Abus sexuels dans l'Eglise : rapport McCarrick et rapport Sauvé
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Re: Abus sexuels dans l'Eglise : rapport McCarrick et rapport Sauvé
Je n'ai pas compris le départ de pauline, bien que je me souvienne de mon exaspération à la voir toujours répondre à côté de la question posée. je sais bien que j'ai été très dur. Mais elle m'avait aussi traité d'apostat, ce qui en disait long sur la main de fer dans un gant de velours. Elle avait choisi une position très inconfortable : répondre par des arguments linguistiques et socio-culturels assez spécieux et des circonvolutions — une immense culture ! — à des questions d'exégèse dérangeantes pour l'orthodoxie la plus rigide mais parfaitement cernées depuis longtemps, alors que seule sa foi nouvelle comptait et qu'elle se fichait au fond du contenu de la phrase grecque — et surtout qu'il lui était impossible d'admettre que des considérations théologiques et sociologiques des années 80 ou 90 passent au milieu de récits datant des années 28-30. Bon je m'égare. Souhaitons qu'elle veuille revenir.
Les évêques ont réagi comme leurs prédécesseurs, comme toute la hiérarchie, comme toutes les hiérarchies : pas de scandale, pas de drame, rien qui puisse affaiblir l'Église ; et d'ailleurs, ne s'agissait-il pas souvent à leurs yeux de péchés ponctuels ? les témoignages étaient-ils si graves ? des attouchements, qu'est-ce donc au juste ? On peut porter un jugement plus sévère à partir des années 95, quand la gravité se précise, la répétition est patente, le prêtre gravement mis en cause, et les dégâts psychiques et spirituels d'une ampleur inimaginable. Voilà, je pense une pensée équitable, surtout venant de moi, qui ai été manipulé assez gravement par des dominicains chez qui je suis resté 9 ans et qui ne pensaient qu'au pouvoir qu'ils avaient sur de jeunes garçons — toutefois rien de sexuel.
Ren, nous sommes gens à nous parler, et même à nous comprendre, puisque nous savons tous deux que l'univers spirituel invisible dépassera toujours le visible matériel.
Les évêques ont réagi comme leurs prédécesseurs, comme toute la hiérarchie, comme toutes les hiérarchies : pas de scandale, pas de drame, rien qui puisse affaiblir l'Église ; et d'ailleurs, ne s'agissait-il pas souvent à leurs yeux de péchés ponctuels ? les témoignages étaient-ils si graves ? des attouchements, qu'est-ce donc au juste ? On peut porter un jugement plus sévère à partir des années 95, quand la gravité se précise, la répétition est patente, le prêtre gravement mis en cause, et les dégâts psychiques et spirituels d'une ampleur inimaginable. Voilà, je pense une pensée équitable, surtout venant de moi, qui ai été manipulé assez gravement par des dominicains chez qui je suis resté 9 ans et qui ne pensaient qu'au pouvoir qu'ils avaient sur de jeunes garçons — toutefois rien de sexuel.
Ren, nous sommes gens à nous parler, et même à nous comprendre, puisque nous savons tous deux que l'univers spirituel invisible dépassera toujours le visible matériel.
Jans- Messages : 3566
Date d'inscription : 21/03/2018
Re: Abus sexuels dans l'Eglise : rapport McCarrick et rapport Sauvé
J'ai tendance à penser qu'on est passé d'une sous-estimation dommageable à une surestimation, dramatisation et diabolisation, qui finissent pas être tout aussi dommageables, enfoncer la victime plus qu'elles ne l'aident. Je parle par expérience personnelle de victime, il y a longtemps (en n'oubliant quand même pas qu'il y a des degrés, que la victime peut se retrouver avec l'anus ou le vagin physiquement esquinté à vie).Jans a écrit:Les évêques ont réagi comme leurs prédécesseurs, comme toute la hiérarchie, comme toutes les hiérarchies : pas de scandale, pas de drame, rien qui puisse affaiblir l'Église ; et d'ailleurs, ne s'agissait-il pas souvent à leurs yeux de péchés ponctuels ? les témoignages étaient-ils si graves ? des attouchements, qu'est-ce donc au juste ? On peut porter un jugement plus sévère à partir des années 95, quand la gravité se précise.
Mais l'Eglise ne peut pas se permettre de tenir un tel discours.
Re: Abus sexuels dans l'Eglise : rapport McCarrick et rapport Sauvé
Je ne vois pas en quoi on peut enfoncer la victime par des mots prononcés des années après ce qu'elles ont subi : Elles ont eu un choc, physique, psychique (relatif ou important), existentiel : qui suis-je pour avoir laissé faire cela ?' S'ajoute la culpabilité, le cas échéant, d'avoir eu une jouissance sexuelle.qui finissent pas être tout aussi dommageables, enfoncer la victime plus qu'elles ne l'aident. Je parle par expérience personnelle de victime, il y a longtemps (en n'oubliant quand même pas qu'il y a des degrés, que la victime peut se retrouver avec l'anus ou le vagin physiquement esquinté à vie).
Spin a raison quand on omet de préciser le dommage, car pédocriminalité peut couvrir la main qui plonge dans la culotte pour caresser, le prêtre qui embrasse sur la bouche, qui masturbe et/ou se masturbe, ou, le pire, qui pénètre le jeune et jouit. Mais il est tellement difficile de le dire et de l'accepter comme ce qui vous est arrivé... Le dommage psychique pour la vie entière peut être énorme.
Jans- Messages : 3566
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Re: Abus sexuels dans l'Eglise : rapport McCarrick et rapport Sauvé
Moi, je le sais (même si en l'occurrence il s'agit plutôt de lecture, mais je pense que des paroles peuvent avoir le même effet). Il y a aussi des psys prédateurs qui ont intérêt à ce que l'enfant, ou l'ex-enfant, soit traumatisé(e) pour traiter et faire durer le traitement.Jans a écrit:Je ne vois pas en quoi on peut enfoncer la victime par des mots prononcés des années après ce qu'elles ont subi : Elles ont eu un choc, physique, psychique (relatif ou important), existentiel : qui suis-je pour avoir laissé faire cela ?' S'ajoute la culpabilité, le cas échéant, d'avoir eu une jouissance sexuelle.
Plus concrètement, le plus violent pour moi n'a pas été l'acte lui-même (indolore, surtout incompréhensible et donc angoissant, mais pas plus que bien d'autres choses) mais de trouver inopinément, dans un livre d'éducation sexuelle (mes parents s'étaient un petit peu défaussés, passons...), une mise en garde contre ces personnes, y compris le conseil de se battre au besoin quitte à prendre des coups parce que "ton honneur vaut bien ce prix-là". Et voilà, j'étais déshonoré. A quoi se sont ajoutées des histoires de femmes suicidées après des viols, et j'ai fait le rapprochement. Quand je dis que l'excès de dramatisation peut enfoncer la victime, ce n'est pas pour rien.
Re: Abus sexuels dans l'Eglise : rapport McCarrick et rapport Sauvé
On s'en doute, pour le comprendre, il vous faudrait réaliser à quel point vous insultez vos interlocuteurs sur ce forum... Mais passons, le sujet ici est autrement plus important.Jans a écrit:Je n'ai pas compris le départ de pauline
Suite des événements depuis mon dernier passage... Tout d'abord, début novembre, un point positif, puisque l'assemblée des évêques a reconnu officiellement que l'institution était en cause :
texte à retrouver avec les mesures proposées sur https://eglise.catholique.fr/wp-content/uploads/sites/2/2021/11/APLourdes-nov-2021-Resolutions-votees-en-assemblee-pleniere.pdfRésolutions votées par les évêques de France le 8 novembre 2021
Les évêques de France ont reconnu
- la responsabilité institutionnelle de l’Église dans les violences qu’ont subies tant de personnes victimes.
- la dimension systémique de ces violences : au sens où elles ne sont pas seulement le fait d’individus isolés, mais ont été rendues possibles par un contexte global. Des fonctionnements, des mentalités, des pratiques au sein de l’Église catholique ont permis que ces actes se perpétuent et ont empêché qu’ils soient dénoncés et sanctionnés.
- que cette responsabilité entraîne un devoir de justice et de réparation, qui ouvre la possibilité de demander pardon en vérité.
À l’écoute des personnes victimes d’abus et instruits par le rapport de la CIASE, les évêques de France ont voulu se mettre sous la Parole de Dieu qui les pousse à agir en prenant les mesures pour que l’Église accomplisse sa mission en fidélité à l’Évangile du Christ (...)
Mais malheureusement, dans le même temps, 8 membres de l'Académie Catholique viennent de sortir un texte qui voudrait nous faire revenir dans le déni des faits, des causes, des responsabilités... bref, balayer le rapport Sauvé :
texte en question à retrouver sur https://lanef.net/2021/11/27/rapport-sauve-une-critique-argumentee-de-membres-de-lacademie-catholique-de-france/Rapport Sauvé : une critique argumentée de membres de l’Académie catholique de France
Huit membres éminents de l’Académie catholique de France ont envoyé au nonce apostolique et aux évêques de France une analyse critique du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE). Ce texte n’était pas destiné à la publication, mais La Croix et Le Monde en ont présenté un compte rendu qui le rend de facto public (...)
...pensée pour les victimes, qu'insulte ce déni si pitoyablement prévisible.
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Re: Abus sexuels dans l'Eglise : rapport McCarrick et rapport Sauvé
Réaction de Jean-Marc Sauvé :
https://www.la-croix.com/Religion/Jean-Marc-Sauve-rien-document-lAcademie-catholique-remet-cause-lanalyse-Ciase-2021-11-27-1201187318Je m’attendais à des attaques contre le rapport de la Ciase et donc je ne suis nullement surpris. Je les pressentais plus précoces et très fortes, en particulier des milieux traditionalistes. C’est venu de l’Académie catholique. La critique de notre rapport est bien sûr légitime. Je l’ai écrit dès son avant-propos. Mais dans ce cas, j’éprouve des sentiments de tristesse, et même d’affliction, car je suis moi-même membre de cette Académie. Les règles du procès équitable et la simple confraternité auraient pu justifier des échanges préalables (...)
Il y a le rapport de l’Académie et le message de transmission de ce rapport aux autorités de l’Église. Le rapport n’est pas spécialement aimable, mais son message de transmission, qui reste secret, est un tissu d’attaques venimeuses assorties d’une injonction à l’Église de ne rien faire « aussi bien en termes de réparation morale et indemnitaire qu’en termes de modification des comportements ou des règles si la vérité objective n’est pas établie ». Cette injonction est particulièrement inconvenante au regard des décisions déjà prises par l’Église et de la modestie de l’argumentation de ces membres de l’Académie catholique. C’est aussi une insulte aux victimes. Les signataires de ce texte ont procédé conformément au pire d’une certaine culture catholique, c’est-à-dire secrètement, sans débat contradictoire et en faisant d’abord de la dénonciation aux autorités. Je le dis d’autant plus volontiers qu’Hugues Portelli m’avait invité mi-septembre à rendre compte du rapport de la Ciase devant les membres de l’Académie le 14 octobre, invitation qu’il a finalement reportée sine die, et sans réelle explication (...)
Dans cette affaire, il y a une première victime, l’Église qui est frontalement attaquée alors qu’elle a pris des décisions courageuses en créant la Ciase, en lui laissant une complète liberté, puis en prenant des décisions sans précédent en novembre. La deuxième victime, ce sont les personnes qui ont subi des agressions sexuelles, qui sont niées, méprisées et prises en otages en dépit de quelques précautions oratoires. La troisième victime, c’est le service de la vérité et, ultimement, c’est l’Académie catholique elle-même qui est confrontée à une vague de démissions sans précédent et qui fait tout pour devenir un groupuscule (...)
Rien, dans ce document, ne me paraît de nature à remettre en cause l’analyse de la Ciase et, en particulier, l’opinion de ceux de ses membres qui escomptaient des résultats différents de l’enquête en population générale – c’est-à-dire un nombre moins important de victimes... En disant cela, je parle de moi en premier lieu. Il faut avoir l’humilité de reconnaître des faits que vous n’attendez pas et qui ne vous plaisent pas.
Cela, nous le démontrerons. Je travaille en ce moment avec mes collègues à une réfutation aussi complète et précise que possible du document de l’Académie catholique. Dans l’immédiat, j’invite cette Académie à entreprendre sans délai, avec toutes les garanties scientifiques requises, une étude sur les violences sexuelles dans notre société et dans l’Église catholique en particulier. J’attends avec sérénité ses résultats.
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Re: Abus sexuels dans l'Eglise : rapport McCarrick et rapport Sauvé
Réaction du P. Stéphane Joulain ( https://centresevres.com/enseignant/stephane-joulain/ ) :
Comme chercheur et spécialiste de la question de la prévention des agressions sexuelles sur mineurs dans l’Église, j’ai été très surpris de la réaction de certains membres de l’académie catholique de France.
Je suis très surpris pour plusieurs raisons.
Premièrement, je suis très surpris que les auteurs du texte aient eu le temps de lire et d’analyser les 548 pages du rapport de la Commission Sauvé et les 455 pages du rapport de l’INSERM/EHESS ainsi que les 612 pages du rapport de l’EPHE sans oublier les plus de 200 pages des autres annexes. Ce sont donc un peu plus de 1800 pages de documentation parfois très techniques que les auteurs de ce texte affirment avoir analysées avec sérieux. Difficilement crédible.
Deuxièmement, l’analyse et la critique scientifique nécessitent une rigueur, une méthodologie propre à l’épistémologie de chaque discipline, qui est totalement absente du texte en question. On n’évalue pas une étude sociologique comme un texte de philosophie ou un texte de loi, qui semble être les compétences de la majorité des auteurs de ce texte. Par conséquent, la crédibilité scientifique de ces auteurs pour pouvoir analyser ces documents est fortement compromise.
Troisièmement, l’absence totale de débat contradictoire, alors qu’il devait avoir lieu au sein de ladite académie et a été annulé par son président, est assez claire sur les intentions des auteurs de ce papier. L’absence de publications scientifiques dans des revues savantes, démontre bien la nature de la démarche des auteurs de ce texte à savoir : une réaction émotionnelle dépourvue de toute valeur scientifique n’ayant pour autre visée qu’une attaque pseudoscientifique à caractère apologétique. En d’autres temps on aurait appelé cela de la délation tel que défini par le Robert à savoir : « Dénonciation inspirée par des motifs méprisables. »
Quatrièmement, nous devons aux personnes victimes d’analyser les données de ces rapports avec sérieux. Cela demande du temps et du calme, que ne permet souvent pas le temps médiatique, plus enclin à générer des microdrames que de faire avancer la connaissance.
Donc, que les personnes qui ont de réelles compétences reconnues par leurs pairs s’investissent dans l’analyse de ces données, qu’elles puissent présenter à la communauté scientifique les résultats de leurs analyses, et non pas utiliser des techniques d’un autre temps.
La recherche, pour être crédible, a ses exigences que les auteurs de ce papier ont oubliées ou sciemment ignorées.
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Re: Abus sexuels dans l'Eglise : rapport McCarrick et rapport Sauvé
Réaction de René Poujol (ancien directeur de la rédaction de Pèlerin Magazine) :
https://www.renepoujol.fr/rapport-sauve-le-front-du-refus/Depuis la publication du rapport de la Ciase, le 5 octobre dernier, on voit ici et là un front du refus tenter de s’organiser non seulement dans les milieux intégristes mais également parmi une frange de catholiques parfaitement intégrés à l’Eglise de France (...) D’une certaine façon, le long texte accusateur signé par huit membres de l’Académie catholique de France vient clarifier la situation. Ce texte comporte trois erreurs majeures. Celle de lier le caractère « systémique » du scandale pédocriminel au seul chiffrage des victimes, celle de se réfugier derrières des arguties juridiques pour restreindre l’étendue des responsabilités et des indemnisations dues aux victimes, enfin celle de contester à une commission indépendante le droit de sortir des cadres strictement ecclésiaux. Avec ce paradoxe qu’aux yeux de l’opinion publique, ce brûlot fait du coup apparaître l’engagement des évêques et des supérieurs et supérieures de congrégations religieuses comme particulièrement responsable et courageux.
Le 25 novembre la Croix révélait que huit membres de l’Académie catholique de France avaient adressé au pape François, accompagné d’une lettre tenue secrète, un texte de quinze pages « sans concession sur le rapport de la Ciase ». Un texte publié sous la seule responsabilité des signataires parmi lesquels le Président de l’Académie, sans consultation ni information préalable de ses autres membres parmi lesquels les principaux artisans et soutiens du rapport Sauvé ( Cef et Corref) qui, du coup, ont annoncé leur démission immédiate (...)
La caractère “systémique » des agressions ne tient pas au nombre des victimes
- Spoiler:
On le sait, le coup de massue du rapport de la Ciase est venu du chiffrage des victimes sur la période 1950-2020. Il est estimé à 216 000 mineurs agressés par des prêtres, diacres et religieux, porté à 330 000 si l’on y ajoute les victimes de laïcs en responsabilité pastorale dans des structures d’Eglise. Le rapport de la Ciase précisant bien qu’il ne s’agit pas là d’un groupe d’individus identifiables mais d’une extrapolation statistique à partir d’un échantillon représentatif de la population. Avec un risque d’erreur reconnu de plus ou moins 50 000. Le chiffrage est contesté par les académiciens. Ils relèvent que sur les 28 010 personnes enquêtées par l’Ifop, seules 118 ont déclaré avoir été agressées par un clerc ou un religieux, et 53 par un laïc. Dès lors « en raison de la faiblesse de l’échantillon (171 victimes) il n’est pas possible d’extrapoler » à une population adulte de 47 millions de personnes. Et l’estimation corollaire de 63 victimes par abuseur leur paraît « invraisemblable ». On doit pouvoir à la fois, entendre les explications méthodologiques largement développées dans le rapport de l’INSERM qui a supervisé l’enquête et considérer qu’il y a, néanmoins, à éclairer plus avant l’articulation des évaluations victimes/prédateurs. Car cette polémique ne disparaîtra pas d’un coup de baguette magique ou en se réfugiant derrière des arguments d’autorité.
En revanche, c’est dans la conclusion qu’ils tirent de cette contestation des chiffres que les signataires du texte commettent leur première erreur. Ils écrivent : « L’évaluation disproportionnée de ce fléau nourrit en effet le discours sur son caractère « systémique » et fait le lit des propositions pour mettre à bas l’Eglise-institution. » Or ce ne sont pas les chiffres qui fondent le caractère systémique des violences subies par les victimes mais bien l’analyse structurelle des modes de fonctionnement de l’institution qui, au fil des décennies, ont rendu possible ces agressions, leur multiplication, leur occultation et leur impunité avec pour corollaire une indifférence criminelle à l’égard des victimes. Cette analyse est aujourd’hui largement documentée dans nombre d’ouvrages qui font référence dont celui de Marie-Jo Thiel.(3)
C’est bien ce caractère « systémique » que le pape François met en exergue dans sa Lettre au peuple de Dieu d’août 2018 lorsqu’il dénonce le cléricalisme comme source première de ces dérives criminelles. Autant d’éléments qui conduisent le Président de la Cef, Mgr Eric de Moulins Beaufort, à écrire le 29 novembre dans une tribune à La Croix qui se veut une réponse aux accusations : « Il importe de comprendre que ce n’est pas tant face aux chiffres accablants établis par la Ciase et que discutent certains que les évêques se sont décidés à assumer la responsabilité institutionnelle de l’Église et à parler de dimension systémique. » Même analyse de la part de la présidente de la Corref Véronique Margron : « Que la projection soit discutée, qu’elle soit de 200 000 victimes estimées plutôt que de 300 000 ou de 400 000, cela ne change rien… La dimension systémique tient au fait que des agresseurs ont pu agresser pendant trente, voire quarante ans, qu’ils aient été couverts par leur hiérarchie, parfois même que celle-ci se soit rendue complice.»
L’irresponsabilité de tous et de chacun opposable aux victimes
- Spoiler:
Pour les signataires du texte, les recommandations de la Ciase concernant notamment la responsabilité collective et systémique de l’institution ainsi que la nécessaire réparation des torts subis – trois recommandations retenues par la Cef et la Corref – procèdent d’une méconnaissance des dispositions juridiques qui ont cours en droit français et les rendraient inopérantes. Chacun pourra se reporter à cette partie, assez technique, de leur démonstration.
Pour faire bref : l’Eglise n’étant pas une personne juridique elle ne serait tenue par aucune « responsabilité » civile l’obligeant à indemniser qui que ce soit et donc à sacrifier son patrimoine ; les prêtres diocésains n’étant pas les « préposés » de l’évêque ces derniers ne sauraient être inquiétés pour leurs manquements éventuels ; le secret de la confession étant garanti par la loi aucun prêtre ne saurait être poursuivi pour non dénonciation ; les associations diocésaines qui gèrent le denier de l’Eglise ayant pour unique objet de financer le culte ne sauraient contribuer à une indemnisation des victimes ; la prescription jouant également en matière civile, on ne pourrait pas indemniser pour des faits prescrits ; quant à la notion d’obligation naturelle, développée par le rapport de la Ciase, elle ne saurait être fondée sur un principe de solidarité. Or le pape François écrit précisément dans sa Lettre aux Peuple de Dieu déjà évoquée : « Nous voulons aujourd’hui que la solidarité, entendue dans son acception plus profonde et exigeante, caractérise notre façon de bâtir le présent et l’avenir. » Bref on dit compatir avec les victimes pour peu qu’elles n’exigent rien d’autre que ce que leur garantit notre législation pénale.
Des arguties juridiques qui pourraient se retourner contre l’Eglise
- Spoiler:
Ici l’erreur ne provient pas d’une mauvaise lecture des disposition juridiques applicables mais du sentiment donné qu’elles seraient immuables et à l’abri de toute remise en cause. Les auteurs ont d’ailleurs bien perçu l’objection qui écrivent : « Le rapport de la CIASE affirme que « l’institution ecclésiale doit (…) mesurer qu’en tout état de cause, il est possible, voire probable, que le législateur intervienne pour tirer les conséquences du drame des violences sexuelles commises dans l’ensemble de la société, afin de mettre en place des mécanismes d’indemnisation pesant notamment sur les institutions et collectivités dans lesquelles se sont produits les dommages. » Mais on a peine à comprendre comment le législateur pourrait établir une responsabilité au titre de faits très anciens prescrits ou commis par des personnes décédées entretemps. » Sauf que ce n’est pas là le seul domaine où le législateur puisse intervenir.
Dans une tribune au Monde, du 25 novembre, titrée de manière volontairement provocante « Dissolvons l’Eglise catholique ! » le philosophe Vincent Cespedes illustre très précisément l’hypothèse de changements législatifs rendus, selon lui, nécessaires par la lutte contre la pédocriminalité dans l’Eglise. Il prend deux exemples. A propos du secret de la confession, jugé absolu par l’Eglise et garanti par la loi, il écrit : « N’est-il pas enfin temps de sortir de cette situation kafkaïenne en modifiant les articles du code pénal pour rendre obligatoire la violation du secret de la confession ? » Une manière d’affirmer que la société civile, responsable du respect des droits de l’enfant en tant que victime avérée ou potentielle, est légitime à intervenir pour leur défense là où l’Eglise faillirait, au motif de privilégier la rédemption du pécheur !
Concernant les Associations diocésaines, il écrit : « En France, l’exercice des cultes est assuré par des associations cultuelles ou des associations loi 1901, exception faite de l’Eglise catholique, qui bénéficie d’un statut associatif propre : l’association diocésaine (1923). (…) Dissoudre l’Eglise catholique en France signifie donc, très simplement : supprimer le statut particulier et injuste de l’association diocésaine et faire basculer la gestion de l’ensemble du culte catholique vers des associations cultuelles. »
Or les catholiques de France sont dans une totale ignorance des lois qui régissent les liens, notamment financiers, entre l’Etat et les différentes religions. Ils ne se rendent même pas compte de la réalité de la menace. Il suffirait d’une majorité parlementaire sensible aux exigences d’une opinion publique « remontée » contre l’immobilisme de l’Eglise catholique en matière de lutte contre les dérives en tout genre. Ce qui, Dieu merci, grâce aux récentes décisions prises, n’est précisément pas le cas ! Une évidence qui semble échapper aux signataires du texte.
Des recommandations reconnues comme légitimes par les catholiques voire par les autorités religieuses elles-mêmes.
- Spoiler:
En troisième lieu, les académiciens reprochent à la Ciase d’avoir pris prétexte de son statut de « commission indépendante » pour se situer résolument de manière extérieure à l’institution ecclésiale et s’affranchir de ses références à la fois juridiques, morales et doctrinales. Ce qui la conduit à intégrer parmi ses recommandations, des dispositions qui ne sont pas de sa compétence. Je cite : « Le texte de la CIASE n’est pas seulement l’étude analytique d’un phénomène, car il contient aussi des « recommandations » ou « préconisations » qui exigent de l’Eglise catholique des changements pastoraux et doctrinaux. » Le texte poursuit : « Il est certes permis d’ignorer les principes qui la régissent, ou de leur être indifférent ou hostile, mais on ne nourrit pas alors la prétention de lui « recommander » des réformes. » D’où leur conclusion : « Les recommandations d’une Commission sans autorité ecclésiale ni civile ne peuvent être qu’indicatives pour guider l’action de l’Église et de ses fidèles. Certaines pourraient s’avérer ruineuses pour l’Église. (…) C’est à elle seule, dans sa synodalité, qu’il revient d’entreprendre librement et dans l’esprit des actions lancées depuis vingt ans, les réformes nécessaires pour retrouver son honneur et sa légitimité. »
C’est oublier que nous ne sommes plus en situation de chrétienté, que l’Eglise catholique se situe dans la société dont elle tire nombre d’avantages, notamment financiers, qu’elle est tenue par les lois communes et ne peut refuser de rendre compte de modes de fonctionnement possiblement attentatoires au droit des personnes. C’est oublier qu’aucun croyant ne peut vivre durablement dans une situation de schizophrénie : citoyen libre et responsable dans une société démocratique dont il partage nombre d’approches liées à la liberté d’expression, l’égalité hommes-femmes ou l’autonomie de la sexualité et membre d’une communauté religieuse où tout cela lest contesté au nom d’un « argument d’autorité » et d’un mode d’exercice du pouvoir dont les fondements théologiques sont aujourd’hui questionnés. C’est oublier que parmi les recommandations de la Ciase qu’ils contestent, plusieurs ont été d’ores et déjà validées par les évêques et les supérieures et supérieurs de congrégations religieuses qui incarnent l’autorité légitime. C’est oublier enfin que les quarante-cinq recommandations de la Ciase sont précisément perçues par nombre de catholiques comme exprimant leurs désirs de réformes pour l’Eglise au point d’en faire, pour certains d’entre eux, leur contribution à la consultation synodale engagée par le pape François.
Confusion dramatique entre défense de l’institution et défense de l’Eglise
A lire le texte des huit membres de l’Académie catholique, on a le sentiment d’une confusion entre défense de l’institution et défense de l’Eglise. Comme si l’urgence était moins l’annonce de l’Evangile que le maintien de structures et de modes de fonctionnement immuables. Reste qu’il appartient à l’Eglise d’engager elle-même courageusement les réformes nécessaires, au regard du droit des personnes, au risque de se les voir imposer de l’extérieur avec l’assentiment de l’opinion et de catholiques eux-mêmes, exaspérés de ne pouvoir se faire entendre en interne. Il est vrai que certaines de ces réformes dépendent du Magistère romain et de la volonté – ou non – du pape François de les prendre en considération. C‘est pourquoi on sait gré à Mgr de Moulins Beaufort d’avoir déclaré sans ambiguité « Je suis déçu du report de l’audience accordée par le Saint-Père aux membres de la Ciase. » Bref, contre les accusations portées par quelques intellectuels catholiques, l’épiscopat réaffirme son soutien au processus engagé par le rapport Sauvé.
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Re: Abus sexuels dans l'Eglise : rapport McCarrick et rapport Sauvé
https://www.lavie.fr/idees/editos/vous-nen-avez-pas-marre-89008.php« Vous n’en avez pas marre ? »
Certes, c’est une réaction minoritaire, mais elle est désormais systématique. À chaque nouvel article ou enquête traitant des trop nombreuses affaires d’emprise et violences sexuelles qui défigurent l’Église catholique, une petite musique revient : les médias y dédieraient trop de place, feraient mieux de « parler de ce qui va bien », sont soupçonnés de sensationnalisme (...)
Commençons par répondre clairement : si, nous aussi, nous en avons marre. Journalistes de presse chrétienne, souvent nous-mêmes croyants, nous avons plus d’une raison d’être intimement affectés par ces sujets. Ainsi, ce n’est jamais par plaisir que nous les abordons, mais par solidarité avec les victimes et conviction que, quand le silence a été si longtemps de mise, seule la vérité est digne de l’ÉvangileEn effet, nous en avons assez des scandales. Et il y a quelque chose de décourageant – désespérant ? – à ne pas savoir si nous approcherons un jour de la fin des révélations (à peine avions-nous publié notre dossier sur les Mep que Mediapart pointait les « yeux fermés » de l’évêque d’Angoulême, Hervé Gosselin, à propos du Foyer de charité de Tressaint).
- Spoiler:
C’est aussi pour cela que nous avons voulu, dans le cas des Mep, travailler pour la première fois en coordination avec nos confrères de La Croix et de Famille chrétienne : parce qu’aucune logique de concurrence, a fortiori aucune recherche de scoop, ne saurait prévaloir dans ces affaires qui abîment jusqu’au visage du Christ que l’Église, notre Église, est censée annoncer.
Longtemps, le monde chrétien a reproché aux médias de monter en épingle « des cas isolés ». L’ampleur du phénomène étant désormais difficile à nier, le déni change de forme et d’accents : « D’accord, nous avons compris, passons à autre chose… » Les agresseurs et ceux qui les couvrent n’en attendent pas moins. Ce n’est pas qu’une prise de conscience, c’est sans doute le devoir, la mission dégoûtante d’une génération entière.
Ce travail, qui n’échappe ni aux erreurs ni aux critiques, s’accomplit en laissant une grande place au doute. Excès de transparence ? Nous n’écrivons pourtant – après avoir lourdement pesé le pour et le contre – qu’une petite part des faits présumés qui nous sont rapportés, et qui nous semblent nécessaires pour comprendre (...)
Mais que faire d’autre, quand les témoignages de victimes continuent d’affluer ? Quand, parfois, c’est la police elle-même qui, d’impuissance, les renvoie vers la presse ? Quand seul le courage de celles et de ceux qui parlent permet de libérer enfin la parole des autres ? Quand des responsables ecclésiaux glissent, en privé, espérer que nous « sortirons » bientôt telle affaire « pour pouvoir enfin agir » (...) Sortir les poubelles n’a jamais été ni une passion ni même une vocation, c’est un service dont on s’acquitte par nécessité d’hygiène. On pourrait aussi bien dire : par charité élémentaire. Voilà pourquoi « en avoir marre » n’est, vraiment, pas la question.
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