La rhétorique sémitique
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DenisLouis
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Re: La rhétorique sémitique
Si je reprends le même découpage, voici pour comparaison les repères dans le livre de la Genèse :
A - Prologue (XXXVII, 1-4)
B - Deux songes de Joseph (XXXVII, 5-8 et 9-11)
C - Ruse des frères (XXXVII, 12-36)
D - Promotion de Joseph (XXXIX, 1-6)
E - Tentative de séduction (XXXIX, 7-20)
F - Joseph en prison ; deux songes des prisonniers (XXXIX, 21-23 et XL, 1-23)
F' - Joseph interprète les 2 rêves de Pharaon (XLI, 1-36)
E' > absent ; on ne reparle pas de cette histoire de séduction
D' - Promotion de Joseph (XLI, 37-57)
C' - Ruse de Joseph contre ses frères (XLII, XLIII et XLIV)
B' - Réalisation du songe (XLV)
A' - Conclusion... avec de nombreux évènements encore.
...Bref, c'est un découpage qui "colle" moins avec ce récit biblique
A - Prologue (XXXVII, 1-4)
B - Deux songes de Joseph (XXXVII, 5-8 et 9-11)
C - Ruse des frères (XXXVII, 12-36)
D - Promotion de Joseph (XXXIX, 1-6)
E - Tentative de séduction (XXXIX, 7-20)
F - Joseph en prison ; deux songes des prisonniers (XXXIX, 21-23 et XL, 1-23)
F' - Joseph interprète les 2 rêves de Pharaon (XLI, 1-36)
E' > absent ; on ne reparle pas de cette histoire de séduction
D' - Promotion de Joseph (XLI, 37-57)
C' - Ruse de Joseph contre ses frères (XLII, XLIII et XLIV)
B' - Réalisation du songe (XLV)
A' - Conclusion... avec de nombreux évènements encore.
...Bref, c'est un découpage qui "colle" moins avec ce récit biblique
Re: La rhétorique sémitique
Idriss a écrit:Petite parenthèse: Même si il y a certainement un rapport avec notre sujet je ne pense pas que cela puisse être mis sur le même plan.DenisLouis a écrit:Dans une autre perspective il y a aussi tout le travail de Meschonnic, qui a travaillé, entre bien d'autres textes, formes, sur le texte biblique et sur sa forme linguistique :
La rhétorique sémitique n'est plus une théorie, mais une science qui a deux siècles de recul pour évaluer ses travaux.
La rhétorique sémitique fait appel à une liste limité de formes:
pour mémoire:wikipédia a écrit: 1: Le parallélisme quand des unités textuelles apparaissent dans le même ordre ABC / A'B'C'.
2: Le concentrisme quand les unités sont disposées symétriquement par rapport à un centre ABC / élément centre / C'B'A'. Le centre a alors un rôle particulier, comme édicté par les lois de Lund, mais aussi parce qu'il met en valeur l'élément placé au centre qui a une fonction particulière dans une structure.
3: La construction spéculaire quand les unités sont disposées selon une symétrie centrale, sans qu'il y ait une unité au centre ABC / C'B'A'.
Les deux dernières structures sont souvent appelées chiasme. Au sens strict le chiasme n'est que la construction croisée de quatre éléments (AB/B'A').
3 formes et c'est tout!
Bon ces histoires de ABC / A'B'C' c'est un peu abstrait comme cela , embrouillé au début et je n'ai pas commencé par cela pour ne pas faire fuir...mais une fois compris et assimilé cette petite grammaire la rhétorique sémitique me semble si ce n'est ludique, stimulant intellectuellement .
Il me semblait que l'exemple du "Notre Père" était une bonne porte d'entrée pour suscité l’intérêt...
Je suis bien d'accord, rhétorique et poétique sont liées mais il y a des nuances.
"Les liens entre la Poétique et la Rhétorique sont très étroits. Dans ces deux textes, Aristote se penche en effet sur les mêmes notions: persuasion, métaphore, expression(lexis). De manière plus générale, ces deux textes ont pour objet l'efficacité que peuvent avoir des productions verbales sur les auditeurs (dans le cas de la rhétorique) ou sur les spectateurs (dans le cas des arts poétiques). Certaines notions comme la métaphore et l'expression sont néanmoins plus longuement traitées dans la Rhétorique."
Mais on peut aussi mettre en relation la Poétique et la Politique d'Aristote dans la mesure où la notion clé qu'est la catharsis fait son apparition dans ces deux livres.
(Wikipedia)
Pour moi ça se rattache au fait que le Coran soit fait pour être écouté (et psalmodié), tout autant que réfléchi ou médité.
Ibn Arabi signale la nuance entre "des versets pour ceux qui réfléchissent" et "des versets pour ceux qui écoutent", les versets peuvent être les mêmes, mais il y a distinction entre deux modes de réception du texte.
Ce qui est écouté, ce n'est pas avec l'oreille externe, mais avec l'oreille du coeur (lien avec la langue sacrée).
DenisLouis- Messages : 1077
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Re: La rhétorique sémitique
DenisLouis a écrit:
Pour moi ça se rattache au fait que le Coran soit fait pour être écouté (et psalmodié), tout autant que réfléchi ou médité.
Oui peut-être!
La rhétorique sémitique s'applique aussi avec des textes hiéroglyphique égyptien!
Vous avez noté aussi qu'il est dit que dans le cas de textes du nouveau testament en grec que la rhétorique sémitique fonctionne aussi...Ce qui serait une indication que les textes originaux étaient en hébreux ou en araméen et que la structure c'est conservée au moment de la traduction en grec.
Idriss- Messages : 7138
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Re: La rhétorique sémitique
-Ren- a écrit:Si je reprends le même découpage, voici pour comparaison les repères dans le livre de la Genèse :
A - Prologue (XXXVII, 1-4)
B - Deux songes de Joseph (XXXVII, 5-8 et 9-11)
C - Ruse des frères (XXXVII, 12-36)
D - Promotion de Joseph (XXXIX, 1-6)
E - Tentative de séduction (XXXIX, 7-20)
F - Joseph en prison ; deux songes des prisonniers (XXXIX, 21-23 et XL, 1-23)
F' - Joseph interprète les 2 rêves de Pharaon (XLI, 1-36)
E' > absent ; on ne reparle pas de cette histoire de séduction
D' - Promotion de Joseph (XLI, 37-57)
C' - Ruse de Joseph contre ses frères (XLII, XLIII et XLIV)
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A' - Conclusion... avec de nombreux évènements encore.
...Bref, c'est un découpage qui "colle" moins avec ce récit biblique
Parallèle sympathique , mais je ne sais si il est pertinent de faire cette transposition!? Cela mériterait de repartir du texte en oubliant le Coran pour arriver peut-être à un autre découpage qui aurait aussi sa cohérence.
Mais en effet il semble que un des intérêts de la rhétorique sémitique est de faire apparaitre des incohérences, des versets ajoutés ou manquants, voir des parties!
Ou au contraire rendre une cohérence et une logique là où elle semblait déficiente:
Idriss- Messages : 7138
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Re: La rhétorique sémitique
Un sujet se ramifie en d'autres sujets, je suis en train de découvrir un autre auteur, Yehoushua Gitay, qui a écrit à ce propos, il distingue dans le discours divin, et dans le discours tout court, ce qui est démonstratif, et donc doit suivre la loi de la logique, où les arguments suivent un ordre précis qu'on ne peut modifier à sa guise, et ce qui est rhétorique et qui peut avoir un ordre différent en fonction des auditeurs. La vérité dans ce cas ne convainc pas obligatoirement en soi, mais la conviction doit être acquise auprès d'un public qui n'a pas obligatoirement la connaissance spécialisée pour suivre un raisonnement strict, le discours part d'une position communément admise pour arriver à une conclusion acceptable par l'auditeur.
DenisLouis- Messages : 1077
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Re: La rhétorique sémitique
-Ren- a écrit:Si je reprends le même découpage, pour comparaison les repères dans le livre de la Genèse [...]
...Bref, c'est un découpage qui "colle" moins avec ce récit biblique
-Ren-
Cuypers catholique convaincu et donc grand connaisseur de l'ancien et nouveau testament a fait la même constatation que toi ...
je post son interprétation :
- Joseph: Coran \\ Bible:
Idriss- Messages : 7138
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Re: La rhétorique sémitique
Je pense avoir compris que les rédacteur des textes n'ont pas forcément conscience d'appliquer des règles et les auditeurs n'ont pas forcément besoins de connaitre ces règles pour qu'elles soient opératives, qu'elles fonctionnent! Enfin originellement !DenisLouis a écrit:mais la conviction doit être acquise auprès d'un public qui n'a pas obligatoirement la connaissance spécialisée pour suivre un raisonnement strict
Par contre nous peuples "modernes" avons perdu cette capacité à produire et réceptionner ces structures d'où notre scepticisme devant ces textes, ou des interprétations superficielles , voir erronées...
D'où aussi la nécessité de traduire, de mettre en évidence ces structures, grâce à la rhétorique sémitique,pour les rendre à nouveau "accessibles" à nos esprits modernes!
Comme j'ai dit , c'est ce que je pense avoir compris, mais peut-être que je fais fausse route.
Idriss- Messages : 7138
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Re: La rhétorique sémitique
Justement, le but était de vérifier la pertinence !Idriss a écrit:Parallèle sympathique , mais je ne sais si il est pertinent de faire cette transposition!?
...Et comme on peut constater grâce à mon petit travail que l'étape E' est absente du récit biblique, on en déduit logiquement que la structure du récit coranique n'est PAS un simple décalque de la structure biblique
(sans parler du constat plus fin de Cuypers... qui n'en devient que plus pertinent !)
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Re: La rhétorique sémitique
Effectivement, la compréhension de cette rhétorique permet de voir que ces textes sont cohérents et bien ordonnés, là ou le lecteur occidental " ressent " le contraire.Idriss a écrit:Contrairement à l’impression que ressent inévitablement le lecteur occidental, les textes de la tradition sémitique sont fort bien composés, à condition bien entendu de les analyser en fonction des lois de la rhétorique à laquelle ils appartiennent.
Mais l'intérêt premier de reconnaître cette rhétorique est de donner le sens - c'est à dire de désigner l'interprétation précise et sûre choisie par l'auteur - parmi les multiples interprétations toujours possibles et pas toujours convergentes.Idriss a écrit:On sait que la forme du texte, sa disposition, est la porte principale qui ouvre l’accès au sens. Non pas que la composition fournisse, directement et automatiquement, la signification. Cependant, quand l’analyse formelle permet d’opérer une division raisonnée du texte, de définir de manière plus objective son contexte, de mettre en évidence l’organisation de l’œuvre aux divers niveaux de son architecture, se trouvent ainsi réunies les conditions qui permettent d’entreprendre, sur des bases moins subjectives et fragmentaires, le travail d’interprétation.
Ma citation plus haut : https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t2289-la-rhetorique-semitique#48462 « l’exégèse historico-critique nous a appris que les textes transmis était disparates, fait de micro unités disjointes : « les évangiles (mais aussi les prophètes) ne sont que des collections, plutôt disparates, de petites unités qui circulaient dans les communautés primitives, et qu’un rédacteur (un collectionneur !) s’est décidé un jour à compiler, sans composition véritable »
Ce préjugé occidental de la Formgeschichte (Heidegger, fin du 19ème siècle) postule que les écrits religieux du nouveau testament - que nous avons actuellement - est un amas de micro-unité compilées, pas seulement sans composition véritable, mais surtout sans aucune continuité avec une tradition antérieure. Je ne crois pas que cette méthode ait été appliquée au Coran, mais cela ne devrait tarder. Malheureusement, le même préjugé aura le même effet destructeur sur n'importe quel texte (ailleurs sur ce forum est donné une exemple à propos du Confucianisme). Mais, c'est un préjugé, il n'y a plus d'objectivité possible avec ce postulat initial ... les beaux esprits s'en vantent même et parlent de déconstruction.
J'aurais au contraire l'impression que le lecteur moderne plongé dans le déconstruction des textes soit ne comprend plus grand chose (préjugé banalisant) et zappe , soit " transfert " sa propre interprétation en toute circonstance sur tous les textes qu'il effleure de son attention parce qu'il n'est ni dans l'objectivité (préjugé déconstructeur), ni dans la lecture attentive.DenisLouis a écrit:En même temps la littérature moderne a habitué les lecteurs a lire d'une manière non linéaire, avec toutes sortes de constructions et de déconstructions, de points de vues éclatés, alternance de narrateurs, changements de registres
Sur l'exemple du Notre Père donné plus haut par Idriss plusieurs remarques :
- Il ne fait pas confondre binarité (fondamentale dans l'oralité) et la récitation en deux chœurs. La binarité c'est le fait que la récitation de chaque verset repose sur deux pieds ou suggère un balancement (à 2 termes). Pour le reste c'est vrai que le Notre Père est récité en deux parties inégales : 3 demandes, puis 4 demandes ;
- La formule grecque du pain " quotidien " + " de chaque jour " n'est que des formules particulières du Notre Père, il en existe d'autre (cf; la formulation en araméen ci-dessous) ... et fond c'est un pléonasme ; une autre formulation plus intéressante parle de pain " super-essentiel " - c'est déjà autre chose que le pain quotidien ;
- Par contre c'est effectivement la quatrième demande qui correspond à Dieu Père ;
- En oralité, les textes oraux sont constitués de 5 à 7 perles qui constituent un " collier " et c'est la perle centrale qui donne le sens du colliers - les autres perles étant dans la cohérence de sens de cette perle centrale. Cela confirme que c'est la quatrième perle qui est la plus importante et finalement ce pain super-essentiel de chaque jour, c'est " pain de vie descendu du ciel pour nourrir le monde " (cf. : chapitre 6 de Jean), c'est le Messie de Dieu, Lui-même et Son Pain de Vie.
Dans le texte sur le Notre Père, il y a une passage avec lequel je ne suis pas trop d'accord : " à s'en tenir à un seul indice, il y a de fortes chances que l'on manque la véritable organisation du texte et que l'on perde aussi beaucoup de son sens ". Je veux dire qu'une fois analysé le texte dans tous les sens, il y a un critère qui détermine le sens dominant ... si on ne choisit pas, on fait de la description du texte, de l'analyse de texte scolaire en laissant - au final - toute l'interprétation dans l'indécision. La bonne compréhension de la rhétorique adaptée à un texte est justement là pour éviter cette indécision - qui rend vaine la lecture de ces textes.
Je finis avec la traduction française du texte araméen du Notre Père. La formulation du " pain quotidien de ce jour " n'y est pas. Mais je ne comprend pas comment se fait la binarité (droite / gauche) - il semble qu'il y a plutôt un rythme à trois temps ... il faudrait demandé à l'auteur qui travaille actuellement à Paris - pas très loin de mon domicile en plus ...
Pour l'exemple de la Sourate 12, l'important n'est pas de montrer qu'il y a une construction spéculaire (en miroir), mais de montrer quel est le sens spécifique produit par cette construction. Ainsi dans cet exemple de structure spéculaire, étant donné que c'est le verset central qui donne sens à l'ensemble, le sens voulu par l'auteur est effectivement que Joseph est la préfiguration de Muhammad, prophète du monothéisme.
Roque- Messages : 5064
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Re: La rhétorique sémitique
Oui, d'un coté la méthode peut faire apparaître une cohérence, une intention spécifique du " rédacteur " ou de " l'éditeur ", mais elle peut faire apparaître des irrégularités, des ruptures et donc des ajouts ou retouches sur un ordonnancement antérieur des versets, confirmant plusieurs strates de rédaction.Idriss a écrit:Mais en effet il semble que un des intérêts de la rhétorique sémitique est de faire apparaitre des incohérences, des versets ajoutés ou manquants, voir des parties!
Du côté de la Bible ces éditions successives de chacun des " livres bibliques " sont maintenant mieux connues (et acceptées par les catholiques notamment). Par exemple, on suit ces éditions multiples de chaque tradition yahwistes (J), sacerdotales (P), élohistes (E) et deutéronomistes (D) - à l'origine indépendantes à confluer - sans doute au retour de l'exil (donc au 6ème/5ème siècle) pour constituer la Torah (J+P+E+D) - de 5 livres - telle que nous la connaissons maintenant.
Du côté du Coran, on pourra penser à l'effort de mise en ordre des sourates par Muhammad avant sa mort, puis au long travail de Zayd ibn Thâbit qui s'y est repris à deux fois pour livrer la version othmanienne du Coran. Mais le travail d'analyse à partir de la rhétorique sémitique semble moins avancé - car il peut effleurer de difficiles " questions dogmatiques ", par exemple ce qu'il fait mettre ou non sous l'idée d'immuabilité du Coran ( https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t1317-le-dogme-de-l-immuabilite-du-coran-ou-l-hypothese-de-son-elaboration-progressive-et-humaine ).
Dans d'autres traditions ... je ne sais rien
Roque- Messages : 5064
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Re: La rhétorique sémitique
Voici un nouvel exemple que je viens de trouver. Le texte est Lc 14, 26-35 :
1. " Si quelqu'un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut être mon disciple " ;
2. " Celui qui ne porte pas sa croix et ne marche pas à ma suite ne peut pas être mon disciple " ;
3. " Lequel d'entre vous, quand il veut bâtir une tour, ne commence par s'asseoir pour calculer la dépense et juger s'il a de quoi aller jusqu'au bout ? Autrement, s'il pose les fondations sans pouvoir terminer, tous ceux qui le verront se mettront à se moquer de lui " et diront: " Voilà un homme qui a commencé à bâtir et qui n'a pas pu terminer ! " ;
4. " Quel roi, quand il part faire la guerre à un autre roi, ne commence par s'asseoir pour considérer s'il est capable, avec dix mille hommes, d'affronter celui qui marche contre lui avec vingt mille ? Sinon, pendant que l'autre est encore loin, il envoie une ambassade et demande à faire la paix. "
5. " De la même façon, quiconque parmi vous ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut être mon disciple. Oui, c'est une bonne chose que le sel. Mais si le sel lui-même perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on ? Il n'est bon ni pour la terre, ni pour le fumier; on le jette dehors. Celui qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende. "
Le premier point de vue est celui de l'approche historico-critique. Dans ce cas, il s'agit typiquement d'une collection le logia (paroles) sans lien entre elles à l'origine et sans " contexte " particulier. L'évangéliste les autres rassemblés ici par proximité des thèmes, mais ces 10 versets sont sans lien évident entre eux. La signification finale est pauvre sinon banale.
Le second point de vue est qu'il s'agit d'un collier de cinq perles de tradition orale qui constituent donc un enseignement cohérent. Pierre Perrier propose comme contexte une invitation à un " Banquet de la Parole " (ou qoubala en araméen) comme il s'en pratiquait au début du christianisme. C'est une grande fête uniquement avec des lectures des textes de la Bible, y compris de récitation par cœur des évangiles :
1. " Si quelqu'un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut être mon disciple " ;
2. " Celui qui ne porte pas sa croix et ne marche pas à ma suite ne peut pas être mon disciple " ;
3. " Lequel d'entre vous, quand il veut bâtir une tour, ne commence par s'asseoir pour calculer la dépense et juger s'il a de quoi aller jusqu'au bout ? Autrement, s'il pose les fondations sans pouvoir terminer, tous ceux qui le verront se mettront à se moquer de lui " et diront: " Voilà un homme qui a commencé à bâtir et qui n'a pas pu terminer ! " ;
4. " Quel roi, quand il part faire la guerre à un autre roi, ne commence par s'asseoir pour considérer s'il est capable, avec dix mille hommes, d'affronter celui qui marche contre lui avec vingt mille ? Sinon, pendant que l'autre est encore loin, il envoie une ambassade et demande à faire la paix. "
5. " De la même façon, quiconque parmi vous ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut être mon disciple. Oui, c'est une bonne chose que le sel. Mais si le sel lui-même perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on ? Il n'est bon ni pour la terre, ni pour le fumier; on le jette dehors. Celui qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende. "
Le premier point de vue est celui de l'approche historico-critique. Dans ce cas, il s'agit typiquement d'une collection le logia (paroles) sans lien entre elles à l'origine et sans " contexte " particulier. L'évangéliste les autres rassemblés ici par proximité des thèmes, mais ces 10 versets sont sans lien évident entre eux. La signification finale est pauvre sinon banale.
Le second point de vue est qu'il s'agit d'un collier de cinq perles de tradition orale qui constituent donc un enseignement cohérent. Pierre Perrier propose comme contexte une invitation à un " Banquet de la Parole " (ou qoubala en araméen) comme il s'en pratiquait au début du christianisme. C'est une grande fête uniquement avec des lectures des textes de la Bible, y compris de récitation par cœur des évangiles :
C'est un enseignement nettement plus tonique et très pertinent par l'introspection exigeante qu'il suggère du disciple. On pourrait en prendre de la graine aujourd'hui !Pierre Perrier a écrit:Recevant l'invitation au banquet de la Parole, le disciple s'examinera sur 5 doigts.
Ainsi il ne suffit pas d'aller au banquet de la Parole, la première réunion communautaire, mais il faut se décider à quitter la maison familiale pour la maison Eglise, si on veut y être un disciple, puis un responsable de tradition. Il faut prendre la décision de monter (croix = échelle) vers Dieu, d'assimiler un nombre de paroles suffisantes et bien agencées (rôle du " par cœur "). Sinon on ne résistera pas à l'Ennemi, ou bien on s'affadira sans plus monter.
Trois mots peuvent être mal compris derrière ces cinq recommandations :
- " enterrer son père ", c'est le laisser sans l'accompagner jusqu'à sa mort, mais cela a du sens si on va chercher mieux, l'or du trésor de la vie éternelle qu'on partagera avec lui avant sa mort ;
- " prendre sa croix " en s'élevant, c'est prendre une échelle qu'il faut gravir pour s'approcher de Dieu en s'élevant comme Jésus a été élevé (" tsliwa ") ;
- " construire sa tour " (" magdala "), c'est assembler ses connaissances pour se faire une mémoire des enseignements et traditions du Maître qui soit solide et inattaquable.
Roque- Messages : 5064
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Re: La rhétorique sémitique
Roque a écrit:Voici un nouvel exemple que je viens de trouver. Le texte est Lc 14, 26-35 :
[
Vous avez fait vous-même cette déduction , ou vous avez trouvé cet exemple dans un ouvrage?
- Spoiler:
Description de l'ouvrage
Date de publication: 17 mars 2005 | Série: Rhétorique sémitique
UNE PREMIÈRE approche de l'Évangile de Luc peut donner l'impression d'un grand désordre, d'une simple compilation de morceaux disparates. Nombre de commentateurs n'ont pas manqué d'insister sur ce point. Pourtant, il n'en est rien - comme l'affirme d'ailleurs le rédacteur, qui précise qu'il " a écrit de façon ordonnée " - si l'on n'oublie pas que le Nouveau Testament naît dans le monde juif et qu'il est donc fortement marqué par les techniques d'écriture qui lui sont propres. Travaillant depuis plus de trente ans sur la rhétorique biblique et sémitique, Roland Meynet a mis en lumière la composition extrêmement précise, et admirable, de l'Évangile de Luc. Le commentaire qu'il propose ici, approfondissant son premier ouvrage publié en 1988, fait surgir des effets de sens insoupçonnables dans les lectures traditionnelles. La construction du texte est mise en évidence par des planches qui font apparaître les mots et les expressions qui le structurent, depuis les unités les plus élémentaires jusqu'aux quatre grandes sections qui en forment l'ensemble. Cette lecture " mot à mot ", pas à pas, rejoint les acquis de la linguistique la plus moderne. Enrichie par la présentation du contexte biblique qui sous-tend la rédaction lucanienne, elle ouvre finalement sur une interprétation du texte qui en manifeste toute l'originalité et toute la puissance. Au fil des pages, l'auteur témoigne d'un véritable amour de la Parole, dont chacun peut, à son tour, s'inspirer, et son livre servira de guide à tous ceux qui veulent étudier le texte de Luc au plus près.
Idriss- Messages : 7138
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Re: La rhétorique sémitique
Je l'ai trouvé dans un ouvrage de Pierre Perrier. Pour ma part je suis juste capable de comprendre que prendre ces versets comme un assemblage de hasard (approche historico-critique habituelle, c'est à dire rationaliste) ou comme un ensemble cohérent peut faire une grosse différence au niveau du sens.Idriss a écrit:Roque a écrit:Voici un nouvel exemple que je viens de trouver. Le texte est Lc 14, 26-35
Vous avez fait vous-même cette déduction , ou vous avez trouvé cet exemple dans un ouvrage?
Ensuite la mise en situation de ces versets est " un plus ", enfin le commentaire est de Pierre Perrier. Pour un chrétien sa compréhension du texte - à partir de l'araméen - est souvent géniale et en tout cas neuve par rapport aux commentaires habituels.
Roque- Messages : 5064
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Re: La rhétorique sémitique
L'approche selon la rhétorique sémitique étudie la cohérence du texte en lui-même, chaque sourate forme une composition, alors que la méthode habituelle étudie les versets d'une manière plus dispersée en fonction des circonstances extérieures qui ont justifié la descente de tel ou tel verset. Quelques commentateurs traditionnels se sont intéressés à la rhétorique, mais assez peu, alors que l'accent est pourtant mis continuellement sur la perfection du texte.
Une des conséquences sur le plan légal et théologique, c'est de justifier une autre hiérarchie par rapport à certains versets considérés comme abrogés ou abrogeants. Alors que le point de vue commun est de privilégier le dernier verset révélé au point de vue de l'application de la loi ou du sens théologique, cette approche donne la primauté au verset qui se trouve au centre organisationnel de la sourate, les autres versets n'ayant plus qu'une valeur circonstancielle et conditionnelle, même s'ils ont été révélés postérieurement :
Les lectures nouvelles du Coran et leurs implications théologiques
À propos de quelques livres récents :
http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=RETM_253_0029
Une des conséquences sur le plan légal et théologique, c'est de justifier une autre hiérarchie par rapport à certains versets considérés comme abrogés ou abrogeants. Alors que le point de vue commun est de privilégier le dernier verset révélé au point de vue de l'application de la loi ou du sens théologique, cette approche donne la primauté au verset qui se trouve au centre organisationnel de la sourate, les autres versets n'ayant plus qu'une valeur circonstancielle et conditionnelle, même s'ils ont été révélés postérieurement :
- Spoiler:
Pour autant, si la perspective scientifique opérée par Michel Cuypers est dénuée de toute intention polémique ou apologétique, elle n’est pas sans implications théologiques. À plusieurs reprises, l’application de la méthode conduit à de subtiles découvertes qui viennent confirmer les positions ou les distinctions établies par les réformistes musulmans de la fin du xixe siècle. Ainsi, par exemple, à propos du récit de la table servie (S. 5, 112-115), Michel Cuypers met en lumière la nécessaire connaissance du Nouveau Testament comme point d’appui à la réécriture des versets, dans une perspective renouvelée et parfaitement coranique. L’analyse intertextuelle montre comment le texte du Coran s’appuie non seulement sur l’évangile de Jean, au chapitre sixième, mais puise aussi aux sources propres de l’évangéliste, qu’il s’agisse du Livre de l’Exode ou du psaume 78. Dès lors, les résultats de cette recherche éclairent les positions des commentateurs du Coran sur cette question et confirment la proposition de Rašîd Riḍâ (m. 1935), un des premiers à avoir établi ce lien entre les évangiles et ce passage coranique dans son Commentaire du Manâr. A contrario, la démonstration de Cuypers va à l’encontre du très influent théologien pakistanais Mawdûdî (m. 1979) ou du théologien malékite Si Hamza Boubakeur (m. 1995), puisque tous deux nient toute relation avec le texte évangélique. Quant aux orientalistes, à l’instar de Richard Bell, qui y voit parfois l’amalgame entre deux récits, celui de l’institution de la Cène et celui de la multiplication des pains, la méthodologie de Michel Cuypers leur apporte, là encore, de sérieuses précisions. Par ailleurs, l’auteur montre que les énoncés de portée universelle se trouvent toujours au centre de constructions concentriques, tandis que les dispositions circonstanciées, contextualisées, encadrent le centre. Or, cette découverte de l’analyse rhétorique donne une assise théologique à une distinction posée par le père du réformisme islamique, Muḥammad ‘Abduh (m. 1905) et, à sa suite, aux travaux des « nouveaux penseurs de l’islam ». Si l’on prend, par exemple, la question de la possibilité du salut des non-musulmans, le Coran semble l’affirmer : « Ceux qui croient, et ceux qui pratiquent le judaïsme et les sabéens et les chrétiens, quiconque croit en Dieu et au Dernier Jour, et fait œuvre bonne, il n’y a pas de crainte sur eux, ils ne seront pas affligés » (S. 5, 69). Ce verset a donné lieu, comme on s’en doute, à une abondante littérature. Certains commentateurs l’ont abrogé par le verset 3, 85 : « Et quiconque désire une religion autre que l’islam, ce ne sera pas reçu de lui, et il sera, dans l’au-delà, parmi les perdants » ; d’autres en ont restreint le sens aux juifs et chrétiens ayant vécu avant la révélation du Coran. D’autres enfin, mais ils sont une minorité, reconnaissent pleinement la portée de ce verset, à l’instar d’al-Ġazâlî (m. 1111) et, à l’époque moderne, de Muḥammad ‘Abduh, Rašîd Riḍâ ou encore de Fazlur al-Raḥmân [21] Fazlur Rahman, Major Themes of the Qur’ân, Minneapolis... [21] . Or, Michel Cuypers montre que ce verset est au centre du discours, ce qui témoigne, au regard des lois de la rhétorique sémitique, de sa portée fondamentalement universelle et transhistorique. Nous voyons ici la dimension novatrice de cette exégèse et ses importantes incidences théologiques et juridiques.
Les lectures nouvelles du Coran et leurs implications théologiques
À propos de quelques livres récents :
http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=RETM_253_0029
DenisLouis- Messages : 1077
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Re: La rhétorique sémitique
Salam Denis Louis
Merci pour ce texte pertinent
A propos d'abrogation l'analyse rhétorique de la sourate de la vache et du fameux verset sur lequel s'appuie habituellement les juristes pour justifier la théorie de l'abrogation:
Merci pour ce texte pertinent
DenisLouis a écrit:
Une des conséquences sur le plan légal et théologique, c'est de justifier une autre hiérarchie par rapport à certains versets considérés comme abrogés ou abrogeants.
A propos d'abrogation l'analyse rhétorique de la sourate de la vache et du fameux verset sur lequel s'appuie habituellement les juristes pour justifier la théorie de l'abrogation:
M.Cuypers a écrit:
D. – En quoi votre lecture diffère-t-elle des autres lectures?
R. – Essentiellement, dans le fait que l’analyse rhétorique du texte permet une lecture contextuelle. Le morcellement du texte a sans doute été la principale raison pour laquelle tous les commentaires classiques commentent le texte verset par verset, de manière "atomiste", en dehors de toute considération du contexte littéraire immédiat de ces versets. C’est aussi la raison pour laquelle ils expliquent les versets par des éléments externes au texte, ce qu'ils appellent techniquement les "occasions de la révélation": en recourant à des anecdotes ou des faits de la vie du Prophète, puisés dans les traditions (hadîths) attribués au Prophète ou à ses compagnons, ils donnent la raison historique pour laquelle tel ou tel verset a été révélé, lui donnant ainsi un certain sens.
Or, quand un verset est resitué dans son contexte, délimité par la structure textuelle dont il fait partie, son véritable sens apparaît souvent sans qu'on ait besoin de recourir à ces "occasions de la révélation", dont on peut penser que, le plus souvent, elles ont été forgées post eventum, pour expliquer les obscurités du texte.
Je donne un exemple. Le verset 2,106 fait dire à Dieu: "Dès que Nous abrogeons un verset ou dès que nous le faisons oublier, nous le remplaçons par un autre, meilleur ou semblable". Ce verset est présenté par les juristes, les fuqahâ', comme le fondement coranique de leur théorie de l’abrogation, selon laquelle certains versets du Coran en abrogent d’autres. Cette théorie a permis de résoudre d’apparentes contradictions entres les versets, surtout les versets normatifs. On a donc considéré que les versets les plus récents abrogeaient les plus anciens, et pour déterminer quels étaient les versets les plus récents, on a admis a priori que les versets les plus durs et les plus restrictifs devaient être les plus récents et qu'ils abrogeaient les versets plus doux ou plus tolérants, qui les précédaient.
Or, pour en revenir au verset 2, 106, si on le resitue dans son contexte, on voit qu'il ne veut absolument pas dire cela: c’est une réponse à des juifs qui protestaient contre Muhammad parce qu’il avait proclamé, dans sa récitation du Coran, des versets de la Torah, tout en les modifiant. A cette accusation de "falsification", Dieu répond qu'il est libre d'abroger une révélation antérieure par une nouvelle, meilleure. Il s’agit donc d’une abrogation de la Torah par le Coran et non du Coran par lui-même.http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/145581?fr=y
- Spoiler:
Bien que plusieurs savants musulmans, au cours du XXe siècle, et encore tout récemment l'islamologue français Geneviève Gobillot ont dénoncé avec force cette erreur d'interprétation, elle continue à avoir largement cours. Cette question est d’une extrême actualité, car les extrémistes islamistes se servent de l'argument de l'abrogation pour considérer notamment que les versets les plus durs de la sourate 9 (versets 29, 73), incitant les musulmans à combattre les infidèles, abrogent à peu près 130 versets plus tolérants qui ouvrent les voies d'une coexistence pacifique entre les musulmans et les autres communautés.
Fidèles à la logique de l'abrogation telle qu'ils la comprennent, les extrémistes estiment (comme déjà certains commentateurs anciens) que la sourate 9 est la dernière sourate révélée, abrogeant notamment les versets plus "ouverts" et tolérants de la sourate 5, alors que tout, dans cette dernière, montre qu’il s’agit d’un texte-testament, qui clôt la révélation.
D. – Qu’est-ce qui permet d’affirmer cela?
R. – La seule analyse rhétorique ne permet pas d'arriver à cette conclusion. Mais c'est encore une contextualisation de la sourate qui y conduit, mais cette fois, dans le cadre d'une approche intertextuelle. Cette sourate contient en effet plusieurs citations tout à fait claires de la Bible ou de textes para-bibliques: la révolte des fils d'Israël qui refusent d'entrer dans la Terre sainte (reprise du livre des Nombres), l'assassinat d'Abel par Caïn, la loi du talion, une sentence de la Mishna (reprise textuellement), des scènes apocryphes de l'enfance de Jésus, ainsi qu'une évocation assez mystérieuse de la dernière Cène (d'où le titre de la sourate).
Ces choses sont connues depuis longtemps. Mais une lecture attentive du texte révèle nombre d'autres réminiscences bibliques, moins apparentes mais non moins réelles, qui, mises ensemble, ne laissent aucun doute sur l'arrière-fond deutéronomique de la sourate: le mélange de lois et de récits, le thème central de l'Alliance, celui de l'entrée dans une terre sainte, le vocabulaire (répétition de "l'aujourd'hui" de Dieu, les injonctions à l'obéissance aux préceptes, etc.).
Or, le Deutéronome se présente comme le testament prophétique de Moïse qui clôt le Pentateuque, la Torah: il meurt d'ailleurs en fin du livre. Selon la tradition, la sourate 5 aurait été révélée lors du solennel pèlerinage d'adieu du Prophète, qui serait mort très peu de temps après. La similitude de situation est frappante, si ce n'est que Moïse n'entre pas lui-même dans la Terre sainte, alors que Muhammad, lui, se trouve, avec sa communauté triomphante dans la terre sainte du sanctuaire de la Mecque.
Le récit de la révolte des fils d'Israël, s'il figure d'abord dans le livre des Nombres, est repris dans le Deutéronome. Or, ce récit est la clé de compréhension de toute la sourate 5: il figure le refus des gens du Livres, juifs et chrétiens, d'entrer dans l'alliance islamique, alors que les musulmans, eux, y sont entrés. Tout à la fin de la sourate, l'évocation de la Cène est encore liée à la thématique de l'Alliance, dans un contexte où se lisent des traces du discours d'adieu de Jésus, en saint Jean, autre discours-testament. Enfin, il faut remarquer que la sourate se termine par le jugement de Jésus qui nie formellement devant Dieu avoir proclamé être le fils de Dieu et proclame solennellement, au contraire, le plus pur monothéisme (5, 116-117).
Tel est le dernier mot, chronologiquement parlant, de la révélation coranique, et il correspond exactement à la fin du texte du Livre, puisque la sourate 112 proclame le même monothéisme intransigeant, niant toute filiation en Dieu (les sourates 113 et 114, deux prières qui ne figuraient pas dans certains codex primitifs, doivent être considérées comme un encadrement liturgique du Coran, avec la sourate 1: la sourate 112 est donc la conclusion réelle du Livre).
Idriss- Messages : 7138
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Re: La rhétorique sémitique
Petite question à Denis Louis en particulier et aux autre aussi bien sur.( Mais Denis Louis me semblant le plus pointu sur ce sujet, son avis m’intéresse particuliérement ...)
Cette rhétorique sémitique semble être un outils utile pour restituer le sens "originel" du Coran.
Il semble être un outil efficace pour éventuellement participer à une réforme de l'Islam...
Outils mis au point au départ par des chrétiens de culture protestante donc réformé, donc en rupture avec la Tradition ( "Tradition" au sens "guénonien" du terme)
C'est un peu le dilemme non?
D'un coté il pourrait aidé à sortir de l'impasse d'un islam normatif étroit ( seul les musulmans vont au paradis, les versets les plus répressif prennent le dessus sur les plus ouverts...) et permettre une approche plus universaliste, ouverte des relations inter-religieuse en particulier, plus "pérénnialiste..."
D'un autre coté, un Ibn 'Arabi , divinement guidé si ce n'est inspiré ,n' a pas remis en question la théorie de l'abrogation par exemple. Une lecture du Coran à l'aide de la rhétorique sémitique ne nous conduit-elle pas hors de la "Tadition", ne fait-elle pas courir un risque de rupture type "réforme protestante"?
Cette rhétorique sémitique semble être un outils utile pour restituer le sens "originel" du Coran.
Il semble être un outil efficace pour éventuellement participer à une réforme de l'Islam...
Outils mis au point au départ par des chrétiens de culture protestante donc réformé, donc en rupture avec la Tradition ( "Tradition" au sens "guénonien" du terme)
C'est un peu le dilemme non?
D'un coté il pourrait aidé à sortir de l'impasse d'un islam normatif étroit ( seul les musulmans vont au paradis, les versets les plus répressif prennent le dessus sur les plus ouverts...) et permettre une approche plus universaliste, ouverte des relations inter-religieuse en particulier, plus "pérénnialiste..."
D'un autre coté, un Ibn 'Arabi , divinement guidé si ce n'est inspiré ,n' a pas remis en question la théorie de l'abrogation par exemple. Une lecture du Coran à l'aide de la rhétorique sémitique ne nous conduit-elle pas hors de la "Tadition", ne fait-elle pas courir un risque de rupture type "réforme protestante"?
Idriss- Messages : 7138
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Re: La rhétorique sémitique
Les travaux auxquels se réfère Roque sont catholiques orientaux... Donc je pense que ne focaliser que sur le protestantisme serait une erreurIdriss a écrit:Outils mis au point au départ par des chrétiens de culture protestante
_________________
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Re: La rhétorique sémitique
Dans les travaux que j'ai mis en lien, il est question d'Ibn Arabi et d'autres, qui ne partagent pas par exemple l'avis majoritaire sur la crucifixion.
Le propre d'Ibn Arabi, c'est de lire à la fois la lettre du texte et d'être divinement inspiré, et c'est à partir de la lettre même du texte, de l'analyse des mots et des lettres (la science des lettres et des nombres est une science christique) qu'il donne des interprétations ne sont pas celles habituellement admises.
C'est un peu comme si la lecture dite habituellement littérale n'était en fait qu'une interprétation selon le sens le plus apparent et le plus grossier, mais qu'un examen plus attentif des constituants du discours faisait apparaitre des sens négligés.
Il lui arrive aussi de rejeter des hadiths, d'en admettre d'autres considérés comme faibles, sur la base de son inspiration et de sa vision directe.
On ne peut pas trop comparer avec le protestantisme, il n'y a pas de papauté qui aurait commis des abus. Ibn Arabi reconnait la tradition et la légitimité des écoles juridiques (il discute les avis différents lorsqu'il y a plusieurs interprétation des rites par exemple, en expliquant les différences par leurs sens intérieurs, puis il donne son propre avis). Surtout il se place dans le cadre du tassawuf et ne remet pas en cause la légitimité des grands maitres.
Le propre d'Ibn Arabi, c'est de lire à la fois la lettre du texte et d'être divinement inspiré, et c'est à partir de la lettre même du texte, de l'analyse des mots et des lettres (la science des lettres et des nombres est une science christique) qu'il donne des interprétations ne sont pas celles habituellement admises.
C'est un peu comme si la lecture dite habituellement littérale n'était en fait qu'une interprétation selon le sens le plus apparent et le plus grossier, mais qu'un examen plus attentif des constituants du discours faisait apparaitre des sens négligés.
Il lui arrive aussi de rejeter des hadiths, d'en admettre d'autres considérés comme faibles, sur la base de son inspiration et de sa vision directe.
On ne peut pas trop comparer avec le protestantisme, il n'y a pas de papauté qui aurait commis des abus. Ibn Arabi reconnait la tradition et la légitimité des écoles juridiques (il discute les avis différents lorsqu'il y a plusieurs interprétation des rites par exemple, en expliquant les différences par leurs sens intérieurs, puis il donne son propre avis). Surtout il se place dans le cadre du tassawuf et ne remet pas en cause la légitimité des grands maitres.
DenisLouis- Messages : 1077
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Re: La rhétorique sémitique
Quel est donc ce sens guénonien de la tradition ? Pour ce qui est de l'Eglise catholique, non seulement la tradition n'est pas figés, mais peut évoluer en tous domaines y compris au niveau dogmatique. Plusieurs virages théologiques importants ont été pris à Vatican II en retournant aux sources. Quelques exemples : retour à une Eglise Peuple de Dieu contre une vision hiérarchique de l'Eglise (en réaction à la Réforme, puis au Siècle des Lumières), mise au même niveau dans ce Peuple de Dieu du sacerdoce : " sacerdoce commun des fidèles " et du sacerdoce ministériel (ce qui ne veut pas dire cependant qu'ils sont identiques), retour (pas très réussi à mon avis) à une célébration de la Parole de Dieu, communion dans la main et célébration face aux fidèles qui sont, contrairement à ce qu'on pourrait croire, des traditions antérieures à la fossilisation des rites qui a suivi ou le rappel que chaque religion contient des parcelles de vérité : les semina verbi au sens de Justin de Naplouse (second siècle) avant que les querelles, elles aussi ne se fossilisent, etc ...Idriss a écrit:Cette rhétorique sémitique semble être un outils utile pour restituer le sens "originel" du Coran.
Il semble être un outil efficace pour éventuellement participer à une réforme de l'Islam...
Outils mis au point au départ par des chrétiens de culture protestante donc réformé, donc en rupture avec la Tradition ( "Tradition" au sens "guénonien" du terme)
Idriss a écrit:D'un coté il pourrait aidé à sortir de l'impasse d'un islam normatif étroit ( seul les musulmans vont au paradis, les versets les plus répressif prennent le dessus sur les plus ouverts...) et permettre une approche plus universaliste, ouverte des relations inter-religieuse en particulier, plus "pérénnialiste..."
La question est d'abord de savoir comment fonctionne l'analyse rhétorique sémitique, quels sont ses leviers intellectuels et ce quelle " produit ". Cela respecte-t-il le texte sacré ou non ? Dans la réforme protestante, il y a d'autres ingrédients : une rupture avec une autorité théologique centralisée : Rome (moralement disqualifiée) - doublée de considérations politiques à l'époque (la question de la relation avec le prince et le pays de chaque Eglise) et surtout le libre examen qui a beaucoup évolué avec le temps. Actuellement cela revient - pour certains - à une quasi-absence de ligne dogmatique ... Tout cela est-il transposable dans l'Islam du XXIème siècle ?Idriss a écrit:D'un autre coté, un Ibn 'Arabi , divinement guidé si ce n'est inspiré ,n' a pas remis en question la théorie de l'abrogation par exemple. Une lecture du Coran à l'aide de la rhétorique sémitique ne nous conduit-elle pas hors de la "Tradition", ne fait-elle pas courir un risque de rupture type "réforme protestante"?
Ce qui veut dire quoi ?Idriss a écrit:"pérénnialiste..."
Roque- Messages : 5064
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Re: La rhétorique sémitique
Cela s'expérimente comment d'après toi ce que tu nommes ici inspiration divine ?DenisLouis a écrit:Le propre d'Ibn Arabi, c'est de lire à la fois la lettre du texte et d'être divinement inspiré [...] sur la base de son inspiration et de sa vision directe.
Pour ma part, priant chaque jour l'Esprit Saint et croyant en avoir perçu de temps en temps la manifestation ... je ne vois pas trop à quoi tu fais allusion. J'ai l'impression que c'est souvent une formule creuse, sauf peut-être à une sorte d'inspiration littéraire qui selon moi n'est alors qu'une improvisation (hasardeuse). En tout cas ça ne se passe pas comme sur le fil de l'Evangile de Nathanaël ... en cours depuis hier
C'est le propre du fondamentalisme, ça je comprends bien.DenisLouis a écrit:C'est un peu comme si la lecture dite habituellement littérale n'était en fait qu'une interprétation selon le sens le plus apparent et le plus grossier, mais qu'un examen plus attentif des constituants du discours faisait apparaître des sens négligés.
Cette solidarité avec les penseurs antérieurs sans en être prisonnier se rapproche de la notion de la tradition chez les catholiques. Ce qu'ils rejettent complètement, c'est la politique de la table rase.DenisLouis a écrit:Surtout il se place dans le cadre du tassawuf et ne remet pas en cause la légitimité des grands maitres.
Roque- Messages : 5064
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Re: La rhétorique sémitique
Je cherche à situer un peu les termes sur un plan théorique ....
L’analyse rhétorique – au sens général - ne fait qu’une seule chose : elle décrit un discours ou un texte sous l’angle du choix du sujet (ou inventio, en latin) et de son organisation, c’est-à-dire de sa stratégie argumentaire (ou dispositio, en latin).
http://www.etudes-litteraires.com/lexique-rhetorique.php#2
Mais, en soi, l’analyse rhétorique – à ce premier sens général – est une méthode qui a une limite :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Synchronie_et_diachronie
Le « plus » de l’analyse rhétorique sémitique, c’est qu’elle interprète la structure globale du discours et pointe ainsi la partie de texte (de sens) privilégiée par l’auteur, laquelle peut se trouver ailleurs que dans la finale du discours – à la différence de la conclusion de la rhétorique dite « occidentale » - et finalement de la rhétorique grecque.
(Au passage, je note que laisser ouverte l'interprétation pour parvenir à un " com-prendre " ensemble est souvent pris pour un signe de faiblesse de l'argumentation pour notre " esprit occidental ".)
Est-ce que cela vous parait juste ou non ? La dernière affirmation de Meynet s’applique-t-elle également au Coran ?
L’analyse rhétorique – au sens général - ne fait qu’une seule chose : elle décrit un discours ou un texte sous l’angle du choix du sujet (ou inventio, en latin) et de son organisation, c’est-à-dire de sa stratégie argumentaire (ou dispositio, en latin).
http://www.etudes-litteraires.com/lexique-rhetorique.php#2
- Spoiler:
Son application à la Bible chez les catholiques je cherchais cela depuis un moment ...
http://dossiersbibliques.wordpress.com/2010/04/28/l%E2%80%99interpretation-de-la-bible-dans-l%E2%80%99eglise-2/
http://christus.fr/l-interpretation-de-la-bible-dans-l-eglise/ (la même chose résumée).
Mais, en soi, l’analyse rhétorique – à ce premier sens général – est une méthode qui a une limite :
Je comprends donc que la rhétorique ne permet de comprendre la langue ou le discours qu'à un instant « t », mais ne permet pas de situer la langue ou le discours dans leurs évolutions : étymologie, évolutions phonétiques, sémantiques, lexicales, syntaxiques, linguistique comparée, etc ...Ces analyses rhétoriques sont fondamentalement synchroniques ; elles ne peuvent pas constituer une méthode qui se suffirait à elle-même.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Synchronie_et_diachronie
Le « plus » de l’analyse rhétorique sémitique, c’est qu’elle interprète la structure globale du discours et pointe ainsi la partie de texte (de sens) privilégiée par l’auteur, laquelle peut se trouver ailleurs que dans la finale du discours – à la différence de la conclusion de la rhétorique dite « occidentale » - et finalement de la rhétorique grecque.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Rh%C3%A9torique_s%C3%A9mitique« Pour Roland Meynet, il y a une différence fondamentale entre la rhétorique grecque et son équivalent sémitique : « Le Grec veut convaincre en imposant un raisonnement imparable ; le Juif au contraire indique le chemin que le lecteur doit emprunter s'il désire comprendre. « Com-prendre » : prendre ensemble. »
(Au passage, je note que laisser ouverte l'interprétation pour parvenir à un " com-prendre " ensemble est souvent pris pour un signe de faiblesse de l'argumentation pour notre " esprit occidental ".)
Est-ce que cela vous parait juste ou non ? La dernière affirmation de Meynet s’applique-t-elle également au Coran ?
Roque- Messages : 5064
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Re: La rhétorique sémitique
Roque a écrit:Quel est donc ce sens guénonien de la tradition ?
Voir par là
https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t2286-sd-rene-guenon#48617
Idriss- Messages : 7138
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Re: La rhétorique sémitique
Roque a écrit:Ce qui veut dire quoi ?Idriss a écrit:"pérénnialiste..."
Voir ici: http://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9rennialisme
Et là aussi ( message 2)
https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t2115-frithjof-schuon
Idriss- Messages : 7138
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Re: La rhétorique sémitique
-Ren- a écrit:Les travaux auxquels se réfère Roque sont catholiques orientaux... Donc je pense que ne focaliser que sur le protestantisme serait une erreurIdriss a écrit:Outils mis au point au départ par des chrétiens de culture protestante
Wikipedia a écrit:Durant le XIXe siècle, ces études sont essentiellement le fait des milieux protestants, notamment anglican et méthodiste.
Je ne dit pas que c'est une exclusivité protestante, mais à l'origine et dans l'esprit c'est très protestant, et c'est pas traditionnel ( au sens Guénonien )
Bon j'ai un peu botté en touche avec la tradition au sens guénonien dans ma réponse à Roque , aussi je vais me mouillé un peu quitte à faire grincer des dents .
La tradition au sens guénonien il y a quelque-chose de supra-humain:
Ainsi dans le catholicisme même et malgré tous les dérapages et outrances de la papauté à un moment , il y a continuité et transmission d'élément supra-humain comme les sacrements...A ma connaissance il n' y a pas de sacrements dans le protestantisme par exemple, il y a même leur rejet .
Dans une société traditionnelle il y a transmission , initiation , voir chez les soufis des chaines qui remontent de personnes en personnes jusqu'à 'Ali ou au Prophète ...Comme si on transvasait quelque-chose...
Lorsqu'un religieux catholique deviens évêque il réalise des rituels ( je crois me souvenir qu'à un moment il se couche de tous son long face conte terre par exemple..)..Ces rituels ont ( auraient une origine et une portée supra-humaine) qui relève d'un caractère initiatique. Ainsi on ne pourrait à cause de cela retirer la "qualité" d’évêque à une personne qui a eu cette initiation, même si on peut lui retirer la fonction .
Bref pour revenir au sujet si on peu être tenté de réformée l'islam à cause des dérapages et des outrances des oulémas, il y a un risque comme avec les protestants d'une rupture de la continuité traditionnelle... Risque de jeter le bébé avec l'eau du bain si je puis dire..
D'où le dilemme que j’imaginais pour des personne attachées à la tradition comme Denis-louis par exemple.
Personnellement n'étant pas très orthodoxe dans mon guénonisme, je pense que l'on en est arrivé à un tel point de dissolution, de décomposition de ce qui peut rester d'authentiquement traditionnel que l'on a rien à perdre à s'essayer à la rhétorique sémitique.
Et qui sait peut-être permet-elles de mettre en évidence des élément supra-humains du Coran ...
Idriss- Messages : 7138
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Re: La rhétorique sémitique
Inspiration divine : par exemple dans le cas des "Fussus al hikam", il voit le Prophète en rêve et le Prophète lui dit d'écrire le livre. Les Futuhat : il voit autour de la Kaaba un personnage mystérieux qui lui dit posséder dans sa constitution même le contenu du livre. Il a rencontré tous les prophètes qui sont mentionnés dans le Coran, mais il dit que le premier maitre rencontré était le Christ, enfin Aissa en islam. Voir ce que Guénon (qui reste mon auteur de référence) sur l'intuition intellectuelle. Ces visions se passent dans le monde imaginal, mais il y aussi des rencontres extérieures (comme avec El Khidr, personnage assimilé à Elie, qui joue un rôle important dans le tassawuf). C'est ce qui correspond dans l'ordre de l'intellect à la révélation religieuse, sauf que dans le cas de la révélation, la forme est plus dogmatique et sentimentale. Distinction de l'Intellect qui est une faculté supra individuelle et de la raison réfléchissante qui est une activité individuelle. Hier j'ai vu en lisant un livre de Harrendt qu'elle mentionne chez les grecs également la distinction entre la vision pure et la traduction par la raison individuelle qui s'exprimait dans le discours humain.Roque a écrit:Cela s'expérimente comment d'après toi ce que tu nommes ici inspiration divine ?DenisLouis a écrit:Le propre d'Ibn Arabi, c'est de lire à la fois la lettre du texte et d'être divinement inspiré [...] sur la base de son inspiration et de sa vision directe.
Pour ma part, priant chaque jour l'Esprit Saint et croyant en avoir perçu de temps en temps la manifestation ... je ne vois pas trop à quoi tu fais allusion. J'ai l'impression que c'est souvent une formule creuse, sauf peut-être à une sorte d'inspiration littéraire qui selon moi n'est alors qu'une improvisation (hasardeuse). En tout cas ça ne se passe pas comme sur le fil de l'Evangile de Nathanaël ... en cours depuis hierC'est le propre du fondamentalisme, ça je comprends bien.DenisLouis a écrit:C'est un peu comme si la lecture dite habituellement littérale n'était en fait qu'une interprétation selon le sens le plus apparent et le plus grossier, mais qu'un examen plus attentif des constituants du discours faisait apparaître des sens négligés.Cette solidarité avec les penseurs antérieurs sans en être prisonnier se rapproche de la notion de la tradition chez les catholiques. Ce qu'ils rejettent complètement, c'est la politique de la table rase.DenisLouis a écrit:Surtout il se place dans le cadre du tassawuf et ne remet pas en cause la légitimité des grands maitres.
Non pour la lecture selon la lettre, il s'agit d'une méthode qui repose sur la forme et la constitution du discours, en rapport avec les langues sacrées comme l'arabe et l'hébreu. Dans ces langues, il y a une union intime entre la forme et le fonds. Les lettres en elles-mêmes ont une sorte de valeur hiéroglyphique et synthétique. Les fondamentalistes n'étudient pas de la même manière la forme du discours, quand ils l'étudient, ce qui n'est pas le cas des fondamentalistes qui travaillent avec des traductions de traductions.
Le but des fondamentalistes me parait bien différent intellectuellement, il s'agit souvent d'une vision moralisante et appauvrie, alors que la science des lettres est toujours ouverte.
Il suffit de lire par exemple le Zohar à coté de n'importe quel écrit fondamentaliste, on voit qu'il ne s'agit pas de la même chose.
Pas de table rase, Guénon était anti protestant à cause de ce rejet de la tradition.
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Re: La rhétorique sémitique
Je crois bien comprendre ce que tu veux dire. Cette quête est paradoxale, elle est illusoire et nécessaire.Idriss a écrit:La tradition au sens guénonien il y a quelque-chose de supra-humain:
D'une part, cette quête est le plus souvent illusoire. C'est la recherche de quelque chose de réellement divin dans notre monde ; elle est très prégnante dans presque tout l'univers " croyant " - ou mieux l'univers " implorant " le secours, la protection ou l'appui d'un monde plus puissant, plus réel. Elle est monnayée sous bien des formes diverses : la Parole de Dieu (dans sa littéralité, véritable idole pour certains), le saint Graal, la tradition initiatique, les " pouvoirs " par exemple de guérison, le talisman, le totem, la magie et le sorcellerie, etc ...
D'autre part, cette quête est juste et bonne. Elle est même " vitale ". En effet, intuitivement c'est à dire quelque soit son dogme, tout homme croyant sait, comprend que l'interaction entre Dieu et notre vie produit des effets sans égal, il sait et comprend qu'il n'a aucun intérêt à confondre la réalité divine avec ses imitations, il sait et comprend qu'au fond, l'homme ne pourra jamais vraiment réaliser son union à Dieu : soit Dieu, Lui-même réalise cette union, Il la donne, soit on est dans l'illusion. Tout homme croyant sait et comprend qu'il a tout intérêt à se greffer à cette vraie source qui le créer et soutient sa vie. Et il cherche cette source. C'est bien le dilemme de la première tentation : " Mais il [Jésus] répliqua : " Il est écrit : Ce n'est pas seulement de pain que l'homme vivra, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu. " (Mt 4, 4)
La ligne de partage - puisqu'il y a tentation - est de savoir si on veut mettre la main sur Dieu ou si on se soumet sans condition (Islam) à Dieu.
Dans le second cas il y a dans la Bible la présence de Dieu, mais qui n'est jamais ni matérielle, ni " saisissable ", ni figurée et qui n'a aucun contenu : c'est un espace ouvert qui ne fait l'objet d'aucun rite (on ne la " manipule " donc pas). Cette présence de Dieu a été donnée une fois au temps de Moïse, puis une seconde fois, puis a été perdue avec la destruction du temple. C'est la shékinah qui est l'espace au dessus du propitiatoire entre les ailes des kéroubim, un espace vide, donc, dans la demie-obscurité de la Tente de la Rencontre (pas expliqué clairement dans : https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t216p15-qu-est-ce-que-la-shekinah).
Dans le second cas, il y a aussi le Pain devenu Corps et le Vin devenu Sang qui réalisent en mangeant et buvant l'union au Christ, Fils de Dieu c'est à dire l'union avec Dieu. Et cette union à Dieu - dans le dogme catholique - appartient bien au second cas (bien qu'on puisse " manipuler " le pain et le vin), car aucun homme n'a le pouvoir de se donner cette union à Dieu, ce n'est pas le fruit d'une quête humaine, ci-dessus. Jésus donne la célébration de ce mystère au groupe des Douze, c'est à dire à l'Eglise - mais pas à un individu. De plus, les hommes ne se donnent pas à eux-mêmes la prêtrise, c'est à dire l'appartenance une certaine catégorie ou " ordre " ayant l'autorisation de célébrer le " mystère ", dans l'AT c'est Dieu qui décide des hommes dédiés à cette tâche : les lévites et dans le NT c'est Jésus qui institue les Douze et à la suite l'ordre est transmis par l'Eglise par l'imposition des mains. L'ordre a toujours une dimension collective, ecclésiale.
Ce qui pour nous - catholique - est " supra humain " (dans ta terminologie) ne fait pas partie de la tradition, mais fait partie de ce que le NT appelle les " mystères " : " Qu'on nous considère donc comme des serviteurs du Christ et des intendants des mystères de Dieu. " (1 Co 4, 1), " Il [Jésus] dit: " A vous il est donné de connaître les mystères du Royaume de Dieu; mais pour les autres, c'est en paraboles, pour qu'ils voient sans voir et qu'ils entendent sans comprendre. " (Lc 8, 10)
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