Relire les évangiles
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Relire les évangiles
Il est selon moi de fâcheuses lectures des évangiles, certes pieuses, certes bien intentionnées, certes méritantes — mais qui finissent par tout recouvrir de sucre, de bonnes intentions, de pensées éthérées, et, tant pis pour l'expression : de bondieuseries, qui sont à la vraie vie de l'époque de Jésus ce que les Poulbot (garçons irréalistes de Montmartre mais plaisants peints par Poulbot, un sommet du kitsch) sont à la vraie vie de ces gamins de Paris.
Il est vrai que l'iconographie du XIXè siècle, avec le triomphe du goût de Saint-Sulpice, des vierges qui pleurent, des bouteilles emplies d'eau de Lourdes, la tête de la Vierge faisant office de bouchon, des Christs ensanglantés levant vers le ciel des visages à la fois tordus de douleur et reflétant le Ciel, des saints aux allures extatiques improbables, enchâssés dans des boules où tombe la neige quand on remue, rien de tout cela n'était de nature à viriliser, à authentifier une vie de Jésus et de sa prédication, à l'ancrer, de ses hauteurs mystiques bien réelles, dans les aspects prosaïques d'un quotidien difficile et dangereux, celui de la Palestine de l'époque, ce qui aurait peut-être aidé les chrétiens de ce XIXè siècle à se rendre compte de la dureté de la vie des humbles, des petits, des sales sur eux, ceux que ne fréquentent pas les autorités ecclésiastiques, lesquelles trouvent une oreille bien plus attentive dans la bourgeoisie, et tant pis s'il est très difficile de dire à un grand bourgeois, en mangeant à sa table, que les ouvriers de son usine sont désespérés de la modicité de leur salaire...
Jésus, dans les évangiles, ce n'est pas d'abord le Dieu tombant du Ciel, c'est un artisan issu d'une région âpre, pauvre, montagneuse, réputée pour une langue mal rabotée, qui choisit une route de vie invraisemblable, dangereuse, ingrate, poussé qu'il est par une vocation mystique qui l'incendie et la révélation de dons de guérisseur. Et en plus, sa famille n'est pas d'accord ! Face à la nécessité de dire à ses compatriotes que la fin des temps est imminente, car c'est sa conviction profonde, il choisit d'être itinérant, à la dure, s'en remettant à la générosité de tous pour manger et boire — il est peu probable qu'il fasse de vrais repas tous les jours ! Non, Jésus ne "monte pas sur une haute montagne" pour prêcher, c'est un tic des rédacteurs, un symbole (en réfléchissant, on voit bien le fabriqué), mais son chemin est aride, pénible tous les jours. On raconte qu'il se fait des disciples en deux secondes, allons, c'est plus compliqué, et les premiers sont sans doute "empruntés" à Jean le Baptiste.
Chaque fois que les rédacteurs, ayant sous les yeux la perspective de la foi en Jésus ressuscité, le transforment en superman qui sait tout et ne souffre de rien (sauf à la passion), ils ratent leur cible, car ils mettent le lecteur devant une image pieuse mais fausse, irréelle, et transforment en récit épique, extraordinaire, une réalité autrement dure, et cette dureté même laisse transparaître la qualité divine d'un tel sacrifice, que l'on résume trop aux souffrances de la Passion. De même, quand l'Eglise Catholique fait des croyants, à tout bout de champ, de petits enfants pécheurs, qui font des bêtises, mais Dieu (et l'Eglise, surtout) est là pour tout pardonner, repartez tranquilles, n'y pensez plus, on ne peut s'empêcher de penser que, même avec d'excellentes intentions, il y a là une infantilisation, une régression, qui doit en empêcher plus d'un à corriger le quotidien de sa vie, sûr qu'il est que dimanche va tout effacer.
Il est vrai que l'iconographie du XIXè siècle, avec le triomphe du goût de Saint-Sulpice, des vierges qui pleurent, des bouteilles emplies d'eau de Lourdes, la tête de la Vierge faisant office de bouchon, des Christs ensanglantés levant vers le ciel des visages à la fois tordus de douleur et reflétant le Ciel, des saints aux allures extatiques improbables, enchâssés dans des boules où tombe la neige quand on remue, rien de tout cela n'était de nature à viriliser, à authentifier une vie de Jésus et de sa prédication, à l'ancrer, de ses hauteurs mystiques bien réelles, dans les aspects prosaïques d'un quotidien difficile et dangereux, celui de la Palestine de l'époque, ce qui aurait peut-être aidé les chrétiens de ce XIXè siècle à se rendre compte de la dureté de la vie des humbles, des petits, des sales sur eux, ceux que ne fréquentent pas les autorités ecclésiastiques, lesquelles trouvent une oreille bien plus attentive dans la bourgeoisie, et tant pis s'il est très difficile de dire à un grand bourgeois, en mangeant à sa table, que les ouvriers de son usine sont désespérés de la modicité de leur salaire...
Jésus, dans les évangiles, ce n'est pas d'abord le Dieu tombant du Ciel, c'est un artisan issu d'une région âpre, pauvre, montagneuse, réputée pour une langue mal rabotée, qui choisit une route de vie invraisemblable, dangereuse, ingrate, poussé qu'il est par une vocation mystique qui l'incendie et la révélation de dons de guérisseur. Et en plus, sa famille n'est pas d'accord ! Face à la nécessité de dire à ses compatriotes que la fin des temps est imminente, car c'est sa conviction profonde, il choisit d'être itinérant, à la dure, s'en remettant à la générosité de tous pour manger et boire — il est peu probable qu'il fasse de vrais repas tous les jours ! Non, Jésus ne "monte pas sur une haute montagne" pour prêcher, c'est un tic des rédacteurs, un symbole (en réfléchissant, on voit bien le fabriqué), mais son chemin est aride, pénible tous les jours. On raconte qu'il se fait des disciples en deux secondes, allons, c'est plus compliqué, et les premiers sont sans doute "empruntés" à Jean le Baptiste.
Chaque fois que les rédacteurs, ayant sous les yeux la perspective de la foi en Jésus ressuscité, le transforment en superman qui sait tout et ne souffre de rien (sauf à la passion), ils ratent leur cible, car ils mettent le lecteur devant une image pieuse mais fausse, irréelle, et transforment en récit épique, extraordinaire, une réalité autrement dure, et cette dureté même laisse transparaître la qualité divine d'un tel sacrifice, que l'on résume trop aux souffrances de la Passion. De même, quand l'Eglise Catholique fait des croyants, à tout bout de champ, de petits enfants pécheurs, qui font des bêtises, mais Dieu (et l'Eglise, surtout) est là pour tout pardonner, repartez tranquilles, n'y pensez plus, on ne peut s'empêcher de penser que, même avec d'excellentes intentions, il y a là une infantilisation, une régression, qui doit en empêcher plus d'un à corriger le quotidien de sa vie, sûr qu'il est que dimanche va tout effacer.
Jans- Messages : 3577
Réputation : 0
Date d'inscription : 21/03/2018
Age : 68
Localisation : IdF
Re: Relire les évangiles
Beaux texte, Jans. ll me fait penser à ce qu'Alan Watts écrit sur la catholicisme dans " Être Dieu": les catholiques se soumettent à une immense hiérarchie, en proclamant l'infaillibilité du Pape, se rassurent dans des rituels privés de leur essence, se tournent vers le Seigneur en proclamant qu'il est comme un roc, comme une forteresse, au lieu d'aimer, de danser, de chanter, non des psaumes lugubres à mourir mais des chants de joie. En fait, ils ont peur de vivre, cette peur étant la plus grande insulte qu'on puisse faire au Créateur. Je viens d'en donner un résumé succinct, simplifié à l'extrême et il faut lire ce livre, il est succulent.
gad- Messages : 993
Réputation : 1
Date d'inscription : 26/12/2015
Age : 88
Localisation : L'univers
Re: Relire les évangiles
Merci, gad. je ne crois pas qu'on puisse bâtir une foi sur des oppositions ou des rancunes, mais sur une adhésion à plus haut que soi. Je n'ai rien contre la catholicisme en soi, ni d'ailleurs contre aucune autre religion, chacun vit et célèbre la vie donnée comme il peut, chacun se rapproche de l'Infini avec ses goûts et ses moyens. Cependant, il est vrai que de possibles dérives importantes sont constatées, celles que j'ai mentionnées, qui peuvent faire de l'individu une espèce de croyant sans autre volonté que d'adhérer pleinement à un ensemble de structures, de rites, de dogmes, de cérémonies qui forment un cocon, préservent de l'extérieur, et par exemple de ceux qui pensent différemment, donnent une sorte de salut clés en main, tout est propre, simple... mais : Mais la vie, la vie du sang et des larmes, surtout celle des autres, la vie de la nécessaire compétition, des affrontements, des abus, des injustices, la vie telle que Jésus nous demande de la réaliser : l'aide, le pardon, l'indulgence, le soutien à autrui, y compris des inconnus, cette vie-là en devient souvent occultée quand on a des conditions de vie privilégiées ou bien, à l'autre extrême, est vécue dans toute sa dureté, la vie de religion ou d'Eglise étant réservée à un jour ou quelques moments, on est dur avec autrui car on ne peut faire autrement, il faut bien surmonter les difficultés, n'est-ce pas. C'est cela qui m'a été enseigné, c'est cela que j'ai appliqué dans ma jeunesse : Mes enseignants dominicains me disaient que le lycée public, c'était le chaos et l'athéisme, j'avais intériorisé le fait que la messe du dimanche était plus importante que d'aider quelqu'un sur le bord de la route, j'apprenais des arguments contre le protestantisme ou le judaïsme pour contrer d'éventuels adversaires ; en Histoire du XIXè siècle, on voyait les apparitions de Lourdes, mais on ignorait les graves politiques des industriels menant au désespoir des ouvriers et à l'exploitation des enfants de 10 ans dans les fabriques, et Marx ne fut jamais cité...
Jans- Messages : 3577
Réputation : 0
Date d'inscription : 21/03/2018
Age : 68
Localisation : IdF
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