acquérir les droits politiques et commerciaux au détriment et sans l'accord des populations indigènes.
Mon but est d'essayer d’analyser, ici, cette accusation d’une prétendue « doctrine de la découverte » qui aurait été bâtie sur les bulles papales : Romanus Pontifex (1454) et Inter Caetera (1494).
LES DEUX BULLES INCRIMINEES
Commençons par relire attentivement ces deux bulles : leur contenu, leur contexte.
1. La bulle Romanus Pontifex de 1454
Cette bulle du pape Nicolas V donne une exclusivité de conquête et de possession au roi catholique Alphonse 1er du Portugal et à ses successeurs sur la voie maritime longeant le continent africain sur sa rive marocaine, puis la rive appelée à l'époque : « guinéenne ».
L’idée explicite de la bulle est double : une volonté de reconquête sur les Sarrasins et d’ouverture d’une voie maritime d’accès aux Indes : « qui sont dites adorer le nom de Jésus-Christ ».
- Spoiler:
« Par ailleurs, depuis quelque temps, il était venu à la connaissance de ladite infante que jamais, ou du moins pas dans la mémoire des hommes, on avait pris l'habitude de naviguer sur cette mer océan vers les rives sud et est [de l’Atlantique], et que cela était si inconnu de nous, les Occidentaux que nous n'avions aucune connaissance certaine des peuples de ces régions, croyant qu'il [le roi] accomplirait mieux son devoir envers Dieu en cette affaire, si par son effort et son industrie, la mer puisse devenir navigable jusqu'aux Indes qui sont dites adorer le nom de Jésus-Christ, et qu’ainsi il pourrait être en mesure d'entrer en relation avec eux, et de les inciter à aider les chrétiens contre les Sarrasins et d'autres ennemis de la foi, et pourrait également être immédiatement en mesure de soumettre certains peuples de gentils ou païens, vivant dans l’intervalle, qui sont tout à fait indemne d'infection par la secte de Mahomet la plus impie, et prêcher et faire prêcher le nom inconnu, mais le plus sacré du Christ, renforcée, cependant, toujours par l'autorité royale, il n'a cessé depuis vingt-cinq années passées d’envoyer presque chaque année une foule de gens des dits royaumes [du Portugal et de l’Algarve] moyennant le plus grand travail, danger, et dépense, dans des navires très rapides appelés caravelles, à la découverte de la mer et de la côte terrestre vers le sud et le pôle antarctique. »
Il est possible que le mythe du royaume chrétien du Prêtre Jean, imaginé aux Indes ou en Asie ait joué un rôle dans cette exploration, l’idée étant de trouver un allié prenant à revers les Sarrasins.
La justification par le pape de ces conquêtes du roi du Portugal
La justification est qu’il s’agit essentiellement d’une reconquête sur « les Sarrasins et les païens quel qu’ils soient, et d'autres ennemis du Christ » assortie - selon les lois de guerre de l’époque - de la saisie de leurs propriétés et biens comme butin et de leur mise « en servitude perpétuelle ». Signalons, qu'à l'époque, les Sarrasins, eux-mêmes, réduisaient également en esclavage leurs ennemis chrétiens capturés au combat.
- Spoiler:
« Nous [donc] pesant tout et les prémisses particuliers avec la méditation qui convient, et notant que depuis que nous avons précédemment par nos autres lettres accordé entre autres choses gratuite et la large faculté au précité roi Alphonse - d'envahir, chercher, capturer, vaincre, et soumettre tous les Sarrasins et les païens quel qu’ils soient, et d'autres ennemis du Christ où qu'ils soient placés, et les royaumes, duchés, principautés, domaines, biens, et tous les biens mobiliers et immobiliers quel qu’ils soient détenus et possédés par eux et de réduire leurs personnes en servitude perpétuelle, et de s’application et de s’approprier à lui-même et son successeur les royaumes, duchés, principautés, domaines et biens et de les convertir à son et à leur utilisation et profit – en ayant assuré ladite faculté, ledit roi Alphonse, ou, par son autorité, l'infante précitée, justement et légalement a acquis et possédé, et possède, ces îles, les terres, les ports, et les mers, et ils appartiennent et se rapportent de droit au dit roi Alphonse et à ses successeurs, ni sans autorisation spéciale du roi Alphonse et de ses successeurs eux-mêmes qui a un autre intitulé identique de la foi au Christ, ni est-il par quelque moyens actuellement en droit légalement de s’en mêler – afin que le roi Alphonse lui-même et ses successeurs et l'infante puissent être en mesure de continuer de la façon la plus zélée et puissent poursuivre ce travail des plus pieux et nobles, et des plus dignes de perpétuelle mémoire (lequel, depuis le salut des âmes, l'accroissement de la foi, et la défaite de ses ennemis ainsi obtenue, nous considérons comme un travail où la gloire de Dieu et la foi en Lui, et sa communauté (Commonwealth), l'Eglise universelle, sont concernés à mesure qu'ils seront - après avoir été libérés de tous les plus grands obstacles - pris en charge par nous et par le Siège Apostolique avec faveurs et grâces. »
Le contexte de cette bulle de 1454
La conquête portugaise est amorcée avec la prise de Ceuta (1415). Parallèlement – au large des îles déjà conquises des Açores (1427) et du Cap Vert (1444) - le Portugal va découvrir découvert le Brésil (1500) qui est alors pris pour la côte orientale des Indes (les « Indes orientales »). La voie maritime du « sud » longeant le Maroc ne sera comprise comme le contournement du continent africain que beaucoup plus tard avec le retour de Vasco de Gama des Indes (1499), puis le retour de Rafael Perestrello de Chine (1513)
Cette conquête maritime débute dès que le Portugal est libéré de l’effort de reconquête de sa région méridionale (Algarve) sur les Sarrasins (1249) et libéré de la menace sur son indépendance de la Castille - alliée aux français - après la bataille d'Aljubarrota (1385). ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Empire_colonial_portugais )
Cette « reconquête » qui a, au départ, un motif religieux et de découverte, se transforme rapidement avec une recherche d’une voie alternative vers les Indes pour des raisons commerciales, surtout après la prise de Constantinople par Mehmed II en 1453.
La bulle Romanus Pontifex de 1454 est directement motivée par la perte de Constantinople en 1453. Du point de vue du pape, c’est la volonté de reconquête sur les Sarrasins – en quelque sorte de « croisade » - et d’expansion de la foi qui priment. ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Romanus_pontifex )
Mais, le pape est devant un fait accompli portugais : la dynamique de conquête du Portugal précède de plusieurs décennies cette bulle (Ceuta : 1415 ; Madère : 1419 ; Açores : 1427 ; Cap Bojador : 1434 ; Cap Vert : 1444 ; Mauritanie et Sénégal : 1445). Le pape n’en est pas à l’origine, mais la justifie et l’encourage à des fins d’expansion du christianisme. L’essor de la « découverte » se fait avec les moyens propres du Portugal. Cet essor tient certainement à un ensemble complexe de facteurs : historiques, politiques, militaires, commerciaux et capitalistiques ou techniques, comme l’invention de la caravelle (1434), citée dans la bulle.
Commentaires et interprétation
Sur un point, au moins, le pape ne s’est pas trompé : avec d’un côté, sur le Bosphore : la fermeture de la voie terrestre vers les Indes du fait de la prise de Constantinople et de l’autre côté, le long des côtes du Maroc : l’ouverture d’une voie maritime (invention de la caravelle en 1434), cette bulle survient à un moment charnière de l’histoire de l’expansion de l’occident et de la chrétienté.
L’exclusivité octroyée par le pape au roi de Portugal est à l’origine directe du monopole colonial et commercial du Portugal sur l’Atlantique sud, sur l’Océan indien et vers le Brésil. Ce monopole va aussi contraindre Christophe Colomb à choisir une voie maritime « ouest ». Cette bulle va donc aussi - indirectement - induire le débarquement de Christophe Colomb sur l’ile d’Hispaniola (Saint Domingue).
Cette bulle justifie la conquête par une doctrine de la reconquête et non par la fameuse doctrine de la découverte. Il s’agit de la reconquête sur les Sarrasins « et autres ennemis du Christ », donc du droit de la guerre. Il n’est donc pas possible de tirer de cette bulle une position sur le droit civil ayant trait au droit à la propriété - ou non - des autochtones (voir : la question de la « Terra Nullius » plus bas).
Très vite le commerce très lucratif de l'or, de l'ivoire et des esclaves se substitue à l'esprit de découverte et de croisade.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Empire_colonial_portugais
Une première cargaison d’esclaves est signalée en 1444. A quelle destination, pour quel « marché » ? Je n’ai malheureusement rien trouvé là-dessus. Bien entendu il s’agit d’un esclavage antérieur au « commerce triangulaire » car les « Amériques » ne seront découvertes que 50 ans plus tard.
2. La bulle Inter Caetera de 1493
La bulle du pape Alexandre VI se félicite du rétablissement du Royaume de Grenade et de la découverte Christophe Colomb, la même année en 1492. L’Espagne avance ses pions vers l’ouest, c’est encore un fait accompli - cette fois de l'Espagne - et la bulle du pape établit une ligne de démarcation entre la zone de conquête du roi du Portugal et celle du roi d’Espagne :
… ladite ligne doit être éloignée d’une centaine de lieues vers l’ouest et le sud de l’une des îles couramment connue sous le nom des Açores et du Cap Vert. Avec cette réserve toutefois qu’aucune des îles ou terres continentales … [ne soient] dans la possession réelle d’un roi chrétien …
L’objectif est en premier lieu d’éviter les conflits territoriaux entre ces rois catholiques – y compris avec d’éventuels rois chrétiens préalablement établis - mais aussi de les encourager à de nouvelles conquêtes favorisant les conversions.
Le contexte de la bulle
La bulle Inter Caetera est à situer par rapport à deux faits nouveaux qui viennent compléter et préciser le contexte de la bulle précédente : fin de la Reconquista espagnole et espoir d’ouverture de deux voies maritimes vers les « Indes » au sud et vers l’ouest :
- Rétablissement du Royaume de Grenade : 1492 ;
- Passage du cap de Bonne Espérance : 1488 ;
- Découverte de l’Ile l’Hispaniola (Saint Domingue) par Christophe Colomb la même année en 1492.
La bulle est précédée par la découverte de Christophe Colomb, l’année précédente. Christophe Colomb ne va pas tarder à décimer et à réduire les autochtones en esclavage - bien avant que la reine d’Espagne ou le pape n’en soient informés, bien avant le désaveu qui lui sera infligé par la reine (1500) et l’arrivée des premiers missionnaires (1510).
Globalement, cette bulle - comme la précédente - a une visée stratégique internationale : éviter la confrontation entre les rois catholiques et conjuguer leurs efforts en vue de l'expansion du christianisme – cette perspective est totalement différente des considérations de droit civil sur le droit ou le déni de droit de propriété des autochtones qu'on prête à ces bulles papales. (voir « Terra Nullius » plus bas).
3. Le Traite de Tordesillas de 1494
Le Traite de Tordesillas de 1494 est un accord bilatéral signé conjointement par l’Espagne et le Portugal, à la différence des bulles qui sont des décrets signés uniquement par le pape.
Nous faisons un petit développement sur ce sujet, car il jouera un rôle dans l'argumentation qui va suivre (fabrication de la " doctrine de la découverte ", statut juridique et pérennité historique de la construction résultante).
Ce traité de Tordesillas qui n’est reconnu que par l’Espagne et le Portugal – ne restera en vigueur que par la force, c’est-à-dire grâce à la suprématie maritime du Portugal et de l’Espagne. Dans les faits, ce traité sera remis en cause d’abord par le développement des corsaires, ensuite de nombreux comptoirs portugais seront récupérés par les Hollandais et les Anglais (entre 1580 et 1640).Le Traité de Tordesillas entre l'Espagne et le Portugal en 1494 changea un peu la ligne de démarcation, à 39°53' W.
En 1533, le roi de France François 1er demanda au pape Clément VII de changer la bulle en faveur de la France. Le pape précisa donc que la bulle n'affecte que les territoires occupés par l'Espagne ou le Portugal, toutes les terres nouvelles non occupées pouvant être réclamées par d'autres monarques chrétiens.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Inter_caetera
Après la première circumnavigation de Magellan (1522), il y aura une incertitude sur la position du méridien de démarcation dans le Pacifique. Ce méridien de démarcation devra être redéfini pour savoir à qui appartient, notamment, l’archipel des Moluques riche en épices. Après de nouvelles tractations, le traité de Saragosse (1529), établit la suite du méridien à 7,5 lieues à l'ouest de cet archipel, au profit du Portugal, l'Espagne se voyant attribuer une compensation financière.Le traité de Tordesillas devint réellement caduc lorsque les autres puissances (la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni) disposeront d'une flotte navale suffisante pour braver l'interdit hispano-portugais
http://fr.wikipedia.org/wiki/Trait%C3%A9_de_Tordesillas
Dernière édition par Roque le Jeu 28 Aoû - 12:20, édité 1 fois
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
TERRA NULLIUS
On retrouve un peu partout (Wikipédia !) la conviction que la notion ou le terme de « Terra Nullius » proviendrait des deux bulles papales – ci-dessus, mais cela est faux. C’est le point de plus facilement et le plus évidemment réfutable.
Le terme « Terra Nullius »
Pour le prétendu terme « Terra Nullius » dans les bulles papales, c’est simple : il suffit de lire le texte des décrets du pape – malheureusement pas disponible en français sur le net - pour s’en convaincre.
Par contre, l’article de Miller, Lesage and Lopez (MLL = Nebraska Law Review) traite de ce sujet (pages 849 et plus loin pages 869 à 871). L’usage de ce terme ou de cette notion commencerait avec l’Espagne dès le 15ème siècle : dans sa phase d’expansion coloniale (pages 869 à 871) et se retrouverait en Angleterre, en France, en Hollande et aux USA (page 849). Le même article MLL n’attribue à aucun moment ce terme à la pensée de l’Eglise.
Si on cherche sur le net, le terme n’est pas utilisé au 15ème siècle, mais seulement à partir du 18ème siècle. De plus ce terme a été d’abord été utilisée par les britanniques (pas catholiques, mais anglicans) pour la colonisation de l’Australie et l’expropriation des aborigènes. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Terra_nullius ).
La notion de « Terra Nullius »
Par définition : « Terra Nullius » signifie en latin : « territoire sans maître » (http://fr.wikipedia.org/wiki/Terra_nullius ). L’article MLL utilise plutôt l’expression : « vacant land », soit « territoire vacant » (MLL, page 849)
Cette notion existe-t-elle utilisée au 15ème siècle ?
L’article MLL, lui-même, reconnaît que l’usage de ce terme par les Espagnols au 15ème siècle est discutable (« questionnable » ; MLL, page 869). Mais pour justifier sa théorie et son accusation, le même article MLL cherche à introduire une distinction sur le double usage de « Terra Nullius ».
Autre remarque sur le vocabulaire approximatif des auteurs de l’article MLL, l’expression : « Les européens à cette époque » est un anachronisme. Au 15ème siècle, l’Europe politique n’existait évidemment pas. Le terme même « d’Europe » n’est utilisé de façon courante pour désigner le continent européen qu’à partir du 16ème siècle. Il est bien possible que cet anachronisme soit volontaire et serve finalement la thèse partisane des auteurs le l'article MLL ... qui tente de faire un amalgame extensif entre la pensée des rois et celle des papes depuis le 15ème siècle jusqu'à l'époque de la destruction des nations indiennes et aborigènes.
La notion « Terra Nullius » dans les bulles papales
La pensée papale – même au 13ème siècle avec le pape Innocent IV (1240) - reconnaît un droit aux autochtones appuyé sur une légitimité inscrite dans l’ordre des choses – c'est à dire la « loi naturelle ». Les auteurs de l’article MLL – sans doute trop conditionnés par le " droit positif " sécularisé du XXème siècle et par manque de compréhension intime de la pensée (la rationalité !) de l’Eglise - font une double confusion :
- Si effectivement, dans la pensée de l’Eglise de l’époque, la souveraineté, l’indépendance et les possessions des autochtones « découverts » peuvent être remises en cause, c’est en faisant appel à une autre notion que la notion de « Terra Nullius ». Dans la pensée de l’Eglise, il n’a jamais été question de prétendre qu’une terre habitée était vacante …
- Ce droit « naturel », appuyé par la nature des choses donc, ne peut être « annulé » par une quelconque autorité ou institution humaine, fusse l’Eglise, parce que ce droit légitime est antérieur à la formulation de la loi. Dans l’idée de l’Eglise ce qui est « naturel » est un donné de Dieu et n’est, par conséquent, pas susceptible d’être modifié par un décret humain – fusse une bulle du pape.
Nous essaierons de développer ce point de droit - dans la pensée de l'Eglise - dans le post suivant.
DenisLouis a écrit:La notion de « terra nullius » : si les bulles papales ne contiennent pas ce terme juridique, sa réalité est bien là, en ce sens que ces terres sont alors considérées par les papes comme dépourvues d’une autorité souveraine ou dépourvue d’une autorité digne d’être prise en compte
On retrouve un peu partout (Wikipédia !) la conviction que la notion ou le terme de « Terra Nullius » proviendrait des deux bulles papales – ci-dessus, mais cela est faux. C’est le point de plus facilement et le plus évidemment réfutable.
Le terme « Terra Nullius »
Pour le prétendu terme « Terra Nullius » dans les bulles papales, c’est simple : il suffit de lire le texte des décrets du pape – malheureusement pas disponible en français sur le net - pour s’en convaincre.
Par contre, l’article de Miller, Lesage and Lopez (MLL = Nebraska Law Review) traite de ce sujet (pages 849 et plus loin pages 869 à 871). L’usage de ce terme ou de cette notion commencerait avec l’Espagne dès le 15ème siècle : dans sa phase d’expansion coloniale (pages 869 à 871) et se retrouverait en Angleterre, en France, en Hollande et aux USA (page 849). Le même article MLL n’attribue à aucun moment ce terme à la pensée de l’Eglise.
Il est hors sujet de discuter ici le coté excessif et faux de l’accusation généralisante de Miller, Lesage and Lopez (MLL). Cependant, ne ce qui concerne la France, ce déni allégué de droits « de souveraineté, de propriété et de droits humains » (ni plus ni moins !) est indémontrable en ce qui concerne la République française – au moins depuis 1789.Ainsi, le principe sur lequel, ils [Espagne, Angleterre, Hollande, France et USA] n’ont jamais été en désaccord est que les peuples et nations indigènes perdaient leur souveraineté, propriétés et droits humains immédiatement après leur « découverte » par les Européens (MLL, page 849)
Si on cherche sur le net, le terme n’est pas utilisé au 15ème siècle, mais seulement à partir du 18ème siècle. De plus ce terme a été d’abord été utilisée par les britanniques (pas catholiques, mais anglicans) pour la colonisation de l’Australie et l’expropriation des aborigènes. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Terra_nullius ).
La notion de « Terra Nullius »
Par définition : « Terra Nullius » signifie en latin : « territoire sans maître » (http://fr.wikipedia.org/wiki/Terra_nullius ). L’article MLL utilise plutôt l’expression : « vacant land », soit « territoire vacant » (MLL, page 849)
Cette notion existe-t-elle utilisée au 15ème siècle ?
L’article MLL, lui-même, reconnaît que l’usage de ce terme par les Espagnols au 15ème siècle est discutable (« questionnable » ; MLL, page 869). Mais pour justifier sa théorie et son accusation, le même article MLL cherche à introduire une distinction sur le double usage de « Terra Nullius ».
Dans ce passage de l’article MLL, les auteurs suggèrent eux-mêmes qu’il s’agit d’arguments alternatifs, mais à cette époque, il n’est pas question de cette prétendue « Doctrine de la découverte » en tant qu’idéologie constituée, partagée et dont l’Espagne aurait pu se réclamer.Nous devrions noter qu’il existe deux façons pour définir « Terra Nullius ». La première c’est quand un espace de terre était physiquement vide d’êtres humains, et la seconde était de considérer une terre « vide », même quand une région était occupée par une société humaine, si cette société était gouvernée par une forme de gouvernement que les Européens ne reconnaissaient pas. L’Espagne et les commentateurs espagnols ont usé des deux arguments pour considérer les terres du Nouveau monde comme « vacantes » et disponibles pour les revendications de la Découverte.
En 1572, un juriste espagnol et conseiller de Toledo, le vice-roi du Pérou considéra qu’il était […] « déraisonnable et dangereux » d’accorder à ces Incas la vraie souveraineté sur ces royaumes. Les européens à cette époque ne considéraient pas du tout l’organisation politique des autochtones comme des gouvernements ; le constat de Toledo reflète le point de vue largement partagé et argumenta contre l’existence même des Incas en tant qu’Etat souverain. (MLL, page 870)
Autre remarque sur le vocabulaire approximatif des auteurs de l’article MLL, l’expression : « Les européens à cette époque » est un anachronisme. Au 15ème siècle, l’Europe politique n’existait évidemment pas. Le terme même « d’Europe » n’est utilisé de façon courante pour désigner le continent européen qu’à partir du 16ème siècle. Il est bien possible que cet anachronisme soit volontaire et serve finalement la thèse partisane des auteurs le l'article MLL ... qui tente de faire un amalgame extensif entre la pensée des rois et celle des papes depuis le 15ème siècle jusqu'à l'époque de la destruction des nations indiennes et aborigènes.
La notion « Terra Nullius » dans les bulles papales
La pensée papale – même au 13ème siècle avec le pape Innocent IV (1240) - reconnaît un droit aux autochtones appuyé sur une légitimité inscrite dans l’ordre des choses – c'est à dire la « loi naturelle ». Les auteurs de l’article MLL – sans doute trop conditionnés par le " droit positif " sécularisé du XXème siècle et par manque de compréhension intime de la pensée (la rationalité !) de l’Eglise - font une double confusion :
- Si effectivement, dans la pensée de l’Eglise de l’époque, la souveraineté, l’indépendance et les possessions des autochtones « découverts » peuvent être remises en cause, c’est en faisant appel à une autre notion que la notion de « Terra Nullius ». Dans la pensée de l’Eglise, il n’a jamais été question de prétendre qu’une terre habitée était vacante …
- Ce droit « naturel », appuyé par la nature des choses donc, ne peut être « annulé » par une quelconque autorité ou institution humaine, fusse l’Eglise, parce que ce droit légitime est antérieur à la formulation de la loi. Dans l’idée de l’Eglise ce qui est « naturel » est un donné de Dieu et n’est, par conséquent, pas susceptible d’être modifié par un décret humain – fusse une bulle du pape.
Nous essaierons de développer ce point de droit - dans la pensée de l'Eglise - dans le post suivant.
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Je te remercie déjà pour tout ce travail de synthèse
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Le droit appliqué aux Indiens et à leurs terres en Amérique du Nord se réfère explicitement à la découverte de ces terres par des états chrétiens, même si les USA ne sont pas majoritairement catholiques.
Les juristes ont distingué plus tard les termes de "terra nullus" et de "terra nullius", l'un désignant une terre sans habitants, l'autre une terre habitée, mais sans souveraineté ou perdant sa souveraineté du fait de la découverte ou de la conquête par un autre pays.
Les bulles papales ne contiennent pas le terme juridique (mais une réalité n'a pas à être nommée techniquement pour être présente, au moins au point de vue spécial des juristes ou dans les conséquences concrètes), si le pape ne concevait pas son rôle ainsi, ou si les bulles n'avaient pas été comprises ainsi par les princes chrétiens, les précisions et restrictions de Vitoria n'auraient pas eu lieu d'être. Ce qui ressort dans les faits et dans les interprétations c'est que ces terres deviennent possession de l'Espagne et du Portugal parce que le pape a donné son aval à la possession de ces terres. Vitoria pour sa part pense que le pape n'a pas de d'intervention dans le domaine temporel, la bulle n'a de sens que comme un mandat missionnaire (mais son avis est loin d'être partagé. Il suscite des réactions et des oppositions).
Même si l'intervention du pape en tant qu'autorité spirituelle dans les questions de souveraineté temporelle n'était pas en principe considérée comme illégitime, sachant toutefois que les rois et empereurs se sont opposés à ce sujet en Europe, le problème devient autre et change d'ampleur, on sort d'un monde traditionnel particulier qui est celui de la chrétienté pour entrer dans un monde qui est celui de la terre entière, où l'autorité du pape est encore moins évidente, alors qu'elle était déjà mise en cause en Europe.
L'utilisation précise de la notion de "terra nullius" est venue plus tard avec les Anglais, les Français, les Hollandais et les Russes. La France et l'Angleterre étant, au moment de la découverte de "leurs" terres, des pays catholiques (avant la rupture de l'Angleterre, mais les Protestants ont suivi en utilisant la notion de chrétienté comme norme dans les relations avec les peuples découverts), il fallait en effet trouver des justifications qui n'aillent pas à l'encontre des bulles et qui ne fassent pas encourir à leurs auteurs une excommunication. On devait donc respecter les droits acquis des Espagnols et des Portugais. C'est ainsi que les légistes anglais restreignirent les droits de conquête aux pays "inconnus à tous les chrétiens " et "non actuellement en possession d'un prince chrétien". Cependant Espagne et Portugal refusèrent toute concession pour les pays compris dans les limites des bulles papales, même non encore découverts.
Je pense que les auteurs de l'article sont des juristes et que si leur vocabulaire est approximatif ce n'est pas dans leur domaine, mais ils ne se placent pas au point de vue spécifique de la théologie catholique, ni de la politique papale dans les relations avec l'islam qui a pu jouer un rôle dans la rédaction de tel ou tel texte. Les Indiens constatent aussi les résultats de l'histoire en ce qui les concerne, si telle bulle a pu avoir aussi une influence dans leur existence et dans leur destinée de peuples, quant bien même cela résulterait d'une mauvaise interprétation plus ou moins volontaire des souverains et des états et, d'une manière plus indirecte et lointaine, des intentions de la papauté vis à vis de l'islam.
Les juristes ont distingué plus tard les termes de "terra nullus" et de "terra nullius", l'un désignant une terre sans habitants, l'autre une terre habitée, mais sans souveraineté ou perdant sa souveraineté du fait de la découverte ou de la conquête par un autre pays.
Les bulles papales ne contiennent pas le terme juridique (mais une réalité n'a pas à être nommée techniquement pour être présente, au moins au point de vue spécial des juristes ou dans les conséquences concrètes), si le pape ne concevait pas son rôle ainsi, ou si les bulles n'avaient pas été comprises ainsi par les princes chrétiens, les précisions et restrictions de Vitoria n'auraient pas eu lieu d'être. Ce qui ressort dans les faits et dans les interprétations c'est que ces terres deviennent possession de l'Espagne et du Portugal parce que le pape a donné son aval à la possession de ces terres. Vitoria pour sa part pense que le pape n'a pas de d'intervention dans le domaine temporel, la bulle n'a de sens que comme un mandat missionnaire (mais son avis est loin d'être partagé. Il suscite des réactions et des oppositions).
Même si l'intervention du pape en tant qu'autorité spirituelle dans les questions de souveraineté temporelle n'était pas en principe considérée comme illégitime, sachant toutefois que les rois et empereurs se sont opposés à ce sujet en Europe, le problème devient autre et change d'ampleur, on sort d'un monde traditionnel particulier qui est celui de la chrétienté pour entrer dans un monde qui est celui de la terre entière, où l'autorité du pape est encore moins évidente, alors qu'elle était déjà mise en cause en Europe.
L'utilisation précise de la notion de "terra nullius" est venue plus tard avec les Anglais, les Français, les Hollandais et les Russes. La France et l'Angleterre étant, au moment de la découverte de "leurs" terres, des pays catholiques (avant la rupture de l'Angleterre, mais les Protestants ont suivi en utilisant la notion de chrétienté comme norme dans les relations avec les peuples découverts), il fallait en effet trouver des justifications qui n'aillent pas à l'encontre des bulles et qui ne fassent pas encourir à leurs auteurs une excommunication. On devait donc respecter les droits acquis des Espagnols et des Portugais. C'est ainsi que les légistes anglais restreignirent les droits de conquête aux pays "inconnus à tous les chrétiens " et "non actuellement en possession d'un prince chrétien". Cependant Espagne et Portugal refusèrent toute concession pour les pays compris dans les limites des bulles papales, même non encore découverts.
Je pense que les auteurs de l'article sont des juristes et que si leur vocabulaire est approximatif ce n'est pas dans leur domaine, mais ils ne se placent pas au point de vue spécifique de la théologie catholique, ni de la politique papale dans les relations avec l'islam qui a pu jouer un rôle dans la rédaction de tel ou tel texte. Les Indiens constatent aussi les résultats de l'histoire en ce qui les concerne, si telle bulle a pu avoir aussi une influence dans leur existence et dans leur destinée de peuples, quant bien même cela résulterait d'une mauvaise interprétation plus ou moins volontaire des souverains et des états et, d'une manière plus indirecte et lointaine, des intentions de la papauté vis à vis de l'islam.
DenisLouis- Messages : 1072
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Cher DenisLouis je ne reprends que quelques points car je suis en train - péniblement - d'élaborer un réponse global à l'article que tu nous as soumis :
Par exemple, l'échec de la régulation de l'encomienda (servage proche de l'esclavage) est à mettre d'abord au débit de Charles Quint qui a du reculer devant la résistance des encomenderos espagnols sur lesquels il a objectivement perdu la maîtrise, alors que Las Casas chassé de son diocèse par des propres paroissiens encomenderos au Chiapas en 1547 parce qu'il a voulu promouvoir les Loi Nouvelles de 1542 à fait tout son possible au péril de sa vie (il était seul !). Celui qui a changé d'avis sur ces Lois Nouvelles protégeant les indiens, c'est bien Charles Quint, mais pas Las Casas.
Même remarque pour les autres théologiens de l'école de Salamanque qui - malgré leurs divergences internes - ont unanimement dénoncé cette colonisation prédatrice.
Il y a un gros problème de méthode dans l'article : en changeant d'espace d'application (monde anglo-saxon inclus) et d'horizon intellectuel (émergence du protestantisme par exemple des 1512, puis des Lumières), on ne parle plus du tout du même " droit international ". Mais les auteurs situent le tout comme s'il y avait une parafaite continuité entre les différents univers mentaux qui ont porté l'évolution de ce droit. Les auteurs de l'articles font donc un gros amalgame à des fins partisanes. Cet article est un plaidoyer militant - parfois assez confus question cohérence des idées - rien de plus.DenisLouis a écrit:le problème devient autre et change d'ampleur, on sort d'un monde traditionnel particulier qui est celui de la chrétienté pour entrer dans un monde qui est celui de la terre entière, où l'autorité du pape est encore moins évidente, alors qu'elle était déjà mise en cause en Europe.
Difficile de mettre en cause la responsabilité des bulles du pape par exemple par l'introduction de la notion de " Terra Nullius " ou par le déni de droit des autochtones, si on ne comprend pas précisément la logique interne de la pensée des papes ...DenisLouis a écrit:Je pense que les auteurs de l'article sont des juristes et que si leur vocabulaire est approximatif ce n'est pas dans leur domaine, mais ils ne se placent pas au point de vue spécifique de la théologie catholiques, ni de la politique papale concernant les relations avec l'islam qui a pu jouer un rôle dans la rédaction de tel ou tel texte.
Accuser en bloc les bulles du pape - sans tenir compte de la cascade complexe de causes et d'influences qui ont abouti à ce désastre historique, c'est encore un amalgame idéologique - de l'esprit partisan assez pur - mais pas un discours objectif.DenisLouis a écrit:Les Indiens constatent aussi les résultats de l'histoire en ce qui les concerne, si telle bulle a pu avoir aussi une influence dans leur existence même, quant bien même cela résulterait d'une mauvaise interprétation des souverains et des états et, d'une manière plus indirecte et lointaine, des intentions de la papauté vis à vis de l'islam.
Par exemple, l'échec de la régulation de l'encomienda (servage proche de l'esclavage) est à mettre d'abord au débit de Charles Quint qui a du reculer devant la résistance des encomenderos espagnols sur lesquels il a objectivement perdu la maîtrise, alors que Las Casas chassé de son diocèse par des propres paroissiens encomenderos au Chiapas en 1547 parce qu'il a voulu promouvoir les Loi Nouvelles de 1542 à fait tout son possible au péril de sa vie (il était seul !). Celui qui a changé d'avis sur ces Lois Nouvelles protégeant les indiens, c'est bien Charles Quint, mais pas Las Casas.
Même remarque pour les autres théologiens de l'école de Salamanque qui - malgré leurs divergences internes - ont unanimement dénoncé cette colonisation prédatrice.
Roque- Messages : 5064
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Je ne vois pas trop, dans de cadre de cet article (et de cette école) en quoi les auteurs seraient partisans, je veux dire par exemple dans un sens systématiquement anti église ou pro indien : deux professeurs de droit, un professeur à l'université catholique de Santiago du Chili.
DenisLouis- Messages : 1072
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Il ne s'agit pas de je ne sais quel procès d'intention contre une école ou contre des auteurs (que je ne connais pas du tout !), mais d'un jugement sur le seul contenu de l'article confrontés à d'autres sources (Wikipédia).DenisLouis a écrit:Je ne vois pas trop, dans de cadre de cet article (et de cette école) en quoi les auteurs seraient partisans,
Est-ce si péjoratif de dire que cet article est un plaidoyer et que certaines idées ne sont pas claires ? Inversement je ne vais pas m'incliner devant des gens sous prétexte qu'ils sont bardés de diplômes ... vous savez des " catholiques " qui agissent en ennemis de l'Eglise sous le couvert de la liberté de pensée, il y en a des tonnes ces temps-ci ! Il faut être décomplexé et dire les choses telles qu'on les comprend - au risque bien entendu de se tromper
Roque- Messages : 5064
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Je pense que leur point de vue est juridique avant tout, il y a un magistrat d'une cours d'appel tribale, un professeur de droit américain et un autre enseigne à l'université pontificale de Santiago (c'est lui qui a du faire la dernière partie consacrée au Chili).
J'ai aussi consulté d'autres articles sur Wikipedia, il est difficile d'écarter le rôle des bulles pontificales dans la constitution du droit spécifique aux Indiens (elles sont citées partout), mais c'est tout un ensemble.
Les auteurs se situent du point de vue du droit américain et non pas d'un point de vue théologique, comment le droit concernant les Indiens s'est constitué, droit qui est encore en vigueur en grande partie, je n'ai pas vu ailleurs d'avis très divergents.
Il est évident que selon le point de vue adopté (indien converti, indien revendiquant ses origines, ecclésiastique, anti écclesiastique...) la relation pourra être différente, la situation des Indiens est différente en Amérique du Sud (métissage racial et culturel, apprentissage des langues locales par les hommes d'église, conception différente de la nationalité, acculturation et syncrétisme) et en Amérique du Nord, et sans doute le cas du Canada et des Français est encore distinct.
Par exemple certains sites catholiques (intégristes il me semble) présentent l'encomienda comme un système très bien, favorable aux Indiens, à part certains abus, mais ce qu'il faut voir aussi, c'est qu'il a totalement détruit la culture, la manière d'habiter le pays, tout l'espace et le mode d'exploitation de la terre ont été repensés et reconstruits en fonction des intérêts européens.
J'ai aussi consulté d'autres articles sur Wikipedia, il est difficile d'écarter le rôle des bulles pontificales dans la constitution du droit spécifique aux Indiens (elles sont citées partout), mais c'est tout un ensemble.
Les auteurs se situent du point de vue du droit américain et non pas d'un point de vue théologique, comment le droit concernant les Indiens s'est constitué, droit qui est encore en vigueur en grande partie, je n'ai pas vu ailleurs d'avis très divergents.
Il est évident que selon le point de vue adopté (indien converti, indien revendiquant ses origines, ecclésiastique, anti écclesiastique...) la relation pourra être différente, la situation des Indiens est différente en Amérique du Sud (métissage racial et culturel, apprentissage des langues locales par les hommes d'église, conception différente de la nationalité, acculturation et syncrétisme) et en Amérique du Nord, et sans doute le cas du Canada et des Français est encore distinct.
Par exemple certains sites catholiques (intégristes il me semble) présentent l'encomienda comme un système très bien, favorable aux Indiens, à part certains abus, mais ce qu'il faut voir aussi, c'est qu'il a totalement détruit la culture, la manière d'habiter le pays, tout l'espace et le mode d'exploitation de la terre ont été repensés et reconstruits en fonction des intérêts européens.
DenisLouis- Messages : 1072
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
C'est justement ce point que je cherche à discuter.DenisLouis a écrit:il est difficile d'écarter le rôle des bulles pontificales dans la constitution du droit spécifique aux Indiens (elles sont citées partout).
Quant à Wikipédia (comme le lien sur un Commission des Nations Unies que vous aviez donné au début et peut-être vous mêmes au début du sujet ? ), ils pensent simplement que l'argument de la "Terra Nullius " provient des bulles pontificales Romanus Pontifex et Inter Caetera. Vous pouvez vérifier vous-même que c'est une légende urbaine :
http://www.nativeweb.org/pages/legal/indig-romanus-pontifex.html
http://www.nativeweb.org/pages/legal/indig-inter-caetera.html
Et un peu plus haut j'ai argumenté sur le fait que ni le terme, ni la notion de " Terre Nullius " n'apparaît dans la pensée des papes. Si ces arguments, sur ce point particulier, " ne portent pas " pour vous, je ne peux rien faire de plus (sauf mon prochain post ... bientôt qui traitera de la question du " Dominium " et de ses variations entre le 13ème et le 16ème siècle dans la pensée de l'Eglise).
Roque- Messages : 5064
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Si on parle de point de vue partisan cela signifie qu'il y a des parties qui ont des points de vue différents, contradictoires.
Quelles sont ces parties ? En gros : l'Eglise en général, la papauté, la chrétienté (dans la mesure où les pays protestants se sont appuyés sur cette notion), les pays colonisateurs, les pays indépendants issus de cette colonisation, et les différentes communautés indiennes.
Ces parties ne sont pas monolithiques, on peut être indien converti et trouver la situation favorable aux Indiens, ou catholique et s'insurger. Ensuite la situation a évolué dans le temps, les droits des aborigènes en tant que premiers occupants commencent à être reconnus pratiquement.
Les professeurs auteurs de l'article enseignent le droit en la matière (aux USA) à des étudiants qui seront peut-être chargés de l'appliquer concrètement, ce droit repose sur une décision de la Cour Suprême et des décisions d'autres cours, qui font intervenir les événements historiques de la découverte (mention explicite d'événements qui se sont passées quatre siècles auparavant et de la notion de chrétienté opposable aux peuples premiers). Les auteurs montrent bien, d'après moi, qu'il ne s'agit pas uniquement des bulles papales, mais de tout un ensemble qui serait cependant incompréhensible si l'on enlevait le rôle de ces bulles.
Il n'est pas dit dans l'article que la notion de terra nullius remonte aux bulles papales, puisqu'elle n'a été systématisée que plus tard. Mais en relisant une de ces bulles, il m'apparait clair que le pape entend faire donation de ces terres à perpétuité, donation des terres à un roi chrétien. La souveraineté éventuelle existant auparavant sur ces terres n'est pas prise en compte et je n'ai pas vu que le pape propose à tel empereur ou roi indien de se convertir pour inclure son royaume dans la chrétienté.
"En vertu de l'autorité du Dieu Tout-Puissant que nous avons reçue par le bienheureux Pierre, et de celle qui est attachée aux fonctions de Vicaire de Jésus-Christ que nous exerçons sur la terre, nous donnons, concédons, transférons à perpétuité, aux termes des présentes, ces îles et ces continents, avec toutes leurs dominations, cités, places fortes, lieux et campagnes, droits et juridictions, à vous et à vos héritiers et successeurs, les Rois de Castille et de Léon ; et nous vous en faisons, constituons et. estimons maîtres, vous et vos susdits héritiers et successeurs, avec pleine, libre et entière puissance, autorité et juridiction. Mais c'est notre volonté que notre présente donation, concession et assignation, ne puisse ni être censée avoir été mise en question ou détruite, ni détruire les droits des Princes Chrétiens qui auraient effectivement possédé les dites îles et les dits continents jusqu'au jour précité de la nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ."
Le pape dit donner, concéder, transférer à perpétuité les terres, et octroie le pouvoir aux rois de Castille et de Léon, sauf si ces terres étaient déjà en possession de rois chrétiens. La souveraineté d'un roi non chrétien n'est pas envisagée, qu'elle soit considérée comme non existante ou disparaissant lors de la conquête par un roi chrétien.
Quelles sont ces parties ? En gros : l'Eglise en général, la papauté, la chrétienté (dans la mesure où les pays protestants se sont appuyés sur cette notion), les pays colonisateurs, les pays indépendants issus de cette colonisation, et les différentes communautés indiennes.
Ces parties ne sont pas monolithiques, on peut être indien converti et trouver la situation favorable aux Indiens, ou catholique et s'insurger. Ensuite la situation a évolué dans le temps, les droits des aborigènes en tant que premiers occupants commencent à être reconnus pratiquement.
Les professeurs auteurs de l'article enseignent le droit en la matière (aux USA) à des étudiants qui seront peut-être chargés de l'appliquer concrètement, ce droit repose sur une décision de la Cour Suprême et des décisions d'autres cours, qui font intervenir les événements historiques de la découverte (mention explicite d'événements qui se sont passées quatre siècles auparavant et de la notion de chrétienté opposable aux peuples premiers). Les auteurs montrent bien, d'après moi, qu'il ne s'agit pas uniquement des bulles papales, mais de tout un ensemble qui serait cependant incompréhensible si l'on enlevait le rôle de ces bulles.
Il n'est pas dit dans l'article que la notion de terra nullius remonte aux bulles papales, puisqu'elle n'a été systématisée que plus tard. Mais en relisant une de ces bulles, il m'apparait clair que le pape entend faire donation de ces terres à perpétuité, donation des terres à un roi chrétien. La souveraineté éventuelle existant auparavant sur ces terres n'est pas prise en compte et je n'ai pas vu que le pape propose à tel empereur ou roi indien de se convertir pour inclure son royaume dans la chrétienté.
"En vertu de l'autorité du Dieu Tout-Puissant que nous avons reçue par le bienheureux Pierre, et de celle qui est attachée aux fonctions de Vicaire de Jésus-Christ que nous exerçons sur la terre, nous donnons, concédons, transférons à perpétuité, aux termes des présentes, ces îles et ces continents, avec toutes leurs dominations, cités, places fortes, lieux et campagnes, droits et juridictions, à vous et à vos héritiers et successeurs, les Rois de Castille et de Léon ; et nous vous en faisons, constituons et. estimons maîtres, vous et vos susdits héritiers et successeurs, avec pleine, libre et entière puissance, autorité et juridiction. Mais c'est notre volonté que notre présente donation, concession et assignation, ne puisse ni être censée avoir été mise en question ou détruite, ni détruire les droits des Princes Chrétiens qui auraient effectivement possédé les dites îles et les dits continents jusqu'au jour précité de la nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ."
Le pape dit donner, concéder, transférer à perpétuité les terres, et octroie le pouvoir aux rois de Castille et de Léon, sauf si ces terres étaient déjà en possession de rois chrétiens. La souveraineté d'un roi non chrétien n'est pas envisagée, qu'elle soit considérée comme non existante ou disparaissant lors de la conquête par un roi chrétien.
DenisLouis- Messages : 1072
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
LE DOMINIUM
Un droit légitime qui émerge dès le 13ème siècle - donc sans rapport avec les découvertes ultérieures
J’ai pour ma part été très surpris que des hommes du 13ème siècle ne soient pas dans le déni de droit de « l’autre » ou de « l’ennemi ». Comme tout le monde, je suis formaté par la mentalité antireligieuse ambiante en France et par mon inculture … Et je découvre que ce droit découle en fait du jus gentium plus ancien qui désignait - dans le droit romain – les droits minimaux des étrangers y compris des ennemis. … Donc dès le 13ème siècle - du point de vue catholique - « l’autre » ou « l’ennemi » n’est pas un « non humain » et, dans ce cas, il a déjà été pensé qu’il avait des droits, et notamment le droit de propriété ou « Dominium ».
Tous les arbitrages de l’Eglise cités dans l’article MLL ont réaffirmé que tous les hommes – chrétiens ou non - ont ce droit légitime ou « Dominium ». On peut le constater en se reportant aux exemples suivants :
1. Le pape Innocent IV donnant son avis de canoniste en 1240 (MLL, page 828) ;
2. L’arbitrage du pape demandé par les Chevaliers Teutoniques en Pologne en 1414 (MLL, page 829) ;
3. L’arbitrage du pape face aux juristes mandatés par le roi Edouard 1er du Portugal en 1434 (MLL, page 831) ; et
4. L’arbitrage du pape pour le roi Ferdinand d’Espagne date ? (MLL, page 836) ; et
5. L’avis du théologien dominicain Francisco de Vitoria en 1552 (MLL, page 843).
Francisco de Vitoria ainsi que Bartolomé de Las Casas – tous deux dominicains – affirment que les Indiens possèdent les mêmes droits que tout être humain. Cette position met en relation le droit et la nature de tout être humain. Sous leur influence, Charles Quint publie les Leyes Nuevas en 1542 qui mettent les Indiens sous la protection de la Couronne d’Espagne.
Les modulations de ce Dominium entre le 13ème et le 16ème siècle
Si la question du « Dominium » légitime des indigènes est resté une position constante de l’Eglise, d’autres éléments de droit influençant la définition ou l’exercice de droit de ce « Dominium » ont varié. Bien entendu elles ont été favorables - ou non - au droit des autochtones. Je vois des variations au moins sur trois points :
A. Les conditions d’exercice de ce « Dominium » ;
B. Le champ de compétence du pape ou les limites de souveraineté du pape (et des rois) ;
C. Le lien convenu entre ce « Dominium » et la nature humaine commune de tous les hommes, ce qui va constituer le « droit naturel », notamment avec l'Ecole de Salamanque.
A. En premier lieu, les conditions d’exercice ou de validité de ce « Dominium » ont varié. Rien que dans l’article MLL, nous avons déjà trois formulations de ces conditions d’exercice :
- Respect de la loi naturelle, au temps du pape Innocent IV en 1240, c’est à dire : absence de cannibalisme, sodomie, idolâtrie ou sacrifices humains (MLL, page 828) ;
- Acceptation des missionnaires et respect de la loi naturelle en 1434 (MLL, page 831 : spoiler) ; et
- La libre circulation pour le commerce selon Francisco Vitoria, en 1532. Par ailleurs, le même Vitoria considérer comme nulle l’acte de donation du pape d’Alexandre VI (Inter Caeteara, 1492), il va écarter les idées de pouvoir temporel du pape, de possibilité de retraits de droits inhérents (par nature) des indigènes et de la légitimité d’une guerre déclenchée sous autorité du pape en cas de refus des missionnaires catholiques (MLL, page 844 à 846 : spoiler)
Il est vrai que certaines conditions font la part belle aux conquérants et ont pu rendre souvent, en pratique, inopérant le droit de « Dominium » des indigènes : par exemple le refus vrai ou allégué d’accueil des missionnaires. Mais il ne faut pas oublier - outre le droit - les facteurs politiques. Précisément, dans le cas de l’Espagne, la fragilité de l’autorité de Charles Quint (1519-1558) dans le Nouveau Monde et la résistance des colons aux lois édictées ont joué un rôle important dans la perpétuation, par exemple de l’encomienda (semi-servage) instituée et 1498 et qui va s’étendre à toute la colonisation espagnole au 17ème siècle et perdurer jusqu’à 1791.
Il y a, à mon avis, historiquement un échec et un recul de l’autorité de la Couronne espagnole devant les appétits des encomenderos (curateurs en charge du semi-servage des indigènes). Aucune des dispositions légales prises par l’Espagne pour réformer les pratiques de servage en ce 16ème siècle ne sera vraiment respectée ou ne tiendra longtemps dans les faits ;
- La cédule royale de 1503 prise à la suite des récits sur l’extermination et la réduction en esclavage des indigènes d’Hispaniola – sous Christophe Colomb ;
- Les lois de Burgos de 1512 prises sont l’influence du dominicain Antonio de Montesinos ;
- Les Nouvelles Lois (Leyes nuevas) sur les Indes promulguée en 1542 par Charles Quint sous l’influence de Francisco de Vitoria et Batholomé de las Casas – tous deux dominicains. Ces lois assuraient la liberté aux indigènes et abolissaient le système des encomiendas ( )
- Du fait de la révolte des encomenderos et de la mort violente du vice-roi du Pérou, Charles Quint reviendra sur ces Leyes Nuévas rétablissant les encomienda - sauf pour les curés - et abrogeant en 1546 ces lois donnant liberté (affranchissement) liberté du travail et liberté de résidence aux indigènes. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Bartolom%C3%A9_de_las_Casas )
Toutes ces conditions mise à l’exercice du droit légitime de propriété des autochtones sont condamnés par les auteurs de l’article MLL. La dernière condition énoncée par Vitoria leur parait aussi dommageable pour les nations indigènes que le système antérieur reposant sur « l’autorité du roi et la cession du pape ». (MLL, page 846).
Il est vrai que les conditions d’exercice de ce « Dominium » des indigènes ont été dictées depuis l'étranger et non par les indigènes eux-mêmes. Rétrospectivement on peut juger que ces dispositions ont été dommageables pour les nations indigènes et les blâmer. Cependant, à l’époque aucune nation indigène sur Hispaniola n’était suffisamment constituée pour présenter un imaginaire plaidoyer devant une quelconque autorité de l’époque (pas d'équivalent de la " communauté internationale "). Par ailleurs, il semble que le déclin démographique de ces indigènes ait été très rapide – au moins en ce qui concerne Hispaniola - et était déjà très avancé au temps de Las Casas.
Et puis il y a une question de réalisme. Comment la " communauté internationale " aujourd’hui pose-t-elle la question des guerres défensives, des guerres contre les tyrans ou des guerres pour faire respecter les " droits de l'homme " et " la démocratie " ? Nos principes d'aujourd'hui sont-ils si différents de ceux du 15ème siècle - hormis le fait que ni papes, ni rois ne sont plus impliqués ? Qu'on pense à la guerre contre le nazisme, ou plus près de nous, à la Lybie et à l'Irak et aux guerres déjà en cours contre le djihadisme ?
C’est l’énoncé de ces conditions d’exercice du « Dominium » des indigènes qui a servi de moyens de régulation – dans les vues des papes – sans avoir besoin d’avoir recours au fait ou à l’argument de droit que les terres découvertes seraient vacantes, c'est à dire à la notion de « Terra Nullius ». Et dans le cas très particulier de la donation du pape Alexandre VI par la bulle Inter Ceatera, le pape s'est autorisé de sa prétendue souveraineté universelle, ni plus, ni moins ! (voir plus bas).
B. En second lieu, c’est le champ de compétence ou de souveraineté du pape qui a varié. Dans cet article MLL, nous avons déjà deux conceptions de la souveraineté du pape :
- En 1240, le pape a (aurait) le devoir et le pouvoir d’intervenir dans les affaires séculières des royaumes catholiques et des « infidèles » au temps du pape Innocent IV en 1240 (MLL, page 828 : spoiler) ;
- En 1532, c’est Francisco Vitoria qui va radicalement modifier la problématique en tirant la source du droit de " Dominium " de la nature libre et rationnelle des indigènes et en rejetant l’autorité du pape dans le domaine temporel.
C. En troisième lieu, c’est le lien posé entre « droit » et « nature » qui a varié. L'Ecole de Salamanque va être à l’origine du « droit naturel »
Sur cette question des options idéologiques de l’Ecole de Salamanque, il y a une opposition d’interprétation entre l’article MLL et Wikipédia. L’article MLL juge que le droit selon Francisco de Vitoria repose sur l’Ancien et le Nouveau Testament, alors que Wikipédia pense que le même auteur réinterprète Thomas d’Aquin et - recherchant les sources du droit par « l’examen de la nature à la lumière de la raison » - opère un changement de postulat qui rompt avec le droit médiéval, par exemple de Thomas d’Aquin. De fait, avec Francisco de Vitoria, il ne s’agit plus du tout du même droit, le changement de postulat change complètement le paradigme du droit, même si certaines dénominations ou notions du droit ancien sont reprises dans le nouveau.
L'école de Salamanque va aussi remettre en question la souveraineté du roi :
Un droit légitime qui émerge dès le 13ème siècle - donc sans rapport avec les découvertes ultérieures
La question du droit de propriété légitime ou « Dominium » est le point de droit qui sert de pivot à toute la question de la conquête et de la colonisation du Nouveau Monde.DenisLouis a écrit:Vitoria reconnaît les droits naturels des Indiens, ils sont des êtres libres et rationnels, ils ont le droit de souveraineté, le dominium. Le titre de l'Espagne sur l'Amérique ne peut résulter d'une donation papale, car le pape ne peut pas enlever aux indigènes leurs droits naturels. La "découverte" n'a aucun pouvoir d'enlever aux Indiens la possession de leur terre en tant que premiers occupants. Toute décision papale en ce domaine est invalide, le pape n'a aucun pouvoir temporel sur les Indiens, pas plus que sur tout autre non croyant.
Que les Indiens ne reconnaissent aucune autorité au pape ne donne pas le droit de leur déclarer la guerre et de de saisir leurs possessions.
J’ai pour ma part été très surpris que des hommes du 13ème siècle ne soient pas dans le déni de droit de « l’autre » ou de « l’ennemi ». Comme tout le monde, je suis formaté par la mentalité antireligieuse ambiante en France et par mon inculture … Et je découvre que ce droit découle en fait du jus gentium plus ancien qui désignait - dans le droit romain – les droits minimaux des étrangers y compris des ennemis. … Donc dès le 13ème siècle - du point de vue catholique - « l’autre » ou « l’ennemi » n’est pas un « non humain » et, dans ce cas, il a déjà été pensé qu’il avait des droits, et notamment le droit de propriété ou « Dominium ».
Tous les arbitrages de l’Eglise cités dans l’article MLL ont réaffirmé que tous les hommes – chrétiens ou non - ont ce droit légitime ou « Dominium ». On peut le constater en se reportant aux exemples suivants :
1. Le pape Innocent IV donnant son avis de canoniste en 1240 (MLL, page 828) ;
2. L’arbitrage du pape demandé par les Chevaliers Teutoniques en Pologne en 1414 (MLL, page 829) ;
3. L’arbitrage du pape face aux juristes mandatés par le roi Edouard 1er du Portugal en 1434 (MLL, page 831) ; et
4. L’arbitrage du pape pour le roi Ferdinand d’Espagne date ? (MLL, page 836) ; et
5. L’avis du théologien dominicain Francisco de Vitoria en 1552 (MLL, page 843).
- DES PRECURSEURS :
Les missionnaires arrivent à Hispaniola en 1510. Dès 1511, Antonio Montesinos, un dominicain, dénonce la cruauté de encomenderos (curateurs) à l’égard des Indiens et obtient de Ferdinand de Castille la promulgation des lois de Burgos en 1512 qui prévoient de limiter le travail forcé à 9 mois par an (http://fr.wikipedia.org/wiki/Antonio_de_Montesinos ) – lesquelles lois ne seront pas mieux appliquées que la cédule royale de 1503 (pas de maltraitance, pas d’esclavage, salaire, protection et instruction religieuse) sensée atténuer la dureté du système de l’encomienda, institué dès 1498. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Encomienda )
Il est à souligner que la question du statut d’homme pourvus d’une âme de ces Indiens n’a jamais été en question à cette époque. La qualité d’humains des indigènes (natives) – pouvant être convertis – a été réglée avant cette période.Sermon de Antonio Montesinos de 1511 : « la voix qui crie dans le désert de cette île, c'est moi, et je vous dis que vous êtes tous en état de pêché mortel à cause de votre cruauté envers une race innocente. […] Ces gens ne sont-ils pas hommes ? N'ont-ils pas une âme, une raison ? »
http://fr.wikipedia.org/wiki/Antonio_de_MontesinosEntre temps, le pape Paul III, par les bulles Veritas ipsa (2 juin 1537) et Sublimis Deus (le 9 juin 1537), condamne l'esclavage des Indiens et affirme leurs droits, en tant qu'êtres humains, à la liberté et à la propriété.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Controverse_de_Valladolid
Francisco de Vitoria ainsi que Bartolomé de Las Casas – tous deux dominicains – affirment que les Indiens possèdent les mêmes droits que tout être humain. Cette position met en relation le droit et la nature de tout être humain. Sous leur influence, Charles Quint publie les Leyes Nuevas en 1542 qui mettent les Indiens sous la protection de la Couronne d’Espagne.
Il [Francisco de Vitoria] s'intéresse également aux droits des Indiens. Dans son De Indis, Vitoria exprime son point de vue sur les nombreux excès commis par les conquistadors espagnols en Amérique. Il affirme que les Indiens ne sont pas des êtres inférieurs, mais possèdent les mêmes droits que tout être humain, et sont les légitimes propriétaires de leurs terres et de leurs biens. Avec Bartolomé de Las Casas, il exerce son influence auprès de Charles Quint lors de l'adoption des Nouvelles Lois sur les Indes, qui placent les Indiens sous la protection de la Couronne
http://fr.wikipedia.org/wiki/Francisco_de_Vitoria
Les modulations de ce Dominium entre le 13ème et le 16ème siècle
Si la question du « Dominium » légitime des indigènes est resté une position constante de l’Eglise, d’autres éléments de droit influençant la définition ou l’exercice de droit de ce « Dominium » ont varié. Bien entendu elles ont été favorables - ou non - au droit des autochtones. Je vois des variations au moins sur trois points :
A. Les conditions d’exercice de ce « Dominium » ;
B. Le champ de compétence du pape ou les limites de souveraineté du pape (et des rois) ;
C. Le lien convenu entre ce « Dominium » et la nature humaine commune de tous les hommes, ce qui va constituer le « droit naturel », notamment avec l'Ecole de Salamanque.
A. En premier lieu, les conditions d’exercice ou de validité de ce « Dominium » ont varié. Rien que dans l’article MLL, nous avons déjà trois formulations de ces conditions d’exercice :
- Respect de la loi naturelle, au temps du pape Innocent IV en 1240, c’est à dire : absence de cannibalisme, sodomie, idolâtrie ou sacrifices humains (MLL, page 828) ;
- Acceptation des missionnaires et respect de la loi naturelle en 1434 (MLL, page 831 : spoiler) ; et
- La libre circulation pour le commerce selon Francisco Vitoria, en 1532. Par ailleurs, le même Vitoria considérer comme nulle l’acte de donation du pape d’Alexandre VI (Inter Caeteara, 1492), il va écarter les idées de pouvoir temporel du pape, de possibilité de retraits de droits inhérents (par nature) des indigènes et de la légitimité d’une guerre déclenchée sous autorité du pape en cas de refus des missionnaires catholiques (MLL, page 844 à 846 : spoiler)
- DIFFERENTS ENONCES DES CONDITION D’EXERCICE DU DOMINIUM DES INDIGENES:
Le recours du roi Edouard du Portugal devant le pape en 1434
La réflexion du dominicain Vitoria en 1532Le Portugal avait apparemment découvert les îles Canaries en 1341 […] Quelques autochtones des Iles Canaries avaient été convertis au christianisme. Cependant la compétition et les combats des espagnols amenèrent à attaquer les canariens et même contre les convertis du christianisme […] le pape Eugène IV édité une bulle en 1434 qui bannissait tous les européens des îles Canaries pour protéger à la fois les canariens convertis et infidèles.
[…]
Le roi Edouard du Portugal en appela au pape concernant le bannissement des îles Canaries (MLL, page 830) […]
Le Pape consulta ensuite au moins deux canonistes sur cette question, et ces avocats - s'appuyant également sur le commentaire du Pape Innocent IV - conclurent que les infidèles des îles Canaries avaient un dominium dans le cadre du droit canon international des nations (jus gentium), mais que la papauté maintenait une forme juridique de compétence indirecte sur leurs actions séculières. Les canonistes furent d’accord que le pape avait l’autorité de priver les infidèles de leur propriété et seigneurie, si ils n'admettaient pas les missionnaires chrétiens ou violaient la loi naturelle (MLL, page 831).Selon Vitoria, les obligations que les Indiens devaient aux européens en vertu de la loi des nations incluaient de permettre aux espagnols le droit de voyager partout où ils le désiraient. Ceci était fondé sur la société naturelle et de fraternité des hommes, que Vitoria avait tirée de l’Ancien et du Nouveau Testament. En outre, ces obligations de droit naturel exigeaient que les autochtones permettent aux espagnols commerce ouvert et libre, échange et bénéfice, là où ils voyageaient. Cela a également inclus l'idée que les Indiens devaient permettre aux espagnols de recueillir et d’échanger des objets qui ont été traités comme commun, tels que poissons, animaux, et, surtout, métaux précieux. Ainsi, les Espagnols et Vitoria ensemble étaient heureux de définir la quasi-totalité des biens des peuples autochtones comme une propriété commune que les Espagnols avaient un droit de la loi naturelle de pendre. Vitoria accepta aussi de bon cœur l'idée de guerre juste ou sainte si les indigènes violaient l'une de ces lois naturelles européennes.
[…]
Par conséquent, alors que Vitoria a apparemment rejeté la seule autorité du pape pour accorder des droits dans le Nouveau Monde et la Doctrine de la Découverte aux deux premières étapes de son analyse [légitime propriété des autochtones et souveraineté limitée du pape], la troisième étape [liberté du commerce] est une énorme échappatoire pour l’Espagne. Son argument que les autochtones étaient liés à des droits naturels européo-centrés définis par les espagnols étaient une ample excuse pour envahir en déclencher une « guerre juste » contre n’importe quelle nations qui oseront s’opposer aux espagnols. Ainsi Vitoria a limité les libertés de la loi naturelle des Indiens d'Amérique en permettant des droits de la loi naturelle de l’Espagne pour l’emporter sur les droits des indigènes. Le régime juridique prévu par Vitoria était tout aussi destructeur pour la souveraineté, la propriété et les droits humains des indigènes de right que la précédente définition de l'autorité du roi basée uniquement sur la cession du pape. (MLL, page 844-845 et 846)
Il est vrai que certaines conditions font la part belle aux conquérants et ont pu rendre souvent, en pratique, inopérant le droit de « Dominium » des indigènes : par exemple le refus vrai ou allégué d’accueil des missionnaires. Mais il ne faut pas oublier - outre le droit - les facteurs politiques. Précisément, dans le cas de l’Espagne, la fragilité de l’autorité de Charles Quint (1519-1558) dans le Nouveau Monde et la résistance des colons aux lois édictées ont joué un rôle important dans la perpétuation, par exemple de l’encomienda (semi-servage) instituée et 1498 et qui va s’étendre à toute la colonisation espagnole au 17ème siècle et perdurer jusqu’à 1791.
Il y a, à mon avis, historiquement un échec et un recul de l’autorité de la Couronne espagnole devant les appétits des encomenderos (curateurs en charge du semi-servage des indigènes). Aucune des dispositions légales prises par l’Espagne pour réformer les pratiques de servage en ce 16ème siècle ne sera vraiment respectée ou ne tiendra longtemps dans les faits ;
- La cédule royale de 1503 prise à la suite des récits sur l’extermination et la réduction en esclavage des indigènes d’Hispaniola – sous Christophe Colomb ;
- Les lois de Burgos de 1512 prises sont l’influence du dominicain Antonio de Montesinos ;
- Les Nouvelles Lois (Leyes nuevas) sur les Indes promulguée en 1542 par Charles Quint sous l’influence de Francisco de Vitoria et Batholomé de las Casas – tous deux dominicains. Ces lois assuraient la liberté aux indigènes et abolissaient le système des encomiendas ( )
- Du fait de la révolte des encomenderos et de la mort violente du vice-roi du Pérou, Charles Quint reviendra sur ces Leyes Nuévas rétablissant les encomienda - sauf pour les curés - et abrogeant en 1546 ces lois donnant liberté (affranchissement) liberté du travail et liberté de résidence aux indigènes. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Bartolom%C3%A9_de_las_Casas )
Toutes ces conditions mise à l’exercice du droit légitime de propriété des autochtones sont condamnés par les auteurs de l’article MLL. La dernière condition énoncée par Vitoria leur parait aussi dommageable pour les nations indigènes que le système antérieur reposant sur « l’autorité du roi et la cession du pape ». (MLL, page 846).
Il est vrai que les conditions d’exercice de ce « Dominium » des indigènes ont été dictées depuis l'étranger et non par les indigènes eux-mêmes. Rétrospectivement on peut juger que ces dispositions ont été dommageables pour les nations indigènes et les blâmer. Cependant, à l’époque aucune nation indigène sur Hispaniola n’était suffisamment constituée pour présenter un imaginaire plaidoyer devant une quelconque autorité de l’époque (pas d'équivalent de la " communauté internationale "). Par ailleurs, il semble que le déclin démographique de ces indigènes ait été très rapide – au moins en ce qui concerne Hispaniola - et était déjà très avancé au temps de Las Casas.
Et puis il y a une question de réalisme. Comment la " communauté internationale " aujourd’hui pose-t-elle la question des guerres défensives, des guerres contre les tyrans ou des guerres pour faire respecter les " droits de l'homme " et " la démocratie " ? Nos principes d'aujourd'hui sont-ils si différents de ceux du 15ème siècle - hormis le fait que ni papes, ni rois ne sont plus impliqués ? Qu'on pense à la guerre contre le nazisme, ou plus près de nous, à la Lybie et à l'Irak et aux guerres déjà en cours contre le djihadisme ?
C’est l’énoncé de ces conditions d’exercice du « Dominium » des indigènes qui a servi de moyens de régulation – dans les vues des papes – sans avoir besoin d’avoir recours au fait ou à l’argument de droit que les terres découvertes seraient vacantes, c'est à dire à la notion de « Terra Nullius ». Et dans le cas très particulier de la donation du pape Alexandre VI par la bulle Inter Ceatera, le pape s'est autorisé de sa prétendue souveraineté universelle, ni plus, ni moins ! (voir plus bas).
B. En second lieu, c’est le champ de compétence ou de souveraineté du pape qui a varié. Dans cet article MLL, nous avons déjà deux conceptions de la souveraineté du pape :
- En 1240, le pape a (aurait) le devoir et le pouvoir d’intervenir dans les affaires séculières des royaumes catholiques et des « infidèles » au temps du pape Innocent IV en 1240 (MLL, page 828 : spoiler) ;
- En 1532, c’est Francisco Vitoria qui va radicalement modifier la problématique en tirant la source du droit de " Dominium " de la nature libre et rationnelle des indigènes et en rejetant l’autorité du pape dans le domaine temporel.
- DIFFERENTS ENONCES SUR LA SOUVERAINETE DU PAPE:
Notons que dans ce paragraphe une partie de la formulation « sonne faux » - au moins pour le catholicisme. Si l’argument de la « paternelle et universelle sollicitude du pape » – qui sonne parfaitement juste - peut avoir entraîné une conception extensive et excessive de souveraineté du pape, par contre au moins trois idées de ce paragraphe sonnent vraiment faux :Parce qu’au pape était confiée la santé spirituelle de tous les humains, le pape avait aussi une voix dans les affaires séculières de tous les humains. Bien entendu, un « pape peut donner l’ordre aux infidèles de laisser entrer des prédicateurs de la Bible » … [et sinon] ils pêchent et en conséquence devraient être punis … et une guerre peut être déclarée par eux ou par n’importe qui d’autre. Par conséquent, le pape avait le devoir d’intervenir dans les affaires séculières de infidèles s’ils violaient la loi naturelle, telle que définie par les européens, ou s’ils empêchaient la prédication de la Bible » (MLL page 828, voir aussi page)
1. Le pape du 13ème siècle qui s’adresserait aux infidèles et leur donnant un ordre (!). On le voit bien avec ces deux bulles, le pape ne s'adresse qu'aux catholiques ... J’ai cependant bien dû convenir que le pape utilisait le terme « d’infidèle » qui n’est plus du tout usité dans le catholicisme actuellement ;
2. L’idée que celui qui n’obéit pas au pape commet un péché qui autorise le pape à le punir par la force des armes est une vision assez puérile et risible. Elle totalement infondée en théologie chrétienne ; et
3. Le « loi naturelle, telle que définie par les européens » est un double anachronisme : ni la loi naturelle, ni l’Europe n’existent au 13ème siècle (nous en avons déjà parlé plus haut). On est ici dans l’amalgame d’idées différentes et chronologiquement distinctes – servant, bien évidemment, le plaidoyer des auteurs.
A propos de l’idée fausse 3, ci-dessus, précisons l’idée qui nous paraît exacte : en fait l’argument du pape est plutôt un argument de droit : si la condition d’exercice du « Dominium » n’est pas remplie, la guerre de conquête ou de reconquête devient licite. Pratiquement, on peut objecter que cela revient au même pour les indigènes et on aura raison. Mais nous soulignons seulement ici que les auteurs de l'article MLL comprennent mal la logique du pape.
On a l'impression que ce paragraphe - comme plusieurs autres dans l'article - relèvent de la libre interprétation des auteurs qui ne s'embarrassent pas des subtilités - parfois blâmables - de la pensée des papes. Si on se reporte à la note correspondante (note 40 page 828 qui renvoie à la note 34, laquelle renvoie à la note 28), on s’aperçoit qu’il ne s’agit pas d’une citation ni littérale, ni en substance du texte d’Innocent IV, mais d’un commentaire de Miller (l’un des auteurs de cet article MLL) et d’autres nombreux commentateurs dans le même sens. Sans citation du texte original, la porte est ouvertes à toutes sortes de « thèses » tendancieuses, voire erronées.Ces bulles [Romanus Pontifex, 1455] incarnent la signification de la Découverte à cette époque parce qu’elles reconnaissent « l’intérêt paternel » du pape en amenant tout le genre humain « dans l’unique bercail du Seigneur », tout en autorisant même temps le travail de conversion du Portugal et en reconnaissant le titre et la souveraineté du Portugal sur les terres « qui ont déjà été acquises et qui seront acquise dans la futur. » (MLL page 832)
En 1532, Francisco de Vitoria va radicalement modifier la problématique en posant que la légitimité du « Dominium » découle de la nature humaine – laquelle est inhérente, donc non modifiable par une quelconque autorité ou institution - et en définissant une limite de compétence à l’autorité du pape, lui-même. Le pape ne peut donc pas enlever aux indigènes leurs droits naturels, inhérents à leur nature. Francisco de Vitoria conteste la validité des donations du pape Alexandre VI (1492-1503) au roi de Castille et de Léon » sur le même argument. Ce qui des inhérent de et à leurs successeurs simplement parce qu’il a outrepassé son domaine de compétence qui n’est pas temporel.
De plus, il a rejeté le simulacre de consentement organisé par les espagnol avec le Requerimiento (de 1512) ainsi que l’idée que le pape puisse déclencher une guerre d’agression sur la base du rejet de ce Requerimento :« Toute décision papale en ce domaine est invalide, le pape n'a aucun pouvoir temporel sur les Indiens, pas plus que sur tout autre non croyant et que les Indiens ne reconnaissent aucune autorité au pape ne donne pas le droit de leur déclarer la guerre et de de saisir leurs possessions ».Vitoria a même apparemment rejeté le Requerimiento, parce qu’il a écrit :
« même si les barbares refusent de reconnaître une quelconque souveraineté et pape, cela ne fournit pas de motif pour leur faire une guerre et saisir leur propriété. (MLL, page 844)
Signalons enfin une terminologie impropre page 845 et d'autres pages : dans la christianisme la notion de guerre sainte n'existe pas. Le paragraphe qui résume et traduit la page 845 montre que Francisco Vitoria développe sa conception d'un point de vue de missionnaire, donc interne à l'Eglise. Une personne peu avertie de la pensée de l'Eglise pourra penser qu'il s'agit simplement du triomphe de la raison. C'est cela mais pas seulement, Vitoria corrige la pensée du pape. Ce que dit Vitoria concorde avec deux éléments de tradition catholique très bien établis depuis l'origine de l'Eglise : d'abord si on se réfère au pouvoir donné par Jésus à Pierre, il n'est pas du tout question de pouvoir temporel (Mt 16, 13-20, Mc 8, 27-30 et Lc 9, 18-21) et ensuite l'être humain (homme/femme) - de même que l'histoire sainte - est compris comme un enseignement sur la volonté de Dieu (l'homme est créé à l'image de Dieu). Le christianisme n'est pas une religion où la " loi juste " serait donnée dans le Livre écrit par Dieu, ça c'est l'Islam.DenisLouis a écrit:Il conclut cependant que la violation par les Indiens de la loi des nations telle que définie par les Européens autorise leur conquête et domination par les puissances chrétiennes. Les Indiens doivent se soumettre à la loi naturelle des Européens, ce qui inclut le droit des Espagnols à voyager où ils veulent, à commercer comme ils l'entendent, à acquérir tous les biens qu'ils jugent utiles, particulièrement les métaux précieux qui seront à l’origine d’un enrichissement considérable.
Les Indiens ont l’obligation de ne pas empêcher l’évangélisation sous peine de guerre, le pape a le pouvoir exclusif de confier l’évangélisation à un prince chrétien.
C. En troisième lieu, c’est le lien posé entre « droit » et « nature » qui a varié. L'Ecole de Salamanque va être à l’origine du « droit naturel »
Sur cette question des options idéologiques de l’Ecole de Salamanque, il y a une opposition d’interprétation entre l’article MLL et Wikipédia. L’article MLL juge que le droit selon Francisco de Vitoria repose sur l’Ancien et le Nouveau Testament, alors que Wikipédia pense que le même auteur réinterprète Thomas d’Aquin et - recherchant les sources du droit par « l’examen de la nature à la lumière de la raison » - opère un changement de postulat qui rompt avec le droit médiéval, par exemple de Thomas d’Aquin. De fait, avec Francisco de Vitoria, il ne s’agit plus du tout du même droit, le changement de postulat change complètement le paradigme du droit, même si certaines dénominations ou notions du droit ancien sont reprises dans le nouveau.
- OPPOSITION D'INTERPRETATION ENTRE L'ARTICLE MLL ET WIKIPEDIA:
- Selon Vitoria, les obligations que devaient aux européens selon le droit des nations incluait de permettre aux Espagnols le droit de voyager où ils voulaient. Cela était basé sur la société naturelle et la fraternité des humains que Vitoria tirait de l’Ancien et du Nouveau Testaments. (MLL, page 844)
Nous relevons encore l’emploi abusif de la notion « d’européen », cette notion n’existant pas au 16ème siècle. Nous pensons que cette formulation confuse répétitive est utilisée à dessein pour donner l'impression d'une continuité entre le droit du 15ème siècle et le droit ultérieur, alors que déjà ce 15ème siècle - lui-même - est une rupture majeure dans la conception du droit et que cette ruptures sera suivie d'autres ruptures de la conception du droit.L'École de Salamanque (Escuela de Salamanca) est le nom donné au XXe siècle à un groupe de théologiens et de juristes espagnols du XVIe siècle, liés à l'ancienne université de Salamanque, dont la doctrine a été redécouverte par des économistes, en particulier Joseph Schumpeter et reprise par les fondateurs de la doctrine des libertariens qui en font les précurseurs de l'école autrichienne. Il désigne de manière générique l'ensemble des réflexions que menèrent des théologiens espagnols à la suite des travaux intellectuels et pédagogiques entamés par Francisco de Vitoria, en réinterprétant la pensée de Thomas d'Aquin à partir du postulat que les sources de la justice, du droit et de la morale ne doivent plus être recherchées dans les textes sacrés ou les traditions, mais dans l'examen de la nature à la lumière de la Raison.
http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_de_Salamanque
L'école de Salamanque va aussi remettre en question la souveraineté du roi :
- Spoiler:
- « Vitoria conclut que les autochtones américains possédaient des droits naturels en tant que peuple libre et rationnel. Juste comme le Pape Innocent IV et de nombreux autres penseurs l’avaient soutenu, Vitoria a convenu que les infidèles détenaient des droits de propriété et de souveraineté, ou dominium. Le titre de l’Espagne dans le Nouveau Monde ne pouvait alors pas être basé sur une donation papale parce que le pape ne pouvait les droit de loi naturelle des infidèles. Un titre [de propriété acquis] par une découverte était faux parce que les Indiens étaient des hommes libres et les vrais propriétaires de leurs terres. » (MLL, page 844)L'École de Salamanque a distingué deux pouvoirs, le domaine naturel ou civil, et le domaine surnaturel, qui ne se différenciaient pas au Moyen Âge. Une conséquence directe de la séparation des pouvoirs est que le roi ou l'empereur n'a pas d'autorité sur les âmes, ni le pape de pouvoir temporel.
http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_de_SalamanqueAinsi, selon Luis de Molina une nation est analogue à une société marchande dans laquelle les dirigeants seraient les administrateurs, mais où le pouvoir réside dans l'ensemble de ses administrés considérés individuellement […] divers membres de l'École ont soutenu que le peuple est le récepteur de le Souveraineté, lequel la transmet au prince dirigeant selon diverses conditions. Le principal défenseur de cette thèse a été probablement Francisco Suárez […] Les hommes naissent libres par nature et non pour servir un autre homme, et peuvent désobéir et même détrôner un souverain injuste
http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_de_Salamanque
- LE DOMINIUM ET SAINT THOMAS D’AQUIN ou INNOCENT IV:
- Thomas d’Aquin [1224-1274] recourt à la notion médiévale de dominium pour penser le pouvoir et la propriété. Ce terme a deux sens très différents selon qu’il s’applique aux personnes ou aux choses. Dans le premier cas, il s’agit soit du pouvoir politique dans le cadre de la cité, soit du pouvoir domestique dans le cadre de la famille. Dans le deuxième cas, il s’agit de la possession des choses, qui peut être commune ou propre (on parle alors de propriété). Thomas d’Aquin analyse, d’une manière méthodique et parfois surprenante, le dominium sur les personnes et sur les choses, en précisant sa nature, son fondement et ses formes.
http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=RSPT_944_0655En 1240 le Pape Innocent IV, un canoniste, écrivit un commentaire sur les droits des peuples non-chrétiens. Son travail influença à la fois le développement de la Doctrine de la Découverte et les écrits de Francisco de Vitoria et Hugo Grotius, fameux théoriciens du droit du 16ème et 17ème siècle. Dans son commentaire d’un décret papal de 1209, le pape Innocent IV demanda s’il était « licite d’envahir une terre que des infidèles possèdent et qui leur appartient ? » Innocent finalement répondit « oui », parce que de telles invasions étaient des guerres « justes », luttaient pour la « défense » des Chrétiens et pour la reconquête des terres chrétiennes. […] Il concéda que les païens avaient quelques droits naturels et que les chrétiens devaient reconnaître le droit des infidèles à leur propriété et à se gouverner eux-mêmes. (MLL, page 827-828)
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Roque- Messages : 5064
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Il y a effectivement une rumeur sur le net qui parle d'une bulle "terra nullius". Attribuée à Urbain II !
Foundation for international law
" In 1095, at the beginning of the Crusades, Pope Urban II issued an edict ‐the Papal Bull Terra Nullius (meaning empty land). It gave the kings and princes of Europe the right to "discover" or claim land in non Christian areas "
Je ne vois pas de bulle portant ce nom.
Une thèse intéressante qui parait assez complète :
"Droit naturel et droit divin comme fondements de la légitimité politique, une étude comparative du christianisme et de l'islam":
http://publications.ut-capitole.fr/699/1/ThMJJavid.pdf
page des matières à la page 13
Foundation for international law
" In 1095, at the beginning of the Crusades, Pope Urban II issued an edict ‐the Papal Bull Terra Nullius (meaning empty land). It gave the kings and princes of Europe the right to "discover" or claim land in non Christian areas "
Je ne vois pas de bulle portant ce nom.
Une thèse intéressante qui parait assez complète :
"Droit naturel et droit divin comme fondements de la légitimité politique, une étude comparative du christianisme et de l'islam":
http://publications.ut-capitole.fr/699/1/ThMJJavid.pdf
page des matières à la page 13
DenisLouis- Messages : 1072
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
DenisLouis a écrit:Il y a effectivement une rumeur sur le net qui parle d'une bulle "terra nullius". Attribuée à Urbain II !
Foundation for international law
" In 1095, at the beginning of the Crusades, Pope Urban II issued an edict ‐the Papal Bull Terra Nullius (meaning empty land). It gave the kings and princes of Europe the right to "discover" or claim land in non Christian areas "
Je ne vois pas de bulle portant ce nom.
en 1095 le pape Urbain II était fort occupé: en effet cette année là il y eut 2 conciles, celui de Plaisance du 1er au 5 mars, et celui de Clermont du 18 au 27 novembre de la même année.
Un certain nombre de décisions fut prises (voir les décisions des conciles), mais nulle bulle "terra nullius"...
phobos- Messages : 77
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Je ne vois pas de nom pour toutes les bulles. Ont-t-elles un titre explicite ou bien le titre résulte-t-il des premiers mots ou de certains mots importants ?
DenisLouis- Messages : 1072
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Ce sont toujours les premiers mots qui donnent le nom des documents des papes.DenisLouis a écrit:Je ne vois pas de nom pour toutes les bulles. Ont-t-elles un titre explicite ou bien le titre résulte-t-il des premiers mots ou de certains mots importants ?
C'est sans doute hérité des juifs qui nomment les livres bibliques par le premier mot de chaque livre.
Dans l'article, il y a un passage sur l'envoi en croisades et la conquête de l'Angleterre au 11ème siècle : pages 828-829. L'article parle de " guerre sainte ", notion qui n'existe pas dans le christianisme !
Roque- Messages : 5064
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
un petit lien pour expliquer les envois des papes.
j'ai découvert aussi un document fort interressant répertoriant tous les traités (et çe depuis l'antiquité !!!) ayant des conséquençes en droit international et droit des gens:
http://books.google.fr/books?id=FWw42_8WxoMC&pg=PR19&lpg=PR19&dq=urbain+II+terra+nullius&source=bl&ots=Yx51FUNtNI&sig=vT5uUPqf8JYx2aZKGMrakb4jN5o&hl=fr&sa=X&ei=GlgAVNiwCo7TaISlgfAC&ved=0CG4Q6AEwCQ#v=onepage&q=urbain%20II%20terra%20nullius&f=false
et notamment à la page XXXII 2 documents de notre Urbain II en 1091 qui ont joué un rôle inattendu lors de la découverte de l'Amérique 400 ans plus tard, la bulle cum universae insulae et celle cum omnes insulae.
comme l'explique un compte-rendu de Charles Verlinden dans la Revue belge de philologie et d'histoire à propos d'un ouvrage de Luis Weckmann http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/issue/rbph_0035-0818_1951_num_29_2 (pages 588-596, attention le lien direct est défectueux mais pas le pdf):
Par ces bulles, le pape en vertu de la (fausse) Donation de Constantin (et en extrapolant bien entendu) prétend avoir juridiction sur toutes les îles de la Chrétienté. La bulle d'Alexandre VI serait la dernière manifestation de cette théorie médiévale, après on passerait définitivement à une conception moderne (cf article et posts précédents).
j'ai découvert aussi un document fort interressant répertoriant tous les traités (et çe depuis l'antiquité !!!) ayant des conséquençes en droit international et droit des gens:
http://books.google.fr/books?id=FWw42_8WxoMC&pg=PR19&lpg=PR19&dq=urbain+II+terra+nullius&source=bl&ots=Yx51FUNtNI&sig=vT5uUPqf8JYx2aZKGMrakb4jN5o&hl=fr&sa=X&ei=GlgAVNiwCo7TaISlgfAC&ved=0CG4Q6AEwCQ#v=onepage&q=urbain%20II%20terra%20nullius&f=false
et notamment à la page XXXII 2 documents de notre Urbain II en 1091 qui ont joué un rôle inattendu lors de la découverte de l'Amérique 400 ans plus tard, la bulle cum universae insulae et celle cum omnes insulae.
comme l'explique un compte-rendu de Charles Verlinden dans la Revue belge de philologie et d'histoire à propos d'un ouvrage de Luis Weckmann http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/issue/rbph_0035-0818_1951_num_29_2 (pages 588-596, attention le lien direct est défectueux mais pas le pdf):
Par ces bulles, le pape en vertu de la (fausse) Donation de Constantin (et en extrapolant bien entendu) prétend avoir juridiction sur toutes les îles de la Chrétienté. La bulle d'Alexandre VI serait la dernière manifestation de cette théorie médiévale, après on passerait définitivement à une conception moderne (cf article et posts précédents).
Dernière édition par phobos le Sam 30 Aoû - 0:58, édité 1 fois
phobos- Messages : 77
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Pas accessible pour moi ...phobos a écrit:et notamment à la page XXXII 2 documents de notre Urbain II en 1091 qui ont joué un rôle inattendu lors de la découverte de l'Amérique 400 ans plus tard, la bulle cum universae insulae et celle cum omnes insulae.
comme l'explique un compte-rendu de Charles Verlinden dans la Revue belge de philologie et d'histoire à propos d'un ouvrage de Luis Weckmann http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/issue/rbph_0035-0818_1951_num_29_2 (pages 588-596, attention le lien direct est défectueux mais pas le pdf):
Roque- Messages : 5064
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
Roque a écrit:Pas accessible pour moi ...phobos a écrit:
comme l'explique un compte-rendu de Charles Verlinden dans la Revue belge de philologie et d'histoire à propos d'un ouvrage de Luis Weckmann http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/issue/rbph_0035-0818_1951_num_29_2 (pages 588-596, attention le lien direct est défectueux mais pas le pdf):
oui je sais il y a un problème pour lire cet article, mais il est accessible en cliquant directement sur l'icone pdf (comme je l'ai mentionné)
phobos- Messages : 77
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Re: [SD] Religions des conquérants et aborigènes ?
phobos a écrit:il est accessible en cliquant directement sur l'icone pdf (comme je l'ai mentionné)
J'y suis finalement parvenu et voila ce que j'ai pu lire.
Il y a deux paragraphes – dans la citation qui suit - qui confortent deux des points que j’ai avancés plus haut - et un point de droit, éventuellement nouveau.
C’est ce qui est appelé la « doctrine omni-insulaire » qui est l’objet d’analyse de cet article.Luis Weckmann a écrit:Il [E. Staedler] souligne d’abord qu’Alexandre VI n’a pas agi en tant qu’arbitre, en quoi il est d’accord avec H. Vander Linden. Le pape apparait comme fons iuris (source du droit) et accorde à l’Espagne et au Portugal une investiture de terres ou plus exactement d’îles. Ce qu’il veut, c’est séparer les îles africaines considérées par Nicolas V, Calixte III et Sixte IV au roi de Portugal, des îles découvertes par Colomb. La date même des bulles exclut qu’elles aient quelque chose à voir avec une inféodation du continent américain.
On a eu tort jusqu’à présent de considérer ces documents comme appartenant à l’époque moderne, comme se rattachant à une suite nouvelle de conceptions et d’événements. En réalité, ils sont, pense M. W., les derniers éléments d’une longue histoire purement médiévale. […] Pour M. W. celles-ci constituent une des dernières manifestations d’une théorie énoncée pour la première fois par Urbain II et d’après laquelle toutes les îles sont sur la juridiction de St Pierre et de ses successeurs.
D’abord le pape Alexander VI, par sa bulle Inter Caetera, a agi en se réclamant de sa seule souveraineté et non sur l’argument de droit de la « Terra Nullius ». Mais le paragraphe corrige ce que j’avais cru comprendre : le pape Alexandre VI ne se réclamait pas d’une souveraineté reçue de Jésus-Christ (qui n’est, bien évidemment, pas temporelle), mais d’une souveraineté tirée de la prétendue « donation de Constantin » ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Donation_de_Constantin ). L’humaniste Lorenzo Valla a démontré en 1440 que cette donation de Constantin était un faux du 8ème siècle. Mais selon toute évidence le pape, en 1493, n’a pas pris en compte de cet avis éclairé.
En second lieu, on a tort de penser que cette bulle Inter Caetera « appartient à la suite nouvelle des conceptions et des événements » qui nous mènent jusqu'au droit de l’époque moderne. Cette bulle Inter Caetera appartient à la logique médiévale et – comme je le disais plus haut – c’est précisément immédiatement après cette bulle de 1493 - dans le 16ème siècle que se situe l'une des ruptures philosophiques et d’horizon intellectuel qui vont mener à l'époque moderne. Cette bulle de 1493 est la fin du droit médiéval et non le début d'une série de décisions et conceptions menant au droit moderne.
Ceux qui formulent des thèses contre la « Doctrine de la Découverte » se trompent donc lorsqu’ils croient comprendre que cette Doctrine serait née avec les bulles Romanus Pontifex et Inter Caetara. Non, cette doctrine si elle a jamais existé est née selon une philosophie et une logique forgées après le 16ème siècle, mais pas au 15ème siècle et a fortiori pas avec ces bulles pontificales.
Le point de droit éventuellement nouveau est que si la bulle Inter Caetera n’implique qu’une souveraineté sur des îles - prétendument données par Constantin - elle ne peut en aucun cas concerner le continent américain.
Cette théorie « omni –insulaire » aurait donc été énoncée pour la première fois par Urbain II et certains éléments allant dans ce sens pourraient se retrouver dans le texte de 17 bulles (page 595), citons déjà :
- Bulle Cum universae insulae concernant les îles Lipari en 1091 qui dit ceci « secundumins titula, regalis iuris sint » et ajoute que « religiosi imperatoris Constantini privilegio in ius proprium b. Petro ejusque successoribus occidentales omnes insulae codonataea sunt » (je comprends à peu près : que toutes les îles occidentales ont été données ensemble à Pierre et à ses successeurs par l'empereur Constantin ... mon latin est loin !);
- Bulle Cum Omnes Insulae concernant l’ïle de Corse – la texte étend la donation de Constantin à toutes les îles ;
- Bulle Laudabiliter qui donne l4irlanade à l’Angleterre en 1155 ;
- Bulle ... : inféodation de la Sicile è Robert Guiscart en 1059 ;
- Bulle ... : inféodation des iles Canaries au portugais Luis de la Cerda en 1344 par Clément VI
- En 1455 (un an après Romanus Pontifex) Nicolas V confirme au roi du Portugal la possession d’îles dans l’Atlantique déjà acquises depuis 25 ans ;
- Etc …
Curieusement, le denier de Saint Pierre au 12ème siècle et 13ème siècles se serait appliqué aux îles - sans doute en raison de cette souveraineté temporelle reçue de Cosntantin. Mais on est bien obligé de reconnaître que cette « doctrine omni-insulaire » n’a jamais été énoncée dans les documents pontificaux et l’auteur de l’article. Il n’existe pas non plus de texte formel établissant un lien entre la doctrine « omni-insulaire » et le denier de St Pierre.
Pour finir : l’existence de cette doctrine « omni insulaire » pontificale n’est pas avérée, mais le caractère médiéval de la bulle Inter Caetera d’Alexandre VI en 1493 est – pour l’auteur – confirmé :
Luis Weckmann a écrit:Il reste néanmoins que si M.W. n’est pas parvenu à montrer l’existence réelle ou plutôt la continuité réelle d’une « doctrine omni insulaire » pontificale, il a prouvé jusqu’à l’évidence que l’esprit qui anime les bulles de 1493 est purement médiéval. Cet esprit n’est pas d’inspiration unique, comme le croit M.W. Il y entre beaucoup qui vient de la doctrine générale du pouvoir pontifical telle que l’avait construire un Innocent III [1160-1216].
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