"Le Messie et son Prophète" (E.-M. Gallez)
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Re: "Le Messie et son Prophète" (E.-M. Gallez)
On pourra reparler de Jérusalem, mais en attendant j'aimerais savoir ce qui pour Gallez justifie la place actuelle de la Mecque, si cette place est une création a posterioriLibremax a écrit:Il n'y a pas que le Coran qui puisse faire le lien entre Islam et Jérusalem. Il y a l'Histoire.
Les musulmans ont pris Jérusalem, à l'époque où on ne les appelait pas encore "musulmans". Etait-ce par unique souci d'islamisation ou de Djihad ? Gallez a là-dessus une suggestion originale, mais intéressante
Re: "Le Messie et son Prophète" (E.-M. Gallez)
Sauf que la légende musulmane attribue à La Mecque un rayonnement commercial et religieux indéniable. S'il s'était agi d'une simple ville de province sans aucune importance, j'aurais pu comprendre, mais ce n'est pas le cas. En outre, selon Patricia Crone, aucune route commerciale connue ne passait par La Mecque actuelle.-Ren- a écrit:L'importance peut n'avoir été que dans le regard de ceux qui y vivaient... En soi, ça ne veut rien dire.
Bien sûr, dans l'absolu, l'absence de source ne constitue pas une preuve positive. Mais c'est troublant. La littérature antique garde la trace de villes bien moins importantes que La Mecque.
De ce que j'en sais, il existe dans la région des oasis bien plus accueillantes que la vallée de La Mecque. Il ne s’agit que d’un problème de chaleur étouffante et d’eau. Il y a aussi le fait que la vallée est la proie d’inondations aussi inattendues que violentes, inondations qui ne seront véritablement canalisées que vers le XVIIIème siècle.-Ren- a écrit:N'y a-t-il pas un puit permanent ? Dans cette région, n'est-ce pas suffisant pour en faire un lieu "hospitalier" ?
Et le Coran ne parle jamais explicitement de La Mecque non plus. Il y a bien une référence à la vallée de Makka qui est faite (sourate 48, 24) mais le mot Makka pourrait signifier tout autre chose (je n’ai pas l’info sous la main mais je la chercherai ultérieurement). Quant à Bakka, c’est un peu forcer le trait que d’identifier ce mot à La Mecque.-Ren- a écrit:Sauf que le Coran ne parle JAMAIS de Jérusalem... Nous n'avons donc aucune preuve de cette orientation initiale vers Jérusalem. Tout ce que nous avons c'est le changement d'orientation et... Bakka (III, 96)
Pour ma part, je trouve étrange que le Coran ne fasse pas davantage référence à une ville tellement auréolée de prestige selon les croyances de l’islam. Là encore, pas de preuve positive mais un indice troublant. C’est comme si dans la Bible, vous ne trouviez aucune référence à Jérusalem.
Je ne vois pas précisément à quoi vous faites référence. En quoi le fait que les pratiques musulmanes s’inspirent de sources païennes peuvent-elles nous renseigner sur l’existence de La Mecque avant l’islam ?-Ren- a écrit:D'où sort alors la couche païenne sous-jacente dans les rites du Hajj, si cohérente si on remet les jours intercalaires retirés du calendrier aux premiers temps de l'islam ?
En gros : pour concurrencer Jérusalem (d’où d’ailleurs le changement de qibla). La théorie d’EMG est de dire que les proto-musulmans, poussés par l’idéologie judéo-nazaréenne, voulaient reprendre Jérusalem pour faire venir le Messie (une autre non musulmane dit explicitement que le prophète des arabes annonçait le retour imminent du Messie). Lorsqu’ils ont pris Jérusalem, rien ne s’est passé. Les judéo-nazaréens ont donc été écartés par ceux qu’ils avaient endoctrinés et peu à peu, les proto-musulmans ont bâti leur propre religion. Mais cette religion, pour tenir la route face au judaïsme et au christianisme, devait avoir son propre prophète, son livre, sa ville sainte.-Ren- a écrit:Quant aux "raisons politico-religieuses", je suis curieux de savoir l'explication donnée pour installer "de toute pièce" un centre religieux au milieu de nulle part...
En conséquence, le pouvoir musulman en place a d’abord sorti de l’ombre le prophète des débuts (car il ne fait quasiment aucun doute que le mouvement proto-musulman eut bien un homme se disant inspiré par Dieu dans ses rangs) et a exalté son image (raison pour laquelle il n’existe aucune référence précise à Muhammad avant la fin du VIIème siècle), a compilé les feuillets du lectionnaire judéo-nazaréen pour composer le Coran, et a établi un nouveau centre religieux.
Cordialement,
Xavier- Messages : 371
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Re: "Le Messie et son Prophète" (E.-M. Gallez)
C'est le propre de toute "Légende Dorée" que de ne pas hésiter à faire d'un village le centre du monde...Xavier a écrit:Sauf que la légende musulmane attribue à La Mecque un rayonnement commercial et religieux indéniable
Auriez-vous une source plus précise ?Xavier a écrit:selon Patricia Crone, aucune route commerciale connue ne passait par La Mecque actuelle
Dans cette zone, le moindre point d'eau est une bénédiction. Tout comme les inondations.Xavier a écrit:De ce que j'en sais, il existe dans la région des oasis bien plus accueillantes que la vallée de La Mecque
Il ne fait pas non plus référence à Jérusalem... Dont nous connaissons pourtant le prestige dans l'Ecriture !Xavier a écrit:Pour ma part, je trouve étrange que le Coran ne fasse pas davantage référence à une ville tellement auréolée de prestige selon les croyances de l’islam
De mon point de vue, le Hajj est avec certitude un rite polythéiste "abrahamisé" ; or le polythéisme était déjà mourrant en Arabie au VIIIe siècle. Un rite de ce type existait donc AVANT l'Islam, il n'est pas né de rien.Xavier a écrit:Je ne vois pas précisément à quoi vous faites référence. En quoi le fait que les pratiques musulmanes s’inspirent de sources païennes peuvent-elles nous renseigner sur l’existence de La Mecque avant l’islam ?
C'est déjà partir du principe que la première qibla est bien Jérusalem (ce dont, personnellement, je doute ; voici un exemple de relecture coranique qui m'amène à une autre conclusion : http://blogren.over-blog.com/article-20463760.html )Xavier a écrit:En gros : pour concurrencer Jérusalem (d’où d’ailleurs le changement de qibla)
Mais pourquoi à la Mecque ? Pourquoi "au milieu de nulle part" dans un endroit "où avant l'Islam il n'y avait rien" ?Xavier a écrit:le pouvoir musulman en place a d’abord sorti de l’ombre le prophète des débuts (car il ne fait quasiment aucun doute que le mouvement proto-musulman eut bien un homme se disant inspiré par Dieu dans ses rangs) et a exalté son image (raison pour laquelle il n’existe aucune référence précise à Muhammad avant la fin du VIIème siècle), a compilé les feuillets du lectionnaire judéo-nazaréen pour composer le Coran, et a établi un nouveau centre religieux
Je ne vous ai pas demandé "pour quoi" un nouveau centre. Je vous demande "pourquoi là ?"
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Re: "Le Messie et son Prophète" (E.-M. Gallez)
Mais c'est bien cette légende dorée qu'EMG et d'autres critiquent. Mais néanmoins, je perçois une autre solution : La Mecque aurait pu être un village insignifiant, sans rayonnement religieux ni commercial, avant que l'islam n'en fasse artificiellement une ville majeure d'Arabie.-Ren- a écrit:C'est le propre de toute "Légende Dorée" que de ne pas hésiter à faire d'un village le centre du monde...
Son livre : Meccan trade and the rise of Islam.-Ren- a écrit:Auriez-vous une source plus précise ?
Sauf que les inondations dans cette vallée... sont mortelles ! La kaa'ba fut plusieurs fois endommagée voire quasiment détruite par ces inondations.-Ren- a écrit:Dans cette zone, le moindre point d'eau est une bénédiction. Tout comme les inondations.
Double bizarrerie, donc.-Ren- a écrit:Il ne fait pas non plus référence à Jérusalem... Dont nous connaissons pourtant le prestige dans l'Ecriture !
Mais encore une fois, le problème avec La Mecque, c'est qu'il n'existe AUCUNE source qui en parle, et que même le Coran est muet. C'est un faisceau d'indices convergents qui font que la légende dorée à son sujet est de moins crédible. La vraie solution pour pouvoir être fixé serait de faire des fouilles. Mais justement, La Mecque est l'une des seules villes au monde où toute recherche archéologique soit interdite.
Je suis d'accord avec vous, mais je ne vois pas le rapport avec La Mecque. Il existait d’autres lieux de pèlerinages.-Ren- a écrit:De mon point de vue, le Hajj est avec certitude un rite polythéiste "abrahamisé" ; or le polythéisme était déjà mourrant en Arabie au VIIIe siècle. Un rite de ce type existait donc AVANT l'Islam, il n'est pas né de rien.
Il n’empêche que les mujahirun ont voulu récupérer Jérusalem. C’est donc que cette ville représentait quelque chose d’important pour eux.-Ren- a écrit:C'est déjà partir du principe que la première qibla est bien Jérusalem (ce dont, personnellement, je doute ; voici un exemple de relecture coranique qui m'amène à une autre conclusion : http://blogren.over-blog.com/article-20463760.html )
Pour une très simple raison : il fallait un lieu vierge pour que ce soit crédible (d’où le choix de cette région inhospitalière). EMG avance aussi une autre explication mais je ne l’ai plus en tête.-Ren- a écrit:Mais pourquoi à la Mecque ? Pourquoi "au milieu de nulle part" dans un endroit "où avant l'Islam il n'y avait rien" ?
Cordialement,
Xavier- Messages : 371
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Re: "Le Messie et son Prophète" (E.-M. Gallez)
C'est ce que je vous disais plus hautXavier a écrit:La Mecque aurait pu être un village insignifiant, sans rayonnement religieux ni commercial, avant que l'islam n'en fasse artificiellement une ville majeure d'Arabie
Mersi brazXavier a écrit:Son livre : Meccan trade and the rise of Islam
...à creuser
Les rites en question sont directement liés à la géographie de la vallée... Et -avant la création d'une année islamique se décalant avec le soleil- peuvent pour certains être interprétés comme un appel de la fameuse inondation dont nous parlions (cf J. Chabbi, Le seigneur des tribus)Xavier a écrit:Je suis d'accord avec vous, mais je ne vois pas le rapport avec La Mecque. Il existait d’autres lieux de pèlerinages
La ville a été prise par un chef anodin, et le récit qui veut que 'Omar y soit allé peut être remis en question : https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t997-jeru-salaam-aelia-iliya-le-caliph-omar-et-le-patriarche-sophrone#20449Xavier a écrit:les mujahirun ont voulu récupérer Jérusalem. C’est donc que cette ville représentait quelque chose d’important pour eux
...Donc l'importance, au départ, se discute.
Bel anachronisme !Xavier a écrit:Pour une très simple raison : il fallait un lieu vierge pour que ce soit crédible
...C'est une solution qui peut sembler évidente pour un esprit occidental moderne, mais qui n'a aucun sens au Proche-Orient à l'époque, un monde où seules comptent tradition, généalogies, etc.
Et, encore une fois, je maintiens que le Hajj n'a pu être créé à partir de rien.
J'espère que vous la retrouverezXavier a écrit:EMG avance aussi une autre explication mais je ne l’ai plus en tête
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Re: "Le Messie et son Prophète" (E.-M. Gallez)
Très intéressant. Faudrait-il alors plutôt s'orienter vers l'hypothèse d'un village insignifiant avant que l'islam en fasse un centre religieux ? Ce serait crédible.-Ren- a écrit:Les rites en question sont directement liés à la géographie de la vallée... Et -avant la création d'une année islamique se décalant avec le soleil- peuvent pour certains être interprétés comme un appel de la fameuse inondation dont nous parlions (cf J. Chabbi, Le seigneur des tribus)
Néanmoins, vous me permettrez de critiquer votre approche sur deux points :
Je suis sceptique sur le fait que la topographie de la vallée du hijaz soit à ce point unique que certains rites païens ante-islamiques ne puisse avoir eu lieu ailleurs. Est-ce la seule vallée d'Arabie ? J'aimerais beaucoup, si vous en avez le temps, que vous m'expliquiez davantage ce qui permettrait de dire que SEULE cette région d'Arabie convient aux rites que vous décrivez. (Et d'ailleurs, pas que d'Arabie : EMG avance l'idée que les proto-musulmans, avant l'hégire, venaient de syrie.)
Vous dites que la création d'une année islamique se décalant avec le soleil peut être interprété comme un rappel de la fameuse inondation. J'avoue ne pas voir pourquoi mais même en admettant cette hypothèse, elle n'est qu'une interprétation possible. Surtout qu'il ne s'agit pas d'une inondation mais de plusieurs - à peu près tous les 20 ans - qui ravageaient tout sur leur passage. C'est un peu comme bâtir votre ville sur les flancs d'un volcan... ce n'est pas impossible mais c'est franchement douteux.
Bref, encore une fois, la recherche tranchera. Ville fictive ou village insignifiant ? Quoiqu'il en soit, une chose semble bien acquise : La Mecque d'avant l'islam telle que décrite par la légende musulmane n'est pas du tout ce qu'en dit l'histoire "officielle".
Je reprendrai mes sources en détail mais il semble acquis que la prise de Jérusalem était un objectif des proto-musulmans. Qu’un chef mineur y soit entré le premier (soulignons au passage que c’est Sophrone qui fit ouvrir les portes) ne signifie rien.-Ren- a écrit:La ville a été prise par un chef anodin, et le récit qui veut que 'Omar y soit allé peut être remis en question : https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t997-jeru-salaam-aelia-iliya-le-caliph-omar-et-le-patriarche-sophrone#20449
...Donc l'importance, au départ, se discute.
Je ne suis pas certain qu’on puisse parler d’anachronisme. Les villes ont toutes un commencement. Si une volonté politique assez forte est derrière, je ne vois pas ce qui peut empêcher qu’un centre religieux pour concurrencer Jérusalem ait été établi. En gros, il faudrait prouver que ce genre d’action était tout à fait impossible à toute mentalité de l’époque. Je vous laisse le soin de la preuve, moi ça me semble impossible à démontrer…-Ren- a écrit:Bel anachronisme !Xavier a écrit:Pour une très simple raison : il fallait un lieu vierge pour que ce soit crédible
...C'est une solution qui peut sembler évidente pour un esprit occidental moderne, mais qui n'a aucun sens au Proche-Orient à l'époque, un monde où seules comptent tradition, généalogies, etc.
Et, encore une fois, je maintiens que le Hajj n'a pu être créé à partir de rien.
Par contre, j’aimerais lever un malentendu : je n’ai jamais dit que le Hajj a été créé de rien. Je dis simplement qu’il ne vient peut-être pas de la région de La Mecque. D’où alors ? Toute la question est là. Précisons d’abord que d’autres kaa’ba que celle de La Mecque ont existé, notamment en syrie. EMG pense donc, je l’ai déjà dit, que ce qui deviendra l’islam a pris sa source en syrie. On peut donc tout à fait envisager des pratiques « importées ».
Autre élément : puisque le mouvement à l’origine de l’islam a fédéré les tribus arabes d’Arabie, est-ce si absurde d’imaginer que ces tribus ont gardé certains rites qui sont ensuite passés dans l’islam ? Le fait que ces rites se centralisent à présent sur La Mecque ne signifie nullement qu’ils y sont originaires.
Cordialement,
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Re: "Le Messie et son Prophète" (E.-M. Gallez)
Je vais commencer par rectifier un malentendu :
...Je dis que la création de cette année qui se décale fait oublier qu'à la base, ce calendrier était luni-solaire, ce que rappellent encore les noms des mois islamiques : https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t427-religions-et-calendriers#11238
Pour le lien des rites avec l'inondation, c'est la thèse -à mes yeux d'ancien élève d'ethno, totalement crédible, mais ce n'est que mon avis- de l'historienne J. Chabbi (son point de vue sur le rapport entre historien et religieux ici : https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t178-la-demarche-historique#5801 )
...Je vais tenter de trouver le temps de vous en faire part plus en détail.
...Mais j'ai un autre argument "dans ma besace" : le Dôme du Rocher (source très proche de la période qui nous intéresse)
...Mais nous y reviendrons sur le fil "Le Seigneur des Tribus" dès que je l'aurais ouvert.
Non.Xavier a écrit: Vous dites que la création d'une année islamique se décalant avec le soleil peut être interprété comme un rappel de la fameuse inondation
...Je dis que la création de cette année qui se décale fait oublier qu'à la base, ce calendrier était luni-solaire, ce que rappellent encore les noms des mois islamiques : https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t427-religions-et-calendriers#11238
Pour le lien des rites avec l'inondation, c'est la thèse -à mes yeux d'ancien élève d'ethno, totalement crédible, mais ce n'est que mon avis- de l'historienne J. Chabbi (son point de vue sur le rapport entre historien et religieux ici : https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t178-la-demarche-historique#5801 )
Saine réactionXavier a écrit: Je suis sceptique sur le fait que la topographie de la vallée du hijaz soit à ce point unique que certains rites païens ante-islamiques ne puisse avoir eu lieu ailleurs
...Je vais tenter de trouver le temps de vous en faire part plus en détail.
La possibilité -parfaitement argumentée- que le calife ne s'y soit pas rendu est déjà plus signifianteXavier a écrit: il semble acquis que la prise de Jérusalem était un objectif des proto-musulmans. Qu’un chef mineur y soit entré le premier (soulignons au passage que c’est Sophrone qui fit ouvrir les portes) ne signifie rien
...Mais j'ai un autre argument "dans ma besace" : le Dôme du Rocher (source très proche de la période qui nous intéresse)
Bien sûr. Nous avons même deux brillants exemples au Moyen-Âge : Constantinople et Bagdad. Mais la démarche est bien différente de celle à laquelle votre auteur semble vouloir faire croire (création ex nihilo d'un lieu de culte que l'on réussirait à faire croire "ancestral")Xavier a écrit: Je ne suis pas certain qu’on puisse parler d’anachronisme. Les villes ont toutes un commencement
Le Dôme du Rocher témoigne d'une volonté politique de concurrencer La Mecque tout en défiant juifs et chrétiens, non l'inverse. EMG joue sur les lacunes (démarche en soi problématique : https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t178-la-demarche-historique#3555 ), mais il lui faudrait déjà prouver que le Coran se soucie de Jérusalem avant de tenter de faire croire que La Mecque a été créée de toute pièce... Sur ce point, j'attends toujours une démonstration probanteXavier a écrit:Si une volonté politique assez forte est derrière, je ne vois pas ce qui peut empêcher qu’un centre religieux pour concurrencer Jérusalem ait été établi. En gros, il faudrait prouver que ce genre d’action était tout à fait impossible à toute mentalité de l’époque. Je vous laisse le soin de la preuve, moi ça me semble impossible à démontrer...
Et moi de vous avoir répondu que le lien avec la géographie des lieux est trop étroitXavier a écrit:j’aimerais lever un malentendu : je n’ai jamais dit que le Hajj a été créé de rien. Je dis simplement qu’il ne vient peut-être pas de la région de La Mecque
...Mais nous y reviendrons sur le fil "Le Seigneur des Tribus" dès que je l'aurais ouvert.
De ce point de vue, l'examen des premiers siècles de l'Islam nous montre plutôt l'inverse : d'abord un substrat arabe avec de nombreux liens avec le paganisme, ensuite un gommage des "incohérences" avec les religions juives et chrétiennes au fur et à mesure de la conversion de ceux-ci à la nouvelle religion (la cohérence finale commençant à émerger au IXe siècle)Xavier a écrit:puisque le mouvement à l’origine de l’islam a fédéré les tribus arabes d’Arabie, est-ce si absurde d’imaginer que ces tribus ont gardé certains rites qui sont ensuite passés dans l’islam ? Le fait que ces rites se centralisent à présent sur La Mecque ne signifie nullement qu’ils y sont originaires.
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Re: "Le Messie et son Prophète" (E.-M. Gallez)
Le sujet promis est lancé : https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t1263-le-seigneur-des-tribus-j-chabbi
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Re: "Le Messie et son Prophète" (E.-M. Gallez)
Plutôt déçu par cette thèse qui exploite beaucoup de vides historiques et théologiques... cela rejoint la démarche de Bonnet-Eymard, Patricia Crone (entre autre).
Autant qu'il y a des pistes solides quant à la transformation à postériori de l'Islam sous la "tradition califale" autant que le reste est une déviance séduisante mais académiquement bancale...
Traduire le Coran avec comme grille la Sunna est tout aussi fragile que de lui attribuer une grille de lecture totalement judéo-nazaréenne.
Contrairement à Jacqueline Chabbi, sa thèse est très facilement contestable.
Autant qu'il y a des pistes solides quant à la transformation à postériori de l'Islam sous la "tradition califale" autant que le reste est une déviance séduisante mais académiquement bancale...
Traduire le Coran avec comme grille la Sunna est tout aussi fragile que de lui attribuer une grille de lecture totalement judéo-nazaréenne.
Contrairement à Jacqueline Chabbi, sa thèse est très facilement contestable.
Doute-Pieux- Messages : 243
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Re: "Le Messie et son Prophète" (E.-M. Gallez)
"Ecrire dans les blancs" est en effet une démarche bien peu scientifique...Doute-Pieux a écrit:Plutôt déçu par cette thèse qui exploite beaucoup de vides historiques et théologiques
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Re: "Le Messie et son Prophète" (E.-M. Gallez)
-Ren- a écrit:"Ecrire dans les blancs" est en effet une démarche bien peu scientifique...
Certes pourrait-on dire, mais vous avez aussi écrit:
-Ren- a écrit:je ne prétends pas me positionner sur un livre dont je n'ai pour l'instant lu que quelques extraits
Un travail de 25 ans, 503 pages, baladé en quelques formules et questions qui ont toutes leurs réponses dans un ouvrage où l'auteur a pris le temps qu'il fallait pour tout envisager et questionner!... J'attends un peu plus qu'un jugement expéditif et des questions/réponses à la va-vite, surtout si vous dites n'avoir pas lu la thèse!!!
totocapt- Messages : 42
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Re: "Le Messie et son Prophète" (E.-M. Gallez)
Tiens, on se vouvoie, maintenant ?totocapt a écrit: Un travail de 25 ans, 503 pages, baladé en quelques formules et questions qui ont toutes leurs réponses dans un ouvrage où l'auteur a pris le temps qu'il fallait pour tout envisager et questionner!
...pour en revenir à ce travail, le nombre d'année et de page ne signifie rien en soi. Mon temps étant tout de même limité, j'attends déjà qu'on me montre ne serait-ce qu'un élément qui mérite que je cherche ce livre pour le lire intégralement.
Je reste toujours prêt à changer d'avis.
Mais depuis des années, personne ne m'a encore présenté d'argument valable.
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Ah...
Oui mes excuses, le vouvoiement est une inattention de ma part; j'avais plusieurs choses en tête!
Pour les deux tomes de la thèse, je pense que tu fais erreur à ne pas la lire, quitte à prendre tout ton temps... Mais la juger sans avoir fait cette démarche, le moins que je puisse dire c'est que ce n'est pas à ton honneur d'afficher cette position: faire un jugement et ne pas en démordre avant que quelqu'un te "convertisse" à un de ses arguments! Honnêtement, rien ne vaut la lecture par sois-même! Juger sans lire au préallable, pour ne pas lire en final en toute bonne conscience... Mon cher Ren, j'attends mieux comme position de la part d'un intellectuel...
Pour les deux tomes de la thèse, je pense que tu fais erreur à ne pas la lire, quitte à prendre tout ton temps... Mais la juger sans avoir fait cette démarche, le moins que je puisse dire c'est que ce n'est pas à ton honneur d'afficher cette position: faire un jugement et ne pas en démordre avant que quelqu'un te "convertisse" à un de ses arguments! Honnêtement, rien ne vaut la lecture par sois-même! Juger sans lire au préallable, pour ne pas lire en final en toute bonne conscience... Mon cher Ren, j'attends mieux comme position de la part d'un intellectuel...
totocapt- Messages : 42
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Re: "Le Messie et son Prophète" (E.-M. Gallez)
bonjourtotocapt a écrit: Oui mes excuses, le vouvoiement est une inattention de ma part; j'avais plusieurs choses en tête!
Pour les deux tomes de la thèse, je pense que tu fais erreur à ne pas la lire, quitte à prendre tout ton temps... Mais la juger sans avoir fait cette démarche, le moins que je puisse dire c'est que ce n'est pas à ton honneur d'afficher cette position: faire un jugement et ne pas en démordre avant que quelqu'un te "convertisse" à un de ses arguments! Honnêtement, rien ne vaut la lecture par sois-même! Juger sans lire au préallable, pour ne pas lire en final en toute bonne conscience... Mon cher Ren, j'attends mieux comme position de la part d'un intellectuel...
j'ai cherché à me procurer ce livre mais il semble qu'il soit épuisé.
rosarum- Messages : 1021
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Re: "Le Messie et son Prophète" (E.-M. Gallez)
Juger à partir des extraits disponibles est une chose que je fais de temps en temps (cf https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t1614-sd-freres-reformes-si-vous-saviez ) et je l'assume. J'ai même écouté l'auteur lui-même dans notre cas précis. Et je n'ai rien lu ou entendu qui ne me donnes envie de faire des pieds et des mains pour lire ce livre. Si un jour il me tombe sous la main, je le lirai, cet évident. Mais en attendant...totocapt a écrit: la juger sans avoir fait cette démarche, le moins que je puisse dire c'est que ce n'est pas à ton honneur d'afficher cette position
Pëut-être peux-tu cependant me proposer une réponse satisfaisante à l'une de mes questions ? La voici : si La Mecque était réellement une création, qui peut m'expliquer de façon détaillée la source des rites du Hajj ?
Bon, au passage, pour faire avancer la discussion, je suis parti à la pêche pour Patricia Crone. Voici 3 pdf anglophones :
http://www.searchformecca.com/Mecca%20Question.pdf
http://commonweb.unifr.ch/artsdean/pub/gestens/f/as/files/3605/18682_225248.pdf
http://books.google.fr/books?id=VWL-_hRsm2IC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false
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Re: "Le Messie et son Prophète" (E.-M. Gallez)
-Ren- a écrit:
Pëut-être peux-tu cependant me proposer une réponse satisfaisante à l'une de mes questions ? La voici : si La Mecque était réellement une création, qui peut m'expliquer de façon détaillée la source des rites du Hajj ?
bonne question, mais en même temps pourquoi aucun calife n'a jamais établi son siège à La Mecque ?
rosarum- Messages : 1021
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Re: "Le Messie et son Prophète" (E.-M. Gallez)
Parce que cette ville n'a stratégiquement aucun intérêt ; elle est tellement à l'écart que seul quelqu'un qui y est né peut l'imaginer en centre du monde...rosarum a écrit:pourquoi aucun calife n'a jamais établi son siège à La Mecque ?
Au fait, parmi les liens utiles, la recension par M-T Urvoy : http://ingiagzennay.free.fr/LeMessie.pdf
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Re: "Le Messie et son Prophète" (E.-M. Gallez)
-Ren- a écrit:Pëut-être peux-tu cependant me proposer une réponse satisfaisante à l'une de mes questions ? La voici : si La Mecque était réellement une création, qui peut m'expliquer de façon détaillée la source des rites du Hajj ?
La Mecque étant une création (car oui, je suis convaincu par la qualité du travail fourni par E-M Gallez), les sources des rites du Hajj sont bien sûr des emprunts fait à ce qui existait auparavant, mais en les réinterprétant dans une perspective musulmane, ayant été épurés de leur "paganisme". Il faut à partir de ce point de départ préciser que ces rites se sont mis en place sur une certaine échelle de temps, pas avant le VIIIe siècle au départ, et certaines dispositions auraient même pu être finalisées que quelques siècles plus tard. Aux emprunts religieux qui ont été fait ici ou là, un tel bricolage a pu prendre plus facilement avec la superstition des populations converties plus ou moins de force. Les premières populations concernées par ce processus étant les populations arabes (car dans les premiers temps de l'islam, seuls les arabes avaient l'obligation expresse de devenir musulmans, quelle que soit leur religion d'origine), il va de soi qu'il faut avant tout considérer ce qui marquait la religiosité des arabes...
Les points les plus importants à prendre en compte pour le Hajj sont d'une part la tenue et l'apparence affichée du pèlerin, la circumbulation, la pierre noire, la course sacrée, la prière debout, le puits de Zemzem, la lapidation des trois piliers de pierre (aujourd'hui remplacés par des murs par les autorités saoudiennes...)
- D'abord tenue et apparence: le pèlerin porte un habit particulier de deux pièces d’étoffe, blanc comme un linceul, sans aucune couture ; les femmes, elles, portent une robe très longue cousue et cachant le visage.
Pendant la durée du pèlerinage, le pèlerin doit respecter un certain nombre d’interdits (ne pas se couper les cheveux, poils, ongles), ne pas avoir de rapports sexuels, ne pas tuer de bêtes …
Rien de très sorcier en ce qui concerne les emprunts faits à la période préislamique: le blanc des vêtements, et la couture simple de ces habits évoquent les vêtements de baptême. Qui pouvaient être repris lors de pélerinages! Ainsi les "Miracles de Saint Mercure" (en copte) rapportent un trait original, la pannychis en vêtements blancs: "... La foule se releva, se revêtit joyeusement de vêtements blancs et alla dans l'église; elle continua d'y chanter des hymnes jusqu'au retour de la lumière ..." (Mir S. Mercurii, 10, 51). Même chose dans Constantin de Siout, "Second Panégyrique de Saint Claude d'Antioche", PO 35. Les interdits évoquent assez bien le naziréat, ce qui peut très bien être un leg des judéo-nazaréens avec leur conception sectaire du christianisme, réinterprétée par la suite...
- La circumbulation autour de la Kaaba, c'est-à-dire tourner autour de cet édifice...
Cela existait également dans le christianisme proche-oriental, et a pu très facilement être réutilisé dans ce pélerinage musulman. A Tabgha en Galilée, autour de l'église dite de la Primauté, on a taillé dans le rocher des marches qui permettaient la circulation des pèlerins autour de l'édifice. Dans l'église de la Kathisma, l'aménagement de l'édifice sur un plan octogonal devait permettre également des circumbulations: autour de quoi? D'un rocher sur lequel Marie s'était reposée (plan et disposition interne largement repris pour Al Aqsa à Jérusalem; plus d'infos sur: http://israeltours.wordpress.com/2011/12/15/kathisma-church/ ). Signalons aussi qu'à Saint-Ménas en Egypte, un couloir semi-circulaire contourne l'hypogée où se trouve le tombeau du saint... Dans le cadre des pèlerinages, cette pratique était parfois recommandée: "... il nous fallait faire le tour de tous les lieux saints et visiter tous les ermitages qui étaient là ..." Egérie, "Journal de Voyage (Itinéraire)", 4,5 - Sources Chrétiennes 296
- La pierre noire, objet de vénération et centre du pèlerinage...
J'ai mentionné l'église de la Kathisma, mais ce n'était pas là le seul bétyle existant et honoré chez les chrétiens... La pierre du monument était vénérée à Jérusalem selon Saint Jean Damascène. Les douze pierres tirées du Jourdain par Josué se trouvaient au VIe siècle derrière l'autel d'une église à Galgala, près de Jéricho. Les pierres de la lapidation de Saint Etienne, et durant un certain temps ses reliques, se trouvaient dans le diaconicon de la Sainte-Sion à Jérusalem; sachant la ferveur entourant ce saint avant l'islam, pour sûr ses pierres étaient objet de grande vénération... Aussi la pierre du puits de Jacob à Tell Fadan, ou encore la pierre de Job à Sheikh Sa'd... Notons même que ce type de relique pouvaient non seulement être intégré à un autel, mais pouvait tout autant en constituer un! A Pharan dans le Sinaï, les pierres censées avoir soutenu les bras de Moïse en prière font partie de l'autel, tandis qu'au VIe siècle, un autel avait été taillé dans un rocher de la Kathisma, vue plus haut...
Il y avait là une sensibilité arabe chrétienne forte pour les bétyles, à la suite de Petra ou d'Emèse avec Elagabal...
- La course sacrée, entre deux buttes nommées Safâ et Marwa...
Aussi étonnant que cela puisse être, les gestes d'hommes saints, aussi farfelus qu'ils pouvaient l'être, étaient parfois source d'imitation et d'inspiration. Un exemple cocasse des récits des Pères du désert: "... On racontait qu'un anachorète était parti dans le désert, vêtu seulement d'une tunique. Après trois jours de marche, il grimpa sur une roche et, au-dessous d'elle, il vit de l'herbe et un homme qui broutait comme les animaux. Descendant sans se faire voir, il le saisit; mais l'ancien était nu et craintif, ne pouvant souffrir l'odeur des hommes. Il eut grand peine à s'échapper, mais il finit par s'enfuir. Le frère courait après lui et criait: 'Attends-moi, c'est pour Dieu que je te poursuis'. L'autre se retourna: 'Et moi, c'est pour Dieu que je te fuis'. Alors le frère se débarrassa de sa tunique et continua la poursuite. Quand l'ancien s'aperçut que le frère avait jeté son vêtement, il s'arrêta et lorsqu'il s'approcha, il lui dit: 'Dès que tu as rejeté les choses de ce monde, je t'ai attendu'. Le frère lui demanda alors: 'Dis-moi une parole par laquelle je puisse être sauvé'. L'ancien répondit: 'Fuis les hommes, tais-toi et tu es sauvé'. ..."
Il suffit à partir de là que cet apophtègme, ou que toute autre attitude de saint répertoriée, devienne une référence sanctifiante pour certains et hop, le tour est joué! Il peut dans le contexte tribal d'alors devenir même un marqueur identitaire; ainsi les danses des paysans syriens autour de la colonne de Saint Syméon Stylite l'Ancien, mentionnées par Evagre dans "Histoire ecclésiastique", 1, 14. Des convertis à l'islam n'avaient qu'à transposer...
- La prière debout, de midi au coucher du soleil le 9e jour de pèlerinage...
Là apparait clairement une influence judéo-nazoréenne, car la "station debout est d'origine biblique. En effet, dans une eschatologie messianiste chrétienne, cela évoque furieusement Actes 7v56: "... Le Fils de l'Homme est debout à la droite du Père ..." (et non pas assis sur un trône, car il est prêt à venir bientôt: note p.299 TII E-M Gallez). Dans le judaïsme, la Amidah (prière debout) était la prière que tout Israël disait au Temple. Il semble que l'évangile de Marc y fasse référence : "... Et quand vous êtes debout pour prier, si vous avez quelque chose contre quelqu'un, remettez, pour que votre père qui est dans les cieux vous remette aussi vos fautes. ..." (Marc 11v25).
- Le puits de Zemzem, celui qui abreuva Ismaël. Son eau aurait servi à Gabriel pour laver le cœur de Muhammad
Notons que ce puits est en lien avec une grotte tout aussi fabuleuse, Hamman es-Shîzm. Egérie semble avoir décrit de son vivant le puits de David à Bethléem, près de l'entrée d'une grotte. Aujourd'hui cela se trouve au lieu-dit Biyar Da'ud. Au mont Nebo était vénéré également au temps d'Egérie l'eau du rocher de Moïse (aujourd'hui au Wadi Ayun Mousa), une eau tout aussi magique et savoureuse pour les pèlerins alors. Pourquoi mentionner cela si ce n'est pas un puits? Parce qu'un autre sanctuaire a priori identique pourrait avoir été inventé par les nestoriens de la région au VIe siècle, peu désireux sinon empêchés de se rendre au Djebel Mousa, aux mains de moines orthodoxes ou monophysites... Leur source à eux aurait été celle du Sinaï, mais au Djebel Serbal...
Ces disputes ont d'autant plus facilité un pèlerinage à une source unique et plus "commune", celle revendiquée par la suite au nom d'Ismaël, dans un lieu neutre de tout conflit territorial entre telle ou telle église chrétienne...
- La lapidation des trois piliers de pierre, ceux dits de Satan...
Il faut considérer le stylitisme (l'ermitage en haut d'une colonne) pour comprendre l'origine de cela. C'est un phénomène qui débute au IVe/Ve siècle au Proche Orient et dure jusqu'au XIIe siècle, voire même au-delà car on trouve des stylites au Mont Athos au XVIe siècle. A mesure qu'il se développa, le stylitisme cessa d'être considéré comme une ascèse exceptionnelle et le stylite comme étant ipso facto un saint. Car les passions religieuses de l'époque purent les affecter comme tout à chacun. Jean Moschos, qui écrivit au VIe siècle, mentionne par exemple le cas de stylites hérétiques, en clair des stylites monophysites. Il décrivit ainsi une curieuse dispute entre deux stylites, un orthodoxe et un monophysite, installés à proximité l'un de l'autre et qui se criaient des insultes du haut de leur colonne! Comme il n'y avait pas de télé à l'époque, ça pouvait créer du spectacle: les gens s'assemblaient, écoutaient et suivant leur préférence, pouvaient jeter des pierres à l'un ou à l'autre, véritable satan à faire taire!... Rare furent les stylites groupés, mais malgré tout à Gethsémani il existait une véritable colonie de cent stylites, réunis autour d'un supérieur! Si l'un se détachait de l'orthodoxie, bonjour le spectacle et les pierres!
Ce genre de "succès populaire chrétien" pouvait être facilement islamisé et repris dans le contexte du Hajj...
Pour la durée du pèlerinage, il y avait le choix! Rufin au IVe/Ve siècle mentionne des marches dans le désert de 5 jours et 5 nuits pour faire le parcours monastique. De véritables circuits monastiques se mettent en place, où l'on compte parmi les étapes obligatoires les Cellules (Kellia), la montagne de Nitrie et le désert de Scété. Je suis très tenté de faire un décalque de ce parcours de la seconde moitié du IVe siècle avec la Kaaba, les deux buttes nommées Safâ et Marwa couplées avec le mont Arafat, et la lapidation du Satan, entité maléfique de mort, à laquelle se rattache la nature du désert... Le tombeau de Saint Ménas en Egypte, avec ses basiliques de plus en plus vastes, des hôtelleries et de plus en plus de monastères qui s'y sont édifiés au Ve et au VIe siècles, pouvait faire des jaloux... Que ce soit la Mecque ou Médine! D'ailleurs à son sujet, on a parlé de "Lourdes antique".
A côté de cela, le tombeau de Saint Serge de Resapha était le sanctuaire des arabes chrétiens: son renom s'étendait jusqu'à la Perse voisine, accueillait des pèlerins de régions très lointaines, comme le montre l'expansion du culte de son titulaire. A côté de cela, Edesse, ville syriaque à la base, ville à cette époque la plus importante de l'Empire Byzantin entre Euphrate et Tigre, possédait entre autres les reliques de Saint Thomas. Son sanctuaire devint un centre de pèlerinage si important que la renommée de sa fête, au VIe siècle, s'étendait jusqu'en Occident! La Mecque avait du souci à se faire si les musulmans n'avaient pas fait le nécessaire pour éclipser ces sanctuaires chrétiens au profit du leur... D'ailleurs un des éléments qui sera repris de ce monde des pèlerinages chrétiens dans le monde musulman, avec un grand succès: la tribune que l'on rencontre sur une façade extérieure de certaines églises de pèlerinage de Syrie servait sans doute à appeler les participants à la prière. Ces mêmes tribunes ou loges sont parfois flanquées de tours... Idée ingénieuse qui sera reprise avec les minarets en islam...
totocapt- Messages : 42
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Re: "Le Messie et son Prophète" (E.-M. Gallez)
Désolé, mais tout ce que tu as écrit peut se résumer à ceci : "Le Hajj est culturellement rattaché aux religiosités ambiantes" ...Rien de nouveau en soi, chaque auteur ayant ensuite une vision différente des influences.totocapt a écrit:La Mecque étant une création (car oui, je suis convaincu par la qualité du travail fourni par E-M Gallez), les sources des rites du Hajj sont bien sûr des emprunts fait à ce qui existait auparavant
Autant nous sommes d'accord sur la notion d'un rite qui synthétise des influences diverses, autant nous sommes en désaccord sur la possibilité de créer ex nihilo quelque-chose qui n'existait pas.
La complexité des rites "du" pèlerinage plaident en faveur de l'hypothèse courante : deux rites (celui des Bédouins et celui de la Mecque) réunis par Muhammad en un seul, "abrahamisé"
Affirmation gratuite jusqu'à preuve du contraire.totocapt a écrit:ces rites se sont mis en place sur une certaine échelle de temps, pas avant le VIIIe siècle au départ
"Auraient pu" = écrire dans les blancs.totocapt a écrit:certaines dispositions auraient même pu être finalisées que quelques siècles plus tard
Avec des "si" on peut tout imaginer...
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Re: "Le Messie et son Prophète" (E.-M. Gallez)
-Ren- a écrit:nous sommes en désaccord sur la possibilité de créer ex nihilo quelque-chose qui n'existait pas.
La complexité des rites "du" pèlerinage plaident en faveur de l'hypothèse courante : deux rites (celui des Bédouins et celui de la Mecque) réunis par Muhammad en un seul, "abrahamisé"
Pour moi, c'est une position idéologique ni plus ni moins... Ne pas vouloir tenir compte du contexte en présence et supposer deux "rites" (références? sources? études?) pour simplement se dire "c'est bon comme ça", sans moi!...
-Ren- a écrit:Affirmation gratuite jusqu'à preuve du contraire.
As-tu la preuve du contraire? J'ai causé à ce sujet avec E-M Gallez (je le connais) et ça lui semblait aller de soi...
-Ren- a écrit:"Auraient pu" = écrire dans les blancs.
Avec des "si" on peut tout imaginer...
Tu as raison, je ne perdrai plus une journée entière à faire des recherches et écrire pour de la pure "imagination"...
totocapt- Messages : 42
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Re: "Le Messie et son Prophète" (E.-M. Gallez)
D'où sors-tu le "ne pas vouloir tenir compte du contexte" ?totocapt a écrit:Pour moi, c'est une position idéologique ni plus ni moins... Ne pas vouloir tenir compte du contexte en présence et supposer deux "rites" (références? sources? études?)
Pour la question des deux rites, cf par exemple ceci : http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/aux_origines_de_la_mecque_le_regard_de_l_historien.asp
Il en va toujours ainsi avec les tenants d'une thèsetotocapt a écrit:J'ai causé à ce sujet avec E-M Gallez (je le connais) et ça lui semblait aller de soi
...Sauf que par principe, RIEN "ne va de soi" - surtout quand on prétend quelque-chose d'aussi gros qu'une création ex nihilo n'ayant laissé aucune trace !
Ne te méprends pas : je te remercie pour le contenu de ton long message ci-dessus. Ce sur quoi nous divergeons, c'est sur la portée de ces rapprochements.totocapt a écrit:Tu as raison, je ne perdrai plus une journée entière à faire des recherches et écrire pour de la pure "imagination"...
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Re: "Le Messie et son Prophète" (E.-M. Gallez)
-Ren- a écrit: D'où sors-tu le "ne pas vouloir tenir compte du contexte" ?
Pour la question des deux rites, cf par exemple ceci : http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/aux_origines_de_la_mecque_le_regard_de_l_historien.asp
Tu m'excuses, mais la thèse de Jacqueline Chabbi ne va pas loin... Elle est sois-disant retournée aux sources, s'appuyant sur une base de textes arabes qu'elle a patiemment décortiqués au niveau de la langue... Mais le problème est là!!! Quid des arrières-plans syriaques, araméen et autres? Et pas seulement au niveau linguistique, mais également au niveau culturel, religieux etc... Là est le contexte, et là est est le mérite de E-M Gallez...
-Ren- a écrit:Sauf que par principe, RIEN "ne va de soi" - surtout quand on prétend quelque-chose d'aussi gros qu'une création ex nihilo n'ayant laissé aucune trace !
Mais qui parle de création à partir de rien??? Lis sa thèse et tu verras la cohérence! Et sache que l'islam, aussi bien en religion que culturellement, a été dans sa formation un carrefour, une synthèse! Pas possible avec un pèlerinage?
totocapt- Messages : 42
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Re: "Le Messie et son Prophète" (E.-M. Gallez)
Chabbi ne se résume pas à un articletotocapt a écrit:Tu m'excuses, mais la thèse de Jacqueline Chabbi ne va pas loin
Et ce n'est qu'un exemple d'auteur, je t'en trouverais d'autre dès que j'ai le temps pour cette question (de toute façon, notre conversation me montre que je tiens avec le Hajj un sujet à creuser un peu plus pour mon blog, je t'en remercie)
Gallez reconnait la préexistence de rites de pèlerinage à la Mecque avant l'Islam ?totocapt a écrit:Mais qui parle de création à partir de rien???
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Re: "Le Messie et son Prophète" (E.-M. Gallez)
-Ren- a écrit:Gallez reconnait la préexistence de rites de pèlerinage à la Mecque avant l'Islam ?
Bien sûr que non, puisque la Mecque n'existait pas! ...
totocapt- Messages : 42
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Age : 41
Re: "Le Messie et son Prophète" (E.-M. Gallez)
Donc tu vois bien que Gallez prétend qu'il y a eu création ex nihilo. Et c'est ce point qui est intenable.totocapt a écrit: Bien sûr que non, puisque la Mecque n'existait pas! ...
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Re: "Le Messie et son Prophète" (E.-M. Gallez)
La thèse de Gallez est obsolète...depuis 2006, Crone qui réfute elle-même sa thèse dans un article qui a inspiré toutes ces hypothèses loufoques, orientées et faussement savantes. Elle admet l'existence d'un site préislamique (elle a plus vraiment le choix). À savoir que même son maître ne l'a pas suivi, pourtant chef de file de l'école de la critique radicale de l'Islam.
La thèse de Gallez qui est plutôt une synthèse (avec de la récupération assez comique notamment de Jacqueline Chabbi, récupérée par tout le monde quand ça arrange).
La route commerciale proche de la Mecque abandonnée dès le 1er siècle: caduque
Crone et encore moins Gallez n'ont pu prouver que le rapprochement avec Macoraba (Ptolémée) étaient infondé. Étymologiquement, tout se tient mais Gallez n'est pas arabophone...et nous dit avec un flegme ahurissant qu'une métathèse ne concerne jamais que deux consonnes voisines. Gallez tronque des textes, lui si friand de sources non musulmanes, passe sous silence un texte nestorien parlant de la Kaaba peu de temps après la mort du Prophète.
Les orientations de certaines mosquées primitives plus au nord que la Mecque ont été fortement relativisé par des travaux récents et montrant les moyens rudimentaires d'astronomie.
La Mecque qui aurait été créé en 660/670 aurait en 20 ans pu se rebeller contre Damas et s'instaurer un Calife ? Pas convaincant...surtout que le pèlerinage et la population étaient déjà bien établis.
C'est facile de manipuler le vide encore faut-il être dans une réelle démarche savante et ne pas passer sous silence des textes pour les besoins de sa cause...
On pourrait passer au crible l'oeuvre du Père Gallez mais il y a d'autres livres plus intéressants à lire dont l'excellente Jacqueline Chabbi, elle au moins c'est une spécialiste jamais réfutée et elle n'est pas connu pour être tendre avec la Vulgate musulmane.
La méthodologie de Gallez peut très facilement se retourner contre lui, surtout quand il aborde les Esséniens c'est assez drôle. On peut faire la même chose avec le Christianisme et en faire une branche de la spiritualité de Qumrân mais tout comme faire de l'Islam un prolongement des Judéo-Chrétiens d'Arabie, c'est extrêmement réducteur.
Tant qu'à faire, je préfère lire dans cette veine De Prémare nettement plus subtil et documenté.
La thèse de Gallez qui est plutôt une synthèse (avec de la récupération assez comique notamment de Jacqueline Chabbi, récupérée par tout le monde quand ça arrange).
La route commerciale proche de la Mecque abandonnée dès le 1er siècle: caduque
Crone et encore moins Gallez n'ont pu prouver que le rapprochement avec Macoraba (Ptolémée) étaient infondé. Étymologiquement, tout se tient mais Gallez n'est pas arabophone...et nous dit avec un flegme ahurissant qu'une métathèse ne concerne jamais que deux consonnes voisines. Gallez tronque des textes, lui si friand de sources non musulmanes, passe sous silence un texte nestorien parlant de la Kaaba peu de temps après la mort du Prophète.
Les orientations de certaines mosquées primitives plus au nord que la Mecque ont été fortement relativisé par des travaux récents et montrant les moyens rudimentaires d'astronomie.
La Mecque qui aurait été créé en 660/670 aurait en 20 ans pu se rebeller contre Damas et s'instaurer un Calife ? Pas convaincant...surtout que le pèlerinage et la population étaient déjà bien établis.
C'est facile de manipuler le vide encore faut-il être dans une réelle démarche savante et ne pas passer sous silence des textes pour les besoins de sa cause...
On pourrait passer au crible l'oeuvre du Père Gallez mais il y a d'autres livres plus intéressants à lire dont l'excellente Jacqueline Chabbi, elle au moins c'est une spécialiste jamais réfutée et elle n'est pas connu pour être tendre avec la Vulgate musulmane.
La méthodologie de Gallez peut très facilement se retourner contre lui, surtout quand il aborde les Esséniens c'est assez drôle. On peut faire la même chose avec le Christianisme et en faire une branche de la spiritualité de Qumrân mais tout comme faire de l'Islam un prolongement des Judéo-Chrétiens d'Arabie, c'est extrêmement réducteur.
Tant qu'à faire, je préfère lire dans cette veine De Prémare nettement plus subtil et documenté.
Doute-Pieux- Messages : 243
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