Contre l'islamisme - le regard d'André Comte-Sponville - philosophe
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Contre l'islamisme - le regard d'André Comte-Sponville - philosophe
L'avenir de l'islam en France, c'est l'affaire d'abord des Français musulmans. Cela ne signifie pas que les autres Français - par exemple chrétiens, juifs ou agnostiques - n'aient pas à s'en préoccuper. Ni que l'État n'ait rien à faire pour contrer l'islamisme.
Le grand mot est lâché. Qu'est-ce que l'islamisme ? Non pas une religion, comme l'islam, mais une idéologie politique et les mouvements, d'ailleurs fort divers, qui s'en réclament : sont islamistes tous ceux qui veulent faire de l'islam le mode d'organisation de la société, au point que la loi islamique - la charia - se substitue (que ce soit à l'échelle d'un pays ou pour l'une de ses composantes) aux lois démocratiquement établies, donc, en France, aux lois de la République. C'est ce qui rend l'islamisme incompatible non seulement avec la laïcité, ce qui est bien clair, mais avec toute démocratie libérale. Si le peuple est souverain, il est exclu que Dieu ou ses représentants le soient. Si les citoyens sont libres, ils doivent pouvoir pratiquer la religion de leur choix, en changer ou n'en pratiquer aucune. S'ils sont égaux en droits et en dignité, on ne saurait vouer la moitié d'entre eux - en l'occurrence les femmes - à une position de soumission, de subordination ou d'infériorité. Enfin la fraternité, entre eux, ne saurait dépendre de leurs affiliations religieuses. Il n'y a rien, dans ces différents points, qui puisse choquer un musulman démocrate. Mais rien non plus qu'un islamiste puisse accepter. Qu'en conclure, sinon que l'islam n'est compatible avec la République - et il l'est assurément - qu'à la condition de refuser l'islamisme ?
On se trompe si l'on croit que la laïcité, en France, commence en 1905. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dès 1789, disait l'essentiel : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. » La fameuse loi de 1905, dans son premier article, ne fait guère que confirmer ce principe : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public. » Ce que l'article 2 concrétise, en le radicalisant, par la séparation des Églises et de l'État : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. » Faut-il revenir sur cette séparation ? Certes pas. C'est à l'islam de s'adapter à la laïcité, non à la laïcité de s'adapter à l'islam.
Cela n'interdit pas de tenir compte des circonstances particulières que nous devons à l'histoire. De nombreux jours fériés, en France, sont des fêtes catholiques (Noël, Pâques, l'Ascension, la Pentecôte, la Toussaint...). Aucun ne correspond à une fête musulmane. Les églises, sur notre territoire, sont innombrables, souvent surdimensionnées (par rapport au nombre actuel de pratiquants), enfin - pour toutes celles qui furent construites avant 1905 - entretenues, puisqu'elles appartiennent à l'État, aux frais du contribuable. Les mosquées sont rares, presque toutes sous-dimensionnées, enfin construites et entretenues (à l'exception de la Mosquée de Paris) par des dons privés, venant souvent de l'étranger, notamment d'Arabie saoudite, et bénéficiant plus volontiers au courant salafiste ou fondamentaliste qu'à ce que le regretté Malek Chebel appelait « un islam des Lumières ». Situation malsaine, injuste, dangereuse. Qu'il faille « délier l'islam de France des influences étrangères », comme l'a dit notre ministre de l'Intérieur, c'est une évidence. Reste à savoir comment l'aider à s'intégrer, à se financer, et il serait bon qu'un débat public s'engage sur ces questions, sans naïveté ni tabous. Le politiquement correct, contre les fanatiques, n'est qu'un angélisme coupable. Mais la laïcité, sans la justice, ne serait qu'une ligne Maginot idéologique, aussi politiquement inefficace que moralement insatisfaisante.
Le grand mot est lâché. Qu'est-ce que l'islamisme ? Non pas une religion, comme l'islam, mais une idéologie politique et les mouvements, d'ailleurs fort divers, qui s'en réclament : sont islamistes tous ceux qui veulent faire de l'islam le mode d'organisation de la société, au point que la loi islamique - la charia - se substitue (que ce soit à l'échelle d'un pays ou pour l'une de ses composantes) aux lois démocratiquement établies, donc, en France, aux lois de la République. C'est ce qui rend l'islamisme incompatible non seulement avec la laïcité, ce qui est bien clair, mais avec toute démocratie libérale. Si le peuple est souverain, il est exclu que Dieu ou ses représentants le soient. Si les citoyens sont libres, ils doivent pouvoir pratiquer la religion de leur choix, en changer ou n'en pratiquer aucune. S'ils sont égaux en droits et en dignité, on ne saurait vouer la moitié d'entre eux - en l'occurrence les femmes - à une position de soumission, de subordination ou d'infériorité. Enfin la fraternité, entre eux, ne saurait dépendre de leurs affiliations religieuses. Il n'y a rien, dans ces différents points, qui puisse choquer un musulman démocrate. Mais rien non plus qu'un islamiste puisse accepter. Qu'en conclure, sinon que l'islam n'est compatible avec la République - et il l'est assurément - qu'à la condition de refuser l'islamisme ?
On se trompe si l'on croit que la laïcité, en France, commence en 1905. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dès 1789, disait l'essentiel : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. » La fameuse loi de 1905, dans son premier article, ne fait guère que confirmer ce principe : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public. » Ce que l'article 2 concrétise, en le radicalisant, par la séparation des Églises et de l'État : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. » Faut-il revenir sur cette séparation ? Certes pas. C'est à l'islam de s'adapter à la laïcité, non à la laïcité de s'adapter à l'islam.
Cela n'interdit pas de tenir compte des circonstances particulières que nous devons à l'histoire. De nombreux jours fériés, en France, sont des fêtes catholiques (Noël, Pâques, l'Ascension, la Pentecôte, la Toussaint...). Aucun ne correspond à une fête musulmane. Les églises, sur notre territoire, sont innombrables, souvent surdimensionnées (par rapport au nombre actuel de pratiquants), enfin - pour toutes celles qui furent construites avant 1905 - entretenues, puisqu'elles appartiennent à l'État, aux frais du contribuable. Les mosquées sont rares, presque toutes sous-dimensionnées, enfin construites et entretenues (à l'exception de la Mosquée de Paris) par des dons privés, venant souvent de l'étranger, notamment d'Arabie saoudite, et bénéficiant plus volontiers au courant salafiste ou fondamentaliste qu'à ce que le regretté Malek Chebel appelait « un islam des Lumières ». Situation malsaine, injuste, dangereuse. Qu'il faille « délier l'islam de France des influences étrangères », comme l'a dit notre ministre de l'Intérieur, c'est une évidence. Reste à savoir comment l'aider à s'intégrer, à se financer, et il serait bon qu'un débat public s'engage sur ces questions, sans naïveté ni tabous. Le politiquement correct, contre les fanatiques, n'est qu'un angélisme coupable. Mais la laïcité, sans la justice, ne serait qu'une ligne Maginot idéologique, aussi politiquement inefficace que moralement insatisfaisante.
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