Le Verset de la Lumière
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Le Verset de la Lumière
Bonjour !
Lisant un article traitant de l'exégèse néoplatonicienne du Verset de la Lumière par le chi'ite Qāḍī Saʽīd Qummī ( http://www.brepolsonline.net/doi/abs/10.1484/M.BEHE-EB.4.01186 ; cet article se trouve dans un ouvrage que je possède), j'ai réalisé qu'en 6 ans, nous n'avions jamais ouvert de fil de discussion sur ce verset coranique pourtant si important.
Je vous propose donc de renouer ici avec une approche du Coran depuis trop longtemps délaissée sur ce forum : regrouper ce qui en est dit, mais aussi pour les musulmans qui le souhaitent, nous partager des récitations qui leur plaisent, nous dire ce que ce verset signifie pour eux, la place qu'il occupe éventuellement dans leur vie spirituelle, etc.
Bref : un peu de spiritualité, ça nous fera du bien à tous !
Lisant un article traitant de l'exégèse néoplatonicienne du Verset de la Lumière par le chi'ite Qāḍī Saʽīd Qummī ( http://www.brepolsonline.net/doi/abs/10.1484/M.BEHE-EB.4.01186 ; cet article se trouve dans un ouvrage que je possède), j'ai réalisé qu'en 6 ans, nous n'avions jamais ouvert de fil de discussion sur ce verset coranique pourtant si important.
Je vous propose donc de renouer ici avec une approche du Coran depuis trop longtemps délaissée sur ce forum : regrouper ce qui en est dit, mais aussi pour les musulmans qui le souhaitent, nous partager des récitations qui leur plaisent, nous dire ce que ce verset signifie pour eux, la place qu'il occupe éventuellement dans leur vie spirituelle, etc.
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...S'il me manque l'amour, je suis un métal qui résonne, une cymbale retentissante (1 Cor XIII, 1)
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Re: Le Verset de la Lumière
اللَّهُ نُورُ السَّمَاوَاتِ وَالأَرْضِ
ۚ مَثَلُ نُورِهِ كَمِشْكَاةٍ فِيهَا مِصْبَاحٌ ۖ الْمِصْبَاحُ فِي زُجَاجَة
ۖ الزُّجَاجَةُ كَأَنَّهَا كَوْكَبٌ دُرِّيٌّ يُوقَدُ مِنْ شَجَرَةٍ مُبَارَكَةٍ زَيْتُونِةٍ لاَ شَرْقِيَّةٍ وَلاَ غَرْبِيَّةٍ يَكَادُ زَيْتُهَا يُضِيءُ وَلَوْ لَمْ تَمْسَسْهُ نَارٌ
ۚ نُورٌ عَلَى نُورٍ ۗ يَهْدِي اللَّهُ لِنُورِهِ مَنْ يَشَاءُ ۚ وَيَضْرِبُ
اللَّهُ الأَمْثَالَ لِلنَّاسِ ۗ وَاللَّهُ بِكُلِّ شَيْءٍ عَلِيمٌ
Al-Lahu Nūru As-Samāwāti Wa Al-'Arđi
ۚ Mathalu Nūrihi Kamishkāatin Fīhā Mişbāĥun ۖ Al-Mişbāĥu Fī Zujājatin
ۖ Az-Zujājatu Ka'annahā Kawkabun Durrīyun Yūqadu Min Shajaratin Mubārakatin Zaytūniatin Lā Sharqīyatin Wa Lā Gharbīyatin Yakādu Zaytuhā Yuđī'u Wa Law Lam Tamsas/hu Nārun
ۚ Nūrun `Alá Nūrin ۗ Yahdī Al-Lahu Linūrihi Man Yashā'u
ۚ Wa Yađribu Allāhu Al-'Amthāla Lilnnāsi Wa ۗ Allāhu Bikulli Shay'in `Alīmun
Allah est la Lumière des cieux et de la terre.
Sa lumière est semblable à une niche où se trouve une lampe.
La lampe est dans un cristal et celui-ci ressemble à un astre de grand éclat ;
son combustible vient d'un arbre béni: un olivier ni oriental ni occidental dont l'huile semble éclairer sans même que le feu la touche.
Lumière sur lumière. Allah guide vers Sa lumière qui Il veut.
Allah propose aux hommes des paraboles et Allah est Omniscient
(Coran XXIV, 35)
http://transliteration.org/quran/WebSite_CD/MixFrench/024.asp
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Re: Le Verset de la Lumière
Merci pour cette première contribution
...pour ma part, chacun connaissant ici mon goût pour Ghazâlî, je ne peux que commencer par le Tabernacle des Lumières
Extrait de l'introduction :
...pour ma part, chacun connaissant ici mon goût pour Ghazâlî, je ne peux que commencer par le Tabernacle des Lumières
Extrait de l'introduction :
la suite sur https://fr.scribd.com/doc/247131042/Ghazali-Le-Tabernacle-des-Lumieres-pdfTu m'as demandé (...) de te communiquer les mystères des lumières divines, en interprétant selon I'esprit ce qu'indique la lettre de certains versets du texte coranique et de certains propos de la tradition prophétique. Notamment la parole divine : "Dieu est la Lumière des Cieux et de la Terre..." ; que représentent donc, selon ce symbolisme, " le Tabernacle, "le Verre", la lampe", "l'Huile" et "l'Arbre" ? Ainsi que la parole du Prophète : "Dieu a soixante-dix voiles de lumière et de ténèbres; s'il les enlevait, les gloires fulgurantes de Sa Face consumeraient quiconque serait atteint par Son Regard"
Par cette demande tu te hisses jusqu'à un sommet difficile, trop élevé pour être atteint par les regards, et tu frappes à une porte close, qui ne peut être ouverte qu'aux savants "enracinés solidement dans la connaissance".
D'autre part tout mystère n'est pas dévoilable ni divulgable (...) Mais je pense que la lumière a ouvert ton cœur à Dieu, et que ton âme est pure des ténèbres de l'illusion. Je ne veux pas, en conséquence, te priver de quelques lueurs et clartés utiles en ce domaine et de ce qui peut traduire certaines vérités profondes ou subtiles. Tenir éloignés de la science ceux qui en sont dignes est tout aussi grave en effet que de la communiquer à ceux qui en sont indignes.
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Re: Le Verset de la Lumière
L’interprétation symbolique du verset de la lumière chez Ibn Sīnā
- Spoiler:
- 2- Ibn Sīnā et la théorie des Intellects séparés Comme le souligne Louis Gardet, chez Ibn Sīnā, exégèse et mystique ne sont pas séparées de son système philosophique : « Nous verrions toujours Ibn Sīnā intégrer les valeurs proprement religieuses, et en donner des explications conformes à son système. Nous en avons assez dit, semble-t-il, pour montrer qu’il ne s’agit point là d’un surajouté extrinsèque, et moins encore mesure de prudence et de compromission [. . .]. L’exégèse d’Ibn Sīnā, nous pouvions y attendre, est une exégèse allégorique, disons plus précisément : une exégèse allégorique de mode philosophique »19.
L. Gardet remarque qu’il y a une continuité entre son système philosophique et ses réflexions sur la mystique ou la tradition coranique20. Cette remarque est pertinente dans la mesure où les commentaires d’Ibn Sīnā de certains versets comportent le discours philosophique qu’il a hérité de ses prédécesseurs. De son côté Peter Heath fait l’articulation entre le logos et le muthos chez Ibn Sīnā21, ou bien entre le discours rationnel de la falsafa et le discours “mythologique” de l’énoncé du texte révélé22. Tel est le cas du verset de la lumière commenté à deux reprises : dans al-Išārāt wa-l-tanbīhāt 23 et dans une épître sur la prophétie24. Il est commenté conformément à la théorie de l’intellect et de la prophétie d’après P. Heath25. Le titre complet de l’épître est « Épître sur la preuve des prophéties et l’interprétation de leurs symboles et de leurs exemples » (Risāla fī Itbāt ̱ al-nubuwwāt wa-taʾwīl rumūzihim wa-amtālihim ̱ ). Le titre suggère déjà une interprétation symbolique, c’est-à-dire une entreprise herméneutique (taʾwīl) au-delà de l’explication littérale ou syntaxique des mots. L’objectif préalablement esquissé est de prouver le bien fondé de la prophétie (nubuwwa), une démarche déjà initiée par Fārābī (m. 339/950) en introduisant la falsafa (métaphysique et psychologie) dans l’explication de ce phénomène par ailleurs, le titre met l’accent sur une notion importante dans l’interprétation symbolique. Il s’agit du mataḻ qui trouvera dans le commentaire de Ġ azālī une analyse abondante. On passe alors du simple exemple (« Sa lumière est semblable à ») à une réflexion d’ordre théologique et mystique sur la nature de la ressemblance (tašbīh). Ces considérations doctrinales ont été soulevées par la plupart des commentateurs, toutes disciplines confondues. En ce qui concerne Ibn Sīnā, et pour étayer l’argument de L. Gardet, le verset de la lumière est interprété selon la théorie de l’âme (nafs). Il est hors de propos de s’attarder longtemps sur ce qui constitue la psychologie et la métaphysique d’Avicenne27. Retenons en particulier la théories des Intellects (ʿuqūl, pl. de ʿaql) dont le verset fournit l’explication allégorique.
Dans ce genre de commentaire, on est loin de l’explication terminologique qui cherche les correspondances lexicographiques et syntaxiques. On est également aux antipodes de l’explication anagogique qui donne aux symboles coraniques une teneur ésotérique. Ces symboles sont expliqués à partir d’un impératif doctrinal : ajuster le verset pour qu’il exprime le fond de la pensée d’Avicenne. Comme nous l’avons fait avec les autres exégèses, nous suivrons terme après terme la signification prêtée à chaque symbole du verset, puis nous essaierons de voir la portée épistémologique de ce commentaire. Comme la plupart de ses prédécesseurs (dont Fārābī), Ibn Sīnā doit à la philosophie hellénistique sa vision intellectuelle et cosmogonique du monde28. Dans une grande partie de son œuvre Kitāb al-Šifāʾ, K. al-Nagāť et les Išārāt, sans compter les épîtres, il forge une métaphysique semblable à celle de Platon, d’Aristote et de Plotin, voyant dans l’univers un ordre cosmique géré par des Intellects séparés dans leur réalité essentielle, mais liés à l’âme dans un processus complexe.
Dans la Risāla fī-l-Ḥudūd, un opuscule de définitions philosophiques, il donne plusieurs acceptions du mot intellect (ʿaql ) 29 :
1- la nature saine de l’homme : une faculté grâce à laquelle il distingue le bien du mal.
2- l’acquisition a posteriori de lois universelles : un ensemble de visées mentales comme prémisses au moyen desquelles l’esprit déduit certaines vérités.
3- une disposition profitable à l’homme dans ses mouvements et ses repos. Ces significations communes sont complétées par d’autres acceptions philosophiques30 dont le nombre est de huit : (1) la définition aristotélicienne qui fait de l’intellect un ensemble de concepts (tasawwur ̣ ) et de jugements (tasdīq ̣ ) 31 que l’âme obtient par nature saine ( fitrạ ) ; (2) l’Intellect théorique ou spéculatif (ʿaql nazarī ̣ ) est la faculté de l’âme qui reçoit les quiddités des choses universelles en tant que telles ; (3) l’Intellect pratique (ʿaql ʿamalī) est la faculté de l’âme qui stimule son désir pour connaître les choses particulières dans un but présumé (gestion de la Cité, la politique, etc.) ; (4) l’Intellect matériel (ʿaql hayūlānī) est la faculté de l’âme préparée pour recevoir les quiddités dépourvues de la matière ; (5) l’Intellect habitus (ʿaql bi-l-malaka) est le perfectionnement (entéléchie) de l’intellect matériel au point de devenir une faculté proche de l’acte ; (6) l’Intellect en acte (ʿaql bi-l-fiʿl ) est le parachèvement de l’âme dans une forme quelle qu’elle soit, l’évoquant quand elle la veut ; (7) l’Intellect acquis (ʿaql mustafād) est une quiddité abstraite imprimée dans l’âme par actuation venant de l’extérieur ; (8) l’Intellect agent (ʿaql faʿʿāl) est une quiddité pure dépourvue de toute matière : (a) en tant qu’Intellect, il est une substance formelle en étant par soi une quiddité pure ; (b) en tant qu’Intellect agent, il est une substance qui fait passer l’Intellect matériel de la puissance (quwwa) à l’acte ( fiʿl) en l’irradiant par sa lumière.
Ces significations philosophiques de l’intellect mettent en œuvre leur fonction métaphysique et psychologique : comment s’effectue la jonction (ittisāl ̣ ) entre l’âme (en bas de la pyramide des Intellects) et l’Intellect agent, donateur des formes au sommet de cette pyramide ? C’est en étudiant la nature de cette jonction et sa différence en fonction des Intellects réceptifs des formes qu’Ibn Sīnā commente le verset. Il commence par le mot nūr qui comporte deux acceptions : un sens propre ou essentiel (ḏātī) et un sens métaphorique (mustaʿār). Le premier est la limpidité parfaite (la lumière en tant que forme pure) et le second s’entend en deux sens : le bien et la cause qui mène au bien : « je veux dire que Dieu est un bien en soi et qu’Il est cause de tout bien »32. Cette double signification est évoquée également par Ġazālī dans le Miškāt lorsqu’il parle d’une lumière unique et véritable qui est Dieu et hormis elle tout n’est que métaphore. Ce qui est curieux dans la description avicennienne est d’attribuer à Dieu le sens métaphorique de la lumière.
Cette description va à l’encontre de ce que croient la plupart des exégètes et en particulier les soufis. Le commentaire de Ġazālī contredit en effet cette description, car il place l’aspect virtuel de la lumière du côté des êtres possibles. La lumière en tant que nom et réalité ne se dit que pour Dieu. Ceci a amené le traducteur anglophone du Miškāt W.H.T. Gairdner à y voir les germes de ce qui deviendra plus tard l’unicité de l’être (waḥdat al-wugūď ) faussement attribuée à Ibn ʿArabī. Il faut voir dans la description d’Ibn Sīnā ce que D. Gimaret l’expose par ces mots : « Si Dieu n’est pas lumière au sens propre, il faut donc l’entendre métaphoriquement ».
Comme l’avait remarqué L. Gardet34, la Risāla fī Itbāt al-nubuwwāt ̱ fait état de trois sortes d’Intellects : le matériel (hayūlānī), l ʾhabitus (malaka) et l’acquis (mustafād ). D’autres textes du Nagāť et des Išārāt en recensent quatre dont l’Intellect agent (ʿaql faʿʿāl). Comment transposer les symboles coraniques à la lumière de cette architectonique intellectuelle ?
1 - La niche (miškāt) est l’Intellect matériel (hayūlānī) tourné vers les intelligibles35. Le commentateur des Išārāt, Nasīr al-Dīn T ̣ usī explique davantage en ̣ disant que cet Intellect est obscur en soi (d’où le terme grec hylè qui est la matière première indéterminée), mais il a la prédisposition à recevoir la lumière, tout à fait comme la niche. En obtenant cette lumière de l’Intellect agent, il passe de l’intellect possible (bi-l-quwwa) à l’intellect en acte (bi-l- fiʿl). Il devient un Intellect habitus (bi-l-malaka) comparable au verre. Il obtient ainsi une forme qui le place au-dessus de son état initial.
2 - Le verre (zugāǧ ǎ) qui contient l’huile « est l’Intellect habitus, c’est-à-dire l’Intellect matériel perfectionné au point de devenir une puissance proche de l’acte. C’est sa pureté et sa transparence qui permettent de dire que le verre est semblable à une étoile brillante »36. Cet Intellect perçoit les connaissances a priori ou les intelligibles soit par l’idée ou la réflexion ( fikra) assimilée à l’arbre (l’olivier), soit par l’intuition (ḥads) désignée par l’huile.
La réflexion est caractérisée par l’arborescence et la soif insatiable de chercher les vérités premières par la logique. Il s’agit donc d’un effort spéculatif long et exténuant (raisonnement, déduction, induction, etc.) menant vers des voies multiples et divergentes, à l’instar de l’arbre dont les racines et les branches s’entremêlent. L’intuition, en revanche, saisit directement les vérités grâce à son auto-intellection. Elle est comparable à l’huile, indice de la transparence et de la combustion. Comme si les vérités acquises étaient le feu qui s’embrase dans la tête, indice de l’intelligence vive et elliptique. L’arbre de la réflexion n’est ni de l’orient ni de l’occident « l’orient est le point où la lumière se lève ; il signifie chez l’âme humaine les facultés purement raisonnables, où se lève la lumière au sens absolu. Mais cet orient de l’âme ne peut rien donner s’il n’a pas de matière d’où la lumière peut être tirée. Ainsi l’olivier n’est pas de l’orient. Il n’est pas non plus de l’occident, de l’endroit où la lumière se perd, c’est-à-dire des facultés bestiales, animales, où s’éteint la lumière de l’âme raisonnable »37. La version proposée par L. Gardet détermine plutôt la nature de la réflexion : « L’expression “ce qui n’est pas de l’orient ni de l’occident”, s’entendra de la nature de la réflexion, ni purement rationnelle, ni purement animale »38. Cette conjonction qui sert à nier (ni . . . ni . . .) est aussi affirmative, dans la mesure où l’arbre qui n’est ni de l’orient ni de l’occident peut être les deux en même temps. Autrement dit, l’âme humaine est à la fois rationnelle et animale39.
L’exemple le plus expressif est l’exégèse spirituelle qui réunit les contraires (crainte et espoir, extinction et permanence, etc.) comme nous l’avons vu précédemment.
La remarque de L. Gardet est judicieuse, car la réflexion qui n’est pas rationnelle et/ou animale peut contenir quelque chose d’intuitif comme l’olivier recèle dans ses fruits l’huile destinée à allumer le feu. Traduction : la réflexion ( fikra) comporte quelque chose d’intuitif (ḥads). Si on admet cette explication, on pourrait alors briser les obstacles qui s’interposent entre l’expérience philosophique et l’expérience mystique. Les éléments de ce rapprochement se trouvent dans la classification des sciences procédée par Ibn ʿArabī, lorsqu’il met le mode réceptif de l’intellect dans la branche des sciences du secret (ʿilm al-asrār) 40.
3)La lampe (misbāḥ) est l’Intellect en acte (bi-l-fiʿl ), c’est-à-dire l’Intellect habitus devenu parfait et apte à s’assimiler aux formes intelligibles. Il s’appelle aussi l’Intellect acquis (mustafād ), point de jonction entre l’âme et l’Intellect agent. Il est infusé par ce dernier et imprimé dans l’âme par actuation venant de l’extérieur comme l’huile (l’aspect intuitif de la réflexion) se rajoute à la lampe. L’Intellect agent représente le feu qui illumine davantage. L’huile de la lampe brille par elle-même, mais le feu rend celle-ci encore plus flamboyante, comme l’Intellect agent irradie par sa lumière l’Intellect habitus « Lumière sur lumière ». La lumière de l’Intellect agent s’ajoute à la lumière de l’Intellect habitus pour donner l’Intellect saint (ʿaql qudsī) 41 : « c’est l’intellect humain qui, tout illuminé par l’Intellect agent séparé, devient miroir parfait des formes intelligibles, et tel qu’il se trouve actualisé à un degré éminent chez les prophètes, et par participation, chez les gnostiques : capable aussi bien de la maʿrifa ou connaissance mystique, que du ḥads, éclair d’intuition intellectuelle »42. C’est par l’Intellect saint que se définissent la prophétie et la sainteté. L’ensemble des Intellects séparés et des intelligibles constituent l’Intellect universel (ʿaql kulli) grâce auquel l’Intellect saint des prophètes et des gnostiques reçoit l’illumination parfaite43.
L’usage par Ibn Sīnā des symboles coraniques pour expliquer le phénomène de la prophétie, lui ouvre la possibilité d’employer d’autres notions comme l’ange (malak) dans un système philosophique frappé au sceau du platonisme et du néoplatonisme. Ainsi par exemple son explication de la révélation (waḥy) qui « est une effusion (ifāḍa), et l’ange (malak) est cette puissante effusante reçue [. . .] non par essence, mais par accident. C’est lui [l’ange] qui fait voir le récepteur [le prophète]. Les anges ont été appelés de noms divers à cause de significations diverses, mais l’ensemble est un, indivisé par essence, divisé seulement par accident, à cause de la division du récepteur »44. On comprend, à cet égard, que l’obtention des formes intelligibles varie d’une personne à l’autre, c’est-à-dire en fonction des récepteurs, entre ceux qui perçoivent les sciences par intuition et imagination (mutaḫayyila) 45 en ayant une somme importante de savoirs dans un temps infinitésimal comparable au clin d’œil, et ceux dont l’imagination est défaillante et perçoivent lentement en ayant peu de savoirs dans un parcours laborieux de raisonnement et de déduction. D’après Dimitri Gutas, l’explication avicennienne, qui établit les correspondances symboliques, tente de trouver à chaque métaphore coranique un concept philosophique. Ainsi, le commentaire du verset de la lumière n’est que l’extrapolation de la théorie de l’Intellect46. Cette explication se veut une démarche épistémologique en distinguant, chez les récepteurs, entre le mouvement de l’âme par la réflexion et le pouvoir de l’imagination dans la perception des intelligibles. Le prophète est plus prédisposé à recevoir la révélation que le gnostique ou le commun des hommes en raison du degré élevé de l’effusion divine qu’il perçoit. Il dispose de trois qualités qui le pré- parent à recevoir l’illumination :
1- la lucidité de l’intelligence en recevant l’effusion sans intermédiaire et dans une clarté parfaite.
2- l’imagination en tant que fonction cognitive et séraphique permettant de rendre le grossier subtil pour l’assimiler intellectuellement, et de rendre le subtil grossier pour le voir oculairement : le prophète voit l’ange dans la veille (yaqazạ ).
3- le pouvoir d’influencer la matière ou le monde extérieur par les miracles (muʿgizāt ̌ ) et les prodiges (karāmāt) 47.
Ces vertus peuvent inclure le gnostique (ʿārif ) qui ne se distingue du prophète que par le mode de réception des intelligibles, comme la lumière de la lampe par rapport au soleil. De ce fait, la tentative d’Ibn Sīnā est de dépasser l’aspect rigide et formel de la philosophie en s’ouvrant sur l’expérience mystique. Les textes tardifs des Išārāt ouvrent cette philosophie à la science expérimentale incarnée dans le tasawwuf ̣ . Le passage de la falsafa à cette science gustative a été l’apanage d’un Ġ azālī érudit, encyclopédiste et polé- miste véhément.
Musashi974- Messages : 475
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Re: Le Verset de la Lumière
-Ren- a écrit:اللَّهُ نُورُ السَّمَاوَاتِ وَالأَرْضِ
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Allah est la Lumière des cieux et de la terre.
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Lumière sur lumière. Allah guide vers Sa lumière qui Il veut.
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Je trouve que les explications d'al-Ghazali ou d'Ibn Sina, loin d'éclairer le verset de la lumière, en obscurcissent le sens.
Voici ma compréhension :
Sharqīyatin et Gharbīyatin ne signifient pas oriental et occidental au sens géographique. Ils désignent respectivement l'état d'être apparu et d'être disparu, comme le Soleil à l'Est ou à l'Ouest, ce qui est en plein dans le thème de la lumière.
La comparaison avec l'olivier se justifie par le fait que le feuillage de l'olivier est persistant, notamment résiste à la sécheresse, c'est-à-dire l'état de décadence.
L'arbre béni, c'est-à-dire la bonne parole qui demeure sans changement (Lā Sharqīyatin Wa Lā Gharbīyatin), s'oppose aux arbres maudits, celui de l'obscurantisme (zalim) qu'a bouffé Adam et son imagination délirante (Hawa/Eve), ou celui de Zakkoum aux fruits empoisonnés.
Le produit de cette bonne parole symbolisée par l'huile de l'olivier, éclaire sans être touché par le feu, c'est-à-dire l'état de confusion spirituelle.
Anoushirvan- Messages : 483
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Date d'inscription : 05/05/2016
Re: Le Verset de la Lumière
Le terme nur, communément traduit par «lumière», possède un sens spirituel qui est complètement perdu dans sa traduction littérale en français. Dans le Coran, le symbolisme de la lumière divine est développé dans le passage communément connu sous le nom de Surat an-Nur. S’inspirant de ce passage, dans lequel l’explication du terme nur renvoie à la forme sous laquelle la nature transcendante d’Allah se manifeste dans la création, les chiites développèrent le concept de Nur-i Imamah, qui désigne la réalité profonde de l’imam.[...]le nur se transmet d’un imam à un autre dans une succession directe et ininterrompue et que, pour cette raison, tous les imams ne font qu’un dans leur essence. Ainsi, la nature réelle de l’imam est-elle conçue comme existant au-delà des univers du temps et de l’espace. Si sur le plan de l’histoire, la personnalité de l’imam est importante, sur le plan métaphysique c’est la réalité au-delà de l’histoire qui importe.
Musashi974- Messages : 475
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Date d'inscription : 19/02/2013
Re: Le Verset de la Lumière
De toute façon, n'étant pas musulman, je n'ai aucune leçon à donner sur "le" sens éventuel de ce verset.Anoushirvan a écrit:Je trouve que les explications d'al-Ghazali ou d'Ibn Sina, loin d'éclairer le verset de la lumière, en obscurcissent le sens
Connaissant cependant son importance pour de nombreux musulmans que je rencontre, j'apprécie d'en entendre des interprétations, car je trouve que chacun apporte quelque-chose qui, à mon sens, vaut la peine d'être partagé.
Merci donc pour cette interprétation... et n'hésitez pas à nous faire part éventuellement d'une récitation qui vous touche ?
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Re: Le Verset de la Lumière
Article de commentaire en 5 parties sur le verset "Allah est la Lumière des cieux et de la terre. " :
http://www.teheran.ir/spip.php?article1614#gsc.tab=0
http://www.teheran.ir/spip.php?article1652#gsc.tab=0
http://www.teheran.ir/spip.php?article1665#gsc.tab=0
http://www.teheran.ir/spip.php?article1745#gsc.tab=0
http://www.teheran.ir/spip.php?article1758#gsc.tab=0
http://www.teheran.ir/spip.php?article1614#gsc.tab=0
http://www.teheran.ir/spip.php?article1652#gsc.tab=0
http://www.teheran.ir/spip.php?article1665#gsc.tab=0
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Musashi974- Messages : 475
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Re: Le Verset de la Lumière
Wow ! Merci pour ces liensMusashi974 a écrit:Article de commentaire en 5 parties
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