Le meurtrier de Sarah Halimi ne sera pas jugé
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Le meurtrier de Sarah Halimi ne sera pas jugé
https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/04/15/le-meurtrier-de-sarah-halimi-ne-sera-pas-juge_6076834_3224.htmlKobili Traoré ne sera pas jugé pour le meurtre de Sarah Halimi. La Cour de cassation a mis fin à quatre ans d’un vif débat médico-légal en rejetant, mercredi 14 avril, le pourvoi formulé par la famille de cette femme, une retraitée parisienne de confession juive âgée de 65 ans, tuée à son domicile parisien en avril 2017, qui contestait l’irresponsabilité pénale de son meurtrier prononcée, en décembre 2019, par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris.
Cette dernière s’appuyait sur trois expertises psychiatriques qui avaient unanimement conclu qu’au moment de rouer de coups la victime, puis de la jeter par la fenêtre aux cris de « Allah Akbar » et « J’ai tué le sheitan », Kobili Traoré, son voisin musulman de 27 ans – qui a reconnu les faits et se trouve actuellement interné en hôpital psychiatrique –, était sous l’emprise d’une « bouffée délirante aiguë » induite par sa consommation de cannabis – jusqu’à quinze joints par jour.
Mais si les deux dernières expertises estimaient que cette bouffée délirante avait entraîné une « abolition » du discernement, excluant automatiquement la tenue d’un procès, la première affirmait que l’abolition « ne [pouvait] être retenue du fait de la prise consciente et volontaire régulière de cannabis en très grande quantité », et qu’il convenait donc de retenir une simple « altération » du discernement du mis en cause, jugé de ce fait « accessible à une sanction pénale ». « Le crime de Kobili Traoré est un acte délirant et antisémite », avait ainsi écrit dans son rapport le psychiatre Daniel Zagury.
Tels étaient le 3 mars, les termes des débats devant la Cour de cassation, qui avaient tourné autour de l’interprétation de l’article 122-1 du code pénal : « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. »
« La loi vise le trouble psychique et non pas la consommation de stupéfiants ou d’alcool », avait plaidé l’avocat Emmanuel Piwnica, qui représentait la famille Halimi, et avait demandé aux magistrats de « reconnaître que l’utilisation de produits stupéfiants ne peut servir de base à une cause d’irresponsabilité pénale » (...)
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Re: Le meurtrier de Sarah Halimi ne sera pas jugé
Réaction du dessinateur Joann Sfar :
https://www.tribunejuive.info/2021/04/16/joann-sfar-les-questions-juives/Ecrire sur le massacre de Sarah Halimi, c'est se condamner aux points d'interrogation. Parce qu'on n'est pas juriste. Et parce qu'on n'est pas psychiatre. C'est se condamner aussi à décrire cette expression qui revient de plus en plus souvent et que je hais "l'émotion de la communauté juive".
Voici les questions que j'entends. J'ignore si elles sont légitimes. Je sais que je me pose les mêmes.
Hier un type ivre et drogué à été condamné à de la prison à la suite d'un procès parce qu'il avait fichu par la fenêtre le chien de sa voisine. Personne n'a dérangé de nombreux contre-experts. Oui il était dans un état délirant. Il a eu un procès et va en prison.
Si quelqu'un est capable d'expliquer la différence entre cette affaire et le massacre de madame Halimi aux juifs de France, et à l'opinion en général, je lui souhaite bon courage.
On ne juge pas les fous. Chacun est d'accord avec ça. Mais.
Pourquoi la presse répète-t-elle depuis hier qu'il y a eu unanimité pour déclarer la folie de l'assassin? Pourquoi fait-on semblant d'oublier le rapport du professeur Zagury qui réfutait la notion d'abolition du jugement? Suis-je dans l'erreur quand j'entends partout que Zagury est un de nos plus grands spécialistes dans ce domaine? (je n'en sais rien).
La prise volontaire et massive de stupéfiants permet-elle vraiment de se soustraire à la justice? Les criminels se chargent tous et souvent avant de passer à l'acte. Entériner cette décision permettrait de vider nos prisons? Les meurtriers de DAESH, gavés de captagon du matin au soir devraient aussi échapper à un jugement? (je n'en sais rien)
Est-il vrai que le meurtrier traitait sa voisine de sale juive régulièrement et des semaines avant le meurtre? (je n'en sais rien)
Est-il vrai que le jour du massacre il est allé successivement chez plusieurs de ses voisins avant de jeter son dévolu sur Madame Halimi? Il était donc assez lucide et pour la reconnaître, et pour l'identifier en tant que juive, qu'il s'est empressé de massacrer en hurlant "Allah Hou Akbar". (je n'en sais rien)
Est-il vrai que dès l'instant où il a vu les policiers il a raconté que c'était pas lui et qu'il était innocent? Il était donc assez lucide pour reconnaître un képi et tenter de se dédouaner du meurtre? (je n'en sais rien)
Est-il vrai, enfin, que la police était dans l'escalier pendant le long calvaire de madame Halimi et a choisi de ne pas intervenir? (je n'en sais rien)
Est-il vrai que depuis l'affaire Ilan Halimi nos institutions ne savent pas quoi foutre avec l'antisémitisme. L'agacement, la gêne est palpable à chaque fois qu'il faut acoller le label "antisémite" sur un crime. J'ai inventé il y a quelques mois un livre d'horreur dans lequel le slogan consensuel devient "sales juifs, nous ne sommes pas antisémites". Je regrette d'avoir visé à ce point juste.
Je répète que j'ignore si ces questions sont légitimes. Je sais aussi que je les entends en boucle depuis hier, formulées par des juifs et par des non-juifs. Par des gens que je n'ai jamais identifiés ni comme des paranoïaques ni comme des excessifs.
L'émotion, à présent. Ou plutôt l'abattement. On fera ce qu'on voudra. On expliquera les décisions tant qu'on voudra. Cette affaire marque un tournant. Ca aussi je l'entends des centaines de fois depuis hier. ET plusieurs personnes m'ont reparlé de Kishinev.
Kishinev fut un pogrom parmi d'autres. Mais les victimes ont été photographiées. Kishinev fut l'occasion d'une onde de choc chez les juifs russes. C'est après Kishinev qu'ils ont quitté massivement la Russie.
C'est ça que j'entends depuis hier. Dans la bouche de gens que je ne croyais pas capables de penser cela.
Les juifs de France savent qu'ils ne représentent qu'un pour cent de la population mais qu'ils constituent cinquante pourcent des agressions racistes du pays.
Les juifs de France ont le ventre tordu depuis Ilan Halimi, Depuis que Mohamed Merah a flingué des enfants à bout touchant à Toulouse. Pourtant l'affaire Sarah Halimi est un déclic.
Depuis hier j'entends de l'abattement. Et des coréligionnaires qui ont la certitude que quoi qu'ils fassent leur avenir sera sombre.
Mon sentiment: les autorités françaises font ce qu'elles peuvent pour protéger les citoyens qui vivent sur notre territoire. Cependant et pour mille raisons il y a une volonté sourde de nier les crimes antisémites. Pour la raison que chacun sait qu'on n'y peut rien. On ne peut pas mettre un flic derrière chaque juif sous prétexte qu'il existe en France des abrutis à qui on répète depuis l'enfance que le juif est cause de tous leurs maux. Je crois que l'envie de massacrer des juifs est plus forte que jamais, je crois que les autorités savent qu'on n'y peut rien. Alors, le déni.
S'acharner sur la cour de cassation n'a pas grand sens selon moi. C'est au moment où la justice a décidé de considérer un fumeur de shit comme irresponsable que tout le pays aurait du être dans la rue. Les stupéfiants, circonstance aggravante lors d'un accident de la route, ou quand on défenestre un chien, mais pas quand on tue une dame juive.
Vous souhaitez convaincre les juifs de France qu'on n'a pas tout fait pour éviter un procès pour crime antisémite? Bon courage!
Tous les points d'interrogation que contient ce texte sont sincères. J'ignore réellement si ces questions sont légitimes ou pas. Et je m'en fous car ça n'a aucune importance à mes yeux. Ce qui compte selon moi, et c'est irréfutable, c'est le tournant.
Je n'ai jamais vu mes coréligionnaires ainsi. Ce que j'entends depuis hier, ce n'est pas l'émotion ou la rage ou le chagrin. C'est le sentiment qu'il n'y a plus rien à faire. La plupart ne vont pas partir. Mais la plupart savent qu'ils courent, davantage que les autres citoyens, le risque de retrouver leur gosse avec une balle dans la tête ou leurs aïeux jetés par une fenêtre. Avec des institutions qui seront tellement embêtées qu'elles se retrouveront, à attendre dans l'escalier pour les uns, à se déclarer inaptes à juger pour les autres.
L'absence de procès du massacreur de madame Halimi marque un tournant pour les juifs de France. Et aucun expert ni juridique ni psychiatrique ne pourront amoindrir l'onde de choc qui se propage depuis hier.
Seule lueur d'espoir? Je crois que les juifs ne sont pas les seuls à éprouver ce désespoir.
Un dernier mot sur la psychiatrie: le folie la plus conne et la plus désespérante que je connaisse. La folie la plus ancienne et la plus irréfutable, c'est la haine des juifs. J'ai toujours dit et écrit que l'antisémitisme ne pouvait se combattre que sur le terrain magique ou psychiatrique car il constitue, par définition, une bouffée délirante. La haine des juifs, comme toute autre forme de racisme, n'a aucun sens. Les milliers de pages perplexes écrites sur l'antisémitisme se heurtent au fait que TOUT dans cette rage, relève de la psychiatrie. Mélange antédiluvien de haine de soi et de certitude de la toute puissance de l'autre. L'antisémitisme devrait être en première page de tous manuels de psychiatrie. J'ai toujours considéré les antijuifs comme des fous dangereux. Mais je ne crois pas que cette folie devrait leur éviter le tribunal.
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Re: Le meurtrier de Sarah Halimi ne sera pas jugé
En confirmant l'irresponsabilité pénale du meurtrier de Sarah Halimi, la justice lui évite la réclusion criminelle. La professeur de droit privé Morgane Daury-Fauveau regrette cette décision et s'inquiète de ses conséquences à terme :
https://www.lefigaro.fr/vox/societe/affaire-sarah-halimi-le-risque-de-recidive-n-est-pas-illusoire-20210416Le 14 avril, la Cour de cassation a rejeté les pourvois formés contre l'arrêt de la chambre de l'instruction du 19 décembre 2020, rendu dans l'affaire Halimi, qui permet à un meurtrier d'échapper aux assises.
Kobili Traoré, 30 ans, sans emploi, au casier judiciaire garni d'une vingtaine de condamnations pour usage et trafic de stupéfiants, vol, violences, outrage et rébellion, a séquestré une famille, puis a pénétré par le balcon voisin chez Sarah Halimi, une dame de confession juive de 65 ans, l'a battue à coups de poing et de pieds pendant une heure avant de la précipiter dans le vide.
Consommateur de stupéfiants depuis son adolescence dans des proportions importantes, Traoré a reconnu fumer une quinzaine de joints par jour depuis une quinzaine d'années et ce, semble-t-il, jusqu'à la veille des faits. La question de sa responsabilité pénale a donc été posée.
La chambre de l'instruction avait considéré, d'une part, qu'il existait des charges suffisantes contre le mis en examen pour retenir le caractère antisémite du meurtre, et d'autre part que cet homme était pénalement irresponsable en raison «d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits», au sens de l'alinéa 1er de l'article 122-1 du Code pénal.
La question de l'abolition du discernement est complexe. Son appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond, mais celle-ci est ici discutable. Pour preuve, les expertises sur ce point divergent. Toutes s'accordent sur l'existence d'une bouffée délirante due à la consommation de stupéfiants, mais la première n'en déduit qu'une altération du discernement, la seconde y voit un épisode aigu inaugural d'une psychose chronique probablement schizophrénique et conclut à l'abolition du discernement, et la troisième considère que le constat de bouffée délirante «oriente» vers une abolition du discernement.
À cet égard, il faut rappeler que le trouble psychique ou neuropsychique doit être en relation causale directe et exclusive avec les faits pour conclure à l'abolition, sinon, seule l'atténuation (qui n'exclut pas la responsabilité pénale) doit, le cas échéant, être envisagée.
Par exemple, le lien causal est direct et exclusif lorsque l'aliéné tue, parce qu'au cours d'une hallucination, il voit se dresser devant lui un ogre qui menace de le dévorer en lieu et place du facteur venu lui apporter son courrier. Il est non discernant, donc pénalement irresponsable. Mais un psychotique qui agresse une vieille dame pour lui arracher son porte-monnaie parce qu'il veut s'acheter des stupéfiants est discernant. Il a appréhendé la réalité et a agi en fonction de celle-ci : il a besoin d'argent pour s'acheter de la drogue, il choisit une personne âgée en incapacité de se défendre. Il est donc pénalement responsable.
Dans l'affaire Sarah Halimi, le caractère antisémite du crime ne fait aucun doute: le mis en examen a récité des sourates du Coran pendant qu'il frappait sa victime juive en criant «Allah akbar», «que Dieu me soit témoin» et «tu vas payer».
Dès lors, l'état psychique de Traoré n'explique pas, à lui seul, le passage à l'acte qui est également mû par l'antisémitisme. On aurait donc dû considérer sa responsabilité pénale.
Même si l'on retient l'existence d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli le discernement, la question se pose de savoir si la cause d'irresponsabilité ne doit pas être exclue lorsque cet état est dû à une faute antérieure de l'agent. Ainsi, l'agent qui s'est enivré ou drogué volontairement serait nécessairement considéré comme responsable: l'intoxication volontaire empêcherait de plaider la folie.
Ce n'est pas la position de la Cour de cassation dans cette affaire. Elle s'en explique en une ligne: «Les dispositions de l'article 122-1, alinéa 1er du Code pénal, ne distinguent pas selon l'origine du trouble psychique ayant conduit à l'abolition du discernement».
Outre que l'affirmation fera sourire les pénalistes qui pourraient faire état de multiples exemples dans lesquels la chambre criminelle s'est montrée plus souple dans l'application du principe d'interprétation stricte de la loi pénale, elle conduit surtout à des incohérences majeures.
En effet l'intoxication volontaire est réprimée, soit directement (délit d'usage de stupéfiants), soit indirectement (conduite en état d'ivresse ou sous l'empire de stupéfiants) et constitue une circonstance aggravante de certains crimes et délits, notamment des violences volontaires et des agressions sexuelles (mais pas de l'homicide volontaire pour une raison que l'on ne s'explique pas). Si Kobili Traoré avait été interrompu dans son acte, si la police était intervenue pendant qu'il rouait de coups sa victime avant de la défenestrer, il aurait probablement été condamné pour violences volontaires aggravées. À moins de considérer - ce qui serait parfaitement inaudible - que des violences volontaires commises sous l'empire d'un état délirant dû à la consommation d'alcool ou de stupéfiants ne sont pas punissables si le discernement est aboli, mais le demeurent, et même sous une qualification aggravée, si le discernement a seulement été altéré par les substances ingérées. En d'autres termes: il est de l'intérêt de celui qui s'intoxique volontairement de ne pas le faire modérément.
Parce que Traoré était drogué et que l'homicide volontaire ne connaît pas la même circonstance aggravante que les violences volontaires, il échappe à la sanction pénale. Aussi, la déclaration d'irresponsabilité pénale dont Traoré bénéficie lui permet d'éviter un procès aux assises et la réclusion criminelle. Il restera donc à l'hôpital psychiatrique. Mais pour combien de temps ? Deux des expertises concluent à l'absence de maladie mentale de Traoré, seule susceptible de justifier un enfermement de longue durée. Lorsqu'il sera sevré, il sera nécessairement libéré. Sauf à faire preuve d'un optimisme béat, qui pourrait croire qu'il se tiendra tranquille et loin de ses démons passés ? Le risque de récidive n'est pas illusoire. Orgueilleuse, la chambre criminelle a voulu s'élever au-dessus de l'opinion publique révoltée. Gardera-t-elle alors sa sérénité ?
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Re: Le meurtrier de Sarah Halimi ne sera pas jugé
Le CRIF ne parle plus que de ça, et hurle : http://www.crif.org/fr/content/editorial-de-francis-kalifat-affaire-sarah-halimi-il-ne-peut-y-avoir-de-droit-sans-justice
Personne, autant que je sache, ne dit que l'auteur était forcément sain d'esprit, forcément pas sous l'empire d'un délire irrésistible. Mais, puisqu'expertises contradictoires il y a, elles auraient absolument dû être confrontées devant une cour d'assises.
Mais n'aurait-on pas peur, pour diverses raisons, de médiatiser encore plus le problème d'un certain antisémitisme qui ne vient plus de l'extrême-droite ? C'est aussi ce que disent ceux qui protestent.
Et au fait, quand je lis Mein Kampf je trouve les passages sur les Juifs parfaitement délirants (le délire, au sens strict, ça veut dire qu'un fantasme incongru prend le dessus sur toute réalité, dans une tension et un déchainement émotionnels extrêmes). Mais sur d'autres sujets il se montre posé voire raisonnable, ce qui rend le livre encore bien plus dangereux.
Personne, autant que je sache, ne dit que l'auteur était forcément sain d'esprit, forcément pas sous l'empire d'un délire irrésistible. Mais, puisqu'expertises contradictoires il y a, elles auraient absolument dû être confrontées devant une cour d'assises.
Mais n'aurait-on pas peur, pour diverses raisons, de médiatiser encore plus le problème d'un certain antisémitisme qui ne vient plus de l'extrême-droite ? C'est aussi ce que disent ceux qui protestent.
Et au fait, quand je lis Mein Kampf je trouve les passages sur les Juifs parfaitement délirants (le délire, au sens strict, ça veut dire qu'un fantasme incongru prend le dessus sur toute réalité, dans une tension et un déchainement émotionnels extrêmes). Mais sur d'autres sujets il se montre posé voire raisonnable, ce qui rend le livre encore bien plus dangereux.
Re: Le meurtrier de Sarah Halimi ne sera pas jugé
Interview de Paul Bensussan (l'un des experts psychiatres) pour mieux comprendre :
https://www.marianne.net/societe/police-et-justice/lun-des-experts-psy-de-laffaire-sarah-halimi-se-defend-lirresponsabilite-penale-simposaitMarianne : Quand et comment êtes-vous intervenu dans le dossier Sarah Halimi ?Quelles ont été vos conclusions ?
- Spoiler:
Paul Bensussan : Le Professeur Frédéric Rouillon, le Docteur Elisabeth Meyer-Buisan et moi-même avons été désignés en collégialité pour effectuer l’expertise psychiatrique de Kobili Traoré. En avril 2018, Madame Ihuellou, magistrat instructeur, nous demandait l’examen psychiatrique et médico-psychologique du sujet, ainsi que l’étude de l’entier dossier. Nous avons rencontré Monsieur Traoré à deux reprises, en mai et juin 2018 à l’UMD Henri Colin (Unités pour Malades Difficiles, où sont internés les patients psychiatriquement dangereux) et rendu notre rapport le 11 juin 2018.
Il n’y a eu aucune dissension au sein du collège. Nous avons conclu (à l’instar des autres experts) à une bouffée délirante aiguë, ici marquée par l’apparition soudaine d’un délire de persécution et de possession de nature satanique. Décrite par Magnan en 1866, la bouffée délirante survient typiquement chez un patient exempt de tout trouble psychiatrique (on parle de « coup de tonnerre dans un ciel serein »). Elle constitue fréquemment un mode d’entrée dans un trouble schizophrénique. Ce trouble est l’un des cas les plus consensuels d’irresponsabilité pénale. Il se caractérise par l’apparition soudaine d’idées délirantes et/ou d’hallucinations et/ou d’un discours incohérent et/ou d’un comportement grossièrement désorganisé pendant plus d’un jour et, par définition, moins d’un mois. Ce délire aigu engendre des bouleversements émotionnels et une note confusionnelle, toutes modifications que nous avons retrouvées dans les auditions de l’entourage de Monsieur Traoré.La problématique était ici le rôle possiblement déclencheur du cannabis. L’existence de délires induits par le cannabis est parfaitement établie et leur séméiologie est très comparable à celle présentée par Monsieur Traoré au moment des faits. Mais les taux sanguins de THC retrouvés chez lui étaient faibles à modérés (peu compatibles avec une consommation massive récente) et les idées délirantes ont persisté longtemps après l’arrêt de l’intoxication, alors même que Monsieur Traoré était hospitalisé et traité par antipsychotiques majeurs. Enfin et surtout, croyant trouver l’apaisement dans le fait de fumer, comme il le faisait régulièrement depuis l’âge de 15 ans, il a sans doute précipité l’évolution d’un trouble dont le cannabis n’a été selon nous qu’un co-facteur et non la cause. Nous avons donc conclu à l’irresponsabilité pénale, tout simplement parce qu’elle s’imposait techniquement ! Ce qui ne revenait pas, faut-il le préciser, à occulter la barbarie du passage à l’acte, et moins encore sa dimension antisémite.
- Spoiler:
Dans les heures qui ont précédé son passage à l’acte, il était halluciné, soliloquait en répondant à des voix imaginaires, inquiétait tout le monde, y compris ses parents, ses voisins maliens qu’il avait séquestrés et qui avaient appelé la police… Il était allé la veille à la mosquée, avait consulté un exorciste, pensait que son beau-père voulait l’empoisonner ou le « marabouter », que l’auxiliaire de vie (d’origine haïtienne) de sa sœur appliquait sur lui des rituels vaudous… Des thèmes et des mécanismes délirants particulièrement riches, une dimension persécutive dominante.
- Spoiler:
C’est en s’enfuyant par le balcon de chez les voisins, alors qu’il se croyait poursuivi par les « démons » qu’il est entré par effraction dans l’appartement de Madame Halimi et que l’enchaînement fatal est survenu. Je l’ai souligné dans le rapport comme à la barre de la chambre de l’instruction : en proie à son délire, à la fois agressif et terrorisé, Monsieur Traoré était au moment des faits un baril de poudre. Mais le judaïsme de Madame Attal, la vision du chandelier à sept branches, ont été l’étincelle. Pour le dire simplement : le crime était celui d’un fou, mais son crime était antisémite car dans son délire, il assimilait les juifs au démon. L’indignation de l’opinion publique et de la communauté tient selon moi à l’idée (fausse) que reconnaître la folie et l’irresponsabilité pénale du meurtrier reviendrait à nier la dimension antisémite de son acte. Il faut à ce sujet rappeler que l’arrêt de la Chambre de l’instruction a retenu la culpabilité de Monsieur Traoré, mais aussi la dimension antisémite de son crime.
En quoi vos conclusions s’opposaient-elles à celles de Daniel Zagury, premier expert psychiatre commis par la justice et pour qui le tueur était pénalement responsable de son acte criminel ?
Tout comme nous (et comme les membres du troisième collège d’experts), le Docteur Zagury a conclu à une bouffée délirante aiguë. Mais à la différence de ses confrères, Daniel Zagury, considérant que la consommation de cannabis avait été délibérée et volontaire, estimait que le sujet avait contribué à l’apparition de son trouble mental et ne pouvait donc être exonéré de sa responsabilité. Il le considérait donc comme partiellement responsable de ses actes, retenant une altération (et non une abolition) du discernement et du contrôle de ses actes. Ce en quoi nous ne pouvions le rejoindre : le sujet n’avait selon nous aucune conscience du fait que le cannabis pouvait le faire délirer, à l’inverse de braqueurs ou de meurtriers sniffant de la cocaïne avant un passage à l’acte, pour se donner « du cœur à l’ouvrage ». Dans ce cas, les toxiques sont alors consommés pour faciliter le passage à l’acte, ce qui n’était pas le cas de Kobili Traoré, submergé par l’efflorescence délirante.Je dois ici relever un raccourci singulier dans cette affaire : le postulat selon lequel le trouble délirant a été induit par le cannabis a été répandu par les médias. Il est évident que la consommation de cannabis, sur un terrain fragile, a pu être précipitante. Mais pour affirmer qu’elle en a été l’unique cause, il faudrait être certain que Monsieur Traoré, s’il ne consommait plus jamais de cannabis, ne délirerait plus jamais. Ce que nul ne sait, hormis peut-être les psychiatres traitants qui en ont la charge depuis quatre ans. Rien ne permet d’exclure l’hypothèse que Monsieur Traoré souffre aujourd’hui d’un trouble psychiatrique chronique, dont la bouffée délirante aiguë aurait été la manifestation inaugurale. Si tel n’était pas le cas, il aurait pu être renvoyé en prison dans l’attente de son procès, et non maintenu dans une structure de soins où les places sont comptées.
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Si l’on comprend bien votre raisonnement, Kobili Traoré ne pouvait pas prévoir que la consommation de cannabis entraînerait une bouffée délirante, donc il n’est pas responsable de ses actes ?
Plus de 70 % des adolescents, de tous milieux sociaux, disent avoir expérimenté la consommation de cannabis. Environ 40 % disent en avoir fumé régulièrement et 10 % sont des consommateurs chroniques. Tous, fort heureusement, ne deviennent pas schizophrènes ! Le risque de schizophrénie est multiplié par deux avec le cannabis qui passe donc de 1 à 2 %, ce que peu de médecins savent. L’image du cannabis, selon moi dangereusement édulcorée, est celle d’une drogue « douce », dont on vante même, aujourd’hui, les vertus thérapeutiques. Faut-il rappeler qu’un ministre de la santé en exercice, il n’y a pas si longtemps, plaidait pour sa dépénalisation ? Comment imaginer qu’un sujet déscolarisé, fumant du cannabis depuis l’âge de 15 ans sans avoir jamais déliré, sache que le cannabis l’expose au risque de schizophrénie ?
Tous les experts s’accordent en effet à dire que Kobili Traoré a été en proie à une bouffée délirante après avoir fumé du cannabis. Il en consommait pourtant régulièrement. Qu’est ce qui explique l’irruption d’une bouffée délirante à cet instant précis ?
Il est impossible de déterminer avec certitude la cause d’une bouffée délirante et il est vrai que le sujet consommait régulièrement du cannabis depuis l’âge de 15 ans, ce qui n’est qu’un facteur favorisant parmi d’autres ; l’épisode délirant peut rester unique, mais c’est un cas de figure théorique, rarement rencontré en pratique clinique. Il est, dans l’immense majorité des cas, une forme de début d’un trouble mental sévère : troubles schizophrénique ou bipolaire.
Les avocats de la partie civile soulignent que Kobili Traoré a menti aux policiers, la nuit des faits, en affirmant que Sarah Halimi voulait se suicider. Cette stratégie n’implique-t-elle pas un degré de lucidité qui va à l’encontre de la bouffée délirante ?
Il ne faut pas confondre un malade mental et un sujet qui n’a plus du tout de cerveau ! Daniel Zagury, pour répondre à cette question, utilise dans son rapport une formule qu’il affectionne : « le délirant ne boit pas le Coca-Cola par l’oreille ». Le crime du sujet psychotique, marqué du sceau de la folie, se caractérise souvent par l’absence de mobile rationnel, de préméditation, l’instantanéité de l’attaque, sa férocité, l’acharnement inutile sur la victime, la multiplicité des coups, mais aussi, une totale indifférence et une absence de remords.
Toutefois, même chez les plus grands psychotiques, la valeur cathartique du passage à l’acte peut se traduire, immédiatement après, par une retombée brutale de la charge anxieuse, un effondrement, avec un retour partiel à la réalité : c’est ainsi que l’on retrouve certains malades mentaux criminels prostrés sur les lieux du crime, ne cherchant pas à fuir ou à se cacher. Se rendant sans doute compte de ce qu’il venait de faire, Monsieur Traoré a ainsi tenté de faire croire que sa victime s’était suicidée, attitude pouvant donner l’illusion d’un stratagème de défense aussi fou que son geste. Mais qui pouvait y croire, alors qu’il venait de s’acharner aussi longuement sur elle, en hurlant ? Ce qui devait nous déterminer pour la juste appréciation de son degré de responsabilité n’est pas son état après l’acte, mais au moment des faits et du déferlement de violence, comme le demande le Code pénal. Et à ce sujet, pas l’once d’une divergence n’existe entre les experts.
S’il n’est pas responsable de ses actes, pourquoi la notion d’antisémitisme a t-elle finalement été retenue au terme de l’instruction ? Ne suppose-t-elle pas une intentionnalité et donc une lucidité ?
C’est l’un des arguments soulevés par le Grand Rabbin de France. Il s’agit là d’une question purement juridique, intellectuellement passionnante, mais que je ne me sens pas autorisé à trancher. Sur le plan psychiatrique, je peux en revanche expliquer que lorsqu’un sujet délire, les thèmes délirants sont bien sûr le reflet de ses croyances, de son éducation, de sa personnalité, mais aussi de l’ambiance sociétale. Il est difficile de nier qu’il existe un antisémitisme arabo-musulman et il n’y a aucune raison de penser que Monsieur Traoré, en pleine bouffée délirante, puisse y demeurer imperméable. L’assimilation des juifs au démon dans son crime et le déferlement de violences et d’insultes sont suffisamment éloquents et se passent de commentaire : un crime peut être fou et antisémite, même si l’enquête n’a pas permis de mettre en évidence, chez Kobili Traoré, des manifestations d’antisémitisme ou de radicalisation antérieures aux faits.
Dans le cas d’un accident de voiture mortel dans lequel le conducteur fautif était ivre, la prise d’alcool est considérée comme une circonstance aggravante. Ici, la prise de cannabis exonère Traoré d’un procès. Comment le grand public peut-il comprendre cette différence ?
Tout conducteur sait que l’alcool augmente le temps de réflexe, diminue la vigilance et est un facteur accidentogène. Il peut donc difficilement s’étonner être considéré comme responsable lors d’un accident, ou d’un passage à l’acte criminel. Le fumeur de cannabis, même s’il n’est pas, comme Kobili Traoré, un délinquant toxicomane, ignore généralement les effets redoutables de ce toxique, dont la banalisation actuelle dissimule la dangerosité. De surcroît, si au-delà de 2 g d’alcoolémie tout conducteur sans exception est à haut risque accidentogène, seule une infime minorité de fumeurs de cannabis développe une bouffée délirante. Le parallèle entre ces deux cas de figure est donc assez artificiel.
Certains dénoncent un « permis de tuer » des Juifs. Que leur répondez-vous ?
L’hésitation initiale à retenir la circonstance aggravante d’antisémitisme, au début de l’instruction, a pu donner à certains l’impression que cette dimension était niée, ou occultée, ce qui aggravait le désarroi et l’incompréhension. Mais je déplore que cette formule stupide et dangereuse, selon laquelle la Justice, en reconnaissant l’irresponsabilité pénale du meurtrier de Sarah Halimi, aurait délivré « un permis de tuer » ait été répandue par des gens informés, parfois même avocats, surfant sur l’émotion populaire ; il en est de même de cette idée obscène qu’il suffirait de « fumer un joint pour tuer une juive, en toute impunité ». De tels raccourcis sont indignes, en particulier lorsqu’ils sont le fait de professionnels du droit.
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Je comprends et partage l’émoi de la communauté juive, atteinte à plusieurs reprises dans les dernières années par des crimes antisémites, commis par des auteurs de mouvance islamiste. Le Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, dont la voix est respectée, a lui-même exprimé son incompréhension et son indignation, après l’audience devant la Chambre de l’instruction comme après l’arrêt de la Cour de cassation, allant jusqu’à parler de « scandale judiciaire ». Il commet selon moi une erreur d’analyse, en affirmant que « soit le meurtre est antisémite, et donc pensé, soit il est l’œuvre d’un irresponsable, et donc non pensé. Mais pas les deux à la fois ». Daniel Zagury comme notre collège avons clairement affirmé que le crime était fou et antisémite et les juges nous ont entendus.
C’est pourquoi je suis choqué lorsque j’entends, au journal de 18 heures de France Inter, le mercredi 14 avril, jour où la Cour de cassation a rendu son arrêt, Amélie Perrier lancer le sujet sans vergogne « L’affaire oppose depuis des années les experts psychiatres à la communauté juive ». Comment peut-on ainsi surfer sur l’émotion en étant aussi caricatural dans le propos ? C’est essentiellement pour faire œuvre de pédagogie que j’ai accepté de répondre à vos questions : je voudrais, en sachant à quel point la tâche est difficile devant une communauté bouleversée, donner un éclairage sur certains raccourcis et contre-vérités médiatiques.
Comprenez-vous que l’absence de procès puisse choquer ?
Naturellement je le comprends. Mais avec les réserves suivantes. Depuis la loi du 25 février 2008, dite « loi Dati », les familles de victimes d’un malade mental criminel ne sont plus privées du débat comme c’était auparavant le cas avec le non-lieu. Une audience publique se tient devant la chambre de l’Instruction en cas d’irresponsabilité pénale : les débats ne portent alors que sur cette question essentielle.Le « non-lieu » qui révoltait autrefois les familles comme l’opinion a bien disparu. Cette évolution législative concilie, au terme d’un débat contradictoire, une reconnaissance de culpabilité et une irresponsabilité pénale.
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À cette audience, qui a eu lieu le 27 novembre 2019 pour Kobili Traoré, assistent les parties civiles, les avocats, les experts et même la presse. Les experts sont entendus et les avocats ne se privent pas de les interroger : l’oralité des débats est essentielle et le débat est de mise. À l’issue de cette audience, la chambre de l’instruction peut soit renvoyer l’accusé devant la Cour d’assises, si les arguments en faveur de l’irresponsabilité pénale lui paraissent insuffisants, soit rendre un arrêt de déclaration de culpabilité et « d’irresponsabilité pénale pour trouble mental ». Le crime reproché au sujet est alors inscrit à son casier judiciaire, la culpabilité est définitivement établie, même s’il est pénalement irresponsable.Une autre réserve est qu’un procès, en particulier lorsqu’il concerne un malade mental criminel, permet rarement la compréhension espérée par les familles de victimes
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Ce qui est conforme au principe éthique de toutes les démocraties judiciaires, remontant au Droit romain, selon lequel les malades mentaux ne peuvent être condamnés. On ne juge pas les fous, c’est ainsi, et c’est l’honneur de la Justice comme de la psychiatrie. Citons à ce sujet Yves Lemoine, magistrat, historien : « Jamais, dans notre civilisation, on n’entendit les fous, même pour les crimes les plus atroces (...) Faire comparaître un dément, c’est renier le fondement même de notre civilisation ».
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le crime du sujet psychotique est par définition irrationnel et incompréhensible. Sa compréhension échappe à tous, et à l’auteur lui-même. Elle est de plus possible devant la Chambre de l’instruction, pas uniquement et pas davantage devant une Cour d’assises.
Le dossier étant particulièrement sensible, vous avez vous-même subi des attaques personnelles. Pouvez-vous nous en parler ?
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J’ai été particulièrement atteint et personnellement visé par les reproches et l’incompréhension d’une partie de la communauté juive. J’en ai été peiné, mais aussi indigné : le fait qu’un expert soit juif devrait-il influencer sa lecture d’un crime ou délit ? Dans cette hypothèse, aurait-il fallu ne désigner que des experts non-juifs ? C’est aussi absurde qu’offensant et ce serait pour le coup, presque de l’antisémitisme ! En tout cas de la discrimination… La particularité était que je recevais ces reproches sur mon lit d’hôpital. Ayant subi peu après l’audience un grave accident de moto, qui aurait pu et dû être fatal, j’étais polytraumatisé, sortant du coma et de la réanimation lorsque j’ai entendu Maître Francis Szpiner, avocat des parties civiles, et donc auxiliaire de justice tout comme moi, me traiter de « Diafoirus de la médecine » sur un plateau de télévision. Entendre un avocat que j’estimais me traiter d’imposteur ou de charlatan, autrement dit manier l’invective ou l’injure, au seul motif que mon rapport n’a pas eu l’heur de lui convenir, fut une expérience singulière. Je ne pouvais évidemment rien répondre : d’une part parce que mon état ne le permettait pas, mais aussi et surtout parce que l’affaire n’était juridiquement pas close et que j’étais tenu à un devoir de réserve. Ce d’autant que bien qu’habitué aux joutes oratoires, ouvert à la contradiction et au débat, je ne me suis jamais départi d’une exigence de courtoisie.
Il m’a cependant été facile de prendre mes distances : ces querelles d’ego me semblaient dérisoires au regard de la tragédie que vivait la famille de Sarah Halimi et des enjeux juridiques et médico-légaux soulevés par cette affaire.
Kobili Traoré se trouve toujours hospitalisé dans une unité psychiatrique. Pourrait-il ressortir à court ou moyen terme ?
La réponse théorique est positive : une hospitalisation, même sur décision d’un représentant de l’État n’est pas une peine : sa durée n’est donc pas fixée. Lorsque les médias nous disent « l’assassin n’ira pas en prison », l’incompréhension et la colère se conjuguent, le public s’imaginant que l’auteur de ce crime atroce va recouvrer la liberté. Mais en pratique, le public doit comprendre d’une part que l’univers des UMD n’a rien à envier à l’univers carcéral en termes de coercition ; d’autre part qu’une sortie est hautement improbable à court et moyen terme.
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Il faudrait pour cela qu’un collège pluridisciplinaire, incluant le Directeur de l’établissement psychiatrique, considère que Monsieur Traoré ne présente plus de dangerosité psychiatrique. Que deux expertises psychiatriques, ordonnées par le représentant de l’État désignant des experts extérieurs à l’établissement concluent dans le même sens. Et enfin que cette décision soit avalisée par le Préfet.À titre d’exemple, Romain Dupuy, auteur d’un double meurtre en 2005, n’est toujours pas sorti de l’UMD de Cadillac, malgré des expertises favorables. Dans le cas de Kobili Traoré, la peine, si elle avait été prononcée, aurait dû tenir compte de l’altération du discernement et donc être réduite. Ce qui fait que les malades mentaux criminels, s’ils sont condamnés, sortent parfois plus rapidement de prison que s’ils avaient été reconnus irresponsables et internés en psychiatrie. Mais qui le sait ?
Des députés et sénateurs veulent changer la loi pour exclure du champ de l'irresponsabilité pénale les individus ayant consommé du cannabis. Qu’en pensez-vous ?
Une commission se penche actuellement sur la question, j’ignore la teneur de ses conclusions. La question est complexe, et concerne plus le législateur que le psychiatre, d’autant qu’il faut différencier l’ivresse cannabique, où la drogue a un effet précipitant de premier plan, du rôle favorisant du cannabis dans le déterminisme multifactoriel d’un trouble psychotique où se mêlent facteurs psychologiques, neuro-développementaux, génétiques, sociaux… sans qu’il soit aisé de préciser le poids respectif de ces différents paramètres.
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Il ne faut toutefois pas méconnaître la nature même de la maladie mentale, qui pousse les sujets psychotiques à consommer des toxiques, même s’ils sont informés de leur dangerosité, ou encore à interrompre des traitements qui leur sont indispensables. Que faire devant un schizophrène en rupture thérapeutique qui commet un crime ? L’opinion est prompte à se révolter, mais ces débats méritent sagesse, sens de la nuance et technicité.
Je l’ai souvent dit : le doute, en expertise, est une qualité professionnelle et il faut se méfier des experts dogmatiques ou péremptoires. Le doute : cet « état d’esprit intermédiaire entre l’ignorance et la certitude… »
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>> Mon blog change d'adresse pour fuir la pub : https://blogrenblog.wordpress.com/ <<
Re: Le meurtrier de Sarah Halimi ne sera pas jugé
En attendant, le CRIF continue à s'indigner, et signale que cette indignation devient mondiale : http://www.crif.org/ (c'est donc leur page d'accueil, pas besoin de chercher un article).
Un peu partout on trouve la conclusion que, pour les juges, la consommation de produits psychotropes illicites (voire licites, alcool), circonstance aggravante en général (pour les délits routiers ou sexuels par exemple), ne l'est plus s'il s'agit de tuer des Juifs...
Un peu partout on trouve la conclusion que, pour les juges, la consommation de produits psychotropes illicites (voire licites, alcool), circonstance aggravante en général (pour les délits routiers ou sexuels par exemple), ne l'est plus s'il s'agit de tuer des Juifs...
Re: Le meurtrier de Sarah Halimi ne sera pas jugé
Et un appel de Boualem Sansal, qui aurait dû être lu mais ne l'a pas été à la manif du Trocadéro : &een=ba79ec1bcf448782539f535421f84cba&seen=6&m_i=9%2BD90hO7c8sm%2BMNJAfSse5CM1Ekc8JPQz8n_hFRQe%2BHzfQl7H6jSclVmD_kSvKrvmnBEQrS2iI42_DdteAiBzJj4Cd0gMEaK9n]https://www.lefigaro.fr/vox/societe/boualem-sansal-l-affaire-sarah-halimi-nous-oblige-a-refuser-ce-statut-que-les-islamistes-nous-imposent-20210426 Extrait : "La colère et la honte nous broient le cœur plus que jamais auparavant. Il y a eu d'autres crimes, contre des juifs et des chrétiens, ils nous ont profondément touchés mais nous avons pu retrouver un semblant de sérénité car tous ces crimes ont vu leurs auteurs le payer d'une manière ou une autre, pourchassés et abattus par les forces de l'ordre, tels Merah, Coulibany, Anzorov, ou arrêtés et lourdement condamnés par la justice, tels le sinistre Fofana et sa bande de barbares. Le crime contre Sarah Halimi, lui, reste impuni, la justice française en a décidé ainsi. L'assassin est officiellement autorisé à poursuivre son œuvre de haine et de mort".
Même si ce n'est pas totalement exact, c'est largement compris ainsi.
Même si ce n'est pas totalement exact, c'est largement compris ainsi.
Re: Le meurtrier de Sarah Halimi ne sera pas jugé
Une explication possible que je découvre, pour ce qu'elle vaut, il ne fallait surtout pas de procès parce qu'il aurait forcément mis en évidence la lenteur de la police à intervenir, sur décision du préfet. Source au moins pour le moment : https://www.facebook.com/AlainLegaret/posts/157455236381802
Un commentateur explique ou suppose que du moment où on avait entendu crier "Allahu Akbar" il fallait attendre la cellule anti-terroriste.
Un commentateur explique ou suppose que du moment où on avait entendu crier "Allahu Akbar" il fallait attendre la cellule anti-terroriste.
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