Ponce Pilate, mauvais élève en grec ?
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Ponce Pilate, mauvais élève en grec ?
Un érudit, l’abbé Pierre Courouble, spécialiste du grec ancien, s’est aperçu de l’étrangeté de deux phrases prononcées par Ponce Pilate rapportées par Jean lors du procès de Jésus : « Quelle accusation portez-vous contre cet homme ? »(tina katègorian phérété kata tou anthrôpou toutou) et « Ce qui est écrit est écrit » (ho guégrapha guégrapha). Elles ont été prononcées en grec, qui était, dans les provinces périphériques de l’Empire, la langue administrative. Cependant le grec de Pilat est un mauvais grec. Et ces deux phrases sont frappées de tournures non pas hébraïques ou araméennes, mais latines. Seul Pilate a pu les prononcer telles quelles et commettre ces incorrections, bénignes certes, mais révélatrices.
Le latin n’utilise qu’un mot pour l’interrogatif : Quam (Quam accusationem affertis adversus hominem hunc ? « Quelle accusation portez-vous contre cet homme ? ») Le grec, en revanche, se sert du mot tina lorsque la question porte sur l’identité d’une personne et poian lorsqu’elle vise l’espèce du délit (« Quelle espèce d’accusation portez-vous ? … » A-t-il tué, a-t-il volé ?) Pilate comment une première faute en utilisant tina. Plus significative est l’erreur sur le verbe. Le latin parle de « porter accusation », le grec dit « faire une accusation » (verbe poiein). Bref deux latinismers polluent la première phrase. Le préfet romain aurait donc dû dire ceci : poian katègorian poieisthé kata tou anthrôpou toutou (au lieu de tina katègorian phérété kata tou anthrôpou toutou).
Dans la seconde phrase, pour exprimer l’action passée et son résultat, le latin n’utilise qu’un seul temps, le parfait : scripsi (ce que j’ai écrit, je l’ai écrit). Or, le grec, distinguant les deux aspects, met le premier verbe à l’aoriste et le second au parfait. Si le mauvais élève Pilate avait pensé en grec, il aurait dû dire : ha égrapsa guégrapha (et non ho guégrapha guégrapha).
Jean n’a évidemment pas inventé ces erreurs grammaticales pour faire couleur locale. Soit quelque personnage haut placé lui a rapporté les deux phrases en question immédiatement après, soit il les a entendues lui-même, avec les erreurs. Dans ce cas, le jeune membre de la haute aristocratie sacerdotale (*), dont nul ne soupçonnait la connivence avec le Galiléen et ses amis, était présent, avec la délégation des grands prêtres à l’entrée du prétoire. Peut-être a-t-il consigné la scène sur du papyrus ou des tablettes, immédiatement après les événements, alors que la mémoire était encore fraiche. De telles notes, avant d’être intégrées dans son évangile, ont pu l’aider dans ce qu’il affectionnait le plus, la prédication.
(*) L’hypothèse de l’auteur est que Jean l’évangéliste n’est pas Jean Fils de Zébédée, mais une jeune prêtre issu de la haute aristocratie du Temple.
Jésus, JC Petitfils. Page 531. Fayard. 2013. ISBN : 978-2-213-65484-3
Le latin n’utilise qu’un mot pour l’interrogatif : Quam (Quam accusationem affertis adversus hominem hunc ? « Quelle accusation portez-vous contre cet homme ? ») Le grec, en revanche, se sert du mot tina lorsque la question porte sur l’identité d’une personne et poian lorsqu’elle vise l’espèce du délit (« Quelle espèce d’accusation portez-vous ? … » A-t-il tué, a-t-il volé ?) Pilate comment une première faute en utilisant tina. Plus significative est l’erreur sur le verbe. Le latin parle de « porter accusation », le grec dit « faire une accusation » (verbe poiein). Bref deux latinismers polluent la première phrase. Le préfet romain aurait donc dû dire ceci : poian katègorian poieisthé kata tou anthrôpou toutou (au lieu de tina katègorian phérété kata tou anthrôpou toutou).
Dans la seconde phrase, pour exprimer l’action passée et son résultat, le latin n’utilise qu’un seul temps, le parfait : scripsi (ce que j’ai écrit, je l’ai écrit). Or, le grec, distinguant les deux aspects, met le premier verbe à l’aoriste et le second au parfait. Si le mauvais élève Pilate avait pensé en grec, il aurait dû dire : ha égrapsa guégrapha (et non ho guégrapha guégrapha).
Jean n’a évidemment pas inventé ces erreurs grammaticales pour faire couleur locale. Soit quelque personnage haut placé lui a rapporté les deux phrases en question immédiatement après, soit il les a entendues lui-même, avec les erreurs. Dans ce cas, le jeune membre de la haute aristocratie sacerdotale (*), dont nul ne soupçonnait la connivence avec le Galiléen et ses amis, était présent, avec la délégation des grands prêtres à l’entrée du prétoire. Peut-être a-t-il consigné la scène sur du papyrus ou des tablettes, immédiatement après les événements, alors que la mémoire était encore fraiche. De telles notes, avant d’être intégrées dans son évangile, ont pu l’aider dans ce qu’il affectionnait le plus, la prédication.
(*) L’hypothèse de l’auteur est que Jean l’évangéliste n’est pas Jean Fils de Zébédée, mais une jeune prêtre issu de la haute aristocratie du Temple.
Jésus, JC Petitfils. Page 531. Fayard. 2013. ISBN : 978-2-213-65484-3
Roque- Messages : 5064
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Re: Ponce Pilate, mauvais élève en grec ?
Roque a écrit:Jean n’a évidemment pas inventé ces erreurs grammaticales pour faire couleur locale.
Hypothèse éliminée sur qu'elle base rationnelle? L'intime conviction?
Idriss- Messages : 7128
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Re: Ponce Pilate, mauvais élève en grec ?
Disons qu'il est assez difficile d'avoir à la fois des araméismes et des latinismes chez le même auteur...Idriss a écrit:Hypothèse éliminée sur qu'elle base rationnelle? L'intime conviction?
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Re: Ponce Pilate, mauvais élève en grec ?
-Ren- a écrit:Disons qu'il est assez difficile d'avoir à la fois des araméismes et des latinismes chez le même auteur...Idriss a écrit:Hypothèse éliminée sur qu'elle base rationnelle? L'intime conviction?
Sauf si ils sont plusieurs! ou si il y a plusieurs strates....C'est justement la conversation que j'ai eu ce soir . Une personne me parlait d'un de ses amis spécialiste du grec ancien qui a traduit notamment l’Iliade et l’Odyssée.
Prof en Suisse si j'ai bien compris , un de ses élèves ayant pris l'évangile de Luc il c'est penché sur le sujet et aurait reconnu deux styles, deux strates... un araméen et l'autre Grec koinè...Les thèmes en "grec araméen" présenterait Jésus comme un juif en révolte contre les grand prêtres...Et en Grec koinè , ce jésus là serait nettement moins juif et déjà beaucoup plus chrétien ...
Bref subjectivité contre subjectivité...scientifiquement le méthode expérimentale ne permet jamais de confirmer une hypothèse...seule l'infirmation apporte de la connaissance...infirmation qui permet de proposer une nouvelle hypothèse...et d’hypothèse en hypothèse le scientifique est sensé s'approcher du réel, le cerner...
Ici on voit une preuve de confirmation de sa conviction personnelle..Ok pourquoi pas , mais il faut aussi faire la liste de ce qui ne va pas dans son sens non!?
Idriss- Messages : 7128
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Re: Ponce Pilate, mauvais élève en grec ?
...Mais dans ce cas, les latinismes ne se trouveraient pas uniquement dans les réponses de Pilate (cf l'évangile de Marc, qui, lui, est assez clairement une prédication latine traduite en grec)Idriss a écrit: Sauf si ils sont plusieurs! ou si il y a plusieurs strates
Sur ce point, je suis d'accord. On peut repérer les tournures, mais ensuite, il faut assumer sa subjectivité lors de leur interprétation.Idriss a écrit: Bref subjectivité contre subjectivité...
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Re: Ponce Pilate, mauvais élève en grec ?
L'histoire du procès de Jésus devant Pilate se trouve dans Matthieu 27:1-2, 11-26 ; Marc 15:1-15 ; Luc 23:1-25 ; Jean 18:28-19:16.
Pilate ne fait pas de latinisme dans son grec dans les autres évangiles?!
Pilate ne fait pas de latinisme dans son grec dans le reste de sa conversation avec Jésus!? Techniquement il n' y avait pas de difficultés qui s'y prêtait ? Ou cela a été cette fois "corrigé" à postériori?
Pilate ne fait pas de latinisme dans son grec dans les autres évangiles?!
Pilate ne fait pas de latinisme dans son grec dans le reste de sa conversation avec Jésus!? Techniquement il n' y avait pas de difficultés qui s'y prêtait ? Ou cela a été cette fois "corrigé" à postériori?
Idriss- Messages : 7128
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Re: Ponce Pilate, mauvais élève en grec ?
-Ren- a écrit:...Mais dans ce cas, les latinismes ne se trouveraient pas uniquement dans les réponses de Pilate (cf l'évangile de Marc, qui, lui, est assez clairement une prédication latine traduite en grec)Idriss a écrit: Sauf si ils sont plusieurs! ou si il y a plusieurs stratesSur ce point, je suis d'accord. On peut repérer les tournures, mais ensuite, il faut assumer sa subjectivité lors de leur interprétation.Idriss a écrit: Bref subjectivité contre subjectivité...
Bon avançons donc sur cette base!
J'ai relu ce que j'ai écris précédemment et je me rend compte que j'y ait dit quelques bêtises et approximations...surtout par manque de bases et de connaissances sur le sujet.
En fait je suis dans la lecture d'André Sauge et c'est très instructif et formateur !!!!D'où mon intérêt du moment pour ce sujet somme toute très accessoire...
Très certainement j'ouvrirai prochainement ( inch'Allah) un sujet sur le travail d'André Sauge ...
En attendant j'ai interrogé un de ses proches sur le présent sujet pour lui demander son avis .
Voici sa réponse :
Depuis la Renaissance, des milliers de savants ont étudié la langue du « Nouveau Testament », et c’est la première fois que j’entends parler de latinisme dans un tel texte.
Il faut rappeler d’abord, comme tu le sais, que l’araméen était la langue « vulgaire » la plus parlée dans la région à cette époque, l’hébreu était la langue du « Livre » et des élites juives, donc de la caste sacerdotale. Une partie de la population avait le grec comme langue maternelle, un grec « standard » dit de la « koiné », mais le grec était aussi la langue des échanges. Quant au latin, les « élites » romaines parlaient latin mais pratiquaient bien le grec. Autant un auteur juif de langue araméenne pouvait commettre des « erreurs », autant il me semble improbable qu’un homme comme Pilate, en fonction officielle, ait fait des fautes de grec… Mais la question est ailleurs.
Tout érudit qu’il soit l’abbé Courouble nous mène en bateau.
Les deux phrases dans lesquelles l’abbé croit déceler des latinismes, sont mises dans la bouche (ou sous le calame) de Pilate, mais l’auteur du texte dont les phrases sont tirées, selon l’avis commun, est un locuteur araméen, en principe étranger au latin et écrivant en grec. Si faute il y a, on doit l’imputer à l’auteur qui fait parler Pilate. Un auteur que la « Tradition » identifie à tort à l’apôtre Jean.
Cet ami me dit que je peux interroger A. Sauge pour avoir plus de précisions...mais je vais attendre pour ne pas me griller par mon incompétence en la matière ( Et peut-être l'absence de désire de voir un universitaire helléniste et profondément humaniste mettre son nez dans nos petits débats...)
Idriss- Messages : 7128
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Date d'inscription : 25/05/2012
Re: Ponce Pilate, mauvais élève en grec ?
Merci pour ces informationsIdriss a écrit: En attendant j'ai interrogé un de ses proches sur le présent sujet pour lui demander son avis
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Re: Ponce Pilate, mauvais élève en grec ?
Il ne faut pas inverser le raisonnement :
- Les passages désignés par l’abbé Courouble présentent-ils des fautes de grec (question 1) ?
- Qui a pu ainsi formuler ce grec légèrement défectueux (question 2) ?
- Comment pratiquement (question 3) ?
- Dans quel but (question 4) ?
Question 1 : oui, ce grec est défectueux pour l’abbé Courouble, mais en est-il de même pour la personne que vous avez consultée ? (moi, je ne connais rien en grec ... ). Si la réponse est non, le reste des commentaires est - évidemment - sans objet !
Question 2 : l'abbé Courouble comme la personne que vous avez consultée ont un avis commun : ils pensent que cela ne peut pas avoir été formulé pas un locuteur grec de langue araméenne ou hébraïque ; ce n'est évidemment qu'une probabilité (on peut, cependant, toujours imaginer un scénario genre Da Vinci Code : un esclave goth ou gaulois d'un dignitaire romain, hellénisé à un haut niveau, ayant le goût de la critique textuelle et de la contrefaçon scripturaire, passant ses vacances dans la région d'Ephèse vers la fin du premier siècle et ayant croisé l'un des deux " Jeans " aux bains douches !), mais c'est un point qui justifie la suite des commentaires ;
Question 3 : pratiquement les termes utilisés peuvent avoir été rapportés par l'entourage de Pilate (de culture latine ou non) ou par un témoin juif comme " Jean l'apôtre " ou du " Jean l'ancien " également juif, mais prêtre (la question de savoir qui est le véritable rédacteur de l'Evangile selon Jean, ne change pas grand chose sur ce point et dans les deux cas la date de rédaction est la même). L'abbé Courouble suppose qu'il peut s'agir d'un témoin direct ou non, c'est à dire qu'il pourrait s'agir de propos rapportés au rédacteur de l'Evangile ;
Question 4 : si le but est de manipuler l'interprétation du texte :
- Quel avantage peut-il y avoir - lors de la rédaction finale - à la fin du premier siècle à " faire croire " que Jésus a été condamné par un romain parlant approximativement le grec ? Je suppose que cela n'avait aucun intérêt car cette condamnation de Jésus par Pilate à cette époque était de notoriété publique ;
- Quel intérêt y avait-il à introduire cette subtile erreur de grec qu'il a fallu pratiquement 20 siècles pour repérer et que la personne consultée ne connaît manifestement pas ? En tout cas, je pense d'une part que pour les judéo-chrétiens parlant hébreu et araméen ces erreurs de grec n'avaient aucun intérêt car leurs Evangiles de référence en araméen ne conservait certainement pas ces " latinismes dans le grec " et d'autre part que pour les pagano-chrétiens parlant le grec de la koïnè et non le grec classique raffiné, cela ne devait pas dépasser le niveau de culture de la plupart d'entre eux !
Au demeurant, cette question de " faute de grec " de Pilate n'a peut-être pas pu être perçue tant qu'on a considéré que le grec des Evangiles (" koïnè ") était du " mauvais " grec. Je suppose que les " imperfections " du texte était vues comme un amalgame d'erreurs dues à une compétence faible en grec classique - donc sans grand intérêt .... C'est seulement depuis que ce grec de la " koïnè " (19ème siècle ?) a été reconnu comme un grec " standard " qu'il a été possible d'isoler ces latinismes du texte grec se distinguant du grec de la " koïnè ". C'est assez récent et il aura fallu des universitaire du 20ème siècle pour le découvrir ...
- Les passages désignés par l’abbé Courouble présentent-ils des fautes de grec (question 1) ?
- Qui a pu ainsi formuler ce grec légèrement défectueux (question 2) ?
- Comment pratiquement (question 3) ?
- Dans quel but (question 4) ?
Question 1 : oui, ce grec est défectueux pour l’abbé Courouble, mais en est-il de même pour la personne que vous avez consultée ? (moi, je ne connais rien en grec ... ). Si la réponse est non, le reste des commentaires est - évidemment - sans objet !
Question 2 : l'abbé Courouble comme la personne que vous avez consultée ont un avis commun : ils pensent que cela ne peut pas avoir été formulé pas un locuteur grec de langue araméenne ou hébraïque ; ce n'est évidemment qu'une probabilité (on peut, cependant, toujours imaginer un scénario genre Da Vinci Code : un esclave goth ou gaulois d'un dignitaire romain, hellénisé à un haut niveau, ayant le goût de la critique textuelle et de la contrefaçon scripturaire, passant ses vacances dans la région d'Ephèse vers la fin du premier siècle et ayant croisé l'un des deux " Jeans " aux bains douches !), mais c'est un point qui justifie la suite des commentaires ;
Question 3 : pratiquement les termes utilisés peuvent avoir été rapportés par l'entourage de Pilate (de culture latine ou non) ou par un témoin juif comme " Jean l'apôtre " ou du " Jean l'ancien " également juif, mais prêtre (la question de savoir qui est le véritable rédacteur de l'Evangile selon Jean, ne change pas grand chose sur ce point et dans les deux cas la date de rédaction est la même). L'abbé Courouble suppose qu'il peut s'agir d'un témoin direct ou non, c'est à dire qu'il pourrait s'agir de propos rapportés au rédacteur de l'Evangile ;
Question 4 : si le but est de manipuler l'interprétation du texte :
- Quel avantage peut-il y avoir - lors de la rédaction finale - à la fin du premier siècle à " faire croire " que Jésus a été condamné par un romain parlant approximativement le grec ? Je suppose que cela n'avait aucun intérêt car cette condamnation de Jésus par Pilate à cette époque était de notoriété publique ;
- Quel intérêt y avait-il à introduire cette subtile erreur de grec qu'il a fallu pratiquement 20 siècles pour repérer et que la personne consultée ne connaît manifestement pas ? En tout cas, je pense d'une part que pour les judéo-chrétiens parlant hébreu et araméen ces erreurs de grec n'avaient aucun intérêt car leurs Evangiles de référence en araméen ne conservait certainement pas ces " latinismes dans le grec " et d'autre part que pour les pagano-chrétiens parlant le grec de la koïnè et non le grec classique raffiné, cela ne devait pas dépasser le niveau de culture de la plupart d'entre eux !
Au demeurant, cette question de " faute de grec " de Pilate n'a peut-être pas pu être perçue tant qu'on a considéré que le grec des Evangiles (" koïnè ") était du " mauvais " grec. Je suppose que les " imperfections " du texte était vues comme un amalgame d'erreurs dues à une compétence faible en grec classique - donc sans grand intérêt .... C'est seulement depuis que ce grec de la " koïnè " (19ème siècle ?) a été reconnu comme un grec " standard " qu'il a été possible d'isoler ces latinismes du texte grec se distinguant du grec de la " koïnè ". C'est assez récent et il aura fallu des universitaire du 20ème siècle pour le découvrir ...
Roque- Messages : 5064
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Pilate connaissait mal le grec
Première remarque : la formulation des questions de Pilate et des réponses de Jésus est celle de l'évangéliste, en l'occurrence Jean, et non celles de Pilate ou de Jésus.
Deuxième remarque : l'abbé qui a relevé les erreurs de Pilate montre qu'il ne connaît pas très bien ce que signifie le parfait grec, qui n'a rien à voir avec le parfait latin. "gegrapha" n'est pas du tout un correspondant de "scripsi" latin. Dans la formule de Jean, Pilate dit : "Ce que j'ai fait écrire, je l'ai fait écrire" (et donc je n'y reviens pas).
Deuxième remarque : l'abbé qui a relevé les erreurs de Pilate montre qu'il ne connaît pas très bien ce que signifie le parfait grec, qui n'a rien à voir avec le parfait latin. "gegrapha" n'est pas du tout un correspondant de "scripsi" latin. Dans la formule de Jean, Pilate dit : "Ce que j'ai fait écrire, je l'ai fait écrire" (et donc je n'y reviens pas).
a.sauge- Messages : 4
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Re: Ponce Pilate, mauvais élève en grec ?
Tiens donc le bon abbé ne serait qu'un apprenti ?a.sauge a écrit:l'abbé qui a relevé les erreurs de Pilate montre qu'il ne connaît pas très bien ce que signifie le parfait grec.
Moi qui ne connais pas du tout le grec, je suis toujours un peu surpris par les avis péremptoires et divergents des " experts " en cette matière. C'est comme chez le médecin : si on consulte deux médecins, on risque d'avoir deux diagnostics différents
Roque- Messages : 5064
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Pilate connaissait mal le grec
Je dois préciser la réponse que j'ai donnée hier en partant de ce que dit le bon abbé, que je cite donc :
"Le latin n’utilise qu’un mot pour l’interrogatif : Quam (Quam accusationem affertis adversus hominem hunc ? « Quelle accusation portez-vous contre cet homme ? ») Le grec, en revanche, se sert du mottina lorsque la question porte sur l’identité d’une personne et poian lorsqu’elle vise l’espèce du délit («Quelle espèce d’accusation portez-vous ? … » A-t-il tué, a-t-il volé ?) Pilate comment une première faute en utilisant tina. Plus significative est l’erreur sur le verbe. Le latin parle de « porter accusation», le grec dit « faire une accusation » (verbe poiein). Bref deux latinismers polluent la première phrase. Le préfet romain aurait donc dû dire ceci : poian katègorian poieisthé kata tou anthrôpou toutou (au lieu de tina katègorian phérété kata tou anthrôpou toutou).
Dans la seconde phrase, pour exprimer l’action passée et son résultat, le latin n’utilise qu’un seul temps, le parfait : scripsi (ce que j’ai écrit, je l’ai écrit). Or, le grec, distinguant les deux aspects, met le premier verbe à l’aoriste et le second au parfait. Si le mauvais élève Pilate avait pensé en grec, il aurait dû dire : ha égrapsa guégrapha (et non ho guégrapha guégrapha).
Je rappelle ma première remarque : la formulation que nous lisons en grec est plus certainement celle de l'auteur de l'évangile ("Jean") que celle de Pilate. Cela dit, il est possible que, effectivement, les autorités du temple aientt demandé à Pilate de modifier ce qu'il a fait inscrire sur le "titulus", la pancarte fixée au sommet du pilier vertical soutenant la traverse où les bras du condamné étaient attachés et non cloués! La réponse de Pilate, formulée dans un style lapidaire, a pu frapper les esprits et être mémorisée. Ce que Pilate a fait écrire, nous pouvons le déduire de la manière la plus certaine, de l'évangile dit de "Luc". "o basileus tôn Ioudaiôn houtos (estin)" ce qui peut se traduire : "Le roi des Judéens (des Juifs), c'est cet individu" / "c'est celui-là", avec une intonation ironique : "Le voilà le roi des Judéens !". Pilate a fait inscrire cette formule non pour se moquer de Jésus, mais des autorités du temple qui le lui ont livré en affirmant "qu'il se prétendait le roi des Judéens" (des Juifs), ce qui a fait rire Pilate. (Il est probable qu'il avait entendu parler de Jésus de Nazareth et que son conflit avec les autorités du temple lui était plutôt sympathique). Il n'est donc pas étonnant que ces autorités aient demandé à Pilate de modifier l'intitulé du motif de la condamnation, et que Pilate leur ait répondu sèchement.
Examinons donc d'abord la phrase portant sur l'accusation : "Quelle accusation portez-vous contre lui". De toute façon, un hellénophone n'aurait jamais demandé ni "tina katêgorian pherete kata tou anthrôpou" ni non plus "poian katêgorian poiesthe kata ...", comme le prétend l'abbé. Il aurait dit quelque chose comme : "Tinos aitiâsthe touton?" "De quoi accusez-vous l'individu". Le nom "katêgoria" est avant tout employé comme une notion philosophique, qui a donné "catégorie" en français. La formulation de Jean n'est pas un latinisme, elle est un "araméisme". Ce n'est donc pas celle que Pilate a pu employer.
Pour la formule, parfaitement grecque, "ho gegrapha, gegrapha" l'interprétation de l'abbé tient à une conception répandue, mais erronée, du "parfait" grec, qui exprime non le résultat mais "l'achèvement" ou "l'intensivité" dont l'idée de "faire faire" est une modalité. Ce n'est pas Pilate qui a écrit ; il a fait écrire, ce qu'il pouvait exprimer correctement en disant : "ho gegrapha", "ce que j'ai fait écrire" ou plus justement "ce que je fais écrire" (il fallait donc que je corrige ce que j'ai écrit hier) ; l'auteur de la formule, en reprenant la même forme verbale ("ho gegrapha, gegrapha") joue avec les nuances du parfait ; le second emploi a une valeur d'achèvement : "Ce que je fais écrire, je le fais écrire de manière achevée" et donc, je n'ai pas à revenir là-dessus! Nous dirions peut-être en français : "Ce que je fais écrire est bel et bien écrit." Il n'y a rien à y reprendre.
Dans le récit que nous lisons dans "Luc", c'est un dénommé "Jésus" dit de Nazareth qui a été condamné à mort par une faction du Sanhédrin, pour un motif entièrement controuvé (inventé, si l'on veut); les chefs des prêtres et meneurs du Sanhédrin ont profité d'une ambiguïté d'une réponse de Jésus pour lui imputer le seul blasphème qui entraîne la condamnation à mort, l'abus du nom divin ("Je Suis"). L'évangile de Jean raconte une autre histoire, celle de Jésus désormais interprété comme Fils de Dieu, Roi céleste, qui se sacrifie volontairement pour racheter la désobéissance d'Adam et réconcilier les hommes avec Dieu, son Père. Celui qui réfléchit à ce "mythème" ou à ce "théologème" ne peut que sombrer dans un abîme de perplexité devant une telle explication, qui impute à Dieu un comportement totalement absurde. Oui, je sais, l'absurde est justement une "raison de croire". En ce qui me concerne, je n'impute pas à Dieu des procédés intellectuels aussi pervers.
"Le latin n’utilise qu’un mot pour l’interrogatif : Quam (Quam accusationem affertis adversus hominem hunc ? « Quelle accusation portez-vous contre cet homme ? ») Le grec, en revanche, se sert du mottina lorsque la question porte sur l’identité d’une personne et poian lorsqu’elle vise l’espèce du délit («Quelle espèce d’accusation portez-vous ? … » A-t-il tué, a-t-il volé ?) Pilate comment une première faute en utilisant tina. Plus significative est l’erreur sur le verbe. Le latin parle de « porter accusation», le grec dit « faire une accusation » (verbe poiein). Bref deux latinismers polluent la première phrase. Le préfet romain aurait donc dû dire ceci : poian katègorian poieisthé kata tou anthrôpou toutou (au lieu de tina katègorian phérété kata tou anthrôpou toutou).
Dans la seconde phrase, pour exprimer l’action passée et son résultat, le latin n’utilise qu’un seul temps, le parfait : scripsi (ce que j’ai écrit, je l’ai écrit). Or, le grec, distinguant les deux aspects, met le premier verbe à l’aoriste et le second au parfait. Si le mauvais élève Pilate avait pensé en grec, il aurait dû dire : ha égrapsa guégrapha (et non ho guégrapha guégrapha).
Je rappelle ma première remarque : la formulation que nous lisons en grec est plus certainement celle de l'auteur de l'évangile ("Jean") que celle de Pilate. Cela dit, il est possible que, effectivement, les autorités du temple aientt demandé à Pilate de modifier ce qu'il a fait inscrire sur le "titulus", la pancarte fixée au sommet du pilier vertical soutenant la traverse où les bras du condamné étaient attachés et non cloués! La réponse de Pilate, formulée dans un style lapidaire, a pu frapper les esprits et être mémorisée. Ce que Pilate a fait écrire, nous pouvons le déduire de la manière la plus certaine, de l'évangile dit de "Luc". "o basileus tôn Ioudaiôn houtos (estin)" ce qui peut se traduire : "Le roi des Judéens (des Juifs), c'est cet individu" / "c'est celui-là", avec une intonation ironique : "Le voilà le roi des Judéens !". Pilate a fait inscrire cette formule non pour se moquer de Jésus, mais des autorités du temple qui le lui ont livré en affirmant "qu'il se prétendait le roi des Judéens" (des Juifs), ce qui a fait rire Pilate. (Il est probable qu'il avait entendu parler de Jésus de Nazareth et que son conflit avec les autorités du temple lui était plutôt sympathique). Il n'est donc pas étonnant que ces autorités aient demandé à Pilate de modifier l'intitulé du motif de la condamnation, et que Pilate leur ait répondu sèchement.
Examinons donc d'abord la phrase portant sur l'accusation : "Quelle accusation portez-vous contre lui". De toute façon, un hellénophone n'aurait jamais demandé ni "tina katêgorian pherete kata tou anthrôpou" ni non plus "poian katêgorian poiesthe kata ...", comme le prétend l'abbé. Il aurait dit quelque chose comme : "Tinos aitiâsthe touton?" "De quoi accusez-vous l'individu". Le nom "katêgoria" est avant tout employé comme une notion philosophique, qui a donné "catégorie" en français. La formulation de Jean n'est pas un latinisme, elle est un "araméisme". Ce n'est donc pas celle que Pilate a pu employer.
Pour la formule, parfaitement grecque, "ho gegrapha, gegrapha" l'interprétation de l'abbé tient à une conception répandue, mais erronée, du "parfait" grec, qui exprime non le résultat mais "l'achèvement" ou "l'intensivité" dont l'idée de "faire faire" est une modalité. Ce n'est pas Pilate qui a écrit ; il a fait écrire, ce qu'il pouvait exprimer correctement en disant : "ho gegrapha", "ce que j'ai fait écrire" ou plus justement "ce que je fais écrire" (il fallait donc que je corrige ce que j'ai écrit hier) ; l'auteur de la formule, en reprenant la même forme verbale ("ho gegrapha, gegrapha") joue avec les nuances du parfait ; le second emploi a une valeur d'achèvement : "Ce que je fais écrire, je le fais écrire de manière achevée" et donc, je n'ai pas à revenir là-dessus! Nous dirions peut-être en français : "Ce que je fais écrire est bel et bien écrit." Il n'y a rien à y reprendre.
Dans le récit que nous lisons dans "Luc", c'est un dénommé "Jésus" dit de Nazareth qui a été condamné à mort par une faction du Sanhédrin, pour un motif entièrement controuvé (inventé, si l'on veut); les chefs des prêtres et meneurs du Sanhédrin ont profité d'une ambiguïté d'une réponse de Jésus pour lui imputer le seul blasphème qui entraîne la condamnation à mort, l'abus du nom divin ("Je Suis"). L'évangile de Jean raconte une autre histoire, celle de Jésus désormais interprété comme Fils de Dieu, Roi céleste, qui se sacrifie volontairement pour racheter la désobéissance d'Adam et réconcilier les hommes avec Dieu, son Père. Celui qui réfléchit à ce "mythème" ou à ce "théologème" ne peut que sombrer dans un abîme de perplexité devant une telle explication, qui impute à Dieu un comportement totalement absurde. Oui, je sais, l'absurde est justement une "raison de croire". En ce qui me concerne, je n'impute pas à Dieu des procédés intellectuels aussi pervers.
a.sauge- Messages : 4
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Re: Ponce Pilate, mauvais élève en grec ?
a.sauge a écrit: La formulation de Jean n'est pas un latinisme, elle est un "araméisme". Ce n'est donc pas celle que Pilate a pu employer.
Pour la formule, parfaitement grecque, "ho gegrapha, gegrapha" l'interprétation de l'abbé tient à une conception répandue, mais erronée, du "parfait" grec, qui exprime non le résultat mais "l'achèvement" ou "l'intensivité" dont l'idée de "faire faire" est une modalité.
Bonjour monsieur Sauge
N'ayant aucune compétence en Grec je ne puis que vous croire. Mais je pense qu'ici il y a quelques personnes qui ont suffisamment de rudiments de Grec pour apprécier à leur juste valeur les informations et connaissances que vous avez bien voulu partager.
A.Sauge a écrit: L'évangile de Jean raconte une autre histoire, celle de Jésus désormais interprété comme Fils de Dieu, Roi céleste, qui se sacrifie volontairement pour racheter la désobéissance d'Adam et réconcilier les hommes avec Dieu, son Père. Celui qui réfléchit à ce "mythème" ou à ce "théologème" ne peut que sombrer dans un abîme de perplexité devant une telle explication, qui impute à Dieu un comportement totalement absurde. Oui, je sais, l'absurde est justement une "raison de croire". En ce qui me concerne, je n'impute pas à Dieu des procédés intellectuels aussi pervers.
Mais aussi:
A.Sauge a écrit:Je voudrais juste faire une mise au point : je n'ai pas fait un travail de "démythologisation", mais de lecture des textes grecs du NT et des auteurs les plus anciens du "christianisme".
N'est-ce pas contradictoire?
Ou doit-on comprendre que votre intention n'est pas de faire un travail de démythologisation, mais que si on lis objectivement les auteurs les plus anciens c'est ce qui se produit ?
Dernière édition par Idriss le Mar 26 Jan - 21:14, édité 1 fois
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Re: Ponce Pilate, mauvais élève en grec ?
En ce qui me concerne, "rudiments" est le motIdriss a écrit: il y a quelques personnes qui ont suffisamment de rudiments de Grec pour apprécier à leur juste valeur les informations et connaissances que vous avez bien voulu partager
(et encore... )
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Pilate connaissait mal le grec
Pour répondre à la dernière question:
"N'est-ce pas contradictoire?
Ou doit-on comprendre que votre intention n'est pas de faire un travail de démythologisation, mais que si on lis objectivement les auteurs les plus anciens c'est ce qui se produit ?"
Je crois que vous formulez correctement le problème. Les rationalistes qui s'intéressent à la naissance du christianisme partent des affirmations concernant Jésus de Nazareth (Christ / Il s'adresse aux foules / Il élit des apôtres / Il guérit et même il rend la vie à des morts (Lazare, notamment), etc.) et ils "démythologisent" le personnage : ses miracles, par exemple, ne sont qu'apparents, sont de la supercherie, etc. Il a été crucifié parce qu'il s'est prétendu "Messie", parce qu'il semait le trouble, parce qu'il était subversif pour l'ordre romain, etc. Un exégète croyant partira des mêmes affirmations pour les interpréter de manière positive.
Ce qui m'intéresse d'abord, ce sont les textes pris dans leur globalité, mais les uns indépendamment des autres. Je pense que c'est une erreur de construire une image du "Christ" ou de "Jésus" de Nazareth en prenant appui sur les quatre évangiles et en additionnant les caractéristiques qu'ils décrivent. Il faut les prendre un à un parce qu'ils ne tiennent pas le même discours sur le personnage. Il s'agit non seulement de comprendre comment un auteur, appelé "Jean", "Matthieu", etc., "représente Jésus, Christ", mais surtout, mais d'abord comment le texte de Matthieu, de Jean, de Luc, de Marc a été "fabriqué". Ce travail est possible en observant la "langue" de chacun de ces textes. Ce qui apparaît alors c'est que la langue de Marc est fortement marquée de sémitismes, moins apparents chez Matthieu et Chez Jean, mais surtout, que le texte de "Luc" est composite et ne peut pas être attribué à un seul auteur, parce qu'une partie importante du texte a été écrite par un auteur de langue grecque (un hellénophone) tandis que l'autre a été écrite par un araméophone qui a appris le grec. A partir de là, on se demande ce qui s'est passé, comment ce texte de "Luc", mais également celui des autres, a été "fabriqué". Pour répondre, il faut s'appuyer sur les documents d'époque ; ils sont rares, mais ils existent. On s'aperçoit alors que ces documents sont lus avec les yeux de la "foi" (du croyant ou de l'incroyant) et que leur interprétation est biaisée. Par exemple, une citation nomme sept Anciens ; or les noms sont ceux attribués par la tradition aux apôtres ; du coup, un spécialiste donne abusivement le titre d'apôtres à ces Anciens, alors que le mot n'apparaît pas dans la citation. On en déduit: on ne peut pas s'appuyer sur les évangiles pour construire un portrait de Jésus ou du Christ. On pourra peut-être s'appuyer sur une partie d'un seul de ces évangiles.
Ce qui apparaît au terme de ces examens, c'est que le Nouveau Testament est le produit d'un "fabrique" d'écriture, qui s'est greffée sur un noyau primitif, original, celui de l'enseignement de Jésus de Nazareth dont un disciple avait pris des notes. Or cet enseignement nous a été transmis dans une traduction en grec standard, celui que nous lisons partiellement dans l'évangile attribué à "Luc". Il nous suffit donc de rassembler tous les textes en grec standard de cet évangile pour connaître l'enseignement de Jésus. Et l'on découvre alors, bien sûr, que Jésus n'a jamais dit qu'il était le Messie (loin de là), qu'il ne s'est jamais choisi "douze apôtres", qu'il n'a jamais appelé Simon "Pierre". Il n'y a pas besoin de "démythologiser" l'enseignement de Jésus, parce qu'il ne comporte pas de mythologie. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne comporte pas des croyances, notamment celle-ci: Dieu est donateur de "sa" vie aux hommes; son don est absolument gracieux ; en échange, il ne réclame rien, tout simplement parce qu'il serait impossible de rendre à Dieu ce qu'il leur a donné. Le mieux qu'ils ont à faire, c'est de se montrer à leur tour généreux.
J'espère que je me suis expliqué de manière pas trop compliquée.
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"N'est-ce pas contradictoire?
Ou doit-on comprendre que votre intention n'est pas de faire un travail de démythologisation, mais que si on lis objectivement les auteurs les plus anciens c'est ce qui se produit ?"
Je crois que vous formulez correctement le problème. Les rationalistes qui s'intéressent à la naissance du christianisme partent des affirmations concernant Jésus de Nazareth (Christ / Il s'adresse aux foules / Il élit des apôtres / Il guérit et même il rend la vie à des morts (Lazare, notamment), etc.) et ils "démythologisent" le personnage : ses miracles, par exemple, ne sont qu'apparents, sont de la supercherie, etc. Il a été crucifié parce qu'il s'est prétendu "Messie", parce qu'il semait le trouble, parce qu'il était subversif pour l'ordre romain, etc. Un exégète croyant partira des mêmes affirmations pour les interpréter de manière positive.
Ce qui m'intéresse d'abord, ce sont les textes pris dans leur globalité, mais les uns indépendamment des autres. Je pense que c'est une erreur de construire une image du "Christ" ou de "Jésus" de Nazareth en prenant appui sur les quatre évangiles et en additionnant les caractéristiques qu'ils décrivent. Il faut les prendre un à un parce qu'ils ne tiennent pas le même discours sur le personnage. Il s'agit non seulement de comprendre comment un auteur, appelé "Jean", "Matthieu", etc., "représente Jésus, Christ", mais surtout, mais d'abord comment le texte de Matthieu, de Jean, de Luc, de Marc a été "fabriqué". Ce travail est possible en observant la "langue" de chacun de ces textes. Ce qui apparaît alors c'est que la langue de Marc est fortement marquée de sémitismes, moins apparents chez Matthieu et Chez Jean, mais surtout, que le texte de "Luc" est composite et ne peut pas être attribué à un seul auteur, parce qu'une partie importante du texte a été écrite par un auteur de langue grecque (un hellénophone) tandis que l'autre a été écrite par un araméophone qui a appris le grec. A partir de là, on se demande ce qui s'est passé, comment ce texte de "Luc", mais également celui des autres, a été "fabriqué". Pour répondre, il faut s'appuyer sur les documents d'époque ; ils sont rares, mais ils existent. On s'aperçoit alors que ces documents sont lus avec les yeux de la "foi" (du croyant ou de l'incroyant) et que leur interprétation est biaisée. Par exemple, une citation nomme sept Anciens ; or les noms sont ceux attribués par la tradition aux apôtres ; du coup, un spécialiste donne abusivement le titre d'apôtres à ces Anciens, alors que le mot n'apparaît pas dans la citation. On en déduit: on ne peut pas s'appuyer sur les évangiles pour construire un portrait de Jésus ou du Christ. On pourra peut-être s'appuyer sur une partie d'un seul de ces évangiles.
Ce qui apparaît au terme de ces examens, c'est que le Nouveau Testament est le produit d'un "fabrique" d'écriture, qui s'est greffée sur un noyau primitif, original, celui de l'enseignement de Jésus de Nazareth dont un disciple avait pris des notes. Or cet enseignement nous a été transmis dans une traduction en grec standard, celui que nous lisons partiellement dans l'évangile attribué à "Luc". Il nous suffit donc de rassembler tous les textes en grec standard de cet évangile pour connaître l'enseignement de Jésus. Et l'on découvre alors, bien sûr, que Jésus n'a jamais dit qu'il était le Messie (loin de là), qu'il ne s'est jamais choisi "douze apôtres", qu'il n'a jamais appelé Simon "Pierre". Il n'y a pas besoin de "démythologiser" l'enseignement de Jésus, parce qu'il ne comporte pas de mythologie. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne comporte pas des croyances, notamment celle-ci: Dieu est donateur de "sa" vie aux hommes; son don est absolument gracieux ; en échange, il ne réclame rien, tout simplement parce qu'il serait impossible de rendre à Dieu ce qu'il leur a donné. Le mieux qu'ils ont à faire, c'est de se montrer à leur tour généreux.
J'espère que je me suis expliqué de manière pas trop compliquée.
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a.sauge- Messages : 4
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Re: Ponce Pilate, mauvais élève en grec ?
Roque a écrit: C'est comme chez le médecin : si on consulte deux médecins, on risque d'avoir deux diagnostics différents
La comparaison avec deux médecins n'est pas forcément pertinente, sauf si l'un des deux médecins est un médecin conseil mandaté par une assurance qui le rémunère !
En l’occurrence l'abbé Carouble appartient à une tendance conservatrice traditionaliste qui soutient entre autre l'idée d'une rédaction précoce des évangiles dés 50 ap JC!
Idriss- Messages : 7128
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Re: Ponce Pilate, mauvais élève en grec ?
Un médecin conseil mandaté par une assurance ne fait en général pas le diagnostic, il va pour ce faire en appeler à des experts médicaux soignants en général. Non, je veux parler des médecins surchargé et inattentif, ou bien sujet à des sortes de marottes personnelles ou à des idées fixes (ça existe !) ou surtout quand on n'arrive pas à objectiver l'étiologie d'une situation de malaise ou de maladie (ça existe aussi). C'est dans ce cas qu'il y a le plus de chance de se tromper intentionnellement ou non. Votre image est quand même utile, car le plus dangereux pour l'objectivité de l'analyse est effectivement le médecin conseil chargé d'une mission pour défendre une thèse contre une autre - c'est constant en justice.Idriss a écrit:La comparaison avec deux médecins n'est pas forcément pertinente, sauf si l'un des deux médecins est un médecin conseil mandaté par une assurance qui le rémunère !
Et dans l'exégèse, il existe, il me semble, beaucoup de gens qui se sont donnés comme mission de défendre un camp contre un autre. Pour beaucoup on est clairement dans une guerre de position et de conquête ... du champ exégétique.
Voulez-vous dire que c'est parce qu'il appartient à une " tendance conservatrice traditionaliste " qu'il défend l'idée d'une " rédaction précoce des évangiles " (il est en service commandé) ou bien l'inverse que c'est parce qu'il défend l'idée d'une " rédaction précoce des évangiles " qu'il appartient à une " tendance conservatrice traditionaliste " (c'est une étiquette commode qu'on lui colle).Idriss a écrit:En l’occurrence l'abbé Carouble appartient à une tendance conservatrice traditionaliste qui soutient entre autre l'idée d'une rédaction précoce des évangiles dés 50 ap JC !
Par souci d'objectivité et de neutralité, il faut faire attention à ne pas confondre l'idée présentée et l'étiquette de la personne ou de l'institution qui la publie. Ce genre de raisonnement - s'il n'est pas autrement étayé - risque d'être un prétexte pour repousser a priori un idée qui nous dérange. Dans ce cas c'est une option sectaire (très à la mode en ce moment) et c'est automatiquement du registre polémique (on se charge soi-même de défendre une idée qui nous est chère.)
Pensez-vous que Pierre Perrier et d'autres (...) qui défendent l'existence d'une texte araméen oral (rythmé, psalmodié, etc ...) avant la rédaction des Evangiles en grecs (donc automatiquement un peu plus précoces ...) soient de " tendance conservatrice traditionaliste " (outre le fait que le terme " traditionnaliste " chez les catholiques ait d'abord actuellement un sens qui vise un choix en matière de rite de la messe et d'autres positions en rupture avec Vatican II - mais où il n'y a pas d'option précise quant à la date de rédaction des Evangiles, à ma connaissance).
Moi, franchement dit : je ne connais pas du tout cet Abbé Carouble. Sur le net, je n'ai rien trouvé !
Roque- Messages : 5064
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Re: Ponce Pilate, mauvais élève en grec ?
Le grec des évangiles est connu pour être maladroit.
L'araméen n'a pas la multiplicité des temps grammaticaux grecs.
Pourquoi faut-il voir nécessairement dans cette erreur un latinisme davantage qu'un aramaïsme?
L'araméen n'a pas la multiplicité des temps grammaticaux grecs.
Pourquoi faut-il voir nécessairement dans cette erreur un latinisme davantage qu'un aramaïsme?
Libremax- Messages : 1367
Réputation : 16
Date d'inscription : 18/10/2011
Re: Ponce Pilate, mauvais élève en grec ?
Possible, mais il faudrait connaître l'araméen pour en juger ...Libremax a écrit:Le grec des évangiles est connu pour être maladroit.
L'araméen n'a pas la multiplicité des temps grammaticaux grecs.
Pourquoi faut-il voir nécessairement dans cette erreur un latinisme davantage qu'un aramaïsme?
Roque- Messages : 5064
Réputation : 23
Date d'inscription : 15/02/2011
Age : 80
Localisation : Paris
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