Le Coran sociologique
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Le Coran sociologique
Bonjour !
On dit souvent que le Diable se cache dans les détails. Peut-être que Dieu aussi ?
Le Coran se distingue des textes sacrés par le fait qu'il prétend être d'une nature complètement différente. Non pas un livre humain inspiré de Dieu, et exprimant par des mots humains et avec des limites humaines la révélation divine impulsée par le Saint Esprit à ses rédacteurs, fussent-ils anonymes. Mais bien la Parole de Dieu lui-même, révélée mot pour mot, lettre pour lettre, au Prophète, qui joue dans ce processus le rôle d'un simple transmetteur.
De ce fait, même la sélection des mots, le choix de leur ordre, la gestion de l'homonymie, obéirait à une logique supra-humaine, du même que la formulation des phrases et leur agencement. Aucune part ne serait laissée à l'humain dans cette entreprise exclusivement divine. Je ne connais pas d'autre exemple d'oeuvre dans la littérature mondiale qui ait des prétentions similaires (sauf peut-être les cinq livres de la Torah dans la conception juive classique, aujourd'hui minoritaire).
Certes, cela ne signifie pas que le Coran ne souffre d'aucune limite. Dans la mesure où Dieu est infiniment supérieur à l'Homme, et que son intelligence, sa science et sa sagesse dépassent de loin les standards humains, toutes époques confondues, et que le Coran se veut être un message de Dieu destiné à l'Homme, il en a obligatoirement. La première d'entre elle, et la plus évidente, tient au fait que ce texte prend forme en une langue accessible à l'Homme, puisant dans un lexique interprétable et compréhensible pour des peuples du VIe siècle et des époques suivantes. La Parole divine a à s'adapter pour être appréhensible humainement ; mais elle ne perd rien de sa divinité, car en faisant cela, elle ne fait que se mettre à portée, pas se réduire. La deuxième limite découle de la seconde : la Parole divine fait plus que s'adapter à l'Homme ; elle s'adapte, à plus grande échelle, aux sociétés elles-mêmes, dans le sens où ses injonctions, ses réformes, ses innovations prennent place dans un contexte sociétal préexistant, qu'elle épouse en incarnant sa version idéalisée, améliorée, rehaussée, qui constitue le but à atteindre. Cette version qu'elle incarne n'est pas une description qu'on retrouverait dans une sourate et qui montrerait à quoi ressemblerait une société coranique ; elle traduit une série de principes, qui, eux, sont présents textuellement. Une fois une étape franchie, les principes qui la régissent la font à nouveau incarner la version idéale de la société qui naît de ses réformes, et engage ainsi celle-ci continuellement, d'une étape à l'autre, dans le progrès et le perfectionnement. Ainsi, cette limite qui est l'ancrage contextuel et sociétal du Coran, fonde en réalité l'universalité et l'atemporalité qu'on est en droit d'attendre de la Parole de Dieu.
Bien évidemment, la pratique est bien différente de la théorie que nous venons d'exposer. En effet, il ne s'agit pas d'un processus unilatéral, que le Coran, par le simple fait qu'il soit appris et récité, effectuerait sur les sociétés. Il s'agit plutôt d'une entreprise multilatérale, dans laquelle l'Homme participe pleinement, par la réactualisation constante de son interprétation du texte, par la recherche continuelle de son sens profond, des principes qui le régissent, qu'il peut réutiliser à chaque génération de manière différente - seule moyen de leur être fidèle. Le risque est grand, dans un processus qui dépend autant de la participation intellectuelle des Hommes, de voir le dynamisme initial cesser d'avoir cours, aboli par des interprétations venues d'un moment T de l'Histoire et s'imposant pour toujours, dans une sorte de fixisme littéraliste qui étoufferait ainsi l'universalité du texte divin. Mais c'est un risque à prendre ; le Coran ne dit-il pas que, de toutes les créatures de Dieu, l'Homme est celui qui supporte les responsabilités les plus écrasantes, au point de recevoir le titre de "khalifâtu allâh", "lieutenant de Dieu" ?
Quoiqu'il en soit, nous avons souligné dans cette introduction, deux points essentiels par lesquels nous expliquons notre croyance dans le caractère divin du Coran : d'une part, l'ancrage sociétal et contextuel du Coran, et d'autre part, son universalité et son atemporalité, que rend possible l'effort intellectuel humain (al-ijtihâd). Tenons-nous maintenant à mi-chemin de ces deux caractéristiques. Qu'est ce qui, dans le texte du Coran, sous sa forme immédiate, permet de saisir cette force irrésistible vers la Divinité qui sous-tend, à mon sens, chacun de ses versets ? Qu'est ce qui permet d'entrevoir le "Coran divin et supra-humain" dans ce livre écrit en langue humaine, et donné à lire à des humains, voilà de cela 14 siècles ?
Nous allons nous intéresser à l'aspect sociologique du Coran. Comment le Coran aborde certains thèmes de société, et en quoi son approche est révolutionnaire par rapport à toutes les autres approches de son temps et des époques antérieures, ce qui fonde, à nos yeux, son caractère divin.
1. La frontière humain / animal dans le Coran.
Nous avons tendance à séparer les êtres vivants en deux blocs : il y a les animaux, et il y a les Hommes. La frontière entre eux semblait, dès l’Antiquité, infranchissable : l’Homme est doué de raison, affirme Aristote, caractéristique dont ne jouit aucun animal ; juifs et chrétiens abonderont dans son sens, en faisant de l’Homme une créature « faite à l’image de Dieu », au centre du récit de la Génèse, qui soumet tout le reste du Vivant à son règne. Durant le Moyen-Âge, Descartes fera une distinction encore plus radicale entre animal et humain, en concevant les animaux comme de simples machines, dépourvues d’âme et de sentiment, alors même que l’Homme est la seule créature de Dieu douée de sensibilité, de conscience de soi et d’intelligence réelle.
Une telle conception centrée sur l’Homme a été partagée par la totalité des milieux intellectuels de l’Antiquité et du Moyen Âge. Faire la différence entre humains et animaux semblait, du reste, relever de l’évidence, tant l’écart n’était pas à prouver pour les Anciens, qui pouvaient chaque jour comparer le degré d’évolution auquel est parvenue la civilisation humaine à l’apparent caractère primitif et rudimentaire de la vie animale.
Cependant, la révolution darwinienne, et les progrès de la biologie à une époque récente (18e-21e siècle) ont rendu complètement obsolète une telle distinction entre animal et être humain. L’être humain, aujourd’hui, est étudié comme n’importe quel autre organisme appartenant au règne animal ; il s’y insère d’ailleurs parfaitement bien, et ne constitue nullement une exception dans l’arbre du vivant. C’est, en outre, un mammifère appartenant à la famille des primates, à l’instar des grands singes – et, c’est ce qui nous intéresse, un animal comme un autre. Conception, nous l’avons vu, qui était loin d’aller de soi pour tous ceux qui ont précédé ces révolutions dans nos manières de penser.
Le concept d’animal nous apparaît en effet maintenant, à nous modernes, totalement stupide. C’est une distinction subjective, centrée sur nous-mêmes : dans la réalité, il n’y a pas les animaux d’un côté et les humains de l’autre. Il n’y a que des êtres vivants. Concevoir les animaux en tant que groupe distinct à l’Homme n’a aucun sens. Si classification des espèces il doit y avoir, celle-ci se fait sur des critères objectifs, sur la base de caractéristiques partagées par un groupe précis par exemple (vertébrés pour les êtres vivants dotés de colonne vertébrale, invertébré pour ceux qui n’en ont pas).
Le Coran s’écarte de la conception subjective qui singularise l’Homme par rapport au reste des êtres vivants, par le fait qu’il ne parle jamais d’animalité. Le mot « animal » (hayawane en arabe) est totalement absent de son lexique. Quand des êtres vivants sont mentionnés, c’est à titre individuel (el insane –l’être humain–, el naml –la fourmi–, el baqara –la vache–) ou sur la base de caractéristiques communes sans que jamais l’Homme ne soit traité comme une exception (el anaam –les bestiaux–, el dabba –souvent traduit par « bête », désigne en réalité tout être vivant terrestre, homme compris).
Une telle façon de voir les choses nous paraît maintenant normale, à tel point que nous ne la relevons pas. Mais dans un monde qui distinguait de manière radicale êtres humains et animaux, et ignorait leur origine commune et leurs ressemblances fondamentales, c’était quelque peu révolutionnaire.
2. L'intelligence animale dans le Coran.
La même remarque peut être faite de l’intelligence animale. Elle a souvent été ignorée par l’écrasante majorité des penseurs de l’Antiquité et du Moyen Âge. Aristote refusait par exemple son existence, affirmant que seule l’Homme possède la raison ; les seules fois où les animaux semblent être appréhendés comme autre chose que des machines (c’est le terme explicitement utilisé par Descartes pour les qualifier), c’est dans le cadre de fables métaphoriques voulant en réalité parler des… êtres humains.
De nos jours, nous savons que certaines espèces animales possèdent une intelligence très avancée : on a appris à des singes la capacité de parler le langage des signes ; on sait comprendre le langage d’une abeille ; les dauphins, ne cessent de nous émerveiller, puisqu’ils se donnent des noms, et même des noms de familles. Mais une telle conception est rarissime, voire absente, chez les Anciens qui ne l’envisageaient que le temps d’une fable ou dans des circonstances humoristiques. Même de nos jours, malgré les progrès de la biologie, on en vient toujours à se demander si les animaux sont conscients d’eux-mêmes ou si c’est un privilège réservé à l’Homme. Et beaucoup de milieux, y compris scientifiques – mais principalement les ouvrages qui se veulent vulgarisateurs – répondront de façon positive à cette dernière prétention – à mon avis dernier baston de l’« humanocentrisme » qui conditionne notre vision du monde et dont nous n’arriverons probablement jamais à nous défaire.
Le Coran, quant à lui, affirme très clairement que les animaux possèdent une intelligence au moins comparable, sinon supérieure, à celle de l’être humain. La sourate Al Naml en est l’exemple le plus éloquent : on y voit successivement des fourmis, puis des oiseaux (les huppes) parler et faire montre d’un raisonnement dont l’on croyait l’Homme seul capable. L’existence d’un langage animal n’ayant été démontrée que récemment, ce passage a embarrassé beaucoup de commentateurs, qui tentèrent, au mépris du texte, d’y voir une métaphore que rien ne suggérait. Je me souviens moi-même avoir trouvé ce passage proche du ridicule en me demandant combien diable des animaux pouvaient parler comme des Hommes et tenir des raisonnements similaires. La fourmi est consciente par exemple du danger qui peut peser sur sa vie ; tout comme la huppe connaît la notion de mensonge, de vérité, et d’erreur, et toutes deux sont capables de communiquer ce savoir, l’une à ses congénères, l’autre à un prophète. Aussi étonnant que cela puisse paraître, des expériences scientifiques ont montré tout récemment que les oiseaux recourent souvent, plus que toute autre espèce, à la tromperie volontaire et au mensonge ; et que l’organisation des fourmilières est assurée par une communication et une coordination entre ses membres, qui ne revêt certes pas les modalités du langage humain, mais consistent bien en un échange d’informations.
Ces faits viennent donc confirmer l’idée d’une intelligence animale et d’une conscience de soi qu’ils partagent avec nous, qui est encore de nos jours mal acceptée, alors que le Coran l’affirmait de manière solitaire il y a quatorze siècles.
Les autres sujets abordés, seront dans l’ordre les thèmes suivants :
3. La création humaine selon le Coran.
4. Les ressources naturelles vues par le Coran.
5. L'égalité des sexes dans le Coran.
6. La conception spatiale dans le Coran.
Nous verrons que, à chaque fois, le Coran démontre une avance sur les conceptions en vigueur à son époque, et marque, avec elles, une rupture quasi-révolutionnaire. Bien que les progrès que nous avons accomplis depuis dans nos façons de voir les choses, et que nous considérons maintenant comme « allant de soi » ne nous permettent pas de nous en rendre compte à la première lecture – ce qui, en soi, est déjà une preuve que le Coran a réussi son pari d’universalité.
Bien à vous
On dit souvent que le Diable se cache dans les détails. Peut-être que Dieu aussi ?
Le Coran se distingue des textes sacrés par le fait qu'il prétend être d'une nature complètement différente. Non pas un livre humain inspiré de Dieu, et exprimant par des mots humains et avec des limites humaines la révélation divine impulsée par le Saint Esprit à ses rédacteurs, fussent-ils anonymes. Mais bien la Parole de Dieu lui-même, révélée mot pour mot, lettre pour lettre, au Prophète, qui joue dans ce processus le rôle d'un simple transmetteur.
De ce fait, même la sélection des mots, le choix de leur ordre, la gestion de l'homonymie, obéirait à une logique supra-humaine, du même que la formulation des phrases et leur agencement. Aucune part ne serait laissée à l'humain dans cette entreprise exclusivement divine. Je ne connais pas d'autre exemple d'oeuvre dans la littérature mondiale qui ait des prétentions similaires (sauf peut-être les cinq livres de la Torah dans la conception juive classique, aujourd'hui minoritaire).
Certes, cela ne signifie pas que le Coran ne souffre d'aucune limite. Dans la mesure où Dieu est infiniment supérieur à l'Homme, et que son intelligence, sa science et sa sagesse dépassent de loin les standards humains, toutes époques confondues, et que le Coran se veut être un message de Dieu destiné à l'Homme, il en a obligatoirement. La première d'entre elle, et la plus évidente, tient au fait que ce texte prend forme en une langue accessible à l'Homme, puisant dans un lexique interprétable et compréhensible pour des peuples du VIe siècle et des époques suivantes. La Parole divine a à s'adapter pour être appréhensible humainement ; mais elle ne perd rien de sa divinité, car en faisant cela, elle ne fait que se mettre à portée, pas se réduire. La deuxième limite découle de la seconde : la Parole divine fait plus que s'adapter à l'Homme ; elle s'adapte, à plus grande échelle, aux sociétés elles-mêmes, dans le sens où ses injonctions, ses réformes, ses innovations prennent place dans un contexte sociétal préexistant, qu'elle épouse en incarnant sa version idéalisée, améliorée, rehaussée, qui constitue le but à atteindre. Cette version qu'elle incarne n'est pas une description qu'on retrouverait dans une sourate et qui montrerait à quoi ressemblerait une société coranique ; elle traduit une série de principes, qui, eux, sont présents textuellement. Une fois une étape franchie, les principes qui la régissent la font à nouveau incarner la version idéale de la société qui naît de ses réformes, et engage ainsi celle-ci continuellement, d'une étape à l'autre, dans le progrès et le perfectionnement. Ainsi, cette limite qui est l'ancrage contextuel et sociétal du Coran, fonde en réalité l'universalité et l'atemporalité qu'on est en droit d'attendre de la Parole de Dieu.
Bien évidemment, la pratique est bien différente de la théorie que nous venons d'exposer. En effet, il ne s'agit pas d'un processus unilatéral, que le Coran, par le simple fait qu'il soit appris et récité, effectuerait sur les sociétés. Il s'agit plutôt d'une entreprise multilatérale, dans laquelle l'Homme participe pleinement, par la réactualisation constante de son interprétation du texte, par la recherche continuelle de son sens profond, des principes qui le régissent, qu'il peut réutiliser à chaque génération de manière différente - seule moyen de leur être fidèle. Le risque est grand, dans un processus qui dépend autant de la participation intellectuelle des Hommes, de voir le dynamisme initial cesser d'avoir cours, aboli par des interprétations venues d'un moment T de l'Histoire et s'imposant pour toujours, dans une sorte de fixisme littéraliste qui étoufferait ainsi l'universalité du texte divin. Mais c'est un risque à prendre ; le Coran ne dit-il pas que, de toutes les créatures de Dieu, l'Homme est celui qui supporte les responsabilités les plus écrasantes, au point de recevoir le titre de "khalifâtu allâh", "lieutenant de Dieu" ?
Quoiqu'il en soit, nous avons souligné dans cette introduction, deux points essentiels par lesquels nous expliquons notre croyance dans le caractère divin du Coran : d'une part, l'ancrage sociétal et contextuel du Coran, et d'autre part, son universalité et son atemporalité, que rend possible l'effort intellectuel humain (al-ijtihâd). Tenons-nous maintenant à mi-chemin de ces deux caractéristiques. Qu'est ce qui, dans le texte du Coran, sous sa forme immédiate, permet de saisir cette force irrésistible vers la Divinité qui sous-tend, à mon sens, chacun de ses versets ? Qu'est ce qui permet d'entrevoir le "Coran divin et supra-humain" dans ce livre écrit en langue humaine, et donné à lire à des humains, voilà de cela 14 siècles ?
Nous allons nous intéresser à l'aspect sociologique du Coran. Comment le Coran aborde certains thèmes de société, et en quoi son approche est révolutionnaire par rapport à toutes les autres approches de son temps et des époques antérieures, ce qui fonde, à nos yeux, son caractère divin.
1. La frontière humain / animal dans le Coran.
Nous avons tendance à séparer les êtres vivants en deux blocs : il y a les animaux, et il y a les Hommes. La frontière entre eux semblait, dès l’Antiquité, infranchissable : l’Homme est doué de raison, affirme Aristote, caractéristique dont ne jouit aucun animal ; juifs et chrétiens abonderont dans son sens, en faisant de l’Homme une créature « faite à l’image de Dieu », au centre du récit de la Génèse, qui soumet tout le reste du Vivant à son règne. Durant le Moyen-Âge, Descartes fera une distinction encore plus radicale entre animal et humain, en concevant les animaux comme de simples machines, dépourvues d’âme et de sentiment, alors même que l’Homme est la seule créature de Dieu douée de sensibilité, de conscience de soi et d’intelligence réelle.
Une telle conception centrée sur l’Homme a été partagée par la totalité des milieux intellectuels de l’Antiquité et du Moyen Âge. Faire la différence entre humains et animaux semblait, du reste, relever de l’évidence, tant l’écart n’était pas à prouver pour les Anciens, qui pouvaient chaque jour comparer le degré d’évolution auquel est parvenue la civilisation humaine à l’apparent caractère primitif et rudimentaire de la vie animale.
Cependant, la révolution darwinienne, et les progrès de la biologie à une époque récente (18e-21e siècle) ont rendu complètement obsolète une telle distinction entre animal et être humain. L’être humain, aujourd’hui, est étudié comme n’importe quel autre organisme appartenant au règne animal ; il s’y insère d’ailleurs parfaitement bien, et ne constitue nullement une exception dans l’arbre du vivant. C’est, en outre, un mammifère appartenant à la famille des primates, à l’instar des grands singes – et, c’est ce qui nous intéresse, un animal comme un autre. Conception, nous l’avons vu, qui était loin d’aller de soi pour tous ceux qui ont précédé ces révolutions dans nos manières de penser.
Le concept d’animal nous apparaît en effet maintenant, à nous modernes, totalement stupide. C’est une distinction subjective, centrée sur nous-mêmes : dans la réalité, il n’y a pas les animaux d’un côté et les humains de l’autre. Il n’y a que des êtres vivants. Concevoir les animaux en tant que groupe distinct à l’Homme n’a aucun sens. Si classification des espèces il doit y avoir, celle-ci se fait sur des critères objectifs, sur la base de caractéristiques partagées par un groupe précis par exemple (vertébrés pour les êtres vivants dotés de colonne vertébrale, invertébré pour ceux qui n’en ont pas).
Le Coran s’écarte de la conception subjective qui singularise l’Homme par rapport au reste des êtres vivants, par le fait qu’il ne parle jamais d’animalité. Le mot « animal » (hayawane en arabe) est totalement absent de son lexique. Quand des êtres vivants sont mentionnés, c’est à titre individuel (el insane –l’être humain–, el naml –la fourmi–, el baqara –la vache–) ou sur la base de caractéristiques communes sans que jamais l’Homme ne soit traité comme une exception (el anaam –les bestiaux–, el dabba –souvent traduit par « bête », désigne en réalité tout être vivant terrestre, homme compris).
Une telle façon de voir les choses nous paraît maintenant normale, à tel point que nous ne la relevons pas. Mais dans un monde qui distinguait de manière radicale êtres humains et animaux, et ignorait leur origine commune et leurs ressemblances fondamentales, c’était quelque peu révolutionnaire.
2. L'intelligence animale dans le Coran.
La même remarque peut être faite de l’intelligence animale. Elle a souvent été ignorée par l’écrasante majorité des penseurs de l’Antiquité et du Moyen Âge. Aristote refusait par exemple son existence, affirmant que seule l’Homme possède la raison ; les seules fois où les animaux semblent être appréhendés comme autre chose que des machines (c’est le terme explicitement utilisé par Descartes pour les qualifier), c’est dans le cadre de fables métaphoriques voulant en réalité parler des… êtres humains.
De nos jours, nous savons que certaines espèces animales possèdent une intelligence très avancée : on a appris à des singes la capacité de parler le langage des signes ; on sait comprendre le langage d’une abeille ; les dauphins, ne cessent de nous émerveiller, puisqu’ils se donnent des noms, et même des noms de familles. Mais une telle conception est rarissime, voire absente, chez les Anciens qui ne l’envisageaient que le temps d’une fable ou dans des circonstances humoristiques. Même de nos jours, malgré les progrès de la biologie, on en vient toujours à se demander si les animaux sont conscients d’eux-mêmes ou si c’est un privilège réservé à l’Homme. Et beaucoup de milieux, y compris scientifiques – mais principalement les ouvrages qui se veulent vulgarisateurs – répondront de façon positive à cette dernière prétention – à mon avis dernier baston de l’« humanocentrisme » qui conditionne notre vision du monde et dont nous n’arriverons probablement jamais à nous défaire.
Le Coran, quant à lui, affirme très clairement que les animaux possèdent une intelligence au moins comparable, sinon supérieure, à celle de l’être humain. La sourate Al Naml en est l’exemple le plus éloquent : on y voit successivement des fourmis, puis des oiseaux (les huppes) parler et faire montre d’un raisonnement dont l’on croyait l’Homme seul capable. L’existence d’un langage animal n’ayant été démontrée que récemment, ce passage a embarrassé beaucoup de commentateurs, qui tentèrent, au mépris du texte, d’y voir une métaphore que rien ne suggérait. Je me souviens moi-même avoir trouvé ce passage proche du ridicule en me demandant combien diable des animaux pouvaient parler comme des Hommes et tenir des raisonnements similaires. La fourmi est consciente par exemple du danger qui peut peser sur sa vie ; tout comme la huppe connaît la notion de mensonge, de vérité, et d’erreur, et toutes deux sont capables de communiquer ce savoir, l’une à ses congénères, l’autre à un prophète. Aussi étonnant que cela puisse paraître, des expériences scientifiques ont montré tout récemment que les oiseaux recourent souvent, plus que toute autre espèce, à la tromperie volontaire et au mensonge ; et que l’organisation des fourmilières est assurée par une communication et une coordination entre ses membres, qui ne revêt certes pas les modalités du langage humain, mais consistent bien en un échange d’informations.
Ces faits viennent donc confirmer l’idée d’une intelligence animale et d’une conscience de soi qu’ils partagent avec nous, qui est encore de nos jours mal acceptée, alors que le Coran l’affirmait de manière solitaire il y a quatorze siècles.
Les autres sujets abordés, seront dans l’ordre les thèmes suivants :
3. La création humaine selon le Coran.
4. Les ressources naturelles vues par le Coran.
5. L'égalité des sexes dans le Coran.
6. La conception spatiale dans le Coran.
Nous verrons que, à chaque fois, le Coran démontre une avance sur les conceptions en vigueur à son époque, et marque, avec elles, une rupture quasi-révolutionnaire. Bien que les progrès que nous avons accomplis depuis dans nos façons de voir les choses, et que nous considérons maintenant comme « allant de soi » ne nous permettent pas de nous en rendre compte à la première lecture – ce qui, en soi, est déjà une preuve que le Coran a réussi son pari d’universalité.
Bien à vous
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Date d'inscription : 12/04/2014
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