Fetullah Gülen
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Fetullah Gülen
Suite à ma lecture de l'article http://oumma.com/Le-grand-mechant-loup-ou-comment , je vous propose de discuter de cette personnalité turque.
Voici son site : http://fr.fgulen.com/
Sa fiche Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fethullah_G%C3%BClen
Voici son site : http://fr.fgulen.com/
Sa fiche Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fethullah_G%C3%BClen
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...S'il me manque l'amour, je suis un métal qui résonne, une cymbale retentissante (1 Cor XIII, 1)
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Re: Fetullah Gülen
-Ren- a écrit:Suite à ma lecture de l'article http://oumma.com/Le-grand-mechant-loup-ou-comment , je vous propose de discuter de cette personnalité turque.
Voici son site : http://fr.fgulen.com/
Sa fiche Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fethullah_G%C3%BClen
C'est une grande personnalité musulmane une véritable perle de sagesse qui a même été placée parmi les personnalités les plus importantes de l'Islam....
Si Mansour- Membre banni
- Messages : 1067
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Date d'inscription : 29/05/2011
Localisation : algerie
Re: Fetullah Gülen
Raison de plus pour en discuter ici. Pourriez-vous nous faire part de quelques-uns de ses propos ?Si Mansour a écrit:C'est une grande personnalité musulmane une véritable perle de sagesse qui a même été placée parmi les personnalités les plus importantes de l'Islam....
Pour ma part, je propose de débattre d'un sujet lancé à partir de l'un de ses textes : https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t331-dialogue-interreligieux
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Re: Fetullah Gülen
-Ren- a écrit:Raison de plus pour en discuter ici. Pourriez-vous nous faire part de quelques-uns de ses propos ?Si Mansour a écrit:C'est une grande personnalité musulmane une véritable perle de sagesse qui a même été placée parmi les personnalités les plus importantes de l'Islam....
Pour ma part, je propose de débattre d'un sujet lancé à partir de l'un de ses textes : https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t331-dialogue-interreligieux
C'est effectivement une des grandes lignes de conduite de cet homme. Très concrètement, les gens qui s'en inspirent sont à la base de beaucoup d'initiatives dans le dialogue inter-religieux, comme j'ai pu le remarquer dans ma propre ville, avec les bénédictines noremment.
Outre ce texte que tu as cité, très opportun et assez mal lu, lorque je vois les réactions sur ce fil, en voici un autre , qui fait preuve d'un grande cohérence dans son discours sur le sujet :
Le Messager montrait le plus haut degré de compassion envers les croyants: Certes, un Messager pris parmi vous est venu à vous, auquel pèsent lourd les difficultés que vous subissez, qui est plein de sollicitude pour vous, qui est compatissant et miséricordieux envers les croyants. (9:128) Ne regarde surtout pas avec envie les choses dont Nous avons donné jouissance temporaire à certains couples d'entre eux, ne t'afflige pas à leur sujet et abaisse ton aile pour les croyants. (15:88), le Prophète a plus de droit sur les croyants qu'ils n'en ont sur eux-mêmes (33:6) et le hadith: «...Celui qui meurt en laissant des dettes ou des personnes à charge, qu'on vienne à moi, je m'en chargerai.» (Bukhari, Kitâb at-tafsîr)
Sa compassion embrassait même les Hypocrites et les incroyants. Il savait qui étaient les Hypocrites mais ne les dénonçaient jamais, car ceci les aurait privés des droits d'entière citoyenneté qu'ils avaient gagnés en raison de leur apparente profession de foi et pratique religieuse.
Quant aux incroyants, Dieu renonça à leur destruction collective, bien qu'il eût éradiqué de nombreux peuples similaires dans le passé: Mais Dieu ne saurait les châtier tant que tu es parmi eux; de même qu'Il ne saurait les frapper quand ils demandent pardon! (8:33). Ce verset fait référence aux incroyants de toutes les époques. Dieu n'anéantit pas un peuple tant qu'il y a parmi eux des croyants qui suivent le Messager de Dieu. De plus, il a laissé ouverte la porte du repentir pour chaque individu jusqu'à son agonie. N'importe qui peut accepter l'islam ou demander le pardon de Dieu, quels que soient le nombre et la gravité des péchés qu'il a commis.
C'est pour cela que l'inimitié d'un musulman envers les incroyants est une forme de pitié. Quand 'Omar vit un incroyant de 80 ans, il s'assit et sanglota. On lui demanda pourquoi et il répondit: «Dieu lui a accordé une très longue vie, mais il n'a pas été capable de trouver le droit chemin.» 'Omar était un disciple du Messager de Dieu qui a dit: «Je n'ai pas été envoyé pour maudire les gens, mais plutôt comme une miséricorde»[2] et «Je suis Mohammed, et Ahmad (le loué) et Mouqaffî (le dernier prophète); je suis Hachir (l'ultime prophète devant qui les morts seront ressuscités); le Prophète du repentir (le Prophète pour qui la porte du repentir restera toujours ouverte), et le Prophète de miséricorde.»[3]
http://fr.fgulen.com/content/view/8/3/
Re: Fetullah Gülen
Sur le même sujet, un point de vue plus politique un article pas récent mais toujours intéressant:
http://www.monde-diplomatique.fr/1997/07/KRISTIANASEN/8870
Que je copie sous l'aileron
http://www.monde-diplomatique.fr/1997/07/KRISTIANASEN/8870
Que je copie sous l'aileron
- Spoiler:
RÉVEIL DE LA SOCIÉTÉ CIVILE
Ces visages multiples de l’islamisme
IMPASSES EN TURQUIE Tandis que l’armée turque poursuit ses opérations dans le nord de l’Irak, confirmant que sa seule réponse aux revendications kurdes est militaire, les tractations se multiplient à Ankara pour essayer de former un nouveau gouvernement. La démission de M. Necmettin Erbakan de son poste de premier ministre, imposée par l’état-major à l’issue d’une longue campagne de déstabilisation à laquelle la presse a activement participé, ouvre une ère d’incertitudes. Le Parti Refah, islamiste, malgré son bilan gouvernemental peu éloquent, continue à mobiliser des millions de laissés-pour-compte et une partie importante des classes moyennes et bourgeoises d’Anatolie. En revanche, la classe politique, inefficace et corrompue, semble incapable de formuler un projet cohérent pour le pays. Le seul espoir, pour sortir de l’impasse, réside dans un réveil de la société civile, qui cherche un langage et des objectifs adaptés pour répondre aux aspirations d’une Turquie profondément divisée et pour dépasser les clivages entre laïques et islamistes.
par Wendy Kristianasen, juillet 1997
QUI sont ces islamistes qui ont dirigé le gouvernement de la Turquie pendant un an, avant la démission de son poste de premier ministre, le 18 juin dernier, de M. Necmettin Erbakan ? Comme dans tous les pays de la région, leurs électeurs sont issus de milieux conservateurs et religieux. Ils souffrent de la même pauvreté que celle qui ronge les quartiers populaires du Caire ou de Gaza. Ils ont émigré par millions avant de sombrer, déracinés, dans les bidonvilles anonymes des grandes métropoles - Istanbul, Izmir, Ankara, Adana, Bursa ou Mersin. Comme ailleurs, ils comptent leur lot de membres des professions libérales, d’ingénieurs, de cadres, d’hommes d’affaires, d’assistants sociaux, d’éducateurs. Leurs cadres politiques - dont beaucoup doivent leur ascension à un effondrement de la gauche dans la région - sont entreprenants, instruits et, pendant qu’ils dirigeaient le pays, ils ne se sont pas laissé gagner par la corruption.
Ici prennent fin les similitudes entre l’islamisme turc et celui du Proche-Orient. Car la laïcité, inscrite dans la République de Mustafa Kemal Atatürk, a laissé son empreinte, et il n’est pas question d’un retour à la sheriat (loi religieuse) : les vakiflar (fondations religieuses) ont été laïcisées ; le port de la tenue islamique pour les hommes (et pour les femmes en certaines occasions) est interdit ; les soufis (tarikat) restent bannis, même s’ils poursuivent leurs activités dans une semi-clandestinité.
Mais les deux particularités les plus frappantes de la Turquie sont, d’une part, le pluralisme de son système politique - et la pénétration des islamistes dans ce système -, d’autre
part, la grande influence de la culture occidentale - et la façon dont celle-ci a modelé la pensée des intellectuels islamistes. Tout cela a contribué à une configuration unique d’un islamisme « à la turque », pacifique, qui, s’il rejette les aspects laïcs du kémalisme, ne remet pas en cause l’Etat-nation lui-même.
L’électorat du parti islamiste (Refah Partisi, Parti de la prospérité) vient d’Anatolie centrale et orientale, des grandes villes et, enfin, du Sud-Est kurde. Malgré sa victoire aux dernières élections législatives de décembre 1995 (1), le Refah n’a pas le monopole du vote islamique. Mais il a profité de la désaffection à l’égard de l’ANAP (Anavatan Partisi, ou Parti de la Mère patrie) (2), depuis que M. Mesut Yilmaz, qui appartient à l’aile la plus laïque du mouvement, a succédé à l’ancien président Turgut Özal.
Le Refah n’est pas non plus le plus hégémonique parmi les ordres soufis. Les Nakshibandis, le seul ordre à être directement engagé dans la vie politique, est divisé entre son soutien au Refah et celui à l’ANAP (3), tandis que de nombreux Nurcus (4) adhèrent au parti de Mme Tansu Ciller, le Parti de la juste voie (DYP), partenaire du Refah au sein de la coalition gouvernementale. Ces deux formations de centre droit accueillent dans leurs rangs des figures importantes de l’islam, dont certaines, membres du DYP, sont même députés.
L’oeuvre principale de Turgut Özal a consisté en un effort de cohésion sociale, une tentative de réintégrer les exclus, notamment les islamistes, au sein de la société. Le développement de l’islamisme doit en effet moins à un intérêt accru pour la religion qu’à l’écart abyssal des richesses qui séparait les « paysans » d’Anatolie (terme générique employé par les élites sociales d’Istanbul) des « Turcs blancs » des métropoles. Sous la présidence de Turgut Özal, les » paysans « conservateurs ont commencé à s’enrichir et un mouvement islamique, populaire et dynamique, a émergé au grand jour.
L’armée, cependant, avait déjà préparé le terrain. Soucieux de lutter contre la gauche, les militaires, à l’époque de leur coup d’Etat de 1980, ont préféré soutenir le Parti du salut national (ancêtre du Refah) de M. Necmettin Erbakan. Ils ont rendu les cours d’éducation religieuse obligatoires, fondé des écoles coraniques spécialisées, créant ainsi des viviers de l’islamisme. L’armée a même usé d’une méthode encore plus radicale en adoptant comme idéologie une » synthèse turco-islamiste « qui, espérait-elle, allait affaiblir les aspects les plus » révolutionnaires « du kémalisme. Cette synthèse devait permettre de gagner les éléments conservateurs de la société - Turcs et Kurdes - tout en prévenant tout élan du nationalisme kurde. On s’empressa donc de recruter les islamistes et les néo-fascistes - installés depuis longtemps dans la bureaucratie de l’Etat avec le Parti nationaliste du mouvement (MHP) d’Alparslan Turkes, qui vient de décéder, et sa milice des » loups gris « - dans les forces de sécurité et autres branches de l’appareil d’Etat, en échange de l’arrêt de leurs activités clandestines (5).
Lors de son accession au poste de premier ministre en 1983, Turgut Özal a accéléré cette évolution, recrutant ces éléments au sein de son propre parti, l’ANAP, augmentant leur emprise sur les ministères de l’éducation et de l’intérieur (6), et reconnaissant publiquement que la religion était une composante essentielle de l’identité nationale. Grâce à sa politique libérale et à l’« ouverture » économique, les islamistes ont pu fonder une société parallèle, qui a attiré les émigrés anatoliens vers les grandes villes - des habitants des gecekondu (bidonvilles) aux membres des professions libérales, hommes d’affaires, en passant par les intellectuels.
La déréglementation des télécommunications a aussi permis aux islamistes de s’affirmer, grâce à des chaînes de télévision diverses (la chaîne nationale Channel 7, par exemple) ou grâce à des groupes de presse comme Sabah. Un syndicat influent, Hak-Is, qui leur était officieusement lié a même supplanté le syndicat de gauche Disk.
Exclus de l’association des hommes d’affaires Tusiad, qui regroupe les « Turcs blancs », les « tigres d’Asie centrale » ont formé leur propre association, Musiad (Mustakil is adanleri dernegi, Association indépendante des hommes d’affaires). Mais les laïques soupçonnent le M de Mustakil (indépendante) d’être en réalité le M de muslim (musulman) : l’alcool est en effet banni des soirées officielles, et ses membres célèbrent toutes les fêtes religieuses. Selon M. Taha Akyol, respectable intellectuel proche des orientations de Turgut Özal, l’armée craint que l’association ne se prépare à une prise du pouvoir économique mais, » en réalité, les deux associations partagent les mêmes valeurs économiques : un gouvernement stable, l’entrée dans l’Union européenne et une Turquie occidentalisée. L’industriel de Konya veut vendre à l’Ouest, à l’Est, mais pas aux islamistes ! « . Ici, le dynamisme de la communauté d’affaires est un pont qui relie les islamistes aux laïques.
C’est aux » tigres anatoliens « que M. Fethullah Gulen, dirigeant de la principale branche des Nurcus, doit sa notoriété. Il a réussi là où Turgut Özal et M. Cem Boyner (l’espoir de la gauche) ont échoué. Il a donné aux capitalistes de province une voix - en échange de leur argent pour la construction de son petit empire. Se présentant comme une solution de rechange au Musiad et au Refah, il attire les hommes d’affaires conservateurs des villes de Denizli, Antep, Bursa, Kocaeli ou Maras. Puritains, nationalistes, conservateurs, travailleurs, ces riches Anatoliens n’ont aucune relation dans les milieux politiques ou bancaires. Ils dirigent des entreprises familiales qui utilisent des méthodes de production de haute technologie.
Le phénomène Fethullah repose sur deux principes : l’élitisme et l’argent - le mouvement a sa propre vakif (fondation). L’argent a servi à créer des écoles, des oeuvres de bienfaisance et des entreprises, de la Turquie jusqu’en Asie centrale. Le mouvement s’était implanté en Albanie avant même que soient établis des liens diplomatiques entre les deux pays. Ses écoles - cinquante en Turquie et plus de deux cents à l’étranger - sont devenues des centres d’excellence. Il contrôle aussi des médias grâce à Zaman, véritable empire de presse, ainsi qu’une chaîne de télévision, des vidéos, des cassettes, des livres, des magazines...
Cet ancien prêcheur, âgé d’une soixantaine d’années, dément être islamiste. Il préfère se considérer comme un musulman pieux opposé à l’islam politique et qui souhaite une intégration totale de l’islam au sein du système politique, économique et social. Des Balkans à la Chine, il veut voir se former des élites sur le modèle turc. Un petit empire ottoman en somme, dominé par les Turcs et au sein duquel cohabiteraient diverses religions. En deviendrait-il alors le sultan ? La question reste entière, mais un observateur avisé dit de lui qu’ « il n’est pas totalement innocent ». Il tisse un réseau parallèle, prêt à prendre le pouvoir le moment venu. Ces quatre dernières années, il a consolidé ses relations avec tous les partis, excepté le Refah. Mais il pourrait être la victime de son propre charisme. Qui pourrait en effet prendre la suite du petit sultan aujourd’hui malade ?
Le « monde parallèle » de M. Fethullah Gulen est à l’image des myriades d’activités des islamistes du Refah : écoles, oeuvres de bienfaisance, cliniques, associations caritatives, etc. Honnêtes et dynamiques, elles ont prospéré dans tous les secteurs, et notamment l’éducation. On dénombre plus de quatre cents imam hatip, écoles fondées par le gouvernement pour former les imams. Le financement de leurs opérations par des fondations a ainsi permis aux enfants les plus pauvres de poursuivre des études qu’ils auraient sinon été contraints d’abandonner à l’âge de onze ans, après cinq ans de scolarité obligatoire. Ce succès n’a pas contribué à former plus d’imams, mais il a permis à une génération entière d’entrer à l’université ou dans le service public.
Cette première génération, avec ses étudiantes qui portaient le voile à l’université sous les huées des laïques, occupe désormais des postes-clés autrefois réservés à l’establishment laïque. L’essor des associations islamiques a également créé de nombreux emplois, en particulier pour les femmes. De son côté, le Refah a aussi recruté des salariés, notamment dans des villes comme Ankara et Istanbul, qu’il a gagnées lors des élections municipales de 1994.
Cette génération a embrassé la modernité au moment même où les femmes commençaient à couvrir leur tête, parfois au risque de sacrifier leur carrière : chirurgiens ou avocates se voient en effet interdire le port du carsaf au travail. Mme Sibel Eraslan, trente ans, avocate diplômée de l’université d’Istanbul, est de celles-là. En 1989, M. Tayyip Erdogan, président du Refah à Istanbul (devenu maire de la ville), l’a invitée à rejoindre le parti pour occuper le poste de présidente du comité des femmes. Le Refah ne recueillait alors que 7 % des voix des électrices et manquait de femmes qualifiées. Ce comité était chargé de recruter dans les banlieues ouvrières et parmi les immigrées d’Anatolie délaissées par les autres partis.
En 1994, le Refah se tourna vers les classes moyennes favorisées, en édulcorant ses slogans les plus radicaux. Il a ainsi raflé 27 % des suffrages lors des élections municipales de 1994, remportant dix-sept des trente-trois municipalités d’Istanbul et le contrôle de l’agglomération. A Istanbul, le Refah comptait alors 18 000 militantes et 1 265 000 adhérentes (52 % des membres sont des femmes).
Après six ans de bons et loyaux services, Mme Sibel Eraslan abandonna ses responsabilités. « J’avais l’impression d’avoir fait mon travail. J’étais trop radicale. Au départ, nous étions un mouvement de protestation, impliqué dans l’aide aux nécessiteux. Et puis le Refah s’est tourné vers les classes moyennes, plus âgées. » Elle demeure pourtant une figure-phare du parti, l’une des rares à accorder des entretiens à la presse - à la seule condition cependant que le parti ait donné son aval. Le Refah, vieux routier de la politique, a tiré depuis longtemps les leçons des « mauvaises expériences » passées avec les médias, dues au manque d’instruction de certains de ses membres. A la télévision, les islamistes n’apparaissent désormais que sur leurs propres chaînes, comme Channel 7, ou sur des chaînes sur lesquelles ils peuvent exercer leur contrôle.
Mme Sibel Eraslan est issue des classes moyennes laïques. « Mon père est un kémaliste, il a été colonel dans l’armée et est capitaine dans la marine. A la maison, nous avons un portrait d’Atatürk. Ma famille habite Iskidar (un des bastions de la laïcité) depuis plus de trois cents ans. Alors oui, mes activités ont provoqué des tensions au sein de ma famille. » Elle habite à Istanbul , dont la population est passée, en trente ans, de 2 à 12 millions d’habitants, à Umraniye, une banlieue ouvrière anonyme née de l’afflux d’émigrés anatoliens et qui est l’un des nombreux foyers de l’islamisme.
Comme beaucoup de ses pairs, Mme Sibel Eraslan s’est tournée vers l’activisme islamiste par rejet de ces laïques qui faillirent l’expulser lorsque, durant sa dernière année à l’université, elle décida de porter le foulard. Ses convictions sont celles d’une génération d’islamistes « à la turque », fortement influencés par la culture occidentale : « A l’université d’Istanbul, nous étudiions beaucoup la philosophie occidentale. A la fin des années 80, les auteurs postmodernistes étaient systématiquement traduits. Cela m’a fait réfléchir et m’a poussée à m’intéresser à d’autres philosophies. J’ai lu Sayyid Qutb et Mawdudi, Hassan El Banna et Ghazali (7). Du fait de leur situation, ils attachaient beaucoup d’importance à l’Etat - mais la Turquie est différente de ces pays. Le discours anatolien n’est pas le discours arabe. Ces gens-là m’ont beaucoup influencée, jusqu’à ce que je lise le Coran. Dans le Coran, seuls deux versets sont consacrés à l’Etat. La charia n’est pas une politique, c’est un mode de vie. En ce qui me concerne, je n’accorde aucune importance ni à la nationalité ni au passeport. »
« C’est une nouvelle façon de penser, et cela a posé des problèmes avec le parti. » Effectivement, l’islam politique, en Turquie comme ailleurs, accepte l’Etat-nation (occidental) mais rejette ses valeurs culturelles. Mais Mme Sibel Eraslan, comme d’autres intellectuels islamistes turcs (Ali Bulac, Ismet Ozel, Rasim Ozdendoren, Ihlan Kutluer), voit le modèle de l’Etat islamique comme une image inversée de l’Etat laïque. Elle lui préfère l’image de l’ oumma et de communautés qui s’autogouvernent, un concept assez flou qui ne les empêche pas de se retrouver dans le Refah.
Le discours de Mme Sibel Eraslan est un mélange de féminisme, d’opinions de gauche et de religion. Elle le reconnaît : « Les islamistes font ce que la gauche aurait dû faire. J’ai beaucoup de sympathie pour elle. » Et aussi : « Je tiens absolument à ce que les femmes aient la place qu’elles méritent au sein du Refah, c’est pour cette raison que j’y suis. » Les vieux dirigeants du parti ont besoin de ces femmes qualifiées, mais continueront-elles à travailler sans qu’on leur accorde une part plus importante du pouvoir ? Mme Sibel Eraslan considère que les femmes ont besoin de travailler quatre fois plus dur que les hommes. Elles ont en effet quatre adversaires : l’Etat, une société machiste, les hommes islamistes et, enfin, les autres femmes.
Ces dernières, ce sont les laïques, dont certaines tentent de se rapprocher de Mme Sibel Eraslan. Le 6 avril dernier, elles créaient un mouvement - le Kader, acronyme de Kadin Dernegi, Association des femmes, qui signifie destinée - dont l’objectif est de promouvoir l’entrée des femmes au Parlement. Malgré son orientation laïque, certains de ses membres demandent une redéfinition de la laïcité qui permettrait d’intégrer des musulmanes plus conservatrices. Elles ont pris contact avec Mme Sibel Eraslan, mais le fossé est encore trop profond. Peut-il se réduire ? Sans doute, les laïques ne pouvant continuer à ignorer leurs compatriotes pratiquants.
Car l’une des conséquences les plus positives de la victoire des islamistes aux élections de 1995 aura sans doute été le réveil de la société civile laïque. Education spécialisée pour les enfants, protection de l’environnement, associations caritatives de toutes sortes : les laïques commencent à faire ce que les islamistes ont fait avant eux. « Nous aurions dû faire tout cela il y a trente ans », admettent-ils. Mais seront- ils capables d’aller s’adresser aux déshérités ? En tout cas, l’occasion s’offre de réformer un régime politique en pleine banqueroute. L’un des atouts de la Turquie, si on la compare aux autres pays du Proche-Orient, est l’existence d’un système démocratique qui permet à chacun de s’exprimer, au moins dans certaines limites et si l’on exclut la question kurde (lire, page 8, l’encadré « La question kurde »).
Si le président Turgut Özal n’était pas brusquement décédé en 1993, les islamistes n’auraient pu accéder au gouvernement. Turgut Özal était en effet capable de mobiliser de larges couches autour de l’ANAP et de sa vision d’un pays vigoureux, sans classes, ouvert à tous. Désormais, c’est le Refah qui remplace l’ANAP comme le principal (mais non le seul) canal politique à travers lequel les Anatoliens peuvent se faire entendre et exprimer leur identité religieuse. Il a aussi mobilisé l’énergie d’une jeune génération qui attend son heure pour venir aux affaires.
Si l’idéologie de cette génération demeure quelque peu primaire (l’Etat-nation supplanté par les communautés islamiques), ces jeunes n’en possèdent pas moins une solide connaissance de la pensée occidentale comme de la pensée musulmane. Le pluralisme, les droits de l’homme, la liberté, la justice sociale, font partie de leurs slogans. Ces intellectuels, ces féministes, ces entrepreneurs anatoliens, tous les éléments de l’islam turc se battent avec cette vigueur caractéristique de la Turquie moderne pour combler le fossé qui sépare les « nouveaux arrivants » d’Asie mineure et les élites d’Istanbul. Les élites laïques seront-elles capables de relever ce défi ?
Wendy Kristianasen
Journaliste, Londres.
(1) Le Refah Partisi, fondé en 1983 par M. Necmettin Erbakan, a, lors des élections de décembre 1995, obtenu 28,73 % des voix, remportant 158 sièges au Parlement (sur 550). Lire le dossier « Crise du pouvoir en Turquie », Le Monde diplomatique, juin 1996.
(2) Turgut Özal, fondateur de l’ANAP en 1983, fut élu premier ministre la même année, remportant 47 % des suffrages au cours des premières élections depuis la fin de la dictature militaire (1980-1983). Il devint président en 1991 et mourut, au cours de son mandat, en 1993.
(3) Korkut Özal, frère du défunt président, est une figure importante du mouvement Nakshibandi (et maintient de bons rapports avec l’Arabie saoudite). L’ordre a fait beaucoup pour la création du Parti du salut national (ancêtre du Refah) de M. Necmettin Erbakan. Durant les années Turgut Özal, les Nakshibandis se sont rapprochés de l’ANAP. Depuis, le mouvement partage ses appuis (non officiels) entre le Refah et l’ANAP.
(4) Les partisans de Saïd Nurci s’étaient opposés aux réformes de Mustapha Kemal dans les années 20.
(5) Voir Ertugrul Kurkcu, « The Crisis of the Turkish State », Middle East Report, no 199, avril-juin 1996, Washington DC.
(6) Lire Sami Zubaida, « Turkish Islam and National Identity », Middle East Report, op. cit.
(7) L’Egyptien Hassan El Banna fut le fondateur des Frères musulmans en 1929 ; Sayyid Qutb, le continuateur de Banna, a inspiré les islamistes radicaux ; Abul Ala Mawdudi, du Pakistan, a milité dans les années 40 ; Al Ghazali est un penseur de l’âge classique (1058-1111).
Re: Fetullah Gülen
http://www.rfi.fr/europe/20131230-turquie-akp-appelle-fethullah-guelen-tenter-desamorcer-crise-erdoganDeux poids lourds du gouvernement Erdogan tentent de désamorcer la crise ouverte par les soupçons de corruption pesant sur plusieurs fils de ministres, dont celui du Premier ministre turc. Après une semaine marquée par la démission de trois ministres, un remaniement et la reprise des manifestations, ces responsables de l’AKP lancent des appels à la conciliation en direction de la confrérie Gülen présentée jusque-là comme responsable d'une campagne de déstabilisation du gouvernement (...)
Il s’agit bien là d’un changement de ton et de stratégie à 180° de la part de l’AKP.
Le chef de la diplomatie revient, par exemple, sur les bénéfices de dix ans d’histoire commune à l’AKP et à la confrérie du prédicateur musulman Fethullah Gülen après avoir connu la même répression par l’armée. «Il nous faut construire le dialogue au lieu de barrières physiques entre nous, sinon ce sera la population qui sera perdante», dit par exemple Ahmet Davutoglu dans un entretien à la télévision Kanal 7 appartenant à la communauté Gülen, reprise dans une longue dépêche de l’agence de presse officielle Anatolie.
Quant à Mehmet Ali Sahin, il est encore plus direct. «Revenez au pays [Fethullah Gülen est exilé aux Etats-Unis depuis 1999, ndlr]. Nous avons traversé les mêmes difficultés, et fait tant de chemin ensemble. Il ne faut pas se mettre de bâtons dans les roues» (...)
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Re: Fetullah Gülen
Interviewé par le Wall Street Journal, Fethullah Gülen donne sa vision des évènements qui agitent actuellement la Turquie. Il évoque les liens du Hizmet avec l'AKP et son leader, les mesures récentes prises par le gouvernement et rappelle les positions des sympathisants du mouvement.
http://www.zamanfrance.fr/article/fethullah-gulen-nos-valeurs-notre-position-nont-pas-change-7460.html
http://www.zamanfrance.fr/article/fethullah-gulen-nos-valeurs-notre-position-nont-pas-change-7460.html
Doute-Pieux- Messages : 243
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Re: Fetullah Gülen
Merci pour l'info !
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Re: Fetullah Gülen
http://www.franceculture.fr/emission-culturesmonde-actualite-internationale-confrerie-guelen-erdogan-a-l%E2%80%99epreuve-d%E2%80%99une-puissante
http://www.zamanfrance.fr/article/ali-kazancigil-lelite-francaise-na-plus-conscience-rapports-francoturcs-7423.html
http://www.rfi.fr/mfi/20140103-fethullah-guelen-erdogan-confrerie-bouc-emissaire-premier-ministre-turc/
Voilà des interventions d'Ali Kazancigil, grand spécialiste de la Turquie.
http://www.zamanfrance.fr/article/ali-kazancigil-lelite-francaise-na-plus-conscience-rapports-francoturcs-7423.html
http://www.rfi.fr/mfi/20140103-fethullah-guelen-erdogan-confrerie-bouc-emissaire-premier-ministre-turc/
Voilà des interventions d'Ali Kazancigil, grand spécialiste de la Turquie.
Doute-Pieux- Messages : 243
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