Le sacerdoce des femmes ?
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Re: Le sacerdoce des femmes ?
Une précision. L’ordination sacerdotale n’existait pas au Ier siècle, et cela pour deux raisons :
C’est pourquoi je réserve l’expression « ordination sacerdotale » pour la situation présente.
- Du vivant des apôtres, le sacrement de l’Ordre n’était pas nécessaire puisque le contact des communautés chrétiennes avec ceux qui avaient été choisis par le Christ était encore immédiat. Ce n’est qu’à la génération suivante, avec le passage de témoin, que le sacrement a dû être institué.
- Le ministère sacerdotal proprement dit ne se constitue qu’autour des IIe et IIIe siècles, sur le modèle du sacerdoce lévitique. A cette époque, écrit Alexandre Faivre, « l’on voit se généraliser un monoépiscopat conçu comme "sacerdotal", et […] l’on assiste à l’utilisation nouvelle de la notion de klèros, terme qui permet de regrouper dans un même statut la triade ministérielle (évêque, presbytres, diacres) et d’exclure les femmes du pouvoir d’enseigner, de baptiser, voire de présider l’eucharistie. » (Chrétiens et Eglises : des identités en construction, Paris, Le Cerf, 2011, p. 140.)
C’est pourquoi je réserve l’expression « ordination sacerdotale » pour la situation présente.
Blaise- Messages : 220
Date d'inscription : 04/10/2011
Re: Le sacerdoce des femmes ?
Bonjour Blaise,
Il semble que la possibilité d' imaginer des femmes "envoyées en mission" profite d'un grand flou sur nos connaissances à propos de la fonction des ministres de l'Eglise primitive.
Si je suis bien d'accord avec vous qu'on ne puisse pas réellement parler de sacrement de l'ordre, ni même évoquer les fonctions de diacre, prêtre et évêque sans précaution pour désigner ce qui se vivait à cette époque, je me demande pourtant si les biblistes occidentaux ne se voilent pas quelque peu la face en entretenant à l'excès cette prétendue méconnaissance.
Je m'explique : Il est explicite pour moi que Jésus forme un cercle privilégié de disciples, qui se voient par la suite chargés de fonctions précises (exorcismes, guérisons, enseignement, juridiction), et ceci jusqu'à la délivrance d'une liturgie très spécifique dans le rituel de l'eucharistie.
Ainsi, il s'est trouvé, dès le début, un cercle d'hommes instruits par le Christ et élevés à une dignité particulière, et tout laisse à penser qu'eux-mêmes se sont mis à enseigner dès le vivant du Christ (un rabbi juif avait en effet des groupes de six disciples durant trois ans, et il est probable que les 70 disciples de Luc soient la "seconde génération", c'est à dire le cercle des 6 disciples de chacun des Douze). Par ailleurs, les fonctions d'épiscope, de presbytre, et de diacre trouvent leur pendant dans la pratique juive : les communautés juives recevaient la visite d'un mebaker chargé de veiller à la conformité du rite synagogal, comme l'ont été les épiscopes.
Si un sacrement codifié de la même manière qu'aujourd'hui n'avait pas lieu, il s'est tout de même avéré tout à fait nécessaire d'envoyer en mission des personnes chargées de fonder des communautés, de leur rendre visite, et bien sûr de les faire vivre. C'est ce que décrivent les Actes des Apôtres avec les voyages de Philippe, Barnabé et Paul, et ce que poursuivent, semble-t-il, les témoignages épars mais relativement fiables sur Addaï et Mari en Orient, par exemple : le contact de toutes ces communautés, qui ont essaimé dès le premier siècle, était sans doute immédiat lors de leur passage éventuel, mais les Douze ne se sont pas arrêtés : ils ont nécessairement formé des presbytres pour mener les communautés en leur absence, et toute l'histoire de Paul est un témoignage criant que de nouveaux apôtres ont été formés pour annoncer l'Evangile, en plus des seuls Douze.
Ces envoyés partagent l'essentiel de leur vocation avec les prêtres aujourd'hui : reproduire le ministère du Christ.
( au passage, que les liturgies ne soient pas censées reproduire la Cène à l'identique ne change rien : il s'agit de répéter des gestes fondés sur ceux du Christ, y compris dans le rite oriental, même s'il ne cite pas les mots de l'Evangile)
Certains affirment qu'il existait bel et bien un ministère féminin, mais d'un autre ordre, et qu'il s'agissait des "veuves" dont parlent le Nouveau testament. Il paraît que plusieurs témoignages traditionnels permettent de penser que les envoyés ne partaient pas sans être accompagnés de ces femmes, tout comme le Christ, qui les aidaient, elles aussi, dans la fondation des communautés judéo-chrétiennes. Mais il y a au moins un élément scripturaire permettant d'affirmer que les auteurs inspirés désapprouvaient le presbytérat chez les femmes : Paul ne permet pas que les femmes enseignent (1Thimothée) , et elles doivent se taire dans les assemblées... Ce ne sont pas des passages très réjouissants de l'Ecriture, mais il me semble tout de même qu'il y a là une affirmation très péremptoire. Le fameux couple Andronicus et Julie est tout de même bien ambigü, n'en déplaise à Charles Perrot... S'agit-il de Junia, de Junias ? Sont-ils "fameux parmi les apôtres", ou bien "bien connus des apôtres"?
Si j'ajoute ceci au silence total à propos de femmes envoyées en mission, je ne comprends pas trop que vous ne voyiez "aucun élément scripturaire". Mais bon. Passons.
Il est vrai que la symbolique nuptiale est une autre affaire. Je dirais juste que, dans le don de la vie, il nous apparaît clair, à tous, que l'homme a un rôle qui n'est pas celui de la femme. Il la féconde d'une manière quasi immatérielle, à l'opposé de la femme, qui donne tout son corps pour donner la vie... Il en est de même avec Dieu qui donne la vie à l'humanité, et avec le Christ qui vivifie l'Eglise par sa parole. Cela dit, vous me rétorquerez peut-être que justement, c'est son corps, que le Christ donne aussi.
Et par ailleurs, comme je le disais plus haut, cette symbolique nuptiale appelle, à mon sens, un sacerdoce féminin, qui puisse répondre logiquement à celui de l'homme, mais qui n'existe pas.
Il semble que la possibilité d' imaginer des femmes "envoyées en mission" profite d'un grand flou sur nos connaissances à propos de la fonction des ministres de l'Eglise primitive.
Si je suis bien d'accord avec vous qu'on ne puisse pas réellement parler de sacrement de l'ordre, ni même évoquer les fonctions de diacre, prêtre et évêque sans précaution pour désigner ce qui se vivait à cette époque, je me demande pourtant si les biblistes occidentaux ne se voilent pas quelque peu la face en entretenant à l'excès cette prétendue méconnaissance.
Je m'explique : Il est explicite pour moi que Jésus forme un cercle privilégié de disciples, qui se voient par la suite chargés de fonctions précises (exorcismes, guérisons, enseignement, juridiction), et ceci jusqu'à la délivrance d'une liturgie très spécifique dans le rituel de l'eucharistie.
Ainsi, il s'est trouvé, dès le début, un cercle d'hommes instruits par le Christ et élevés à une dignité particulière, et tout laisse à penser qu'eux-mêmes se sont mis à enseigner dès le vivant du Christ (un rabbi juif avait en effet des groupes de six disciples durant trois ans, et il est probable que les 70 disciples de Luc soient la "seconde génération", c'est à dire le cercle des 6 disciples de chacun des Douze). Par ailleurs, les fonctions d'épiscope, de presbytre, et de diacre trouvent leur pendant dans la pratique juive : les communautés juives recevaient la visite d'un mebaker chargé de veiller à la conformité du rite synagogal, comme l'ont été les épiscopes.
Si un sacrement codifié de la même manière qu'aujourd'hui n'avait pas lieu, il s'est tout de même avéré tout à fait nécessaire d'envoyer en mission des personnes chargées de fonder des communautés, de leur rendre visite, et bien sûr de les faire vivre. C'est ce que décrivent les Actes des Apôtres avec les voyages de Philippe, Barnabé et Paul, et ce que poursuivent, semble-t-il, les témoignages épars mais relativement fiables sur Addaï et Mari en Orient, par exemple : le contact de toutes ces communautés, qui ont essaimé dès le premier siècle, était sans doute immédiat lors de leur passage éventuel, mais les Douze ne se sont pas arrêtés : ils ont nécessairement formé des presbytres pour mener les communautés en leur absence, et toute l'histoire de Paul est un témoignage criant que de nouveaux apôtres ont été formés pour annoncer l'Evangile, en plus des seuls Douze.
Ces envoyés partagent l'essentiel de leur vocation avec les prêtres aujourd'hui : reproduire le ministère du Christ.
( au passage, que les liturgies ne soient pas censées reproduire la Cène à l'identique ne change rien : il s'agit de répéter des gestes fondés sur ceux du Christ, y compris dans le rite oriental, même s'il ne cite pas les mots de l'Evangile)
Certains affirment qu'il existait bel et bien un ministère féminin, mais d'un autre ordre, et qu'il s'agissait des "veuves" dont parlent le Nouveau testament. Il paraît que plusieurs témoignages traditionnels permettent de penser que les envoyés ne partaient pas sans être accompagnés de ces femmes, tout comme le Christ, qui les aidaient, elles aussi, dans la fondation des communautés judéo-chrétiennes. Mais il y a au moins un élément scripturaire permettant d'affirmer que les auteurs inspirés désapprouvaient le presbytérat chez les femmes : Paul ne permet pas que les femmes enseignent (1Thimothée) , et elles doivent se taire dans les assemblées... Ce ne sont pas des passages très réjouissants de l'Ecriture, mais il me semble tout de même qu'il y a là une affirmation très péremptoire. Le fameux couple Andronicus et Julie est tout de même bien ambigü, n'en déplaise à Charles Perrot... S'agit-il de Junia, de Junias ? Sont-ils "fameux parmi les apôtres", ou bien "bien connus des apôtres"?
Si j'ajoute ceci au silence total à propos de femmes envoyées en mission, je ne comprends pas trop que vous ne voyiez "aucun élément scripturaire". Mais bon. Passons.
Il est vrai que la symbolique nuptiale est une autre affaire. Je dirais juste que, dans le don de la vie, il nous apparaît clair, à tous, que l'homme a un rôle qui n'est pas celui de la femme. Il la féconde d'une manière quasi immatérielle, à l'opposé de la femme, qui donne tout son corps pour donner la vie... Il en est de même avec Dieu qui donne la vie à l'humanité, et avec le Christ qui vivifie l'Eglise par sa parole. Cela dit, vous me rétorquerez peut-être que justement, c'est son corps, que le Christ donne aussi.
Et par ailleurs, comme je le disais plus haut, cette symbolique nuptiale appelle, à mon sens, un sacerdoce féminin, qui puisse répondre logiquement à celui de l'homme, mais qui n'existe pas.
Libremax- Messages : 1367
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Date d'inscription : 18/10/2011
Re: Le sacerdoce des femmes ?
Il est tard, je réponds très brièvement (ou même partiellement).
Je ne cherche pas à tout prix à prouver que les femmes ont effectivement exercé des ministères de direction de la communauté et de présidence de la célébration eucharistique ; ce n’est pas mon problème. Je dis seulement – et les exégètes du Nouveau Testament seront tous d’accord sur ce point – que vous ne trouverez pas, même à l’état embryonnaire, de passage prônant l’exclusion des femmes de certains ministères. En conséquence prétendre extraire de l’Evangile la doctrine du sacerdoce masculin est hautement hasardeux. Il a fallu attendre les deuxième et troisième siècles pour trouver des témoignages d’une telle exclusion.
La parole de Paul que vous citez est très controversée. Charles Perrot et Antoine Faivre, qui font autorité pour l’histoire du christianisme primitif, considèrent qu’elle a été ajoutée postérieurement ; je préfère ne pas prendre position. Quoi qu’il en soit, il est question ici d’un ministère d’enseignement et non pas de présidence de la liturgie eucharistique.
A propos de la symbolique nuptiale. Nous avons tendance à bourrer de sens les « rôles » masculins et féminins, avec de nombreuses variations suivant les époques. Je reste donc méfiant. Néanmoins hommes et femmes entretiennent un rapport différencié à la fécondité et à l’enfantement. Nous touchons là le roc de la condition humaine. Sylviane Agacinski a écrit des choses très fortes là-dessus.
Ma règle dans notre discussion c’est de ne pas faire dire aux textes plus qu’ils ne disent. Ainsi, nous sommes dans l’impossibilité de déduire de la symbolique nuptiale, abondamment présente dans les Ecritures, une règle contraignante qui réserverait le ministère sacerdotal aux seuls hommes. C’est pourquoi je suis contre. Quant à ce que vous écrivez à propos des soixante-douze disciples, même si je suis plutôt sceptique, il s’agit là d’une hypothèse à débattre.
Je maintiens la distinction, réellement fondamentale à mes yeux, entre le mimétisme et le mémorial.
Je ne cherche pas à tout prix à prouver que les femmes ont effectivement exercé des ministères de direction de la communauté et de présidence de la célébration eucharistique ; ce n’est pas mon problème. Je dis seulement – et les exégètes du Nouveau Testament seront tous d’accord sur ce point – que vous ne trouverez pas, même à l’état embryonnaire, de passage prônant l’exclusion des femmes de certains ministères. En conséquence prétendre extraire de l’Evangile la doctrine du sacerdoce masculin est hautement hasardeux. Il a fallu attendre les deuxième et troisième siècles pour trouver des témoignages d’une telle exclusion.
La parole de Paul que vous citez est très controversée. Charles Perrot et Antoine Faivre, qui font autorité pour l’histoire du christianisme primitif, considèrent qu’elle a été ajoutée postérieurement ; je préfère ne pas prendre position. Quoi qu’il en soit, il est question ici d’un ministère d’enseignement et non pas de présidence de la liturgie eucharistique.
A propos de la symbolique nuptiale. Nous avons tendance à bourrer de sens les « rôles » masculins et féminins, avec de nombreuses variations suivant les époques. Je reste donc méfiant. Néanmoins hommes et femmes entretiennent un rapport différencié à la fécondité et à l’enfantement. Nous touchons là le roc de la condition humaine. Sylviane Agacinski a écrit des choses très fortes là-dessus.
Ma règle dans notre discussion c’est de ne pas faire dire aux textes plus qu’ils ne disent. Ainsi, nous sommes dans l’impossibilité de déduire de la symbolique nuptiale, abondamment présente dans les Ecritures, une règle contraignante qui réserverait le ministère sacerdotal aux seuls hommes. C’est pourquoi je suis contre. Quant à ce que vous écrivez à propos des soixante-douze disciples, même si je suis plutôt sceptique, il s’agit là d’une hypothèse à débattre.
Je maintiens la distinction, réellement fondamentale à mes yeux, entre le mimétisme et le mémorial.
Blaise- Messages : 220
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Re: Le sacerdoce des femmes ?
Blaise a écrit:La parole de Paul que vous citez est très controversée. Charles Perrot et Antoine Faivre, qui font autorité pour l’histoire du christianisme primitif, considèrent qu’elle a été ajoutée postérieurement ;
Ah oui! Encore un coup de ce coquin de moine copiste !
J'aurais dû m'en douter !
Libremax- Messages : 1367
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Date d'inscription : 18/10/2011
Re: Le sacerdoce des femmes ?
Il y a une petite vingtaine d'années d'ici, j'étais en repos à l'hôtellerie d'un monastère bénédictin et je voyais y défiler pas mal de monde, de tous horizons. C'est ainsi qu'un jour, je me suis retrouvée face à une charmante dame, amie de jeunesse d'une des religieuses qui venait lui rendre visite.
Quand l'un des hôtes lui a demandé ce qu'elle faisait dans la vie, elle a souris d'un air mutin et elle a répondu : "Cela va vous paraître étrange, mais je suis prêtre".
Bien qu'elle s'exprimait dans un français impeccable, elle était anglaise et prêtre de l'Eglise anglicane.
Naturellement, pas question pour elle de concélébrer, mais elle a prêché à l'un des offices et sa prédication était très pertinente, un style nouveau et inhabituel pour le milieu où j'évoluais alors.
Dans le protestantisme, il n'y a pas de ministère ordonné, pourtant dans les pays scandinave, les ministres luthériens s'appellent bien "prêtre" et "évêque". Mais comme la philologie de ces langues nordiques ne relève pas de mes compétences il me serait difficile d'en expliquer le pourquoi.
Quand l'un des hôtes lui a demandé ce qu'elle faisait dans la vie, elle a souris d'un air mutin et elle a répondu : "Cela va vous paraître étrange, mais je suis prêtre".
Bien qu'elle s'exprimait dans un français impeccable, elle était anglaise et prêtre de l'Eglise anglicane.
Naturellement, pas question pour elle de concélébrer, mais elle a prêché à l'un des offices et sa prédication était très pertinente, un style nouveau et inhabituel pour le milieu où j'évoluais alors.
Dans le protestantisme, il n'y a pas de ministère ordonné, pourtant dans les pays scandinave, les ministres luthériens s'appellent bien "prêtre" et "évêque". Mais comme la philologie de ces langues nordiques ne relève pas de mes compétences il me serait difficile d'en expliquer le pourquoi.
lhirondelle- Messages : 317
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Re: Le sacerdoce des femmes ?
lhirondelle a écrit:Il y a une petite vingtaine d'années d'ici, j'étais en repos à l'hôtellerie d'un monastère bénédictin et je voyais y défiler pas mal de monde, de tous horizons. C'est ainsi qu'un jour, je me suis retrouvée face à une charmante dame, amie de jeunesse d'une des religieuses qui venait lui rendre visite.
Quand l'un des hôtes lui a demandé ce qu'elle faisait dans la vie, elle a souris d'un air mutin et elle a répondu : "Cela va vous paraître étrange, mais je suis prêtre".
Bien qu'elle s'exprimait dans un français impeccable, elle était anglaise et prêtre de l'Eglise anglicane.
Naturellement, pas question pour elle de concélébrer, mais elle a prêché à l'un des offices et sa prédication était très pertinente, un style nouveau et inhabituel pour le milieu où j'évoluais alors.
Dans le protestantisme, il n'y a pas de ministère ordonné, pourtant dans les pays scandinave, les ministres luthériens s'appellent bien "prêtre" et "évêque". Mais comme la philologie de ces langues nordiques ne relève pas de mes compétences il me serait difficile d'en expliquer le pourquoi.
Bonjour lhirondelle,
L'Eglise anglicane offre cette particularité de rassembler trois grandes mouvances distinctes : la basse Eglise (les protestants), la haute Eglise (les catholiques) et la broad Church (les libéraux). Ainsi le précédent archevêque de Cantorbery, Rowan Williams, est ce qu'on appelle un anglo-catholique. On peut difficilement qualifier l'Eglise anglicane de protestante, puisqu'elle est aussi catholique et même libérale. Et toutes ces théologies cohabitent sous le même toit d'une même maison!
Dernière édition par Blaise le Sam 1 Fév - 14:22, édité 1 fois
Blaise- Messages : 220
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Re: Le sacerdoce des femmes ?
Libremax a écrit:Mais il y a au moins un élément scripturaire permettant d'affirmer que les auteurs inspirés désapprouvaient le presbytérat chez les femmes : Paul ne permet pas que les femmes enseignent (1Thimothée), et elles doivent se taire dans les assemblées... Ce ne sont pas des passages très réjouissants de l'Ecriture, mais il me semble tout de même qu'il y a là une affirmation très péremptoire.
L'interdiction d'enseigner et celle de prendre la parole dans les assemblées renvoient à deux passages distincts qui ne se recoupent pas vraiment : 1 Timothée 2, 11-12 et 1 Corinthiens 14, 34-35. De toute façon, il n'est pas question ici de réserver le presbytérat aux hommes; même si c'est vrai que 1 Timothée 3, en orientant vers l'idéal d'un mono-épiscope masculin distingué des diacres, est révélateur d'une mutation dans la façon qu'avaient les chrétiens de la troisième génération d'appréhender l'exercice des ministères. Une telle inflexion correspond assez bien au caractère tardif des épîtres pastorales, d’inspiration paulinienne, écrites à une époque où les communautés chrétiennes commençaient à s’installer dans la durée.
Détail intéressant, non seulement épiskopos est employé au singulier (quand Philippiens 1, 1 utilisait le pluriel) mais c’est pour désigner un ministre investi d’une charge spécifique, et non plus le Christ (comme dans 1 Pierre 2, 25).
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1 Corinthiens 14, 34-35 :
Que les femmes se taisent (sigatōsan, du verbe sigao : garder le silence) dans les assemblées, car il ne leur est pas permis de prendre la parole ; qu’elles se tiennent dans la soumission, selon que la Loi même le dit. Si elles veulent s’instruire sur quelque point, qu’elles interrogent leur mari à la maison ; car il est inconvenant pour une femme de parler dans une assemblée.
Retenons les deux motifs allégués : la convenance et la Loi (mais quelle Loi ?). On peut résumer ainsi l'idée générale: évitons de scandaliser !
Il s’agirait, d’après Charles Perrot, d’une glose dont l’insertion remonterait aux années 80, à une époque où, « déjà, une trop forte expansion de la parole féminine risquait […] de nuire à la communauté ». (Perrot, 2000, p. 250)
En tout état de cause, l’injonction faite aux femmes de se taire contredit 1 Corinthiens 11, 5 : « Toute femme qui prie ou prophétise le chef découvert fait affront à sa tête ». Et Charles Perrot de remarquer : « la femme prie et prophétise, deux activités de la parole, toujours à voix haute à l'époque. Paul ne peut donc pas leur demander en même temps de se taire ! » (Perrot, 2000, p. 250)
Bref, étant donné qu’elle s’accorde difficilement avec 1 Corinthiens 11, 5, les exégètes considèrent que la section 1 Corinthiens 14, 33-35 est une interpolation. Un autre fait troublant, mis en évidence par A.T. Hanson et que rapporte Alexandre Faivre, c’est que 1 Corinthiens 14, 33-35 « soit déplacé dans certains manuscrits » (Faivre, 2011, p. 344).
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1 Timothée 2, 11-12 offre un autre cas de figure. Ces versets sont insérés dans une notice connue sous le titre de Tenue des femmes (1 Timothée 2, 11-12), laquelle constitue un ensemble de toute évidence composite. D’après Alexandre Faivre son élaboration se serait étalée au cours des années 90 et du IIe siècle. (Faivre, 2011, p. 338)
1 Timothée 2, 11-12 interdit à la femme d’enseigner :
Pendant l’instruction, la femme doit garder le silence (hēsukhia), en toute soumission. Je ne permets pas à la femme d’enseigner ni de faire la loi à l’homme. Qu’elle garde le silence.
Cette fois ce n'est pas le silence (sígē) qui est exigé de la femme, mais la tranquillité (hēsukhia).
1 Timothée 2, 2 associait quant à lui hēsúkhíos (tranquille) à êremos (paisible) : « … afin que nous [c’est-à-dire « tous les hommes (anthropos) »] puissions mener une vie calme et paisible en toute piété et dignité. » Il faisait ainsi écho à 1 Pierre 3, 4 s’adressant aux femmes : « mais [que votre parure soit] à l’intérieur de votre cœur dans l’incorruptibilité d’une âme douce (praeōs) et calme (ēsukhiou) : voilà ce qui est précieux devant Dieu. » Par contre, l’hēsukhía dont il est question en 1 Timothée 2, 12 ne s’accorde pas, loin de là, avec 1 Timothée 2, 2. Force est de constater une rupture dans le contenu théologique de l’Epître : alors même que le vocable utilisé reste identique, ce n'est plus la tranquillité de l’âme mais le comportement extérieur, le fait de s’abstenir de tout enseignement qui est recherché.
Autre fait troublant qui doit être ajouté au dossier. Alors qu’aux versets 9-10, qui traitent de la parure, il est question des femmes au pluriel, à partir du verset 11 et jusqu’au verset 15a le rédacteur de la notice utilise le singulier – comme s’il s’agissait de deux textes différents qu’on aurait raccordés après coup. Le verset 12 se détache d’ailleurs par l’étrangeté de sa formulation, une interdiction à la première personne du singulier qui détonne dans le corpus paulinien : « Je ne permets pas … ». Comme Faivre le souligne, « ce verbe à la première personne du singulier est un cas unique dans le Nouveau Testament ! » (Faivre, 2011, p. 345)
Pourquoi la femme ne doit-elle pas enseigner ? les versets 13-14 fournissent une explication étiologique :
C’est Adam en effet qui fut formé le premier, Eve ensuite. Et ce n’est pas Adam qui se laissa séduire, mais la femme qui séduite, se rendit coupable de transgression.
En 2 Co 11, 2-3 Paul se référait à un même matériau haggadique mais pour en tirer une leçon toute différente :
J’éprouve à votre égard en effet une jalousie divine ; car je vous ai fiancés à un époux unique, comme une vierge pure à présenter au Christ. Mais j’ai bien peur qu’à l’exemple d’Eve, que le serpent a dupée par son astuce, vos pensées ne se corrompent en s’écartant de la simplicité envers le Christ.
La culpabilité d’Eve ne doit pas servir d’exemple aux femmes seulement mais à tous les baptisés, hommes et femmes. La contradiction est flagrante entre ces deux sections de texte.
En prenant Eve comme archétype féminin, le rédacteur de 1 Timothée 2, 13-14 prenait en fait volontairement le contre-pied de 1 Pierre 3, 5-6 qui donnait comme modèle aux femmes la figure de Sara la femme stérile engendrant spirituellement des croyants :
C’est ainsi qu’autrefois les saintes femmes qui espéraient en Dieu se paraient [d’une parure intérieure], soumises à leurs maris : telle Sara obéissait à Abraham, en l’appelant son Seigneur. C’est d’elle que vous êtes devenues les enfants, si vous agissez bien, sans terreur et sans aucun trouble.
En agissant comme Sara, les femmes peuvent alors espérer convertir leur époux plus efficacement que par de longs discours, l’engendrer spirituellement.
Ce qu’Alexandre Faivre résume ainsi :
« Selon que l'on interprète l'apostrophe aux filles de Sion d'Isaïe 3, 16 s. à la lumière de Genèse 2 et 3 ou de Genèse 18, selon que l'on enferme la femme dans la culpabilité d'Eve ou que l'on ouvre les femmes à la fécondité intérieure de Sara, on cantonnera la femme à un rôle mystique et symbolique ou l'on continuera d'inscrire l'histoire des femmes dans l'action humaine. »(Faivre, 2011, p. 18)
Effectivement, pour 1 Timothée 2, 15a la maternité au sens littéral du terme est la seule planche de salut : « Néanmoins elle [la femme] sera sauvée en devenant mère ».
Le verset conclusif de la notice consacrée aux femmes – c’est de 1 Timothée 2, 15 que je veux parler – pose problème, ce que la traduction lissée de la Bible de Jérusalem ne permet pas de voir. Alexandre Faivre insiste sur son incohérence grammaticale : « alors que le verbe de la première partie du verset est au singulier, celui de la seconde est au pluriel. » (Faivre, 2011, p. 341) La phrase traduite avec exactitude donnerait : « a Elle sera sauvée en devenant mère, b si elles demeurent avec modestie dans la foi, la charité et la sainteté. » Selon Faivre, « L’hypothèse la plus probable [expliquant ce passage au pluriel] nous semble être l’utilisation de matériaux antérieurs. » (Faivre, 2011, p. 341)
Blaise- Messages : 220
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Re: Le sacerdoce des femmes ?
Blaise a écrit:L'interdiction d'enseigner et celle de prendre la parole dans les assemblées renvoient à deux passages distincts qui ne se recoupent pas vraiment : 1 Timothée 2, 11-12 et 1 Corinthiens 14, 34-35. De toute façon, il n'est pas question ici de réserver le presbytérat aux hommes; même si c'est vrai que 1 Timothée 3, en orientant vers l'idéal d'un mono-épiscope masculin distingué des diacres, est révélateur d'une mutation dans la façon qu'avaient les chrétiens de la troisième génération d'appréhender l'exercice des ministères. Une telle inflexion correspond assez bien au caractère tardif des épîtres pastorales, d’inspiration paulinienne, écrites à une époque où les communautés chrétiennes commençaient à s’installer dans la durée.
Détail intéressant, non seulement épiskopos est employé au singulier (quand Philippiens 1, 1 utilisait le pluriel) mais c’est pour désigner un ministre investi d’une charge spécifique, et non plus le Christ (comme dans 1 Pierre 2, 25).
Bonjour Blaise !
Sur quoi repose cette idée d'une mutation dans les usages des communautés chrétiennes?
Qu'est-ce qui empêche, au juste, de concevoir que la charge du presbytre / de l'épiscope soient définies, distinctes des diacres, et masculines dès le début du christianisme? Ils sont les chefs de la communauté, ils en sont les anciens, à l'image des communautés synagogales, et donc ils enseignent.
En Jean 6, le sens de l'eucharistie est donné comme manifestation du partage de la parole. Les études anthropologiques sur l'oralité des évangiles démontrent bien que la catéchèse et la liturgie ne font qu'un, chez les judéo-chrétiens.
1 Corinthiens 14, 34-35 :
Que les femmes se taisent (sigatōsan, du verbe sigao : garder le silence) dans les assemblées, car il ne leur est pas permis de prendre la parole ; qu’elles se tiennent dans la soumission, selon que la Loi même le dit. Si elles veulent s’instruire sur quelque point, qu’elles interrogent leur mari à la maison ; car il est inconvenant pour une femme de parler dans une assemblée.
En effet, cette phrase semble contredire corinthiens 11,5. Mais cette injonction concerne le cadre des "assemblées", (ekklesiais, qui peut désigner ici la cérémonie, tout autant que la communauté) et la prière et la prophétie peuvent s'exercer en dehors. (je ne vois pas pourquoi Ch.Perrot fait de proseukomai une activité qui devrait forcément se faire à voix haute : ce n'est pas ce que suggère Mt 6,5-7, qui déconseille de parler)
Je ne connais pas tous les arguments de Charles Perrot, mais je pose la question : Paul écrivant aux Corinthiens, des chrétiens issus de la diaspora juive si non des Gentils, pourquoi faudrait-il nécessairement attendre 80 pour imaginer des communautés désireuses de sortir du carcan de certains usages juifs?
Je trouve l'hypothèse de l'interpolation un peu vite prise. L'inversion de versets est un fait récurrent : En quoi, au juste, faut-il la prendre pour un indice d'insertion ultérieure dans un texte original ?
A propos de 1Ti2, en quoi est-il "évident" qu'il s'agisse d'un ensemble composite? Cette idée d'ensemble composite me semble sous-tendre des représentations imagées très osées, dont j'ignore tous les fondements : celle d'un rédacteur écrivant un texte, qui sélectionne des extraits d'autres textes auxquels il ajoute des prescriptions émanant de lui-même ou bien de ses proches. Que sait-on des circonstances de tels écrits? finalement, rien.
Je ne partage pas cette vision d'une rupture entre le "silence" ou le "calme" demandé aux femmes et leur "tranquilité" : pour quelqu'un comme Paul, il en va de la dignité de la femme, pour ne pas dire de son identité, de présenter une attitude réservée. Il semble qu'il y ait, de son temps, un idéal féminin tout orienté vers la vie intérieure, et donc la retenue et le silence.
La femme étant soumise à l'homme selon la Loi (il s'agit là, me semble-t-il, d'une allusion à Gn 3,16, qui fait partie de la "Loi"), il est dès lors normal, pour Paul, qu'elle ne puisse pas exercer d'autorité sur des hommes, ni donc, enseigner.
Autre fait troublant qui doit être ajouté au dossier. Alors qu’aux versets 9-10, qui traitent de la parure, il est question des femmes au pluriel, à partir du verset 11 et jusqu’au verset 15a le rédacteur de la notice utilise le singulier – comme s’il s’agissait de deux textes différents qu’on aurait raccordés après coup. Le verset 12 se détache d’ailleurs par l’étrangeté de sa formulation, une interdiction à la première personne du singulier qui détonne dans le corpus paulinien : « Je ne permets pas … ». Comme Faivre le souligne, « ce verbe à la première personne du singulier est un cas unique dans le Nouveau Testament ! » (Faivre, 2011, p. 345)
On pourrait aussi dire que la mise au singulier de Gunè au verset 11 est cohérente avec la suite du propos de Paul, qui parle de l'homme et de la femme dans le plan de Dieu, alors qu'il évoque auparavant les femmes et les hommes comme sauvés par le christ, seul médiateur entre eux et Dieu.
On pourrait ainsi estimer que le "je ne permets pas" fait partie d'une chaîne de prises de positions personnelles (j'exhorte, je dis la vérité, je veux, je veux aussi, ... je ne permets pas), et qu'un hapax de conjugaison ne suffit peut-être pas à révéler un ajout. Bien que l'observation d'Alexandre Faivre soit tout à fait documentée et très académique, faut-il nécessairement poser que l'écriture de Paul, dans des lettres, soit dénuée de spontanéité? C'est une question.
Pourquoi la femme ne doit-elle pas enseigner ? les versets 13-14 fournissent une explication étiologique :C’est Adam en effet qui fut formé le premier, Eve ensuite. Et ce n’est pas Adam qui se laissa séduire, mais la femme qui séduite, se rendit coupable de transgression.
En 2 Co 11, 2-3 Paul se référait à un même matériau haggadique mais pour en tirer une leçon toute différente :J’éprouve à votre égard en effet une jalousie divine ; car je vous ai fiancés à un époux unique, comme une vierge pure à présenter au Christ. Mais j’ai bien peur qu’à l’exemple d’Eve, que le serpent a dupée par son astuce, vos pensées ne se corrompent en s’écartant de la simplicité envers le Christ.
La culpabilité d’Eve ne doit pas servir d’exemple aux femmes seulement mais à tous les baptisés, hommes et femmes. La contradiction est flagrante entre ces deux sections de texte.
Ce que vous dites ici se défend, en effet. Mais c'est là un point de vue logique vis à vis d'outils d'argumentation qui pourrait fort bien ne pas être celui d'un éventuel rédacteur unique : les deux propos prennent tous deux en rappel la faiblesse d'Eve dans le livre de la Genèse pour affirmer primo la dépendance des femmes en matière d'autorité et secundo pour illustrer ce que l'auteur craint chez ses lecteurs : la même faiblesse.
En prenant Eve comme archétype féminin, le rédacteur de 1 Timothée 2, 13-14 prenait en fait volontairement le contre-pied de 1 Pierre 3, 5-6 qui donnait comme modèle aux femmes la figure de Sara la femme stérile engendrant spirituellement des croyants :C’est ainsi qu’autrefois les saintes femmes qui espéraient en Dieu se paraient [d’une parure intérieure], soumises à leurs maris : telle Sara obéissait à Abraham, en l’appelant son Seigneur. C’est d’elle que vous êtes devenues les enfants, si vous agissez bien, sans terreur et sans aucun trouble.
En agissant comme Sara, les femmes peuvent alors espérer convertir leur époux plus efficacement que par de longs discours, l’engendrer spirituellement.
Ce qu’Alexandre Faivre résume ainsi :« Selon que l'on interprète l'apostrophe aux filles de Sion d'Isaïe 3, 16 s. à la lumière de Genèse 2 et 3 ou de Genèse 18, selon que l'on enferme la femme dans la culpabilité d'Eve ou que l'on ouvre les femmes à la fécondité intérieure de Sara, on cantonnera la femme à un rôle mystique et symbolique ou l'on continuera d'inscrire l'histoire des femmes dans l'action humaine. »(Faivre, 2011, p. 18)
A moins que j'interprète mal ce que vous m'écrivez, on voit bien ici qu'il y a une idée de la femme commune aux deux auteurs : celle d'un être devant faire fructifier sa vie intérieure, et davantage mystique que l'homme. Il n'y a pas de contre-pied (au sens d contradiction) entre la référence à Eve et celle à Sara. La première appelle la seconde, la faute de l'une dit en creux la vertu de l'autre.
Effectivement, pour 1 Timothée 2, 15a la maternité au sens littéral du terme est la seule planche de salut : « Néanmoins elle [la femme] sera sauvée en devenant mère ».
Le verset conclusif de la notice consacrée aux femmes – c’est de 1 Timothée 2, 15 que je veux parler – pose problème, ce que la traduction lissée de la Bible de Jérusalem ne permet pas de voir. Alexandre Faivre insiste sur son incohérence grammaticale : « alors que le verbe de la première partie du verset est au singulier, celui de la seconde est au pluriel. » (Faivre, 2011, p. 341) La phrase traduite avec exactitude donnerait : « a Elle sera sauvée en devenant mère, b si elles demeurent avec modestie dans la foi, la charité et la sainteté. » Selon Faivre, « L’hypothèse la plus probable [expliquant ce passage au pluriel] nous semble être l’utilisation de matériaux antérieurs. » (Faivre, 2011, p. 341)
Oui, c'est là une formulation étrange. M.Faivre a son avis, mais il en est d'autres. Le problème se pose si on veut coûte que coûte que les deux verbes aient le même sujet.
A cet égard, le texte araméen du nouveau Testament, par exemple, donne un texte beaucoup plus clair : "Mais elle est sauvée par ses enfants, s'ils persévèrent dans la foi, l'amour, la sainteté et la chasteté".
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Re: Le sacerdoce des femmes ?
Libremax a écrit:« Qu’est-ce qui empêche, au juste de concevoir que la charge du presbytre/de l’épiscope soient définies, distinctes des diacres, et masculines dès le début du christianisme ? ils sont les chefs de la communauté, ils en sont les anciens, à l’image des communautés synagogales, et donc ils enseignent. »
« Sur quoi repose cette idée d’une mutation dans les usages des communautés chrétiennes ? »
Vous devriez vous défaire de l’idée que la hiérarchie ministérielle de l’épiscope, des presbytres et des diacres auraient existé « dès le début du christianisme » telle qu’Ignace d’Antioche la décrit au IIe siècle. Les premiers chrétiens ont exploré des voies diverses selon les temps et les lieux dans leur manière d’organiser l’exercice concret des ministères.
A l’exception des Pastorales les mots diakonein (servir), diakonia (service), diakonos (serveur) renvoient, selon le contexte, au service de la table, à celui de la parole et à celui de l’entraide communautaire. En particulier chez Paul et dans les Epîtres deutéro-pauliniennes (cf. Col 1, 23 et 25), « diakonos » est le vocable fondamental pour signifier le ministère dans son unité : Le ministre de l’Eglise est d’abord un diakonos chargé de servir aux hommes la parole vivante du Ressuscité, avec les gestes de salut qui l’expriment. Ainsi dans la Deuxième Epître aux Corinthiens Paul revendique pour lui-même et pour Timothée le titre de diakonos : « Ce n’est pas que de nous-mêmes nous soyons capables de revendiquer quoi que ce soit comme venant de nous ; non, notre capacité vient de Dieu, qui nous a rendus capables d’être ministres (diakonous) d’une nouvelle alliance, non de la lettre, mais de l’Esprit ; car la lettre tue, l’Esprit vivifie. » (2 Co 3, 5-6)
Pour Paul la diakonia se décline en « diversités des services » (1 Co 12, 5). D’une part la hiérarchie fonctionnelle des apôtres, des prophètes et des docteurs : « Et ceux que Dieu a établis dans l’Eglise sont premièrement les apôtres, deuxièmement les prophètes, troisièmement les docteurs… » (1 Co 12, 28a) ; d’autre part les activités ecclésiales qui ne donnent pas lieu à des titres ministériels : « Puis il y a les miracles, puis les dons de guérison, d’assistance, de gouvernement, les diversités de langues. » (1 Co 12, 28b) En conséquence, le diakonos de Paul ne saurait être considéré comme la troisième fonction de la hiérarchie ministérielle de l’épiscope, des presbytres et des diacres. De plus, 1 Co 12, 28b vient démentir l’opinion selon laquelle la direction d’une communauté ecclésiale serait première par rapport à l’office de la parole. Autrement dit : l’apostolat, la prophétie et l’enseignement ne dépendent pas de la charge pastorale. C’est l’inverse qui est vrai.
Chez Paul il n’est pas question – si j’excepte encore une fois les Pastorales – de presbytres et d’épiscopes ; cependant, la lettre aux Philippiens comporte l’énoncé « épiscopes et serveurs » : « Paul et Timothée, serviteurs (douloi, litt. « esclaves ») du Christ Jésus, à tous les saints qui sont à Philippes, ainsi qu’aux épiscopes et serveurs (episkopois kai diakonois) » (Phi 1, 1). Il s’agit là d’une double appellation à la manière hellénistique : les mots episkopos et diakonos, sans article, sont rattachés l’un à l’autre par la parataxe kai. Dans le cas présent, il serait plus juste de traduire, ce qu’autorise le grec, « des épiscopes, c’est-à-dire (des) serveurs. » Associé à diakonos, qui a trait au service de la parole, le mot episcopos prend le sens d’intendant d’une communauté de table. L’episkopos, c’est le diakonos qui, en sa qualité de serveur de la parole, préside la table eucharistique. Paul mentionne episkopos au pluriel, peut-être parce qu’il existait plusieurs communautés de table dans la même ville. Une chose est sûre, nous sommes loin du monoépiscopat dont témoigne la lettre à Timothée.
Les Evangiles ne parlent pas des presbytres, sauf pour désigner le conseil des anciens du peuple ; c’est dans les Actes seulement, à partir du chapitre 11, que Luc fait un usage répété du mot (7 occurrences) en l’appliquant à l’Eglise. « Presbyteros » n’évoque alors pas l’idée d’une charge ministérielle liée à la parole, mais la dignité revenant à des anciens dans la foi. C’est ainsi qu’on lit dans la Première Epître de Pierre : « Les anciens qui sont parmi nous, je les exhorte, moi, ancien comme eux, témoin des souffrances du Christ. » (1 P 5, 1) Dans le même ordre d’idée, l’auteur des deux lettres de Jean se présente comme « l’Ancien », pour faire ressortir sa qualité de témoin de la Résurrection de Jésus (2 Jn 1 ; 3 Jn 1). Mis à part les quelques exemples tirés de ces trois lettres, « presbyteros » se conjugue toujours au pluriel, car, c’est un autre point à considérer, l’institution de presbytres dans les Eglises correspondait non pas à une fonction ministérielle mais à une instance collégiale, un conseil de gérance ou d’administration communautaire (cf. Ac 11, 30 ; 15, 2-22). Pris individuellement, les presbytres n’exerçaient aucun office particulier. La première lettre à Timothée se démarque sur ce point du reste du corpus néotestamentaire : certains presbytres, mais pas tous, peuvent recevoir des charges ministérielles : « Les presbytres qui exercent bien la présidence méritent une double rémunération, surtout ceux qui peinent à la parole et à l’enseignement. » (1 Tm 5, 17).
Dans le Nouveau Testament, à l’exception des Epîtres Pastorales, les mots d’episkopos (gardien) et d’episkopê (charge de surveillance) désignent une tâche pastorale dite de surveillance et non pas un titre ministériel qui correspondrait, qui plus est, au premier échelon d’une hiérarchie trifonctionnelle. Ainsi Pierre applique à Judas qui, par sa trahison et sa mort, a fait défection au collège des Douze, le v. 8 du Psaume 109 : « Qu’un autre reçoive sa charge (episkopên, litt. épiscopat) » (Ac 1, 20). Ce mot, qui ne réapparaît pas, sauf dans la Première lettre à Timothée (1 Tm 3, 1), était d’usage courant pour désigner les dirigeants d’associations dans le monde hellénistique et n’a pas du tout la même valeur technique que les titres d’apôtres ou de membres du collège des Douze. Quelques chapitres plus loin, dans un discours à visée testamentaire, inaugurant la transmission de l’autorité apostolique aux Eglises locales, Paul annonce sa mort prochaine aux anciens (presbuterous) de l’Eglise d’Ephèse et les exhorte : « Soyez attentifs à vous-mêmes, et à tout le troupeau dont l’Esprit Saint vous a établis gardiens (episkopous) pour paître l’Eglise de Dieu, qu’il s’est acquise par le sang de son propre fils. » (Ac 20, 28). Pour le coup, ce passage est crucial car il infléchit le sens de la fonction presbytérale. L’autre occurrence du mot, écrite dans un état d’esprit similaire, se trouve dans La première lettre de Pierre où seul Jésus est désigné comme « le pasteur et le gardien (episkopon) » des baptisés (1 P 2, 25), ce qui n’empêche pas l’auteur d’exhorter les anciens à « paître le troupeau de Dieu » (1 P 5, 2). La charge d’épiscope est dans l’un et l’autre cas exercée par les presbytres.
Mais c’est dans les Pastorales (1 Tm 3, 1-4 ; 4, 14 ; Tt 1, 5-7) que se dessine la figure d’un unique épiscope, « mari d’une seule femme », réunissant les fonctions de la parole et du gouvernement pastoral, distinct du collège des presbytres, dont il est issu et qui lui a imposé les mains, ainsi que de celui des « diacres » qui a rétrogradé à un rang mineur.
Faites donc attention ! même en se limitant aux communautés pauliniennes, on repère distinctement plusieurs structurations du ministère dans les écrits néotestamentaires. Ac 20, 28 et 1 P 5, 2-3 sont des jalons de cette histoire des ministères qui continue à s’écrire après Paul, de même que la Première lettre à Timothée et la lettre à Tite.
Quant aux trois fonctions synagogales des archontes ou parnashim (Juges), des presbytres (anciens ou notables) et des archisynagogues (chefs de synagogue), méfions-nous des analogies forcées ! Bien que l’institution des Sept par les Douze (Ac 6, 1-6) puisse être rapprochée de l’archontat, le titre même n’a pas été repris et de toute façon la persécution qui s’est abattue sur les hellénistes a rendu assez vite caduc un tel ministère. Remarquons, cependant, que l’archonte remplissait une fonction d’administration des communautés urbaines de Palestine ou de la Diaspora et que c’était lui qui supervisait le service de l’entraide. Quant aux presbytres, tous de bonnes familles, ils pouvaient siéger dans le conseil de l’archonte, mais n’exerçaient aucun pouvoir direct. Ni les presbytres ni l’archonte ne proclamaient ou n’enseignaient la parole de Dieu. L’archisynagogue lui non plus n’enseignait pas, ou s’il lui arrivait de le faire ce n’était pas là sa fonction principale : il présidait l’assemblée du sabbat, veillait au respect des règles pendant la célébration, autorisait ou désignait le lecteur et l’homéliaste. Le judaïsme du IIe siècle ajoutera la fonction de shâlia ou d’« envoyé » chargé d’inspecter une communauté, à ne pas confondre avec le mebaqqer (inspecteur) de la communauté du Maître de Justice à Qumrân : ce dernier veillait sur les finances, l’administration et la justice dans les Camps ou communautés de l’Alliance. A la différence des ministères chrétiens les charges synagogales répondent d’abord à des besoins de régence de la communauté, avec une reproduction des hiérarchies sociales. Nous sommes à des années lumières de Paul ! C’est que les ministères de l’Eglise ont pour origine la Parole du Christ.
Libremax a écrit: « En effet, cette phrase [1 Co 14, 34-35] semble contredire 1 Co 11, 5. Mais cette injonction concerne le cadre des "assemblées" (ekklesiais, qui peuvent désigner ici la cérémonie, tout autant que la communauté) et la prière et la prophétie peuvent s’exercer en dehors (je ne vois pas pourquoi Ch. Perrot fait de proseukomai une activité qui devrait forcément se faire à voix haute : ce n’est pas ce que suggère Mt 6, 5-7, qui déconseille de parler). »
Jean-Yves Thériault et André Mire sont formels,
« Etymologiquement, l’ekklèsia est une assemblée qui est réunie par convocation, comme l’indique la racine verbale kaleô, "appeler", présente dans ce substantif féminin sous le terme klê. » (« Ekklêsia » in Nouveau vocabulaire biblique, sous la dir. de J.-P. Prévost, Paris, Ed. Bayard, 2004, p. 368)
De plus,
« Chez Paul, l’idée de rassemblement sur convocation reste prédominante. Ainsi, en 1 Co 14, les tâches accomplies pour construire l’ekklèsia consistent moins à structurer une communauté qu’à fortifier une assemblée réunie : "qui prophétise est le bâtisseur de l’Assemblée" (v. 4) ; "dans l’Assemblée, je préfère dire cinq mots intelligibles pour instruire les autres de vive voix" (v. 19) ; etc. » (Ibid, p. 369)
Comme les auteurs le soulignent, Paul, au chapitre 14, donne pour cadre de la prophétie l’assemblée chrétienne. Insistons sur ce point : la prophétie est un ministère destiné à la communauté chrétienne rassemblée au nom du Christ, pour l’édifier, l’exhorter et la réconforter (1 Co 14, 3). La prophétie ne peut « s’exercer en dehors » des assemblées chrétiennes ! Il suffit de lire Ac 11, 27 ; 13, 1 ; 15, 32 ; 21, 10 pour s’en convaincre. De même Paul à propos de la hiérarchie des charismes : « Ainsi donc, les langues servent de signe non pour les croyants, mais pour les infidèles : la prophétie, elle, n’est pas pour les infidèles mais pour les croyants. Si donc l’Eglise entière se réunit ensemble et que tous parlent en langues, et qu’il entre des non-initiés ou des infidèles, ne diront-ils pas que vous êtes fous ? Mais si tous prophétisent et qu’il entre un infidèle ou un non-initié, le voilà repris par tous, jugé par tous ; les secrets de son cœur sont dévoilés, et ainsi, tombant sur la face, il adorera Dieu, en déclarant que Dieu est réellement parmi vous. » (1 Co 14, 22-25) Je martèle ces mots : La prophétie n’est pas pour les infidèles mais pour les croyants. Elle est en quelque sorte réservée aux « initiés », à ceux qui ont reçu la grâce du baptême et qui participent aux célébrations liturgiques.
Par ailleurs la recommandation que fait Paul aux Corinthiens de porter les cheveux courts pour les hommes (1 Co 11, 4), les cheveux longs pour les femmes (1 Co 11, 5) n’a de sens que dans un contexte public.
Enfin, relisez Mt 6, 5-7 : Jésus n’invite pas à pratiquer une prière silencieuse, mais une prière « dans le secret » éloignée du regard des hommes, à distance « des synagogues » et « des carrefours ». Le chrétien est invité à entrer dans sa chambre et à fermer la porte pour que personne ne le voie ni ne l’entende quand il prie. De plus, ce qui est condamné, ce n’est pas la parole mais les discours interminables : « Dans vos prières, ne rabâchez pas comme les païens » (Mt 6, 7). Des paroles courtes suffisent. Il ne s’agit pas ici de la prière commune, dans le cadre d’une célébration liturgique.
Libremax a écrit: « Je trouve l’hypothèse de l’interpolation un peu vite prise. L’inversion des versets est un fait récurrent : en quoi, au juste, faut-il la prendre pour un indice d’insertion ultérieure dans un texte original ? [à propos de 1 Co 14, 34-35]. »
Effectivement, l’inversion des versets ne constitue pas un fait « prouvant » l’intervention d’un glossateur ; il s’agit pourtant bel et bien d’un « indice ». Que, dans certains manuscrits, le passage de 1 Co 14, 33b-35 ait été placé à la suite du verset 40, voilà qui alerte la sagacité de l’exégète ! Il s’agit, de toutes façons, d’un indice parmi une multitude d’autres indices qui se renforcent mutuellement.
Commençons d’abord par replacer le passage incriminé dans son contexte plus large (1 Co 14, 26-40) où il est question de l’exercice des charismes :
26-33a « 26 Que conclure, frères ? Lorsque vous vous assemblez, chacun peut avoir un cantique, un enseignement, une révélation, un discours en langue, une interprétation. Que tout se passe de manière à édifier. 27 Parle-t-on (lalei) en langue ? Que ce soit le fait de deux ou de trois tout au plus, et à tour de rôle ; et qu’il y ait un interprète. 28 S’il n’y a pas d’interprète, qu’on se taise (sigatō) dans l’assemblée (ekklēsia) ; qu’on se parle (laleitō) à soi-même et à Dieu. 29 Pour les prophètes, qu’il y en ait deux ou trois à parler (laleitōsan), et que les autres jugent. 30 Si un autre qui est assis a une révélation, que le premier se taise (sigatō). 31 Car vous pouvez tous prophétiser à tour de rôle, pour que tous soient instruits (manthanōsin) ou exhortés. 32 Les esprits des prophètes sont soumis (upotassetai) aux prophètes ; 33a car Dieu n’est pas un Dieu de désordre, mais de paix. »
33b-35 « 33b Comme dans toutes les Eglises (ekklēsiais) des saints, 34 Que les femmes se taisent (sigatōsan) dans les assemblées (ekklēsiais), car il ne leur est pas permis de prendre la parole (lalein) ; qu’elles se tiennent dans la soumission (upotassesthōsan), selon que la loi même le dit. 35 Si elles veulent s’instruire (mathein, connaître, comprendre) sur quelque point, qu’elles interrogent leur mari à la maison ; car il est inconvenant (aiskhron, honteux) pour une femme de parler (lalein) dans une assemblée (ekklēsia). »
36-40 « 36 Est-ce de chez vous qu'est sortie la parole de Dieu ? Ou bien, est-ce à vous seuls qu'elle est parvenue ? 37 Si quelqu'un croit être prophète ou inspiré par l'Esprit, qu'il reconnaisse en ce que je vous écris un commandement du Seigneur. 38 S'il l'ignore, c'est qu'il est ignoré. 39 Ainsi donc, mes frères, aspirez au don de prophétie, et n'empêchez pas de parler en langues. 40 Mais que tout se passe dignement et dans l'ordre. »
- Le passage de 1 Co 14, 33b-35 relatif au « silence » absolu des femmes rompt le fil allant de 1 Co 14, 33a jusqu’à 1 Co 14, 36, qui traite de la prophétie.
- En 1 Co 14, 26-33a, les verbes « parler » et « se taire » font référence à la glossolalie (27-28) et à la prophétie (29-32) tandis que dans 1 Co 14, 33b-35 « parler » et « se taire » renvoient à la prise de parole comme telle.
- En 1 Co 14, 32-33a, « les esprits des prophètes sont soumis aux prophètes », chacun parlant et écoutant l’un après l’autre, alors qu’en 1 Co 14, 34b ce sont les femmes qui doivent « se tenir dans la soumission ».
- En 1 Co 14, 31, l’« instruction » a lieu dans le cadre public de l’assemblée liturgique, qui écoute la parole prophétique (celle des hommes comme des femmes, rappelons-le !) – mais en 1 Co 14, 35 la parole féminine étant supposée ne pouvoir qu’interroger, – et ayant, de surcroît, été proscrite des assemblées, – c’est au mari qu’incombe la responsabilité d’un enseignement complémentaire « à la maison », un peu comme l’association des cours du soir aux heures de classe. Ce que la femme n’a pas très bien compris lors de l’assemblée, son mari, qui est intelligent, se fait fort de le lui expliquer.
- Seul le passage de 1 Co 14, 33b-35 utilise le pluriel ekklesiais (une fois en 14, 33b et une autre fois en 14, 34). Dans tout le reste du chapitre 14, le singulier ekklesia est de mise (sept occurrences). La Première Lettre aux Corinthiens envisagée dans son intégralité compte sept « ekklesiais » pour quinze « ekklesia ».
- On peut dégager deux ensembles dans l’usage qui est fait par l’apôtre du pluriel : 1 Co 4, 17 ; 1 Co 7, 17 ; 1 Co 11, 16 renvoient à des règles de conduite, à une maîtrise de soi que les baptisés acquièrent au sein de la communauté ecclésiale. Le pluriel peut aussi être utilisé pour signifier les Eglises locales d’une même région : « les Eglises de Galatie » (1 Co 16, 1), « les Eglises d’Asie » (1 Co 16, 19). 1 Co 14, 33b-35 paraît relever du premier cas de figure (en particulier 1 Co 4, 17 et 1 Co 7, 17) mais il en déplace le sens : il ne s’agit plus ici d’un comportement éthique valable pour tous les aspects de la vie d’un chrétien engagé dans une voie de sanctification. Non, ce qui est visé, c’est la maîtrise de soi de la femme seulement, exclusivement dans le cadre de l’assemblée, – et qui plus est pour un motif de bienséance (ne pas encourir de « honte » !).
Libremax a écrit: Je ne partage pas cette vision d’une rupture entre le "silence" ou le "calme" demandé aux femmes et leur "tranquillité" : pour quelqu’un comme Paul, il en va de la dignité de la femme, pour ne pas dire de son identité, de présenter une attitude réservée. Il semble qu’il y ait, de son temps, un idéal féminin tout orienté vers la vie intérieure, et donc la retenue et le silence.
Le verbe « se taire » (sigao) d’une part, et de l’autre le substantif « tranquillité » (hēsukhia) ou l’adjectif « tranquille (hēsukhios) ne sont pas purement et simplement substituables.
Dans le premier cas (1 Co 14, 33b-35), il s’agit d’une interdiction formelle de prendre la parole (lalein, dire, parler) dans l’assemblée.
Par contre, le sens de hesukhia/hesukhios dépend plus étroitement du contexte dans lequel le mot s’insère.
En 1 Tm 2, 11-12 la tranquillité exigée de la femme concerne l’attitude d’écoute passive qui est celle du disciple lorsque ce dernier reçoit un enseignement, la position de l’enseignant demeurant une prérogative exclusive de l’homme.
En 1 Tm 2, 2 la « vie tranquille » est relative au gouvernement de la cité par les magistrats, garants de l’ordre public et de la paix aux frontières.
Enfin, en 1 P 3, 4 l’« âme tranquille » souhaitée de l’épouse implique une certaine retenue : mieux vaut convertir par des actes plutôt que par des paroles verbeuses. Mais ce passage n’exige de la femme ni de se taire ni d’adopter une attitude passive ou obéissante. Ce n’est pas la question.
Bien entendu, il est aisé de constater que ces textes sont déterminés par un fonds commun patriarcal, indifféremment partagé par les cultures antiques, médiévales et modernes : la soumission de la femme à son père, ensuite à son mari, est hautement valorisée ; mais il existe différentes manières de se positionner par rapport à l’ordre social dominant ; de plus, vous ne pouvez pas conclure qu’il aurait existé, à l’époque de Paul, « un idéal féminin tout orienté vers la vie intérieure ». 1 Co 14, 34-36 et 1 Tm 2, 11-13 ne laissent pas de place à l’intériorité mais seulement à l’obéissance. Et 1 P 3, 1-4 conseille aux épouses un comportement vertueux adapté aux circonstances de l’époque.
Libremax a écrit: La femme étant soumise à l’homme selon la loi (il s’agit là, me semble-t-il, d’une allusion à Gn 3, 16, qui fait partie de la "Loi"), il est dès lors normal, pour Paul, qu’elle ne puisse pas exercer d’autorité sur des hommes, ni donc, enseigner.
Gn 3, 16 ne contient pas un commandement de Dieu qui stipulerait le comportement juste et vertueux de la femme vis-à-vis de son époux ; il y est question d’une sentence divine qui inflige une série de peines au premier couple humain après la désobéissance (Gn 3, 14-19) :
- le serpent devra ramper sur le sol et se nourrir de terre ; sa ligné et celle des hommes se côtoieront désormais dans un état de guerre perpétuel.
- la femme enfantera dans la peine ; elle sera asservie par son mari.
- l’homme cultivera un sol infructueux à la sueur de son front ; sa vie achevée, il retournera au sol – l’accès à l’arbre de vie lui étant refusé.
Ces versets racontent simplement comment les relations jusque-là harmonieuses entre l’homme, la femme, les bêtes et le sol ont été altérées par le premier péché. Mais il ne s’agit pas de « loi » ; au contraire, Adam et Eve ne font que subir des réalités naturelles vécues auparavant de manière apaisée, et qui se sont transformées en autant de nécessités douloureuses et implacables : L’aide apportée par la femme à l’homme s’est muée en esclavage ; les enfantements et la culture de la terre, désormais, s’effectuent dans la douleur et l’angoisse. L’espérance d’une heureuse délivrance et de bonnes récoltes n’est même plus assurée.
Par ailleurs, les temps messianiques annoncés par Isaïe 11, 1-9 inaugurent une réconciliation de toutes les créatures en Dieu, une restauration et un achèvement de la paix des origines qui rendent caduques les châtiments divins prononcés en Gn 3, 14-19. On pourrait en douter, puisque ce sont des chrétiens qui sont en train de commettre le génocide centrafricain, mais les baptisés sont appelés à être les témoins de ce royaume de paix.
La « loi » dont parle 1 Co 14, 34 n’est pas spécifiée, et la « soumission » (upotassesthōsan, « [qu’elles] se placent sous [l’autorité de qqn] », « [qu’elles] se soumettent ») dont il est question n’est pas la même que celle dont parle la Septante : kurieúsei (κυριεύσει), écraser ; l’auteur de ce passage met l’accent ailleurs, – sur le caractère « honteux » (aiskhron) qu’il y aurait pour une femme à prendre la parole : « CAR il est inconvenant (= aiskhron) pour une femme de parler dans une assemblée. » Une comparaison s’impose : d’après une Tosefta du IIe siècle une femme pouvait lire la Torah à la synagogue ; cependant, par « convenance », il lui était conseillé de s’abstenir (Tosefta, traité Megilla 4, 11). Une fois de plus, nous ne sommes pas dans la prescription de commandements. Le motif allégué, identique à 1 Co 14, 34-35, est de ne pas occasionner de scandale.
Libremax a écrit: On pourrait aussi dire que la mise au singulier de Gunè au verset 11 [1 Tm 2, 11] est cohérente avec la suite du propos de Paul, qui parle de l’homme et de la femme dans le plan de Dieu, alors qu’il évoque auparavant les femmes et les hommes comme sauvés par le Christ, seul médiateur entre eux et Dieu.
On pourrait ainsi estimer que le "je ne permets pas" fait partie d’une chaîne de prises de positions personnelles (j’exhorte, je dis la vérité, je veux, je veux aussi,…je ne permets pas), et qu’un hapax de conjugaison ne suffit peut-être pas à révéler un ajout. Bien que l’observation d’Alexandre Faivre soit tout à fait documentée et très académique, faut-il nécessairement poser que l’écriture de Paul, dans des lettres, soit dénuée de spontanéité ? C’est une question.
1 Tm 2, 1-2 ne parle ni des hommes (andras) ni des femmes (gunaikas, gunaixin) mais de tous les êtres humains (anthropon) ; il n’est pas question dans ces versets, de la communication du Salut par le Christ mais de l’appel (« Je recommande donc… ») à intercéder pour les êtres humains et ceux qui les dirigent par « des demandes, des prières, des supplications, des actions de grâce » (1 Tm 2, 1), espérant ainsi que Dieu leur accordera une « vie calme et paisible » (1 Tm 2, 2) sur cette terre.
1 Tm 2, 3-7 contient une profession de foi anti-gnostique représentative de la troisième génération chrétienne, qui fait reposer la véracité du témoignage sur l’autorité de Paul, établi « héraut », « apôtre » et surtout « docteur » de l’Evangile (ce dernier titre étant mis en valeur par la petite incise « je dis vrai, je ne mens pas ») : En proclamant la volonté de Dieu que tous les êtres humains soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité ainsi que la médiation humaine unique de Jésus dans l’œuvre du Salut, 1 Tm 2, 3-6 répudie les thèses du démiurge, de l’opposition entre esprits psychiques et esprits pneumatiques comme de la conception d’une participation substantielle à la divinité. L’accent mis sur les vérités à croire et sur leur fondement stable (l’Apôtre) a pris une ampleur nouvelle dans les épîtres pastorales confrontées aux hérésies. Aucune référence n’est faite, dans cette regula fidei, aux hommes (andras) ou aux femmes (gunaikas, gunaixin) ; le vocabulaire utilisé est celui de l’ensemble des êtres humains (anthropon), des êtres humains (anthropous) et, dans le cas de Jésus, d’un être humain (anthropos).
La valeur conclusive introduite par la conjonction oun (donc, c’est pourquoi) permet à 1 Tm 2, 8 de reprendre le fil du discours à l’endroit même où l’avait laissé le verset 2, en rupture avec la brève catéchèse des versets 3-7. Le propos n’est plus, comme au verset 1, la simple recommandation pastorale d’intercéder pour le bien de tous afin de bénéficier d’« une vie calme et paisible en toute piété et dignité » (1 Tm 2, 2) ; il se fait affirmatif et prescriptif : Boúlomai, « je veux ». L’expression, présente en Phi 1, 12, exprimait un désir d’informer sur sa situation, tandis que pour 1 Tm 2, 8 et 5, 14 qui l’utilisent tous deux, il s’agit d’un ordre catégorique. L’exigence porte sur ce point précis qu’on doit élever de « saintes mains » (hosious kheiras), c’est-à-dire prier « sans colère ni dispute », en quelque lieu qu’on se trouve. Il en va de la crédibilité de la foi, dont la proclamation ne peut être contredite par un comportement injuste sans devenir mensongère. Elément crucial qui met brutalement un terme au caractère universaliste des versets 1-7 : le verset 8 omet de parler des êtres humains (anthropon, anthropous) ; le vocable utilisé est le pluriel « hommes » (andras du sing. andros, génitif d’aner). Cependant, le recours au vocable andras n’a pas pour but d’expliquer leur rôle spécifique dans le plan de Dieu ni d’évoquer l’action rédemptrice du Christ en leur faveur mais de requérir une attitude exempte de toute haine et de tout esprit de division, nécessaire aux hommes pour pouvoir prier Dieu.
1 Tm 2, 9-10 vient donner un pendant symétrique au verset 8 ; mais son développement étant beaucoup plus conséquent, on peut supposer que la principale fonction du verset 8 était de faciliter la transition entre les versets 7 et 9. La locution adverbiale « de même» (ōsautōs kai) qui ouvre le verset 9 et introduit le sujet « femmes » (gunaikas) se retrouve d’ailleurs dans d’autres passages (1 Tm 3, 8 et 1 Tm 3, 11), assurant un partage hommes/femmes, ce qui permet d’inférer pour ces deux cas l’intervention d’un même rédacteur. Les versets 9 et 10 ont donc cette fois pour sujet le pluriel « femmes » (gunaikas, gunaixin), et ce qu’on attend de ces dernières recoupe, grosso modo, la règle établie pour les hommes : les femmes doivent s’habiller et se parer sobrement, de sorte que leur comportement extérieur demeure en accord avec leur engagement (epangellomenais, « promesse ») de « craindre Dieu » (Theosébeian). Les hommes et les femmes doivent en effet se conformer à leur appel à la sainteté, en particulier dans l’image publique qu’ils donnent d’eux. Mais les versets suivants vont rompre la symétrie hommes-femmes.
1 Tm 2, 11-15 qui traite de « la femme » au singulier (gunê, gunaiki), comporte des subdivisions. Les versets 11 à 12 interdisent (« Je ne permets pas ») à « la » femme d’enseigner et d’exercer par là une autorité sur l’homme. En passant notons que 2 Tm 2, 2 dit quelque chose de différent : « Ce que tu as appris (êkousas, entendu) de moi sur l’attestation de nombreux témoins, confie-le à des hommes (anthrôpois, être humains) sûrs, capables à leur tour d’en instruire (didaxai) d’autres. » Le verbe didaxai, enseigner (à l’infinitif aoriste) est le même que celui utilisé en 1 Tm 2, 12, didaskein (à l’infinitif présent) ; mais dans ce dernier cas les femmes sont exclues de son exercice. Les versets 13 à 14, quant à eux, fournissent une justification fondée sur la secondarité d’Eve dans l’ordre de la création et sur son péché, prenant leurs distances avec la théologie paulinienne de la grâce (le Salut par Jésus Christ étant insuffisant) tandis que verset 15a maintient – de justesse – pour la femme la possibilité d’être sauvée.
Avec cette adoption du singulier et l’identification à Eve, cadette de l’homme – donc mineure – et première pécheresse – donc enseignante peu fiable – il s’agit pour le coup d’une réglementation du comportement en fonction du sexe des baptisés. La logique qui présidait aux versets 8-10 a de cette façon changé : ce que « voulait » l’Apôtre ou plutôt celui qui parle en son nom c’était l’accomplissement en actes et pas seulement en paroles, au su et au vu de tous, de la vocation d’enfant de Dieu, l’opposition hommes/femmes correspondant plutôt à des états de vie différenciés. En revanche, à partir du verset 11, non seulement il n’existe plus de contrepartie masculine, mais « les » femmes sont identifiées à Eve, archétype par excellence de « la » femme – et ce qui ne leur est pas permis expliqué à partir de ce point d’origine, antérieur pourtant au Salut apporté par le Christ. La question du Salut qui était abordée, dans les versets 3 à 7, à travers la problématique des vérités à tenir pour demeurer dans la foi, revient alors sous un angle négatif aux versets 13-15, appliqué cette fois exclusivement à la femme. Un tel passage ne dessine pas pour autant les contours de ce que pourrait être le rôle des femmes dans le plan de Dieu ; il se contente de fixer les limites de son action en en appelant à ses incapacités ontologiques de fille d’Eve.
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1 Tm 2 est organisé selon une structure ternaire : « Je recommande » (v. 1), « je veux » (v. 8), « Je ne permets pas » (v. 12). On peut identifier successivement trois modalités de la parole, signifiées chacune par un verbe d’action : parakaleō (exhorter, appeler instamment), boulomai (vouloir de propos délibéré), epitrepō ([ne pas] permettre). Ces verbes sont conjugués à la première personne de l’indicatif de la voix passive, exception faite de boulomai, verbe de forme moyenne, qui possède ici une valeur active. A travers son procès énonciatif la parole de l’Apôtre acquiert ainsi une autorité souveraine pour recommander, prescrire, interdire – car elle est établie « dans la foi et la vérité » (v. 7). Les médiations humaines sont pour ainsi dire rhétoriquement effacées ; Paul a été établi (voix passive), mais qui l’a donc établi ? les autres apôtres, Dieu lui-même ? L’ambiguïté demeure. La chaîne sémantique que vous mettiez en avant, je la prends en compte ; elle est hautement significative d’une écriture postérieure au martyre de Paul. L’apôtre a, pour ainsi dire, été magnifié ; il est devenu un soutien et un garant suffisant de la foi des Eglises qu’il a fondées ; il peut désormais s’exprimer en son nom propre.
Nous sommes déjà loin des luttes qu’il dût engager, de son vivant, pour réaffirmer une autorité souvent contestée. Car, pour Paul, l’unique autorité indiscutable à laquelle il se réfère constamment, c’est la Parole de Dieu. Aussi, dans la première lettre aux Corinthiens, il distingue « ce que dit le Seigneur » et son « avis », celui d’un « homme qui, par la miséricorde du Seigneur, est digne de confiance. » (1 Co 7, 12a ; 1 Co 7, 25) Il va falloir un temps de latence, avec le passage de témoin des premières et deuxièmes générations chrétiennes, pour que les apôtres deviennent à côté de la Parole dont ils auront été les premiers dépositaires, des points de référence obligés, des « colonnes de l’Eglise ». Les écrits apostoliques sont de bons révélateurs de cette mutation.
Dans ce contexte du chapitre 2 la formulation « Je ne permets pas » (1 Tm 2, 12) s’intègre assez bien à la tonalité dominante qui a présidé à l’élaboration progressive de la Première lettre à Timothée. Elle n’en conserve pas moins sa spécificité propre, qui détonne fortement dans le corpus des lettres pauliniennes. Et je vois mal comment on peut attribuer à la spontanéité un mode énonciatif aussi chargé, qui dénote une intention clairement définie. En fait, la connection des verbes parakaleō, boulomai, epitrepō en un schème signifiant capable d’ordonner la pluralité des matériaux de 1 Tm 2 dans une structure ternaire apparemment cohérente n’est pas si aboutie que cela. Boulomai, tout comme epitrepō, par sa tonalité impérative, intervient en nette opposition à parakaleō. De plus la section 11-15, organisée autour de epitrepō, s’intègre bien mal à la section 8-10, du fait de son décalage par rapport au parallélisme hommes/femmes de cette dernière. Je pourrais convoquer l’ensemble des remarques déjà faites pour souligner la discordance de ce texte et son caractère composite.
Libremax a écrit: Ce que vous dites ici se défend, en effet. Mais c’est là un point de vue logique vis-à-vis d’outils d’argumentation qui pourrait fort bien ne pas être celui d’un éventuel rédacteur unique : les deux propos [1 Tim 2, 13-14 et 2 Co 11, 2-3] prennent tous deux en rappel la faiblesse d’Eve dans le livre de la Genèse pour affirmer primo la dépendance des femmes en matière d’autorité et secundo pour illustrer ce que l’auteur craint chez ses lecteurs : la même faiblesse.
Les deux passages ont chacun un contenu théologique propre, malgré leur référence commune au livre de la Genèse, ou plutôt à sa relecture, probablement d’origine haggadique. C’est pourquoi je dis qu’il est difficile de les attribuer à un auteur unique.
Dans les premiers versets cités, la figure d’Eve sert à dessiner les contours normatifs de la femme comme telle. La deuxième épître aux Corinthiens, par contre, considère que le péché d’Eve constitue un « exemple » pour tous les chrétiens : les baptisés, hommes et femmes, pourraient très bien emprunter le même chemin de traverse que leur ancêtre. Il s’agit là d’un avertissement ; il n’en déduit pas une quelconque « dépendance des femmes en matière d’autorité ». Et cela d’autant moins que Paul, dans son apostolat, insiste sur l’efficacité de la Grâce, sur le renouvellement de l’humain dans le Christ. Hommes et femmes sont libérés de l’esclavage du péché.
Libremax a écrit: A moins que j’interprète mal ce que vous m’écrivez, on voit bien ici qu’il y a une idée de la femme commune aux deux auteurs : celle d’un être devant faire fructifier sa vie intérieure, et davantage mystique que l’homme. Il n’y a pas de contre-pied (au sens de contradiction) entre la référence à Eve et celle à Sara. La première appelle la seconde, la faute de l’une dit en creux la vertu de l’autre.
Je tique sur cette affirmation : [la femme] « davantage mystique que l’homme ». 1 P se contente de proposer un modèle aux femmes, « mystique » si vous voulez, mais qui ne leur donne aucun avantage sur les hommes. C’est vous qui introduisez la comparaison. D’autre part, l’idée d’une fructification spirituelle que vous attribuez à 1 Tm 2, 13-14, ne se trouve que dans la première épître de Pierre. Et c’est bien là que gît le problème : à la fructification spirituelle que Pierre propose aux épouses à travers l’[il]exemplum[/i] de Sara, le rédacteur final de 1 Tm 2 oppose la maternité.
L’usage de la figure est différent dans les deux épîtres : s’adressant à des chrétiennes ayant à vivre leur condition d’épouses dans un contexte patriarcal parfois difficile, Pierre leur propose le beau modèle de Sara, une des Matriarches de la Première Alliance. 1 Tm 2, pour sa part, allègue la chute d’Eve – péché exclusivement féminin – pour en tirer l’idée d’une faiblesse constitutive de toute femme, leur infériorité spirituelle par rapport à l’homme. La femme est ici considérée comme davantage portée au mal que l’homme, constitutivement si je puis dire (la référence à Eve servant de preuve). Pierre, lui, s’il valide le mariage patriarcal tel qu’il existait de son temps, n’établit ni comparaison ni inégalité entre l’homme et la femme.
Libremax a écrit: Oui, c’est là une formulation étrange. M. Faivre a son avis, mais il en est d’autres. Le problème se pose si on veut coûte que coûte que les deux verbes aient le même sujet.
A cet égard, le texte araméen du Nouveau Testament, par exemple, donne un texte beaucoup plus clair : "Mais elle est sauvée par ses enfants, s’ils persévèrent dans la foi, l’amour, la sainteté et la chasteté".
Effectivement, « si on veut coûte que coûte que les deux verbes aient le même sujet », pour maintenir, en dépit de tout l’unité de la phrase, on obtient alors une « formulation étrange » (à moins qu’on ne la « perfectionne », ce que fait la Bible de Jérusalem). La version araméenne, quant à elle, a su harmoniser habilement les deux membres de la phrase, – tout en gardant les deux sujets différents – mais au prix d’une traduction-trahison. L’épître à Timothée était destiné à des Eglises hellénophones, de tradition paulinienne.
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