Position de la législation rabbinique sur la Trinité
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Position de la législation rabbinique sur la Trinité
Un article publié par Hervé-Elie ( https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t424p15-herve-elie-bokobza ) sur FB :
Mise en garde :
- Spoiler:
Avant de publier cet article je précise ceci : il s'agit d'une étude strictement halakhique qui n'a aucune vocation à porter un regard et encore moins une accusation quelconque vis-à-vis des chrétiens, ni de mon fait et ni du fait de la personne avec qui j'ai échangé (qui est lui même un érudit de la halakha et des textes rabbiniques), et quoi que nous sommes en désaccord sur la compréhension de la position de Maïmonide pour savoir si la foi chrétienne est compatible avec la foi monothéiste du Judaïsme, nous sommes tous les deux d'accord pour dire :
a. que la vision de Maïmonide sur les Chrétiens est quand même en évolution par rapport à la conception classique du talmud vis-à-vis des idolâtres. Je cite donc ce qu'il m'a dit en privée : "il y a un texte clair où Maïmonide dit que les Chrétiens représentent une progression dans l’idée de Dieu. Être Chrétien semble clairement être mieux pour lui qu’être un polythéiste de l’Antiquité."
b. que la vision juive de la Trinité est souvent caricaturale et ne restitue pas la plupart du temps l'approche que les chrétiens eux mêmes ont sur leur propre foi.
Distinguer le fait d’associer Dieu à l’idolâtrie
« L’on pense communément que Maïmonide considère les chrétiens comme idolâtres. Aussi, avant de montrer que la position de Maïmonide est loin d’être tranchée, remarquons tout d’abord que telle n’est pas l’opinion de beaucoup de décisionnaires de Halakha.
- Spoiler:
Le Talmud (Sanhédrin 63, b) interdit au juif de s’associer à un idolâtre pour affaires de peur que ce dernier ne soit amené à jurer au nom de ses croyances. Car le juif est tenu de ne pas pousser un non-juif à rendre culte aux idoles. Les commentaires des Tossafot (Entre autres : Méguila (28, b), Sanhédrin (63, b), Bekhorot (2,b)) font cependant remarquer au nom de Rabbeinou Tam (1100-1171) que de nos jours, du fait que la plupart des non-juifs ne sont plus idolâtres, cet interdit est caduc. Le fait, nous disent-ils, que ces derniers associent à Dieu, dans leurs prières ou leurs serments, leurs propres saints n’est pas considéré comme de l’idolâtrie pour un non-juif, vu que leurs intentions sont réellement tournées vers le Créateur du ciel et de la Terre. Il n’est en effet pas interdit aux fils de Noé d’associer autre chose à la divinité, cet interdit ne concerne qu’Israël.
Nombre de décisionnaires de Halakha se rangeront à cette opinion comme R. Nissim de Gironde, le Ran, dans son commentaire sur le Talmud (Avoda Zara fin du premier chapitre, 7, a), ou encore les Hagahot Maïmonïot sur le Mishneh Torah (lois des émissaires et des associés 5, 10, note 5). C’est ainsi que l’auteur des Tourim conclura: « Or plus personne ne tient compte de cet interdit. Même Rachi, en son temps, l’avait permis, car il n’existe pratiquement plus d’idolâtrie de nos jours » (Ora’h Haïm 156). Cette opinion fera ainsi jurisprudence, comme le mentionne R. Moshé Isserless, (1525-1572), le Rama, dans ses gloses sur le Shoul’han Aroukh. »
(L'Autre p 258-260)
Afin que le lecteur se sente moins dépaysés, pour résumer en quelques mots, en quoi à mon avis la position de Maïmonide est loin d’être tranchée sur ce sujet, l’essentielle de ma réflexion repose sur deux axes :
1. Maïmonide distingue l’interdit d’idolâtrie de la Torah, qui est inclue dans les sept lois de Noé, qui concerne donc aussi le non juif, du fait de croire en l’Unicité de Dieu, commandement qui s’adresse uniquement aux juifs. Ainsi il est clair même pour le Rambam que le fait pour un non juif d’associer Dieu à ses Saints ne relève pas d’un interdit relatif aux lois qui s’imposent aux fils de Noé.
2. En dépit du fait que le Rambam écrit en plusieurs endroits de son Mishneh Torah, (voir plus loin pour les sources) que les chrétiens sont idolâtres il voit dans l’émergence du Christianisme au même titre que l’Islam une avancée vers l’accomplissement des réalisations prophétiques, comme quoi les nations du monde rejoindront Israël dans la reconnaissance du Dieu Unique. Il serait inimaginable de dire une telle chose si les chrétiens étaient à ses yeux comparables aux païens idolâtres dénoncés dans la Torah, la Bible et le Talmud.
Ce sujet à fait l’objet d’une longue discussion (avec plusieurs intervenants) que je reproduis ici avec quelques ajouts et remanié pour éviter les redites.
Question : Selon tes positions, pourquoi alors est-il interdit pour un juif de prier dans une église? Pourquoi le vin des chrétiens est interdis ? Pourquoi doit-on se laisser tuer si menace de conversion de force?
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Il faut bien saisir la nuance ; le fait d'associer à Dieu des Saints relève de l'idolâtrie que pour un juif mais pas pour un Ben Noah, (fils de Noé), comme l’écrivent les Tossafot. Et même Maïmonide est d’accord avec cet avis puisque dans son livre des commandements, Sefer hamitsvot (lois positif N°2) il déduit du Shéma Israël l'injonction relative à l'Unicité de Dieu ce qui montre que ça ne concerne pas le Ben Noah qui lui n'a qu'un interdit d'idolâtrie. Ainsi, la discussion avec Rabbenou Tam au sujet de Shitouf (le fait d'associer à Dieu) repose uniquement sur le fait de savoir si un juif a le droit de s'associer avec un non juif sachant que le non juif pourra être amené à jurer au nom de ses Saints. Rabbenou Tam pense que puisque ce n'est pas interdit pour le non juif, le juif peut s'associer à lui dans les affaires, tandis que selon Rambam puisque Shitouf reste une pratique idolâtre pour un juif il lui sera interdit de s'associer avec le non juif. Quand bien même une telle pratique n’est pas interdite au fils de Noé.
Maintenant pour la question de kidoush hashem (sanctification du Nom de Dieu) c'est beaucoup plus complexe que ça. Cette injonction concerne aussi l'Islam d'ailleurs, ça n’est donc pas forcément lié à la question de l’idolâtrie. [La position du Rambam selon laquelle on n’est pas tenu de donner sa vie pour la conversion à l'Islam (Cf. l’Épître sur la persécution) a fait l'objet de vives critiques, alors même que la quasi majorité des décisionnaires reconnait l'Islam comme un monothéisme pur]. La raison ici est l'apostasie or dans une période de décret généralisé contre la pratique du judaïsme, la Halakha considère cette situation comme une remise en question de toute la survie identitaire d’Israël. C’est pourquoi,même s’il n’est question que de simples règles d’usage du peuple juif, il faut, après avoir tenté de se défendre et de combattre l’ennemi, être prêt à aller jusqu’au sacrifice de sa vie. (Cf. Talmud, Sanhédrin 74, b et Mishneh Torah, lois des fondements de la Torah 5, 3).
Il n'y a pas ici d'interférence directe avec le débat sur l'idolâtrie supposée des chrétiens.
Question : Hervé-élie, je suis légèrement dubitatif sur ton interprétation du Rambam. Et si je veux être un brin cynique, je pense que les Tossafot ont juste voulu trouver des moyens pour les communautés juives du Nord de l'Europe de gagner leur vie en faisant du commerce avec les voisins non-juifs. La aussi, je pense que leur position vis-à-vis du christianisme est plus pragmatique qu'idéologique.
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J'admets qu'on puisse en faire une lecture sociologique mais je trouve cette démarche limitée, si les Tossafot essayent de répondre à une logique sociale et contextuelle ils se doivent d’abord de le justifier d’un point de vue des sources. Par conséquent, je ne nie pas que les commentateurs classiques ont compris que pour le Rambam les chrétiens sont idolâtres, ce que je constate en revanche c'est qu'en revenant aux sources on s'aperçoit que la chose est loin d’être évidente.
Notons au passage ce que R. Juda Halévi (1075-1141) dans son fameux Kuzari fait dire à un Chrétien au début de son Livre : « Or, bien que notre langue proclame la Trinité, nous sommes de véritables monothéistes. » (Question IV). Ce qui montre que le point de vue chrétien pouvait servir de grille de référence pour mieux statuer leur foi, et que les juifs pouvaient avoir un avis nuancé de la foi chrétienne.
Maintenant au sujet de la position complexe du Rambam, nous l’avons dit il existe plusieurs questions qui se posent à la lecture même des textes de Maïmonide. Tout d’abord la question de Shitouf, acte qui ne serait pas considéré comme de l’idolâtrie pour un fils de Noé. Même si les derniers commentateurs et décisionnaires (Aharonim) écrivent comme une évidence que les chrétiens sont idolâtres, du fait, selon eux que Shitouf relève aussi de l’idolâtrie, ils ne donnent aucune source. C’est le cas notamment de R. Joseph Bavad – dans son fameux commentaire sur le livre des commandements de la Torah, (le Sefer ha-Hinoukh) le Min'hat Hinoukh (417, 2) – qui écrit comme une évidence que les non juifs aussi sont astreints à l'Unicité et contre toutes formes d'associations, alors même que l’auteur du Hinoukh lui-même distingue pourtant lui aussi l'interdit d’idolâtrie avec l’unicité de Dieu qu’il déduit du Shema Israël, tout comme le Rambam dans Sefer Hamitsvot (Positif 2). Plus loin nous reviendrons sur la positions des derniers décisionnaires.
À ce sujet, R. Menahem M. le Tsemah Tsedek de Loubavitch (1789-1866) écrit : « Il ressort des propos du Rambam [dans son Sefer hamitsvot] que ce commandement d'unicité de Dieu ne s'impose qu'à nous et pas aux enfants de Noé qui n'ont pas d'interdiction d'associer, ainsi que l'écrit le Rama (Orah Haïm 156) » (Derekh Mitsvotekha sur l'Unicité de Dieu)
Voilà donc un auteur reconnu, comme l'un des plus grands décisionnaires de Halakha de son temps qui place dans le même panier l'opinion du Rama sur l'association avec celle du Rambam, alors que jusque-là on pensait qu’il fallait les opposer.
Ce qui nous contraints de dire que toute la logique du Rambam, à chaque endroit où il est question de statuer sur la foi chrétienne d'un point de vue halakhique, ne se situe jamais du point de vue du Noahisme mais du point de vue d'Israël. Si le fait par exemple de commercer avec un chrétien le jour de leurs fêtes est perçu comme une reconnaissance de leur divinité, pour le Rambam il sera interdit à un juif de manifester une telle reconnaissance. Tandis que Rabbeinou Tam, lui dira qu’il n’y a pas lieu de prétendre que le fait de s’associer avec le non-juif dans les affaires vaut reconnaissance de leur foi. Cette lecture permettra à mon sens, et jusqu'à preuve du contraire, de lever toutes les ambiguïtés qui se posent sur ce sujet.
Question : Ta critique de l'approche sociologique de la halakha (en passant, ce n'est pas mon approche, mais je lis les ouvrages des spécialistes) est sensée, mais a mon avis tu la laisserais tomber si tu lisais comment Yaakov Katz décrit sa propre méthodologie. Il conçoit la alakha comme une trajectoire, un mouvement qui traverse le temps a partir du Talmud. Parfois, il détecte quelque chose qui crée ce qu'il appelle une inflexion de cette trajectoire naturelle. C'est seulement dans ce cas, quand il lui semble que le développement naturel de la halakha est entravé ou gêné par un facteur extérieur inconnu, qu'il examine les circonstances extérieures qui ont pu jouer un rôle. Katz (et derrière lui Soloveitchik, Breuer et les autres) a donc parfaitement conscience que la halakha a une logique de développement interne également.
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Je suis non seulement d’accord avec cette approche mais en plus je suis près à montrer que bon nombre de textes, dans la pure tradition rabbinique, s’emploient à cette même méthode lorsqu’il n’y a pas d’autres possibilités d’expliquer la cohérence halakhique selon ses propres critères. Ce que je dis ici en revanche c’est que c’est toujours mieux si on peut s’employer aux deux méthodes sans en rejeter une au détriment de l’autre. Que Les Tossafot en statuant que les chrétiens ne sont pas idolâtres visent à répondre à une exigence sociale ne fait aucun doute, mais on ne peut prétendre du coup que leur démonstration sortirait de la logique interne de halakha, autrement dit l'on ne peut prétendre à une motivation d'ordre sociologique si l'argument ne tient pas dans la logique halakhique. c’est pourquoi je pense qu’il est nécessaire de tenir compte des deux éléments.
Question : Hervé-élie Je dois quand même dire que j'ai du mal à comprendre ta démarche. Si l'on parle de la position du Rambam, la Halakha telle qu'elle est fixée dans le Mishnéh Torah, lois de Avoda Zara 9:4 est difficile de faire plus clair : il fixe que selon lui les Chrétiens sont des idolâtres. Un de mes profs pense qu'il n'aurait jamais écrit cela une génération plus tard, en voyant les commentaires des Scolastiques chrétiens comme Albert le Grand ou Thomas d'Aquin, peut-être bien. Il faut aussi prendre en compte ce que le Rambam écrit dans le Guide des Égarés 1:36 et 1:56. Dans ces passages, il redéfinit complètement le concept de Avoda Zara différemment de ce qu'il a été compris dans les générations précédentes. Cela n'a d'ailleurs pas manqué de soulever des controverses dès son époque – si l'on suit sa ligne de pensée, même des juifs religieux sont des idolâtres, des lors qu'ils se représentent Dieu par une image « dans leur tête ». Comment réconcilier le Mishnéh Torah et le Guide des Égarés ensemble ? C'est toujours une question difficile. Mais enfin, la position de base est et demeure que le christianisme est de l'idolâtrie selon le Rambam. À toi donc de nous prouver le contraire.
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Merci de ta réponse. Je reste cependant étonné que tu n’abordes pas les preuves sur lesquelles j’ai déduis que la position du Rambam est loin d’être tranchée.
Quelques remarques :
1. Quelles que soient nos positions au sujet de savoir si le Rambam considère les chrétiens comme idolâtres ou non, il relève de l'évidence y compris pour Maïmonide que les chrétiens ne sont pas à mettre sur le même panier que les païens idolâtres de l'époque mishnaïque et talmudique. On peut le déduire de beaucoup de preuves mais je vais essayer de faire court.
2. Je suis conscient que je dis ici est un 'hidoush (une approche novatrice), que je n'ai en effet pas vue clairement l'articulation que je fais dans les livres, sinon par déduction. A priori il n'y a rien de contre indiqué à ça bien au contraire. Nous avons tous une part qui nous est propre et pas moins légitime qu'une autre à innover en matière d'étude et de halakha pour peu que ça soit compatible avec les règles et les normes d'interprétations. Le Rabbi de Loubavitch énonce une règle intéressante dans l’étude : le fait qu'une explication permette de résoudre une contradiction elle n'a pas besoin de preuve pour se justifier. Il est suffisant qu’elle réponde à des questions. Ici il y a des questions évidentes qui se posent sur la position de Rambam, la distinction que j'apporte permet de lever les contradictions sans remettre en cause ses positions, que ce soit vis-à-vis de commercer avec les chrétiens ou de considérer leur vin comme « nessekh » (interdit pour avoir servi le culte des idoles). Tandis que limiter le propos du Rambam à réduire les chrétiens à des païens, avant d'arriver à la question de l'unicité de Dieu j'y reviendrais, est clairement en contradiction avec toute l’approche de Maïmonide qui met sur un même panier la venue de Jésus le Nazaréens et de Mohamed pour en percevoir des signes eschatologiques de la reconnaissance de Dieu, telle que définit par les prophètes, jamais le Rambam n'aurait pu prétendre une telle chose s'il considérait le culte chrétien au même rang que celui de Baal.
3. Dans les textes que tu rapportes du Guide des Égarés (je n’ai pas vue de contradiction au passage avec ses positions dans le Mishneh Torah et le Sefer-ha-mitsvot) il est clair que le Rambam ne statut pas la norme halakhique mais se contente de conceptualiser d’un point de vue philosophique le principe d’Unité de Dieu avec ses attributs. Selon son propos on comprend, tel que toi même tu le dis, que même les juifs peuvent avoir une compréhension fondamentalement idolâtre du Monothéisme, par manque de discernement, il ne s’agit pas de statuer sur le Christianisme. Autrement dit; dans le Guide des Égarés l’auteur met en question les individus croyants en Un Dieu mais qui n’ont pas assez de discernement pour bien définir le concept d’Unité, tandis que dans le Mishneh Torah Maïmonide fixe la norme halakhique.
Un juif peut sans risque se fier à Maïmonide pour ériger sa foi en Dieu tandis qu'un Chrétien sera en butte au concept trinitaire. Par conséquent, si d’un point de vue contextuel, la Trinité relève selon Rambam d’une compréhension idolâtre de Dieu, cela ne statut en rien sur l’éventuelle condamnation d’un point de vue halakhique du chrétien qui croit en Un Dieu en Trois Personnes. Il en est de même pour le corporéité de Dieu, il relève de l’évidence qu’un non juif n’est pas condamné halakhiquement s’il croit (à tort ou à raison que Dieu à un corps). Et même pour le juif puisque le débat se situe uniquement sur le fait de savoir s’il faut considérer une telle croyance comme hérétique (Cf. les gloses de R. Abraham b. David,le Ravad (1120-1199) sur le Mishneh Torah lois de repentir (3, 7) (voir la version de Albo Sefer haïkarim I, 2) que rapporte Joseph Caro dans son Cessef Mishneh), il n'est pas question de rendre coupable le juif d'idolâtrie par le simple fait de croire en un Dieu corporel.
[Au passage je suis entièrement de ton avis sur le fait de dire qu'un siècle plus tard la vision de Maïmonide n'aurait certainement pas été la même, surtout après Thomas d'Aquin (à ce sujet je renvoie au livre d'Avital Wohlman Thomas d'Aquin et Maïmonide un dialogue exemplaire).]
Pour me limiter à un exemple : Maïmonide écrit qu’un pieu des nations c’est celui qui pratique les commandements de Noé au nom du fait que le Saint, béni soit-Il, les a prescrit dans la Torah et nous a informés, par l’intermédiaire de Moïse, il n’est pas suffisant qu’il les applique au nom du bon sens (Mishneh Torah lois des rois 8, 11). Pourtant il est clair même pour le Rambam qu’un non juif n’est condamnable que s’il transgresse effectivement une de ses lois pas s’il les applique au nom du bon sens[1]. Il en est de même de l’idolâtrie, certes pour Maïmonide la conception trinitaire reste idolâtre mais rien ne dit que le non juif qui articule sa foi de cette manière est condamné pour idolâtrie. D’autant, que même au sujet des idolâtres, les sages disaient, déjà à l’époque du Talmud (‘Holin 13, b), qu’en dehors d’Israël ils ne sont plus idolâtres et ne font que perpétuer les coutumes de leurs pères, à plus forte raison les Chrétiens qui ont entièrement rompus avec les cultes païens.
Question : Hervé-élie, j'ai relu les quelques pages en question dans ton livre « l'Autre ». La première fois que j'avais lu ton livre c'était il y a quelques années, mais je dois bien avouer que j'avais raté certaines subtilités du raisonnement ici, probablement parce qu'on ne s'attend en principe pas a un tel niveau dans un ouvrage en français. C'est un vrai plaisir de te lire, et tu as un côté assez génial pour arriver a construire un vrai raisonnement talmudique, basé sur les sources, pour arriver a des conclusions humanistes et tolérantes. Bon, après tout cela, je vais te décevoir mais je ne suis pas convaincu par ton approche. La clef de voute de ton raisonnement est une contradiction entre la loi claire du Mishneh Torah que j'ai rappelé plus haut, et un passage du début du Sefer ha-Mitsvot dont le verset cité en preuve semble induire une limitation du champ d'application. Pour résoudre cette contradiction, tu proposes de qualifier la loi du Mishneh Torah en distinguant entre le point de vue du noahisme et celui du judaïsme. Franchement, la contradiction interne est loin de sauter aux yeux. Combien de siècles de lecteurs sont passes et repasses sur les écrits du Rambam sans la détecter ? Ni le Cessef Michneh, ni le Maggid Michneh, et tous les autres classiques des commentateurs ne disent mot de cette contradiction ? Avant le Tsemah Tsedek, qui vivait environ 600 ans après le Rambam ? Quand-même, quelqu'un l'a-t-il vue cette contradiction ? Le Sefer Ha-Mitsvot a été écrit des années auparavant, sommes-nous vraiment dans l'obligation de l'harmoniser avec tous les écrits postérieurs du Rambam ?
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Laissons pour le moment le Rambam de côté. Cette distinction entre Shitouf et idolâtrie reste bien admise selon la plupart des Rishonim (commentaires et décisionnaires médiévaux). Par conséquent même si on récuse ma compréhension de Rambam, ce que je conçois tout à fait, vue que c'est un 'hidoush (une explication novatrice), on est de toutes façons contraint de dire que même ceux qui pensent que le christianisme n'est pas idolâtre, se situe uniquement du point de vue du Noahisme. Pour ce qui est, en revanche du juif tous s’accordent pour dire qu’une telle croyance relève de l'idolâtrie, y compris Rabbeinou Tam, évidemment. Ce qui explique au passage, sans en faire l’apologie, pourquoi les juifs ne rentraient pas dans les Églises, y compris en Europe. Et ce n'est absolument pas pour satisfaire l’opinion du Rambam, qui n’a pas été acceptée du monde ashkénaze, mais à l’évidence du fait que pour un juif le culte chrétien est idolâtre, même si l’articulation de la foi chrétienne n’est pas considérée comme de l’idolâtrie, selon les lois qui s’imposent à un fils de Noé.
Tu écris : « Si vraiment la loi des Hilkhot Avoda Zara ne visait qu'un seul point de vue, celui du Judaïsme et non celui du Noahisme, n'aurait-on pas pu attendre du Rambam qu'il le précise explicitement, lui dont la rédaction est un modèle de clarté et de précision ? »
Lorsque je dis que le Rambam se place du point de vue de la loi telle qu'elle s'impose à Israël ce n'est pas juste pour la forme mais parce que c'est toujours de ça dont il est question; que ce soit la loi sur le vin ; si Shitouf relève de l’idolâtrie pour un juif, le vin qui a servi à l'Église est Nessekh (interdit pour avoir servit le culte idolâtre). Pareil pour les serments, si jurer en associant des Saints est interdit pour un juif on peut comprendre que le Rambam interdise toute association avec le Chrétien etc… il ne s'agit pas d'inventer une subtilité juste pour montrer la finesse d'analyse du Rambam mais bien que cette distinction a, selon Rambam, une réelle influence sur la loi religieuse.
Même si tu voulais distinguer le Sefer ha-mitsvot du Mishneh Torah, dans le Mishneh Torah Maïmonide aussi distingue le commandement d’idolâtrie avec celui d’Unifier Dieu. Puisqu’il recense le commandement d’Unifier Dieu que dans les lois des fondements de la Torah, (du livre de la Connaissance), comme une injonction positive, sans même le mentionner dans les lois d’idolâtries, dans lesquelles ne sont recensés que les commandements d’idolâtries.
Par ailleurs, tu ne dis rien sur les propos du Rambam à propos de l’émergence du christianisme dans lesquelles il soutient que ça participe de la réalisation des prophéties relatives à la reconnaissance de Dieu par toutes les nations du monde. Point sur lequel Rambam ne distingue pas les Musulmans des chrétiens. Relisons ce texte : « Malgré tout, les pensées du Créateur du monde sont impénétrables pour l’homme, notre conception est notre pensée est différente de la sienne. En effet toutes ces choses-là correspondantes à Jésus le nazaréen, et de l’Ismaélite qui vint après lui (Mahomet), ne sont venus qu’afin de préparer le chemin pour le roi Messie, pour améliorer le monde entier, à servir Dieu ensemble “Alors je transformerais les peuples d’un langage commun, pour que tous invoquent le nom de l’Éternel et le servent d’un cœur unanime”. (Sophonie3, 9). » (Lois des rois 11, 4 dans la partie censurée).
Quelques remarques sur le fond :
1. À propos de ce que tu mentionnes des décisionnaires des dernières générations qui considèrent « shitouf » comme de l’idolâtrie même pour un fils de Noé, pour savoir si je serais près à les réinterpréter sur la base de cette distinction que j’introduis dans les mots du Rambam. Parmi la quantité de décisionnaires qui se sont positionnés sur la question, telle que tu l’énonces, je viens de relire les positions de R. Yéhezkel Landau (1713-1783), à ce sujet (Noda Bihouda II, Yoreh Déah fin du chapitre 148). L’auteur affirme en effet qu’il n’a jamais été question pour les Tossafot d’autoriser Shitouf à un fils de Noé. L’auteur du Tselah va jusqu’à affirmer qu’il n’existe aucune source qui prétend une telle chose. Pour appuyer son argument Landau rapporte un passage du Talmud qui énonce une règle: « Tout interdit d'idolâtrie pour lequel le tribunal d’Israël condamne à mort un juif, est interdit à un fils de Noé » (Braïta rapportée dans le Talmud Sanhédrin 56, b, Mishneh Torah lois des rois 9, 2). Par conséquent si le fait d’associer relève de l’idolâtrie pour un Israël, on ne peut prétendre qu’il sera permis au non-juif.
Ainsi, l’auteur va être contraint de ré-articuler les positions des Tossafot, selon lesquelles on peut s’associer avec un non juif dans les affaires du fait qu’il n’est pas interdit à un non juif d’associer des Saints à Dieu lorsqu’il prononce un serment : Selon Landau, en effet, ce que disent les Tossafot n’a rien à voir avec l’interdit d’idolâtrie. Il s’agit uniquement de l’injonction de la Torah « c'est par son nom que tu dois prêter serment » (Deut 6, 13), rapporté par le Rambam dans le Mishneh Torah (lois de serments 11,2). Il est donc interdit pour un juif d’associer dans ses serments autre chose que Dieu. Cet interdit ne concerne pas le fils de Noé. C’est donc uniquement sur ce sujet que le débat se pose. Il n’est pas question de discuter, en revanche, sur le fait de rendre un culte à Dieu en y associant autres choses,où là il relève de l’évidence que c’est de l’idolâtrie purement et simplement pas seulement pour un Israël mais aussi pour un fils de Noé.
Or, sans dénier la grandeur du Noda Bihouda, ses propos manquent de clarté :
1) Tout d’abord si je m’en tiens à ce que dit la Braïta comme quoi l’interdit d’idolâtrie est identique pour le juif et le non-juif, il n’est pas question ici d’interdit puisque l’injonction d’Unifier Dieu relève d’un commandement positif. Par conséquent, un juif qui inclut des Saints à Dieu contrevient uniquement à l’interdit positif de « yhoud hashem » et c’est ça dont il est question, il ne s’agit pas d’une distinction relative à l’interdit d’idolâtrie, où en effet « Tout interdit d'idolâtrie pour lequel le tribunal d’Israël condamne à mort un juif, est interdit à un fils de Noé ».
Si l'on considère que « shitouf » signifie associer à Dieu d’autres divinités, tel que l’a compris le Noda Bihouda, c'est pourquoi il le qualifie d'idolâtrie, on n’a pas besoin ici de la notion de « Shitouf » vue qu’il s’agit du principe même de l’idolâtrie. Ainsi que l’affirme explicitement le Talmud, qui déduit du verset « Du levant du soleil à son couchant, mon nom est glorifié parmi les peuples. En tous lieux, ont me présente de l’encens, et des offrandes pures, tant Mon nom est grand parmi les peuples, dit l’Éternel des armées » (Ma 1, 11), que les nations idolâtres reconnaissent le Créateur comme le Dieu suprême des autres divinités (Menachot 110, a).
S’il en est ainsi en quoi alors se distingue « shitouf » de l’idolâtrie ? Puisqu’il n’est pas nécessaire de renier le Dieu suprême pour être idolâtre ?
Dans mon livre j’explique que le principe d’idolâtrie peut certes admettre un Être supérieur, mais considère qu’après que le divin a donné pour mission aux astres de faire vivre la terre, celle-ci ne dépend désormais plus de son Créateur. Les astres deviennent à leur tour des divinités distinctes et séparées pour faire vivre le monde. Tandis que le concept d’associer à Dieu signifie que toute cette association participe d’une seule et même unité, il n’y a par conséquent aucun autre Dieu que Lui. Tout ce qui existe d’intermédiaire ne dépend que de la seule volonté du Très Haut, la force qui leur a été donnée n’est aucunement dissociable de celle de Dieu. Ainsi, les chrétiens ne conçoivent pas la Trinité comme des divinités distinctes mais comme une décomposition en trois « personne » d’Un seul et Unique Dieu.
[Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais il existe notamment dans les textes de la Cabale juive une approche tout à fait comparable de la divinité, et qui pourtant n’a jamais été accusée d’idolâtrie). Tandis qu’une telle approche, selon Rambam s’oppose aux fondements de la foi ainsi qu’il l’écrit dans son commentaire sur la Mishna (Sanhédrin chapitre 10, le Ve des treize principes de foi) « Que Lui, béni soit-Il, est celui qu’il convient de servir et magnifier [...], qu’il ne faut pas agir ainsi envers quiconque est inférieur à lui dans l’existence […] De même il ne convient pas de les servir afin qu’ils soient des intermédiaires pour L’approcher, mais c’est vers Lui seul que les pensées doivent être dirigées et tout ce qui est en dehors de Lui sera laissé de côté. C’est ce principe qui met en garde contre le culte des idoles.»]
J'en viens maintenant à mes remarques sur tes interrogations :
1. Tout d'abord ce n'est pas parce que les plus grands commentateurs n'auraient pas soulevé cette contradiction que nous n'avons pas le droit nous d'y répondre. Par ailleurs, ici dans le sujet qui nous occupe la contradiction n'apparait que si l'on prétend que Maïmonide voit les chrétiens comme de vulgaires idolâtres, il n'y a pas de contradiction au niveau des lois même énoncées par le Rambam, comme je l’ai montré plus haut. Si Shitouf relève de l'idolâtrie pour un juif on comprend que le vin du chrétien reste interdit. Pareil pour commercer avec eux le jour de leur fête si ça vaut reconnaissance de leur foi, celle-ci reste antinomique avec un Israël (cf. Lois d'idolâtrie 9, 4 dans les éditions non censurées). Et c'est pour justifier là encore cet interdit que Maïmonide écrit dans son commentaire sur la Mishnah (Avoda Zara 1, 3) dans la partie censurée [qui figure dans le livre hisronot hashass, les censures du Talmud,publié à Tel-Aviv (1989) : « Sache que le peuple des nazaréens qui suivent Jésus par hérésie, même s'il n'ont pas tous une religion identique, sont tous considéré comme idolâtres […] ».
2. Sur la question de l'harmonisation des sources; je ne comprends pas pourquoi on devrait a priori fermer définitivement la porte à l'interprétation ? De plus j'ai déjà dit que la preuve ne se situe pas seulement sur le Sefer ha-mitsvot mais aussi dans le Mishneh Torah vue que le Rambam ne recense pas le commandement relatif à l'Unicité de Dieu dans les lois d'idolâtrie mais dans les lois des fondements de la Torah.
3. Sur le fait que le Rambam ne précise pas clairement que l'injonction sur l'Unicité de Dieu ne s'impose pas au fils de Noé, ne peut absolument pas me contredire, et pour cause le Mishneh Torah concerne la Halakha telle qu’elle s'impose, sauf mention explicite, uniquement aux juifs. C'est donc le contraire qui est vrai ; si une loi s'applique uniquement aux juifs il n'y a pas lieu de préciser que ça ne concerne pas le non juif, c’est seulement dans le cas où une loi concerne aussi le fils de Noé, qu’il appartient au Rambam de le préciser. Or, dans les chapitres relatifs aux sept lois de Noé à partir de la fin du chapitre VIII des lois des Rois (dans le livre des juges du Mishneh Torah) Maïmonide n'indique absolument pas que les non juif sont astreints à ce commandement d'Unifier Dieu.
D’ailleurs, un passage du Talmud énonce que les non-juifs sont astreints à trente commandements (Holin 92, a), (le nombre de sept lois ne concernent que les interdits (Cf. Sanhédrin 58, b)). Et bien que Maïmonide ne le mentionne pas dans ses lois j’ai vue dans l'Encyclopédie Talmudique rapporté sous forme de tableau un recensement de ces trente commandements, tel qu’établit selon R. Menachem Azaria di Pano, mort en 1620, et selon R. Samuel b. Hafni (Xe siècle). Le tableau recense les deux opinions en rapportant à partir de quelles sources ont peut les trouver dans la Torah. Or, contrairement à Di Pano, seul Hafni compte l'Unicité de Dieu, tandis que l’Encyclopédie ne rapporte aucune source, qui viendrait justifier cette position ! (Je n'ai pas les ouvrages sous les yeux).
3. Pour revenir maintenant aux décisionnaires que tu cites, chose extraordinaire mais aucun décisionnaire, parmi les Rishonim (médiévaux), ne remet en question le principe comme quoi Shitouf n'est pas considéré comme de l'idolâtrie (et bien que Maïmonide qualifie les chrétiens d’idolâtres selon ce que nous avons vue, il ne parle pas de Shitouf). Ainsi, jusqu'au Rama (XVIe siècle) on admettait que la position de Rabbeinou Tam est que les chrétiens ne sont pas idolâtres. Le Méiri le dira d'une manière plus explicite encore. Il faudra arriver aux décisionnaires plus tardif pour faire cette nuance entre le fait d'associer un Saint dans un serment ce qui n'est pas de l'idolâtrie, de la foi même des chrétiens qui elle est idolâtre ! Or, sans reprendre mes remarques plus haut au sujet du Noda Bihouda, avec tout le respect que j'ai pour le Rav de Prague, une telle explication ne rentre absolument pas dans les mots du Rama (dont là encore une partie a été censurée) je viens de revoir le texte dans les Éditions Makhon Yéroushalaïm (que j'ai récupéré de mon ancienne bibliothèque) et si on lis le texte d’origine, non censuré, qui ne pouvait donc être connu de l’auteur, il ne laisse aucune ambiguïté, il ne parle pas uniquement du fait de faire serment mais du culte même des chrétiens. Voici donc les deux versions :
1. Version censurée
« … Ainsi écrit le Toldot Adam et Eve : “R.I écrit que de nos jours il est permis [de s'associer avec eux] car ils se contentent de faire serment sur leurs Saints, qu’ils ne prennent pas pour des divinités. Bien qu'ils invoquent le Nom de Dieu avec l'intention etc… ils ne mentionnent pas de divinités idolâtres, et leur intention va aussi vers le Créateur du Ciel et de la Terre. Et même s'ils associent Dieu avec autre chose, on a pas trouvé d’interdit [au juif] d'entraîner [le non juif] à associer, puisque les non juifs n'ont pas l'interdiction de Shitouf” »
2. Version non censurée
« … Ainsi écrit le Toldot Adam et Eve (V, 159,3): “R.I écrit que de nos jours il est permis [de s'associer avec eux] car ils se contentent de faire serment sur leurs Saints, appelé les Évangiles, qu'ils ne prennent pas pour des divinités. Bien qu'ils invoquent le Nom de Dieu en pensant à Jésus, ils ne mentionnent pas de divinités idolâtres et leur intention va aussi vers le Créateur du Ciel et de la Terre. Et même s'ils associent Dieu avec autre chose, on a pas trouvé qu'il est interdit [à un juif] d'entraîner [le non juif] à associer, puisque les non juifs n'ont pas l'interdiction de shitouf ».
Ainsi des termes : « bien qu'ils invoquent le Nom de Dieu en pensant à Jésus »,ne figure pas dans les versions censurées rendus part : « bien qu'ils invoquent le Nom de Dieu avec l'intention etc… » ce qui montre à l’évidence que le Rama ne se limite pas au fait d'associer Jésus dans un serment mais au principe même de considérer Jésus comme composante de la divinité. Je pense que si le Noda Bihouda avait eu la version complète sous les yeux il n'aurait pas pu faire cette nuance, comme quoi il n’est question que de serment mais pas de statuer sur la prétendue idolâtrie de la foi chrétienne. Ceci pour dire au passage que tous les décisionnaires que tu mentionnes (dont une partie sont mentionnés dans mon livre et dans mes commentaires précédents) ne contredisent pas mon explication vue qu'ils vont tous dans le même sens, sans soulever aucune des questions que je soulève.
Et c'est pour cette raison que ma remarque au sujet du Tsemah Tsédèk est pertinente. En effet : la seule base qui nous permet de distinguer Shitouf de l'idolâtrie n'est possible que si l'on admet que le commandement sur l'Unicité de Dieu ne s'applique pas aux non-juifs, (qui ne sont astreints qu'à l'interdit d'idolâtrie). Y compris pour comprendre l’opinion de Rabbeinou Tam que rapporte le Rama. Or la seule base qui nous permet effectivement de faire cette distinction nous vient du Rambam dans le Sefer ha-mitsvot. Par conséquent, comment pouvons-nous nous baser sur le Rambam pour disculper les chrétiens de toute idolâtrie alors même que le Rambam lui-même les considère clairement idolâtre ? Tandis que selon mon explication, le terme d’idolâtre qu’emploie le Rambam par rapport aux chrétiens ne s'applique que du point de vue de la législation d'Israël, comme pour s'associer dans les affaires, ou pour le vin etc… mais que ça ne condamne pas le chrétien d'un point de vue des lois de Noé. Par conséquent il n’y a pas lieu de considérer les chrétiens tel qu’on a perçu les peuples idolâtres incriminés dans la Torah et le Talmud. Ce qui justifie pourquoi le Rambam voit malgré tout dans le christianisme une avancée qui va vers la reconnaissance de Dieu.
En conclusion, je suis d'accord qu'il s'agit d’une interprétation nouvelle (un 'hisdoush), mais il me semble entièrement cohérent, à partir de la lecture même des sources, et je pense qu'il permet un certain dépassement d'un point de vue figé, sans pour autant bouger les normes de la législations rabbinique qui ont été fixées en ce domaine. Je garde, en revanche, à l'esprit qu'une telle innovation reste sujette à caution mais mérite néanmoins qu'on s'y penche.
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