Les racines judaïques du califat abbasside ?
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Les racines judaïques du califat abbasside ?
29.07.2017
En lisant cet intéressant papier, mais avec lequel je ne suis pas sûr d'être d'accord sur tout:
https://www.researchgate.net/publication/307513392_SURA_2_MANY_QIBLAS_The_Qibla_in_the_Koran_Abu_Lahab_and_the_Birth_of_Islam
mon attention a été attirée par une citation de l'auteur du récit de voyage de Benjamin de Tudèle, un juif qui a visité l'Europe, l'Asie et l'Afrique au 12e siècle.
Ici une traduction de ce récit en français :
http://remacle.org/bloodwolf/juifs/benjamin/voyage.htm (partie I)
http://remacle.org/bloodwolf/juifs/benjamin/voyage1.htm (partie II)
et en anglais :
http://www.gutenberg.org/files/14981/14981-h/14981-h.htm
Dans le deuxième lien, on y lit :
Il est à peu près évident que dans l'esprit de Benjamin de Tudèle, la langue sainte que le calife lit et écrit est l'hébreu, et non l'arabe, d'autant qu'il indique que le calife est fort versé dans la loi de Moïse.
La traduction anglaise l'indique d'ailleurs entre parenthèses.
Je me pose la question de savoir pourquoi le calife connaît l'hébreu.
On pourra me rétorquer que Benjamin de Tudèle indique que le calife sait toutes sortes de langues, donc une de plus ou de moins ne change rien.
Mais tout de même, les juifs de Bagdad devaient ordinairement parler arabe, pas hébreu.
A-t-on un témoignage similaire côté musulman à la même époque ?
Un peu plus loin, Benjamin de Tudèle écrit :
Or Flavius Josèphe au 1er siècle écrit à propos du grand-prêtre : http://remacle.org/bloodwolf/historiens/Flajose/guerre5.htm
Le calife, le vicaire de Dieu sur Terre à la suite d'Adam, successeur de Mohamed, ne serait-il pas plutôt le cohen gadol, successeur du cohen gadol du Second Temple, d'une religion qui, au 12e siècle, reste plus proche de ses racines juives qu'on ne le pense ?
L'intronisation de l'Exilarque (chef de la captivité, ou chef de l'Exil) se passe comme si ce dernier était le second du califat, après le calife.
J'ai rajouté en rouge un passage présent dans la traduction anglaise, mais absent de la traduction française (peut-être lié à l'utilisation de manuscrits différents).
Selon la théologie islamique, les juifs étaient une des religions du "Livre" sous le califat.
C'est l'explication généralement avancée au sujet de la tolérance des califes envers les juifs.
Mais si l'on en croit Benjamin de Tudèle, c'était apparemment plus que cela, comme si le calife était le Messie de Joseph et l'Exilarque, le Messie de David (Saiedna ben Dawoud).
Au 13e siècle, la destruction de Bagdad et du califat abbasside par les Mongols entraînent la destruction de nombreuses archives qui auraient éventuellement pu aider à mieux comprendre qui étaient les Abbassides.
Ceux qui reprendront plus tard le flambeau du califat, en particulier les Turcs, n'avaient probablement pas la connaissance des origines théologiques de l'institution du califat telles que les concevaient les Abbassides.
En lisant cet intéressant papier, mais avec lequel je ne suis pas sûr d'être d'accord sur tout:
https://www.researchgate.net/publication/307513392_SURA_2_MANY_QIBLAS_The_Qibla_in_the_Koran_Abu_Lahab_and_the_Birth_of_Islam
mon attention a été attirée par une citation de l'auteur du récit de voyage de Benjamin de Tudèle, un juif qui a visité l'Europe, l'Asie et l'Afrique au 12e siècle.
Ici une traduction de ce récit en français :
http://remacle.org/bloodwolf/juifs/benjamin/voyage.htm (partie I)
http://remacle.org/bloodwolf/juifs/benjamin/voyage1.htm (partie II)
et en anglais :
http://www.gutenberg.org/files/14981/14981-h/14981-h.htm
Dans le deuxième lien, on y lit :
De là il y a deux journées à Bagdad, la grande ville capitale et résidence du calife Émir-al-Mumnin,[168] ou commandeur des fidèles de la famille des Al-Abbassides, qui tire son origine de celle de leur prophète. Ce calife est le chef de la religion des, Ismaélites, auquel tous les rois des Ismaélites rendent hommage, étant parmi eus ce que le pape est parmi Les Nazaréens. Il y a un palais de trois milles de circuit au milieu de la ville de Bagdad. Au milieu de ce palais est un grand parc qui renferme toutes sortes d'arbres, tant fruitiers que stériles, qui sont dans le monde, aussi bien que toutes sortes de bêtes sauvages. Au milieu du parc il y a une rivière qui y est conduite par les eaux du Tigre. Quand le calife a l’envie de se promener ou de ce divertir, on bien aussi de faire quelque festin, ses gens vont à la chasse des oiseaux et des bêtes, ou à la pêche, et on leur prépare des oiseaux, d'autres bêtes de venaison, et des poissons, après quoi il s'en retourne à son palais avec ses conseillers et les princes de sa cour. Le nom de ce grand roi al-abasajde est Aanmed-Chaphtzi[169] ; il est grand ami des Israélites, et en a même plusieurs parmi ses ministres. Il sait toutes sortes de langues ; il est surtout fort versé dans la loi de Moïse ; il lit et écrit la langue sainte.
Il est à peu près évident que dans l'esprit de Benjamin de Tudèle, la langue sainte que le calife lit et écrit est l'hébreu, et non l'arabe, d'autant qu'il indique que le calife est fort versé dans la loi de Moïse.
La traduction anglaise l'indique d'ailleurs entre parenthèses.
Je me pose la question de savoir pourquoi le calife connaît l'hébreu.
On pourra me rétorquer que Benjamin de Tudèle indique que le calife sait toutes sortes de langues, donc une de plus ou de moins ne change rien.
Mais tout de même, les juifs de Bagdad devaient ordinairement parler arabe, pas hébreu.
A-t-on un témoignage similaire côté musulman à la même époque ?
Un peu plus loin, Benjamin de Tudèle écrit :
Le calife ne sort de son palais qu'une fois l'année, à la fête de Ramadan.
Ce jour-là on vient de tous côtés des pays éloignés pour le voir. Il paraît assis sur une mule, revêtu des habits royaux d'or et d'argent; il a sur la tête une tiare ornée de pierres précieuses d'un prix inestimable; mais sur cette même tiare on voit un drap noir qui représente la vanité du monde, comme s'il voulait dire : « Voyez-vous toute cette gloire? Au jour de la mort, elle sera engloutie dans les ténèbres. » Tous les princes ismaélites l'accompagnent à cheval, revêtus d'habits magnifiques, savoir : les princes d'Arabie, de Médie, de Perse, et ceux de Thobot ou Thibeth, éloigné de l'Arabie le chemin de trois mois.
Or Flavius Josèphe au 1er siècle écrit à propos du grand-prêtre : http://remacle.org/bloodwolf/historiens/Flajose/guerre5.htm
La tête du grand-prêtre était couverte d'une tiare de lin, ornée d'une bande de la couleur de l'hyacinthe autour d'elle était une couronne d'or, où étaient inscrites en relief les lettres sacrées qui sont quatre voyelles[40]. En temps ordinaire, le grand-prêtre ne revêtait pas ce costume, mais en prenait un plus simple, réservant le premier pour les occasions où il entrait dans le Saint des Saints ; il y pénétrait seul une fois par an, le jour où tout le peuple a coutume de jeûner en l'honneur de Dieu.
Le calife, le vicaire de Dieu sur Terre à la suite d'Adam, successeur de Mohamed, ne serait-il pas plutôt le cohen gadol, successeur du cohen gadol du Second Temple, d'une religion qui, au 12e siècle, reste plus proche de ses racines juives qu'on ne le pense ?
L'intronisation de l'Exilarque (chef de la captivité, ou chef de l'Exil) se passe comme si ce dernier était le second du califat, après le calife.
A la tête de tous est R. Daniel, fils de R. Chidaï, qu'on appelle chef de la captivité et seigneur, et qui fait remonter sa généalogie jusqu'au roi David; les Juifs l'appellent Adonenu, notre seigneur, et Rosch Haggolah, chef ou prince de la captivité, et les mahométans Saiedna ben Dawoud,[174] c'est-à-dire notre seigneur le fils de David. Il a un grand empire sur toutes les assemblées d'Israël qui vivent sous l'empire du commandeur des fidèles, seigneur des Ismaélites (Émir-al-Mumenin); car c'est ainsi que ce dernier l'a ordonné à sa postérité, et a donné au chef de la captivité un sceau pour confirmer son autorité sur toutes les assemblées d'Israël qui vivent sous son empire. Il a aussi ordonné à tous les peuples de sa domination, Juifs ou Ismaélites, de se lever devant lui et de le saluer, sous peine de cent coups de fouet à celui qui y contreviendrait.
Toutes les fois qu'il va voir le grand roi pour le saluer, il est accompagné de divers cavaliers juifs et gentils qui crient devant lui : « Préparez le chemin à notre seigneur le fils de David, comme il lui convient. » Ils expriment cela en leur langue par ces mots : O moulon tariek le saiedna ben Dawoud.[175] Pour lui, il est assis à cheval, vêtu d'habits de soie brodés, la tête couverte d'une grande tiare, sur laquelle est un grand drap blanc, et sur le drap un diadème.[176] upon which the cipher of Mohammed is engraved. Then he appears before the Caliph and kisses his hand, and the Caliph rises and places him on a throne which Mohammed had ordered to be made for him, and all the Mohammedan princes who attend the court of the Caliph rise up before him. And the Head of the Captivity is seated on his throne opposite to the Caliph, in compliance with the command of Mohammed to give effect to what is written in the law—"The sceptre shall not depart from Judah nor a law-giver from between his feet, until he come to Shiloh: and to him shall the gathering of the people be."
C'est là le chef de la captivité, qui donne la permission d'établir des rabbins et des chantres dans toutes les synagogues de la terre de Sinéar ou Chaldée, de la Perse, du Khorassan, du pays de Scheba ou Al-Yémen, du Diarbek, de la Mésopotamie, de la terre de Kut, dont les habitants habitent le mont Ararat, du pays d'Alania, pays environné de montagnes qui n'ont point d'issue que par les portes de fer qu'y a fait Alexandre, où est la nation appelée Alains; de plus, dans les synagogues du pays de Sicaria,[177] jusqu'aux montagnes d'Asana, dans le pays des Gergéniens ou Gergéséens[178] qui sont de la religion des Nazaréens, jusqu'au fleuve de Gihun (Oxus), jusqu’aux portes des provinces et aux contrées du Thibeth, et jusqu'aux Indes.
J'ai rajouté en rouge un passage présent dans la traduction anglaise, mais absent de la traduction française (peut-être lié à l'utilisation de manuscrits différents).
Selon la théologie islamique, les juifs étaient une des religions du "Livre" sous le califat.
C'est l'explication généralement avancée au sujet de la tolérance des califes envers les juifs.
Mais si l'on en croit Benjamin de Tudèle, c'était apparemment plus que cela, comme si le calife était le Messie de Joseph et l'Exilarque, le Messie de David (Saiedna ben Dawoud).
Au 13e siècle, la destruction de Bagdad et du califat abbasside par les Mongols entraînent la destruction de nombreuses archives qui auraient éventuellement pu aider à mieux comprendre qui étaient les Abbassides.
Ceux qui reprendront plus tard le flambeau du califat, en particulier les Turcs, n'avaient probablement pas la connaissance des origines théologiques de l'institution du califat telles que les concevaient les Abbassides.
Anoushirvan- Messages : 483
Réputation : 3
Date d'inscription : 05/05/2016
Re: Les racines judaïques du califat abbasside ?
Nous avons tout de même plus de sources pour l'époque abbasside que pour l'époque omeyyade (cf https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t3007-sd-origine-mecquoise-des-omeyyades ) !Anoushirvan a écrit:Au 13e siècle, la destruction de Bagdad et du califat abbasside par les Mongols entraînent la destruction de nombreuses archives qui auraient éventuellement pu aider à mieux comprendre qui étaient les Abbassides.
Et il n'y a rien d'étonnant à lire qu'un calife "lit et écrit dans la langue sainte" quand on pense au bayt al hikma de Bagdad, non ?
Les abbassides se distinguaient du fonctionnement arabe des omeyyades par leur souci de l'universel.
Mais je suis comme toujours tout à fait partant pour rassembler des sources
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Re: Les racines judaïques du califat abbasside ?
-Ren- a écrit:Nous avons tout de même plus de sources pour l'époque abbasside que pour l'époque omeyyade (cf https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t3007-sd-origine-mecquoise-des-omeyyades ) !Anoushirvan a écrit:Au 13e siècle, la destruction de Bagdad et du califat abbasside par les Mongols entraînent la destruction de nombreuses archives qui auraient éventuellement pu aider à mieux comprendre qui étaient les Abbassides.
Oui certes.
-Ren- a écrit:
Et il n'y a rien d'étonnant à lire qu'un calife "lit et écrit dans la langue sainte" quand on pense au bayt al hikma de Bagdad, non ?
Pris isolément, et hors contexte, aucun des éléments que j'ai indiqués plus haut n'est franchement révélateur de quoi que ce soit.
Oui le calife pourrait avoir envie de lire et écrire l'hébreu si ça lui chante, quoique aujourd'hui on aurait du mal à trouver un chef d'état musulman qui fasse de même (hors conflit israélo-palestinien).
Oui le calife pourrait ne vouloir sortir qu'une fois de temps en temps dans l'accoutrement qui lui fait envie.
Oui le calife pourrait s'arroger un droit de regard sur la nomination de personnages importants de son califat.
Mais voilà, lorsque j'étais sunnite, je n'avais jamais entendu parler d'une quelconque tradition au sujet du Prophète de nommer l'Exilarque.
Ca ne cadre pas avec sa biographie telle que la raconte la tradition musulmane.
L'Exilarcat est une très vieille institution, datant d'avant l'Islam. L'existence d'une légende attribuant à Mohamed la nomination de l'Exilarque, de même que l'occultation de cette légende est forcément révélatrice de quelque chose.
Une autre possibilité serait que l'on se trompe au sujet du récit de Benjamin de Tulède. Ce ne serait non pas un récit de voyage, mais le récit d'une espérance messianique. Dès lors, rien ne s'oppose à ce qu'il ait inventé les éléments qu'il rapporte.
Et aussi pourquoi une telle divergence entre la traduction française et la traduction anglaise ? Si elles reposent sur des manuscrits différents, alors soit la version utilisée pour la traduction française a fait l'objet d'une amputation, soit la version utilisée pour la traduction anglaise a fait l'objet d'une interpolation.
Les deux cas possibles sont tout autant fascinants à étudier.
Anoushirvan- Messages : 483
Réputation : 3
Date d'inscription : 05/05/2016
Re: Les racines judaïques du califat abbasside ?
Examiner l'œuvre de Benjamin de Tulède est en effet un aspect de la question.Anoushirvan a écrit: Une autre possibilité serait que l'on se trompe au sujet du récit de Benjamin de Tulède. Ce ne serait non pas un récit de voyage, mais le récit d'une espérance messianique. Dès lors, rien ne s'oppose à ce qu'il ait inventé les éléments qu'il rapporte.
Voici déjà un premier lien : http://books.openedition.org/pupo/1593?lang=fr
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