Le tombeau des hommes intègres et des prophètes
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Le tombeau des hommes intègres et des prophètes
Il y a très longtemps que je m’interroge sur le sens de cette déclaration de Jésus :
« Malheureux, vous qui bâtissez les tombeaux des prophètes, alors que ce sont vos pères qui les ont tués. Ainsi vous témoignez que vous êtes d'accord avec les actes de vos pères, puisque, eux, ils ont tué les prophètes et vous, vous bâtissez leurs tombeaux. » (Lc 11, 47-48)
Je me suis toujours demandé si Jésus avait raison de voir un « accord » entre les actes des pères et leurs descendants puisque les uns – les pères – ont assassiné les prophètes, alors que les autres - leurs descendants - les honorent en leur bâtissant une sépulture …
Mais l’actualité m’a fait voir, je crois, les choses sous un angle plus concret.
Michel Rocard qui vient de décéder. Il est salué « unanimement comme un homme d’Etat qui a marqué la vie politique française par sa fidélité à ses idéaux, son intégrité et la liberté de parole. » (La Croix. 04 juillet 2016). Un homme politique intègre, non sectaire et qui ne dérive pas au gré de la mode du temps est-il suffisamment rare pour justifier cette ola « unanime » de la classe politique ou bien y a-t-il d’autres motifs moins avouables ? D'autres grands serviteurs de l'Etat n'ont-ils pas aussi amplement mérité ces honneurs ?
Bien plus, Michel Rocard ce véritable homme intègre sera gratifié d’hommages républicains à répétition et du témoignage ému et filial en direct sur les chaînes d’information d’hommes politiques vraiment très hauts placés :
On nous précise même où seront répandues ses cendres pour être rapproché de « sa dernière épouse » (sic) !
La présente critique ne concerne en rien Michel Rocard que j’apprécie plutôt, mais elle vise la mise en scène, le battage médiatique autour de cette figure de « grand homme d’Etat » que nos médias et l’ambiance du temps veulent nous faire gober tout à coup.
D’autant que la personnalité de Michel Rocard ne s’est jamais durablement imposée et que son exercice du pouvoir ne s’est pas fait sans de multiples grincements au sein même de ses « amis ». Dans le ballet rapide de l’émission d’information de la soirée que je regarde, se succèdent Michel Rocard qui aurait dit : « Mitterrand n'était pas un honnête homme », un grognard de mitterrandisme qui répond méprisant : il (Michel Rocard) « a manifestement pété les plombs. J'ai de la peine pour lui. », puis un autre homme intégré père de l’abolition de la peine de mort pour servir de caution au grognard et faire bonne mesure. La mythologie républicaine assaisonnée de mesquineries entre « copains », quoi ! Tout cela me donc laisse finalement une impression navrante !
C’est là que je commence à avoir de la peine, moi, pour « l’homme intègre » dont tout le monde après coup chante les louanges, mais dont - en secret - beaucoup ont délibérément essayé de torpiller, puis enrayer la carrière. Son deuil est, certes, utilisé pour combler la vacuité actuelle de la scène politique, mais remue aussi pas mal de culpabilité « en général » et probablement pas mal de souvenirs coupables « en particulier ».
L'actualité politique dans sa réalité complexe me pousse donc à poser une question. La hâte à lui bâtir cet « hommage national », un peu démesuré à mon goût, la hâte à vouloir le brandir en icône de ce monde politique, de cette société désabusée et sans repères n’a-t-elle pas pour motifs que beaucoup sont en réalité soulagés d’avoir à subir un gêneur de moins ?
Cette interprétation mise sur l’hypocrisie immémoriale des hommes et en particulier des puissants – bien que la paragraphe n’emploie pas ce mot. Le paragraphe (Lc 11, 37-53) mentionne néanmoins la forte opposition entre " l’intérieur " et " l’extérieur ", c’est-à-dire en quelque sorte le double langage de ces pharisiens et « praticiens connaisseurs » de la Loi (scribes et légistes).
Jésus aurait donc signifié selon moi l'accord de fond entre les pères meutriers et leurs descendants de la façon suivante : « Vous qui bâtissez les tombeaux des prophètes » parce que - en réalité - vous êtes trop content d’en être débarrassés, « ainsi vous témoignez que vous êtes d'accord avec les actes de vos pères ».
J'avoue ne pas avoir su décider dans quelle rubrique je pouvais mettre cette question sur l'Evangile qui est aussi un billet d'humeur ! Admin, peux-tu m'aider ?
« Malheureux, vous qui bâtissez les tombeaux des prophètes, alors que ce sont vos pères qui les ont tués. Ainsi vous témoignez que vous êtes d'accord avec les actes de vos pères, puisque, eux, ils ont tué les prophètes et vous, vous bâtissez leurs tombeaux. » (Lc 11, 47-48)
Je me suis toujours demandé si Jésus avait raison de voir un « accord » entre les actes des pères et leurs descendants puisque les uns – les pères – ont assassiné les prophètes, alors que les autres - leurs descendants - les honorent en leur bâtissant une sépulture …
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Mais l’actualité m’a fait voir, je crois, les choses sous un angle plus concret.
Michel Rocard qui vient de décéder. Il est salué « unanimement comme un homme d’Etat qui a marqué la vie politique française par sa fidélité à ses idéaux, son intégrité et la liberté de parole. » (La Croix. 04 juillet 2016). Un homme politique intègre, non sectaire et qui ne dérive pas au gré de la mode du temps est-il suffisamment rare pour justifier cette ola « unanime » de la classe politique ou bien y a-t-il d’autres motifs moins avouables ? D'autres grands serviteurs de l'Etat n'ont-ils pas aussi amplement mérité ces honneurs ?
Bien plus, Michel Rocard ce véritable homme intègre sera gratifié d’hommages républicains à répétition et du témoignage ému et filial en direct sur les chaînes d’information d’hommes politiques vraiment très hauts placés :
Une cérémonie au temple protestant va être organisée dans les jours qui viennent, suivie d'un hommage national jeudi midi, aux Invalides, à Paris, présidé par François Hollande, puis d'un hommage au siège du PS, autour du 11 juillet. Une minute de silence est par ailleurs prévue lundi soir à la mairie de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), dont Michel Rocard fut longtemps maire. Ce dimanche matin, François Hollande s'est rendu à la Pitié-Salpêtrière pour rendre un hommage personnel à Michel Rocard et saluer sa famille, a indiqué l'entourage du chef de l'État. Le Premier ministre Manuel Valls devait faire de même à la mi-journée pour saluer celui qu'il considère comme son « père en politique », auprès duquel il travailla à Matignon »
http://www.lepoint.fr/politique/la-gauche-pleure-michel-rocard-le-modernisateur-realiste-03-07-2016-2051533_20.php
On nous précise même où seront répandues ses cendres pour être rapproché de « sa dernière épouse » (sic) !
La présente critique ne concerne en rien Michel Rocard que j’apprécie plutôt, mais elle vise la mise en scène, le battage médiatique autour de cette figure de « grand homme d’Etat » que nos médias et l’ambiance du temps veulent nous faire gober tout à coup.
D’autant que la personnalité de Michel Rocard ne s’est jamais durablement imposée et que son exercice du pouvoir ne s’est pas fait sans de multiples grincements au sein même de ses « amis ». Dans le ballet rapide de l’émission d’information de la soirée que je regarde, se succèdent Michel Rocard qui aurait dit : « Mitterrand n'était pas un honnête homme », un grognard de mitterrandisme qui répond méprisant : il (Michel Rocard) « a manifestement pété les plombs. J'ai de la peine pour lui. », puis un autre homme intégré père de l’abolition de la peine de mort pour servir de caution au grognard et faire bonne mesure. La mythologie républicaine assaisonnée de mesquineries entre « copains », quoi ! Tout cela me donc laisse finalement une impression navrante !
C’est là que je commence à avoir de la peine, moi, pour « l’homme intègre » dont tout le monde après coup chante les louanges, mais dont - en secret - beaucoup ont délibérément essayé de torpiller, puis enrayer la carrière. Son deuil est, certes, utilisé pour combler la vacuité actuelle de la scène politique, mais remue aussi pas mal de culpabilité « en général » et probablement pas mal de souvenirs coupables « en particulier ».
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L'actualité politique dans sa réalité complexe me pousse donc à poser une question. La hâte à lui bâtir cet « hommage national », un peu démesuré à mon goût, la hâte à vouloir le brandir en icône de ce monde politique, de cette société désabusée et sans repères n’a-t-elle pas pour motifs que beaucoup sont en réalité soulagés d’avoir à subir un gêneur de moins ?
Cette interprétation mise sur l’hypocrisie immémoriale des hommes et en particulier des puissants – bien que la paragraphe n’emploie pas ce mot. Le paragraphe (Lc 11, 37-53) mentionne néanmoins la forte opposition entre " l’intérieur " et " l’extérieur ", c’est-à-dire en quelque sorte le double langage de ces pharisiens et « praticiens connaisseurs » de la Loi (scribes et légistes).
Jésus aurait donc signifié selon moi l'accord de fond entre les pères meutriers et leurs descendants de la façon suivante : « Vous qui bâtissez les tombeaux des prophètes » parce que - en réalité - vous êtes trop content d’en être débarrassés, « ainsi vous témoignez que vous êtes d'accord avec les actes de vos pères ».
J'avoue ne pas avoir su décider dans quelle rubrique je pouvais mettre cette question sur l'Evangile qui est aussi un billet d'humeur ! Admin, peux-tu m'aider ?
Roque- Messages : 5064
Réputation : 23
Date d'inscription : 15/02/2011
Age : 80
Localisation : Paris
Re: Le tombeau des hommes intègres et des prophètes
Roque a écrit:
Jésus aurait donc signifié selon moi l'accord de fond entre les pères meutriers et leurs descendants de la façon suivante : « Vous qui bâtissez les tombeaux des prophètes » parce que - en réalité - vous êtes trop content d’en être débarrassés, « ainsi vous témoignez que vous êtes d'accord avec les actes de vos pères ».
J'avoue ne pas avoir su décider dans quelle rubrique je pouvais mettre cette question sur l'Evangile qui est aussi un billet d'humeur ! Admin, peux-tu m'aider ?
Je ne suis pas forcément en mesure de commenter précisément les évangiles, mais je souhaiterais apporter une idée venu du Coran, puisqu'une idée voisine est employée.
On trouve dans le Coran des versets avec cette expression : "ils tuaient sans droit les prophètes", par exemple 2.61.
Mais l'expression en arabe est mot-à-mot : ils "tuent" [verbe qatala au présent, non au passé] les prophètes avec le contraire de la vérité.
En outre que le verbe qatala en arabe ne signifie pas uniquement tuer, mais aussi affaiblir.
Donc la signification correcte de cette expression est : "ils affaiblissent le message des prophètes avec des mensonges".
Après je ne connais pas assez les évangiles pour pouvoir dire si la phrase de Jésus peut se comprendre ainsi.
Anoushirvan- Messages : 483
Réputation : 3
Date d'inscription : 05/05/2016
Re: Le tombeau des hommes intègres et des prophètes
« Malheureux, vous qui bâtissez les tombeaux des prophètes, alors que ce sont vos pères qui les ont tués. Ainsi vous témoignez que vous êtes d'accord avec les actes de vos pères, puisque, eux, ils ont tué les prophètes et vous, vous bâtissez leurs tombeaux. » (Lc 11, 47-48)
Il doit exister de brillantes exégèses avec de brillantes interprétation non?
Mais intuitivement je dirais :
Les orientaux vous parlent d'une chose pour vous parler d'une autre .
Je pense que ce verset parle du tombeau de Jésus qui lui est vide...Jésus, ultime Prophète juif a été tué mais l'on ne peut bâtir de tombeaux sur son corps car il est ressuscité ...on a voulu tuer Jésus pour le faire taire ,mais c'est raté...Construire un tombeau sur Jésus ce serait vouloir couvrir sa parole, l’enterrer . Les fils continuant l’œuvre des pères dans leur tentative de faire taire le message de Jésus.
..
D'une manière générale bâtir un tombeau sur un Prophète c'est pas l’honorer, car pour honorer un Prophète il faut faire vivre son message, le mettre en œuvre, en actes....Ici on a actes contre actes d'une certaine manière!
Moïse n' a pas de tombeau si je ne m'abuse! Cela doit avoir un sens non?
Dieu envoie un Prophète, les pères le tuent , les fils l’honore en faisant un tombeau mais sans tenir compte du message du Prophète..Alors Dieu envoie un nouveau Prophète...et on reccomence ainsi de suite ...jusqu'à ce qu'il envoie Jésus , les pères le tuent respectant la tradition locale , mais Dieu leur fait une blague, Il le ressuscite et leur dit là Je vous ai bien eu , alors vous êtes embêté maintenant , vous faites quoi maintenant ? C'est de l'humour juif!
Idriss- Messages : 7124
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Date d'inscription : 25/05/2012
Re: Le tombeau des hommes intègres et des prophètes
Interprétation audacieuse certes et qui touche quelques points justes à mon avis. Mais la méthode interprétative - je ne sais comment la caractériser - disons " métaphorique ", c'est à dire par par déplacement (*) du sens du texte dans un contexte de sens jugé apparenté est plus que périlleuse ... et pas du tout traditionnelle pour les judéo-chrétiens. C'est quand même un bel essai, je dois le reconnaître - un peu déroutant quand même et amusant.Idriss a écrit:Mais intuitivement je dirais :« Malheureux, vous qui bâtissez les tombeaux des prophètes, alors que ce sont vos pères qui les ont tués. Ainsi vous témoignez que vous êtes d'accord avec les actes de vos pères, puisque, eux, ils ont tué les prophètes et vous, vous bâtissez leurs tombeaux. » (Lc 11, 47-48)
Les orientaux vous parlent d'une chose pour vous parler d'une autre .
Je pense que ce verset parle du tombeau de Jésus qui lui est vide...Jésus, ultime Prophète juif a été tué mais l'on ne peut bâtir de tombeaux sur son corps car il est ressuscité ...on a voulu tuer Jésus pour le faire taire ,mais c'est raté...Construire un tombeau sur Jésus ce serait vouloir couvrir sa parole, l’enterrer . Les fils continuant l’œuvre des pères dans leur tentative de faire taire le message de Jésus.
[...]
Dieu envoie un Prophète, les pères le tuent , les fils l’honore en faisant un tombeau mais sans tenir compte du message du Prophète..Alors Dieu envoie un nouveau Prophète...et on recommence ainsi de suite ...jusqu'à ce qu'il envoie Jésus , les pères le tuent respectant la tradition locale , mais Dieu leur fait une blague, Il le ressuscite et leur dit là Je vous ai bien eu , alors vous êtes embêté maintenant , vous faites quoi maintenant ? C'est de l'humour juif!
[...]
D'une manière générale bâtir un tombeau sur un Prophète c'est pas l’honorer, car pour honorer un Prophète il faut faire vivre son message, le mettre en œuvre, en actes....Ici on a actes contre actes d'une certaine manière!
(*) Le déplacement est le principe de la métaphore dans laquelle on passe du sens propre au sens figuré.
Bonne idée, voici ce que j'ai trouvé pour l'instant :Idriss a écrit:Il doit exister de brillantes exégèses avec de brillantes interprétation non?
1. Interprétation du Père Augustin Calmet, bénédictin (1726) dans un commentaire de Lc 11, 48 :
« Vous avez beau dire que vous condamnez la conduite de vos pères et que c’est par respect pour les prophètes qu’ils ont fait mourir que vous leur bâtissez des tombeaux. Votre conduite dément vos paroles. Vous ne faites que trop voir que vous êtes leurs enfants, et leurs approbateurs, en bâtissant des tombeaux à ceux qui les ont tués. Il y a là une ironie piquante. » (1)
L'idée est que les fils ont construit des tombeaux pour leurs pères ce qui prouvent qu'ils honorent les meurtriers des prophètes. Le segment de verset : " ... puisque, eux, ils ont tué les prophètes et vous, vous bâtissez leurs tombeaux " peut cependant difficilement être compris comme ça. " leurs " se rapporte en effet aux prophètes et non à eux les pères.
2. Interprétation du site hysope de Lc. 11:48
« Vous rendez donc témoignage aux œuvres de vos pères, et vous les approuvez ; car eux, ils ont tué les prophètes, et vous, vous bâtissez leurs tombeaux” : Ils disent publiquement honorer les anciens prophètes, mais ils veulent récupérer au profit de leur clan la gloire de leurs victimes. En fait ils perpétuent le souvenir des crimes commis par ceux dont ils sont les fils spirituels. Etant animés de l'esprit des tueurs de prophètes, ils sont à leur tour des tueurs de prophètes : ils ont laissé tuer Jean-Baptiste, et ils souhaitent la mort de Jésus. Ils sont les descendants spirituels de Caïn, tueur d'Abel, et donc les descendants du diable : Jn. 8:44 “Vous avez pour père le diable, et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement, et il ne se tient pas dans la vérité, parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fonds; car il est menteur et le père du mensonge. ” (2)
Ici l'interprétation s'appuie sur l'idée que ceux qui bâtissent les tombeaux sont hypocrites, sont " animés par le même esprit que les tueurs des prophètes " et sur à une déclaration de Jésus qui rattache les " faux " fils d'Abraham à la descendance spirituelle du père de mensonge, meurtrier depuis l'origine, c'est à dire le diable : " Vous avez pour père le diable, et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement. " (Jn 8, 44). La même idée de descendance corrompue se retrouve dans cette violente apostrophe de Jésus aux pharisiens : " Serpents, engeance de vipères, comment pourriez-vous échapper au châtiment de la géhenne ? C'est pourquoi, voici que moi, j'envoie vers vous des prophètes, des sages et des scribes. Vous en tuerez et mettrez en croix, vous en flagellerez dans vos synagogues et vous les pourchasserez de ville en ville, pour que retombe sur vous tout le sang des justes répandu sur la terre, depuis le sang d'Abel le juste jusqu'au sang de Zacharie, fils de Barachie, que vous avez assassiné entre le sanctuaire et l'autel. En vérité, je vous le déclare, tout cela va retomber sur cette génération. " (Mt 23, 33-36)
3. Recueil de citations des Père de l’Eglise sur Lc 11, 45 -54.
St. Cyrille : « Après avoir condamné les dures pratiques imposées par les docteurs de la loi, le Sauveur étend ses reproches à tous les principaux d’entre les Juifs : « Malheur à vous, qui bâtissez des tombeaux aux prophètes, et vos pères les ont tués ! »
St Ambroise : « Rien de plus fort que ce passage contre la vaine superstition des Juifs qui, en élevant des tombeaux aux prophètes, condamnaient la conduite de leurs pères, tandis qu’ils se rendaient dignes des mêmes châtiments en imitant leurs crimes, car ce qu’il leur reproche, ce n’est pas d’élever des tombeaux, mais d’imiter les crimes de leurs pères. C’est pour cela qu’il ajoute : « Vous témoignez bien que vous consentez aux œuvres de vos pères. »
Bède le Vénérable :« En effet, pour capter la faveur du peuple, ils feignaient d’avoir en horreur l’impiété de leurs pères, en décorant avec magnificence les tombeaux des prophètes qu’ils avaient mis à mort ; mais ils prouvaient assez par leurs œuvres qu’ils étaient complices de l’iniquité de leurs pères, en poursuivant de leurs outrages le Seigneur prédit par les prophètes : « C’est pourquoi, ajoute-t-il, la sagesse de Dieu a dit : Je leur enverrai des prophètes et des apôtres, et ils tueront les uns et poursuivront les autres. »
L'interprétation s'appuie sur un constat qui n'est pas directement dans le texte : les descendants des prophètes " imitent les crimes de leurs pères, poursuivent de leurs outrages [en la personne du] Seigneur prédit par les prophètes " et sur une citation : « Je leur enverrai des prophètes et des apôtres, et ils tueront les uns et poursuivront les autres. » qui est une citation de Jésus, Lui-même (Lc 6, 23). Cette citation a valeur de prédiction, laquelle se réalisera en Jésus, Lui-même. La même thématique se retrouve dans les paraboles des vignerons homicides (Mt. 21, 33-46) et des invités au festin. (Mt 22,1-14).
4. Michée 3 9-12
" Ecoutez donc ceci, chefs de la maison de Jacob, magistrats de la maison d'Israël, qui avez le droit en horreur et rendez tortueuse toute droiture, en bâtissant Sion dans le sang et Jérusalem dans le crime. Ses chefs jugent pour un pot-de-vin, ses prêtres enseignent pour un profit, ses prophètes pratiquent la divination pour de l'argent. Et c'est sur le Seigneur qu'ils s'appuient en disant: " Le Seigneur n'est-il pas au milieu de nous ? Non, le malheur ne viendra pas sur nous. C'est pourquoi, à cause de vous, Sion sera labourée comme un champ, Jérusalem deviendra un monceau de décombres, et la montagne du Temple, une hauteur broussailleuse. " (Mi 3, 9-19)
Ce texte qui dit que la cité de Dieu est bâtie sur le sang, sur l'iniquité des chefs, des juges, des prêtres et des prophètes annonce la ruine de Sion. Il annonce aussi l'interprétation de René Girard présentée dans le post qui va suivre.
- LES LIENS :
1. https://books.google.fr/books?id=Qj9JAAAAcAAJ&pg=PA520&lpg=PA520&dq=vous+qui+b%C3%A2tissez+les+tombeaux+des+proph%C3%A8tes,&source=bl&ots=w84gf-7KeB&sig=qldciiJir18BpEGic44qypSZuK0&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjao5q3o-HNAhWG7xQKHTmfA3UQ6AEINDAF#v=onepage&q=vous%20qui%20b%C3%A2tissez%20les%20tombeaux%20des%20proph%C3%A8tes%2C&f=false
2. http://www.hysope.org/pdfiles/Evang-etude-154C.pdf
3. http://eschatologie.free.fr/bibliotheque/saint_thomas_d_aquin/catena_aurea/evangile_selon_saint_luc/chapitre_11_versets_45_a_54.html
Roque- Messages : 5064
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Re: Le tombeau des hommes intègres et des prophètes
Voici une intéressante réflexion de René Girard tirée de son livre : " Des choses cachées depuis la fondation du monde " (2001). Elle peut certainement apporter quelque chose à l'interprétation de Lc 11, 48 et également à toutes les Malédictions que Jésus lance contre les Pharisiens, violente diatribe qui dépasse largement les Pharisiens, mais vise tout ordre politico-religieux établi et satisfait de lui-même.Idriss a écrit:Il doit exister de brillantes exégèses avec de brillantes interprétation non?
La métaphore du tombeau
Résumé : Le tombeau est une sorte de « métaphore » en ceci qu’il est comparable au fait que l’organisation religieuse et légale de toute société s’arrange pour refouler le meurtre fondateur. Cette « métaphore » a ceci de paradoxal qu’elle témoigne d’une continuité entre la violence des générations passées et la dénonciation dont cette violence fait l’objet chez les contemporains.
Ne pas reconnaître le caractère fondateur du meurtre, soit en niant que les pères aient tué, soit en condamnant les coupables dans le but de démontrer sa propre innocence, c’est accomplir le geste fondateur, c’est perpétuer le fondement qui est l’occultation de la vérité ; on ne veut pas savoir que l’humanité entière est fondée sur l’escamotage mythique de sa propre violence toujours projetée sur de nouvelle victimes. Toutes les cultures, toutes les religions, s’édifient autour de ce fondement qu’elles dissimulent.
Le fait que la « métaphore » s’applique et à la collectivité et à l’individu montre bien qu’il y a beaucoup plus ici qu’une allusion à des tombeaux déterminés [et beaucoup plus qu'une allusion à des interlocuteurs, Pharisiens, déterminés], de même qu’il y a beaucoup plus dans le passage suivant (Mt 23, 27) qu’une appréciation simplement « morale ».
Au fond les individus, comme au fond des systèmes religieux et culturels qui les façonnent, il y a quelque chose de caché, et ce n’est pas seulement le « péché » abstrait de la religiosité moderne, ce ne sont pas les « complexes » de la psychanalyse, c’est toujours quelque cadavre qui est en train de pourrir et qui répand partout sa pourriture. René Girard soutient qu’il y a même une double occultation d’abord l’occultation religieuse à travers les rites sacrificiels qui restent encore assez révélateurs, puis l’occultation post-rituelle des systèmes judiciaires et politiques ou des formes culturelles qui ne laissent plus rien soupçonner du meurtre originel. C’est dans ce sens qu’est interprétée cette idée de Jésus de « ces tombeaux que rien ne signale et sur lesquels on marche sans le savoir. » (Lc 11, 4).
Cette connaissance du meurtre fondateur affleure, certes, dans les grands textes de la Bible et surtout chez prophètes, mais l’organisation religieuse et légale s’arrange pour la refouler. Les Pharisiens satisfaits de ce qui leur apparait comme leur réussite religieuse, s’aveuglent sur l’essentiel et ils aveuglent ceux qu’ils prétendent guider. L’homme n’est jamais qu’une dénégation plus ou moins violente de sa violence. C’est à cela que se ramène la religion qui vient de l’homme, par opposition à celle qui vient de Dieu.
- Spoiler:
Après avoir relu le long paragraphe qui suit, je me suis résolu à le transcrire ici en raison de l'originalité et de la complexité de la pensée de René Girard. Le lecteur pourra se faire une meilleure opinion de l'intérêt de cette thèse.
René Girard : Je retourne maintenant aux Malédictions. Elles nous parlent d’une dépendance cachée à l’égard du meurtre fondateur, d’une continuité paradoxale entre la violence des générations passées et la dénonciation dont cette violence fait l’objet chez les contemporains. Nous sommes là au vif du sujet et à la lumière de ce mécanisme, le mécanisme même qui nous occupe depuis le début de nos entretiens, une grande « métaphore » du texte évangélique s’éclaire. C’est la métaphore du tombeau. Le tombeau sert à honorer un mort mais aussi à la cacher en tant qu’il est mort, à dissimuler le cadavre, à faire en sorte que la mort en tant que telle ne soit plis visible. Cette dissimulation est essentielle. Les meurtres eux-mêmes, les meurtres auxquels les pères ont directement participé, ressemblent à des tombeaux en ceci que, surtout dans les meurtres collectifs et fondateurs, mais aussi dans les meurtres individuels, les hommes tuent pour mentir aux autres et se mentir à eux-mêmes au sujet de la violence et de la mort. Il faut tuer, chose étrange, pour ne pas savoir qu’on tue.
On comprend dès lors pourquoi Jésus reproche aux Scribes et aux Pharisiens d’édifier les tombeaux des prophètes que leurs pères ont tués. Ne pas reconnaître le caractère fondateur du meurtre, soit en niant que les pères aient tué, soit en condamnant les coupables dans le but de démontrer sa propre innocence, c’est accomplir le geste fondateur, c’est perpétuer le fondement qui est l’occultation de la vérité ; on ne veut pas savoir que l’humanité entière est fondée sur l’escamotage mythique de sa propre violence toujours projetée sur de nouvelle victimes. Toutes les cultures, toutes les religions, s’édifient autour de ce fondement qu’elles dissimulent, de la même façon que le tombeau s’édifie autour du mort qu’elle dissimule. Le meurtre appelle le tombeau et le tombeau est le prolongement et la perpétuation du meurtre. La religion-tombeau n’est rien d’autre que le devenir invisible de son propre fondement, de son unique raison d’être.
« Malheur à vous, qui bâtissez les tombeaux des prophètes, et ce sont vos pères qui les ont tués ! Ainsi, vous êtes des témoins et vous approuvez les actes de vos pères ; eux ont tué, et vous, vous bâtissez. » (Lc 11, 47-48)
Eux ont tué et vous, vous bâtissez : c’est l’histoire de toute la culture humaine que Jésus révèle et compromet de façon décisive. C’est bien pourquoi, il peut faire sienne la parole du Psaume 78 : " Je révélerai des choses dissimulées depuis la fondation du monde, apo katabolês kosmou " (Mt 13,35).
Si la métaphore du tombeau s’applique à tout l’ordre humain saisi dans son ensemble, elle s’applique aussi aux individus formés par cet ordre. Pris individuellement, les Pharisiens ne font qu’un avec le système de méconnaissance sur lequel ils se referment en tant que communauté.
On n’ose pas dire métaphorique l’usage qui est fait ici du terme tombeau tellement on est au cœur de la question. Qui dit métaphorique dit déplacement, et il n’y a pas ici de déplacement métaphorique. C’est au contraire à partir du tombeau que s’effectuent tous les déplacements constitutifs de la culture. Beaucoup de bons esprits pensent que c’est littéralement vrai sur le plan de l’histoire humaine saisie dans son ensemble ; les rites funéraires, nous l’avons dit, pourraient bien constituer les premiers gestes proprement culturales. C’est autour des premières victimes réconciliatrices, il y a lieu de le croire, c’est à partir des transferts créateurs des premières communautés que ces rites ont dû s’élaborer. On songe aussi à ces pierres sacrificielles qui constituent le lieu fondateur de le cité antique, toujours associé à quelque histoire de lynchage assez mal camouflée.
Jean-Marie Oughourlian : Il faudrait revenir, ici, à tout ce que nous disions l’autre jour sur tous ces sujets. Il faudrait avoir en mémoire à chaque instant pour saisir la simplicité des hypothèses et la richesse infinie des applications. S’il s’agissait d’une théorie « comme les autres », les rapprochements qu’elle permet, les « homologies » qu’elle révèle, ne manqueraient pas d’attirer l’attention des experts.
René Girard : Les découvertes archéologiques suggèrent, selon la Bible de Jérusalem, qu’on édifiait réellement en Palestine des tombeaux pour les prophètes à l’époque de Jésus. C’est très intéressant et il se peut que cette pratique ait suggéré la « métaphore ». Il serait fâcheux, cependant de limiter les significations que font surgir dans notre texte les divers emplois du terme tombeau à une évocation de cette pratique. Le fait que la métaphore s’applique et à la collectivité et à l’individu montre bien qu’il y a beaucoup plus ici qu’une allusion à des tombeaux déterminés, de même qu’il y a beaucoup plus dans le passage suivant qu’une appréciation simplement « morale » :
« Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui ressemblez à des sépulcres blanchis : au dehors ils ont belle apparence, mais au-dedans, ils sont pleins d’ossements et mort et de pourriture … » (Mt 23, 27)
Au fond les individus, comme au fond des systèmes religieux et culturels qui les façonnent, il y a quelque chose de caché, et ce n’est pas seulement le « péché » abstrait de la religiosité moderne, ce ne sont pas les « complexes » de la psychanalyse, c’est toujours quelque cadavre qui est en train de pourrir et qui répand partout sa pourriture.
Luc compare les Pharisiens non pas à des tombeaux, mais à des tombeaux souterrains, c’est-à-dire à des tombeaux invisibles, à des tombeaux perfectionnés et redoublés, si l’on peut dire, puisque non content de dissimuler le mort, ils se dissimulent eux-mêmes en tant que tombeaux.
« Malheur à vous car vous êtes comme des tombeaux que rien ne signale et sur lesquels on marche sans le savoir. » (Lc 11, 44).
Jean-Marie Oughourlian : Ce redoublement de dissimulation reproduit en somme le mouvement de la différenciation culturelle à partir du meurtre fondateur. Ce meurtre tend à s’effacer derrière des rites directement sacrificiels, car ces rites encore trop révélateurs tendent eux-mêmes à s’effacer derrière des institutions post-rituelles tels les systèmes judiciaires et politiques, ou les formes culturelles, et ces formes dérivées ne laissent plus rien soupçonner de leur enracinement dans le meurtre originel.
René Girard : Il s’agit donc ici d’un problème de savoir toujours déjà perdu, jamais encore retrouvé. Ce savoir affleure, certes, dans les grands textes de la Bible et surtout chez prophètes, mais l’organisation religieuse et légale s’arrange pour la refouler. Les pharisiens satisfaits de ce qui leur apparaît comme leur réussite religieuse, s’aveuglent sur l’essentiel et ils aveuglent ceux qu’ils prétendent guider :
« Malheur à vous, légistes, parce que vous avez enlevé la clef de la science ! Vous-mêmes n’êtes pas entrés, et ceux qui voulaient entrer vous les avez empêchés ! « (Lc 11, 52)
Michel Serres, le premier m’a fait observer l’importance de cette référence à « la clef de la science ». Jésus est là pour remettre aux hommes cette clef. Dans la perspective évangélique, la passion est d’abord la conséquence d’une révélation intolérable pour ses auditeurs, mais elle est aussi, et plus essentiellement encore, la vérification en actes de cette même révélation. C’est pour ne pas entendre ce que proclame Jésus que ses auditeurs se mettent d’accord pour se défaire de lui, confirmant par là l’exactitude prophétique des « malédictions contre les pharisiens ».
C’est pour expulser la vérité au sujet de la violence qu’on se confie à la violence :
« Quand il fut sorti de là, les scribes et les pharisiens se mirent à lui en vouloir terriblement et à le faire parler sur une foule de choses, lui tendant des pièges pour surprendre une parole sortie de sa bouche. » (Lc 11, 53)
L’homme n’est jamais qu’une dénégation plus ou moins violente de sa violence. C’est à cela que se ramène la religion qui vient de l’homme, par opposition à celle qui vient de Dieu. En l’affirmant sans la moindre équivoque, Jésus enfreint l’interdit suprême de tout ordre humain et il faut de réduire au silence. Ceux qui s’unissent contre Jésus le font pour soutenir la présomption arrogante qui fait dire : « Si nous avions vécu du temps de nos pères, nous ne nous serions pas joints à eux pour verser le sang des prophètes. »
La vérité du meurtre fondateur s’inscrit dans les paroles de Jésus qui relient la conduite présente des hommes au passé lointain et aussi à l’avenir prochain puisqu’elles annoncent la passion et la situent du même coup par rapport à toute l’histoire humaine. Cette même vérité du meurtre va donc s’inscrire aussi, plus fortement encore, dans la passion elle-même accomplit la prophétie et qui lui donne son poids. Si des siècles et même des millénaires doivent s’écouler avant que cette vérité reprenne vie, peu importe, en définitive. L’inscription demeure et elle finira par accomplir son œuvre. Tout ce qui est caché sera révélé.
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