Qu'est-ce que la "modernité" ?
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Qu'est-ce que la "modernité" ?
Demat d'an holl, bonjour à tous !
J'ouvre ce fil suite à une remarque de notre ami rosarum sur le forum de nos partenaires :
Disons qu'il fait écho à https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t439p1-sd-qu-est-ce-que-la-religion
J'ouvre ce fil suite à une remarque de notre ami rosarum sur le forum de nos partenaires :
...Lui répondant que la "Modernité" n'était au fond qu'une étiquette, je me dis que c'est un sujet qui mériterait d'être discuté entre nousrosarum a écrit:la modernité, elle est là que cela te plaise ou non, et le monde ne sera plus jamais comme avant
Disons qu'il fait écho à https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t439p1-sd-qu-est-ce-que-la-religion
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Re: Qu'est-ce que la "modernité" ?
Pour moi, la meilleure définition (pour sa véracité, sa cohérence, sa pertinence et sa précision) est celle de René Guénon, telle que décrite dans son célèbre ouvrage : La Crise du monde moderne.
«Un des caractères particuliers du monde moderne, c'est la scission qu'on y remarque entre l'Orient et l'Occident. Il peut y avoir une sorte d'équivalence entre des civilisations de formes très différentes, dès lors qu'elles reposent toutes sur les mêmes principes fondamentaux, dont elles représentent seulement des applications conditionnées par des circonstances variées. Tel est le cas de toutes les civilisations que nous pouvons appeler normales, ou encore traditionnelles ; il n'y a entre elles aucune opposition essentielle, et les divergences, s'il en existe, ne sont qu'extérieures et superficielles. Par contre, une civilisation qui ne reconnaît aucun principe supérieur, qui n'est même fondée en réalité que sur une négation des principes, est par là même dépourvue de tout moyen d'entente avec les autres, car cette entente, pour être vraiment profonde et efficace, ne peut s'établir que par en haut, c'est-à-dire précisément par ce qui manque à cette civilisation anormale et déviée. Dans l'état présent du monde, nous avons donc, d'un côté, toutes les civilisations qui sont demeurées fidèles à l'esprit traditionnel, et qui sont les civilisations orientales, et, de l'autre, une civilisation proprement antitraditionnelle, qui est la civilisation occidentale moderne.».
«Un des caractères particuliers du monde moderne, c'est la scission qu'on y remarque entre l'Orient et l'Occident. Il peut y avoir une sorte d'équivalence entre des civilisations de formes très différentes, dès lors qu'elles reposent toutes sur les mêmes principes fondamentaux, dont elles représentent seulement des applications conditionnées par des circonstances variées. Tel est le cas de toutes les civilisations que nous pouvons appeler normales, ou encore traditionnelles ; il n'y a entre elles aucune opposition essentielle, et les divergences, s'il en existe, ne sont qu'extérieures et superficielles. Par contre, une civilisation qui ne reconnaît aucun principe supérieur, qui n'est même fondée en réalité que sur une négation des principes, est par là même dépourvue de tout moyen d'entente avec les autres, car cette entente, pour être vraiment profonde et efficace, ne peut s'établir que par en haut, c'est-à-dire précisément par ce qui manque à cette civilisation anormale et déviée. Dans l'état présent du monde, nous avons donc, d'un côté, toutes les civilisations qui sont demeurées fidèles à l'esprit traditionnel, et qui sont les civilisations orientales, et, de l'autre, une civilisation proprement antitraditionnelle, qui est la civilisation occidentale moderne.».
Ghazali- Messages : 296
Réputation : 0
Date d'inscription : 02/11/2012
Re: Qu'est-ce que la "modernité" ?
Là où je vous rejoint (vous et mon illustre homonyme ), c'est dans l'idée d'opposition "Modernité/Tradition" : avant, l'autorité vient des Anciens, la référence est le passé, après, l'autorité est donnée aux Visionnaires, la référence est l'avenir.
Et nous serions bel et bien aujourd'hui dans la "Post-modernité" avec la perte totale du critère temporel, passé et futur n'étant plus que des ingrédients émotionnels pour entretenir la nébuleuse a-temporelle dans laquelle la société de consommation a besoin de nous enfermer.
Et nous serions bel et bien aujourd'hui dans la "Post-modernité" avec la perte totale du critère temporel, passé et futur n'étant plus que des ingrédients émotionnels pour entretenir la nébuleuse a-temporelle dans laquelle la société de consommation a besoin de nous enfermer.
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Re: Qu'est-ce que la "modernité" ?
bonjour
je vois que nous ne mettons pas tous la même chose derrière ce mot.
je me réfère plutôt à celle de Jean-Claude BARREAU dans son livre "l'illusion de l'an 2000".
il développe ensuite ces 3 éléments
je vois que nous ne mettons pas tous la même chose derrière ce mot.
je me réfère plutôt à celle de Jean-Claude BARREAU dans son livre "l'illusion de l'an 2000".
Qu'est alors la modernité ?
On pourrait la définir comme la science « appliquée », comme un ensemble efficace de sciences et de techniques.
La plupart des techniques modernes sont certes inconcevables sans recherche scientifique. Mais la recherche scientifique peut ne pas se traduire en techniques.
Les inventions grecques restèrent des jeux de l'esprit (sauf dans le domaine militaire où l'on tenta des applications ; Archimède faisant brûler les bateaux ennemis à l'aide de miroirs solaires lors du siège de Syracuse par exemple).
Les Chinois, de leur côté, connaissaient et avaient probablement inventé la boussole et la poudre. Mais ils se contentèrent avec la poudre d'organiser des feux d'artifice ; ce qui réjouira les pacifistes.
.../...
C'est qu'il leur manquait la volonté, spécifiquement prométhéenne ; c'est-à-dire la volonté de modifier les choses.
Cette volonté ne manquait plus aux Européens de la Renaissance ; elle leur permit avec la poudre de construire des canons et avec la boussole de naviguer tout autour du monde.
Ainsi les temps modernes se caractérisent par la métamorphose de la science théorique, infiniment plus ancienne, en techniques efficaces ; par l'irruption de la science dans la vie quotidienne des hommes ; par l'« efficacité », c'est le terme pertinent, de plus en plus grande des techniques inspirées par la science.
Il nous semble indiscutable que la « modernité » est un facteur nouveau dans l'Histoire, historiquement daté ; une mixture culturelle dont nous devons chercher à dissocier les éléments pour en comprendre les ressorts.
J'en proposerai trois : la capacité de changement, la conception de l'homme comme étant un individu et l'esprit critique.
il développe ensuite ces 3 éléments
rosarum- Messages : 1021
Réputation : 1
Date d'inscription : 06/05/2011
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Re: Qu'est-ce que la "modernité" ?
C'est ce que j'ai perçu avec toi, et qui m'a amené à lancer ce filrosarum a écrit:bonjour
je vois que nous ne mettons pas tous la même chose derrière ce mot
Merci d'être passé et de participer au débat
La réflexion sur le rapport à la "science", à la démarche prométhéenne fait en effet partie du tableauJean-Claude BARREAU a écrit:Qu'est alors la modernité ?
On pourrait la définir comme la science « appliquée » (...) la volonté, spécifiquement prométhéenne ; c'est-à-dire la volonté de modifier les choses (...) les temps modernes se caractérisent par la métamorphose de la science théorique, infiniment plus ancienne, en techniques efficaces (...)
Pour les 3 points :
> la capacité de changement : C'est l'un des aspects de l'opposition Tradition/Progrès ; mais je trouve que cet auteur oublie le rapport au Temps (présente dans la dichotomie que nous avons pointé avant ton arrivée). Du coup, pour lui, nous ne pouvons visiblement qu'être encore dans la modernité, alors que tu peux constater que je suis de ceux qui ont ajouté un 3e membre à l'équation avec la Post-modernité.
> la conception de l'homme comme étant un individu : C'est un point commun entre Modernité et Post-modernité, qui les distingue clairement de la Tradition.
> l'esprit critique : Là, je ne suis pas d'accord pour inclure l'esprit critique dans la seule Modernité ; à mon sens, c'est largement sous-estimer les Anciens que de leur ôter cette qualité. La différence est plutôt dans la façon dont cet esprit s'exerce... Par contre, je pense que ce point distingue (par son absence !) la Post-modernité de tout ce qui a précédé.
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Re: Qu'est-ce que la "modernité" ?
Qu'est ce que la modernité ?
Je pense qu'en chaque temps, à chaque époque, les gens ont revendiqué ce mot. Plutôt les personnes s'impliquant dans l'innovation.
Malheureusement, je pense que l'évolution rapide de nos technologies nous a donné l'illusion d'être dans une société "moderne", car innovante.
Mais bien souvent, l'esprit humain, lui, restait à la traine.
La modernité, c'est finalement la nouveauté.
Mais, je pense qu'il faille bien faire attention à ne pas associé "moderne" et "évolué".
Car sur bien des aspects, nos sociétés sont certes modernes, mais elles ont peu évolué.
Je pense qu'en chaque temps, à chaque époque, les gens ont revendiqué ce mot. Plutôt les personnes s'impliquant dans l'innovation.
Malheureusement, je pense que l'évolution rapide de nos technologies nous a donné l'illusion d'être dans une société "moderne", car innovante.
Mais bien souvent, l'esprit humain, lui, restait à la traine.
La modernité, c'est finalement la nouveauté.
Mais, je pense qu'il faille bien faire attention à ne pas associé "moderne" et "évolué".
Car sur bien des aspects, nos sociétés sont certes modernes, mais elles ont peu évolué.
Materia- Messages : 1206
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Re: Qu'est-ce que la "modernité" ?
A vérifier... Mais je ne pense pas.Materia a écrit:Qu'est ce que la modernité ?
Je pense qu'en chaque temps, à chaque époque, les gens ont revendiqué ce mot
Musicalement, je peux te dire qu'il faut attendre le XIVe siècle pour voir apparaître les premières "querelles des anciens et des modernes" avec l'Ars Nova ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Ars_nova ). Mais cette époque, ce sont déjà les prémices de la "Renaissance" (période bien plus difficile à cerner que ce que nous narrent nos images d'Epinal)
Nous aurons ensuite la querelle Monteverdi/Artusi, avec le Delle imperfezioni della moderna musica ( http://www.pur-editions.fr/couvertures/1223037525_doc.pdf ), etc.
Maintenant, je viens de voir que quelqu'un, sur Wiki, fait remonter le mot "modernité" à un pape du XIe siècle ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Modernit%C3%A9 )
Et puis, nous avons tout de même cette rupture que porte en eux les textes chrétiens avec la notion de nouvelle Alliance venant après l'ancienne Alliance... Un lien avec notre discussion sur https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t1670-sd-le-progres ?
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Re: Qu'est-ce que la "modernité" ?
-Ren- a écrit: A vérifier... Mais je ne pense pas.
Musicalement, je peux te dire qu'il faut attendre le XIVe siècle pour voir apparaître les premières "querelles des anciens et des modernes" avec l'Ars Nova ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Ars_nova ). Mais cette époque, ce sont déjà les prémices de la "Renaissance" (période bien plus difficile à cerner que ce que nous narrent nos images d'Epinal)
Nous aurons ensuite la querelle Monteverdi/Artusi, avec le Delle imperfezioni della moderna musica ( http://www.pur-editions.fr/couvertures/1223037525_doc.pdf ), etc.
Maintenant, je viens de voir que quelqu'un, sur Wiki, fait remonter le mot "modernité" à un pape du XIe siècle ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Modernit%C3%A9 )
Et puis, nous avons tout de même cette rupture que porte en eux les textes chrétiens avec la notion de nouvelle Alliance venant après l'ancienne Alliance... Un lien avec notre discussion sur https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t1670-sd-le-progres ?
Rome n'a t'il pas voulu apporté la "modernité" dans la civilisation aux peuples alentour lors de l'antiquité ?
Maintenant, je pense que l'ascension technologique ou du moins sa fulgurance à partir d'un certain moment de son évolution peut servir de marqueur quand à l'émergence de ce terme
Materia- Messages : 1206
Réputation : 2
Date d'inscription : 02/05/2011
Age : 40
Localisation : Sarthe France
Re: Qu'est-ce que la "modernité" ?
Justement, dans ce cas, je ne pense pas que ce soit une question de "modernité" mais plutôt un concept de civilisation vs barbarie. Mais je reconnais sans peine mon inculture en matière antiqueMateria a écrit:Rome n'a t'il pas voulu apporter la "modernité" dans la civilisation aux peuples alentour lors de l'antiquité ?
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Re: Qu'est-ce que la "modernité" ?
par esprit critique je pense qu'il veut dire primauté donnée à la raison.-Ren- a écrit:> l'esprit critique : Là, je ne suis pas d'accord pour inclure l'esprit critique dans la seule Modernité ; à mon sens, c'est largement sous-estimer les Anciens que de leur ôter cette qualité. La différence est plutôt dans la façon dont cet esprit s'exerce... Par contre, je pense que ce point distingue (par son absence !) la Post-modernité de tout ce qui a précédé.
La deuxième composante de la modernité me semble être l'esprit critique.
Cartésiens, nous sommes habitués à l'esprit critique, à l'exaltation du rationnel. Nous comprenons mal que les autres cultures humaines donnaient la primauté à l'irrationnel.
Or, l'esprit critique est le noyau dur de la pensée scientifique.
La science ne peut avoir de limites. On ne saurait au nom de quelque idéologie ou théologie dresser des bornes à ses ambitions, contrecarrer ses mises en cause. Le travail critique, commencé il y a vingt-cinq siècles dans la Grèce présocratique, a trouvé son expression achevée dans le cogito de Descartes au xvne siècle de notre ère.
../..
L'esprit critique seul permet de jouer de toutes les clefs possibles. Et l'esprit critique a besoin de liberté, il ne saurait se soumettre à aucun dogme.
En ce sens, les civilisations théocratiques sont ses pires ennemis. A ceci près que la « théocratie », malgré le sens grec du mot (« gouvernement de Dieu »), peut être, l'expérience stalinienne nous l'a appris, parfaitement athée. Il faudrait donc mieux parler d'« idéocratie ».
rosarum- Messages : 1021
Réputation : 1
Date d'inscription : 06/05/2011
Localisation : France
Re: Qu'est-ce que la "modernité" ?
Si la formule était donc malheureuse, l'idée ici est plus claire, et peut peut-être, en effet, entrer dans notre définition de la modernité (et demeure exclue de la Post-modernité, qui elle se caractérise plutôt par la primauté de la sensation)rosarum a écrit:par esprit critique je pense qu'il veut dire primauté donnée à la raison
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Re: Qu'est-ce que la "modernité" ?
La pensée moderne [..] n’a pas d’anthropologie bien définie et généralement acceptée. Elle possède sur l’homme une quantité immense de notions diverses mais, dans sa confusion et ses divergences, elle démontre son incapacité de donner une définition cohérente de la condition humaine. Dans aucune autre civilisation, on n’avait ignoré d’une manière aussi totale et aussi systématique pourquoi nous sommes nés, pourquoi nous vivons et pourquoi nous devons mourir.
Tel est le paradoxe de cette civilisation qui, au départ, se voulait «humaniste», c’est-à-dire qui faisait de l’homme le principe et la fin de toutes choses: la notion même d’homme s’est désagrégée. L’évolutionnisme en avait fait un singe perfectionné, puis la philosophie de l’absurde est venue lui enlever le peu de cohérence qui lui restait. L’être humain est désormais semblable à un pantin secoue et désarticule par une mécanique qu’il a mise en train, mais dont il n’arrive plus à maîtriser l’agitation désordonnée et le mouvement accéléré.
Proclamée absurde, la vie sur terre a effectivement perdu son sens. Elle offre a l’homme une multitude de possibilités et d’avantages matériels auxquels les générations précédentes n’auraient pas osé rêver mais, comme on ignore ce qu’est en réalité un homme et donc quelles sont ses aspirations profondes, toutes ces merveilles ne l’empêchent pas de sombrer dans le désespoir.
Pourtant, la civilisation moderne avait proclame hautement et sur tous les tons qu’elle apporterait le bonheur au genre humain. La Révolution française avait adopté la Déclaration des droits de l’homme et la Constitution américaine prétendait garantir à chaque citoyen la «poursuite du bonheur». Le XIXe siècle accrédita dans tous les pays occidentaux et même au-delà la grande idée de Progrès en vertu de laquelle l’âge d’or ne serait pas derrière, mais devant nous.
Les faits ont longtemps donne a cette croyance des confirmations apparentes. Les conditions matérielles des couches inférieures de la société occidentale se sont considérablement améliorées, l’exercice des libertés individuelles a été garanti à tous, la science a donne à l’homme moderne le sentiment d’être incomparablement plus instruit que les plus savants parmi les générations antérieures, et le développement technique a placé entre ses mains les instruments d’une puissance insoupçonnée auparavant.
Sur un autre plan et en vertu de théories psychologiques prétendant avoir enfin découvert où se situe le véritable centre de gravité de la personne humaine, c’est-à-dire au niveau du sexe, on a promis aux individus qu’ils pourraient se «réaliser» eux-mêmes en échappant à toute contrainte et en suivant tous leurs penchants. Ce fut, pour beaucoup, un prétexte suffisant pour supprimer la morale héritée du passé et considérée désormais comme un ramassis de préjugés périmés.
C’est ainsi que l’homme moderne croit être devenu «adulte», sous-entendant que les générations des siècles passes étaient infantiles. II ne manque pas de philosophes ni même de théologiens pour le confirmer dans cette idée.
Mais les faits eux-mêmes ont fini par singulièrement contredire ces théories.
Déjà, la Première Guerre mondiale et les désastres qu’elle entraîna avaient donné de sérieux démentis à l’optimisme des annonciateurs du nouvel âge d’or. Cela ne les empêcha pourtant pas, au retour de la paix, de prophétiser de plus belle l’avènement d’une ère de paix, de justice et de bonheur, comme si l’effroyable tragédie avec ses millions de victimes n’avait été qu’un incident de parcours.
La Deuxième Guerre mondiale, bien plus épouvantable encore, aurait du instruire les hommes sur les illusions et les dangers des idéologies progressistes et plus ou moins athées promettant le bonheur par des voies exclusivement profanes, quantitatives et matérialistes. Mais au lieu d’en discerner le caractère trompeur et de s’en détourner pour revenir à des valeurs plus spirituelles et traditionnelles, ils ont au contraire accélère le mouvement de sécularisation. Si les promesses de bonheur ne se réalisent pas, les idéologues du système n’en concluent aucunement qu’elles étaient fallacieuses ou infondées, mais ils sen prennent aux dernières survivances de l’ordre ancien et des idées traditionnelles, qu’ils dénoncent comme autant d’obstacles à la marche du progrès et qu’il serait donc urgent de faire disparaître.
Les bouleversements sociaux ne sont qu’un aspect de ce mouvement. Ils s’accompagnent d’une subversion d’ordre moral et psychique qui prétend éliminer les «préjugés» et l’esprit «autoritaire», lesquels empêcheraient l’homme de parvenir à sa pleine libération et donc au bonheur.
[...]
La condition humaine ne saurait trouver sa justification et son plein accomplissement sur le plan horizontal terrestre, car elle comporte une aspiration essentielle et centrale à la transcendance. L’homme, à la différence des autres créatures, ressent le besoin fondamental de se dépasser soi-même et de rechercher cet Absolu que, seul ici-bas, il est capable de concevoir. C’est pourquoi tout le relatif qu’on lui propose en si grande abondance le laisse toujours sur sa faim ou finit par prendre un goût d’amertume.
Fort significatif est le fait que la «contestation» s’est surtout développée dans des pays industrialisés à niveau de vie élevé où tous les avantages matériels sont à la portée de chacun. Mais précisément, la civilisation moderne est inacceptable à l’homme parce que, lui offrant tout, sauf l’essentiel, elle lui parait dénuée de sens. Jamais il n’a disposé d’aussi nombreuses et prodigieuses possibilités de se distraire, et jamais il ne s'est pareillement ennuyé. À cet ennui, les réalisations extraordinaires de la science et de la technique, qu’il s’agisse de la télévision en couleur, des «conquêtes spatiales» ou des progrès de la médecine, n’apportent aucun véritable remède. L’homme, dans cette multiplicité de gadgets, se distrait, se disperse ou se dissipe, mais il ne trouve pas la véritable paix de l’âme venant de la certitude d’accomplir ici-bas la destinée supérieure pour laquelle il a été créé Dans les conditions insensées de la vie moderne, les gens doués d’un peu de réflexion se rendent toujours mieux compte qu’ils courent vers l’abime.
Roger du Pasquier: "découverte de l'islam" page 11 ...1984
- Spoiler:
Plus rien sur terre ne semble échapper à la crise qui secoue le monde moderne. Il ne suffit plus de parler de crise de civilisation, car le phénomène a pris des dimensions cosmiques. Ses aspects sinistres apparaissent avec une évidence croissante et l’angoisse se répand.
Or, l’Islam a été donné aux hommes précisément pour les aider à traverser sans se perdre cette phase ultime de l’histoire universelle. Dernière Revelations du cycle prophétique, il offre les moyens de résister au chaos actuel, de rétablir l’ordre et la clarté à l’intérieur de soi-même ainsi que l’harmonie dans les rapports humains, et de réaliser la destinée supérieure à laquelle le Créateur nous a conviés.
L’Islam s’adresse à l’homme, dont il a une connaissance profonde et précise, situant exactement sa position dans la création et en face de Dieu.
La pensée moderne, au contraire, n’a pas d’anthropologie bien définie et généralement acceptée. Elle possède sur l’homme une quantité immense de notions diverses mais, dans sa confusion et ses divergences, elle démontre son incapacité de donner une définition cohérente de la condition humaine. Dans aucune autre civilisation, on n’avait ignoré d’une manière aussi totale et aussi systématique pourquoi nous sommes nés, pourquoi nous vivons et pourquoi nous devons mourir.
Tel est le paradoxe de cette civilisation qui, au départ, se voulait «humaniste», c’est-à-dire qui faisait de l’homme le principe et la fin de toutes choses: la notion même d’homme s’est désagrégée. L’évolutionnisme en avait fait un singe perfectionné, puis la philosophie de l’absurde est venue lui enlever le peu de cohérence qui lui restait. L’être humain est désormais semblable à un pantin secoue et désarticule par une mécanique qu’il a mise en train, mais dont il n’arrive plus à maîtriser l’agitation désordonnée et le mouvement accéléré.
Proclamée absurde, la vie sur terre a effectivement perdu son sens. Elle offre a l’homme une multitude de possibilités et d’avantages matériels auxquels les générations précédentes n’auraient pas osé rêver mais, comme on ignore ce qu’est en réalité un homme et donc quelles sont ses aspirations profondes, toutes ces merveilles ne l’empêchent pas de sombrer dans le désespoir.
Pourtant, la civilisation moderne avait proclame hautement et sur tous les tons qu’elle apporterait le bonheur au genre humain. La Révolution française avait adopté la Déclaration des droits de l’homme et la Constitution américaine prétendait garantir à chaque citoyen la «poursuite du bonheur». Le XIXe siècle accrédita dans tous les pays occidentaux et même au-delà la grande idée de Progrès en vertu de laquelle l’âge d’or ne serait pas derrière, mais devant nous.
Les faits ont longtemps donne a cette croyance des confirmations apparentes. Les conditions matérielles des couches inférieures de la société occidentale se sont considérablement améliorées, 1’exercice des libertés individuelles a été garanti à tous, la science a donne à l’homme moderne le sentiment d’être incomparable ment plus instruit que les plus savants parmi les générations antérieures, et le développement technique a placé entre ses mains les instruments d’une puissance insoupçonnée auparavant.
Sur un autre plan et en vertu de théories psychologiques prétendant avoir enfin découvert où se situe le véritable centre de gravité de la personne humaine, c’est-à-dire au niveau du sexe, on a promis aux individus qu’ils pourraient se «réaliser» eux-mêmes en échappant à toute contrainte et en suivant tous leurs penchants. Ce fut, pour beaucoup, un prétexte suffisant pour supprimer la morale héritée du passé et considérée désormais comme un ramassis de préjugés périmés.
C’est ainsi que l’homme moderne croit être devenu «adulte», sous-entendant que les générations des siècles passes étaient infantiles. II ne manque pas de philosophes ni même de théologiens pour le confirmer dans cette idée.
Mais les faits eux-mêmes ont fini par singulièrement contredire ces théories.
Déjà, la Première Guerre mondiale et les désastres qu’elle entraîna avaient donné de sérieux démentis à l’optimisme des annonciateurs du nouvel âge d’or. Cela ne les empêcha pourtant pas, au retour de la paix, de prophétiser de plus belle l’avènement d’une ère de paix, de justice et de bonheur, comme si 1’effroyable tragédie avec ses millions de victimes n’avait été qu’un incident de parcours.
La Deuxième Guerre mondiale, bien plus épouvantable encore, aurait du instruire les hommes sur les illusions et les dangers des idéologies progressistes et plus ou moins athées promettant le bonheur par des voies exclusivement profanes, quantitatives et matérialistes. Mais au lieu d’en discerner le caractère trompeur et de s’en détourner pour revenir à des valeurs plus spirituelles et traditionnelles, ils ont au contraire accélère le mouvement de sécularisation. Si les promesses de bonheur ne se réalisent pas, les idéologues du système n’en concluent aucunement qu’elles étaient fallacieuses ou infondées, mais ils sen prennent aux dernières survivances de l’ordre ancien et des idées traditionnelles, qu’ils dénoncent comme autant d’obstacles à la marche du progrès et qu’il serait donc urgent de faire disparaître.
Les bouleversements sociaux ne sont qu’un aspect dc ce mouvement. Ils s’accompagnent d’une subversion d’ordre moral et psychique qui prétend éliminer les «préjugés» et l’esprit «autoritaire», lesquels empêcheraient l’homme de parvenir à sa pleine libération et donc au bonheur.
La réalité, notamment celle que l’on peut constater dans la jeunesse acquise aux idées «anti-autoritaires», est révélatrice: selon des témoignages convergents, le nombre des névrosés, détraques et intoxiqués ne cesse de croître, de même que les cas de soumission aveugle à des systèmes idéologiques et à des chefs conduisant en fait au contraire de la liberté.
Cette civilisation qui s’était voulue «humaniste» aboutit ainsi à un système qui, en même temps, méprise l’homme et le trompe pour, finalement, le détruire Elle le méprise parce qu'elle le réduit aux fonctions matérielles et quantitatives de simple producteur et consommateur; elle le trompe parce qu’elle lui fait croire que, grâce au progrès, au développement de la science, à une meilleure organisation sociale et à la libération des derniers «préjugés» et contraintes hérités du passé, il parviendra au bonheur et vaincra la souffrance, laquelle est pourtant inhérente à la condition humaine; enfin elle le détruit en le corrompant, en le désintégrant et en privant sa vie de sens et d’espoir.
D’ailleurs, le sentiment que l’ordre actuel des choses – si Ton peut parier d’ordre dans lune telle confusion – est une énorme tromperie semble se répandre toujours davantage et les idéologies modernes sont de plus en plus battues en brèche par l’esprit de négation, de contestation et de nihilisme. Effectivement, ces idéologies, y compris le marxisme, finissent toujours par perdre leur crédit, parce qu’elles sont impuissantes à répondre à nos questions les plus importantes sur le sens de la vie et sur les raisons de notre présence sur terre. Ce qui finit inévitablement par les rendre vaines et inefficaces, c’est d’ignorer que I’homme, en fin de compte, se définit par l’Absolu et qu’au fond de lui-même, consciemment ou inconsciemment, il ne cherche pas autre chose que cela.
La condition humaine ne saurait trouver sa justification et son plein accomplissement sur le plan horizontal terrestre, car elle comporte une aspiration essentielle et centrale à la transcendance. L’homme, à la différence des autres créatures, ressent le besoin fondamental de se dépasser soi-même et de rechercher cet Absolu que, seul ici-bas, il est capable de concevoir. C’est pourquoi tout le relatif qu’on lui propose en si grande abondance le laisse toujours sur sa faim ou finit par prendre un goût d’amertume.
Fort significatif est le fait que la «contestation» s’est surtout développée dans des pays industrialisés à niveau de vie élevé où tous les avantages matériels sont à la portée de chacun. Mais précisément, la civilisation moderne est inacceptable à l’homme parce que, lui offrant tout, sauf l’essentiel, elle lui parait dénuée de sens. Jamais il n’a disposé d’aussi nombreuses et prodigieuses possibilités de se distraire, et jamais il ne s'est pareillement ennuyé. À cet ennui, les réalisations extraordinaires de la science et de la technique, qu’il s’agisse de la télévision en couleur, des «conquêtes spatiales» ou des progrès de la médecine, n’apportent aucun véritable remède. L’homme, dans cette multiplicité de gadgets, se distrait, se disperse ou se dissipe, mais il ne trouve pas la véritable paix de l’âme venant de la certitude d’accomplir ici-bas la destinée supérieure pour laquelle il a été créé Dans les conditions insensées de la vie moderne, les gens doués d’un peu de réflexion se rendent toujours mieux compte qu’ils courent vers l’abime.
http://archive.org/stream/way2sunnah45/decouvertedelislam#page/n9/mode/2up
Salam
Désolé pour cet extrait un peu long , mais il me semble que beaucoup de choses sont dites de façon synthétique et percutante!
La prétention du monde moderne à être une forme adulte de la civilisation , la prétention d'apporter le bonheur, négation de son échec.
Son ignorance de la véritable nature de l'homme, la négation de le transcendance.
Le matérialisme, la quantité , la technologie , la consommation de masse ....Les armes de distraction massive pour abrutir les masses . Hier la religion opium du peuple , aujourd'hui la télévision....etc
Idriss- Messages : 7081
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Date d'inscription : 25/05/2012
Re: Qu'est-ce que la "modernité" ?
Idriss a écrit:
Désolé pour cet extrait un peu long , mais il me semble que beaucoup de choses sont dites de façon synthétique et percutante!
La prétention du monde moderne à être une forme adulte de la civilisation , la prétention d'apporter le bonheur, négation de son échec.
Son ignorance de la véritable nature de l'homme, la négation de le transcendance.
Le matérialisme, la quantité , la technologie , la consommation de masse ....Les armes de distraction massive pour abrutir les masses . Hier la religion opium du peuple , aujourd'hui la télévision....etc
Rabelais ne disait t il pas déjà la meme chose ?
science sans conscience n'est que ruine de l'âme.
mon analyse est que nous sommes en déséquilibre parce que nous avons connu un développement ultra rapide de la science tandis que du coté des religions on s'accroche à des croyances qui datent des temps préhistoriques.
la transcendance doit trouver de nouvelles formes d'expression qui soient au niveau de notre science (science au sens de Rabelais et pas seulement science technologique)
rosarum- Messages : 1021
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Re: Qu'est-ce que la "modernité" ?
-Ren- a écrit:
Et nous serions bel et bien aujourd'hui dans la "Post-modernité" avec la perte totale du critère temporel, passé et futur n'étant plus que des ingrédients émotionnels pour entretenir la nébuleuse a-temporelle dans laquelle la société de consommation a besoin de nous enfermer.
La postmodernité est un concept de sociologie historique qui désigne selon plusieurs auteurs la dissolution, survenue dans les sociétés contemporaines occidentales à la fin du XXe siècle, de la référence à la raison comme totalité . De cette fin de la transcendance résulte un rapport au temps centré sur le présent, un mode inédit de régulation, et une fragilisation des identités collectives et individuelles.
Caractéristiques de la société postmoderne
Un nouveau rapport au temps: La postmodernité est l'éclatement des références temporelles et locales : quand les prémodernes se reposaient sur la tradition et les modernes sur l'avenir, les postmodernes auraient les pieds dans le vide [...] Culte du présent, bonne gestion et recherche du bien-être remplacent la volonté de transmission, propre aux prémodernes, comme celle de transformation de la société, caractéristique des modernes (Peter Sloterdijk).
Un nouveau mode de régulation de la pratique sociale: L’efficacité remplace la légitimité ; la gestion remplace le politique ; le contrôle, la propriété ; et nous nous retrouvons finalement avec des organisations qui prennent des décisions avec de l’information. La postmodernité ainsi entendue est un mode de reproduction sociale d’ensemble, régulée de manière décisionnelle et opérationnelle plutôt que de manière politico-institutionnelle (Michel Freitag).
Les conséquences pratiques de cette dissolution de la référence à la raison, c’est que les actions humaines tendent à se réduire progressivement à un comportement adaptatif, que la pensée s’identifie à un calcul marginal de gain ou de perte, que les rapports humains se réduisent à la compétition ou à la concurrence et les identités ou statuts à ceux de gagnant et de perdant. Enfin, la science dans une société postmoderne renonce à son idéal normatif de réalité et de vérité, au profit de la prévisibilité des résultats de l’action instrumentale. L’activité humaine tend à se justifier par le paradigme général de la résolution de problèmes.
La culture postmoderne:La pensée postmoderne se situe dans la perspective de surmonter le désenchantement du monde, après la désagrégation des repères culturels ou religieux résultant de la modernité, et l'échec patent des utopies révolutionnaires qu'elle avait porté. http://fr.wikipedia.org/wiki/Postmodernit%C3%A9
Comme Éric Geoffroy parle lui-aussi de postemodernité il me semblait intéressant de donner une définition histoire de savoir de quoi nous parlons et ce que nous y mettons ...
La pensée d’Éric Geoffroy répond d'ailleurs assez bien à Rosarum .
Je remarque aussi que R.Guénon lorsqu'il parle de la société moderne , il décrit cet age de fer comme une époque de condensation , de solidification ( le temps mange l'espace ...le matérialisme ...) . Hors il semble me souvenir qu'il affirmait que ce point de solidification a atteint son paroxysme et que l'étape suivante serait la dissolution.
Idriss- Messages : 7081
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Re: Qu'est-ce que la "modernité" ?
De la servitude moderne
L’œuvre dénonce la condition d’esclave de l’homme moderne, et décrit le monde contemporain comme un "totalitarisme marchand".
http://fr.wikipedia.org/wiki/De_la_servitude_moderne
- Spoiler:
Chapitre I : Épigraphe
Chapitre II : La servitude moderne (inspiré du discours de la servitude volontaire)
Chapitre III : L’aménagement du territoire et l’habitat
Chapitre IV : La marchandise
Chapitre V : L’alimentation (malbouffe)
Chapitre VI : La destruction de l’environnement
Chapitre VII : Le travail
Chapitre VIII : La colonisation de tous les secteurs de la vie
Chapitre IX : La médecine marchande
Chapitre X : L’obéissance comme seconde nature
Chapitre XI : La répression et la surveillance
Chapitre XII : L’argent
Chapitre XIII : Pas d’alternative à l’organisation sociale dominante
Chapitre XIV : L’image
Chapitre XV : Les divertissements
Chapitre XVI : Le langage
Chapitre XVII : L’illusion du vote et de la démocratie parlementaire
Chapitre XVIII : Le système totalitaire marchand
Chapitre XIX : Perspectives
Chapitre XX : Épilogue
- Spoiler:
"Toute vérité passe par trois stades :
En premier lieu on la ridiculise;
en deuxième lieu on s'y oppose violemment;
enfin on l'accepte comme si elle allait de soi."
Schopenhauer
De la servitude moderne est un livre et un film documentaire de 52 minutes produits de manière totalement indépendante ; le livre (et le DVD qu’il contient) est distribué gratuitement dans certains lieux alternatifs en France et en Amérique latine. Le texte a été écrit en Jamaïque en octobre 2007 et le documentaire a été achevé en Colombie en mai 2009. Il existe en version française, anglaise et espagnole. Le film est élaboré à partir d’images détournées, essentiellement issues de films de fiction et de documentaires.
L’objectif central de ce film est de mettre à jour la condition de l’esclave moderne dans le cadre du système totalitaire marchand et de rendre visible les formes de mystification qui occultent cette condition servile. Il a été fait dans le seul but d’attaquer frontalement l’organisation dominante du monde.
Dans l’immense champ de bataille de la guerre civile mondiale, le langage constitue une arme de choix. Il s’agit d’appeler effectivement les choses par leur nom et de faire découvrir l’essence cachée de ces réalités par la manière dont on les nomme. La démocratie libérale est un mythe en cela que l’organisation dominante du monde n’a rien de démocratique ni même rien de libérale. Il est donc urgent de substituer au mythe de la démocratie libérale sa réalité concrète de système totalitaire marchand et de répandre cette nouvelle expression comme une trainée de poudre prête à incendier les esprits en révélant la nature profonde de la domination présente.
D’aucuns espéreront trouver ici des solutions ou des réponses toutes faites, genre petit manuel de « Comment faire la révolution ? ». Tel n’est pas le propos de ce film. Il s’agit ici de faire la critique exacte de la société qu’il nous faut combattre. Ce film est avant tout un outil militant qui a pour vocation de faire s’interroger le plus grand nombre et de répandre la critique partout où elle n’a pas accès. Les solutions, les éléments de programme, c’est ensemble qu’il faut les construire. Et c’est avant tout dans la pratique qu’elles éclatent au grand jour. Nous n’avons pas besoin d’un gourou qui vienne nous expliquer comment nous devons agir. La liberté d’action doit être notre caractéristique principale. Ceux qui veulent rester des esclaves attendent l’homme providentiel ou l’œuvre qu’il suffirait de suivre à la lettre pour être plus libre. On en a trop vu de ces œuvres ou de ces hommes dans toute l’histoire du XXº siècle qui se sont proposés de constituer l’avant-garde révolutionnaire et de conduire le prolétariat vers la libération de sa condition. Les résultats cauchemardesques parlent d’eux-mêmes.
Par ailleurs, nous condamnons toutes les religions en cela qu’elles sont génératrices d’illusions nous permettant d’accepter notre sordide condition de dominés et qu’elles mentent ou déraisonnent sur à peu près tout. Mais nous condamnons également toute stigmatisation d’une religion en particulier. Les adeptes du complot sioniste ou du péril islamiste sont de pauvres têtes mystifiées qui confondent la critique radicale avec la haine et le dédain. Ils ne sont capables de produire que de la boue. Si certains d’entre eux se disent révolutionnaires, c’est davantage en référence aux « révolutions nationales » des années 1930-1940 qu’à la véritable révolution libératrice à laquelle nous aspirons. La recherche d’un bouc émissaire en fonction de son appartenance religieuse ou ethnique est vieille comme la civilisation et elle n’est que le produit des frustrations de ceux qui cherchent des réponses rapides et simples face au véritable mal qui nous accable. Il ne peut y avoir d’ambigüité sur la nature de notre combat. Nous sommes favorables à l’émancipation de l’humanité toute entière, sans aucune forme de discrimination. Tout pour tous est l’essence du programme révolutionnaire auquel nous adhérons.
Les références qui ont inspiré ce travail et plus généralement ma vie sont explicites dans ce film : Diogène de Sinoppe, Étienne de La Boétie, Karl Marx et Guy Debord. Je ne m’en cache pas et ne prétend pas avoir inventé l’électricité. On me reconnaîtra simplement le mérite d’avoir su m’en servir pour m’éclairer. Quand à ceux qui trouveront à redire sur cette œuvre en tant qu’elle ne serait pas assez révolutionnaire ou bien trop radicale ou encore pessimiste n’ont qu’à proposer leur propre vision du monde dans lequel nous vivons. Plus nous serons nombreux à diffuser ces idées et plus la possibilité d’un changement radical pourra émerger.
La crise économique, sociale et politique a révélé la faillite patente du système totalitaire marchand. Une brèche est ouverte. Il s’agit maintenant de s’y engouffrer sans peur mais de manière stratégique. Il faut cependant agir vite car le pouvoir, parfaitement informé sur l’état des lieux de la radicalisation de la contestation, prépare une attaque préventive sans commune mesure avec ce que nous avons connu jusqu’à maintenant. L’urgence des temps nous impose donc l’unité plutôt que la division car ce qui nous rassemble est bien plus profond que ce qui nous sépare. Il est toujours très commode de critiquer ce qui se fait du côté des organisations, des individus ou des différents groupes qui se réclament de la révolution sociale. Mais en réalité, ces critiques participent de la volonté d’immobilisme qui tente de nous convaincre que rien n’est possible. Il ne faut pas se tromper d’ennemis. Les vieilles querelles de chapelle du camp révolutionnaire doivent laisser la place à l’unité d’action de toutes nos forces. Il faut douter de tout, même du doute.
Le texte et le film sont libres de droits, ils peuvent être copiés, diffusés, projetés sans la moindre forme de contrainte. Ils sont par ailleurs totalement gratuits et ne peuvent en aucun cas être vendus ou commercialisés sous quelque forme que ce soit. Il serait en effet pour le moins incohérent de proposer une marchandise qui aurait pour vocation de critiquer l’omniprésence de la marchandise. La lutte contre la propriété privée, intellectuelle ou autre, est notre force de frappe contre la domination présente.
Ce film qui est diffusé en dehors de tout circuit légal ou commercial ne peut exister que grâce à l’appui de personnes qui en organisent la diffusion ou la projection. Il ne nous appartient pas, il appartient à ceux qui voudront bien s’en saisir pour le jeter dans le feu des combats.
Jean-François Brient et Victor León Fuentes
Idriss- Messages : 7081
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Re: Qu'est-ce que la "modernité" ?
La modernité est en relation avec le progrès humain dans son savoir vivre, l homme devient de plus en plus tenté , s il prend pas les choses en mains il peut être emporté par les aspects négatifs de ce progrès et devenir une plume volatile au lieu d être un fruit issu d un arbre bien enraciné ...
ketabd- Messages : 715
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Re: Qu'est-ce que la "modernité" ?
http://www.cnrtl.fr/
MODERNE, adj. et subst.
Étymol. et Hist. 1. xives. moders cas rég. plur. «les hommes des époques récentes par opposition aux Anciens» (Moamin et Ghatrif, Traités de fauconnerie et des chiens de chasse, éd. Håkan Tjerneld, II, Prol., 4); 2. a) av. 1455 moderne adj. «qui est du temps présent, actuel» (Chastellain, Dict. de Vérités ds Œuvres, éd. Kervyn de Lettenhove, t.6, p.223); 1remoitié du xvies. «qui appartient à l'époque actuelle, par opposition à son état ancien (en parlant d'une langue)» (Pierre Durand ds Guillaume de Palerne, éd. H. Michelant, p.XIX); 1606 les poêtes modernes (Nicot); 1680 architecture moderne (Rich.); 1690 moderne «qualifie une science ou un art dans l'état auquel l'ont porté les découvertes ou les inventions récentes» (Fur.); 1694 moderne subst.fém. «édifice d'architecture moderne» (Ac.); 1756 subst.masc. «ce qui est moderne ou dans le goût moderne» (Voltaire, Moeurs, 82 ds Littré); b) 1554 [date d'éd.] «qui est de son temps, à la page (en parlant d'un homme)» (N. du Fail, Propos rustiques, foD 1b); 1852 subst. masc. «élégant à la mode» (Texier, Tableau de Paris, I, 145 ds Klein Vie paris., p.49); c) 1789 l'histoire moderne (Schwan, Nouv. dict. de la lang. all. et fr., s.v. histoire); 1906 enseignement moderne (Pt Lar.). Empr. au b. lat. modernus «récent, actuel», dér. de l'adv. modo «seulement, naguère, peu après».
MODERNE, adj. et subst.
Étymol. et Hist. 1. xives. moders cas rég. plur. «les hommes des époques récentes par opposition aux Anciens» (Moamin et Ghatrif, Traités de fauconnerie et des chiens de chasse, éd. Håkan Tjerneld, II, Prol., 4); 2. a) av. 1455 moderne adj. «qui est du temps présent, actuel» (Chastellain, Dict. de Vérités ds Œuvres, éd. Kervyn de Lettenhove, t.6, p.223); 1remoitié du xvies. «qui appartient à l'époque actuelle, par opposition à son état ancien (en parlant d'une langue)» (Pierre Durand ds Guillaume de Palerne, éd. H. Michelant, p.XIX); 1606 les poêtes modernes (Nicot); 1680 architecture moderne (Rich.); 1690 moderne «qualifie une science ou un art dans l'état auquel l'ont porté les découvertes ou les inventions récentes» (Fur.); 1694 moderne subst.fém. «édifice d'architecture moderne» (Ac.); 1756 subst.masc. «ce qui est moderne ou dans le goût moderne» (Voltaire, Moeurs, 82 ds Littré); b) 1554 [date d'éd.] «qui est de son temps, à la page (en parlant d'un homme)» (N. du Fail, Propos rustiques, foD 1b); 1852 subst. masc. «élégant à la mode» (Texier, Tableau de Paris, I, 145 ds Klein Vie paris., p.49); c) 1789 l'histoire moderne (Schwan, Nouv. dict. de la lang. all. et fr., s.v. histoire); 1906 enseignement moderne (Pt Lar.). Empr. au b. lat. modernus «récent, actuel», dér. de l'adv. modo «seulement, naguère, peu après».
Re: Qu'est-ce que la "modernité" ?
C'est un mot creux, vide de sens. Il sert davantage à diviser , à stigmatiser , qu'à approfondir la pensée.
Associé, sans nécessité conceptuelle, à toute la mythologie du progrès, des lumières,de la "civilisation", il temps à imposer comme naturelle et allant de soi un mode de pensée et un style de vie majoritaire censé être meilleur parce qu'il est contemporain. C'est oublier trop vite que la "nouveauté" est très relative par rapport à l'ancienneté, et ne constitue pas nécessairement une amélioration ( pas plus qu'une dégradation d'ailleurs).
"Vanité des vanités, dit l'Ecclésiaste; vanité des vanités, tout est vanité. 3 Quel avantage a l'homme de tout le travail auquel il se livre sous le soleil? 4 Une génération passe, et une autre vient; mais la terre subsiste toujours. 5 Le soleil se lève, et le soleil se couche, et il soupire après le lieu d'où il se lève de nouveau. 6 Le vent va vers le midi, et tourne vers le nord; il va tournoyant çà et là, et revient à ses circuits. 7 Tous les fleuves vont à la mer, et la mer n'est point remplie; les fleuves continuent à aller vers le lieu d'où ils viennent. 8 Toutes choses travaillent plus que l'homme ne saurait dire; l'œil n'est jamais rassasié de voir, ni l'oreille lasse d'entendre. 9 Ce qui a été, c'est ce qui sera; ce qui s'est fait, c'est ce qui se fera, et il n'y a rien de nouveau sous le soleil. 10 Y a-t-il une chose dont on puisse dire: Vois ceci, c'est nouveau? Elle a déjà été dans les siècles qui furent avant nous. 11 On ne se souvient plus des choses d'autrefois; de même on ne se souviendra point des choses à venir, parmi ceux qui viendront plus tard."
Associé, sans nécessité conceptuelle, à toute la mythologie du progrès, des lumières,de la "civilisation", il temps à imposer comme naturelle et allant de soi un mode de pensée et un style de vie majoritaire censé être meilleur parce qu'il est contemporain. C'est oublier trop vite que la "nouveauté" est très relative par rapport à l'ancienneté, et ne constitue pas nécessairement une amélioration ( pas plus qu'une dégradation d'ailleurs).
"Vanité des vanités, dit l'Ecclésiaste; vanité des vanités, tout est vanité. 3 Quel avantage a l'homme de tout le travail auquel il se livre sous le soleil? 4 Une génération passe, et une autre vient; mais la terre subsiste toujours. 5 Le soleil se lève, et le soleil se couche, et il soupire après le lieu d'où il se lève de nouveau. 6 Le vent va vers le midi, et tourne vers le nord; il va tournoyant çà et là, et revient à ses circuits. 7 Tous les fleuves vont à la mer, et la mer n'est point remplie; les fleuves continuent à aller vers le lieu d'où ils viennent. 8 Toutes choses travaillent plus que l'homme ne saurait dire; l'œil n'est jamais rassasié de voir, ni l'oreille lasse d'entendre. 9 Ce qui a été, c'est ce qui sera; ce qui s'est fait, c'est ce qui se fera, et il n'y a rien de nouveau sous le soleil. 10 Y a-t-il une chose dont on puisse dire: Vois ceci, c'est nouveau? Elle a déjà été dans les siècles qui furent avant nous. 11 On ne se souvient plus des choses d'autrefois; de même on ne se souviendra point des choses à venir, parmi ceux qui viendront plus tard."
Re: Qu'est-ce que la "modernité" ?
Liliane B a écrit:La crise est une réalité. Éric Geoffroy répond que la modernité a atteint ses limites. Les progrès techniques et scientifiques qui se sont développés hors de la spiritualité mènent la planète à sa destruction. Il ne s'agit que de produire pour consommer matériellement. Éric Geoffroy rappelle que pour l'islam ( spiritualité exemplaire) , il n'y a pas de scission entre l'esprit et la matière. Il ne s'agit pas de se limiter aux apparences, oubliant le mystère, le "ghayb"...
Shakeel reprend une thèse essentielle de l'auteur : l'accès à un monde meilleur passe par la spiritualité.
Éric Geoffroy précise que le terme de spiritualité ne saurait être réduit à une bulle hors du temps. Celle d'Abdel Kader était appliquée dans la cité. Elle ne saurait nous limiter à une religion formelle...
Idriss- Messages : 7081
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Re: Qu'est-ce que la "modernité" ?
La modernité, c'est ce qui est....moderne.-Ren- a écrit:Demat d'an holl, bonjour à tous !
J'ouvre ce fil suite à une remarque de notre ami rosarum sur le forum de nos partenaires :...Lui répondant que la "Modernité" n'était au fond qu'une étiquette, je me dis que c'est un sujet qui mériterait d'être discuté entre nousrosarum a écrit:la modernité, elle est là que cela te plaise ou non, et le monde ne sera plus jamais comme avant
Disons qu'il fait écho à https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t439p1-sd-qu-est-ce-que-la-religion
Sérieusement, je pense que le critère sélectif de notre ami rosarum est qu'une civilisation moderne est celle qui vit dans l'ère de la technologie (Homo technologicus), par opposition à la civilisation traditionnelle qui vit de cueillettes, de pêches, de bambous etc. (Homo naturalis)....!
Invité- Invité
Re: Qu'est-ce que la "modernité" ?
si tu avais lu depuis le début, tu aurais vu que la technologie est plutôt la conséquence de la modernité.Cebrâîl a écrit:La modernité, c'est ce qui est....moderne.-Ren- a écrit:Demat d'an holl, bonjour à tous !
J'ouvre ce fil suite à une remarque de notre ami rosarum sur le forum de nos partenaires :...Lui répondant que la "Modernité" n'était au fond qu'une étiquette, je me dis que c'est un sujet qui mériterait d'être discuté entre nousrosarum a écrit:la modernité, elle est là que cela te plaise ou non, et le monde ne sera plus jamais comme avant
Disons qu'il fait écho à https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t439p1-sd-qu-est-ce-que-la-religion
Sérieusement, je pense que le critère sélectif de notre ami rosarum est qu'une civilisation moderne est celle qui vit dans l'ère de la technologie (Homo technologicus), par opposition à la civilisation traditionnelle qui vit de cueillettes, de pêches, de bambous etc. (Homo naturalis)....!
au contraire de la civilisation "moderne", la civilisation traditionnelle qui vit de cueillettes, de pêches, de bambous est plus portée à reproduire plutôt qu'à innover.
rosarum- Messages : 1021
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Re: Qu'est-ce que la "modernité" ?
Non.rosarum a écrit:la technologie est plutôt la conséquence de la modernité
En terme antiques, la technologie est le propre de la civilisation, cette notion est antérieure à la notion de modernité.
Confondre les deux, c'est déjà brouiller les pistes.
_________________
...S'il me manque l'amour, je suis un métal qui résonne, une cymbale retentissante (1 Cor XIII, 1)
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Re: Qu'est-ce que la "modernité" ?
si tu le dis.....-Ren- a écrit:Non.rosarum a écrit:la technologie est plutôt la conséquence de la modernité
En terme antiques, la technologie est le propre de la civilisation, cette notion est antérieure à la notion de modernité.
Confondre les deux, c'est déjà brouiller les pistes.
je voulais parler en fait de l'accélération du progrès technique.
rosarum- Messages : 1021
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Re: Qu'est-ce que la "modernité" ?
N'est-ce pas se focaliser sur une conséquence de la modernité, et non sur la modernité elle-même ?rosarum a écrit:je voulais parler en fait de l'accélération du progrès technique
Les mouvements islamistes réactionnaires des XIXe et XXe siècle que tu décries tant n'ont-ils pas eu la même définition que toi ? Te semble-t-elle alors si judicieuse ?
_________________
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Re: Qu'est-ce que la "modernité" ?
Salam
Je vous propose un entretien du journal "Le Temps" avec Mohamed Arkoun sur "Penser le modernité". Concepts qu'il a également développé dans ses livres.
Le Temps : Le monde arabe cristallise une bonne part des contradictions et violences de la modernité. Comment peut-on penser cette réalité dans le contexte arabe ?
Mohammed ARKOUN : Le champ que recouvre la modernité dans le monde arabe est vaste. L'espace maghrébin est dissemblable de l'espace proche-oriental, et même au Maghreb, il y a des différences notables entre les cinq ةtats-Nations et les cinq sociétés civiles que sont la Libye, la Tunisie, l'Algérie, le Maroc et la Mauritanie.
Première distinction, l'impact de la modernité de style français est beaucoup plus fort au Maghreb qu'au Proche-Orient.
Deuxième distinction, la culture française a opéré dissemblablement au Maroc, en Tunisie et en Algérie. La présence de la culture arabe était diverse au Maroc et en Tunisie où l'université était présente depuis le Moyen آge, avec la Qarawiyyîn et la Zitouna. En Algérie, se trouvaient des zaouias qui n'avaient pas l'envergure de telles universités. Cette présence plus ou moins accentuée d'une pensée arabo-islamique dans ces sociétés prépare des attitude variées d'accueil ou de rejet.
Que nous disent Mohamed Abdou, Al Afghâni, Taha Hussein, Mâzinî, Salama Musa ? Dans quelle mesure ont-ils introduit la dimension critique de la modernité dans la pensée arabe ?
Du côté de la modernité, quand nous considérons les historiens européens, nous devons attirer l'attention sur des aspects insuffisamment soulignés. Le premier est la distinction entre la modernité matérielle, ou modernisation de l'existence quotidienne des hommes, et la modernité intellectuelle, attitude de la pensée humaine devant la question du sens. La modernité intellectuelle prête, ou devrait prêter, attention à tous les types de connaissance et d'interprétation du réel concernant l'existence humaine. La modernisation s'occupe davantage d'inventions, de machines, de technologies, de sciences exactes, plutôt que de ce qui modifie le rapport à la nature et à l'existence...
Je n'établis pas cette distinction pour créer un clivage, au contraire : il n'y a pas d'avancée de la modernité intellectuelle s'il n'y a pas dans le même temps des progrès partagés de la modernité matérielle. Il importe de parcourir la dialectique entre ces deux formes du changement. Elle n'a pas joué jusqu'ici, ni avec les mêmes rôles, ni avec les mêmes intensités dans les contextes arabes et dans ceux que nous observons en Europe, lieu d'émergences, de recompositions continues dénommées globalement la modernité.
Ainsi observe-t-on dans le monde arabe une forte présence de la modernisation en même temps que de fortes résistances à l'introduction de la modernité surtout pour ce qui a trait à la religion et au passé. La question du sens est concentrée dans l'expression religieuse traditionnelle.
Il y a une volonté politique de barrage à l'introduction de cette modernité dans la pensée islamique telle qu'elle est aujourd'hui pratiquée de façon officielle, étatisée ou idéologisée par les oulémas qui, depuis les indépendances, ont été constitués en corps officiels à la solde des ةtats. Là encore, il convient de mesurer les écarts : le régime du Front de Libération Nationale (FLN) en Algérie ne peut pas être comparé à celui de l'Arabie Saoudite, ni le régime marocain au régime syrien, par exemple. Pour affiner l'analyse du destin historique, sociologique et donc intellectuel de ce que nous appelons "modernité" du côté arabe, il faut absolument sortir du schéma abstrait de l'histoire des idées et des jugements globaux sous les deux vocables devenus monstres idéologiques : Islam et modernité, Islam et Occident.
Il convient aussi de se défaire de cet autre schéma habituel qui prétend que tel ou tel réformiste a connu la modernité ou introduit telle forme de rationalité. C'est insuffisant, car la dialectique de la réception et du rejet des divers aspects de la modernité par chaque société demeure camouflée. En Egypte, au Liban, en Irak, les groupes minoritaires chrétiens et juifs ont, à cet égard, des attitudes distinctes de celles des musulmans, alors que les uns et les autres sont de culture, de langue et d'histoire arabes.
L'évolution qui s'opère depuis 1945 jusqu'à nos jours sous la pression des discours des mouvements de libération, puis des ةtats-Nations formés dans les années 1950-60, reste à étudier sans les a priori idéologique du regard nationaliste et du fondamentalisme religieux...
Comment connaître et transmettre sans instrumentaliser ni fabriquer des idéologies ? Voilà les deux inquiétudes de la posture moderne de la raison. Comment connaître la réalité du monde, de l'humain, de l'histoire, de façon à en rendre compte selon les exigences critiques de la connaissance et dans une perspective transnationale, transculturelle, transconfessionnelle ?
La modernisation, avec la technologie, est porteuse de puissance. Pour cela les ةtats s'en sont emparés depuis les dix-septième, dix-huitième siècles. Cette puissance a fait la force d'expansion de l'Europe. Les ةtats l'ont employée pour créer le grand capitalisme et l'extension politique et culturelle de l'Europe hors de ses frontières géographiques.
La civilisation matérielle, porteuse de puissance, va conditionner le fonctionnement de la raison pour défendre ou confisquer, à des fins nationalistes, la question du sens.
Je vous propose un entretien du journal "Le Temps" avec Mohamed Arkoun sur "Penser le modernité". Concepts qu'il a également développé dans ses livres.
Le Temps : Le monde arabe cristallise une bonne part des contradictions et violences de la modernité. Comment peut-on penser cette réalité dans le contexte arabe ?
Mohammed ARKOUN : Le champ que recouvre la modernité dans le monde arabe est vaste. L'espace maghrébin est dissemblable de l'espace proche-oriental, et même au Maghreb, il y a des différences notables entre les cinq ةtats-Nations et les cinq sociétés civiles que sont la Libye, la Tunisie, l'Algérie, le Maroc et la Mauritanie.
Première distinction, l'impact de la modernité de style français est beaucoup plus fort au Maghreb qu'au Proche-Orient.
Deuxième distinction, la culture française a opéré dissemblablement au Maroc, en Tunisie et en Algérie. La présence de la culture arabe était diverse au Maroc et en Tunisie où l'université était présente depuis le Moyen آge, avec la Qarawiyyîn et la Zitouna. En Algérie, se trouvaient des zaouias qui n'avaient pas l'envergure de telles universités. Cette présence plus ou moins accentuée d'une pensée arabo-islamique dans ces sociétés prépare des attitude variées d'accueil ou de rejet.
Que nous disent Mohamed Abdou, Al Afghâni, Taha Hussein, Mâzinî, Salama Musa ? Dans quelle mesure ont-ils introduit la dimension critique de la modernité dans la pensée arabe ?
Du côté de la modernité, quand nous considérons les historiens européens, nous devons attirer l'attention sur des aspects insuffisamment soulignés. Le premier est la distinction entre la modernité matérielle, ou modernisation de l'existence quotidienne des hommes, et la modernité intellectuelle, attitude de la pensée humaine devant la question du sens. La modernité intellectuelle prête, ou devrait prêter, attention à tous les types de connaissance et d'interprétation du réel concernant l'existence humaine. La modernisation s'occupe davantage d'inventions, de machines, de technologies, de sciences exactes, plutôt que de ce qui modifie le rapport à la nature et à l'existence...
Je n'établis pas cette distinction pour créer un clivage, au contraire : il n'y a pas d'avancée de la modernité intellectuelle s'il n'y a pas dans le même temps des progrès partagés de la modernité matérielle. Il importe de parcourir la dialectique entre ces deux formes du changement. Elle n'a pas joué jusqu'ici, ni avec les mêmes rôles, ni avec les mêmes intensités dans les contextes arabes et dans ceux que nous observons en Europe, lieu d'émergences, de recompositions continues dénommées globalement la modernité.
Ainsi observe-t-on dans le monde arabe une forte présence de la modernisation en même temps que de fortes résistances à l'introduction de la modernité surtout pour ce qui a trait à la religion et au passé. La question du sens est concentrée dans l'expression religieuse traditionnelle.
Il y a une volonté politique de barrage à l'introduction de cette modernité dans la pensée islamique telle qu'elle est aujourd'hui pratiquée de façon officielle, étatisée ou idéologisée par les oulémas qui, depuis les indépendances, ont été constitués en corps officiels à la solde des ةtats. Là encore, il convient de mesurer les écarts : le régime du Front de Libération Nationale (FLN) en Algérie ne peut pas être comparé à celui de l'Arabie Saoudite, ni le régime marocain au régime syrien, par exemple. Pour affiner l'analyse du destin historique, sociologique et donc intellectuel de ce que nous appelons "modernité" du côté arabe, il faut absolument sortir du schéma abstrait de l'histoire des idées et des jugements globaux sous les deux vocables devenus monstres idéologiques : Islam et modernité, Islam et Occident.
Il convient aussi de se défaire de cet autre schéma habituel qui prétend que tel ou tel réformiste a connu la modernité ou introduit telle forme de rationalité. C'est insuffisant, car la dialectique de la réception et du rejet des divers aspects de la modernité par chaque société demeure camouflée. En Egypte, au Liban, en Irak, les groupes minoritaires chrétiens et juifs ont, à cet égard, des attitudes distinctes de celles des musulmans, alors que les uns et les autres sont de culture, de langue et d'histoire arabes.
L'évolution qui s'opère depuis 1945 jusqu'à nos jours sous la pression des discours des mouvements de libération, puis des ةtats-Nations formés dans les années 1950-60, reste à étudier sans les a priori idéologique du regard nationaliste et du fondamentalisme religieux...
Comment connaître et transmettre sans instrumentaliser ni fabriquer des idéologies ? Voilà les deux inquiétudes de la posture moderne de la raison. Comment connaître la réalité du monde, de l'humain, de l'histoire, de façon à en rendre compte selon les exigences critiques de la connaissance et dans une perspective transnationale, transculturelle, transconfessionnelle ?
La modernisation, avec la technologie, est porteuse de puissance. Pour cela les ةtats s'en sont emparés depuis les dix-septième, dix-huitième siècles. Cette puissance a fait la force d'expansion de l'Europe. Les ةtats l'ont employée pour créer le grand capitalisme et l'extension politique et culturelle de l'Europe hors de ses frontières géographiques.
La civilisation matérielle, porteuse de puissance, va conditionner le fonctionnement de la raison pour défendre ou confisquer, à des fins nationalistes, la question du sens.
Amin80- Messages : 9
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