Les Hagarènes
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Les Hagarènes
Les textes syriaques du 7e siècle parlent des Mhaggraye, les Hagarènes, muhajirun en arabe, qui conquièrent la Palestine et la Syrie vers 634.
Ces Hagarènes semblent ainsi surgir de nulle part et pourtant semblent aussi pouvoir être identifiés avec les précurseurs de l'Islam.
Ces Hagarènes sont traditionnellement reliés à Hagar, servante et femme d'Abraham, mère d'Ismaël, tous deux ensuite chassés par Sara, la première épouse d'Abraham.
La religion musulmane a fait des Arabes, et des musulmans, les descendants d'Hagar et d'Ismaël.
Au-delà du mythe, quelle explication historique possible pour cette dénomination ?
Le mot "Hagarène" vient du grec agarenoi.
Or la Septante, traduction grecque de la Bible réalisée avant notre ère, mentionne déjà les Agarenoi par exemple dans ce verset des Chroniques I 5.19 :
καὶ ἐποίουν πόλεμον μετὰ τῶν ᾿Αγαρηνῶν καὶ ᾿Ιτουραίων καὶ Ναφισαίων καὶ Ναδαβαίων
kaí epoíoun pólemon metá tón ᾿Agarinón kaí ᾿Itouraíon kaí Nafisaíon kaí Nadavaíon
Et ils firent la guerre aux Agarènes, aux Ituréens, aux Naphiséens, et aux Nadabéens.
Or il se trouve que ce passage en grec traduit le texte hébreu suivant :
וַיַּעֲשׂ֥וּ מִלְחָמָ֖ה עִם־הַֽהַגְרִיאִ֑ים וִיט֥וּר וְנָפִ֖ישׁ וְנֹודָֽב׃
vai·ya·'a·su mil·cha·mah im- ha·hag·ri·'im vi·tur ve·na·fish ve·no·v·dav.
On remarque donc que le mot agarenoi traduit l'hébreu hag·ri·'im, qui en arabe, se dirait muhajirun.
Mais ce n'est pas tout. Un peu plus haut dans les Chroniques I, on a le verset 5.10 de la Septante :
καὶ ἐν ἡμέραις Σαοὺλ ἐποίησαν πόλεμον πρὸς τοὺς παροίκους, καὶ ἔπεσον ἐν χερσὶν αὐτῶν κατοικοῦντες ἐν σκηναῖς αὐτῶν πάντες κατ᾿ ἀνατολὰς τῆς Γαλαάδ.
kaí en imérais Saoúl epoíisan pólemon prós toús paroíkous, kaí épeson en chersín aftón katoikoúntes en skinaís aftón pántes kat᾿ anatolás tís Galaád.
La traduction française du 19e siècle donne :
Et sous le règne de Saül, ils furent en guerre avec leur voisins (παροίκους), et ceux qui habitaient sous des tentes tombèrent entre leurs mains, et ils maîtrisèrent toute la contrée à l'orient de Galaad.
Quant à la traduction anglaise, elle propose résident étranger (sojourner) à la place de voisin pour le mot παροίκους.
Cette traduction est certainement plus proche du sens du mot παροίκους que la traduction française.
Or ce verset en grec traduit le texte hébreu :
וּבִימֵ֣י שָׁא֗וּל עָשׂ֤וּ מִלְחָמָה֙ עִם־הַֽהַגְרִאִ֔ים וַֽיִּפְּל֖וּ בְּיָדָ֑ם וַיֵּשְׁבוּ֙ בְּאָ֣הֳלֵיהֶ֔ם עַֽל־כָּל־פְּנֵ֖י מִזְרָ֥ח לַגִּלְעָֽד׃ פ
ū-ḇî-mê šā-’ūl, ‘ā-śū mil-ḥā-māh ‘im- ha-haḡ-ri-’îm, way-yip-pə-lū bə-yā-ḏām; way-yê-šə-ḇū bə-’ā-ho-lê-hem, ‘al- kāl- pə-nê miz-rāḥ lag-gil-‘āḏ.
On voit qu'ici pour le même mot, haḡ-ri-’îm, à quelques versets d'écart, la Septante traduit soit par résident étranger, soit par Hagarène.
C'est donc bien que dans l'esprit des traducteurs qui ont produit la Septante, les deux sont similaires.
Les Hagarènes étaient donc des étrangers qui venaient vers Israël, et donc possiblement aussi vers le judaïsme.
Des convertis, donc.
En ce sens, le mot παροίκους est donc très proche d'un autre mot grec : προσήλυτος (prosélutos). Le προσήλυτος est initialement un étranger qui vient vers, sous-entendu le judaïsme.
On trouve ce terme de προσήλυτος dans la Septante, par exemple dans cette traduction grecque du verset de l'Exode 22.21 :
καὶ προσήλυτον οὐ κακώσετε, οὐδὲ μὴ θλίψητε αὐτόν· ἦτε γὰρ προσήλυτοι ἐν γῇ Αἰγύπτῳ.
kaí prosílyton ou kakósete, oudé mí thlípsite aftón: íte gár prosílytoi en gí Aigýpto.
Vous ne maltraiterez point l'étranger et vous ne l'opprimerez point car vous étiez étrangers dans la terre d’Égypte.
Or ce verset traduit l'hébreu :
וְגֵ֥ר לֹא־תֹונֶ֖ה וְלֹ֣א תִלְחָצֶ֑נּוּ כִּֽי־גֵרִ֥ים הֱיִיתֶ֖ם בְּאֶ֥רֶץ מִצְרָֽיִם׃
to·v·neh ve·ger til·cha·tzen·nu; ge·rim be·'e·retz mitz·ra·yim.
On remarque que le terme προσήλυτοι traduit l'hébreu ge·rim, très proche du mot précédent haḡ-ri-’îm !
Le ger en hébreu est le converti au judaïsme. Ce mot a sa contrepartie en araméen où gwr signifie se convertir au judaïsme.
Abraham représente le ger parfait : il a émigré et est devenu le premier prosélyte.
Revenons aux Hagarènes du 7e siècle.
On a donc l'explication du verbe hajara dans le Coran : il signifie à la fois émigrer et se convertir, être prosélyte, sous-entendu à la nouvelle prédication initiée par le messager du Coran.
29.26 Lot crut en lui. Il dit: "Inni muhājirun vers mon Seigneur, car c´est Lui le Tout Puissant, le Sage".
La traduction saoudienne "j'émigre vers mon Seigneur" n'a pas beaucoup de sens. Mais "je suis converti à mon Seigneur" en a davantage.
Toutefois cette conversion est indissociable d'un cheminement sur le sentier d'Allah, qui permet de quitter l'état d'idolâtrie dans laquelle on se trouve.
Les Hagarènes du 7e siècle étaient donc des convertis et des prosélytes de la nouvelle prédication, et non pas nécessairement des émigrés au sens topologique du mot "émigré".
Ces Hagarènes semblent ainsi surgir de nulle part et pourtant semblent aussi pouvoir être identifiés avec les précurseurs de l'Islam.
Ces Hagarènes sont traditionnellement reliés à Hagar, servante et femme d'Abraham, mère d'Ismaël, tous deux ensuite chassés par Sara, la première épouse d'Abraham.
La religion musulmane a fait des Arabes, et des musulmans, les descendants d'Hagar et d'Ismaël.
Au-delà du mythe, quelle explication historique possible pour cette dénomination ?
Le mot "Hagarène" vient du grec agarenoi.
Or la Septante, traduction grecque de la Bible réalisée avant notre ère, mentionne déjà les Agarenoi par exemple dans ce verset des Chroniques I 5.19 :
καὶ ἐποίουν πόλεμον μετὰ τῶν ᾿Αγαρηνῶν καὶ ᾿Ιτουραίων καὶ Ναφισαίων καὶ Ναδαβαίων
kaí epoíoun pólemon metá tón ᾿Agarinón kaí ᾿Itouraíon kaí Nafisaíon kaí Nadavaíon
Et ils firent la guerre aux Agarènes, aux Ituréens, aux Naphiséens, et aux Nadabéens.
Or il se trouve que ce passage en grec traduit le texte hébreu suivant :
וַיַּעֲשׂ֥וּ מִלְחָמָ֖ה עִם־הַֽהַגְרִיאִ֑ים וִיט֥וּר וְנָפִ֖ישׁ וְנֹודָֽב׃
vai·ya·'a·su mil·cha·mah im- ha·hag·ri·'im vi·tur ve·na·fish ve·no·v·dav.
On remarque donc que le mot agarenoi traduit l'hébreu hag·ri·'im, qui en arabe, se dirait muhajirun.
Mais ce n'est pas tout. Un peu plus haut dans les Chroniques I, on a le verset 5.10 de la Septante :
καὶ ἐν ἡμέραις Σαοὺλ ἐποίησαν πόλεμον πρὸς τοὺς παροίκους, καὶ ἔπεσον ἐν χερσὶν αὐτῶν κατοικοῦντες ἐν σκηναῖς αὐτῶν πάντες κατ᾿ ἀνατολὰς τῆς Γαλαάδ.
kaí en imérais Saoúl epoíisan pólemon prós toús paroíkous, kaí épeson en chersín aftón katoikoúntes en skinaís aftón pántes kat᾿ anatolás tís Galaád.
La traduction française du 19e siècle donne :
Et sous le règne de Saül, ils furent en guerre avec leur voisins (παροίκους), et ceux qui habitaient sous des tentes tombèrent entre leurs mains, et ils maîtrisèrent toute la contrée à l'orient de Galaad.
Quant à la traduction anglaise, elle propose résident étranger (sojourner) à la place de voisin pour le mot παροίκους.
Cette traduction est certainement plus proche du sens du mot παροίκους que la traduction française.
Or ce verset en grec traduit le texte hébreu :
וּבִימֵ֣י שָׁא֗וּל עָשׂ֤וּ מִלְחָמָה֙ עִם־הַֽהַגְרִאִ֔ים וַֽיִּפְּל֖וּ בְּיָדָ֑ם וַיֵּשְׁבוּ֙ בְּאָ֣הֳלֵיהֶ֔ם עַֽל־כָּל־פְּנֵ֖י מִזְרָ֥ח לַגִּלְעָֽד׃ פ
ū-ḇî-mê šā-’ūl, ‘ā-śū mil-ḥā-māh ‘im- ha-haḡ-ri-’îm, way-yip-pə-lū bə-yā-ḏām; way-yê-šə-ḇū bə-’ā-ho-lê-hem, ‘al- kāl- pə-nê miz-rāḥ lag-gil-‘āḏ.
On voit qu'ici pour le même mot, haḡ-ri-’îm, à quelques versets d'écart, la Septante traduit soit par résident étranger, soit par Hagarène.
C'est donc bien que dans l'esprit des traducteurs qui ont produit la Septante, les deux sont similaires.
Les Hagarènes étaient donc des étrangers qui venaient vers Israël, et donc possiblement aussi vers le judaïsme.
Des convertis, donc.
En ce sens, le mot παροίκους est donc très proche d'un autre mot grec : προσήλυτος (prosélutos). Le προσήλυτος est initialement un étranger qui vient vers, sous-entendu le judaïsme.
On trouve ce terme de προσήλυτος dans la Septante, par exemple dans cette traduction grecque du verset de l'Exode 22.21 :
καὶ προσήλυτον οὐ κακώσετε, οὐδὲ μὴ θλίψητε αὐτόν· ἦτε γὰρ προσήλυτοι ἐν γῇ Αἰγύπτῳ.
kaí prosílyton ou kakósete, oudé mí thlípsite aftón: íte gár prosílytoi en gí Aigýpto.
Vous ne maltraiterez point l'étranger et vous ne l'opprimerez point car vous étiez étrangers dans la terre d’Égypte.
Or ce verset traduit l'hébreu :
וְגֵ֥ר לֹא־תֹונֶ֖ה וְלֹ֣א תִלְחָצֶ֑נּוּ כִּֽי־גֵרִ֥ים הֱיִיתֶ֖ם בְּאֶ֥רֶץ מִצְרָֽיִם׃
to·v·neh ve·ger til·cha·tzen·nu; ge·rim be·'e·retz mitz·ra·yim.
On remarque que le terme προσήλυτοι traduit l'hébreu ge·rim, très proche du mot précédent haḡ-ri-’îm !
Le ger en hébreu est le converti au judaïsme. Ce mot a sa contrepartie en araméen où gwr signifie se convertir au judaïsme.
Abraham représente le ger parfait : il a émigré et est devenu le premier prosélyte.
Revenons aux Hagarènes du 7e siècle.
On a donc l'explication du verbe hajara dans le Coran : il signifie à la fois émigrer et se convertir, être prosélyte, sous-entendu à la nouvelle prédication initiée par le messager du Coran.
29.26 Lot crut en lui. Il dit: "Inni muhājirun vers mon Seigneur, car c´est Lui le Tout Puissant, le Sage".
La traduction saoudienne "j'émigre vers mon Seigneur" n'a pas beaucoup de sens. Mais "je suis converti à mon Seigneur" en a davantage.
Toutefois cette conversion est indissociable d'un cheminement sur le sentier d'Allah, qui permet de quitter l'état d'idolâtrie dans laquelle on se trouve.
Les Hagarènes du 7e siècle étaient donc des convertis et des prosélytes de la nouvelle prédication, et non pas nécessairement des émigrés au sens topologique du mot "émigré".
Anoushirvan- Messages : 483
Réputation : 3
Date d'inscription : 05/05/2016
Re: Les Hagarènes
Long message, exposant votre point de vue. A examiner point par point ! Notamment en listant ici les citations textuelles de nos sources, puis en questionnant vos équivalences...
_________________
...S'il me manque l'amour, je suis un métal qui résonne, une cymbale retentissante (1 Cor XIII, 1)
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Re: Les Hagarènes
Voici les sources utilisées :
Pour la Septante : http://www.ellopos.net/elpenor/greek-texts/septuagint/chapter.asp?book=13&page=5
La traduction en français de la Septante : https://ia800502.us.archive.org/4/items/LaBibleDesSeptanteEnFrancaisVol1/Giguet_vol_1.pdf
Pour la Bible classique : http://biblehub.com/interlinear/1_chronicles/5-10.htm
L'outil Biblehub permet un grand nombre de croisements de références.
Pour la Septante : http://www.ellopos.net/elpenor/greek-texts/septuagint/chapter.asp?book=13&page=5
La traduction en français de la Septante : https://ia800502.us.archive.org/4/items/LaBibleDesSeptanteEnFrancaisVol1/Giguet_vol_1.pdf
Pour la Bible classique : http://biblehub.com/interlinear/1_chronicles/5-10.htm
L'outil Biblehub permet un grand nombre de croisements de références.
Anoushirvan- Messages : 483
Réputation : 3
Date d'inscription : 05/05/2016
Re: Les Hagarènes
Je parlais des sources du VIIe siècleAnoushirvan a écrit:Voici les sources utilisées
...certes, nous les manipulons souvent, mais là, un tel sujet nécessite de citer les passages précis, dans la langue d'origine (en pensant à translittérer pour ceux qui, comme moi, ne lisent pas le syriaque ou l'arménien). Le tout en une liste exhaustive.
Voici déjà une liste des sources qui me viennent à l'esprit : les sermons de St Sophrone, la chronique de Thomas le presbytre, l'histoire d'Héraclius, l'anonyme de Guidi, le débat de Jean des Sédrés...
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Re: Les Hagarènes
Anoushirvan, vous vous approchez.
da_niel- Membre banni
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Réputation : 0
Date d'inscription : 03/12/2016
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