Le collier à pendentifs de l’enseignement aux diacres
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Le collier à pendentifs de l’enseignement aux diacres
RESUME : La critique interne montre qu’il existe un ensemble de neuf chapitres (9 à 17) dans l’Evangile de Luc qui correspond à « 100 perles » régulières disposées comme un collier à pendentifs. L’ensemble est composé en tradition orale hébraïque – à l’exception du chapitre 12 qui est d’un auteur inconnu et n’ayant pas la compétence suffisante pour composer en tradition orale hébraïque.
L’ensemble de ces « 100 perles » est antérieur à la composition du « collier central » (celui de la profession de foi de Pierre) parce que ce « collier central » est inséré en plein milieu des « 100 perles » venant naturellement rompre la continuité de cet ensemble de « 100 perles ». La thématique de cet ensemble de « 100 perles » est centrée sur la formation de « serviteurs », « veilleurs » ou « shamash » (lévites), c’est-à-dire la formation des 72 appelés, également « diacres », bien que le mot grec « diakonos » ait un sens réducteur par rapport à ce qui est signifié dans les Evangiles concernant ces « shamash » (ce terme grec est finalement impropre).
Pour l’auteur, maintenant : cet ensemble serait « l’Evangile de Paul » dont parlent plusieurs traditions primitives de l’Eglise ; quant à la première Eglise, elle considérait que l'Evangile de Luc était essentiellement constitué à partir de la prédication de Paul. Mais comme cet ensemble de « 100 perles » est antérieur à la composition du « collier central » et aussi antérieur à l'ordrage des Evangiles de Matthieu et Marc - puisqu'il ne connaît pas cet ordrage claqué sur le « parcours » de Jésus (voir le texte), il s'agirait de textes rédigés d’après l‘enseignement des 72, transmis par le disciple Ananie à Paul à Damas. Cette tradition diaconale aurait alors été mise en bonne tradition orale hébraïque par Paul qui l'aurait transmise ensuite à Luc.
Jusqu’à ce point l’interprétation repose sur trois points d’appui : 1. La comparaison des structures entre les synoptiques, 2. La Peshitta, c’est-à-dire le texte araméen des Evangiles et 3. L’identification des « colliers » et « perles » de tradition orale hébraïque, c’est-à-dire de composition conforme au procédé rabbinique oral qui se retrouve sur la totalité des quatre Evangiles (sauf le chapitre 12 de Luc).
Ensuite, l’identification de cet ensemble des 100 « perles » associée à une bonne connaissance du système d'enseignement rabbinique du premier siècle de notre ère permet de reconstituer de façon très détaillée le contenu, la méthode et les événements de la stratégie pédagogique de Jésus de Son vivant. En fait, l'enseignement de Jésus ne diffère pas de l'enseignement rabbinique par la méthode, il ne diffère que par le contenu et les événements pédagogiques, c'est à dire les circonstances de cet enseignement.
Finalement deux hypothèses complètent ce tableau déjà très précis : 1. L'hypothèse d'un parcours de remémoration géographique soutenue par Pierre Perrier. L'idée est que les étapes du circuit : Jourdain - Galilée - Vocations - Miracles - Enseignements - Montagne - Montée à Jérusalem, répété sur trois ans sont venues soutenir par la mémoire des lieux l'enseignement de Jésus et sa mémorisation, ce circuit annuel servant finalement de cadre chronologique des synoptiques et 2. L'hypothèse soutenue par Frédéric Guigain d'un « empilement » de souvenirs en référence avec les textes de la liturgie sabbatique - textes à l'époque fixés sur un rythme annuel et connus par cœur par tout juif de l'époque. L'idée est que des événement semblables - répétés sur 3 ans - sont venus renforcer l'axe thématique de l'enseignement de Jésus - en faisant apparaître les enseignements et miracles de Jésus - non comme LA référence « en soi » - mais plutôt comme un commentaire ou une jurisprudence de la Torah sabbatique.
Préambule
Le sujet du « système d’enseignement de Jésus » est tout à fait passionnant. Ce sujet fera partie, je suppose, des sujets exceptionnels sans équivalent sur les autres forums. De façon plus générale le caractère exceptionnel de cette exégèse sur la tradition orale a une explication très simple : les autres approches, dites « modernes » notamment dépendant de la Formgeschichte – ignorent la base même de ce genre d’interprétation parce qu’elles méconnaissent purement et simplement l’intérêt de la Peshitta. Sommairement, ils tiennent cette Peshitta pour une traduction tardive à partir du texte grec en syriaque entre le 5ème et le 7ème siècle( http://fr.wikipedia.org/wiki/Peshitta ).
Dans l’exposé qui suit nous avons tenté de respecter la pensée de Pierre Perrier. L’essentiel de cet exposé est tiré du chapitre XIII du livre le « Les colliers évangéliques. Ed. Sarment. Pierre Perrier. Juillet 2003. ISBN : 2-8667-9358-7.
Sur la question de l’ancienneté de la Peshitta, qui est un texte araméen (non syriaque) voir :
http://eecho.fr/l%e2%80%99evangeliaire-peshitta-est-paru/#.U5l_75VOI5s
https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t47-debats-sur-la-mise-par-ecrit-des-evangiles
Sur la question des « colliers évangéliques » voir :
https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t47-debats-sur-la-mise-par-ecrit-des-evangiles#411
Sur la question des sources attestant du processus de tradition orale lors de la composition des Evangiles :
https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t47-debats-sur-la-mise-par-ecrit-des-evangiles#438
Notre analyse est clairement signalée, à part du texte exposant la pensée de Pierre Perrier, comme un « commentaire ». Nous y avons signalé les points que nous ne comprenons pas clairement.
1. Différence de structure de Luc par rapport à Marc et Matthieu
Une différence de structure entre Luc et les deux autres synoptiques : Marc et Matthieu est assez facile à repérer.
En effet, si on compare Matthieu, Marc et Luc, on peut voir qu’entre la deuxième et la troisième annonces de la Passion par Jésus, Luc a un texte beaucoup plus long que Marc et Matthieu. Entre ces deux annonces de la Passion – (entre Lc 9, 43-45 et Lc, 18, 31-37) - Luc insère neuf chapitres lesquels représentent un texte dix fois plus long que les textes homologues de Marc et de Matthieu. Tout se passe comme si Luc avait retenu une toute petite partie du texte de Marc ou Matthieu (sept « perles » sur le divorce) et avait inséré, à la place, un énorme ensemble sur le thème de la construction de la Nouvelle Alliance.
Cette « exception » de Luc, s’étend donc, approximativement, du chapitre 9 au chapitre 17. La question est maintenant de savoir pour quelle raison, de quelle manière et à quel moment cette insertion a été opérée. Pierre Perrier développe des arguments de critique interne qui permettent de situer les sources, l’auteur et la chronologie de cette insertion.
2. Les singularités de composition de cette collection de Luc
A. Le chapitre 12 de Luc n’est pas composé selon les règles de la tradition orale hébraïque
Dans ces neuf chapitres, le chapitre 12 est un cas unique parmi tous les textes évangéliques, c’est le seul texte qui ne relève pas de la composition de tradition orale hébraïque. On parlera, ici, seulement de « logia » parce qu’on ne retrouve pas de « perles », structurées de façon traditionnelle.
L’auteur a utilisé un système « d’accrochage » des logia tout à fait inhabituel (sur le système : « cheval de course, course à pied, pied à terre, etc … »). Ce système maladroit indique quand même un souci de fixation en mémoire de l’auteur. Etant donné que Luc, lui, a rédigé tout le reste de son Evangile selon les règles de bonne tradition orale hébraïque, on peut en conclure que ce chapitre 12 n’est pas de lui. Luc aura seulement récupéré ce texte pour l’intégrer dans son Evangile sous le contrôle d’un ou plusieurs apôtres. De plus, l’absence d’allusion à la Passion dans ce texte laisse penser que l’auteur aura écouté et mis en mémoire des « petits dits » de Jésus entendus en plusieurs occasions, mais qu'il n’aura pas suivi Jésus jusqu’au bout - à la différence des Apôtres.
B. Les chapitres 9 à 11 et 13 à 17 de Luc sont composés selon une bonne tradition orale hébraïque avec un couplage des « perles » en « 3 + 4 + 3 »
Une fois mis de côté le chapitre 12 et les éléments de brisure des autres « colliers », il reste environ huit chapitres. Ces chapitres, eux, sont composés selon une bonne tradition orale hébraïque.
C’est même une structure extrêmement élaborée avec un couplage des « perles » selon un rythme « 3 + 4 + 3 » uniforme. C’est une structure qui existe occasionnellement, un peu dispersée, dans certaines parties des Evangiles et plus généralement qui est systématique dans le Talmud et est utilisée par tous les maîtres de la tradition hébraïque. Au final, on a une structure à pendentif tout à fait rigoureuse de 50 « perles ».
Ces 50 « perles » n’ont pu être composées que par un homme de bonne culture rabbinique. Mais l’auteur ne peut être Jésus, Lui-même, parce que les matériaux de ces chapitres sont diversement repris et utilisés par Marc et Matthieu. Or il est peu probablement que Marc et Matthieu aient pris la liberté de modifier le mot à mot et l’enchaînement de ce texte s’il avait été composé en tradition orale par Jésus, Lui-même.
C. Ce couplage des « perles » en « 3 + 4 + 3 » se retrouve dans le reste du texte de Luc
Cette structuration « 3 + 4 + 3 » ayant été mise en lumière, on peut se demander si elle ne se retrouve pas dans d’autres parties de l’Evangile de Luc. Et c’est effectivement le cas. L’ensemble fait finalement 10 x 10 = 100 « perles ». L’agencement de ces 100 perles n’a rien de comparable avec l’organisation ou le « parcours » de l’Evangile de Marc : Jean Baptiste et Jésus / vocation-mission des Douze / collier central / colliers des petits / Passion.
Cette différence de structure signifie que l’auteur n’était pas disciple et n’a pas vécu ou connu le détail de déroulement chronologique de la prédication de Jésus. On a donc tout lieu de penser que ce groupe de cent « perles » est de composition antérieure aux ordrages de Marc et Mathieu et qu’il a constitué un Evangile entier que Luc a inséré dans la parcours « classique » (celui de Marc) pour le rendre cohérent avec celui de Pierre. Le fait que la Malpanoutha y apparaisse séparée en deux parties - non fondues ensemble - incite encore à placer sa composition avant l’année 34-35 (date à partir de laquelle Matthieu a mis en forme son enseignement de base).
3. Le contenu de cette collection de « 100 perles » consacrées à l’enseignement.
Contrairement à la compréhension habituelle, ces textes ne se résument pas à un contenu d’enseignement « à donner aux disciples », donc à utiliser pour le prosélytisme. Pierre Perrier met en évidence qu’il s’agit d’un enseignement « reçu » et que les répétitions apparentes correspondent à deux phases d’enseignement reçu, successivement par les 12, puis par les 72.
Cet enseignement reçu décrit la fonction du diacre (c’est-à-dire des 72) en reprenant de façon insistante les termes de « serviteur » (au centre des 100 perles), de « veilleur » et de « shamash », terme araméen qui correspond à la fonction de lévite, mais qui est différente du « diaconos » grec – parce que ce terme a perdu en grec son sens de « tâches au contact du sacré ».
Ensuite viennent les conseils pour la mission (deux par deux, un seul bâton pour deux …), la prière et la lutte contre les mauvais esprits lors de l’instauration des maisons-hôtes (églises domestiques), les quobalas (c’est-à-dire : les « festins de la Parole ») organisés en cours de mission, la construction ensemble d’une magdala (une tour), c’est-à-dire d’un ensemble de connaissances de la Parole pour résister à la persécution.
Les Actes, la lettre aux Galates, toutes les traditions anciennes, latines et orientales font allusion à « l’Evangile de Paul » ; quant à la première Eglise, elle considérait comme une évidence que l’Evangile de Luc était essentiellement constitué à partir de la prédication de l’Apôtre des Nations : Paul.
Pierre Perrier pense que cette collection de 100 « perles » est justement cet Evangile de Paul. Lequel proviendrait de textes rédigés d’après l‘enseignement des 72, puis transmis par Ananie (Ac 9, 10) à Paul, lequel était le plus apte à composer, à partir de la tradition reçue à Damas un texte de ce type et à lui donner un développement aussi considérable.
A. L’Evangile de Paul et sa composition « à renvois »
Pour plus de détail, voir : les relations « perle » par « perle » des textes homologues de Marc, Matthieu et Luc dans le spoiler ci-dessous.
L’ensemble de ces « 100 perles » est antérieur à la composition du « collier central » (celui de la profession de foi de Pierre) parce que ce « collier central » est inséré en plein milieu des « 100 perles » venant naturellement rompre la continuité de cet ensemble de « 100 perles ». La thématique de cet ensemble de « 100 perles » est centrée sur la formation de « serviteurs », « veilleurs » ou « shamash » (lévites), c’est-à-dire la formation des 72 appelés, également « diacres », bien que le mot grec « diakonos » ait un sens réducteur par rapport à ce qui est signifié dans les Evangiles concernant ces « shamash » (ce terme grec est finalement impropre).
Pour l’auteur, maintenant : cet ensemble serait « l’Evangile de Paul » dont parlent plusieurs traditions primitives de l’Eglise ; quant à la première Eglise, elle considérait que l'Evangile de Luc était essentiellement constitué à partir de la prédication de Paul. Mais comme cet ensemble de « 100 perles » est antérieur à la composition du « collier central » et aussi antérieur à l'ordrage des Evangiles de Matthieu et Marc - puisqu'il ne connaît pas cet ordrage claqué sur le « parcours » de Jésus (voir le texte), il s'agirait de textes rédigés d’après l‘enseignement des 72, transmis par le disciple Ananie à Paul à Damas. Cette tradition diaconale aurait alors été mise en bonne tradition orale hébraïque par Paul qui l'aurait transmise ensuite à Luc.
Jusqu’à ce point l’interprétation repose sur trois points d’appui : 1. La comparaison des structures entre les synoptiques, 2. La Peshitta, c’est-à-dire le texte araméen des Evangiles et 3. L’identification des « colliers » et « perles » de tradition orale hébraïque, c’est-à-dire de composition conforme au procédé rabbinique oral qui se retrouve sur la totalité des quatre Evangiles (sauf le chapitre 12 de Luc).
Ensuite, l’identification de cet ensemble des 100 « perles » associée à une bonne connaissance du système d'enseignement rabbinique du premier siècle de notre ère permet de reconstituer de façon très détaillée le contenu, la méthode et les événements de la stratégie pédagogique de Jésus de Son vivant. En fait, l'enseignement de Jésus ne diffère pas de l'enseignement rabbinique par la méthode, il ne diffère que par le contenu et les événements pédagogiques, c'est à dire les circonstances de cet enseignement.
Finalement deux hypothèses complètent ce tableau déjà très précis : 1. L'hypothèse d'un parcours de remémoration géographique soutenue par Pierre Perrier. L'idée est que les étapes du circuit : Jourdain - Galilée - Vocations - Miracles - Enseignements - Montagne - Montée à Jérusalem, répété sur trois ans sont venues soutenir par la mémoire des lieux l'enseignement de Jésus et sa mémorisation, ce circuit annuel servant finalement de cadre chronologique des synoptiques et 2. L'hypothèse soutenue par Frédéric Guigain d'un « empilement » de souvenirs en référence avec les textes de la liturgie sabbatique - textes à l'époque fixés sur un rythme annuel et connus par cœur par tout juif de l'époque. L'idée est que des événement semblables - répétés sur 3 ans - sont venus renforcer l'axe thématique de l'enseignement de Jésus - en faisant apparaître les enseignements et miracles de Jésus - non comme LA référence « en soi » - mais plutôt comme un commentaire ou une jurisprudence de la Torah sabbatique.
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Préambule
Le sujet du « système d’enseignement de Jésus » est tout à fait passionnant. Ce sujet fera partie, je suppose, des sujets exceptionnels sans équivalent sur les autres forums. De façon plus générale le caractère exceptionnel de cette exégèse sur la tradition orale a une explication très simple : les autres approches, dites « modernes » notamment dépendant de la Formgeschichte – ignorent la base même de ce genre d’interprétation parce qu’elles méconnaissent purement et simplement l’intérêt de la Peshitta. Sommairement, ils tiennent cette Peshitta pour une traduction tardive à partir du texte grec en syriaque entre le 5ème et le 7ème siècle( http://fr.wikipedia.org/wiki/Peshitta ).
Dans l’exposé qui suit nous avons tenté de respecter la pensée de Pierre Perrier. L’essentiel de cet exposé est tiré du chapitre XIII du livre le « Les colliers évangéliques. Ed. Sarment. Pierre Perrier. Juillet 2003. ISBN : 2-8667-9358-7.
Sur la question de l’ancienneté de la Peshitta, qui est un texte araméen (non syriaque) voir :
http://eecho.fr/l%e2%80%99evangeliaire-peshitta-est-paru/#.U5l_75VOI5s
https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t47-debats-sur-la-mise-par-ecrit-des-evangiles
Sur la question des « colliers évangéliques » voir :
https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t47-debats-sur-la-mise-par-ecrit-des-evangiles#411
Sur la question des sources attestant du processus de tradition orale lors de la composition des Evangiles :
https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t47-debats-sur-la-mise-par-ecrit-des-evangiles#438
Notre analyse est clairement signalée, à part du texte exposant la pensée de Pierre Perrier, comme un « commentaire ». Nous y avons signalé les points que nous ne comprenons pas clairement.
1. Différence de structure de Luc par rapport à Marc et Matthieu
Une différence de structure entre Luc et les deux autres synoptiques : Marc et Matthieu est assez facile à repérer.
En effet, si on compare Matthieu, Marc et Luc, on peut voir qu’entre la deuxième et la troisième annonces de la Passion par Jésus, Luc a un texte beaucoup plus long que Marc et Matthieu. Entre ces deux annonces de la Passion – (entre Lc 9, 43-45 et Lc, 18, 31-37) - Luc insère neuf chapitres lesquels représentent un texte dix fois plus long que les textes homologues de Marc et de Matthieu. Tout se passe comme si Luc avait retenu une toute petite partie du texte de Marc ou Matthieu (sept « perles » sur le divorce) et avait inséré, à la place, un énorme ensemble sur le thème de la construction de la Nouvelle Alliance.
Cette « exception » de Luc, s’étend donc, approximativement, du chapitre 9 au chapitre 17. La question est maintenant de savoir pour quelle raison, de quelle manière et à quel moment cette insertion a été opérée. Pierre Perrier développe des arguments de critique interne qui permettent de situer les sources, l’auteur et la chronologie de cette insertion.
2. Les singularités de composition de cette collection de Luc
A. Le chapitre 12 de Luc n’est pas composé selon les règles de la tradition orale hébraïque
Dans ces neuf chapitres, le chapitre 12 est un cas unique parmi tous les textes évangéliques, c’est le seul texte qui ne relève pas de la composition de tradition orale hébraïque. On parlera, ici, seulement de « logia » parce qu’on ne retrouve pas de « perles », structurées de façon traditionnelle.
L’auteur a utilisé un système « d’accrochage » des logia tout à fait inhabituel (sur le système : « cheval de course, course à pied, pied à terre, etc … »). Ce système maladroit indique quand même un souci de fixation en mémoire de l’auteur. Etant donné que Luc, lui, a rédigé tout le reste de son Evangile selon les règles de bonne tradition orale hébraïque, on peut en conclure que ce chapitre 12 n’est pas de lui. Luc aura seulement récupéré ce texte pour l’intégrer dans son Evangile sous le contrôle d’un ou plusieurs apôtres. De plus, l’absence d’allusion à la Passion dans ce texte laisse penser que l’auteur aura écouté et mis en mémoire des « petits dits » de Jésus entendus en plusieurs occasions, mais qu'il n’aura pas suivi Jésus jusqu’au bout - à la différence des Apôtres.
- Spoiler:
Ce chapitre 12 a une singularité : contrairement au reste des évangiles, il ne comporte aucune véritable « perle ». Il est seulement constitué d’une série de courts « logia », c’est à dire de petites phrases donnant un enseignement. Ces logia sont au nombre de quatorze, structure typiquement hébraïque qui pourrait donner l’impression qu’il s’agit d’un « collier », mais ce n‘est pas le cas.
Il existe cependant un élément qui prouve que l’auteur a eu le souci de fixation de la mémoire. Il existe en araméen une sorte d’enchaînement des phrases sur un système simple du genre : « cheval de course, course à pied, pied à terre, etc … » avec un basculement d’un logion à l’autre autour d’un mot ou d’image-clé – mais sans lien direct au niveau du sens (contrairement au système de « collier » où la cohérence de sens est une règle absolue). Pierre Perrier qualifie cette sorte de mouvement d’entraînement de « poussage mémoriel ».Pierre Perrier a écrit:« Mais quand on essaie d’identifier un parcours, une houtama [signature], une composition à pendentifs ou un jeu de symétrie, c’est-à-dire un élément de structuration caractéristique d’un texte élaboré de composition orale, on ne trouve rigoureusement rien. » (page 385).
Finalement, le chapitre 12 n’est pas véritablement un « collier », mais seulement une litanie où ce sont des couples de mots ou d’images-clés – parfois sans cohérence de sens - qui assure l’articulation et le basculement d’un passage à l’autre. C’est juste une collection de « petits dits » que quelqu’un a voulu mettre en mémoire. Luc aura récupéré ce texte pour l’intégrer dans son Evangile. L’auteur – sans doute par manque d’éducation orale – n’a pas été capable de se livrer à la savante rumination des disciples des rabbis leur permettant la composition de textes oraux parfaitement agencés. Cette incapacité technique ne diminue pas l’authenticité des logia que Luc ne pouvant décider d’inclure dans son Evangile sans les faire vérifier par un ou plusieurs apôtres. Le fait que ce texte ne comporte aucune allusion à la Passion peut laisser penser qu’il s’agit de l’œuvre d’une personne qui a écouté Jésus en plusieurs occasions mais qui ne l’a pas suivi jusqu’au bout comme les Apôtres.
Mon commentaire : Une « houtama » est un terme araméen désignant une signature, un sceau apporté à la parole dite par une phrase de signature orale engageant l’auteur. Le compositeur oral l’insère dans son texte en général vers la fin (du « collier » par exemple), mais un peu avant par discrétion, ou au début si la fin du texte est l’éloge du héros auquel l’auteur exprime son respect.
B. Les chapitres 9 à 11 et 13 à 17 de Luc sont composés selon une bonne tradition orale hébraïque avec un couplage des « perles » en « 3 + 4 + 3 »
Une fois mis de côté le chapitre 12 et les éléments de brisure des autres « colliers », il reste environ huit chapitres. Ces chapitres, eux, sont composés selon une bonne tradition orale hébraïque.
C’est même une structure extrêmement élaborée avec un couplage des « perles » selon un rythme « 3 + 4 + 3 » uniforme. C’est une structure qui existe occasionnellement, un peu dispersée, dans certaines parties des Evangiles et plus généralement qui est systématique dans le Talmud et est utilisée par tous les maîtres de la tradition hébraïque. Au final, on a une structure à pendentif tout à fait rigoureuse de 50 « perles ».
Ces 50 « perles » n’ont pu être composées que par un homme de bonne culture rabbinique. Mais l’auteur ne peut être Jésus, Lui-même, parce que les matériaux de ces chapitres sont diversement repris et utilisés par Marc et Matthieu. Or il est peu probablement que Marc et Matthieu aient pris la liberté de modifier le mot à mot et l’enchaînement de ce texte s’il avait été composé en tradition orale par Jésus, Lui-même.
- Spoiler:
Contrairement au chapitre 12, les huit chapitres restants ont une structure extrêmement élaborée. L’ensemble est constitué de cinq « bouts » avec des « perles » couplées de façon particulière en « 3 + 4 + 3 », soit : avec un groupe central de 4 « perles » et avec deux groupes symétriques de 3 « perles ».
C’est finalement une structure à pendentif tout à fait rigoureuse de 50 « perles ». Il est impensable qu’une structuration à pendentifs aussi rigoureuse ne soit pas volontaire. Au contraire, on retrouve cette structure dans le Collier des controverses (6 x 5 = 30 « perles » diversement utilisées chez quatre évangélistes et dont la « houtama » permet d'évoquer Nathanaël comme auteur ; ce collier apparaît chez Luc au chapitre 5) et plus généralement de façon très systématique dans le Talmud et est en usage chez tous les maîtres de la tradition hébraïque. Il constitue en particulier la structure même du Piqé-abbot rapportant les paroles savoureuses des rabbis et se présentant comme un vaste système de mémoire à pendentifs.
Cette analyse donne déjà des indications sur la source du texte et sur celui qui l’a composé oralement. C’est certainement un homme de bonne culture rabbinique. Tout à fait caractéristique de cette tradition hébraïque : le chiffre 50 évoquant l’idée de jubilé et le couplage des perles par 3 ou 4 faisant apparaître le nombre symbolique : 7.
On a avancé qu’il, pourrait s’agir de Jésus, lui-même, mais une telle hypothèse doit être écartée complètement pour une raison simple. En effet certains de ces textes en Luc se retrouvent chez Marc et Matthieu lesquels les organisent de façon totalement différente.
Mon commentaire : je n’ai pas bien compris pourquoi Pierre Perrier n’emploie pas ici le mot habituel de « collier », mais emploie le mot : « bout ». Il est possible que ce soit parce que ces « perles » sont « couplées » de façon particulière en « 3 + 4 + 3 » – ce qui n’est pas la règle dans les « colliers » évangéliques où les « perles » sont plutôt groupées par 5 ou 7 avec une symétrie centrale et sans « couplage » rythmant ces 5 ou 7 « perles ».Pierre Perrier a écrit:« Si le Seigneur avait lui-même fixé cette mise en ordre, il est évident que les disciples ne se seraient pas permis la moindre réorganisation et en auraient conservé le mot à mot et l’enchaînement aussi fidèlement que possible. De plus, à l’exception de son Testament, Jésus développe certains leurs thèmes, mais selon une pédagogie progressive et par conséquent ne propose jamais de collier tout fait. On a donc bien affaire à la mise en mémoire d’un enseignement oral reçu ; mais au lieu de la structure très fruste qu’on voit au chapitre 12, on a une forme rabbinique des plus sophistiquées. » (page 391)
C. Ce couplage des « perles » en « 3 + 4 + 3 » se retrouve dans le reste du texte de Luc
Cette structuration « 3 + 4 + 3 » ayant été mise en lumière, on peut se demander si elle ne se retrouve pas dans d’autres parties de l’Evangile de Luc. Et c’est effectivement le cas. L’ensemble fait finalement 10 x 10 = 100 « perles ». L’agencement de ces 100 perles n’a rien de comparable avec l’organisation ou le « parcours » de l’Evangile de Marc : Jean Baptiste et Jésus / vocation-mission des Douze / collier central / colliers des petits / Passion.
Cette différence de structure signifie que l’auteur n’était pas disciple et n’a pas vécu ou connu le détail de déroulement chronologique de la prédication de Jésus. On a donc tout lieu de penser que ce groupe de cent « perles » est de composition antérieure aux ordrages de Marc et Mathieu et qu’il a constitué un Evangile entier que Luc a inséré dans la parcours « classique » (celui de Marc) pour le rendre cohérent avec celui de Pierre. Le fait que la Malpanoutha y apparaisse séparée en deux parties - non fondues ensemble - incite encore à placer sa composition avant l’année 34-35 (date à partir de laquelle Matthieu a mis en forme son enseignement de base).
- Spoiler:
Si on cherche maintenant ce couplage des « perles » en « 3 + 4 + 3 », on s’aperçoit qu’il existe au moins pour quatre autres « colliers » :
- Dans trois colliers précédant le collier central, soit les « colliers » « du baptême et des vocations », de « l’enseignement de base » et des « paraboles et les miracles » ; et
- Le collier central lui-même.
Tout cet ensemble qui totalise 10 x 10 = 100 « perles » constitue l’essentiel de la collection de Luc. Sa structure en Luc est différente de la structure de l’Evangile de Matthieu ou du « parcours » de Marc qui enchaîne : « collier » de Jean-Baptiste et Jésus + vocation-mission des Douze + « collier central » + « collier des petits » + montée vers Pâques + Passion. Il est évident que la structuration de ces textes ne s’est pas faite à partir du parcours de remémoration de Pierre (Marc). Cela signifie que l’auteur n’a pas vécu ou connu le détail de déroulement chronologique de la prédication de Jésus (Jourdain – Galilée – Montagne - montée vers Jérusalem).
On a donc tout lieu de penser que ce groupe de 100 « perles » est de composition antérieure aux ordrages de Marc et Matthieu et qu’il est constitué d’un Evangile entier que Luc a repris et inséré dans le parcours « classique » (Jourdain – Galilée – Montagne - montée vers Jérusalem).
Mon commentaire : l'antériorité de ces 100 « perles » par rapport aux compositions des Evangiles synoptiques - dont l'Evangile de Luc lui-même - est donc appuyée sur deux arguments : 1. Le fait que celle collection est brisée par l'insertion de la Profession de foi de Pierre - en plein milieu de la collection et 2. L'ordrage de cette collection différent des Evangiles synoptique lesquels ont adopté un autre ordrage, selon le parcours « classique » : celui de Pierre (Marc).Pierre Perrier a écrit:« Le fait que la Malpanoutha [Sermon sur la Montagne] y apparaisse en deux parties non fondues incite du reste à placer sa composition avant l’année 34-35 (date à partir de laquelle Matthieu a mis en forme son enseignement de base). Par ailleurs, il apparaît de toute évidence que le texte de Luc n’a pas suivi la même évolution que les Evangiles de Pierre (Marc) et de Matthieu, mais qu’il a été ré-homogénéisé sur le parcours-tronc qui leur est antérieur : on verra qu’il a reçu en dernier lieu, un collier supplémentaire, celui de la Miséricorde ». (page 392)
Le « collier central » correspond à la confession de foi de Pierre dans les synoptiques. Le « collier de la Malpanoutha » correspond à ce qui est habituellement appelé « Sermon sur la Montagne », c’est aussi l’enseignement de base de Jésus – destinés aux disciples.
La Malpanoutha est un mot araméen qui désigne une « leçon » d’un maître ; il s’agit selon les sens englobant (ou en poupées russes) usuel en araméen à la fois d’une perme de récitation (par exemple des Noces de Cana) surtout aussi un résumé parfait d’un enseignement bien plus important come la Malpanoutha rech thoura. Un catéchisme bien condensé formera une Marganitha. Ce sens est explicité dans la parabole de Mt 13, 46.
Je n’ai pas trouvé l’explication de « rech thoura ».
3. Le contenu de cette collection de « 100 perles » consacrées à l’enseignement.
Contrairement à la compréhension habituelle, ces textes ne se résument pas à un contenu d’enseignement « à donner aux disciples », donc à utiliser pour le prosélytisme. Pierre Perrier met en évidence qu’il s’agit d’un enseignement « reçu » et que les répétitions apparentes correspondent à deux phases d’enseignement reçu, successivement par les 12, puis par les 72.
Cet enseignement reçu décrit la fonction du diacre (c’est-à-dire des 72) en reprenant de façon insistante les termes de « serviteur » (au centre des 100 perles), de « veilleur » et de « shamash », terme araméen qui correspond à la fonction de lévite, mais qui est différente du « diaconos » grec – parce que ce terme a perdu en grec son sens de « tâches au contact du sacré ».
Ensuite viennent les conseils pour la mission (deux par deux, un seul bâton pour deux …), la prière et la lutte contre les mauvais esprits lors de l’instauration des maisons-hôtes (églises domestiques), les quobalas (c’est-à-dire : les « festins de la Parole ») organisés en cours de mission, la construction ensemble d’une magdala (une tour), c’est-à-dire d’un ensemble de connaissances de la Parole pour résister à la persécution.
Les Actes, la lettre aux Galates, toutes les traditions anciennes, latines et orientales font allusion à « l’Evangile de Paul » ; quant à la première Eglise, elle considérait comme une évidence que l’Evangile de Luc était essentiellement constitué à partir de la prédication de l’Apôtre des Nations : Paul.
Pierre Perrier pense que cette collection de 100 « perles » est justement cet Evangile de Paul. Lequel proviendrait de textes rédigés d’après l‘enseignement des 72, puis transmis par Ananie (Ac 9, 10) à Paul, lequel était le plus apte à composer, à partir de la tradition reçue à Damas un texte de ce type et à lui donner un développement aussi considérable.
A. L’Evangile de Paul et sa composition « à renvois »
- Spoiler:
Pierre Perrier retient ce que dit la tradition primitive sur « l’Evangile de Paul » :
On ne peut être frappé par le fait que certains éléments font doublons avec ce qui est donné plus loin dans les colliers suivants. Le schéma directeur semble être un système de « renvois » :Pierre Perrier a écrit:« A l’instar des Actes et de la lettre aux Galates, toutes les traditions anciennes, latines et orientales font allusion à « l’Evangile de Paul » ; quant à la première Eglise, elle considérait comme une évidence que l’Evangile de Luc était essentiellement constitué à partir de la prédication de l’Apôtre des Nations. Le fait que Paul ait été formé par Gamaliel dans le milieu des rabbis rend cette tradition tout à fait crédible. On a tout lieu de penser qu’il était le plus apte à composer, à partir de la tradition reçue de Damas un texte de ce type et à lui donner un développement aussi considérable ; beaucoup plus large que celui du collier des controverses de Nathanaël »
Les dix pendentifs de dix perles de « l’Evangile de Saül » s’organisent autour du collier central : trois colliers sont situés avant, cinq après. Ce groupe de cinq colliers, dont le dernier s’accroche à celui de la Passion a certainement été structuré avant les autres. Il présente une remarquable homogénéité et traite de sujets importants. » (page 392)
Premier groupe de texte (Mc, Mt et Lc) – avant le « collier central »
0 – L’appel (ou la vocation des disciples : enseignement de base ;
I – Choix des 12 et enseignement ;
II - Mission des 12 ;
III - Retour des 12 et compléments d’enseignement aux 12.
Second groupe de texte (Lc) - après le « collier central », mais « en écho » au premier groupe et comme explication :
I’ – Choix des 72 ;
II’ - Envoi en mission des 72 ;
III’ - Retour des 12 et compléments d’enseignement aux 12 ;
I’ - Enseignement aux 72.
Globalement, il semblerait, en fait, que tout l’accent soit finalement mis sur l’enseignement aux soixante-douze d’une part à cause de l’insistance mise dans ces textes sur le terme de « serviteur » (voir plus bas) et d’autre part : du fait des différences significatives dans ces textes entre la fonction de diacre et le rôle du prêtre. Tout un collier porte sur la mission particulière des 72, tandis que d’autres éléments concernent les risques qu’ils encourent en annonçant la Parole.
La structuration de cet enseignement suivi constitue ce que l’Eglise primitive appelle « la doctrine des Apôtres » Il est très vraisemblable qu’elle vient directement de Saül qui l’a obtenue en mettant en ordre la tradition du diacre Ananie. Parti en 32 après la mort d’Etienne et après sa conversion, il passe 3 ans au désert pour ruminer la Parole de Jésus puis revient à Jérusalem (Gal 1, 16-18) pour faire valider son enseignement, c’est-à-dire pour s’assurer que ce qu’il avait retenu et ordré des paroles reçues des soixante-douze, était bien conforme à la doctrine des Apôtres. Ces cent perles constituent donc bien un « Evangile » qui met tout naturellement l’accent sur la fonction spécifique des diacres.
Mon commentaire nous ne sommes pas sûr de comprendre ce que signifie une « composition à renvois », il est possible que la signification soit celle-ci : la même thématique (appel-enseignement-mission-retour de mission) est répartie en deux groupes de texte : le premier groupe s’appliquant aux Douze et le second groupe s’appliquant aux 72 (voir le schéma plus bas). Nous n’avons pas trouvé de référence explicitant de ce qui pourrait avoir été considéré comme la « doctrine des apôtres », ce terme ne faisant pas naturellement référence à la Didachè s’intitulant aussi : « La doctrine des 12 apôtres », laquelle beaucoup plus tardive.
Pierre Perrier justifie l’interprétation de la « houtama » du « collier des controverses » comme étant celle de Nathanaël aux pages 353 à 355 du même livre. Cette interprétation suppose que le récit de la première rencontre de Nathanaël avec Jésus (Jn 1, 45-51) a été médité et que ce qui est intégrée en Luc (thème du figuier arbre de la sagesse, affirmation de la divinité de Jésus) sont « parallèles » à cette première rencontre de Jésus avec Nathanaël. Il conclut :Pierre Perrier a écrit:« Nathanaël pourrait bien être le véritable auteur du collier initial dont cette houtama viendrait confirmer l’existence. Cette attribution est en tout cas cohérente avec ce que l’on sait par ailleurs du personnage : c’était le plus instruit des disciples et il est parfaitement logique que ce soit lui qui ait recueilli la mémoire de toutes les occasions où Jésus s’est trouvé confronté aux intellectuels de son temps. » (page 355)
Deux éléments encore – identifiés par Pierre Perrier - jouent en faveur de l’attribution de cette collection de 100 perles à l’enseignement des diacres et au travail éventuelle de composition de Saül.
A. L’enseignement du diacre Etienne constitue le centre de la collection de septénaires (entre Ac, 1, 2 et Ac 12, 25). Ce début des Actes est une sorte de « chronique de Jérusalem », composée en tradition orale hébraïque, qui s’étend chronologiquement du lendemain de la Résurrection en l’année 30 aux années 45 environ. La liste de ces sept colliers est la suivante (même livre, page 750) :
1. 50 jours de la Résurrection, Pentecôte et appel des 3000 (année 30) ;
2. Yom Kippour appel des 5.000 (année 30);
3. Eglise communion et persécution du Sanhédrin (composé avant 35) ;
4. Eglise diaconale à la suite d’Etienne : vers 32 (composé avant 35) ;
5. Conversion de Saül et ouverture aux hellénistes par Pierre : après 32 (composé après 35-36) ;
6. Ouverture au centurion romain et paix de 36 (composé après 35-36) ;
7. Ouverture d’Antioche et persécution d’Hérode (années entre 37 et 45).
D’après Pierre Perrier ce qui est récité par Etienne devant le Sanhédrin (Actes 7) est un « collier » diaconal d’enseignement biblique de 10 « perles ». Ainsi ce « collier » aurait conservé, tel quel, l’enseignement d’Etienne ; ces 10 « perles » sont les suivantes (même livre, page 400) :
1. Dieu visite Abraham en Chaldée (Ac 7, 2-3) ;
2. Abraham à Hébron en Israël (Ac 7, 4-5) ;
3. Annonce du séjour étranger des descendants d’Abraham en Egypte (Ac 7 ,6-8) ;
4. Persécutions en Egypte et Moïse (Ac 7, 8-16) ;
5. Buisson ardent (Ac 7, 17-29) ;
6. Sortie d’Egypte et annonce de Jésus (Ac 7, 30-34) ;
7. Les paroles reçues au Sinaï (Ac 7, 35-37) ;
8. Le peuple se détourne de Dieu, annonce de la déportation (Ac 7, 39-43) ;
9. Tente de l’Alliance, entrée en Israël (Ac 7, 44-45) ;
10. Le Temple fait ou non de main d’homme (Ac 7, 46-50).
Il n’y a plus de composition en tradition orale des Actes après Ac, 12, 25.
B. L’analyse particulière du chapitre 6 des Actes des Apôtres montre qu’à l’époque du chapitre 6 (vers 32) les apôtres enseignent et travaillent sur la préparation du service de la Parole (Ac 6, 4 araméen), c’est-à-dire à la composition en tradition orale des « karozoutha » qui donneront ultérieurement les Evangiles. Cette analyse est décrite dans une vidéo de Pierre Perrier : https://www.dailymotion.com/video/x37s81_etudes-actes-des-apotres-chapitre-6_tech
Une karozoutha est un mot araméen qui désigne la proclamation d’un texte oral enchainé selon un ordrage bien construit lui donnant une unité. Ce mot désigne aussi bien la litanie des 18 bénédictions des offices du Temple (ou à la synagogue) qu’une litanie de textes plus importants les uns que les autres ou montés en tresse.
Ces deux points ne seront pas plus développés ici : trop long !
Pour plus de détail, voir : les relations « perle » par « perle » des textes homologues de Marc, Matthieu et Luc dans le spoiler ci-dessous.
- «UNE ANALYSE PLUS DETAILLEE PERLE PAR PERLE INCLUANT MARC, MATTHIEU ET LUC»:
Dernière édition par Roque le Dim 29 Juin - 20:44, édité 1 fois
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Re: Le collier à pendentifs de l’enseignement aux diacres
C. Contenu et caractéristiques de ces 100 perles
L’ensemble est homogène. Il est structuré par thèmes, en cinq pendentifs de dix logia, organisées selon le schéma : 3 + 4 + 3 ou plus rarement : 2 + 3 + 3 + 2. Les éléments importants sont placés au centre dans le groupe des quatre perles.
La phrase centrale particulièrement mise en valeur est Luc 12, 35: « Restez en tenue de service et gardez vos lampes allumées » qui est répétée avec des variantes (Lc 12, 36 et Lc 12, 37).
4. Historique de l’enseignement donné aux Apôtres et aux diacres.
Quelques informations historiques sur le système d'enseignement rabbinique peuvent compléter cette reconstitution de l’historique de cet enseignement donné aux Apôtres et aux diacres - toujours selon Pierre Perrier :
1. Les périodes d’enseignement étaient réparties en deux semestres : école d'hiver et école d'été. L’école d’hiver qui finissait à Pessah (Pâques) était clôturé par une période de révision jusqu’à Shavouot (Pentecôte) et une école d’été passé en partie aux champs ;
2. Les niveaux d’enseignement des rabbis était au nombre de trois. On retrouve ces trois niveaux dans l’enseignement de Jésus : 1. L’enseignement de base ou Malpanoutha, 2. L’enseignement de second degré aux 72 et 3. L’enseignement supérieur représenté pas l’Evangile de Jean ;
3. Les disciples étaient habituellement groupés par de 6 autour du rabbi. Les apôtres (2 x 6) ont chacun formé 6 disciples = 72. Les 72 ont formé chacun 6 disciples = 432. 432 disciples + les 72 = 505, ce qui correspond au « plus de 500 disciples » (1 Co 15, 6). Puis les 500 ont chacun formé 6 disciples ce qui correspond à « environ 3.000 disciples » (Ac 2, 41).
Nous donnons dans le spoiler quelques textes de Pierre Perrier illustrant ces trois points.
Mon commentaire. Ce qui suit maintenant n’engage que moi – mais s’appuie sur les textes de Pierre Perrier cités dans le spoiler ci-dessus.
Une « stratégie pédagogique » comprend trois composantes : un contenu pédagogique, une méthode pédagogique et des événements pédagogiques, c’est-à-dire les circonstances de ce enseignement tel que les cours magistraux, les stages, les voyages, les rencontres fortuites, et dans la cas de Jésus, les miracles, etc …
Que connaissons-nous de la stratégie pédagogique de Jésus ?
A. Le contenu pédagogique. Il faut distinguer les situations et s’entendre sur ce dont on parle : il y a des situations ou des échanges où les paroles de Jésus pu ont être rapportées de façon exactes par des témoins, par contre quand il s’agit de Son enseignement, on n’en connaît que des résumés. En effet Jésus a tenu des longs enseignements qui sont résumés en quelques versets. Un exemple est le « Sermon sur la Montagne » qui fait trois chapitres de Matthieu (5 à 7), mais si on lit ces chapitres en entier, cela fait quelques dizaines de minutes à peine. De plus, certains enseignements ou paraboles ont sans doute été répétés en différent lieux, mais l’Evangile ne dit rien de ces répétitions. On est bien obligé de convenir que ce qui nous est donné dans les Evangiles n’est pas le script « au mot près » des longues heures d'enseignements donnés par Jésus. Il s’agirait plutôt de ce que la tradition orale appelle une Marganitha, c’est-à-dire la récitation concise, cristallisée de l’enseignement d’un maître – une sorte de résumé exact - composé selon les règles de la tradition orale hébraïque pour en faciliter la mémorisation et la transmission. Cette composition rabbinique est une reprise collective – et approuvée par la communauté - organisée en deux temps après l’enseignement du maître : 1. Sur la base deux témoins directs comme exigé par la Thora, 2. Une composition de style oral impliquant : ordrage, décompte, rythme, bilatéralisme, formulisme … tous ces procédés aboutissant à une forme récitée parfaitement fixée, stable, c’est-à-dire un « texte oral ».
B. La méthode pédagogique. Une des méthodes de Jésus est bien connue, c’est la parabole. Cette méthode pousse à un effort de compréhension et d’interprétation de ses auditeurs pour cadrer et saisir les propos parfois symboliques, voire énigmatiques de Jésus. Jésus s’exprimait de façon différente en public, par exemple lors des controverses, ou en privé avec ses disciples les plus proches. Il disposait de plusieurs lieux retirés pour parler en privé à ses disciples (spoiler précédent). Certaines déclarations de Jésus notamment sur Lui-même à l’approche de la Passion ont été beaucoup plus explicites et ce changement de mode d’expression a été même noté dans les Evangiles par les disciples (Jn 16, 29). Le Discours après la Cène dans l’Evangile de Jean (chapitres 14 à 17) qui est en quelque sorte de Testament de Jésus à ses amis est explicite.
Comme l’explique bien Frédéric Guigain ( écouter : http://www.aquoicasertleglise.com/?p=1384 ) un disciple n’est pas un simple auditeur, mais une personne disposée à répéter l’enseignement de son maître. Dans la tradition orale on ne passe de l'état d'auditeur au stade de disciple qu'après un temps de probation. Lorsque Jésus choisi les 6 premiers apôtres, il choisit 6 disciples de Jean Baptiste et les prend d’emblée comme ses propres disciples parce qu’ils ont reçu une formation sur la venue du Messie à laquelle il ajoute son propre enseignement. Ce processus d’enseignement en tradition orale – pensons à l'exemple du Sermon sur la Montagne ou collier de la Malpanoutha ne durait pas une demi-heure – le processus comporte d’abord un rappel de tous les textes bibliques dans le thème - connus de mémoire par la plupart des auditeurs -, ensuite l'enseignant illustrait ces textes par des exemples ou des parabole et enfin au terme du rappel de toute cette tradition - deux ou trois heures -, Jésus, tout à la fin, donnait sa jurisprudence ou la Torah orale du rabbi Yéshoua laquelle était formulée sous forme de Marganitha – qui sont précisément ces « ipsissima verba » de Jésus. Dans la tradition rabbinique, le maitre était censé répéter une leçon 4 fois à l’élève et l'élève doit répéter la même leçon 7 fois au maître. Les marches à travers tout le pays des disciples à la suite de Jésus étaient l’occasion des répétitions des leçons du rabbi Yéshoua. Ces exercices de mémorisation devant le maître ou entre disciples - en marchant - sont des méthodes pédagogiques dans la droite ligne de la tradition orale.
C. Les événements pédagogiques à la lecture du spoiler ci-dessus on s’aperçoit de l’extrême variété des circonstances de l’enseignement du rabbi Yéshoua : en ville, sous la colonnade de Salomon sur la route, à la synagogue chaque shabbat, en groupe ouvert, en groupe restreint retiré dans un lieu discret, en mission à deux disciples avec l’organisation de repas occasion des quobala par les diacres-lévites, etc. Nous n’allons pas tenter de décrire cette diversité, mais nous signalerons deux hypothèses qui nous semblent intéressantes :
Le « parcours de remémoration » selon Pierre Perrier. Le parcours d’itinérance des disciples passant par le Jourdain, la Galilée, le mont des Béatitudes ou de la Transfiguration, la montée vers Jérusalem passant par la Samarie semble avoir été un parcours de remémoration des leçons du rabbi Yéshoua . C’est la raison de l’envoi des disciples en Galilée jusqu’à la vision « des 500 » après la résurrection - et pour une période de révision des leçons du rabbi Yéshoua entre Pessa’h et Shavouot - tout à fait conforme au calendrier de l’enseignement rabbinique traditionnel. Ce parcours a été fait trois années de suite selon la chronologie probable : celle de l’Evangile de Jean (Source : « Les Colliers évangéliques » Ed. Sarment. Pierre Perrier. Juillet 2003. ISBN : 2-8667-9358-7);
L'« empilement » de souvenirs semblables réfèrés au texte de la liturgie sabbatique, selon Frédéric Guigain. Le rabbi Yéshoua a entraîné ses disciples dans une invariable succession d’étapes sur la route des allers et retours du nord au sud et du sud au nord, ce qui lui a permis d’ « empiler » les souvenirs trois ans de suite sur un même parcours de remémoration. Le Seigneur a intentionnellement répété Ses miracles et gestes prophétiques dans des contextes semblables et a immanquablement répété et fait répéter Ses paroles afin que leur signification soit recueillie et intégrée par les disciples. Ce principe de référencement des évévements aux textes des sabbats se retrouverait dans la composition du texte oral, lui-même. Selon Frédéric Guigain il est tout à fait possible de montrer que les séries des dits et faits de Jésus sont en stricte correspondance avec des séries mensuelles de sections sabbatiques de la Torah. Bien plus, l’analyse du positionnement de certains récitatifs en fonction du contexte synagogal (liturgie du shabbat) montre que des événements semblables sont étagés sur des mois ou des années. Premier exemple le récitatif de la guérison du lépreux de Mattieu en lien avec le mois de Kisleu, tandis qu’en Marc et Luc le même récitatif est en lien avec le mois de Nisan. Second exemple les mêmes récitatifs peuvent renvoyer à des années différentes, par exemple la récitation en Matthieu et Luc de la guérison du serviteur du centurion au mois de Kisleu 27 concorde parfaitement avec celle des Jean de la guérison du fils du fonctionnaire royal pour le même mois de kisleu 28, c’est-à-dire à chaque fois dans le cadre en signification théologique de la fête de la Dédicace.
L'idée est que des événement semblables - répétés sur 3 ans - sont venus renforcer l'axe thématique de l'enseignement de Jésus - en faisant apparaître les enseignements et miracles de Jésus - non comme LA référence « en soi » - mais plutôt comme un commentaire ou une jurisprudence de la Torah sabbatique. De nombreux autres exemples – notamment sur les Evangiles de l’Enfance - sont donnés dans « Exégèse d’Oralité » Ed Cariscript. Frédéric Guigain. Septembre 2012. ISBN : 9-78287-601353-7
L’ensemble est homogène. Il est structuré par thèmes, en cinq pendentifs de dix logia, organisées selon le schéma : 3 + 4 + 3 ou plus rarement : 2 + 3 + 3 + 2. Les éléments importants sont placés au centre dans le groupe des quatre perles.
La phrase centrale particulièrement mise en valeur est Luc 12, 35: « Restez en tenue de service et gardez vos lampes allumées » qui est répétée avec des variantes (Lc 12, 36 et Lc 12, 37).
- FORMATION DE " DIACRES " :
C’est le mot « serviteur » qui définit d’abord la fonction du diacre, le terme araméen pas toujours bien traduit en grec, puis en français de par « serviteur inutile » ou « serviteur quelconque » évoque plutôt l’attitude de celui qui se met au service d’un ami pour l’aider à accomplir un gros travail et qui revient pour lui dire qu’il est prêt pour une autre tâche. C’est l’idée de quelqu’un qui sait se rendre disponible pour les tâches les plus humbles – non pour les choses sacrées.
Le second mot qui définit la fonction du diacre est « shamash » en araméen. Cette fois le travail qui est désigné est d’ordre spirituel : c’est celui du lévite dans le Temple. Celui-ci ne réalise pas le sacrifice comme le prêtre, mais il s’occupe de tout ce qui est nécessaire pour l’accomplir : il prépare par exemple les huiles saintes et les pains d’oblation. Le « shamash » est toujours en contact avec le sacré et ils a la responsabilité de préparer les choses sacrées. Le « mshamshana » dérivé du mot « shamash » est toujours utilisé par l’église araméenne pour désigner le diacre. Ce n’est pas exactement l’équivalent du « diaconos » parce que ce terme grec n’implique pas cette nuance de sacré.
Le terme de « veilleur » est également associé à la fonction du diacre. Ce terme est également employé par désigner les anges gardiens. Le second pendentif associe cette veille, l’expulsion des démons et la mise de la lampe sur le lampadaire. En symétrie le quatrième pendentif qui porte sur la qoubala (repas offert qui est l’occasion d’une « festin de la Parole de Dieu » organisé par les diacres-lévites) montre que l’enseignement de la Parole vient reconstruire ce que le Malin a voulu détruire.
Le pendentif central autour duquel tout s’organise sépare deux ensembles en distinguant les éléments destinés aux disciples et d’autres destinés aux diacres et définissant leur fonctions. Cet évangile est « formateur de formateurs dans la tradition de l’Eglise primitive ». Il donne ainsi accès aux points essentiels de la pédagogie catéchétique de Paul.
- LES INSTRUCTIONS POUR LA MISSION DONNEE AU COURS DE CETTE FORMATION DES "DIACRES":
La mission selon l’exemple de l’envoi des soixante-douze. Le premier pendentif de l’Evangile de Paul pour les diacres missionnaires reprend la forme générale de l’évangile selon le tronc de Pierre : vocation, premières instructions et envoi en mission. Il donne le fil conducteur des enseignements donnés par Jésus lors de la première mission des soixante-douze. On rappelle qu’à l’instar d’Etienne, Paul a été disciple de rabbi Gamaliel et il faut noter d’ailleurs les parallèles frappants qui existent entre la structure des pendentifs et la catéchèse en dix parties qu’Etienne donne sur l’Ancien Testament.Pierre Perrier a écrit:« On rappelle qu’à l’instar d’Etienne, Paul a été le disciple du rabbi Gamaliel (Ac 22, 3) et il faut d’ailleurs noter les parallèles frappante qui existent entre la structure des pendentifs de Paul et la catéchèse en dix parties qu’Etienne donne dans l’Ancien Testament » (page 399)
Les consignes données aux missionnaires : deux par deux à partir d’une maison-hôte
La prière et la lutte contre les démons.Pierre Perrier a écrit:Le missionnaire reçoit la consigne de ne pas chercher le confort ; il n’aura pas de maison à lui et ne devra pas regarder en arrière. […] Luc et Marc insistent l’un et l’autre sur la nécessité d’envoyer les disciples deux par deux. Cette consigne signifie que l’annonce ne peut pas être faite par les disciples exactement comme le faisait Jésus en tant que Rabbi. Pour restituer l’enseignement du Maître dans sa perfection et sa complétude, le meilleur moyen pour eux est d’en donner un exemple vivant en partant deux par deux et en manifestant leur foi par leur vie fraternelle. […]
Le missionnaires reçoit aussi la consigne de ne pas vivre de sa fonction d’enseignement de la Parole de Dieu, mais de subvenir à ses besoins par son propre travail. […] La consigne supplémentaire que donne Marc de n’emporter qu’un seul bâton pour deux exprime l’idée qu’il doit exister entre les deux missionnaires une relation d’autorité : le porteur du bâton devant se charger de la formation de son compagnon. […] Une autre consigne donnée aussi bien aux Douze qu’aux soixante-douze, est de commencer la mission en faisant le choix d’une maison dont le propriétaire, inspiré par le Saint esprit, acceptera qu’elle serve de base d’évangélisation. Ainsi l’Eglise est fondée de façon stable : elle n’est pas obligée de passer de maison en maison. L’amour familial est le premier à rencontrer l’amour spirituel manifesté par les deux missionnaires qui doivent exprimer la grande loi de la tradition judéo-chrétienne : l’amour du prochain, indissociable de l’amour de Dieu qui en est la source.
Le principal obstacle à l’unité de l’Eglise, qui est le Corps du Christ, c’est l’ « Esprit du monde ». Ainsi le deuxième pendentif insiste-t-il sur la nécessité de faire place nette dans les cœurs. Il faut chasser les démons dès la fondation de l’Eglise locale et c’est une urgence première et absolue que de prier le Seigneur afin qu’il obtienne du Père la délivrance de la communauté.
Un résumé de l’ascèse nouvelle
L’ascèse spirituelle constitue un autre élément central de la catéchèse. Elle ouvre la voie qui mène au banquet et consiste à vitre au-delà du monde d’ici-bas dans l’attente du retour du Christ. Sa pratiquement suppose un discernement continu qui fasse passer l’homme de la culpabilité à une vie nouvelle en soumettant nos relations humaines au feu de l’amour, en en s’armant d’une patience comparable à celle dont Dieu fait preuve devant la stérilité spirituelle
Les disciples et nouveaux convertis ne doivent se faire aucune illusion à ce sujet : la porte du Royaume est étroite et les persécutions attendent ceux qui choisissent de marcher à la suite du Seigneur. C’est à eux que le Temple de son corps est confié.
La qoubala au centre de la mission et de se luttes
Attendre le retourLe banquet des noces de l’Agneau est anticipé par la célébration des quobalas de la mission. On se souvient que cette institution voulue par le Christ, trouve son origine dans le repas de convivialité de toutes les civilisations orales. C’est le lieu où, en présence de toute la communauté, les traditions sont transmises et célébrées. […]
Le quobala est à la fois le moment où est rappelée l’alliance et un repas rendu sacré par la prière d’action de grâce, les louanges et la récitation médité de la Parole de Dieu. […] La prière universelle » est ainsi placée au centre de cette célébration qui comporte le qasdish, c’est-à-dire la proclamation trois fois répétée de la Sainteté de Dieu tout puissant ; lui qui n’a ni fi, ni limite et qui accepte pourtant de se faire si proche de l’homme fini et pécheur : « Dieu saint, Dieu fort, saint immortel ». […]
On ne succombera pas sous l’assaut des persécutions si on a bien mis les Paroles en soi. Elles sont une « nourriture » et constituent des « munitions » pour faire la guerre et se protéger des attaques de l’ennemi. Elles forment ce que l’araméen appelle une magdala, c’est-à-dire une tour qu’il faut savoir construire en utilisant les connaissances et les pratiques de la communauté unie dans sa cohérence. Elle est faite de l’agencement de ses membres qui s’arc-boutant les uns sur les autres deviennent les pierres vivantes de l’Eglise, la tour au milieu de la vigne.
Le collier de Paul se termine par une série de recommandations où l’on retrouve des logia qui s’articulent avec les pères de deux colliers : le collier de la miséricorde et le collier apocalyptique. On renvoie donc aux perles de ces collies dont les textes de Paul donnent les éléments essentiels : le pardon entre frères, la foi et l’espérance dans le retour du Christ ; à tout le moins lors de notre rencontre prochaine avec Lui, quand viendra le moment de notre passage dans le vrai monde, celui de Dieu.
Remarque conclusive
C’est la solidité même de l’ordrage du collie des diacres qui, avec sa complémentarité au collier des Douze, va nous permettre de comprendre la généalogie de composition de l’Evangile de Luc, avec une partie venant du collier des douze de Marc, s’accrochant au collier des 72 et définissant de proche en proche la chronologie de la composition des quatre évangiles !
Mon commentaire : Le quobala est un repas offert qui est l’occasion d’un « festin de la Parole de Dieu » organisé par les diacres-lévites.
Le qourbana est la liturgie de consécration réservée aux prêtres seuls au Temple puis dans les Eglises.
4. Historique de l’enseignement donné aux Apôtres et aux diacres.
Quelques informations historiques sur le système d'enseignement rabbinique peuvent compléter cette reconstitution de l’historique de cet enseignement donné aux Apôtres et aux diacres - toujours selon Pierre Perrier :
1. Les périodes d’enseignement étaient réparties en deux semestres : école d'hiver et école d'été. L’école d’hiver qui finissait à Pessah (Pâques) était clôturé par une période de révision jusqu’à Shavouot (Pentecôte) et une école d’été passé en partie aux champs ;
2. Les niveaux d’enseignement des rabbis était au nombre de trois. On retrouve ces trois niveaux dans l’enseignement de Jésus : 1. L’enseignement de base ou Malpanoutha, 2. L’enseignement de second degré aux 72 et 3. L’enseignement supérieur représenté pas l’Evangile de Jean ;
3. Les disciples étaient habituellement groupés par de 6 autour du rabbi. Les apôtres (2 x 6) ont chacun formé 6 disciples = 72. Les 72 ont formé chacun 6 disciples = 432. 432 disciples + les 72 = 505, ce qui correspond au « plus de 500 disciples » (1 Co 15, 6). Puis les 500 ont chacun formé 6 disciples ce qui correspond à « environ 3.000 disciples » (Ac 2, 41).
Nous donnons dans le spoiler quelques textes de Pierre Perrier illustrant ces trois points.
- ECOLE D'HIVER ET ECOLE D'ETE, TROIS NIVEAUX D'ENSEIGNEMENT ET DISCIPLES GROUPES PAR SIX:
- Pierre Perrier a écrit:« Mais une fois sorti de l’éducation de sa mère, le jeune se formait à la lecture, après avoir appris les textes à lire par cœur. Le lévite du village apprenait à réciter la tradition sur le livre du maître qui était bien entendu le Lévitique. Toutefois on apprenait par cœur les textes principaux de la Torah, des prophètes et des psaumes qui étaient célébrés dans le cycle des cinquante-quatre portions de l’Ecriture, constituant le cycle liturgique des offices de la synagogue.
En fait, les travaux des champs séparaient l’école d’hiver de l’école d’été en deux semestres. Seule l’école d’hiver était suivie par tous dans la salle d’étude où l’on répétait indéfiniment les textes traditionnels. L’école d’été était « aux champs », une école de l’art de vivre, des proverbes du bien agir, du choix de la « Voie étroite ». Alors les sages ou les rabbis de passage était incités à donner leurs commentaires à la synagogue, enrichissant les connaissances locales.
Après l’âge de douze ans, le garçon travaillait avec son père pour apprendre sérieusement son métier, mais s’il était doué (et fortuné), il allait trouver ensuite un rabbi pour compléter sa formation religieuse et juridique. Cette formation e faisait en trois ans, autour d’un Rabbi avec une école d’hiver et une école d’été, séparées par es fêtes des Tentes et les fêtes de Pâques. Ces dernières étaient suivies d’une période de cinquante jours de « révision » pour aboutir à l’examen à la remise des diplômes ou le jeune était reçu parmi les sapré par l’imposition des mains. Un deuxième cycle de trois ans permettait d’être reconnu comme rabbi en dépendance d’un rabbi ou de terminer ses études religieuses si on était de la tribu de Lévi et de la descendance d’Aaron, pour être agrégé au collège des prêtres.
On voit ainsi combien était hiérarchisées par leur culture biblique les élites du judaïsme autour de Jérusalem ; où les rabbis donnaient leurs cours sous la colonnade de Salomon au sud du Temple. La formation de l’association pharisienne permettaient aux jeunes de bonne famille ou doués pour les études bibliques, au temps de Jésus, de rentrer dans un encadrement plus rigoureux, avec des règles complémentaires, une sorte d’école national d’administration réunissant les anciens élèves des rabbis fameux. Elle permettait un accès privilégié au pouvoir des synagogues et des sanhédrins locaux, en particulier comme juges selon les commandements de la Torah ». (pages 38 à 40)Pierre Perrier a écrit:« On remarque que Jésus a organisé la propagation de la Bonne Nouvelle par cercles concentriques de 6, puis 12, puis 72, puis 500 disciples, et que ceci se continue à la Pentecôte par les 3.000. Ainsi, l’importance de la transmission de maîtres à disciples prend une ampleur exceptionnelle et le modèle traditionnel hébraïque doit nous éclairer sur les méthodes pédagogiques efficaces que durent pratiquer Jésus et ses disciples.
L’enseignement usuel des rabbi nous est bien connu par la tradition conservée par les judéo-rabbanites. […]
Autour du rabbi se trouve un groupe de six élèves (ou talmid). […]
Jésus commence, lui aussi par réunir six disciples selon la règle usuelle des enseignements supérieurs. Ils étaient tous disciples de Jean-Baptiste. Leurs liens sont ainsi déjà étroits et leur première formation es celle d’une conversion du cœur, d’une vie spirituelle eu milieu des activités quotidienne en faisant ces activités avec justesse, pour marcher droit devant Dieu. Il y a quatre pêcheurs, dont un patron-pêcheur, Simon, un propriétaire terrien très pieux et un bon connaisseur de la tradition religieuse, Nathanaël, et un commerçant avec le monde grec, Philippos, portant comme d’habitude en Galilée, un nom grec pour se signaler aux voyageurs grecs avec qui il faisait de l’import-export en habitant à Capharnaüm, lieu de péage de Galilée sur la « route de la mer ». Jésus, cependant, va changer le « portrait-robot » du rabbi de Jérusalem en faisant une catéchèse itinérante, en intervenant comme un rabbi de passage dans les synagogues pour donner son prêche, comme on y invite tout connaisseur de la tradition à le faire, pour enrichir les connaissances et traditions religieuses locales . de Plus il guérit les malades et chasse les démons, les deux plaies usuelles de la vie en ces temps de médecine médiocre et de discernement spirituel également médiocres.
Une autre caractéristique du rabbi Iéshouha (Dieu sauve) est de laisser le cercle des auditeurs ouvert et de ne refuser d’enseigner à personne, pas plus aux enfants qu’aux malades, aux fous et « possédés », aux lépreux réputés contagieux, aux femmes qui sont, le plus souvent, reléguées par les hommes à la cuisine, à l’éducation des petits et aux soins des malades . Pour cela, Jésus s’installe dans une maison amie, assez grande. Ainsi verrons-nous alterner les enseignements « en ville » de l’hiver, et itinérants de maison en maison en été. Dans chaque village, il y a une ou plusieurs maison d’hôte, faisant chambre ouverte. […]
Mais Jésus utilise, outre la maison servant de base à sa mission (celle de la belle-mère de Pierre à Capharnaüm), un lieu retiré où il enseigne plus spécialement ses disciples comme les rabbis faisaient dans leur propre maison. Ce lieu a été identifié en Galilée, comme le jardin de Tabga (heptaguédon : les sept sources) à côté du jardin royal (Guénnesar)/ Là on peut encore voir la grotte de la réunion près du rivage, permettant un accès direct discret en bateau. On a identifié de même la maison d’hôte de Lazare à Béthanie près de Jérusalem, son jardin de Gethsémanie et la grotte du Pater, au mont des Oliviers. Ainsi, l’enseignement de Jésus est plus proche de celui de François d’Assise que des cours de Sorbonne même si Jésus quand il est à Jérusalem, respecte l’usage de donner aussi des cours-enseignements publics avec d’autres rabbis du Temple, sous le colonnade de Salomon comme il e fait à la synagogue dans les bourgs en Galilée.
Mais jésus ouvre assez vite e cercle traditionnel des six disciples à une second groupe de six, pour mettre ses disciples en paires, en vue de les former à la mission deux par deux, à la vie de groupe en communauté et à l’alternance des « travaux pratiques » de la mission et des enseignements, retraites et prières autour de lui. Jésus commence aussi à appeler la génération suivante des six fois douez, les soixante-douze, puis à ouvrir celle-ci au troisième cercle plus large qui constituera les cinq cent témoins de la résurrection et la base hiérarchique exponentielle de l’Eglise « visible » des hommes. Mais parallèlement, nouveauté incroyable dans un monde méditerranéen « machiste », il constitue aussi le cercle concentrique des six disciples-femmes, dont les six premières autour de Maris, l’accompagneront lors des voyages de pèlerinage à Jérusalem, voyages où femmes et enfants sont présents traditionnellement. Jésus semble avoir fait pendant trois ans des pèlerinages systématiques, ouverts à tous, qu’il dirige en couvrant tout le pays. Ceci a dû être obtenu en empruntant des chemins variés, du Nord galiléen au Sud Judéen, sans exclure la Samarie intermédiaire, évitée par les « purs » rabbis hébreux, intégristes » (pages 79 à 83)
Mon commentaire : Sapré : savant, sachant retrouver dans leur mémoire et dans les rouleaux la citation à l’appui d’un jugement ou d’une controverse (souvent traduit en français par « scribes »).
Talmid : élève-disciple, traditionnellement au nombre de six et groupé autour d’un Rabbi (maître de sagesse des Ecritures).
Source des deux textes cités : La Transmission des Evangiles. Ed. Jubilé. Pierre Perrier. 2006. ISBN : 2-866 7 -9422-2.
Mon commentaire. Ce qui suit maintenant n’engage que moi – mais s’appuie sur les textes de Pierre Perrier cités dans le spoiler ci-dessus.
-o-o-o-o-o-o-o-o-
Une « stratégie pédagogique » comprend trois composantes : un contenu pédagogique, une méthode pédagogique et des événements pédagogiques, c’est-à-dire les circonstances de ce enseignement tel que les cours magistraux, les stages, les voyages, les rencontres fortuites, et dans la cas de Jésus, les miracles, etc …
Que connaissons-nous de la stratégie pédagogique de Jésus ?
A. Le contenu pédagogique. Il faut distinguer les situations et s’entendre sur ce dont on parle : il y a des situations ou des échanges où les paroles de Jésus pu ont être rapportées de façon exactes par des témoins, par contre quand il s’agit de Son enseignement, on n’en connaît que des résumés. En effet Jésus a tenu des longs enseignements qui sont résumés en quelques versets. Un exemple est le « Sermon sur la Montagne » qui fait trois chapitres de Matthieu (5 à 7), mais si on lit ces chapitres en entier, cela fait quelques dizaines de minutes à peine. De plus, certains enseignements ou paraboles ont sans doute été répétés en différent lieux, mais l’Evangile ne dit rien de ces répétitions. On est bien obligé de convenir que ce qui nous est donné dans les Evangiles n’est pas le script « au mot près » des longues heures d'enseignements donnés par Jésus. Il s’agirait plutôt de ce que la tradition orale appelle une Marganitha, c’est-à-dire la récitation concise, cristallisée de l’enseignement d’un maître – une sorte de résumé exact - composé selon les règles de la tradition orale hébraïque pour en faciliter la mémorisation et la transmission. Cette composition rabbinique est une reprise collective – et approuvée par la communauté - organisée en deux temps après l’enseignement du maître : 1. Sur la base deux témoins directs comme exigé par la Thora, 2. Une composition de style oral impliquant : ordrage, décompte, rythme, bilatéralisme, formulisme … tous ces procédés aboutissant à une forme récitée parfaitement fixée, stable, c’est-à-dire un « texte oral ».
B. La méthode pédagogique. Une des méthodes de Jésus est bien connue, c’est la parabole. Cette méthode pousse à un effort de compréhension et d’interprétation de ses auditeurs pour cadrer et saisir les propos parfois symboliques, voire énigmatiques de Jésus. Jésus s’exprimait de façon différente en public, par exemple lors des controverses, ou en privé avec ses disciples les plus proches. Il disposait de plusieurs lieux retirés pour parler en privé à ses disciples (spoiler précédent). Certaines déclarations de Jésus notamment sur Lui-même à l’approche de la Passion ont été beaucoup plus explicites et ce changement de mode d’expression a été même noté dans les Evangiles par les disciples (Jn 16, 29). Le Discours après la Cène dans l’Evangile de Jean (chapitres 14 à 17) qui est en quelque sorte de Testament de Jésus à ses amis est explicite.
Comme l’explique bien Frédéric Guigain ( écouter : http://www.aquoicasertleglise.com/?p=1384 ) un disciple n’est pas un simple auditeur, mais une personne disposée à répéter l’enseignement de son maître. Dans la tradition orale on ne passe de l'état d'auditeur au stade de disciple qu'après un temps de probation. Lorsque Jésus choisi les 6 premiers apôtres, il choisit 6 disciples de Jean Baptiste et les prend d’emblée comme ses propres disciples parce qu’ils ont reçu une formation sur la venue du Messie à laquelle il ajoute son propre enseignement. Ce processus d’enseignement en tradition orale – pensons à l'exemple du Sermon sur la Montagne ou collier de la Malpanoutha ne durait pas une demi-heure – le processus comporte d’abord un rappel de tous les textes bibliques dans le thème - connus de mémoire par la plupart des auditeurs -, ensuite l'enseignant illustrait ces textes par des exemples ou des parabole et enfin au terme du rappel de toute cette tradition - deux ou trois heures -, Jésus, tout à la fin, donnait sa jurisprudence ou la Torah orale du rabbi Yéshoua laquelle était formulée sous forme de Marganitha – qui sont précisément ces « ipsissima verba » de Jésus. Dans la tradition rabbinique, le maitre était censé répéter une leçon 4 fois à l’élève et l'élève doit répéter la même leçon 7 fois au maître. Les marches à travers tout le pays des disciples à la suite de Jésus étaient l’occasion des répétitions des leçons du rabbi Yéshoua. Ces exercices de mémorisation devant le maître ou entre disciples - en marchant - sont des méthodes pédagogiques dans la droite ligne de la tradition orale.
C. Les événements pédagogiques à la lecture du spoiler ci-dessus on s’aperçoit de l’extrême variété des circonstances de l’enseignement du rabbi Yéshoua : en ville, sous la colonnade de Salomon sur la route, à la synagogue chaque shabbat, en groupe ouvert, en groupe restreint retiré dans un lieu discret, en mission à deux disciples avec l’organisation de repas occasion des quobala par les diacres-lévites, etc. Nous n’allons pas tenter de décrire cette diversité, mais nous signalerons deux hypothèses qui nous semblent intéressantes :
Le « parcours de remémoration » selon Pierre Perrier. Le parcours d’itinérance des disciples passant par le Jourdain, la Galilée, le mont des Béatitudes ou de la Transfiguration, la montée vers Jérusalem passant par la Samarie semble avoir été un parcours de remémoration des leçons du rabbi Yéshoua . C’est la raison de l’envoi des disciples en Galilée jusqu’à la vision « des 500 » après la résurrection - et pour une période de révision des leçons du rabbi Yéshoua entre Pessa’h et Shavouot - tout à fait conforme au calendrier de l’enseignement rabbinique traditionnel. Ce parcours a été fait trois années de suite selon la chronologie probable : celle de l’Evangile de Jean (Source : « Les Colliers évangéliques » Ed. Sarment. Pierre Perrier. Juillet 2003. ISBN : 2-8667-9358-7);
L'« empilement » de souvenirs semblables réfèrés au texte de la liturgie sabbatique, selon Frédéric Guigain. Le rabbi Yéshoua a entraîné ses disciples dans une invariable succession d’étapes sur la route des allers et retours du nord au sud et du sud au nord, ce qui lui a permis d’ « empiler » les souvenirs trois ans de suite sur un même parcours de remémoration. Le Seigneur a intentionnellement répété Ses miracles et gestes prophétiques dans des contextes semblables et a immanquablement répété et fait répéter Ses paroles afin que leur signification soit recueillie et intégrée par les disciples. Ce principe de référencement des évévements aux textes des sabbats se retrouverait dans la composition du texte oral, lui-même. Selon Frédéric Guigain il est tout à fait possible de montrer que les séries des dits et faits de Jésus sont en stricte correspondance avec des séries mensuelles de sections sabbatiques de la Torah. Bien plus, l’analyse du positionnement de certains récitatifs en fonction du contexte synagogal (liturgie du shabbat) montre que des événements semblables sont étagés sur des mois ou des années. Premier exemple le récitatif de la guérison du lépreux de Mattieu en lien avec le mois de Kisleu, tandis qu’en Marc et Luc le même récitatif est en lien avec le mois de Nisan. Second exemple les mêmes récitatifs peuvent renvoyer à des années différentes, par exemple la récitation en Matthieu et Luc de la guérison du serviteur du centurion au mois de Kisleu 27 concorde parfaitement avec celle des Jean de la guérison du fils du fonctionnaire royal pour le même mois de kisleu 28, c’est-à-dire à chaque fois dans le cadre en signification théologique de la fête de la Dédicace.
L'idée est que des événement semblables - répétés sur 3 ans - sont venus renforcer l'axe thématique de l'enseignement de Jésus - en faisant apparaître les enseignements et miracles de Jésus - non comme LA référence « en soi » - mais plutôt comme un commentaire ou une jurisprudence de la Torah sabbatique. De nombreux autres exemples – notamment sur les Evangiles de l’Enfance - sont donnés dans « Exégèse d’Oralité » Ed Cariscript. Frédéric Guigain. Septembre 2012. ISBN : 9-78287-601353-7
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Re: Le collier à pendentifs de l’enseignement aux diacres
Merci pour ce travail
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Re: Le collier à pendentifs de l’enseignement aux diacres
Oui, cela m'a demandé pas mal de temps - d'abord pour comprendre moi-même. Maintenant je doute qu'il y ait beaucoup de commentaires. Je souhaite simplement que certains d'entre nous - surtout les chrétiens - voient jusqu'où mênent les thèses de Pierre Perrier et Frédéric Guigain - alors que la plupart d'entre nous sommes saturés par les hypothèses des Marguerat et compagnie qui réduisent les Evangiles à un amas de racontars assez incohérent.-Ren- a écrit:Merci pour ce travail
En fait je tiens toujours la même position comparative : les théories dites " modernes " niant toute consistance aux Evangiles (Formgeschichte) - si complaisamment diffusées par les médias - sont maintenant très sérieusement concurrencées par des hypothèses nouvelles depuis 20 ans environ (1995). Ce domaine de recherche n'est pas fermé - contrairement à ce que veulent faire croire les ennemis du christianisme - mais il reste ouvert.
Les hypothèses de Marguerat (source Q and C°) ne sont ni plus, ni moins solides et/ou rationnelles que celle de Pierre Perrier et Frédéric Guigain. Et du point de vue intérêt historique, je trouve les secondes nettement plus intéressantes parce que placées dans un contexte historique réel et connu, par contre les premières sont hors contexte historique (la Formgeschichte n'a malgré son aura aucune compétence historique et se limite à la comparaison des styles. L'identification de la " Sitz im Leben " (le gros mot qui remplit d'admiration des adeptes de cette théorie) et un peu un leurre : cela se limite en réalité à la simple catégorisation des micro-récits ou logia : parabole, controverse, culte, etc ... c'est une opération purement littéraire en somme sans aucune connaissance sociologique réelle (documentée scientifiquement) du fonctionnement de ces communautés primitives de l'Eglise !).
Roque- Messages : 5064
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Re: Le collier à pendentifs de l’enseignement aux diacres
Passionnant, bravo Roque (je suis évidemment un public conquis d'avance, sans doute)
Une question, comme ça : je crois avoir vu quelque part quel'appellation de Jean comme "disciple bien-aimé" correspondait en fait à un certain type de talmid, de disciple : celui qui allait pouvoir cprofondément comprendre l'enseignement du maître...
Aurais-tu souvenir de quelque chose à ce sujet ?
Une question, comme ça : je crois avoir vu quelque part quel'appellation de Jean comme "disciple bien-aimé" correspondait en fait à un certain type de talmid, de disciple : celui qui allait pouvoir cprofondément comprendre l'enseignement du maître...
Aurais-tu souvenir de quelque chose à ce sujet ?
Libremax- Messages : 1367
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Re: Le collier à pendentifs de l’enseignement aux diacres
A propos des "bouts" dont parle Pierre Perrier : je me demande si, dans son livre, ce n'est pas à cet endroit la première fois qu'il innove avec le terme de "pendentif" plutôt que de "collier". L'idée du pendentif, c'est l'agencement d'un grand collier dont chaque perle est en fait la première d'une suite organisée. Comme dans un pendentif.
Il part donc du constat que dans le grand ensemble structuré du collier des diacres, il y a cinq éléments suivis, qui ne constituent pas réellement chacun un collier, (il les appelle alors des bouts) mais qui, réunis, constituent un pendentif, terme, qui, si je ne me trompe pas, n'a pas été utilisé auparavant dans son livre. A vérifier.
Il part donc du constat que dans le grand ensemble structuré du collier des diacres, il y a cinq éléments suivis, qui ne constituent pas réellement chacun un collier, (il les appelle alors des bouts) mais qui, réunis, constituent un pendentif, terme, qui, si je ne me trompe pas, n'a pas été utilisé auparavant dans son livre. A vérifier.
Libremax- Messages : 1367
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Re: Le collier à pendentifs de l’enseignement aux diacres
Le public qu'il faudrait atteindre, ce sont ces chrétiens cultivés qui n'ont jamais entendu parler d'autre chose que de " démythologisation "ou de " déconstruction " des Evangiles - et qui par conséquent ne croient plus vraiment que Jésus se trouve dans les Evangiles. J'ai au moins une amie qui est comme cela ... elle est parvenue à rester chrétienne un peu " en se faisant sa propre idée sur Jésus ", mais en tenant à l'écart la lettre des Evangiles ou en les tenant pour des métaphores. Quand le texte de l'Evangile n'est plus fiable ... c'est la seule issue pour " rester chrétien " ... je pense que des gens comme Marguerat, s'ils croient encore en Dieu et s'ils sont vraiment attachés à Jésus n'ont pas d'autre moyen pour " rester chrétiens " - encore que le terme de " chrétien " soit un peu un mot valise qui peut contenir tout et n'importe quoi ! Et ce ne peut être qu'un " chrétien " qui fait la grimace et se tient à l'écart dès qu'il subodore quelque chose qui ressemblerait à une certitude de foi établie, c'est à dire quelque chose qui aurait à voir avec le dogme. Elle est comme ça ... !Libremax a écrit:Passionnant, bravo Roque (je suis évidemment un public conquis d'avance, sans doute)
Cette amie a été assez surprise de voir que cette vision mettant en doute la fidélité des Evangiles à la Parole Jésus n'était uniquement le produit de mon obscurantisme. En fait elle n'est qu'à moitié convaincue, car depuis plusieurs décennies (elle a 73 ans), elle n'a jamais cessé de baigner - bien que pratiquante - dans le jus " éclairé " du protestantisme libéral, qui a trop bien pénétré dans les cercles intellectuels du catholicisme ... A un certain niveau d'information - sans vision des thèses concurrentes - il est impossible de se rentre compte que les arguments de la critique interne de la Formgeschichte ne sont pas plus convaincants que ceux issus de l'étude du texte en araméen (Pierre & Guigain). Il est impossible également de ce rendre compte que l'approche de critique interne de la Formgeschichte parait moins cohérente et même faiblarde par rapport à celle de Perrier et Guigain !
Non je n'ai pas de souvenir sur ce sujet. Mais j'ai un lien audio de Frédéric Guigain qui explique ce que signifiait - en tradition orale - qu'être disciple. Ce n'était pas être un dilettante plu ou moins intéressé comme certains paroissiens, mais être capable de répéter fidèlement une certaines quantité des enseignements du Maître ... sinon on n'avait pas le droit au titre de disciple ! Je redonne ce lien qui est audio ( http://www.aquoicasertleglise.com/?p=1384 ) ... ça fait 20 minutes passionnantes sur ce qu'étaient vraiment les disciples en tradition orale. Ca permet de liquider quelques préjugés de notre époque sur ce sujet.Libremax a écrit:Une question, comme ça : je crois avoir vu quelque part que l'appellation de Jean comme "disciple bien-aimé" correspondait en fait à un certain type de talmid, de disciple : celui qui allait pouvoir profondément comprendre l'enseignement du maître...
Aurais-tu souvenir de quelque chose à ce sujet ?
Dans le texte de Pierre Perrier (qui n'est pas toujours parfaitement clair), l'expression " bouts " n'est pas appliqué au chapitre 12 qui n'est manifestement pas composé en tradition orale, mais au reste de l'ensemble des 100 perles qui est composé en tradition orale mais sur le rythme " 3 + 4 + 3 " ... donc, j'ai constaté l'emploi de ce mot " bout " mais sans en comprendre tout à fait la signification, car Perrier ne l'explique pas ! Voici quel en était mon commentaireLibremax a écrit:A propos des "bouts" dont parle Pierre Perrier : je me demande si, dans son livre, ce n'est pas à cet endroit la première fois qu'il innove avec le terme de "pendentif" plutôt que de "collier". L'idée du pendentif, c'est l'agencement d'un grand collier dont chaque perle est en fait la première d'une suite organisée. Comme dans un pendentif.
Il part donc du constat que dans le grand ensemble structuré du collier des diacres, il y a cinq éléments suivis, qui ne constituent pas réellement chacun un collier, (il les appelle alors des bouts) mais qui, réunis, constituent un pendentif, terme, qui, si je ne me trompe pas, n'a pas été utilisé auparavant dans son livre. A vérifier.
Après ... il faudrait demander à Pierre Perrier ce qu'il a voulu dire !Mon commentaire : je n’ai pas bien compris pourquoi Pierre Perrier n’emploie pas ici le mot habituel de « collier », mais emploie le mot : « bout ». Il est possible que ce soit parce que ces « perles » sont « couplées » de façon particulière en « 3 + 4 + 3 » – ce qui n’est pas la règle dans les « colliers » évangéliques où les « perles » sont plutôt groupées par 5 ou 7 avec une symétrie centrale et sans « couplage » rythmant ces 5 ou 7 « perles ».
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Re: Le collier à pendentifs de l’enseignement aux diacres
Roque a écrit:A un certain niveau d'information - sans vision des thèses concurrentes - il est impossible de se rentre compte que les arguments de la critique interne de la Formgeschichte ne sont pas plus convaincants que ceux issus de l'étude du texte en araméen (Pierre & Guigain). Il est impossible également de ce rendre compte que l'approche de critique interne de la Formgeschichte parait moins cohérente et même faiblarde par rapport à celle de Perrier et Guigain !
Oui, ces écoles de pensées sur l'Evangile sont à mon avis le fruit d'un matricide, celui de la raison contre le christianisme. Ce dernier s'est efforcé de se dire, de se comprendre lui-même au cours des siècles, d'user de raison pour rendre compte de ce qu'il était, au fil des controverses et des conciles, et par voie de conséquence, de définir le monde : Malgré le soupçon d'obscurantisme pesant sur l'occident chrétien, c'est aussi avec l'Eglise que la science a connu son essor, jusqu'à permettre le contexte des Lumières.
Dès lors, les penseurs ont voulu tout subordonner à la raison, y compris le donné de la foi : pour les uns, il a fallu rejeter celui-ci ; pour les autres, il a fallu "déconstruire", comme vous dites, un processus de la foi, pour parvenir aujourd'hui, à une sorte de compromis entre foi et raison, donnant le jour à des aberrations comme les thèses de Bultmann, pour ne citer que lui.
La raison ne supporte pas de ne pas être son propre cadre, le surnaturel n'a pas voix au chapitre ; la foi ne peut se fonder que sur des évènements dont on ne peut rien dire, si on veut tolérer le surnaturel, ou bien, sur des faits restant dans le seul cadre politique et philosophique, qu'un réflexe sociologique aurait métamorphosé en mythologie...
Dans le texte de Pierre Perrier (qui n'est pas toujours parfaitement clair), l'expression " bouts " n'est pas appliqué au chapitre 12 qui n'est manifestement pas composé en tradition orale, mais au reste de l'ensemble des 100 perles qui est composé en tradition orale mais sur le rythme " 3 + 4 + 3 " ... donc, j'ai constaté l'emploi de ce mot " bout " mais sans en comprendre tout à fait la signification, car Perrier ne l'explique pas ! Voici quel en était mon commentaireAprès ... il faudrait demander à Pierre Perrier ce qu'il a voulu dire !Mon commentaire : je n’ai pas bien compris pourquoi Pierre Perrier n’emploie pas ici le mot habituel de « collier », mais emploie le mot : « bout ». Il est possible que ce soit parce que ces « perles » sont « couplées » de façon particulière en « 3 + 4 + 3 » – ce qui n’est pas la règle dans les « colliers » évangéliques où les « perles » sont plutôt groupées par 5 ou 7 avec une symétrie centrale et sans « couplage » rythmant ces 5 ou 7 « perles ».
Pour ma part, je crois avoir bien compris pourquoi Pierre Perrier a parlé de "bouts" (j'ai le livre avec moi) : c'est pour ne pas utiliser le terme de colliers, quand il parle de ces cinq ensembles de 3+4+3 perles : ce ne sont pas des colliers, ce sont des suites rythmées de 10 perles, qui, réunies, forment un tout qui fonctionne, lui, comme un collier : c'est la structure, plus complexe que le collier, qu'il appelle collier à pendentifs : un collier dont chaque perle est en fait déjà une suite de perles.
Cette structure, il l'évoque déjà deux chapitres avant, à propos du "collier des controverses".
Libremax- Messages : 1367
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