Le "business" de la détention des migrants
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Le "business" de la détention des migrants
https://histoireetsociete.wordpress.com/2017/01/16/la-detention-des-migrants-un-business-en-pleine-expansion/Les centres de détention administrative de migrants sont de plus en plus nombreux en Europe et à ses frontières. Ils sont aussi de plus en plus privatisés, avec des conséquences négatives sur les conditions d’hébergement et les conditions de travail des employés, et plus largement sur le respect des droits et de la dignité humaine. En témoigne la récente révolte de migrants dans le centre de Cona, en Italie. De l’autre côté, des entreprises privées nationales ou multinationales profitent d’un marché estimé à un milliard d’euros par an.
Dans les premiers jours de janvier 2017, un groupe de migrants africains a retenu pendant quelques heures les employés du centre de détention de Cona, dans la région de Venise en Italie, et mis le feu à des meubles. Ils protestaient contre la surpopulation du centre, qui hébergeait alors environ 1500 personnes, et contre les mauvaises conditions d’accueil. La révolte a été déclenchée par le décès au centre de Sandrine Bakayoko, une Ivoirienne de 25 ans. Malade depuis plusieurs jours, elle n’aurait pas été pris en charge à temps.
Comme c’est souvent le cas en Italie, le centre de détention de Cona était géré par une « coopérative », appelée Ecofficina, qui faisait déjà l’objet d’une enquête administrative. La structure a en réalité très peu à voir avec l’économie sociale et solidaire ; Ecofficina semble avoir été créée expressément pour capter l’argent public consacré à la détention des migrants, sur fond de connivences politiques. Déjà en 2014, le scandale « Mafia Capitale » avait mis en lumière le rôle de la mafia dans le secteur des centres de rétention en Italie, et la complicité de certains politiques (...)
Un rapport publié par Migreurop il y a quelques mois, intitulé La détention des migrants dans l’Union européenne : un business florissant, dresse un tableau alarmant. On comptait en 2015 260 centres de détention de migrants dans l’Union européenne, à quoi il faut en ajouter une centaine hors des frontières communautaires. Ce qui représente une capacité d’accueil théorique (largement dépassée dans les faits) de 50 000 personnes, et un budget de près d’un milliard d’euros par an (...)
Mis à part au Royaume-Uni, qui dans ce secteur comme dans d’autres a poussé très loin la logique de privatisation, les centres de détention restent généralement gérés formellement par les pouvoirs publics, mais une partie de plus en plus importantes des « services » qu’ils impliquent (entretien, restauration, hôtellerie, voire accueil et conseil) sont sous-traités à des entreprises. Les prestataires sont encore souvent des entreprises nationales, mais de grands groupes internationaux spécialisés commencent à émerger. Des multinationales comme G4S, Serco ou Geo ont pris leur essor grâce aux privatisations britanniques et ont étendu leurs activités ailleurs dans le monde, comme en Australie, aux États-Unis, et désormais en Grèce pour G4S. La française Sodexo s’est également impliquée dans le secteur, vu comme une extension de ses activités dans les prisons. Gepsa, filiale d’Engie déjà très présente sur le marché de la détention des migrants (comme sur celui des prisons) en France, est également devenue leader en Italie à travers son partenariat avec l’« association culturelle » Acuarinto, et en proposant des tarifs de 20 à 30% inférieurs à ceux de ses concurrents.
En France, beaucoup de grands noms du CAC40 sont impliqués dans la détention des migrants. Outre Engie via sa filiale Gepsa, Bouygues est un autre acteur majeur du secteur, chargé de la construction des centres de rétention dans le cadre de contrats de PPP. En 2010, quatre travailleurs sans-papiers employés sur un chantier par une filiale du groupe de BTP ont été arrêtés par la police et placés en détention… dans le centre même qu’ils avaient contribué à construire. Veolia (pour le centre de rétention de Strasbourg) et Vinci (pour ceux de Marseille et de Sète) sont également sur le créneau, de même que le groupe de restauration collective Elior ou l’entreprise de nettoyage Onet (...)
Dans le centre de détention de Rome, le modèle « low cost » proposé par Gepsa et Acuarinto pour obtenir le marché se serait notamment traduit par « une diminution de l’assistance psychologique auprès des détenus et de l’argent de poche qui leur est distribué, ainsi que par des manquements en matière de restauration et de santé ». La course à la réduction des coûts a également des conséquences sur les conditions de travail, comme l’a rappelé le mouvement social des employés du centre de rétention du Mesnil-Amelot en 2013. Enfin, la logique de privatisation renforce également la situation de non-droit dans laquelle se trouvent déjà de fait les migrants détenus, en diluant les responsabilités entre pouvoirs publics et prestataires privés. Illustration : G4S n’a pas du tout été inquiétée par la justice britannique suite à la mort de Jimmy Mubenga (...)
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