De l'ostentation dans les religions.
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De l'ostentation dans les religions.
"... comme celui qui dépense son bien par ostentation devant les gens sans croire en Allâh et au Jour dernier. Il ressemble à un rocher recouvert de terre : qu’ une averse l’atteigne, elle le laisse dénué. De pareils hommes ne tirent aucun profit de leurs œuvres. Et Allâh ne guide pas les mécréants."
Coran 2;264.
Roque a écrit: Cette prescription du secret trouve son origine dans l'enseignement même de Jésus sur les pratiques pieuses des juifs : l'aumône, la prière et le jeûne (Mt 6, 1-18). Jésus y dénonce des pratiques concrètes de son temps : la pratique de la religion " pour attirer les regards ", l'appel " au clairon " des pauvres pour l'aumône publique aux abord des lieux de culte, les longues prières dans les lieux de cultes ou " dans les rues " afin d'être vus des hommes " - et la prière consistant à rabâcher croyant qu'on se fait exaucer par Dieu " à force de paroles ".
Mais les hommes ont - avec le temps - inventé beaucoup d'autres manières de pratiquer la religion avec ostentation.
Pour moi ce texte a deux idées de fond :
- Sur la question de la " récompense " : celui qui cherche le " regard des hommes " n'aura d'autre récompense que cette notoriété parmi les hommes et n'aura rien auprès du Père dans les cieux.
Extrait de : https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t2830-invitation-au-careme-2016#59047
Idriss- Messages : 7127
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Re: De l'ostentation dans les religions.
D’après Mahmûd Ibn Labîd, l’Envoyé de Dieu — paix et bénédictions sur lui — dit : "Pour vous, c’est la petite association que je redoute le plus !" — "O Envoyé d’Allâh, demanda-t-on, et qu’est-ce que la petite association ?" — "L’ostentation, dit-il. Allâh — gloire à Lui — dira au moment de rétribuer les gens de leurs œuvres : ’Allez retrouver ceux auprès desquels vous vous faisiez bien voir, et regardez s’ils ont de quoi vous rétribuer !’"
Les mises en garde contre l'ostentation est un sujet important dans la tradition islamique et récurent dans le Coran .
http://www.islamophile.org/spip/Mise-en-garde-contre-l-ostentation.html
Dans un célèbre hadith parmi les sept personnes seront à l'ombre d'Allah le Jour où il n'y aura plus d'ombre que la Sienne il y a l'homme qui fait l'aumône en secret au point que sa main droite ignore ce que vient de dépenser sa main gauche
L'ostentation pose un double probléme :
Un acte d'association ( voir le hadith cité)
Un détournement au profit de l'Ego:
Les œuvres , les pratiques qui sont sensé pacifier , voir anéantir les "Nafs" au contraire renforce la dimension égotique du pratiquant. Un hadith émet l'idée plus on est avancé , élevé spirituellement, plus les épreuves sont grandes. Je ne crois pas que la difficulté des épreuves dont parle ce hadith soit forcément des coups du sorts qui viendraient frapper le croyant, mais plutôt la subtilité des pièges de l'Ego : Plus on avance dans la voie , plus l'Ego développe une stratégie élaborée pour maintenir son "existence" ...
Le bouddhisme explique très bien les mécanismes de l'Ego qui a la capacité de tous s'approprier, de détourner nos actions pour renforcer l'illusion de sa consistance.
Le détournement des actes d'adoration au profit de l'Ego pose bien un probléme d'association .
Idriss- Messages : 7127
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Re: De l'ostentation dans les religions.
Ce verset concerne en fait l'ostentation du riche impie ou mécréant. L'idée est qu'il ne tirera pas profit de ses œuvres (il dépense son bien pour rien). Cette absence de récompense pourrait être causée par sa mécréance et/ou par son ostentation. Il est difficile de trancher sur le sens final ... sauf qu'habituellement dans le Coran c'est la question de la mécréance (ne pas croire en Allah et au Jour dernier) qui est décisive.Idriss a écrit:"... comme celui qui dépense son bien par ostentation devant les gens sans croire en Allâh et au Jour dernier. Il ressemble à un rocher recouvert de terre : qu’une averse l’atteigne, elle le laisse dénué. De pareils hommes ne tirent aucun profit de leurs œuvres. Et Allâh ne guide pas les mécréants."
Coran 2;264.
Ce hadith soutient que l'ostentation serait une " petite association ". Voyons les choses positivement : la fin du hadith : « Allah dit […] « Allez retrouver ceux auprès desquels vous vous faisiez bien voir, et regardez s’ils ont de quoi vous rétribuer ! » a effectivement une ressemblance avec : « Gardez-vous de pratiquer votre religion devant les hommes pour attirer leurs regards; sinon, pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux cieux. » (Mt 6, 1). Cette ressemblance tient au fait qu’on est dans la problématique de la récompense au Jour de la Rétribution et à la mise en garde contre l'ostentation. Mais il existe une légère différence : dans un cas c’est le Père des cieux, Lui-même, qui refuse la récompense, alors que, dans le hadith, Allah renvoie celui qui a recherché « à se faire bien voir par les hommes » justement vers ces admirateurs. Au Jour de la Rétribution - ces admirateurs sont réduits à rien et sont totalement impuissants. Ce dernier point est implicite. Par conséquent, l’enseignement de Jésus me semble plus radical : selon Jésus toute récompense est exclue pour cette « religion de l’ostentation », alors que le hadith, me semble-t-il, est plus allusif, moins formel. Et puis ... cette prescription serait plus " formelle " en Islam, si elle était présente dans le Coran, lui-même.Idriss a écrit:D’après Mahmûd Ibn Labîd, l’Envoyé de Dieu — paix et bénédictions sur lui — dit : "Pour vous, c’est la petite association que je redoute le plus !" — "O Envoyé d’Allâh, demanda-t-on, et qu’est-ce que la petite association ?" — "L’ostentation, dit-il. Allâh — gloire à Lui — dira au moment de rétribuer les gens de leurs œuvres : ’Allez retrouver ceux auprès desquels vous vous faisiez bien voir, et regardez s’ils ont de quoi vous rétribuer !’"
La conséquence est que - dans le christianisme - cette " religion de l'ostentation " n'a vraiment absolument aucune valeur - même si l'histoire tend parfois à faire douter de ce caractère de principe et absolu. La parabole du Pharisien et du Publicain et la condamnation finale de Jésus sont là pour montrer que les institutions religieuses (pas les juifs seulement) et une certaine pratique de la religion sont carrément des ennemis de Dieu. Moi je dis souvent : " Si la religion était une bonne chose en soi, ça se saurait ". Par contre dans l'Islam, il me semble qu'il n'y a que des louanges pour une pratique qui est jugée toujours juste et parfaite. En fait, l'Islam évite de penser que la religion peut aussi être la " pire des pratiques ", la " pire des pratiques " non à cause de l'ostentation en soi dans le domaine religieux, mais - au niveau de la société - à cause du culte de la dissimilation, du mépris de l'humanité et du pouvoir quelle peut cacher et promouvoir. Dans ce cas, cela revient à une mentalité mafieuse ... mais avec les formes et beaucoup de grands mots entre " gens biens " !
En élargissant le propos, quand le système politique s'associe au pouvoir religieux (la situation aussi au temps de Jésus et actuelle dans la plupart des pays d'Islam), on vire vers ces théocraties oppressives tant détestées par l'esprit moderne antireligieux. Lorsque ces deux pouvoirs (religieux/idéologique et politique) s'appuient mutuellement et sont corrompus, il peut en résulter les pires des situations.
Mais vu négativement, je ne comprends pas bien pourquoi cette ostentation est qualifiée d'" association " ou même de " petite association ". L'" association " si j'ai bien compris consiste à associer d'autres dieux ou d'autres êtres à Dieu, en leur accordant l'honneur et l'adoration qui ne devraient être dus qu'à Dieu seul. Je ne conçois pas comment un homme peut s'adorer lui-même ou se vouer un culte à lui-même. Je ne vois pas ce que cela veut dire concrètement, pratiquement, donc pour moi cela n'a pas grand sens. Idriss pouvez-vous m'expliquer cet avis de Mahmûd Ibn Labîd et ce que vous soutenez, ci-dessus : " Le détournement des actes d'adoration au profit de l'Ego pose bien un problème d'association. " ?
Ceci me semble être directement tiré des Evangiles : " Pour toi, quand tu fais l'aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, afin que ton aumône reste dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. " (Mt 6, 3-4)Idriss a écrit:Dans un célèbre hadith parmi les sept personnes seront à l'ombre d'Allah le Jour où il n'y aura plus d'ombre que la Sienne il y a l'homme qui fait l'aumône en secret au point que sa main droite ignore ce que vient de dépenser sa main gauche
Roque- Messages : 5064
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Re: De l'ostentation dans les religions.
as salam alaikoum...
Celui qui oeuvre par ostentation le fait afin que les autres le louent pour cela...il recherche l'adoration pour lui même...
De même que celui qui oeuvre afin de se glorifier intérieurement...et cela est de l'ostentation vis à vis de sa propre âme...
Le Coran dit "n'as tu pas vu celui qui a pris son âme (ou qui s'est pris soi- même) comme divinité...?
Celui qui oeuvre par ostentation le fait afin que les autres le louent pour cela...il recherche l'adoration pour lui même...
De même que celui qui oeuvre afin de se glorifier intérieurement...et cela est de l'ostentation vis à vis de sa propre âme...
Le Coran dit "n'as tu pas vu celui qui a pris son âme (ou qui s'est pris soi- même) comme divinité...?
abdulwahid- Messages : 36
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Re: De l'ostentation dans les religions.
Cette formulation ne me semble pas juste. Ne correspond pas à la réalité chez un homme, selon moi.abdulwahid a écrit:Celui qui oeuvre par ostentation le fait afin que les autres le louent pour cela...il recherche l'adoration pour lui même...
Quelle référence du verset ? " Prendre sa propre âme pour une divinité " est une notion qui m'est inconnue ! Je ne comprends pas à quoi cela peut correspondre pour un homme ..... à moins qu'il s'agisse de Satan ?abdulwahid a écrit:Le Coran dit "n'as tu pas vu celui qui a pris son âme (ou qui s'est pris soi- même) comme divinité...?
Roque- Messages : 5064
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Re: De l'ostentation dans les religions.
abdulwahid a écrit:Celui qui œuvre par ostentation le fait afin que les autres le louent pour cela...il recherche l'adoration pour lui même...
Roque a écrit:Cette formulation ne me semble pas juste. Ne correspond pas à la réalité chez un homme, selon moi.
Salam Roque
Parfois je ne vous comprend pas! Votre façon de tout analyser en morcelant semble vous faire perdre la vue d'ensemble! Comment un homme aussi intelligent que vous peut manquer d'autant d'intuition ou d'esprit de synthèse!
Cette formulation me semble au contraire très bien vu et difficilement contestable...C'est tellemebnt humain!
D'après Abou Houreira (qu'Allah l'agrée), le Prophète (que la prière d'Allah et son salut soient sur lui) a dit: « Certes les premiers des hommes qui seront jugés le jour du jugement seront:
- Un homme qui est mort en martyr. Il sera apporté et Allah lui fera reconnaître ses bienfaits sur lui et il les reconnaitra. Il va dire: Et qu'à tu fais avec ces bienfaits ?
Il va dire: J'ai combattu pour toi jusqu'à ce que je meurs en martyr.
Allah va dire: Tu mens, tu as plutôt combattu pour que l'on dise que tu étais courageux et cela a été dit.
Ensuite Allah va ordonné qu'il soit traîné sur son visage jusqu'à ce qu'il soit jeté dans le feu.
- Un homme qui a appris la science, l'a enseigné et a lu le Coran. Il sera apporté et Allah lui fera reconnaître ses bienfaits sur lui et il les reconnaitra. Il va dire: Et qu'à tu fais avec ces bienfaits ?
Il va dire: J'ai appris la science, je l'ai enseigné et j'ai lu le Coran tout cela pour toi.
Allah va dire: Tu mens, tu as plutôt appris la science pour que l'on dise que tu es un savant et tu as lu le Coran pour que l'on dise que tu es un lecteur et tout cela a été dit.
Ensuite Allah va ordonné qu'il soit traîné sur son visage jusqu'à ce qu'il soit jeté dans le feu.
- Un homme à qui Allah a accordé ses largesses et à qui il a donné de tous les types de biens. Il sera apporté et Allah lui fera reconnaître ses bienfaits sur lui et il les reconnaitra. Il va dire: Et qu'à tu fais avec ces bienfaits ?
Il va dire: Il n'y a pas une seule chose dans laquelle tu aimes que l'on dépense sans que je n'y ai dépensé pour toi.
Allah va dire: Tu mens, tu as plutôt dépensé pour que l'on dise que tu es généreux et cela a été dit.
Ensuite Allah va ordonné qu'il soit traîné sur son visage jusqu'à ce qu'il soit jeté dans le feu ».
(Rapporté par Mouslim dans son Sahih n°1905)
La question est de savoir est-ce que ces hommes mentent consciemment, ou se mentent-ils à eux-même?
Si pour le christianisme son centre de gravité , c'est l'amour, pour l'islam c'est la sincérité ..D'où l'importance du connais-toi toi même...
Idriss- Messages : 7127
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Re: De l'ostentation dans les religions.
Je me reconnais bien là. J'ai un esprit effectivement très analytique, avec ma tendance obsessionnelle on est dans des défauts très masculins ! J'ai aussi des intuitions brutes, mais comme cela me demande ensuite des efforts énormes pour les justifier (exemple ma réflexion sans fin sur Marguerat), je les trouve plutôt embarrassantes. Désolé.Idriss a écrit:Comment un homme aussi intelligent que vous peut manquer d'autant d'intuition ou d'esprit de synthèse!
C'est donc ok pour vous ... pas pour moi.Idriss a écrit:Cette formulation me semble au contraire très bien vu et difficilement contestable ... C'est tellement humain !
Un question quand même : " se prendre pour Dieu " est-ce une façon de dire qu'un homme est orgueilleux ?
Roque- Messages : 5064
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Re: De l'ostentation dans les religions.
La question de l'orgueil n'est pas celle de l'ostentation, mais un petit mot quand même car cela a à voir avec la tentation de " se prendre pour Dieu ". Voici ce que dit la Genèse :
" Or le serpent était la plus astucieuse de toutes les bêtes des champs que le Seigneur Dieu avait faites. Il dit à la femme: " Vraiment ! Dieu vous a dit: "Vous ne mangerez pas de tout arbre du jardin "... " La femme répondit au serpent : " Nous pouvons manger du fruit des arbres du jardin, mais du fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : "Vous n'en mangerez pas et vous n'y toucherez pas afin de ne pas mourir. " Le serpent dit à la femme: " Non, vous ne mourrez pas, mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront et vous serez comme des dieux possédant la connaissance de ce qui est bon ou mauvais. " (Gn 3, 1-5)
Dans la Bible la faute des origines repose d'abord sur ce dialogue établi avec le serpent qui déplace et met en doute des paroles de Dieu (Dieu ne dit jamais " Vous ne mangerez pas de tout arbre du jardin ", Dieu ne dit pas non plus : " vous ne mangerez pas du fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin ") et, finalement, le serpent ment (" vos yeux s'ouvriront et vous serez comme des dieux possédant la connaissance de ce qui est bon ou mauvais ").
Cette tentation de croire qu'on peut devenir " comme des dieux " vient du serpent, c'est à dire de l'Adversaire de Dieu. Elle est à la mesure des moyens de rébellion de Satan. Cependant l'homme, qui n'a pas les moyens de cette ambition démesurée, vit cette tentation et ce péché dans sa vie concrète, réelle à une échelle beaucoup plus modeste. Quelques exemples :
Dans la Bible l'orgueil est d'abord issu de la mise en question de la parole de Dieu au cours de l'échange avec le serpent. Ensuite la nature de l'orgueil est une revendication d'auto-suffisance, d'indépendance par rapport à Dieu - croyant que l'homme (l'être humain) peut croitre et s'accomplir totalement sans Dieu. C'est aussi un déni de la situation d'héritier de l'homme dépendant entièrement du don de Dieu. C'est ce qu'on trouve dans l'Evangile :
L'homme de la Bible n'a pas vraiment les moyens de " se prendre pour Dieu " - sinon à travers des actes de rupture avec Dieu, des actes à sa modeste mesure bien entendu - mais des actes répétés, assumés tout aussi mortels pour sa relation avec Dieu. L'homme se rend bien compte, parfois, qu'il ne peut ni lire dans les pensées, ni voler, ni être invisible, ni vivre éternellement, ni se faire aimer inconditionnellement, ni connaître l'avenir, ni faire des prodiges par sa seule volonté, ni éradiquer complètement la voix de sa conscience pour l'ajuster à sa volonté, c'est pourquoi il me semble exagéré de dire que " l'homme se prend pour Dieu " au sens propre - sauf bien entendu s'il est fou.
Par contre cette expression peut être prise au sens propre pour Satan qui s'érige en rival direct de son créateur. Là je comprends.
" Or le serpent était la plus astucieuse de toutes les bêtes des champs que le Seigneur Dieu avait faites. Il dit à la femme: " Vraiment ! Dieu vous a dit: "Vous ne mangerez pas de tout arbre du jardin "... " La femme répondit au serpent : " Nous pouvons manger du fruit des arbres du jardin, mais du fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : "Vous n'en mangerez pas et vous n'y toucherez pas afin de ne pas mourir. " Le serpent dit à la femme: " Non, vous ne mourrez pas, mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront et vous serez comme des dieux possédant la connaissance de ce qui est bon ou mauvais. " (Gn 3, 1-5)
Dans la Bible la faute des origines repose d'abord sur ce dialogue établi avec le serpent qui déplace et met en doute des paroles de Dieu (Dieu ne dit jamais " Vous ne mangerez pas de tout arbre du jardin ", Dieu ne dit pas non plus : " vous ne mangerez pas du fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin ") et, finalement, le serpent ment (" vos yeux s'ouvriront et vous serez comme des dieux possédant la connaissance de ce qui est bon ou mauvais ").
Cette tentation de croire qu'on peut devenir " comme des dieux " vient du serpent, c'est à dire de l'Adversaire de Dieu. Elle est à la mesure des moyens de rébellion de Satan. Cependant l'homme, qui n'a pas les moyens de cette ambition démesurée, vit cette tentation et ce péché dans sa vie concrète, réelle à une échelle beaucoup plus modeste. Quelques exemples :
- Spoiler:
- Il veut saisir Dieu avec une conception issue de son raisonnement et/ou ramène Dieu à une échelle humaine ou à l'échelle de la création : de ce fait, il se fait l'égal de Dieu ;
- Il se croit capable de faire face à toute situation sans aide, ni de Dieu, ni de personne : de ce fait, il se veut indépendant de Dieu et des autres hommes ;
- Il ne veut rendre de compte à personne - y compris en tentant de bannir tout sentiment de culpabilité : de ce fait, il dénie à Dieu le pouvoir de le juger même pour des actes qu'il perçoit lui-même comme " graves " ; cet homme peut se conduire désormais comme si tout lui était permis et d'abord la rupture de la fraternité ;
- Il prétend élaborer les nouvelles règles de construction de la société et du monde en bannissant toute référence à Dieu et aux valeurs issues de la Révélation (Décalogue, vérité, justice, amour du prochain et en particulier des plus faibles, bien commun, respect de la création, etc ...) : de ce fait il se met à la place de Dieu pour établir les règles qui vont mener au " bien " de l'humanité, alors que seul Dieu détient " cette connaissance du bien et du mal " et est vrai propriétaire de " l'arbre de vie " (cet arbre qui est vraiment " au milieu du jardin " dans la Genèse).
- etc ...
Dans la Bible l'orgueil est d'abord issu de la mise en question de la parole de Dieu au cours de l'échange avec le serpent. Ensuite la nature de l'orgueil est une revendication d'auto-suffisance, d'indépendance par rapport à Dieu - croyant que l'homme (l'être humain) peut croitre et s'accomplir totalement sans Dieu. C'est aussi un déni de la situation d'héritier de l'homme dépendant entièrement du don de Dieu. C'est ce qu'on trouve dans l'Evangile :
- Spoiler:
" Il [Jésus] dit encore : " Un homme avait deux fils. " Le plus jeune dit à son père: " Père, donne-moi la part de bien qui doit me revenir ". Et le père leur partagea son avoir. Peu de jours après, le plus jeune fils, ayant tout réalisé, partit pour un pays lointain ..." (Lc 15, 11-13) ou " Mais il [Jésus] répliqua: " Il est écrit : Ce n'est pas seulement de pain que l'homme vivra, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu. " (Mt 4, 4) ou " Car le pain de Dieu, c'est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. " (Jn 6, 33)
L'homme de la Bible n'a pas vraiment les moyens de " se prendre pour Dieu " - sinon à travers des actes de rupture avec Dieu, des actes à sa modeste mesure bien entendu - mais des actes répétés, assumés tout aussi mortels pour sa relation avec Dieu. L'homme se rend bien compte, parfois, qu'il ne peut ni lire dans les pensées, ni voler, ni être invisible, ni vivre éternellement, ni se faire aimer inconditionnellement, ni connaître l'avenir, ni faire des prodiges par sa seule volonté, ni éradiquer complètement la voix de sa conscience pour l'ajuster à sa volonté, c'est pourquoi il me semble exagéré de dire que " l'homme se prend pour Dieu " au sens propre - sauf bien entendu s'il est fou.
Par contre cette expression peut être prise au sens propre pour Satan qui s'érige en rival direct de son créateur. Là je comprends.
Roque- Messages : 5064
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Re: De l'ostentation dans les religions.
Roque a écrit:
Un question quand même : " se prendre pour Dieu " est-ce une façon de dire qu'un homme est orgueilleux ?
C'est un point que j’abordais dans un message qui s'est évanoui dans une faute de frappe ( Et dont je n'avais pas fait de sauvegarde intermédiaire comme souvent ...).
Inch'Allah j'y reviendrai !
Tous de même je pensais avoir ouvert un sujet assez consensuelle et "trans-traditionel" tant la problématique de l'ostentation me semblait commune à toute démarche spirituelle.
Pourquoi alors cela a produit contre toute attente ( de ma part ) des frottements? ( frottement pas forcément négatif puisque ce la m' a obligé à réfléchir sur des points qui me semblait acquis et qui toute réflexion faite ne sont pas si évident que cela).
J'ai pensé que fondamentalement le christianisme , religion historique , s’inscrit dans une cogestion avec Dieu de la création . Dieu accorde le libre arbitre à l'homme et ensemble ils font l'expérience de où cette liberté va les conduire...Du coup l'idée d'association vous est forcément étrangère...
En islam, même si il y a forcément une reconnaissance du libre arbitraire ( sans quoi il n'y aurait pas de responsabilité individuelle point incontournable dans une théologie de la récompense) , l'histoire n'est pas en train de se faire. D'un point de vu Divin, forcément tout a déjà eu lieu.
Gad parle dans un autre sujet d'un Dieu narcissique (par rapport à l'affirmation : je ne vous est créé que pour que vous m'adoriez) ....Il y a sans doute un lien entre ostentation, orgueil et narcissisme...
Là encore il y aurait ( aura....) beaucoup à dire.
Enfin j'aurais aimer développer le point de vu "Bouddhiste" sur le matérialisme spirituel qui est très éclairant me semble-t-il dans son cadre traditionnel, mais aussi par un regard extérieur sur les religions monothéistes...
Le " as-tu vu celui qui a pris son âme pour divinité" s'entend aussi comme celui qui a pris ses passions pour divinités!
Là encore il me semble , cher Roque , que votre rationalisme dogmatique ( chaque choses à sa place avec des limites bien nette...) vous contraint à exclure tous ce qui n'entre pas dans les cases que vous avez prédéterminée!
L'homme est corps et âme, l'esprit est extérieur incréé...etc. Pour vous envisager une par angélique dans l'homme est une conception monstrueuse, une âme qui s'associe à Dieu est diabolique...etc
Mais cette âme qu'elle est sa réalité, son degré de consistance? L'Ego est-ce la même chose que le Moi ou le Soi ou que l’âme? Les notions de "Nafs" que l'on retrouve aussi dans le judaïsme , qui n'ont pas de contour très strict puisse qu'un homme peut avoir plusieurs catégories de "Nafs" , que les passions sont aussi assimilable à la question de "Nafs" ne peuvent être assimilé à l'âme tel que vous le concevez, une chose bien délimité qui rentre bien sagement dans la case que vous lui avez assigné!
Idriss- Messages : 7127
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Re: De l'ostentation dans les religions.
Oui certainement toute les traditions spirituelles - c'est à dire ayant une vue sur la démarche " intérieure " dans la religion condamne certainement l'ostentation. Mais certaines formes religieuses la tolèrent ou même en tire avantage (c'est le sujet de ce fil). Alors comment cela est dit et le contexte sont importants. C 'est pourquoi j'aurais voulu savoir si " n'as tu pas vu celui qui a pris son âme (ou qui s'est pris soi- même) comme divinité...? " était dans le Coran et où.Idriss a écrit:Tous de même je pensais avoir ouvert un sujet assez consensuelle et "trans-traditionel" tant la problématique de l'ostentation me semblait commune à toute démarche spirituelle.
Pourquoi alors cela a produit contre toute attente ( de ma part ) des frottements? ( frottement pas forcément négatif puisque ce la m' a obligé à réfléchir sur des points qui me semblait acquis et qui toute réflexion faite ne sont pas si évident que cela).
La " cogestion avec Dieu " formule heureuse qui dit effectivement quelque chose de la relation entre l'homme et Dieu - non pas dans le christianisme seul, mais dès l'Ancien Testament. Jamais l'homme n'est vu comme un " associé " de Dieu au sens d'un collaborateur d'égal à égal. Le Dieu de l'AT est un Dieu qu'il faut " craindre ". Je veux dire donc que nous pouvons bien comprendre l'idée d'association (shirk) en Islam, même si nous ne l'utilisons pas parce que c'est l'idée du rejet de l'idolâtrie et du culte aux faux dieux qui domine dans la Bible.Idriss a écrit:J'ai pensé que fondamentalement le christianisme, religion historique , s’inscrit dans une cogestion avec Dieu de la création . Dieu accorde le libre arbitre à l'homme et ensemble ils font l'expérience de où cette liberté va les conduire ... Du coup l'idée d'association vous est forcément étrangère ...
Ca c'est encore bien vu. D'un côté : une notion de la " Parole de Dieu ", puissance agissante qui réalise ce qu'elle dit, qui pousse donc l'histoire vers sa réalisation (la " dabar " en hébreu) et que les hommes doivent apprendre à " lire " et d'un autre coté : la " Parole de Dieu " dictée par Dieu exactement.Idriss a écrit:En islam, même si il y a forcément une reconnaissance du libre arbitraire ( sans quoi il n'y aurait pas de responsabilité individuelle point incontournable dans une théologie de la récompense) , l'histoire n'est pas en train de se faire. D'un point de vu Divin, forcément tout a déjà eu lieu.
Si l'Amour de Dieu est à l'image de Jésus qui se donne entièrement - sans aucune limite - pour ses amis, ce Dieu ne peut être en recherche de Lui-même (narcissique). Ce Dieu est effectivement parfait, saint, source de toute vie et de tout bien, il mérite réellement l'adoration et ce n'est pas du " faux semblant " de Sa Part (ostentation). Je me demande de quel Dieu Gad veut parler ... sans doute ce vieillard égotiste fumeur havane dans un grand fauteuil derrière un nuage ... si courant dans les conceptions réductrices, matérialistes et dérisoires des agnostiques et athées profond ... ceux qui - par définition - ont le moins à dire sur ce sujet !Idriss a écrit:Gad parle dans un autre sujet d'un Dieu narcissique (par rapport à l'affirmation : je ne vous est créé que pour que vous m'adoriez) ... Il y a sans doute un lien entre ostentation, orgueil et narcissisme...
Je veux bien, mais ça vient d'où ? Coran, hadith, etc ... ?Idriss a écrit:Le " as-tu vu celui qui a pris son âme pour divinité" s'entend aussi comme celui qui a pris ses passions pour divinités !
Oui, il y a une peu de ça : l'homme qui " prend son âme ou lui-même pour Dieu " est une formule qui n'entre effectivement pas dans les cases. Le vocabulaire biblique est très précis et soutenu pas un corpus de 70.000 versets. Ces sens et leurs évolutions d'un livre à l'autre de la Bible sont inventorié depuis bien longtemps - avec la liste complète des versets concernés. Ce n'est pas mon vocabulaire.Idriss a écrit:Là encore il me semble , cher Roque , que votre rationalisme dogmatique ( chaque choses à sa place avec des limites bien nette...) vous contraint à exclure tous ce qui n'entre pas dans les cases que vous avez prédéterminée!
La " part angélique " est juste un terme impropre, pourquoi ne pas dire " part spirituelle ". Est-ce que cela change réellement au fond ? Une " âme qui s'associe, elle-même, à Dieu " ... je viens de dire que cela ne m'inspire rien de bien concret ou réel, comme " prendre son âme ou soi-même pour Dieu " quand il s'agit d'un homme. Par contre, dire que Satan " se prend lui-même pour [l'égal de] Dieu " : oui. Mais il ne " s'associe pas à Dieu ", il en est l'Adversaire, l'Ennemi.L'homme est corps et âme, l'esprit est extérieur incréé...etc. Pour vous envisager une par angélique dans l'homme est une conception monstrueuse, une âme qui s'associe à Dieu est diabolique...etc
Roque- Messages : 5064
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Re: De l'ostentation dans les religions.
Idriss a écrit:"... comme celui qui dépense son bien par ostentation devant les gens sans croire en Allâh et au Jour dernier. Il ressemble à un rocher recouvert de terre : qu’une averse l’atteigne, elle le laisse dénué. De pareils hommes ne tirent aucun profit de leurs œuvres. Et Allâh ne guide pas les mécréants."
Coran 2;264.
Roque a écrit:Ce verset concerne en fait l'ostentation du riche impie ou mécréant. L'idée est qu'il ne tirera pas profit de ses œuvres (il dépense son bien pour rien). Cette absence de récompense pourrait être causée par sa mécréance et/ou par son ostentation. Il est difficile de trancher sur le sens final ... sauf qu'habituellement dans le Coran c'est la question de la mécréance (ne pas croire en Allah et au Jour dernier) qui est décisive.
Salam Roque
Dans le message que j'ai perdu je vous répondait sur ce point.
D'abord le verset n'est pas cité en entier et doit être replacé dans son contexte!
261. Ceux qui dépensent leur biens dans le sentier d'Allah ressemblent à un grain d'où naissent sept épis, à cent grains l'épi. Car Allah multiplie la récompense à qui Il veut et la grâce d'Allah est immense, et Il est Omniscient.
262. Ceux qui dépensent leurs biens dans le sentier d'Allah sans faire suivre leurs largesses ni d'un rappel ni d'un tort, auront leur récompense auprès de leur Seigneur. Nulle crainte pour eux, et ils ne seront point affligés.
263. Une parole agréable et un pardon valent mieux qu'une aumône suivie d'un tort. Allah n'a besoin de rien, et Il est indulgent.
264. Ô les croyants! N'annulez pas vos aumônes par un rappel ou un tort, comme celui qui dépense son bien par ostentation devant les gens sans croire en Allah et au Jour dernier. Il ressemble à un rocher recouvert de terre; qu'une averse l'atteigne, elle le laisse dénué. De pareils hommes ne tireront aucun profit de leur actes. Et Allah ne guide pas les gens mécréants.
265. Et ceux qui dépensent leurs biens cherchant l'agrément d'Allah, et bien rassurés (de Sa récompense), ils ressemblent à un jardin sur une colline. Qu'une averse l'atteigne, il double ses fruits; à défaut d'une averse qui l'atteint, c'est la rosée. Et Allah voit parfaitement ce que vous faites.
Sourate II
Il faudrait même faire l'analyse de la structure de toute la fin de cette sourate d'un point de vu de la rhétorique sémitique pour comprendre le sens du passage extrait ou il est question d'ostentation.
Ô les croyants! N'annulez pas vos aumônes par un rappel ou un tort, comme celui qui dépense son bien par ostentation
C'est un point dont on conscience beaucoup de musulmans, d'une manière très simple , très concrète. C'est culturellement pro fondement encré il me semble.
Quand tu donnes , tu donnes!
Si tu donnes une chose à une personne sincèrement , mais que plus tard tu te disputes avec cette personne et que dans ta colère tu lui dit : "quel ingrat tu es , je t'ai donné tel chose un jour...tu annule l'intention de ton acte de générosité, et ton acte perd sa valeur d’aumône.
Dans le cas présent , l'ostentation du mécréant est la conséquence de sa mécréance...Mais personnellement je pense qu'il peut exister des humanistes athées qui agissent par pur altruisme, c'est l'intention qui fait la valeur de l'acte , il a la récompense de son intention.Roque a écrit:Cette absence de récompense pourrait être causée par sa mécréance et/ou par son ostentation.
Mais pourquoi sont acte de générosité est valable? Parce que dans sa définition même l'altruisme c'est le fait agir sans bénéfice immédiat pour soit même . Le terme altruisme peut être considéré comme antinomique d'égoïsme. nous dit wikipédia
Accomplir un acte altruiste,pour le non croyant ( et à plus forte raison pour le croyant faire une aumône), c'est aller à l'encontre de sa nature égoïste... C'est aller à contre courant du penchant naturel de l'homme, cela demande un effort ...le fameux grand djihad , l'effort que l'on doit faire contre ses pulsions égoïstes. La peur de manquer par exemple, le désir d'en avoir toujours plus, c'est l'Ego qui pousse . La bonne action doit en théorie dompter les pulsions égoïstes, ne plus permettre à notre Ego de nous tyranniser , de nous mener par le bout du nez.
Dans le cas de l'ostentation, l'Ego retourne à son profit ce qui est sensé l'affaiblir pour au final s'en servir pour se renforcer! L'Ego se dit alors je suis beau je suis généreux, je suis digne d'être aimé, aimez moi, admirez moi, louez ma générosité ...il s’attribue des fonctions et des attributs divin non?
En cela l'homme égoïste plein de lui même et de sa suffisance a pris son Ego pour divinité...l'Ego a usurpé la Place de Dieu.
- Spoiler:
- L'Ego est un petit tyran qui par exemple se croient immortel , même si il peut savoir intellectuellement que la mort existe , il ne peut admettre sa propre disparition...L'ego croient à sa solidité même si il est fait de brique et de broc même si il varie en fonction de l' humeur du moment, il est sujet au changement , maniaco-dépressif ..etc
Je poste sans me relire avant de filler
Idriss- Messages : 7127
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Re: De l'ostentation dans les religions.
Idriss a écrit:
Le " as-tu vu celui qui a pris son âme pour divinité" s'entend aussi comme celui qui a pris ses passions pour divinités!
as salam alaikoum
Oui, en effet le verset 45, 23 dit bien " n'as tu pas vu celui qui as pris sa passion pour divinité" J'avais retenu le sens de l'âme en tant que siège des passions, d'où ma citation quelque peu intempestive bien que justifiée....
abdulwahid- Messages : 36
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Re: De l'ostentation dans les religions.
Le contexte du verset [2.261 à 2.265] est la question des conditions de la récompense pour " ceux qui dépensent leurs biens dans le sentier d'Allah ". Je ne préjuge pas de ce que pourrait donner l'analyse de la structure de toute la fin de cette sourate d'un point de vu de la rhétorique sémitique (je ne sais pas le faire).
La seconde idée est que celui du " dépense son bien " [dans le sentier d'Allah] annule cette bonne action par ostentation sans croire à Allah et au Jour dernier.
Puisqu'il s'agit d'une comparaison : le point commun entre ces deux idées est le système de péréquation entre des " bonnes " et/ou " mauvaises actions ", le secondes pouvant annuler les premières.
C'est la base d'une éventuelle comptabilité des " mérites " : certaines " bonnes actions " pouvant racheter des " mauvaises " et vice versa.
Mais il faudrait connaître plus précisément les conditions pratiques d'applications de ce système pour en juger. Il existe encore - notamment parmi les nomades musulmans en Afrique subsahanrienne - des systèmes de solidarité traditionnels où le don entre dans un système de réciprocité auquel on ne peut se soustraire qu'en cas d'extrême nécessité. C'est le cas pour les don d'entraide ou à l'occasion des fêtes (circoncisions, mariages, deuils). Ces dons sont soigneusement mémorisés et même notés par écrit. Et à chaque occasion, on consulte cette mémoire ou cet écrit pour savoir si ce qui a été précédemment " donné " a été ou non " rendu ". La règle habituelle étant de " rendre " un peu plus que ce qui a été " donné " précédemment.
Dans ce contexte, le " rappel " peut être jugé légitime. Il est probable que la règle du don totalement désintéressé ne peut pas s'appliquer à ce domaine - qui par principe est un système d'obligation réciproque, donc est par essence " intéressé ", c'est à dire solidaire. Ce système - musulman en Afrique noire - est d'ailleurs très efficace pour préserver le capital du groupe humain. Alors que d'autres groupes pratiquent un autre système où la seule famille assume tous les frais des fêtes (naissance, mariage, décès). Ce second système non musulman ruine souvent les familles pour plusieurs années et dilapide le capital du groupe humain (bantous)
Par ailleurs, les notions actuelles " d'athées " ou " d'humaniste " n'ont pas de vrai équivalent au 7ème siècle. C'est un intéressant essai de rationalisation qui appartient, encore, plutôt au XXIème siècle.
Ô les croyants! N'annulez pas vos aumônes par un rappel ou un tort, comme celui qui dépense son bien par ostentation devant les gens sans croire en Allâh et au Jour dernier.
La première idée est que la bonne action de l'aumône peut être annulée par une mauvaise action : " rappel " (reproche prouvant que l'aumône n'est pas faite de façon désintéressée) ou autre mauvaise action.Idriss a écrit:Quand tu donnes , tu donnes!
Si tu donnes une chose à une personne sincèrement , mais que plus tard tu te disputes avec cette personne et que dans ta colère tu lui dit : " quel ingrat tu es, je t'ai donné tel chose un jour...tu annules l'intention de ton acte de générosité, et ton acte perd sa valeur d’aumône. "
La seconde idée est que celui du " dépense son bien " [dans le sentier d'Allah] annule cette bonne action par ostentation sans croire à Allah et au Jour dernier.
Puisqu'il s'agit d'une comparaison : le point commun entre ces deux idées est le système de péréquation entre des " bonnes " et/ou " mauvaises actions ", le secondes pouvant annuler les premières.
C'est la base d'une éventuelle comptabilité des " mérites " : certaines " bonnes actions " pouvant racheter des " mauvaises " et vice versa.
Mais il faudrait connaître plus précisément les conditions pratiques d'applications de ce système pour en juger. Il existe encore - notamment parmi les nomades musulmans en Afrique subsahanrienne - des systèmes de solidarité traditionnels où le don entre dans un système de réciprocité auquel on ne peut se soustraire qu'en cas d'extrême nécessité. C'est le cas pour les don d'entraide ou à l'occasion des fêtes (circoncisions, mariages, deuils). Ces dons sont soigneusement mémorisés et même notés par écrit. Et à chaque occasion, on consulte cette mémoire ou cet écrit pour savoir si ce qui a été précédemment " donné " a été ou non " rendu ". La règle habituelle étant de " rendre " un peu plus que ce qui a été " donné " précédemment.
Dans ce contexte, le " rappel " peut être jugé légitime. Il est probable que la règle du don totalement désintéressé ne peut pas s'appliquer à ce domaine - qui par principe est un système d'obligation réciproque, donc est par essence " intéressé ", c'est à dire solidaire. Ce système - musulman en Afrique noire - est d'ailleurs très efficace pour préserver le capital du groupe humain. Alors que d'autres groupes pratiquent un autre système où la seule famille assume tous les frais des fêtes (naissance, mariage, décès). Ce second système non musulman ruine souvent les familles pour plusieurs années et dilapide le capital du groupe humain (bantous)
Je pense qu'on peut dire que ce qui annule la " bonne action " est l'ostentation : se faire remarquer en exagérant son mérite. Mais on peut dire aussi que la " mauvaise action " consiste à chercher l'admiration des hommes plutôt que la satisfaction d'Allah. L'important n'est pas l'attitude de l'homme - en soi, mais sa relation à Dieu. Il y a une nuance, mais cela ressemble plus à ce qui est dit par Jésus dans l'Evangile : " Gardez-vous de pratiquer votre religion devant les hommes pour attirer leurs regards; sinon, pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux cieux. " (Mt 6, 1)Idriss a écrit:Dans le cas présent, l'ostentation du mécréant est la conséquence de sa mécréance...Roque a écrit:Cette absence de récompense pourrait être causée par sa mécréance et/ou par son ostentation.
Ceci est un point de vue du XXIème siècle. Le système ancien prenait en compte la " valeur de l'acte ", c'est à dire le " mérite ". Cette notion peut facilement servir de base à un système de comptabilité en plus ou en moins. ce système existe encore en Islam, notamment pour la comptabilité des mérites obtenus par les prières (nombre de participants et lieux : Djedda, La Mecque, autre ...). L'intention est une notion plus " psychologique ", donc plus récente, quasi impossible à codifier en pratique.Idriss a écrit:Mais personnellement je pense qu'il peut exister des humanistes athées qui agissent par pur altruisme, c'est l'intention qui fait la valeur de l'acte , il a la récompense de son intention.
Par ailleurs, les notions actuelles " d'athées " ou " d'humaniste " n'ont pas de vrai équivalent au 7ème siècle. C'est un intéressant essai de rationalisation qui appartient, encore, plutôt au XXIème siècle.
Encore intéressant, mais je pense qu'il y a, ici encore, une essai de rationalisation (altruisme, égoïsme, Ego, etc ...) qui dépasse la compréhension du Coran au cours des premiers siècle.Idriss a écrit:Mais pourquoi sont acte de générosité est valable? Parce que dans sa définition même l'altruisme c'est le fait agir sans bénéfice immédiat pour soit même . Le terme altruisme peut être considéré comme antinomique d'égoïsme. nous dit wikipédia
Accomplir un acte altruiste pour le non croyant (et à plus forte raison pour le croyant faire une aumône), c'est aller à l'encontre de sa nature égoïste...
C'est aller à contre courant du penchant naturel de l'homme, cela demande un effort ...le fameux grand djihad , l'effort que l'on doit faire contre ses pulsions égoïstes.
Dans le cas de l'ostentation, l'Ego retourne à son profit ce qui est sensé l'affaiblir pour au final s'en servir pour se renforcer !
Roque- Messages : 5064
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Re: De l'ostentation dans les religions.
Roque a écrit:Ceci est un point de vue du XXIème siècle. Le système ancien prenait en compte la " valeur de l'acte ", c'est à dire le " mérite ". Cette notion peut facilement servir de base à un système de comptabilité en plus ou en moins. ce système existe encore en Islam, notamment pour la comptabilité des mérites obtenus par les prières (nombre de participants et lieux : Djedda, La Mecque, autre ...). L'intention est une notion plus " psychologique ", donc plus récente, quasi impossible à codifier en pratique.
Oui et non! je pourrait donner des exemples , inch'Allah , du contraire! Le coté comptable existe bel et bien , mai s il est à relativiser même dans la culture populaire! Il ne faut pas tout prendre au pied de la lettre, même si des musulmans fonctionnent en,parlant de "Hassanat " comme si ils parlaient d'Euro qu'ils thésaurisent :
http://www.forumuslim.com/t16236-rappel-calcul-de-hassanats.htm
Cependant il y a aussi de la fausse monnaie!
- Farrid din Attar : XIII éme siécle EC:
Si le pratiquant vise la duperie
Avec sa prière,
Celui qui la néglige volontairement
Sera plus proche de Dieu.
abû l-'Ala' al-Ma'arrî
Idriss- Messages : 7127
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Re: De l'ostentation dans les religions.
Roque a écrit:Encore intéressant, mais je pense qu'il y a, ici encore, une essai de rationalisation (altruisme, égoïsme, Ego, etc ...) qui dépasse la compréhension du Coran au cours des premiers siècle.
Pourtant Il y a le hadith ( qui même si il n'est pas authentifié par Muslim fait bel et bien parti de la culture islamique)
La lutte contre les passions , l’âme charnelle, l'Ego est une référence importante en islam.
« Nous sommes revenus du plus petit djihad (al-jihad al-Asghar) pour le plus grand djihad (al-jihad al-akbar) ». Lorsqu'on lui a demandé : « Quel est le grand djihad ? », il répondit : « C'est la lutte contre soi-même ( son âme charnelle) »
Il est possible pour le croyant lire tous les versets concernant le combat contre les mécréants, comme le combat intérieur contre sa propre mécréance, combat contre l’idolâtre qui sommeil en soi ...etc .
Pour ce qui est de la rationalisation du XXIéme siécle , en fait il semblerait que les croyants du passé plus intuitifs avaient cette compréhension d'instinct . Pas besoin de rationalisation... C'est parce que l'Homme moderne est empêtré par un esprit trop "analytique " ( ) qu'il aurait besoin de ses explications rationalisantes pour redonner du sens , ou plus exactement redonner accès au sens profond du texte!
Mais ce que tu définis comme rationalisation , l'islam , le soufisme en particulier, le défini comme ésotérisme !
Idriss- Messages : 7127
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Date d'inscription : 25/05/2012
Re: De l'ostentation dans les religions.
L'essentiel de mon commentaire ci-dessus sur le verset [2.264] tend à souligner que deux sens qui peuvent être suggérés à propos cette action pouvant annuler le « mérite » d’une aumône :
- Premier sens, c’est l'attitude de l'homme, en soi, qui annule le « mérite ». La signification du mot « ostentation » en français désigne l'exagération d'une qualité ou d'un avantage, c'est à dire d’un mérite qui peut cependant avoir une base tout à fait réelle et dépourvue d'exagération. Le seul « fait de montrer » est une « ostension » et non une « ostentation » .
La première question qui se pose alors est de savoir si c’est le « fait de montrer » (ostension) ou le « fait de montrer avec exagération » (ostentation) qui annule le « mérite », annulant par conséquence la récompense donnée par Dieu pour l’aumône (ou le djihad) visée par le verset [2.264]. A mon avis si ce verset est pris isolément, il est impossible de trancher.
- Second sens : c’est le fait de chercher l'admiration des hommes plutôt que la satisfaction de Dieu qui annule le « mérite » de l'aumône. Ceci consiste alors à donner aux hommes ce qui est dû à Dieu. Logiquement cette prescription concerne plus particulièrement le domaine religieux, le culte ou tout ce qui peut avoir un caractère rituel. Ce second sens correspond bien aux propos de Jésus sur la pratique de la religion dans les Evangiles, selon moi (Mt 6, 1).
L’ajout du mot [only] dans la traduction anglaise (ce qui un commentaire et non le texte du Coran lui-même) signifie que c’est le « fait de dépenser son bien seulement pour être vu par les gens » qui annule le mérite de l’aumône. C'est le fait de chercher seulement le regard des hommes et de façon complètement implicite de ne pas du tout chercher la satisfaction de Dieu qui annule le « mérite ». C'est donc un troisième sens qui se situe à mi-chemin entre nos deux sens ci-dessus : entre l’attitude de l’homme en soi et le fait de donner aux hommes ce qui est dû à Dieu. Mais le problème reste un peu le même : le mot « ostentation » qui n’existe pas en arabe est une interprétation glissée dans la traduction française et le mot [only] glissé dans la traduction anglaise est également une interprétation … de surcroît ces deux traductions n’ont pas exactement le même sens … !
Qu'en pensez-vous ?
Pour le reste j'ai tenu à distinguer nettement plusieurs choses qui sont bien différentes et qui, même, se situent à des époques très espacées :
1. Ce que la lettre du Coran dit dans ce verset [2.264] et son contexte. L’idée d’annulation du mérite de l’aumône implique le « mérite positif » peut être annulé par un « mérite négatif » . On peut évidemment passer de ce système à un autre système de péréquation dans les deux sens : « un mérite positif » compense un « mérite négatif » comme le « mérite négatif » annule le « mérite positif ». Ce verset peut être l’amorce ou l'indice d’un véritable système comptable des « mérites ».
2. Comment cet éventuel système de péréquation a pu être compris, puis pratiqué et/ou organisé dans les premiers siècles de l’Islam. Par exemple : de quand date le mot " hassanat " et qui a bâti le système auquel se réfère votre lien ?
Une remarque : votre lien ne signale pas la différence de « valeur » de la prière entre la Mecque et Djeddah. Les musulmans tchadiens qui me parlaient de cette question des hassanats liées à la prière m’ont raconté que les citoyens d’Arabie Saoudite (oisifs et très pieux, surement) faisaient les 85 km entre entre Djeddah et la Mecque - parfois plusieurs fois par jour - avec leurs voitures de luxe à grande vitesse pour gagner des mérites en se joignant aux prières de la Mecque.
Rien de bien nouveau, en fait : ce système a également existé dans le christianisme à la fin du Moyen Age avec la fossilisation de la réflexion théologique (la scolastique médiévale finissante) mais aussi de la pratique en actes religieux devenant objet de commerce : les « indulgences »! Luther a commencé par rejeter cette pratique devenue païenne, il est vrai. Il a certainement eu raison sur ce point.
3. Comment cela peut être repris à l’époque contemporaine et intégré dans une vision plus psychologique des choses (égoïsme, altruisme, Ego). A mon sens, il sera très difficile de démontrer que cette perspective existait dès le texte du Coran. A notre époque la vie intérieure de l’individu a une importance qui n’a pas d’équivalent au 7ème siècle que ce soit en Orient ou en Occident. Attention, ca ne veut pas du tout dire que ça n’existait pas. Ça veut seulement dire que le cadrage intellectuel (le paradigme) et/ou les codes sociaux exprimaient ces mêmes réalités ou d’autres voisines qui s’y substituaient par d’autres moyens.
Par exemple, il me semble facile à admettre que les femmes avaient une réflexion et une sensibilité tout à fait vivantes, c’est-à-dire une vie intérieure - bien avant que quelques crânes d’œufs disputent doctement sur le fait de savoir si elles avaient ou non ( !) une « âme ». C’est la notion « d’âme » - en quelque sorte l’outil d’e mesure de la réalité - qui était approximatif et flou dans cette affaire - et non la/les femme(s) … sans lesquelles aucun d’entre nous sur ce forum n’aurait d’existence !
Mais vous pouvez toujours essayer de raccorder ce que vous vivez aujourd’hui avec ces textes beaucoup plus anciens. Je n’y vois aucun inconvénient. Je précise aussi que j’ai entendu le mot « rationalisation » dans le sens de « rendre explicite et plus cohérent » justement avec ce qui est vécu actuellement. C’est donc un sens plutôt positif.
Maintenant, vous pouvez, bien entendu, dire que cela n'existe pas ou plus pour vous - je vous crois sans difficulté.
- Premier sens, c’est l'attitude de l'homme, en soi, qui annule le « mérite ». La signification du mot « ostentation » en français désigne l'exagération d'une qualité ou d'un avantage, c'est à dire d’un mérite qui peut cependant avoir une base tout à fait réelle et dépourvue d'exagération. Le seul « fait de montrer » est une « ostension » et non une « ostentation » .
- Spoiler:
Il y a - comme souvent – un problème de traduction de ce verset. Ce problème est même double : d’une part s’agit-il d’ostension ou d’ostentation et d'autre part – plus grave - le mot ostentation (« مباهاة ») n’est présent ni dans le texte arabe, ni dans la traduction anglaise :
Alors, pourquoi les traducteurs en français ont-ils jugé bon d’utiliser le mot « ostentation » ??? Je veux dire : " Sur quoi repose cette interprétation ? "“ O you who have believed, do not invalidate your charities with reminders or injury as does one who spends his wealth [only] to be seen by the people and does not believe in Allah and the Last Day. "
La première question qui se pose alors est de savoir si c’est le « fait de montrer » (ostension) ou le « fait de montrer avec exagération » (ostentation) qui annule le « mérite », annulant par conséquence la récompense donnée par Dieu pour l’aumône (ou le djihad) visée par le verset [2.264]. A mon avis si ce verset est pris isolément, il est impossible de trancher.
- Second sens : c’est le fait de chercher l'admiration des hommes plutôt que la satisfaction de Dieu qui annule le « mérite » de l'aumône. Ceci consiste alors à donner aux hommes ce qui est dû à Dieu. Logiquement cette prescription concerne plus particulièrement le domaine religieux, le culte ou tout ce qui peut avoir un caractère rituel. Ce second sens correspond bien aux propos de Jésus sur la pratique de la religion dans les Evangiles, selon moi (Mt 6, 1).
L’ajout du mot [only] dans la traduction anglaise (ce qui un commentaire et non le texte du Coran lui-même) signifie que c’est le « fait de dépenser son bien seulement pour être vu par les gens » qui annule le mérite de l’aumône. C'est le fait de chercher seulement le regard des hommes et de façon complètement implicite de ne pas du tout chercher la satisfaction de Dieu qui annule le « mérite ». C'est donc un troisième sens qui se situe à mi-chemin entre nos deux sens ci-dessus : entre l’attitude de l’homme en soi et le fait de donner aux hommes ce qui est dû à Dieu. Mais le problème reste un peu le même : le mot « ostentation » qui n’existe pas en arabe est une interprétation glissée dans la traduction française et le mot [only] glissé dans la traduction anglaise est également une interprétation … de surcroît ces deux traductions n’ont pas exactement le même sens … !
Qu'en pensez-vous ?
- UNE QUESTION DE REALISME:
J’ai posé la question de savoir comment un tel système (interdisant le " rappel ") pouvait être pratiqué dans la réalité des solidarités tribales qui impliquent des obligations mutuelles très fortes et présentes à tous les instants de la vie sociale. Pour ma part, je juge que la connaissance précise et historique de la pratique de ce verset serait nécessaire pour juger finalement de son sens exact de cette pratique. Si la solidarité tribale a un caractère de nécessité, le « rappel » est la règle - même s’il existe des formules traditionnelles atténuant le caractère explicite de ce « rappel ». Il reste que le sens de ces tournures est parfaitement clair. Je connais notamment une formule de ce genre pour réclamer ce qu’on juge « dû » ou qui est attendu « en retour » ou « un aide financière en cas de nécessité » dans la langue de Boko Haram que j’ai un peu parlé ! Ça existe, c’est sûr !
Je pense que ce verset ne pouvait être appliqué que dans le cadre le plus large de la vie sociale, mais a dû être réservé à un cadre très bien codifié, par exemple après un acte de bienfaisance spontanée ou de charité appartenant au registre des « actes pieux » (ce qui est d’ailleurs le contexte du discours de Jésus sur l’aumône la prière et le jeune : Mt 6, 1-). Je conclus donc une hypothèse. Mais ma culture de l’histoire de l’Islam est tout à fait insuffisante pour y répondre …
Pour le reste j'ai tenu à distinguer nettement plusieurs choses qui sont bien différentes et qui, même, se situent à des époques très espacées :
1. Ce que la lettre du Coran dit dans ce verset [2.264] et son contexte. L’idée d’annulation du mérite de l’aumône implique le « mérite positif » peut être annulé par un « mérite négatif » . On peut évidemment passer de ce système à un autre système de péréquation dans les deux sens : « un mérite positif » compense un « mérite négatif » comme le « mérite négatif » annule le « mérite positif ». Ce verset peut être l’amorce ou l'indice d’un véritable système comptable des « mérites ».
2. Comment cet éventuel système de péréquation a pu être compris, puis pratiqué et/ou organisé dans les premiers siècles de l’Islam. Par exemple : de quand date le mot " hassanat " et qui a bâti le système auquel se réfère votre lien ?
Une remarque : votre lien ne signale pas la différence de « valeur » de la prière entre la Mecque et Djeddah. Les musulmans tchadiens qui me parlaient de cette question des hassanats liées à la prière m’ont raconté que les citoyens d’Arabie Saoudite (oisifs et très pieux, surement) faisaient les 85 km entre entre Djeddah et la Mecque - parfois plusieurs fois par jour - avec leurs voitures de luxe à grande vitesse pour gagner des mérites en se joignant aux prières de la Mecque.
Rien de bien nouveau, en fait : ce système a également existé dans le christianisme à la fin du Moyen Age avec la fossilisation de la réflexion théologique (la scolastique médiévale finissante) mais aussi de la pratique en actes religieux devenant objet de commerce : les « indulgences »! Luther a commencé par rejeter cette pratique devenue païenne, il est vrai. Il a certainement eu raison sur ce point.
3. Comment cela peut être repris à l’époque contemporaine et intégré dans une vision plus psychologique des choses (égoïsme, altruisme, Ego). A mon sens, il sera très difficile de démontrer que cette perspective existait dès le texte du Coran. A notre époque la vie intérieure de l’individu a une importance qui n’a pas d’équivalent au 7ème siècle que ce soit en Orient ou en Occident. Attention, ca ne veut pas du tout dire que ça n’existait pas. Ça veut seulement dire que le cadrage intellectuel (le paradigme) et/ou les codes sociaux exprimaient ces mêmes réalités ou d’autres voisines qui s’y substituaient par d’autres moyens.
Par exemple, il me semble facile à admettre que les femmes avaient une réflexion et une sensibilité tout à fait vivantes, c’est-à-dire une vie intérieure - bien avant que quelques crânes d’œufs disputent doctement sur le fait de savoir si elles avaient ou non ( !) une « âme ». C’est la notion « d’âme » - en quelque sorte l’outil d’e mesure de la réalité - qui était approximatif et flou dans cette affaire - et non la/les femme(s) … sans lesquelles aucun d’entre nous sur ce forum n’aurait d’existence !
Mais vous pouvez toujours essayer de raccorder ce que vous vivez aujourd’hui avec ces textes beaucoup plus anciens. Je n’y vois aucun inconvénient. Je précise aussi que j’ai entendu le mot « rationalisation » dans le sens de « rendre explicite et plus cohérent » justement avec ce qui est vécu actuellement. C’est donc un sens plutôt positif.
Je comprends que cette perspective d'une religion des " hassanat " vous semble lointaine. Vous êtes excusé, mais je crois que vous méconnaissez complètement " l'Islam noir ".Idriss a écrit:Il ne faut pas tout prendre au pied de la lettre, même si des musulmans fonctionnent en,parlant de "Hassanat " comme si ils parlaient d'Euro qu'ils thésaurisent
- PETIT APERCU SUR L'ISLAM SUB-SAHARIEN CONTEMPORAIN:
Je pense le connaître un peu et je peux vous assurer que jusqu'à une époque récente (2006) cette religion des " hassanat " était largement dominante parmi les sunnites dans la population " ordinaire " et même parmi les " intellectuels " (discussions avec musulmans de haut niveau d'étude " occidentale ": médecins, administrateurs dans les Ministères, techniciens, etc ...). Je ne connais pas l'avis des vrais érudits religieux, il est vrai ; je n'ai jamais discuté avec aucun d'entre eux. En plus ce cette " religion de hassanat " qui incite fortement par exemple a prier en groupe et dans la rue existe le recours aux marabouts et aux pratiques des " protections " à base de texte ou d'encre coranique sans parler des autres pratiques soit magiques ou sorcières utilisant directement le Coran (une peu l'équivalent musulman des " messes noires " ...). Je pense que 2/3 des musulmans de cet Islam " noir " - au minimum ont recours à ce " protections " (grigris) dans les pays que je connais bien : Niger et Tchad.
La contrepartie positive est que c'est un Islam apaisé et piétiste (axée sur la dévotion) qui structure très fortement et parfois positivement la société. Mais l'Islam si purifié des " blancs " est venu récemment mettre la pagaille ...
Maintenant, vous pouvez, bien entendu, dire que cela n'existe pas ou plus pour vous - je vous crois sans difficulté.
L'inconvénient est double : la tradition est incertaine et ce que j'ai mis en gras et en rouge n'est qu'un commentaire. Votre source me paraît bien fragile !Idriss a écrit:La lutte contre les passions , l’âme charnelle, l'Ego est une référence importante en islam.« Nous sommes revenus du plus petit djihad (al-jihad al-Asghar) pour le plus grand djihad (al-jihad al-akbar) ». Lorsqu'on lui a demandé : « Quel est le grand djihad ? », il répondit : « C'est la lutte contre soi-même ( son âme charnelle) »
Dernière édition par Roque le Mer 17 Fév - 14:23, édité 3 fois
Roque- Messages : 5064
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Re: De l'ostentation dans les religions.
Je n'arrive pas à réponde au fur et à mesure ....
Cela n'a pas directement à voir avec l'ostentation, mais l'intérêt est que cela est très actuel. Je dirais que l'expression : " prendre sa passion pour une divinité " signifie à la fois " être esclave de sa passion " et finalement " pratiquer la forme contemporaine d'idolâtrie ". Y a-t-il d'autres versets sur ce même sujet ?
Je trouve ce commentaire sur ce verset :abdulwahid a écrit:as salam alaikoum
Oui, en effet le verset 45, 23 dit bien " n'as tu pas vu celui qui as pris sa passion pour divinité" J'avais retenu le sens de l'âme en tant que siège des passions, d'où ma citation quelque peu intempestive bien que justifiée....
Ceci est fort intéressant : celui qui devient esclave de sa passion pratique une adoration d'un autre type que l’adoration des statues ou des idoles. Mais c'est quand même un " polythéisme " au sens où cette passion tend à rivaliser avec Dieu ou même à se substituer à Dieu - ce qui revient à donner son assentiment plus ou moins directement à l'Ennemi de Dieu : Satan. C'est tout à fait présent à l'époque actuelle de sécularisation : plus aucune référence à Dieu, mais beaucoup de dépendance par rapport à des " substituts de divinité " (la Raison, la Main Invisible du Marché, l'Orgasme, mon Image, mon Ego, ... et les idéologies diverses ...) ou des " passions ". Il n'est pas exact de parler ici d'association (shirk), c'est plutôt ce que la Bible appelle " l'idolâtrie ", c'est à dire de rendre un culte à ce qui n'est pas Dieu, mettre quelque chose, quelqu'un " en concurrence " avec Dieu ou même " à égalité " avec Dieu. C'est en ce sens que le pape François disait que la pédophilie est " un culte rendu à Satan ".Ainsi, la passion est une autre divinité. Le polythéisme ne se restreint pas à l’adoration des statues ou des idoles. Il en existe une autre forme : les passions. Il se peut qu’une personne n’adore ni idole, ni arbre, ni pierre, ni tombe, mais suive sa passion. Une telle personne est esclave de sa passion. C’est pourquoi il faut faire preuve de prudence et ne suivre que ce qui se conforme au Livre d’Allah et à la Sunnah.
https://islamreinfo.wordpress.com/2014/05/11/shaykh-salih-ibn-fawzan-la-passion-peut-devenir-une-divinite/
Cela n'a pas directement à voir avec l'ostentation, mais l'intérêt est que cela est très actuel. Je dirais que l'expression : " prendre sa passion pour une divinité " signifie à la fois " être esclave de sa passion " et finalement " pratiquer la forme contemporaine d'idolâtrie ". Y a-t-il d'autres versets sur ce même sujet ?
Roque- Messages : 5064
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Re: De l'ostentation dans les religions.
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Re: De l'ostentation dans les religions.
Dans le soufisme il y a une voie qui s'appelle les gens du blâme , inch'allah je vous ferai un petit résumé!
Sultân Mourad IV, le sultan de l'Empire Ottoman de 1623-1640, allait souvent de façon anonyme au milieu des gens pour se tenir informé de leurs états.
Un soir, il sentit un malaise en lui-même et éprouva le besoin de sortir. Il convoqua le chef de sa sécurité et tous deux sortirent...
Ils passèrent près d'un endroit, et aperçurent un homme allongé sur le sol. Le sultan le toucha des pieds mais il ne réagit pas car il était mort alors que les gens continuaient leurs routes. Personne ne semblait se soucier du mort gisant sur le sol. Le sultan interpella des gens mais personne ne voulait répondre. Enfin, quelqu'un lui demanda ce qu'il voulait.
Il dit: «Pourquoi cet homme est étendu mort sur le sol et personne ne semble s'en soucier? Où est sa famille?"
Il répondit: «Il était comme ci comme ça , un ivrogne et débauché!" Le sultan dit alors: «N'est-il pas un membre de la Oummah de Mouhammad (Paix et Salutations sur lui)?
Maintenant, aidez-moi à le porter jusqu'à sa maison" les gens aidèrent le sultan à transporter le défunt jusqu'à sa maison et, une fois arrivés,les autres partirent. Le sultan et son assistant restèrent.
Quand la femme de l'homme (mort) vit son corps, elle se mit à pleurer. Elle dit s'adressant à son défunt mari : "ô Allah aie pitié de lui, ô ami d'Allah! Je témoigne que tu faisais partie des gens pieux."
Le sultan resta perplexe. Il dit, "Comment cela?alors que les gens disent tellement de choses sur lui. Tant et si bien que personne ne se soucia alors même qu'il était mort?" Elle répondit: «J'attendais que Mon mari aille à la taverne tous les soirs et achète autant de vin qu'il il le pouvait.
Il rapportait le tout à la maison et versait à l'égout. Il disait alors," j'ai sauvé un groupe de musulmans aujourd'hui. "Il allait vers une prostituée, lui donnait un peu d'argent et lui disait de fermer sa porte jusqu'au matin. Il rentrait alors à la maison alors disant :« Aujourd'hui, j'ai sauvé une jeune femme et des jeunes croyants du vice. "Les gens le voyaient acheter du vin et le voyaient partir vers les prostituées et parlaient par conséquent sur lui. Un jour, je lui dit," Quand tu mourras , il n'y aura personne pour te donner ton bain , il n'y aura personne pour prier sur toi et personne pour t'enterrer! "
Il rit et répondit:« Ne te fais pas de soucis, le Sultan des croyants, ainsi que les pieux vont prier sur mon corps .
"Le sultan se mit à pleurer. Il a dit:« Par Allah! Il a dit la vérité, car je suis Sultan Mourad. Demain, nous allons lui donner le bain rituel, prier sur lui et l'enterrer."
Et le sultan, les savants, les pieux et les masses prièrent sur lui!
Idriss- Messages : 7127
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Re: De l'ostentation dans les religions.
Un commentaire Hans Urs von Balthasar (théologien catholique. 1905-1988) sur la parabole du pharisien et du publicain :
Toujours très opposé - selon moi - à cette démarche de "construction spirituelle par soi-même" des ésotériciens !
Toujours cette idée - décidément très catholique (mais pas seulement je pense ...) - que si l'homme ne reconnaît pas son impuissance et son " vide " devant Dieu, il manque complètement " Dieu " et que celui qui est sur la voie du "se trouver soi-même" ne se dirige que vers la "perte de Dieu" !" Au fond le pharisien ne prie pas du tout Dieu, mais fait devant ses propres yeux un étalage de ses vertus, dont il pense que, si lui-même les voit, Dieu surtout les verra, les remarquera, les admirera. Et il le fait en se distinguant résolument des "autres hommes" dont aucun n'a atteint le degré de la perfection. Il suit la voie du "se trouver soi-même", qui est exactement celle de la "perte de Dieu"...
A l'inverse, le publicain ne trouve en lui-même que péché : un vide de Dieu qui, dans sa prière de supplication ("prends pitié de moi"), devient un vide pour Dieu. Quiconque prend pour but ultime sa propre perfection, ne trouvera jamais Dieu ; mais qui a l'humilité de laisser la perfection de Dieu devenir agissante dans son propre vide - non passivement, mais en travaillant avec le talent qu'il a reçu - sera aux yeux de Dieu un "justifié".
http://plunkett.hautetfort.com/archive/2016/10/23/le-pharisien-le-publicain-et-les-contresens-5864463.html
Toujours très opposé - selon moi - à cette démarche de "construction spirituelle par soi-même" des ésotériciens !
Roque- Messages : 5064
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Re: De l'ostentation dans les religions.
Idriss a écrit:Dans le soufisme il y a une voie qui s'appelle les gens du blâme , inch'allah je vous ferai un petit résumé!Sultân Mourad IV, le sultan de l'Empire Ottoman de 1623-1640, allait souvent de façon anonyme au milieu des gens pour se tenir informé de leurs états.
Un soir, il sentit un malaise en lui-même et éprouva le besoin de sortir. Il convoqua le chef de sa sécurité et tous deux sortirent...
Ils passèrent près d'un endroit, et aperçurent un homme allongé sur le sol. Le sultan le toucha des pieds mais il ne réagit pas car il était mort alors que les gens continuaient leurs routes. Personne ne semblait se soucier du mort gisant sur le sol. Le sultan interpella des gens mais personne ne voulait répondre. Enfin, quelqu'un lui demanda ce qu'il voulait.(...)
Un jour, je lui dit," Quand tu mourras , il n'y aura personne pour te donner ton bain , il n'y aura personne pour prier sur toi et personne pour t'enterrer! "
Il rit et répondit:« Ne te fais pas de soucis, le Sultan des croyants, ainsi que les pieux vont prier sur mon corps .
"Le sultan se mit à pleurer. Il a dit:« Par Allah! Il a dit la vérité, car je suis Sultan Mourad. Demain, nous allons lui donner le bain rituel, prier sur lui et l'enterrer."
Et le sultan, les savants, les pieux et les masses prièrent sur lui!
Je crains que ma logique fasse encore des siennes...
Voici donc un homme qui sait qu'il est observé par Dieu et qu'il sera loué après son décès.
Sûr de lui il ment à tous ses contemporains, refuse de leur donner un bon exemple et essuie les outrages avec la joie de celui qui sait ce que les autres ignorent. Il témoigne d'un grand mépris pour ses frères humains sauf peut-être pour les pieux et le sultan.
Je me demande si nous avons affaire ici à une attitude de parfaite humilité.
Mais si les pieux et les sages valident une telle démarche je ne peux que m'incliner.
Une chose est de ne pas s'exhiber dans ses vertus, sa piété et ses bonnes actions, une autre chose est de feindre le péché juste pour...
... au fait juste pour quoi ?????
tamar35- Messages : 674
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Re: De l'ostentation dans les religions.
Bonjour Tamar
Pour un croyant, la question du "Pour quoi ?" se pose en toutes circonstances.
Les Pères du Désert, notamment Évagre le Pontique, évoquent huit "logismoï", parfois désignés comme "démons", qui servent de grille de lecture à nos comportements, attitudes, sentiments... Certes, c'est plutôt ciblé monachisme...
Parmi ces huit logismoï, transformés en Occident en sept péchés capitaux, il y a la Kénodoxia, littérallement "la vaine gloire" qui nous guette à la moindre "bonne action".
On trouve ainsi des témoignages de Père Spirituels qui imposent à leur brebis de simuler un piètre comportement. Par exemple, à tel moine qui ne dort que deux heures par nuit pour consacrer tout son temps à la prière, le Père Spirituel ordonnera d'arriver juste à l'heure pour le premier office du matin, mal coiffé, habillé à la hâte pour simuler celui qui dort beaucoup et peine à se réveiller. L'objectif est que le regard des autres l'aide à combattre la vaine gloire.
Sur la Vaine Gloire, je crois me souvenir d'un récit (de saint Jean Climaque ? ou Dorothée de Gaza ??) où un moine, en visite dans un monastère qui n'obéit pas à la même discipline, se trouve face à un dilemme au moment du repas : Dois-je jeûner sans aucune raison à leurs yeux au risque de la Vaine Gloire ? ou dois-je manger peu au risque de la Gastrimargia, la gloutonnerie ?
Je crois qu'il opte pour le jeûne au motif que la gloutonnerie est plus pernicieuse que la vaine gloire.
Comme notre soeur Tamar, je suis un peu troublée par le fait que l'homme sait déjà que ses exploits caritatifs et sa haute vertu seront reconnus par les gens pieux et le sultan, lui-même. Mais peut-être obéit-il à un appel impérieux ?
Sur l'ostentation, si on accomplit un acte de piété dans l'espoir d'être vu comme pieux ce n'est pas terrible, si on simule un acte d'impiété sachant qu'en définitive on sera vu comme pieux, est-ce beaucoup mieux ?
Je songe encore à l'épouse et à toute la famille de cet homme qui a subi l'opprobre sans trop avoir la certitude qu'il y aurait une reconnaissance posthume.
Très cordialement
votre sœur
pauline
tamar35 a écrit:
Mais si les pieux et les sages valident une telle démarche je ne peux que m'incliner.
Une chose est de ne pas s'exhiber dans ses vertus, sa piété et ses bonnes actions, une autre chose est de feindre le péché juste pour...
... au fait juste pour quoi ?????
Pour un croyant, la question du "Pour quoi ?" se pose en toutes circonstances.
Les Pères du Désert, notamment Évagre le Pontique, évoquent huit "logismoï", parfois désignés comme "démons", qui servent de grille de lecture à nos comportements, attitudes, sentiments... Certes, c'est plutôt ciblé monachisme...
Parmi ces huit logismoï, transformés en Occident en sept péchés capitaux, il y a la Kénodoxia, littérallement "la vaine gloire" qui nous guette à la moindre "bonne action".
On trouve ainsi des témoignages de Père Spirituels qui imposent à leur brebis de simuler un piètre comportement. Par exemple, à tel moine qui ne dort que deux heures par nuit pour consacrer tout son temps à la prière, le Père Spirituel ordonnera d'arriver juste à l'heure pour le premier office du matin, mal coiffé, habillé à la hâte pour simuler celui qui dort beaucoup et peine à se réveiller. L'objectif est que le regard des autres l'aide à combattre la vaine gloire.
Sur la Vaine Gloire, je crois me souvenir d'un récit (de saint Jean Climaque ? ou Dorothée de Gaza ??) où un moine, en visite dans un monastère qui n'obéit pas à la même discipline, se trouve face à un dilemme au moment du repas : Dois-je jeûner sans aucune raison à leurs yeux au risque de la Vaine Gloire ? ou dois-je manger peu au risque de la Gastrimargia, la gloutonnerie ?
Je crois qu'il opte pour le jeûne au motif que la gloutonnerie est plus pernicieuse que la vaine gloire.
Comme notre soeur Tamar, je suis un peu troublée par le fait que l'homme sait déjà que ses exploits caritatifs et sa haute vertu seront reconnus par les gens pieux et le sultan, lui-même. Mais peut-être obéit-il à un appel impérieux ?
Sur l'ostentation, si on accomplit un acte de piété dans l'espoir d'être vu comme pieux ce n'est pas terrible, si on simule un acte d'impiété sachant qu'en définitive on sera vu comme pieux, est-ce beaucoup mieux ?
Je songe encore à l'épouse et à toute la famille de cet homme qui a subi l'opprobre sans trop avoir la certitude qu'il y aurait une reconnaissance posthume.
Très cordialement
votre sœur
pauline
Invité- Invité
Re: De l'ostentation dans les religions.
Idriss a écrit:Dans le soufisme il y a une voie qui s'appelle les gens du blâme , inch'allah je vous ferai un petit résumé!
- Spoiler:
Sultân Mourad IV, le sultan de l'Empire Ottoman de 1623-1640, allait souvent de façon anonyme au milieu des gens pour se tenir informé de leurs états.
Un soir, il sentit un malaise en lui-même et éprouva le besoin de sortir. Il convoqua le chef de sa sécurité et tous deux sortirent...
Ils passèrent près d'un endroit, et aperçurent un homme allongé sur le sol. Le sultan le toucha des pieds mais il ne réagit pas car il était mort alors que les gens continuaient leurs routes. Personne ne semblait se soucier du mort gisant sur le sol. Le sultan interpella des gens mais personne ne voulait répondre. Enfin, quelqu'un lui demanda ce qu'il voulait.(...)
Un jour, je lui dit," Quand tu mourras , il n'y aura personne pour te donner ton bain , il n'y aura personne pour prier sur toi et personne pour t'enterrer! "
Il rit et répondit:« Ne te fais pas de soucis, le Sultan des croyants, ainsi que les pieux vont prier sur mon corps .
"Le sultan se mit à pleurer. Il a dit:« Par Allah! Il a dit la vérité, car je suis Sultan Mourad. Demain, nous allons lui donner le bain rituel, prier sur lui et l'enterrer."
Et le sultan, les savants, les pieux et les masses prièrent sur lui!
tamar35 a écrit: Je crains que ma logique fasse encore des siennes...
Voici donc un homme qui sait qu'il est observé par Dieu et qu'il sera loué après son décès.
Sûr de lui il ment à tous ses contemporains, refuse de leur donner un bon exemple et essuie les outrages avec la joie de celui qui sait ce que les autres ignorent. Il témoigne d'un grand mépris pour ses frères humains sauf peut-être pour les pieux et le sultan.
Je me demande si nous avons affaire ici à une attitude de parfaite humilité.
Mais si les pieux et les sages valident une telle démarche je ne peux que m'incliner.
Une chose est de ne pas s'exhiber dans ses vertus, sa piété et ses bonnes actions, une autre chose est de feindre le péché juste pour...
... au fait juste pour quoi ?????
Salam Tamar
Tu as raison ,tout a fait raison ..Une raison guidée par une logique assez cartésienne.
Quand le sage montre la lune du doigt , l'être raisonnable regarde le doigt
Ta critique de l'attitude de cet adepte de la voie du blâme est tout à fait fondé ...Elle a d’ailleurs été faite de l’intérieur du soufisme , dans des termes assez proche des tiens , j'y reviendrai Inch'Allah.
Pour autant j'ai aimé cette histoire "d’instinct" , et je continu à l'aimer et je vais essayer de partager mon intuition.
J'ai aimé ce conte car il m' a fait sourire , il y a de l'humour , du burlesque de situation , de l'absurde , mêlè d'une certaine émotion. Analyser froidement , ne pas se laisser aller peut nous priver de cette dimension...
D'abord c'est un conte, comme nos rêves les contes s’affranchissent d'un certain nombre de paramètres normatifs pour libérer la pensée d'une certaine raison . Les rêves ont pourtant une fonction essentielle dans notre équilibre mental, voir notre évolution spirituel ...Il y a des rêves proprement initiatiques qui pourtant sont dans laforme paradoxaux.
Dans ce conte nous avons un Khalif très raisonnable et un homme totalement déraisonnable .
Sultân Mourad IV allait souvent de façon anonyme au milieu des gens pour se tenir informé de leurs états.
Voilà la tête ,celui qui gouverne qui va faire une inspection (ou une introspection pour voir quels sont ses états intérieurs) : Lui là haut dans son palais semble est un être raisonnable qui a le contrôle et la maitrise, mais on constate tous de même que le peuple se laisse allez à certain penchants : des gens à priori raisonnables boivent des canons et vont voir les filles de joie .
A coté de cela il y a un homme totalement déraisonnable qui tente de combattre cette tendance, ce laissé allez de musulmans vers leurs penchants , les tentations des Nafs , de l'âme charnelle ...
Cet homme agis de façon assez ridicule et inapproprié, mais son intention semble bonne et agréé (puisqu'il sait, qu'il a été informé...) Il est en mission pour le Seigneur , mais en secret . Il n'est pas à la tête d'une ligue de vertu à la mode de la police saoudienne ou des gardiens de la révolution iranienne . Cela aurait pu être aussi son choix, ou le choix de Dieu qui l'aurait inspiré pour créer une telle milice , payer des gens pour s'attaquer aux vendeurs de vins...etc
Cet homme simule-t-il un acte d'impiété dans le but d'être perçu en définitive comme un homme pieu et loué du sultan , des sages et du peuple ? Nous n'en savons rien ? Ça il n' y a que Dieu qui le sait ...La voie héroïque dans laquelle il s'est engagé peut l'avoir conduit à renforcer son ego ou au contraire à sa complète annihilation ..Cela peut être une attitude d’orgueil immense comme d'une humilité totale ...Mais ça c'est entre lui et Lui !
En attendant il a été l'instrument de la miséricorde de Dieu pour agir de façon caché contre les tentations de l'âme charnelle et au final pour la réunion dans une louange commune de toute la communauté . Il a été ainsi un instrument d'unification ....
Rien de ce qui est humain ne m'est étranger a dit le poète ...Je me sent un peu tous les personnages de ce conte et ne suis-je pas en quête de mon unification ?
Idriss- Messages : 7127
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Re: De l'ostentation dans les religions.
tamar a écrit:Mais si les pieux et les sages valident une telle démarche je ne peux que m'incliner.
Idriss a écrit:Quand le sage montre la lune du doigt , l'être raisonnable regarde le doigt
Belle variation de ce poncif manichéen qui flirte délicieusement avec le mépris...
Sauf que le sage n'est pas un personnage particulièrement valorisé par l'Évangile et qu'en tous les cas le spirituel s'attache à regarder au delà des apparences.
C'est l'histoire du sage qui montre quelque chose...Idriss a écrit:Pour autant j'ai aimé cette histoire "d’instinct"
moi aussi j'ai été au premier abord séduite, mais c'est précisément parce que j'ai appris à connaître le Séducteur que je ne pose pas l'hypothèse que c'est mon instinct qui a parlé.
De même j'ai bien aimé les contes de Rûmî parus au format de poche, leur vertu est sûrement de susciter l'interrogation et la contestation.
On en faisait déjà le reproche à Jésus.Idriss a écrit:des gens à priori raisonnables boivent des canons et vont voir les filles de joie .
Cela dépend de l'importance qu'il accorde au regard de ses prochains.Idriss a écrit:La voie héroïque dans laquelle il s'est engagé
S'il méprise ses prochains il n'est guère héroïque.
Et la discussion avec son épouse n'indique pas vraiment qu'il souffre d'être incompris.
Jésus m'enseigne que le "entre lui et Lui" est une fausse piste et une illusion si l'amour du prochain n'est pas au cœur de la démarche.Idriss a écrit:Mais ça c'est entre lui et Lui !
Ce n'est pas ce que cet homme avait envisagé, il ne prévoyait que la prière du Sultan et des pieux.Idriss a écrit:En attendant il a été l'instrument de la miséricorde de Dieu pour agir de façon caché contre les tentations de l'âme charnelle et au final pour la réunion dans une louange commune de toute la communauté.
On ignore les motivations des "masses" et l'enseignement qu'elles ont perçu.
Idriss a écrit:Je me sent un peu tous les personnages de ce conte
Je suis l'ivrognesse qui suis encouragée par la marge qui me sépare de ce type qui embarque des tas de bouteilles chez lui,
Je suis la pute qui sais que le mâle est, par définition, tordu, que ce qui compte c'est de lui faire plaisir et que, de toutes façons, je reste toute la nuit au service de ce client puisqu'il m'a payé,
Je suis l'épouse qui essuie l'opprobre de mon entourage pour le bien-être soi-disant spirituel de mon maître et pour sa soi-disant mission... Or, l'épouse est le premier prochain...
Je suis la Chrétienne qui ne croit pas que Dieu se confie aux astucieux, aux rusés, aux menteurs, bref aux malins.
Et je ne suis pas en quête d'un truc pour moi car je suis ressuscitée, Sa grâce à Lui me suffit.Idriss a écrit:et ne suis-je pas en quête de mon unification ?
tamar35- Messages : 674
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Re: De l'ostentation dans les religions.
La voie du blâme
[...] les mondains courent après les honneurs matériels, les mystiques, eux, peuvent être abusés par leurs propres états spirituels et par l’effet qu’ils produisent sur autrui. Le malāmatī cherche donc à couper court à ces passions (ḥuẓūẓ al-nafs), d’ordre subtil certes, mais qui n’en sont que plus perverses. Il considère toute extériorisation de son état ou de son rang spirituel comme une entrave à l’authenticité, la sincérité de sa démarche, et c’est en ce sens que Šihāb al-Dīn al-Suhrawardī axe entièrement son analyse de la malāma sur la notion d’iḫlāṣ. Cherchant à préserver l’intimité qu’il entretient avec son Seigneur, le malāmatī se fait transparent dans la société pour ne pas attirer les regards. Il ne se distingue pas par les marques vestimentaires des soufis tel la muraqqaʿa ou la ḫirqa, ne manifeste ni grâce surnaturelle (karāma, ḫarq al-ʿāda) ni transport d’extase (tawāǧud), ne se laisse pas dominer par l’ivresse spirituelle (al-ǧaḏb, al-sukr) et évite toute fonction publique d’enseignement ou de sermon qui laisserait supposer sa supériorité sur les hommes.
[...]
Certains inversent paradoxalement les termes de la comparaison entre malāmatī et ṣūfī ; ils considèrent en effet que l’attention portée par les premiers pour cacher leur état aux yeux des créatures constitue pour eux un voile : « Tant que leurs regards se portent sur leur propre conduite, ils n’ont pas exclu entièrement les autres de tout rapport avec leurs actions et leurs états surnaturels. » Contrairement aux ṣūfī-s immergés dans la contemplation divine, l’ “homme du blâme” serait encore dans le monde de la dualité. Sa démarche est pure mais il s’agit toujours d’une démarche, alors que la pureté du ṣūfī est intrinsèque à son état : pour Šihāb al-Dīn al-Suhrawardī, la sincérité de ce dernier est donc plus authentique. Al-Ǧāmī se fonde à son tour sur la notion d’iḫlāṣ, affirmant que le malāmatī est sincère par volonté (muḫliṣ), tandis que le ṣūfī l’est par nature (muḫlaṣ).
suite: http://books.openedition.org/ifpo/2444?lang=fr
Wikipédia a écrit:Un malamati (de l’arabe ملامتية, « malâma », le blâme, la critique) est un soufi qui, par souci de sincérité, va faire exprès d’avoir un comportement presque contraire à ce qu’il est vraiment même si ça doit lui causer des ennuis et le discréditer publiquement. Cette attitude singulière basée sur le rejet de tout formalisme ou extériorité de la spiritualité se développa à partir du Khorassan (Nord-Est de l’Iran) au IXe siècle. ‘Abd’l Rahmân al-Sulami (936-1021), qui en fut l'un des principaux protagonistes, explique que « La voie du blâme » (Malâmatiyya) consiste « à ne montrer rien de bien et ne cacher rien de mal ».
[...] les mondains courent après les honneurs matériels, les mystiques, eux, peuvent être abusés par leurs propres états spirituels et par l’effet qu’ils produisent sur autrui. Le malāmatī cherche donc à couper court à ces passions (ḥuẓūẓ al-nafs), d’ordre subtil certes, mais qui n’en sont que plus perverses. Il considère toute extériorisation de son état ou de son rang spirituel comme une entrave à l’authenticité, la sincérité de sa démarche, et c’est en ce sens que Šihāb al-Dīn al-Suhrawardī axe entièrement son analyse de la malāma sur la notion d’iḫlāṣ. Cherchant à préserver l’intimité qu’il entretient avec son Seigneur, le malāmatī se fait transparent dans la société pour ne pas attirer les regards. Il ne se distingue pas par les marques vestimentaires des soufis tel la muraqqaʿa ou la ḫirqa, ne manifeste ni grâce surnaturelle (karāma, ḫarq al-ʿāda) ni transport d’extase (tawāǧud), ne se laisse pas dominer par l’ivresse spirituelle (al-ǧaḏb, al-sukr) et évite toute fonction publique d’enseignement ou de sermon qui laisserait supposer sa supériorité sur les hommes.
[...]
Certains inversent paradoxalement les termes de la comparaison entre malāmatī et ṣūfī ; ils considèrent en effet que l’attention portée par les premiers pour cacher leur état aux yeux des créatures constitue pour eux un voile : « Tant que leurs regards se portent sur leur propre conduite, ils n’ont pas exclu entièrement les autres de tout rapport avec leurs actions et leurs états surnaturels. » Contrairement aux ṣūfī-s immergés dans la contemplation divine, l’ “homme du blâme” serait encore dans le monde de la dualité. Sa démarche est pure mais il s’agit toujours d’une démarche, alors que la pureté du ṣūfī est intrinsèque à son état : pour Šihāb al-Dīn al-Suhrawardī, la sincérité de ce dernier est donc plus authentique. Al-Ǧāmī se fonde à son tour sur la notion d’iḫlāṣ, affirmant que le malāmatī est sincère par volonté (muḫliṣ), tandis que le ṣūfī l’est par nature (muḫlaṣ).
suite: http://books.openedition.org/ifpo/2444?lang=fr
Idriss- Messages : 7127
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