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Le collier à pendentifs de l’enseignement aux diacres

3 participants

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Le collier à pendentifs de l’enseignement aux diacres Empty Le collier à pendentifs de l’enseignement aux diacres

Message  Roque Jeu 12 Juin - 12:56

RESUME : La critique interne montre qu’il existe un ensemble de neuf chapitres (9 à 17) dans l’Evangile de Luc qui correspond à « 100 perles » régulières disposées comme un collier à pendentifs. L’ensemble est composé en tradition orale hébraïque – à l’exception du chapitre 12 qui est d’un auteur inconnu et n’ayant pas la compétence suffisante pour composer en tradition orale hébraïque.

L’ensemble de ces « 100 perles » est antérieur à la composition du « collier central » (celui de la profession de foi de Pierre) parce que ce « collier central » est inséré en plein milieu des « 100 perles » venant naturellement rompre la continuité de cet ensemble de « 100 perles ». La thématique de cet ensemble de « 100 perles » est centrée sur la formation de « serviteurs », « veilleurs » ou « shamash » (lévites), c’est-à-dire la formation des 72 appelés, également « diacres », bien que le mot grec « diakonos » ait un sens réducteur par rapport à ce qui est signifié dans les Evangiles concernant ces « shamash »  (ce terme grec est finalement impropre).

Pour l’auteur, maintenant : cet ensemble serait « l’Evangile de Paul » dont parlent plusieurs traditions primitives de l’Eglise ; quant à la première Eglise, elle considérait que l'Evangile de Luc était essentiellement constitué à partir de la prédication de Paul. Mais comme cet ensemble de « 100 perles » est antérieur à la composition du « collier central » et aussi antérieur à l'ordrage des Evangiles de Matthieu et Marc - puisqu'il ne connaît pas cet ordrage claqué sur le « parcours » de Jésus (voir le texte), il s'agirait de textes rédigés d’après l‘enseignement des 72, transmis par le disciple Ananie à Paul à Damas. Cette tradition diaconale aurait alors été mise en bonne tradition orale hébraïque par Paul qui l'aurait transmise ensuite à Luc.

Jusqu’à ce point l’interprétation repose sur trois points d’appui : 1. La comparaison des structures entre les synoptiques, 2. La Peshitta, c’est-à-dire le texte araméen des Evangiles et 3. L’identification des « colliers » et « perles » de tradition orale hébraïque, c’est-à-dire de composition conforme au procédé rabbinique oral qui se retrouve sur la totalité des quatre Evangiles (sauf le chapitre 12 de Luc).

Ensuite, l’identification de cet ensemble des 100 « perles » associée à une bonne connaissance du système d'enseignement rabbinique du premier siècle de notre ère permet de reconstituer de façon très détaillée le contenu, la méthode et les événements de la stratégie pédagogique de Jésus de Son vivant. En fait, l'enseignement de Jésus ne diffère pas de l'enseignement rabbinique par la méthode, il ne diffère que par le contenu et les événements pédagogiques, c'est à dire les circonstances de cet enseignement.

Finalement deux hypothèses complètent ce tableau déjà très précis : 1. L'hypothèse d'un parcours de remémoration géographique soutenue par Pierre Perrier. L'idée est que les étapes du circuit : Jourdain - Galilée - Vocations - Miracles - Enseignements - Montagne - Montée à Jérusalem, répété sur trois ans sont venues soutenir par la mémoire des lieux l'enseignement de Jésus et sa mémorisation, ce circuit annuel servant finalement de cadre chronologique des synoptiques et 2. L'hypothèse soutenue par Frédéric Guigain d'un « empilement » de souvenirs en référence avec les textes de la liturgie sabbatique - textes à l'époque fixés sur un rythme annuel et connus par cœur par tout juif de l'époque. L'idée est que des événement semblables - répétés sur 3 ans - sont venus renforcer l'axe thématique de l'enseignement de Jésus - en faisant apparaître les enseignements et miracles de Jésus - non comme LA référence « en soi » - mais plutôt comme un commentaire ou une jurisprudence de la Torah sabbatique.

-o-o-o-o-o-o-o-

Préambule

Le sujet du « système d’enseignement de Jésus » est tout à fait passionnant. Ce sujet fera partie, je suppose, des sujets exceptionnels sans équivalent sur les autres forums. De façon plus générale le caractère exceptionnel de cette exégèse sur la tradition orale a une explication très simple : les autres approches, dites « modernes » notamment dépendant de la Formgeschichte  – ignorent la base même de ce genre d’interprétation parce qu’elles méconnaissent purement et simplement l’intérêt de la Peshitta. Sommairement, ils  tiennent cette Peshitta pour une traduction tardive à partir du texte grec en syriaque entre le 5ème et le 7ème siècle( http://fr.wikipedia.org/wiki/Peshitta ).

Dans l’exposé qui suit nous avons tenté de respecter la pensée de Pierre Perrier. L’essentiel de cet exposé est tiré du chapitre XIII du livre le « Les colliers évangéliques. Ed. Sarment. Pierre Perrier. Juillet 2003. ISBN : 2-8667-9358-7.

Sur la question de l’ancienneté de la Peshitta, qui est un texte araméen (non syriaque) voir :
 :arrow:  http://eecho.fr/l%e2%80%99evangeliaire-peshitta-est-paru/#.U5l_75VOI5s
 :arrow:  https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t47-debats-sur-la-mise-par-ecrit-des-evangiles

Sur la question des « colliers évangéliques » voir :
 :arrow:  https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t47-debats-sur-la-mise-par-ecrit-des-evangiles#411

Sur la question des sources attestant du processus de tradition orale lors de la composition des Evangiles :
 :arrow:  https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t47-debats-sur-la-mise-par-ecrit-des-evangiles#438

Notre analyse est clairement signalée, à part du texte exposant la pensée de Pierre Perrier, comme un « commentaire ».  Nous y avons signalé les points que nous ne comprenons pas clairement.


1. Différence de structure de Luc par rapport à Marc et Matthieu


Une différence de structure entre Luc et les deux autres synoptiques : Marc et Matthieu est assez facile à repérer.

En effet, si on compare Matthieu, Marc et Luc, on peut voir qu’entre la deuxième et la troisième annonces de la Passion par Jésus, Luc a un texte beaucoup plus long que Marc et Matthieu. Entre ces deux annonces de la Passion – (entre Lc 9, 43-45 et Lc, 18, 31-37)  - Luc insère neuf chapitres lesquels représentent un texte dix fois plus long que les textes homologues de Marc et de Matthieu. Tout se passe comme si Luc avait retenu une toute petite partie du texte de Marc ou Matthieu (sept « perles » sur le divorce) et avait inséré, à la place, un énorme ensemble sur le thème de la construction de la Nouvelle Alliance.

Le collier à pendentifs de l’enseignement aux diacres Luc_et10
Cette « exception » de Luc, s’étend donc, approximativement, du chapitre 9 au chapitre 17. La question est maintenant de savoir pour quelle raison, de quelle manière et à quel moment cette insertion a été opérée. Pierre Perrier développe des arguments de critique interne qui permettent de situer les sources, l’auteur et la chronologie de cette insertion.


2. Les singularités de composition de cette collection de Luc

A. Le chapitre 12 de Luc n’est pas composé selon les règles de la tradition orale hébraïque

Dans ces neuf chapitres, le chapitre 12 est un cas unique parmi tous les textes évangéliques, c’est le seul texte qui ne relève pas de la composition de tradition orale hébraïque. On parlera, ici, seulement de « logia » parce qu’on ne retrouve pas de « perles », structurées de façon traditionnelle.

L’auteur a utilisé un système « d’accrochage » des logia tout à fait inhabituel (sur le système : « cheval de course, course à pied, pied à terre, etc … »).  Ce système maladroit indique quand même un  souci de fixation en mémoire de l’auteur. Etant donné que Luc, lui, a rédigé tout le reste de son Evangile selon les règles de bonne tradition orale hébraïque, on peut en conclure que ce chapitre 12 n’est pas de lui. Luc aura seulement récupéré ce texte pour l’intégrer dans son Evangile sous le contrôle d’un ou plusieurs apôtres. De plus, l’absence d’allusion à la Passion dans ce texte laisse penser que l’auteur aura écouté et mis en mémoire des « petits dits » de Jésus entendus en plusieurs occasions, mais qu'il n’aura pas suivi Jésus jusqu’au bout - à la différence des Apôtres.

Spoiler:

B. Les chapitres 9 à 11 et 13 à 17 de Luc sont composés selon une bonne tradition orale hébraïque avec un couplage des « perles » en « 3 + 4 + 3 »

Une fois mis de côté le chapitre 12 et les éléments de brisure des autres « colliers », il reste environ huit chapitres. Ces chapitres, eux, sont composés selon une bonne tradition orale hébraïque.

C’est même une structure extrêmement élaborée avec un couplage des « perles » selon un rythme « 3 + 4 + 3 » uniforme. C’est une structure qui existe occasionnellement, un peu dispersée, dans certaines parties des Evangiles et plus généralement qui est systématique dans le Talmud et est utilisée par tous les maîtres de la tradition hébraïque. Au final, on a une structure à pendentif tout à fait rigoureuse de 50 « perles ».

Ces 50 « perles » n’ont pu être composées que par un homme de bonne culture rabbinique. Mais l’auteur ne peut être Jésus, Lui-même, parce que les matériaux de ces chapitres sont diversement repris et utilisés par Marc et Matthieu. Or il est peu probablement que Marc et Matthieu aient pris la liberté de modifier le mot à mot et l’enchaînement de ce texte s’il avait été composé en tradition orale par Jésus, Lui-même.

Spoiler:

Le collier à pendentifs de l’enseignement aux diacres Luc_5_17
C. Ce couplage des « perles » en « 3 + 4 + 3 » se retrouve dans le reste du texte de Luc

Cette structuration « 3 + 4 + 3 » ayant été mise en lumière, on peut se demander si elle ne se retrouve pas dans d’autres parties de l’Evangile de Luc. Et c’est effectivement le cas. L’ensemble fait finalement 10 x 10 = 100 « perles ». L’agencement de ces 100 perles n’a rien de comparable avec l’organisation ou le « parcours » de l’Evangile de Marc : Jean Baptiste et Jésus / vocation-mission des Douze / collier central / colliers des petits / Passion.

Cette différence de structure signifie que l’auteur n’était pas disciple et n’a pas vécu ou connu le détail de déroulement chronologique de la prédication de Jésus. On a donc tout lieu de penser que ce groupe de cent « perles » est de composition antérieure aux ordrages de Marc et Mathieu et qu’il a constitué un Evangile entier que Luc a inséré dans la parcours « classique » (celui de Marc) pour le rendre cohérent avec celui de Pierre. Le fait que la Malpanoutha y apparaisse séparée en deux parties - non fondues ensemble - incite encore à placer sa composition avant l’année 34-35 (date à partir de laquelle Matthieu a mis en forme son enseignement de base).

Spoiler:


3. Le contenu de cette collection de « 100 perles » consacrées à l’enseignement.

Contrairement à la compréhension habituelle, ces textes ne se résument pas à un contenu d’enseignement « à donner aux disciples », donc à utiliser pour le prosélytisme. Pierre Perrier met en évidence qu’il s’agit d’un enseignement « reçu » et que les répétitions apparentes correspondent à deux phases d’enseignement reçu, successivement par les 12, puis par les 72.

Cet enseignement reçu décrit la fonction du diacre (c’est-à-dire des 72) en reprenant de façon insistante les termes de « serviteur » (au centre des 100 perles), de « veilleur » et de « shamash », terme araméen qui correspond à la fonction de lévite, mais qui est différente du « diaconos » grec – parce que ce terme a perdu en grec son sens de « tâches au contact du sacré ».

Ensuite viennent les conseils pour la mission (deux par deux, un seul bâton pour deux …), la prière et la lutte contre les mauvais esprits lors de l’instauration des maisons-hôtes (églises domestiques), les quobalas (c’est-à-dire : les « festins de la Parole ») organisés en cours de mission, la construction ensemble d’une magdala (une tour), c’est-à-dire d’un ensemble de connaissances de la Parole pour résister à la persécution.

Les Actes, la lettre aux Galates, toutes les traditions anciennes, latines et orientales font allusion à « l’Evangile de Paul » ; quant à la première Eglise, elle considérait comme une évidence que l’Evangile de Luc était essentiellement constitué à partir de la prédication de l’Apôtre des Nations : Paul.

Pierre Perrier pense que cette collection de 100 « perles » est justement cet Evangile de Paul. Lequel proviendrait de textes rédigés d’après l‘enseignement des 72, puis transmis par Ananie (Ac 9, 10) à  Paul, lequel était le plus apte à composer, à partir de la tradition reçue à Damas un texte de ce type et à lui donner un développement aussi considérable.

A. L’Evangile de Paul et sa composition « à renvois »

Spoiler:

Le collier à pendentifs de l’enseignement aux diacres Deux_c10   
           
Pour plus de détail, voir : les relations « perle » par « perle » des textes homologues de Marc, Matthieu et Luc dans le spoiler ci-dessous.

«UNE ANALYSE PLUS DETAILLEE PERLE PAR PERLE INCLUANT MARC, MATTHIEU ET LUC»:


Dernière édition par Roque le Dim 29 Juin - 20:44, édité 1 fois

Roque

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Message  Roque Ven 13 Juin - 18:42

C. Contenu et caractéristiques de ces 100 perles

L’ensemble est homogène. Il est structuré par thèmes, en cinq pendentifs de dix logia, organisées selon le schéma : 3 + 4 + 3 ou plus rarement : 2 + 3 + 3 + 2. Les éléments importants sont placés au centre dans le groupe des quatre perles.

La phrase centrale particulièrement mise en valeur est Luc 12, 35: « Restez en tenue de service et gardez vos lampes allumées » qui est répétée avec des variantes (Lc 12, 36 et Lc 12, 37).

FORMATION DE " DIACRES " :
LES INSTRUCTIONS POUR LA MISSION DONNEE AU COURS DE CETTE FORMATION DES "DIACRES":


4. Historique de l’enseignement donné aux Apôtres et aux diacres.

Le collier à pendentifs de l’enseignement aux diacres Histor12

Quelques informations historiques sur le système d'enseignement rabbinique peuvent compléter cette reconstitution de l’historique de cet enseignement donné aux Apôtres et aux diacres - toujours selon Pierre Perrier :

1.
Les périodes d’enseignement étaient réparties en deux semestres : école d'hiver et école d'été. L’école d’hiver qui finissait à Pessah (Pâques) était clôturé par une période de révision jusqu’à Shavouot (Pentecôte) et une école d’été passé en partie aux champs ;
2. Les niveaux d’enseignement des rabbis était au nombre de trois. On retrouve ces trois niveaux dans l’enseignement de Jésus : 1. L’enseignement de base ou Malpanoutha, 2. L’enseignement de second degré aux 72 et 3. L’enseignement supérieur représenté pas l’Evangile de Jean ;
3. Les disciples étaient habituellement groupés par de 6 autour du rabbi. Les apôtres (2 x 6) ont chacun formé 6 disciples =  72. Les 72 ont formé chacun 6 disciples = 432. 432 disciples + les 72 = 505, ce qui correspond au « plus de 500 disciples » (1 Co 15, 6). Puis les 500 ont chacun formé 6 disciples ce qui correspond à « environ 3.000 disciples » (Ac 2, 41).

Nous donnons dans le spoiler quelques textes de Pierre Perrier illustrant ces trois points.

ECOLE D'HIVER ET ECOLE D'ETE, TROIS NIVEAUX D'ENSEIGNEMENT ET DISCIPLES GROUPES PAR SIX:

Mon commentaire. Ce qui suit maintenant n’engage que moi – mais s’appuie sur les textes de Pierre Perrier cités dans le spoiler ci-dessus.

-o-o-o-o-o-o-o-o-

Une « stratégie pédagogique » comprend trois composantes : un contenu pédagogique, une méthode pédagogique et des événements pédagogiques, c’est-à-dire les circonstances de ce enseignement tel que les cours magistraux, les stages, les voyages, les rencontres fortuites, et dans la cas de Jésus, les miracles, etc …


Que connaissons-nous de la stratégie pédagogique de Jésus ?

A. Le contenu pédagogique. Il faut distinguer les situations et s’entendre sur ce dont on parle : il y a des situations ou des échanges où les paroles de Jésus pu ont être rapportées de façon exactes par des témoins, par contre quand il s’agit de Son enseignement, on n’en connaît que des résumés. En effet Jésus a tenu des longs enseignements qui sont résumés en quelques versets. Un exemple est le « Sermon sur la Montagne » qui fait trois chapitres de Matthieu (5 à 7), mais si on lit ces chapitres en entier, cela fait quelques dizaines de minutes à peine. De plus, certains enseignements ou paraboles ont sans doute été répétés en différent lieux, mais l’Evangile ne dit rien de ces répétitions. On est bien obligé de convenir que ce qui nous est donné dans les Evangiles n’est pas le script « au mot près »  des longues heures d'enseignements donnés par Jésus. Il s’agirait plutôt de ce que la tradition orale appelle une Marganitha, c’est-à-dire la récitation concise, cristallisée de l’enseignement d’un maître  – une sorte de résumé exact - composé selon les règles de la tradition orale hébraïque pour en faciliter la mémorisation et la transmission. Cette composition rabbinique est une reprise collective – et approuvée par la communauté - organisée en deux temps après l’enseignement du maître : 1. Sur la base deux témoins directs comme exigé par la Thora, 2. Une composition de style oral impliquant : ordrage, décompte, rythme, bilatéralisme, formulisme … tous ces procédés aboutissant à une forme récitée parfaitement fixée, stable, c’est-à-dire un « texte oral ».

B. La méthode pédagogique. Une des méthodes de Jésus est bien connue, c’est la parabole. Cette méthode pousse à un effort de compréhension et d’interprétation de ses auditeurs pour cadrer et saisir les propos parfois symboliques, voire énigmatiques de Jésus. Jésus s’exprimait de façon différente en public, par exemple lors des controverses, ou en privé avec ses disciples les plus proches. Il disposait de plusieurs lieux retirés pour parler en privé à ses disciples (spoiler précédent). Certaines déclarations de Jésus notamment sur Lui-même à l’approche de la Passion ont été beaucoup plus explicites et ce changement de mode d’expression a été même noté dans les Evangiles par les disciples (Jn 16, 29). Le Discours après la Cène dans l’Evangile de Jean (chapitres 14 à 17) qui est en quelque sorte de Testament de Jésus à ses amis est explicite.

Comme l’explique bien Frédéric Guigain ( écouter :   http://www.aquoicasertleglise.com/?p=1384  ) un disciple n’est pas un simple auditeur, mais une personne disposée à répéter l’enseignement de son maître. Dans la tradition orale on ne passe de l'état d'auditeur au stade de disciple qu'après un temps de probation. Lorsque Jésus choisi les 6 premiers apôtres, il choisit 6 disciples de Jean Baptiste et les prend d’emblée comme ses propres disciples parce qu’ils ont reçu une formation sur la venue du Messie à laquelle il ajoute son propre enseignement. Ce processus d’enseignement en tradition orale – pensons à l'exemple du Sermon sur la Montagne ou collier de la Malpanoutha ne durait pas une demi-heure – le processus comporte d’abord un rappel de tous les textes bibliques dans le thème - connus de mémoire par la plupart des auditeurs -, ensuite l'enseignant illustrait ces textes par des exemples ou des parabole et enfin au terme du rappel de toute cette tradition - deux ou trois heures -, Jésus, tout à la fin, donnait sa jurisprudence ou la Torah orale du rabbi Yéshoua laquelle était formulée sous forme de Marganitha – qui sont précisément ces « ipsissima verba » de Jésus. Dans la tradition rabbinique, le maitre était censé répéter une leçon 4 fois à l’élève et l'élève doit répéter la même leçon 7 fois au maître. Les marches à travers tout le pays des disciples à la suite de Jésus étaient l’occasion des répétitions des leçons du rabbi Yéshoua. Ces exercices de mémorisation devant le maître ou entre disciples - en marchant - sont des méthodes pédagogiques dans la droite ligne de la tradition orale.

C. Les événements pédagogiques à la lecture du spoiler ci-dessus on s’aperçoit de l’extrême variété des circonstances de l’enseignement du rabbi Yéshoua : en ville, sous la colonnade de Salomon sur la route, à la synagogue chaque shabbat, en groupe ouvert, en groupe restreint retiré dans un lieu discret, en mission à deux disciples avec l’organisation de repas occasion des quobala par les diacres-lévites, etc. Nous n’allons pas tenter de décrire cette diversité, mais nous signalerons deux hypothèses qui nous semblent intéressantes :

Le « parcours de remémoration » selon Pierre Perrier. Le parcours d’itinérance des disciples passant par le Jourdain, la Galilée, le mont des Béatitudes ou de la Transfiguration, la montée vers Jérusalem passant par la Samarie semble avoir été un parcours de remémoration des leçons du rabbi Yéshoua . C’est la raison de l’envoi des disciples en Galilée jusqu’à la vision « des 500 » après la résurrection - et pour une période de révision des leçons du rabbi Yéshoua entre Pessa’h et Shavouot - tout à fait conforme au calendrier de l’enseignement rabbinique traditionnel. Ce parcours a été fait trois années de suite selon la chronologie probable : celle de l’Evangile de Jean (Source : « Les Colliers évangéliques » Ed. Sarment. Pierre Perrier. Juillet 2003. ISBN : 2-8667-9358-7);

L'« empilement » de souvenirs semblables réfèrés au texte de la liturgie sabbatique, selon Frédéric Guigain. Le rabbi Yéshoua a entraîné ses disciples dans une invariable succession d’étapes sur la route des allers et retours du nord au sud et du sud au nord, ce qui lui a permis d’ « empiler » les souvenirs trois ans de suite sur un même parcours de remémoration. Le Seigneur a intentionnellement répété Ses miracles et gestes prophétiques dans des contextes semblables et a immanquablement répété et fait répéter Ses paroles afin que leur signification soit recueillie et intégrée par les disciples. Ce principe de référencement des évévements aux textes des sabbats se retrouverait dans la composition du texte oral, lui-même. Selon Frédéric Guigain il est tout à fait possible de montrer que les séries des dits et faits de Jésus sont en stricte correspondance avec des séries mensuelles de sections sabbatiques de la Torah. Bien plus, l’analyse du positionnement de certains récitatifs en fonction du contexte synagogal (liturgie du shabbat) montre que des événements semblables sont étagés sur des mois ou des années. Premier exemple le récitatif de la guérison du lépreux de Mattieu en lien avec le mois de Kisleu, tandis qu’en Marc et Luc le même récitatif est en lien avec le mois de Nisan. Second exemple les mêmes récitatifs peuvent renvoyer à des années différentes, par exemple la récitation en Matthieu et Luc de la guérison du serviteur du centurion au mois de Kisleu 27 concorde parfaitement avec celle des Jean de la guérison du fils du fonctionnaire royal pour le même mois de kisleu 28, c’est-à-dire à chaque fois dans le cadre en signification théologique de la fête de la Dédicace.

L'idée est que des événement semblables - répétés sur 3 ans - sont venus renforcer l'axe thématique de l'enseignement de Jésus - en faisant apparaître les enseignements et miracles de Jésus - non comme LA référence « en soi » - mais plutôt comme un commentaire ou une jurisprudence de la Torah sabbatique. De nombreux autres exemples – notamment sur les Evangiles de l’Enfance - sont donnés dans « Exégèse d’Oralité » Ed Cariscript. Frédéric Guigain. Septembre 2012. ISBN : 9-78287-601353-7


Dernière édition par Roque le Ven 27 Juin - 11:04, édité 5 fois

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Message  -Ren- Ven 13 Juin - 19:23

Merci pour ce travail :jap:

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Message  Roque Ven 13 Juin - 19:48

-Ren- a écrit:Merci pour ce travail :jap:
Oui, cela m'a demandé pas mal de temps - d'abord pour comprendre moi-même. Maintenant je doute qu'il y ait beaucoup de commentaires. Je souhaite simplement que certains d'entre nous - surtout les chrétiens - voient jusqu'où mênent les thèses de Pierre Perrier et Frédéric Guigain - alors que la plupart d'entre nous sommes saturés par les hypothèses des Marguerat et compagnie qui réduisent les Evangiles à un amas de racontars assez incohérent.

En fait je tiens toujours la même position comparative : les théories dites " modernes " niant toute consistance aux Evangiles (Formgeschichte) - si complaisamment diffusées par les médias - sont maintenant très sérieusement concurrencées par des hypothèses nouvelles depuis 20 ans environ (1995). Ce domaine de recherche n'est pas fermé - contrairement à ce que veulent faire croire les ennemis du christianisme - mais il reste ouvert.

Les hypothèses de Marguerat (source Q and C°) ne sont ni plus, ni moins solides et/ou rationnelles que celle de Pierre Perrier et Frédéric Guigain. Et du point de vue intérêt historique, je trouve les secondes nettement plus intéressantes parce que placées dans un contexte historique réel et connu, par contre les premières sont hors contexte historique (la Formgeschichte n'a malgré son aura aucune compétence historique et se limite à la comparaison des styles. L'identification de la " Sitz im Leben " (le gros mot qui remplit d'admiration des adeptes de cette théorie) et un peu un leurre : cela se limite en réalité à la simple catégorisation des micro-récits ou logia : parabole, controverse, culte, etc ... c'est une opération purement littéraire en somme sans aucune connaissance sociologique réelle (documentée scientifiquement) du fonctionnement de ces communautés primitives de l'Eglise !).

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Le collier à pendentifs de l’enseignement aux diacres Empty Re: Le collier à pendentifs de l’enseignement aux diacres

Message  Libremax Sam 26 Juil - 0:01

Passionnant, bravo Roque (je suis évidemment un public conquis d'avance, sans doute) ;) 

Une question, comme ça : je crois avoir vu quelque part quel'appellation de Jean comme "disciple bien-aimé" correspondait en fait à un certain type de talmid, de disciple : celui qui allait pouvoir cprofondément comprendre l'enseignement du maître...
Aurais-tu souvenir de quelque chose à ce sujet ?
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Le collier à pendentifs de l’enseignement aux diacres Empty Re: Le collier à pendentifs de l’enseignement aux diacres

Message  Libremax Sam 26 Juil - 0:29

A propos des "bouts" dont parle Pierre Perrier : je me demande si, dans son livre, ce n'est pas à cet endroit la première fois qu'il innove avec le terme de "pendentif" plutôt que de "collier". L'idée du pendentif, c'est l'agencement d'un grand collier dont chaque perle est en fait la première d'une suite organisée. Comme dans un pendentif.
Il part donc du constat que dans le grand ensemble structuré du collier des diacres, il y a cinq éléments suivis, qui ne constituent pas réellement chacun un collier, (il les appelle alors des bouts) mais qui, réunis, constituent un pendentif, terme, qui, si je ne me trompe pas, n'a pas été utilisé auparavant dans son livre. A vérifier.
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Le collier à pendentifs de l’enseignement aux diacres Empty Re: Le collier à pendentifs de l’enseignement aux diacres

Message  Roque Dim 27 Juil - 15:28

Libremax a écrit:Passionnant, bravo Roque (je suis évidemment un public conquis d'avance, sans doute) ;)
Le public qu'il faudrait atteindre, ce sont ces chrétiens cultivés qui n'ont jamais entendu parler d'autre chose que de " démythologisation "ou de " déconstruction " des Evangiles - et qui par conséquent ne croient plus vraiment que Jésus se trouve dans les Evangiles. J'ai au moins une amie qui est comme cela ... elle est parvenue à rester chrétienne un peu " en se faisant sa propre idée sur Jésus ", mais en tenant à l'écart la lettre des Evangiles ou en les tenant pour des métaphores. Quand le texte de l'Evangile n'est plus fiable ... c'est la seule issue pour " rester chrétien " ... je pense que des gens comme Marguerat, s'ils croient encore en Dieu et s'ils sont vraiment attachés à Jésus n'ont pas d'autre moyen pour " rester chrétiens " - encore que le terme de " chrétien " soit un peu un mot valise qui peut contenir tout et n'importe quoi ! Et ce ne peut être qu'un " chrétien " qui fait la grimace et se tient à l'écart dès qu'il subodore quelque chose qui ressemblerait à une certitude de foi établie, c'est à dire quelque chose qui aurait à voir avec le dogme. Elle est comme ça ... !

Cette amie a été assez surprise de voir que cette vision mettant en doute la fidélité des Evangiles à la Parole Jésus n'était uniquement le produit de mon obscurantisme. En fait elle n'est qu'à moitié convaincue, car depuis plusieurs décennies (elle a 73 ans), elle n'a jamais cessé de baigner - bien que pratiquante - dans le jus " éclairé " du protestantisme libéral, qui a trop bien pénétré dans les cercles intellectuels du catholicisme ... A un certain niveau d'information - sans vision des thèses concurrentes - il est impossible de se rentre compte que les arguments de la critique interne de la Formgeschichte ne sont pas plus convaincants que ceux issus de l'étude du texte en araméen (Pierre & Guigain). Il est impossible également de ce rendre compte que l'approche de critique interne de la Formgeschichte parait moins cohérente et même faiblarde par rapport à celle de Perrier et Guigain !
Libremax a écrit:Une question, comme ça : je crois avoir vu quelque part que l'appellation de Jean comme "disciple bien-aimé" correspondait en fait à un certain type de talmid, de disciple : celui qui allait pouvoir profondément comprendre l'enseignement du maître...
Aurais-tu souvenir de quelque chose à ce sujet ?
Non je n'ai pas de souvenir sur ce sujet. Mais j'ai un lien audio de Frédéric Guigain qui explique ce que signifiait - en tradition orale - qu'être disciple. Ce n'était pas être un dilettante plu ou moins intéressé comme certains paroissiens, mais être capable de répéter fidèlement une certaines quantité des enseignements du Maître ... sinon on n'avait pas le droit au titre de disciple ! Je redonne ce lien qui est audio ( http://www.aquoicasertleglise.com/?p=1384 ) ... ça fait 20 minutes passionnantes sur ce qu'étaient vraiment les disciples en tradition orale. Ca permet de liquider quelques préjugés de notre époque sur ce sujet.
Libremax a écrit:A propos des "bouts" dont parle Pierre Perrier : je me demande si, dans son livre, ce n'est pas à cet endroit la première fois qu'il innove avec le terme de "pendentif" plutôt que de "collier". L'idée du pendentif, c'est l'agencement d'un grand collier dont chaque perle est en fait la première d'une suite organisée. Comme dans un pendentif.
Il part donc du constat que dans le grand ensemble structuré du collier des diacres, il y a cinq éléments suivis, qui ne constituent pas réellement chacun un collier, (il les appelle alors des bouts) mais qui, réunis, constituent un pendentif, terme, qui, si je ne me trompe pas, n'a pas été utilisé auparavant dans son livre. A vérifier.
Dans le texte de Pierre Perrier (qui n'est pas toujours parfaitement clair), l'expression " bouts " n'est pas appliqué au chapitre 12 qui n'est manifestement pas composé en tradition orale, mais au reste de l'ensemble des 100 perles qui est composé en tradition orale mais sur le rythme " 3 + 4 + 3 " ... donc, j'ai constaté l'emploi de ce mot " bout " mais sans en comprendre tout à fait la signification, car Perrier ne l'explique pas ! Voici quel en était mon commentaire  :) 
Mon commentaire : je n’ai pas bien compris pourquoi Pierre Perrier n’emploie pas ici le mot habituel de « collier », mais emploie le mot : « bout ». Il est possible que ce soit parce que ces « perles » sont « couplées » de façon particulière en « 3 + 4 + 3 » – ce qui n’est pas la règle dans les « colliers » évangéliques où les « perles » sont plutôt groupées par 5 ou 7 avec une symétrie centrale et sans « couplage » rythmant ces 5 ou 7 « perles ».
Après ... il faudrait demander à Pierre Perrier ce qu'il a voulu dire !

Roque

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Message  Libremax Dim 27 Juil - 22:33

Roque a écrit:A un certain niveau d'information - sans vision des thèses concurrentes - il est impossible de se rentre compte que les arguments de la critique interne de la Formgeschichte ne sont pas plus convaincants que ceux issus de l'étude du texte en araméen (Pierre & Guigain). Il est impossible également de ce rendre compte que l'approche de critique interne de la Formgeschichte parait moins cohérente et même faiblarde par rapport à celle de Perrier et Guigain !

Oui, ces écoles de pensées sur l'Evangile sont à mon avis le fruit d'un matricide, celui de la raison contre le christianisme. Ce dernier s'est efforcé de se dire, de se comprendre lui-même au cours des siècles, d'user de raison pour rendre compte de ce qu'il était, au fil des controverses et des conciles, et par voie de conséquence, de définir le monde : Malgré le soupçon d'obscurantisme pesant sur l'occident chrétien, c'est aussi avec l'Eglise que la science a connu son essor, jusqu'à permettre le contexte des Lumières.
Dès lors, les penseurs ont voulu tout subordonner à la raison, y compris le donné de la foi : pour les uns, il a fallu rejeter celui-ci ; pour les autres, il a fallu "déconstruire", comme vous dites, un processus de la foi, pour parvenir aujourd'hui, à une sorte de compromis entre foi et raison, donnant le jour à des aberrations comme les thèses de Bultmann, pour ne citer que lui.

La raison ne supporte pas de ne pas être son propre cadre, le surnaturel n'a pas voix au chapitre ; la foi ne peut se fonder que sur des évènements dont on ne peut rien dire, si on veut tolérer le surnaturel, ou bien, sur des faits restant dans le seul cadre politique et philosophique, qu'un réflexe sociologique aurait métamorphosé en mythologie...


Dans le texte de Pierre Perrier (qui n'est pas toujours parfaitement clair), l'expression " bouts " n'est pas appliqué au chapitre 12 qui n'est manifestement pas composé en tradition orale, mais au reste de l'ensemble des 100 perles qui est composé en tradition orale mais sur le rythme " 3 + 4 + 3 " ... donc, j'ai constaté l'emploi de ce mot " bout " mais sans en comprendre tout à fait la signification, car Perrier ne l'explique pas ! Voici quel en était mon commentaire  :) 
Mon commentaire : je n’ai pas bien compris pourquoi Pierre Perrier n’emploie pas ici le mot habituel de « collier », mais emploie le mot : « bout ». Il est possible que ce soit parce que ces « perles » sont « couplées » de façon particulière en « 3 + 4 + 3 » – ce qui n’est pas la règle dans les « colliers » évangéliques où les « perles » sont plutôt groupées par 5 ou 7 avec une symétrie centrale et sans « couplage » rythmant ces 5 ou 7 « perles ».
Après ... il faudrait demander à Pierre Perrier ce qu'il a voulu dire !

Pour ma part, je crois avoir bien compris pourquoi Pierre Perrier a parlé de "bouts" (j'ai le livre avec moi) : c'est pour ne pas utiliser le terme de colliers, quand il parle de ces cinq ensembles de 3+4+3 perles : ce ne sont pas des colliers, ce sont des suites rythmées de 10 perles, qui, réunies, forment un tout qui fonctionne, lui, comme un collier : c'est la structure, plus complexe que le collier, qu'il appelle collier à pendentifs : un collier dont chaque perle est en fait déjà une suite de perles.
Cette structure, il l'évoque déjà deux chapitres avant, à propos du "collier des controverses".
Libremax
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