Jésus et la parfumeuse (Luc 7)
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Jésus et la parfumeuse (Luc 7)
Scène archi-connue en Luc 7 : Jésus, invité à la table d'un pharisien (et on ne signalera aucune agressivité entre eux) voit débouler une femme "de mauvaise vie" qui le parfume en pleurant. Je me demande si je ne suis pas le premier à me dire qu'elle l'a fait forcément avec l'accord du maitre de maison, et même à son instigation. Quoi qu'il en soit, je me suis amusé à reconstituer la scène qui a dû précéder (si cette histoire est vraie, je ne me prononce pas autrement) dans une nouvelle (au sens roman très court) :
- Spoiler:
- Au parfumPalestine, vers l’an 30 (oui, j’ose), une femme voit venir à elle, non sans appréhension mais non sans excitation, un homme qui est de ses voisins mais pas de ses clients. Les salutations vite expédiées, il prononce :
― Tamar, je vais te solliciter…
― Toi ?? Qui l’eut imaginé ? Serait-ce parce que, comme on le prétend, le Messie est arrivé ?? Viens donc, chéri !
Il n’est pas pris au dépourvu, il répond calmement :
― Ne te méprends pas ! Je n’ai pas changé ! Tu ne m’induiras pas en péché !
― Je me disais aussi… mais alors, qu’est-ce que tu me veux ? Ne suis-je pas une méprisable putain à tes yeux ?
― T’imaginerais-tu que nous autres, pharisiens, serions incapable de regarder autrui sans mépriser ? Même Rabbi Shammaï, le plus rigoriste et intransigeant de nos maitres, qui vient de mourir, nous a enseigné la bienveillance envers quiconque ! Un jour, un petit-fils lui est né pendant les fêtes d’Hanoucca. Cela impliquait un rituel, qui lui-même impliquait, s’il l’avait accompli de la façon normale, de déranger sa belle-fille. Or, elle se remettait difficilement de ses couches. Alors, pour ne pas la gêner et ne rien négliger, il a percé une ouverture dans le toit de sa propre maison. Il faut dire qu’il gagnait sa vie comme maçon. Et Rabbi Hillel, qui gagnait la sienne comme bucheron, il a dit un jour : "Ce que tu n’aimes pas qu’on te fasse, ne le fais pas aux autres. C’est toute la Torah et tous les Prophètes, le reste n’est que commentaire. Maintenant, va et étudie !". Enfin, ne serait-ce pas plutôt toi qui te méprises toi-même ? Je sais que tu as un bon fond. Ne t’ai-je pas proposé de t’aider à changer de vie ? Cette proposition tient toujours.
― Ah ! Merci, j’y suis sensible, je te remercie encore. Mais que crois-tu qu’il arriverait ? Une autre me remplacerait et il n’y aurait pas une pécheresse de moins. Tu devrais même considérer que je me dévoue pour le salut de cette autre !
― Et on nous reproche à nous d’être trop subtils ! Enfin, pour le moment, j’ai quelque chose de concret à te demander, et je peux te rétribuer.
― Quoi donc ?
― Je vais te le dire. Cet homme dont tout le monde parle, n’as-tu pas écouté son discours, sur la place ?
― Oui.
― Je ne sais pourquoi, quelque chose m’a poussé à t’observer…
― Tu préfères donc regarder une putain plutôt qu’écouter un tel homme ?
― Cesseras-tu de te mépriser ? Je l’écoutais aussi. Mais toi, ton attitude était un peu étrange. D’un côté, tu avais l’air très émue. Je crois bien t’avoir vue verser des larmes…
― T’imaginerais-tu que nous autres, putains, serions insensibles à la beauté et à la sagesse des paroles ? Je ne suis pas certaine d’avoir compris ni retenu, mais il m’a bouleversée, transportée, vraiment ! Je n’ai pas honte de mes larmes !
― Je te crois. Mais d’un autre côté, tu te cachais, tu ne voulais pas qu’il te voie…
― Ne dit-on pas qu’il est le Messie ? Mes consœurs et moi, n’avons-nous pas tout à craindre d’un Messie ?
― De lui, non.
― Il a donc dit des choses sur nous ?
― Oui, et même que vous pourriez être les premières dans le Royaume.
― Les premières dans le Royaume ??
― C’est la manière des prophètes, ils exagèrent toujours. Mais s’il venait à changer d’avis nous serions nombreux à lui rappeler ses paroles.
― Donc, il est au moins prophète…
― Crois-tu que je ne pourrais pas exagérer, moi aussi, s’il m’en prenait fantaisie ? Je pense d’ailleurs que tu serais également douée pour cet exercice. Tu as la langue bien pendue.
― Tu me vois prophétesse ??
― Disons qu’il faudrait le prouver plus sérieusement, mais qui sait ?
― Est-ce qu’il y en a eu, seulement ? On parle toujours d’hommes.
― Oui, il y en a eu : Marie, sœur de Moïse et Aaron, Déborah, Hulda. Pour revenir à celui qui nous occupe, tu dois donc au moins pouvoir l’approcher sans crainte.
― Serait-ce ce que tu attends de moi, l’approcher ?
― Oui.
― Pourquoi ?
― Pour m’aider à voir si vraiment c’est le Messie…
― Qui suis-je pour en juger ? Suis-je une experte en messies ? Je n’en ai pas eu dans mes clients, ou ils me l’ont bien caché.
― Ne te moque pas.
― Je ne sais même pas si c’est affaire de religion ou de politique, le Messie…
― Peut-être les deux. Mais même pour moi je t’avouerai que c’est flou.
― Et lui, qu’est-ce qu’il en dit ?
― D’après ce que j’en sais, il élude la question. Peut-être qu’il ne le sait pas lui-même. Peut-être qu’il faut l’aider à voir clair en lui.
― De toute façon je n’entends rien ni à la religion ni à la politique. N’est-ce pas toi qui as étudié à fond les Écritures ? Moi, je ne sais même pas lire.
― Ce n’est pas ton avis que j’attends.
― Je me disais aussi…
― Je ne refuse pas non plus de l’entendre. Peut-être même que j’en tiendrai compte.
― Pour le moment je n’en ai pas, sinon que ses propos m’ont transpercé l’âme. Alors quoi ?
― Je vais t’expliquer. Sache d’abord que je l’ai convié à diner, et qu’à ma surprise il a accepté.
― Bien.
― Tu vas aussi venir chez moi…
― Holà ! Ne crains-tu pas pour ta réputation ?
― N’as-tu donc pas appris à écouter jusqu’au bout avant de répondre ?
― Mais si, j’ai appris ! Beaucoup de mes clients ne viennent, et ne me payent, que pour me dire ce qu’ils ont sur le cœur ! Je ne dois pas être mauvaise écouteuse, parce qu’ils reviennent !
― C’est bien, cela peut servir. Quoi qu’il en soit, tu voudras bien me laisser le soin de ma réputation. Mes gens seront prévenus. Tu pourras accessoirement profiter du repas.
― Bien.
― Il faudra t’habiller comme une femme du peuple, pas comme je te vois.
― Donc pas comme une putain. Soit, je préfère. J’ai ce qu’il faut.
― Tu exerceras tes talents…
― Pardon ?? C’est peut-être le Messie et tu voudrais que…
― Tes talents de parfumeuse ! Je te procurerai le produit. Cela fait partie de ton métier, non ?
― Certes, mais je ne comprends vraiment pas. Serais-tu prophète, pour avoir des idées aussi tordues ??
― Ton état t’a rendue effrontée. C’est dans la nature des choses, mais tu devrais essayer de ne pas te moquer. C’est à toi que tu fais du mal. Non, je ne suis pas prophète. Et donc je patauge lamentablement dans le doute, y compris et surtout sur lui. Je crains de me faire avoir par un faux messie comme de passer à côté du vrai. Au minimum, je veux essayer de savoir s’il a vraiment des dons comme on le dit. Donc je veux le tester, sans a priori…
― En me demandant de le parfumer ??
― Oui.
― Pour le coup tu m’inquiètes, sérieusement. Te sens-tu bien ? J’en arrive à me demander si tu ne ferais pas mieux de me solliciter pour…
― Assez ! Ne comprendras-tu donc pas ? S’il est prophète, à plus forte raison s’il est le Messie, il doit deviner quel genre de femme tu es.
― Et donc s’il le devine…
― Je ne dis pas que ce sera forcément suffisant ! Mais c’est nécessaire.
― Supposons que je pleure en sa présence…
― Si c’est sincère, je n’y vois aucun inconvénient. Ce que je ne veux pas, c’est que tu te présentes. C’est sa réaction à lui qui m’intéresse d’abord.
Suite en Luc 7:36-50. La citation de Hillel est dans le Talmud de Babylone, Shabbat, 31a. L’anecdote sur Shammaï est dans la Mishna, Soucca, 28a.
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