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La rhétorique sémitique

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Message  Roque Lun 21 Avr - 19:57

Voici un nouvel exemple que je viens de trouver. Le texte est Lc 14, 26-35  :

1. " Si quelqu'un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut être mon disciple " ;
2. " Celui qui ne porte pas sa croix et ne marche pas à ma suite ne peut pas être mon disciple " ;
3. " Lequel d'entre vous, quand il veut bâtir une tour, ne commence par s'asseoir pour calculer la dépense et juger s'il a de quoi aller jusqu'au bout ? Autrement, s'il pose les fondations sans pouvoir terminer, tous ceux qui le verront se mettront à se moquer de lui " et diront: " Voilà un homme qui a commencé à bâtir et qui n'a pas pu terminer ! " ;
4. " Quel roi, quand il part faire la guerre à un autre roi, ne commence par s'asseoir pour considérer s'il est capable, avec dix mille hommes, d'affronter celui qui marche contre lui avec vingt mille ? Sinon, pendant que l'autre est encore loin, il envoie une ambassade et demande à faire la paix. "
5. " De la même façon, quiconque parmi vous ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut être mon disciple. Oui, c'est une bonne chose que le sel. Mais si le sel lui-même perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on ? Il n'est bon ni pour la terre, ni pour le fumier; on le jette dehors. Celui qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende. "

Le premier point de vue est celui de l'approche historico-critique. Dans ce cas, il s'agit typiquement d'une collection le logia (paroles) sans lien entre elles à l'origine et sans " contexte " particulier. L'évangéliste les autres rassemblés ici par proximité des thèmes, mais ces 10 versets sont sans lien évident entre eux. La signification finale est pauvre sinon banale.

Le second point de vue est qu'il s'agit d'un collier de cinq perles de tradition orale qui constituent donc un enseignement cohérent. Pierre Perrier propose comme contexte une invitation à un " Banquet de la Parole " (ou qoubala en araméen) comme il s'en pratiquait au début du christianisme. C'est une grande fête uniquement avec des lectures des textes de la Bible, y compris de récitation par cœur des évangiles :

Pierre Perrier a écrit:Recevant l'invitation au banquet de la Parole, le disciple s'examinera sur 5 doigts.

Ainsi il ne suffit pas d'aller au banquet de la Parole, la première réunion communautaire, mais il faut se décider à quitter la maison familiale pour la maison Eglise, si on veut y être un disciple, puis un responsable de tradition. Il faut prendre la décision de monter (croix = échelle) vers Dieu, d'assimiler un nombre de paroles suffisantes et bien agencées (rôle du " par cœur "). Sinon on ne résistera pas à l'Ennemi, ou bien on s'affadira sans plus monter.

Trois mots peuvent être mal compris derrière ces cinq recommandations :
- " enterrer son père ", c'est le laisser sans l'accompagner jusqu'à sa mort, mais cela a du sens si on va chercher mieux, l'or du trésor de la vie éternelle qu'on partagera avec lui avant sa mort ;
- " prendre sa croix " en s'élevant, c'est prendre une échelle qu'il faut gravir pour s'approcher de Dieu en s'élevant comme Jésus a été élevé (" tsliwa ") ;
- " construire sa tour " (" magdala "), c'est assembler ses connaissances pour se faire une mémoire des enseignements et traditions du Maître qui soit solide et inattaquable.
C'est un enseignement nettement plus tonique et très pertinent par l'introspection exigeante qu'il suggère du disciple. On pourrait en prendre de la graine aujourd'hui !

Roque

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Message  Idriss Lun 21 Avr - 21:10

Roque a écrit:Voici un nouvel exemple que je viens de trouver. Le texte est Lc 14, 26-35  :

[

Vous avez fait vous-même cette déduction , ou vous avez trouvé cet exemple dans un ouvrage?

Spoiler:
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Message  Roque Lun 21 Avr - 23:36

Idriss a écrit:
Roque a écrit:Voici un nouvel exemple que je viens de trouver. Le texte est Lc 14, 26-35

Vous avez fait vous-même cette déduction , ou vous avez trouvé cet exemple dans un ouvrage?
Je l'ai trouvé dans un ouvrage de Pierre Perrier. Pour ma part je suis juste capable de comprendre que prendre ces versets comme un assemblage de hasard (approche historico-critique habituelle, c'est à dire rationaliste) ou comme un ensemble cohérent peut faire une grosse différence au niveau du sens.  :) 
Ensuite la mise en situation de ces versets est " un plus ", enfin le commentaire est de Pierre Perrier. Pour un chrétien sa compréhension du texte - à partir de l'araméen - est souvent géniale et en tout cas neuve par rapport aux commentaires habituels.

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Message  DenisLouis Mar 22 Avr - 10:31

L'approche selon la rhétorique sémitique étudie la cohérence du texte en lui-même, chaque sourate forme une composition, alors que la méthode habituelle étudie les versets d'une manière plus dispersée en fonction des circonstances extérieures qui ont justifié la descente de tel ou tel verset. Quelques commentateurs traditionnels se sont intéressés à la rhétorique, mais assez peu, alors que l'accent est pourtant mis continuellement sur la perfection du texte.
Une des conséquences sur le plan légal et théologique, c'est de justifier une autre hiérarchie par rapport à certains versets considérés comme abrogés ou abrogeants. Alors que le point de vue commun est de privilégier le dernier verset révélé au point de vue de l'application de la loi ou du sens théologique, cette approche donne la primauté au verset qui se trouve au centre organisationnel de la sourate, les autres versets n'ayant plus qu'une valeur circonstancielle et conditionnelle, même s'ils ont été révélés postérieurement :


Spoiler:

Les lectures nouvelles du Coran et leurs implications théologiques
À propos de quelques livres récents :

http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=RETM_253_0029

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Message  Idriss Mar 22 Avr - 18:57

Salam Denis Louis
Merci pour ce texte pertinent

DenisLouis a écrit:
Une des conséquences sur le plan légal et théologique, c'est de justifier une autre hiérarchie par rapport à certains versets considérés comme abrogés ou abrogeants.

A propos d'abrogation l'analyse rhétorique de la sourate de la vache et du fameux verset sur lequel s'appuie habituellement les juristes pour justifier la théorie de l'abrogation:

M.Cuypers a écrit:
D. – En quoi votre lecture diffère-t-elle des autres lectures?

R. – Essentiellement, dans le fait que l’analyse rhétorique du texte permet une lecture contextuelle. Le morcellement du texte a sans doute été la principale raison pour laquelle tous les commentaires classiques commentent le texte verset par verset, de manière "atomiste", en dehors de toute considération du contexte littéraire immédiat de ces versets. C’est aussi la raison pour laquelle ils expliquent les versets par des éléments externes au texte, ce qu'ils appellent techniquement les "occasions de la révélation": en recourant à des anecdotes ou des faits de la vie du Prophète, puisés dans les traditions (hadîths) attribués au Prophète ou à ses compagnons, ils donnent la raison historique pour laquelle tel ou tel verset a été révélé, lui donnant ainsi un certain sens.

Or, quand un verset est resitué dans son contexte, délimité par la structure textuelle dont il fait partie, son véritable sens apparaît souvent sans qu'on ait besoin de recourir à ces "occasions de la révélation", dont on peut penser que, le plus souvent, elles ont été forgées post eventum, pour expliquer les obscurités du texte.

Je donne un exemple. Le verset 2,106 fait dire à Dieu: "Dès que Nous abrogeons un verset ou dès que nous le faisons oublier, nous le remplaçons par un autre, meilleur ou semblable". Ce verset est présenté par les juristes, les fuqahâ', comme le fondement coranique de leur théorie de l’abrogation, selon laquelle certains versets du Coran en abrogent d’autres. Cette théorie a permis de résoudre d’apparentes contradictions entres les versets, surtout les versets normatifs. On a donc considéré que les versets les plus récents abrogeaient les plus anciens, et pour déterminer quels étaient les versets les plus récents, on a admis a priori que les versets les plus durs et les plus restrictifs devaient être les plus récents et qu'ils abrogeaient les versets plus doux ou plus tolérants, qui les précédaient.

Or, pour en revenir au verset 2, 106, si on le resitue dans son contexte, on voit qu'il ne veut absolument pas dire cela: c’est une réponse à des juifs qui protestaient contre Muhammad parce qu’il avait proclamé, dans sa récitation du Coran, des versets de la Torah, tout en les modifiant. A cette accusation de "falsification", Dieu répond qu'il est libre d'abroger une révélation antérieure par une nouvelle, meilleure. Il s’agit donc d’une abrogation de la Torah par le Coran et non du Coran par lui-même.

Spoiler:
http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/145581?fr=y
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Message  Idriss Mar 22 Avr - 19:12

Petite question à Denis Louis en particulier et aux autre aussi bien sur.( Mais Denis Louis me semblant le plus pointu sur ce sujet, son avis m’intéresse particuliérement ...)

Cette rhétorique sémitique semble être un outils utile pour restituer le sens "originel" du Coran.
Il semble être un outil efficace pour éventuellement participer à une réforme de l'Islam...
Outils mis au point au départ par des chrétiens de culture protestante donc réformé, donc en rupture avec la Tradition (  "Tradition" au sens "guénonien" du terme)
C'est un peu le dilemme non?
D'un coté il pourrait aidé à sortir de l'impasse d'un islam normatif étroit ( seul les musulmans vont au paradis, les versets les plus répressif prennent le dessus sur les plus ouverts...) et permettre une approche plus universaliste, ouverte  des relations inter-religieuse en particulier, plus "pérénnialiste..."
D'un autre coté, un Ibn 'Arabi , divinement guidé si ce n'est inspiré ,n' a pas remis en question la théorie de l'abrogation par exemple. Une lecture du Coran à l'aide de la rhétorique sémitique ne nous conduit-elle pas hors de la "Tadition", ne fait-elle pas courir un risque de rupture  type "réforme protestante"?
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Message  -Ren- Mar 22 Avr - 22:51

Idriss a écrit:Outils mis au point au départ par des chrétiens de culture protestante
Les travaux auxquels se réfère Roque sont catholiques orientaux... Donc je pense que ne focaliser que sur le protestantisme serait une erreur ;)

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Message  DenisLouis Mer 23 Avr - 7:47

Dans les travaux que j'ai mis en lien, il est question d'Ibn Arabi et d'autres, qui ne partagent pas par exemple l'avis majoritaire sur la crucifixion.
Le propre d'Ibn Arabi, c'est de lire à la fois la lettre du texte et d'être divinement inspiré, et c'est à partir de la lettre même du texte, de l'analyse des mots et des lettres (la science des lettres et des nombres est une science christique) qu'il donne des interprétations ne sont pas celles habituellement admises.
C'est un peu comme si la lecture dite habituellement littérale n'était en fait qu'une interprétation selon le sens le plus apparent et le plus grossier, mais qu'un examen plus attentif des constituants du discours faisait apparaitre des sens négligés.

Il lui arrive aussi de rejeter des hadiths, d'en admettre d'autres considérés comme faibles, sur la base de son inspiration et de sa vision directe.
On ne peut pas trop comparer avec le protestantisme, il n'y a pas de papauté qui aurait commis des abus. Ibn Arabi reconnait la tradition et la légitimité des écoles juridiques (il discute les avis différents lorsqu'il y a plusieurs interprétation des rites par exemple, en expliquant les différences par leurs sens intérieurs, puis il donne son propre avis). Surtout il se place dans le cadre du tassawuf et ne remet pas en cause la légitimité des grands maitres.

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Message  Roque Mer 23 Avr - 11:46

Idriss a écrit:Cette rhétorique sémitique semble être un outils utile pour restituer le sens "originel" du Coran.
Il semble être un outil efficace pour éventuellement participer à une réforme de l'Islam...
Outils mis au point au départ par des chrétiens de culture protestante donc réformé, donc en rupture avec la Tradition (  "Tradition" au sens "guénonien" du terme)
Quel est donc ce sens guénonien de la tradition ? Pour ce qui est de l'Eglise catholique, non seulement la tradition n'est pas figés, mais peut évoluer en tous domaines y compris au niveau dogmatique. Plusieurs virages théologiques importants ont été pris à Vatican II en retournant aux sources. Quelques exemples : retour à une Eglise Peuple de Dieu contre une vision hiérarchique de l'Eglise (en réaction à la Réforme, puis au Siècle des Lumières), mise au même niveau dans ce Peuple de Dieu du sacerdoce : " sacerdoce commun des fidèles " et du sacerdoce ministériel (ce qui ne veut pas dire cependant qu'ils sont identiques), retour (pas très réussi à mon avis) à une célébration de la Parole de Dieu, communion dans la main et célébration face aux fidèles qui sont, contrairement à ce qu'on pourrait croire, des traditions antérieures à la fossilisation des rites qui a suivi ou le rappel que chaque religion contient des parcelles de vérité : les semina verbi au sens de Justin de Naplouse (second siècle) avant que les querelles, elles aussi ne se fossilisent, etc ...
Idriss a écrit:D'un coté il pourrait aidé à sortir de l'impasse d'un islam normatif étroit ( seul les musulmans vont au paradis, les versets les plus répressif prennent le dessus sur les plus ouverts...) et permettre une approche plus universaliste, ouverte  des relations inter-religieuse en particulier, plus "pérénnialiste..."
Idriss a écrit:D'un autre coté, un Ibn 'Arabi , divinement guidé si ce n'est inspiré ,n' a pas remis en question la théorie de l'abrogation par exemple. Une lecture du Coran à l'aide de la rhétorique sémitique ne nous conduit-elle pas hors de la "Tradition", ne fait-elle pas courir un risque de rupture  type "réforme protestante"?
La question est d'abord de savoir comment fonctionne l'analyse rhétorique sémitique, quels sont ses leviers intellectuels et ce quelle " produit ". Cela respecte-t-il le texte sacré ou non ? Dans la réforme protestante, il y a d'autres ingrédients : une rupture avec une autorité théologique centralisée : Rome (moralement disqualifiée) - doublée de considérations politiques à l'époque (la question de la relation avec le prince et le pays de chaque Eglise) et surtout le libre examen qui a beaucoup évolué avec le temps. Actuellement cela revient - pour certains - à une quasi-absence de ligne dogmatique ... Tout cela est-il transposable dans l'Islam du XXIème siècle ?
Idriss a écrit:"pérénnialiste..."
Ce qui veut dire quoi ?  :) 

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Message  Roque Mer 23 Avr - 11:58

DenisLouis a écrit:Le propre d'Ibn Arabi, c'est de lire à la fois la lettre du texte et d'être divinement inspiré [...] sur la base de son inspiration et de sa vision directe.
Cela s'expérimente comment d'après toi ce que tu nommes ici inspiration divine ?
Pour ma part, priant chaque jour l'Esprit Saint et croyant en avoir perçu de temps en temps la manifestation ... je ne vois pas trop à quoi tu fais allusion. J'ai l'impression que c'est souvent une formule creuse, sauf peut-être à une sorte d'inspiration littéraire qui selon moi n'est alors qu'une improvisation (hasardeuse). En tout cas ça ne se passe pas comme sur le fil de l'Evangile de Nathanaël ... en cours depuis hier  :) 
DenisLouis a écrit:C'est un peu comme si la lecture dite habituellement littérale n'était en fait qu'une interprétation selon le sens le plus apparent et le plus grossier, mais qu'un examen plus attentif des constituants du discours faisait apparaître des sens négligés.
C'est le propre du fondamentalisme, ça je comprends bien.
DenisLouis a écrit:Surtout il se place dans le cadre du tassawuf et ne remet pas en cause la légitimité des grands maitres.
Cette solidarité avec les penseurs antérieurs sans en être prisonnier se rapproche de la notion de la tradition chez les catholiques. Ce qu'ils rejettent complètement, c'est la politique de la table rase.

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Message  Roque Mer 23 Avr - 18:21

Je cherche à situer un peu les termes sur un plan théorique ....

L’analyse rhétorique – au sens général - ne fait qu’une seule chose : elle décrit un discours ou un texte sous l’angle du choix du sujet (ou inventio, en latin) et de son organisation, c’est-à-dire de sa stratégie argumentaire (ou dispositio, en latin).
 :arrow:  http://www.etudes-litteraires.com/lexique-rhetorique.php#2

Spoiler:

Mais, en soi, l’analyse rhétorique – à ce premier sens général – est une méthode qui a une limite :
Ces analyses rhétoriques sont fondamentalement synchroniques ; elles ne peuvent pas constituer une méthode qui se suffirait à elle-même.
Je comprends donc que la rhétorique ne permet de comprendre la langue ou le discours qu'à un instant « t », mais ne permet pas de situer la langue ou le discours dans leurs évolutions : étymologie, évolutions phonétiques, sémantiques, lexicales, syntaxiques, linguistique comparée, etc ...
 :arrow:  http://fr.wikipedia.org/wiki/Synchronie_et_diachronie

Le « plus » de l’analyse rhétorique sémitique, c’est qu’elle interprète la structure globale du discours et pointe ainsi la partie de texte (de sens) privilégiée par l’auteur, laquelle peut se trouver ailleurs que dans la finale du discours – à la différence de la conclusion de la rhétorique dite « occidentale » - et finalement de la rhétorique grecque.
« Pour Roland Meynet, il y a une différence fondamentale entre la rhétorique grecque et son équivalent sémitique : « Le Grec veut convaincre en imposant un raisonnement imparable ; le Juif au contraire indique le chemin que le lecteur doit emprunter s'il désire comprendre. « Com-prendre » : prendre ensemble. »
 :arrow:  http://fr.wikipedia.org/wiki/Rh%C3%A9torique_s%C3%A9mitique

(Au passage, je note que laisser ouverte l'interprétation pour parvenir à un " com-prendre " ensemble est souvent pris pour un signe de faiblesse de l'argumentation pour notre " esprit occidental ".)

Est-ce que cela vous parait juste ou non ? La dernière affirmation de Meynet s’applique-t-elle également au Coran ?

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Message  Idriss Mer 23 Avr - 19:19

Roque a écrit:Quel est donc ce sens guénonien de la tradition ?

Voir par là ^^ 

https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t2286-sd-rene-guenon#48617

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Message  Idriss Mer 23 Avr - 19:24

Roque a écrit:
Idriss a écrit:"pérénnialiste..."
Ce qui veut dire quoi ?  :) 

Voir ici: http://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9rennialisme

Et là aussi ( message 2)

https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t2115-frithjof-schuon
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Message  Idriss Mer 23 Avr - 20:25

-Ren- a écrit:
Idriss a écrit:Outils mis au point au départ par des chrétiens de culture protestante
Les travaux auxquels se réfère Roque sont catholiques orientaux... Donc je pense que ne focaliser que sur le protestantisme serait une erreur ;)

Wikipedia a écrit:Durant le XIXe siècle, ces études sont essentiellement le fait des milieux protestants, notamment anglican et méthodiste.

Je ne dit pas que c'est une exclusivité protestante, mais à l'origine et dans l'esprit c'est très protestant, et c'est pas traditionnel ( au sens Guénonien :mm: )

Bon j'ai un peu botté en touche avec la tradition au sens guénonien dans ma réponse à Roque , aussi je vais me mouillé un peu quitte à faire grincer des dents .
La tradition au sens guénonien  il y a quelque-chose de supra-humain:
Ainsi dans le catholicisme même et malgré  tous les dérapages et outrances de la papauté à un moment , il y a continuité et transmission d'élément supra-humain comme les sacrements...A ma connaissance il n' y a pas de sacrements dans le protestantisme par exemple, il y a même leur rejet .
Dans une société traditionnelle il y a transmission , initiation , voir chez les soufis des chaines qui remontent de personnes en personnes jusqu'à 'Ali ou au Prophète ...Comme si on transvasait quelque-chose...


Lorsqu'un religieux catholique deviens évêque il réalise des rituels ( je crois me souvenir qu'à un moment il se couche de tous son long face conte terre par exemple..)..Ces rituels ont ( auraient une origine et une portée supra-humaine) qui relève d'un caractère initiatique. Ainsi on ne pourrait à cause de cela   retirer la "qualité" d’évêque à une personne qui a eu cette initiation, même si on peut lui retirer la fonction .

Bref pour revenir au sujet si on peu être tenté de réformée l'islam à cause des dérapages et des outrances des oulémas, il y a un risque comme avec les protestants d'une rupture de la continuité traditionnelle... Risque de jeter le bébé avec l'eau du bain si je puis dire..

D'où le dilemme que j’imaginais pour des personne attachées à la tradition comme Denis-louis par exemple.
Personnellement n'étant pas très orthodoxe dans mon guénonisme, je pense que l'on en est arrivé à un tel point de dissolution, de décomposition de ce qui peut rester d'authentiquement traditionnel  que l'on a rien à perdre  à s'essayer à la rhétorique sémitique.

Et qui sait peut-être permet-elles de mettre en évidence des élément supra-humains  du Coran ...
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Message  DenisLouis Jeu 24 Avr - 8:58

Roque a écrit:
DenisLouis a écrit:Le propre d'Ibn Arabi, c'est de lire à la fois la lettre du texte et d'être divinement inspiré [...] sur la base de son inspiration et de sa vision directe.
Cela s'expérimente comment d'après toi ce que tu nommes ici inspiration divine ?
Pour ma part, priant chaque jour l'Esprit Saint et croyant en avoir perçu de temps en temps la manifestation ... je ne vois pas trop à quoi tu fais allusion. J'ai l'impression que c'est souvent une formule creuse, sauf peut-être à une sorte d'inspiration littéraire qui selon moi n'est alors qu'une improvisation (hasardeuse). En tout cas ça ne se passe pas comme sur le fil de l'Evangile de Nathanaël ... en cours depuis hier  :) 
DenisLouis a écrit:C'est un peu comme si la lecture dite habituellement littérale n'était en fait qu'une interprétation selon le sens le plus apparent et le plus grossier, mais qu'un examen plus attentif des constituants du discours faisait apparaître des sens négligés.
C'est le propre du fondamentalisme, ça je comprends bien.
DenisLouis a écrit:Surtout il se place dans le cadre du tassawuf et ne remet pas en cause la légitimité des grands maitres.
Cette solidarité avec les penseurs antérieurs sans en être prisonnier se rapproche de la notion de la tradition chez les catholiques. Ce qu'ils rejettent complètement, c'est la politique de la table rase.
Inspiration divine : par exemple dans le cas des "Fussus al hikam", il voit le Prophète en rêve et le Prophète lui dit d'écrire le livre. Les Futuhat : il voit autour de la Kaaba un personnage mystérieux qui lui dit posséder  dans sa constitution même  le contenu du livre. Il a rencontré tous les prophètes qui sont mentionnés dans le Coran, mais il dit que le premier maitre rencontré était le Christ, enfin Aissa en islam. Voir ce que Guénon (qui reste mon auteur de référence) sur l'intuition intellectuelle. Ces visions se passent dans le monde imaginal, mais il y aussi des rencontres extérieures (comme avec El Khidr, personnage assimilé à Elie, qui joue un rôle important dans le tassawuf). C'est ce qui correspond dans l'ordre de l'intellect à la révélation religieuse, sauf que dans le cas de la révélation, la forme est plus dogmatique et sentimentale. Distinction de l'Intellect qui est une faculté supra individuelle et de la raison réfléchissante qui est une activité individuelle. Hier j'ai vu en lisant un livre de Harrendt qu'elle mentionne chez les grecs également la distinction entre la vision pure  et la traduction par la raison individuelle qui s'exprimait dans le discours humain.
Non pour la lecture selon la lettre, il s'agit d'une méthode qui repose sur la forme et la constitution du discours, en rapport avec les langues sacrées comme l'arabe et l'hébreu. Dans ces langues, il y a une union intime entre la forme et le fonds. Les lettres en elles-mêmes ont une sorte de valeur hiéroglyphique et synthétique. Les fondamentalistes n'étudient pas de la même manière la forme du discours, quand ils l'étudient, ce qui n'est pas le cas des fondamentalistes qui travaillent avec des traductions de traductions.
Le but des fondamentalistes me parait bien différent intellectuellement, il s'agit souvent d'une vision moralisante et appauvrie, alors que la science des lettres est toujours ouverte.
Il suffit de lire par exemple le Zohar à coté de n'importe quel écrit fondamentaliste, on voit qu'il ne s'agit pas de la même chose.
Pas de table rase, Guénon était anti protestant à cause de ce rejet de la tradition.

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Message  Roque Jeu 24 Avr - 12:53

Idriss a écrit:La tradition au sens guénonien  il y a quelque-chose de supra-humain:
Je crois bien comprendre ce que tu veux dire. Cette quête est paradoxale, elle est illusoire et nécessaire.

D'une part, cette quête est le plus souvent illusoire. C'est la recherche de quelque chose de réellement divin dans notre monde ; elle est très prégnante dans presque tout l'univers " croyant " - ou mieux l'univers " implorant " le secours, la protection ou l'appui d'un monde plus puissant, plus réel. Elle est monnayée sous bien des formes diverses : la Parole de Dieu (dans sa littéralité, véritable idole pour certains), le saint Graal, la tradition initiatique, les " pouvoirs " par exemple de guérison, le talisman, le totem, la magie et le sorcellerie, etc ...

D'autre part, cette quête est juste et bonne. Elle est même " vitale ". En effet, intuitivement c'est à dire quelque soit son dogme, tout homme croyant sait, comprend que l'interaction entre Dieu et notre vie produit des effets sans égal, il sait et comprend qu'il n'a aucun intérêt à confondre la réalité divine avec ses imitations, il sait et comprend qu'au fond, l'homme ne pourra jamais vraiment réaliser son union à Dieu : soit Dieu, Lui-même réalise cette union, Il la donne, soit on est dans l'illusion. Tout homme croyant sait et comprend qu'il a tout intérêt à se greffer à cette vraie source qui le créer et soutient sa vie. Et il cherche cette source. C'est bien le dilemme de la première tentation : " Mais il [Jésus] répliqua : " Il est écrit : Ce n'est pas seulement de pain que l'homme vivra, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu. " (Mt 4, 4)

La ligne de partage - puisqu'il y a tentation - est de savoir si on veut mettre la main sur Dieu ou si on se soumet sans condition (Islam) à Dieu.

Dans le second cas il y a dans la Bible la présence de Dieu, mais qui n'est jamais ni matérielle, ni " saisissable ", ni figurée et qui n'a aucun contenu : c'est un espace ouvert qui ne fait l'objet d'aucun rite (on ne la " manipule " donc pas). Cette présence de Dieu a été donnée une fois au temps de Moïse, puis une seconde fois, puis a été perdue avec la destruction du temple. C'est la shékinah qui est l'espace au dessus du propitiatoire entre les ailes des kéroubim, un espace vide, donc, dans la demie-obscurité de la Tente de la Rencontre (pas expliqué clairement dans : https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t216p15-qu-est-ce-que-la-shekinah).

Dans le second cas, il y a aussi le Pain devenu Corps et le Vin devenu Sang qui réalisent en mangeant et buvant l'union au Christ, Fils de Dieu c'est à dire l'union avec Dieu. Et cette union à Dieu - dans le dogme catholique - appartient bien au second cas (bien qu'on puisse " manipuler " le pain et le vin), car aucun homme n'a le pouvoir de se donner cette union à Dieu, ce n'est pas le fruit d'une quête humaine, ci-dessus. Jésus donne la célébration de ce mystère au groupe des Douze, c'est à dire à l'Eglise - mais pas à un individu. De plus, les hommes ne se donnent pas à eux-mêmes la prêtrise, c'est à dire l'appartenance une certaine catégorie ou " ordre " ayant l'autorisation de célébrer le " mystère ", dans l'AT c'est Dieu qui décide des hommes dédiés à cette tâche : les lévites et dans le NT c'est Jésus qui institue les Douze et à la suite l'ordre est transmis par l'Eglise par l'imposition des mains. L'ordre a toujours une dimension collective, ecclésiale.

Ce qui pour nous - catholique - est " supra humain " (dans ta terminologie) ne fait pas partie de la tradition, mais fait partie de ce que le NT appelle les " mystères " : " Qu'on nous considère donc comme des serviteurs du Christ et des intendants des mystères de Dieu. " (1 Co 4, 1), " Il [Jésus] dit: " A vous il est donné de connaître les mystères du Royaume de Dieu; mais pour les autres, c'est en paraboles, pour qu'ils voient sans voir et qu'ils entendent sans comprendre. " (Lc 8, 10)

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Message  Roque Jeu 24 Avr - 13:09

DenisLouis a écrit:Ces visions se passent dans le monde imaginal, mais il y aussi des rencontres extérieures (comme avec El Khidr, personnage assimilé à Elie, qui joue un rôle important dans le tassawuf). C'est ce qui correspond dans l'ordre de l'intellect à la révélation religieuse, sauf que dans le cas de la révélation, la forme est plus dogmatique et sentimentale.
Je respecte cette conception des choses, mais elle me paraît bien intellectuelle, un peu dans l'extrême limite de l'intellect, aux confins de la raison raisonnante. Il y a ce genre de " voie " dans un passage de Saint Augustin et l'instant d'après il est déçu d'avoir " décroché ".

Pour moi, mon expérience est rare (trop  :) ) et totalement " inattendue ", dans de situations variées, en l'absence de toute opération de la raison " avant ", avec toujours une impression de surprise et un bref instant de flottement (dans le genre où suis-je, que se passe-t-il ?), curieusement cette perception est plutôt corporelle ou sensorielle ... la sensation de bien être aussi peut être forte ... mais certainement sans aucun contenu intellectuel ou dogmatique, c'est l'initiative d'un Interlocuteur qui me dit quelque chose de bref qui me laisse une part à comprendre, à méditer dans le futur. Et ce qui est dit " colle " bien avec les Ecritures (je le fais vérifier par un prêtre, au moins). J'essaie d'appliquer fidèlement ce que je crois avoir compris. Je ne cherche pas la rencontre avec Dieu avec la tête, mais en priant régulièrement.

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Message  Roque Jeu 24 Avr - 13:19

Un exemple d'analyse rhétorique sémitique en tradition orale.

Cet exemple tendrait à démontrer que les évangiles à leur stade initial de construction ont été psalmodiés à plusieurs voix - et non lus séparément. Voir : https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t1976p15-la-parole-de-jesus-christ-a-la-sauce-marguerat#48489

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Message  -Ren- Jeu 24 Avr - 15:37

...Pour ceux qui voudraient lire le résultat que propose ce schéma, voici :
MARCJEAN
Jean parut, baptisant dans le désert, et prêchant le baptême de repentance, pour la rémission des péchés. Tout le pays de Judée et tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui ; et, confessant leurs péchés, ils se faisaient baptiser par lui dans le fleuve du Jourdain. Jean avait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins. Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.Voici le témoignage de Jean, lorsque les Juifs envoyèrent de Jérusalem des sacrificateurs et des Lévites, pour lui demander : Toi, qui es-tu ? Il déclara, et ne le nia point, il déclara qu'il n'était pas le Christ. Et ils lui demandèrent : Quoi donc ? es-tu Élie ? Et il dit : Je ne le suis point. Es-tu le prophète ? Et il répondit : Non. Ils lui dirent alors : Qui es-tu ? afin que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dis-tu de toi-même ? Moi, dit-il, je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Aplanissez le chemin du Seigneur, comme a dit Ésaïe, le prophète.
Il prêchait, disant : Il vient après moi celui qui est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de délier, en me baissant, la courroie de ses souliers. Moi, je vous ai baptisés d'eau ; lui, il vous baptisera du Saint Esprit.Ceux qui avaient été envoyés étaient des pharisiens. Ils lui firent encore cette question : Pourquoi donc baptises-tu, si tu n'es pas le Christ, ni Élie, ni le prophète ? Jean leur répondit : Moi, je baptise d'eau, mais au milieu de vous il y a quelqu'un que vous ne connaissez pas, qui vient après moi ; je ne suis pas digne de délier la courroie de ses souliers. Ces choses se passèrent à Béthanie, au delà du Jourdain, où Jean baptisait.
En ce temps-là, Jésus vint de Nazareth en Galilée, et il fut baptisé par Jean dans le Jourdain. Au moment où il sortait de l'eau, il vit les cieux s'ouvrir, et l'Esprit descendre sur lui comme une colombe. Et une voix fit entendre des cieux ces paroles : Tu es mon Fils bien-aimé, en toi j'ai mis toute mon affection.Le lendemain, il vit Jésus venant à lui, et il dit : Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde. C'est celui dont j'ai dit : Après moi vient un homme qui m'a précédé, car il était avant moi. Je ne le connaissais pas, mais c'est afin qu'il fût manifesté à Israël que je suis venu baptiser d'eau. Jean rendit ce témoignage : J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe et s'arrêter sur lui. Je ne le connaissais pas, mais celui qui m'a envoyé baptiser d'eau, celui-là m'a dit : Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et s'arrêter, c'est celui qui baptise du Saint Esprit. Et j'ai vu, et j'ai rendu témoignage qu'il est le Fils de Dieu.
Aussitôt, l'Esprit poussa Jésus dans le désert, où il passa quarante jours, tenté par Satan. Il était avec les bêtes sauvages, et les anges le servaient.Le lendemain, Jean était encore là, avec deux de ses disciples ; et, ayant regardé Jésus qui passait, il dit : Voilà l'Agneau de Dieu. Les deux disciples l'entendirent prononcer ces paroles, et ils suivirent Jésus. Jésus se retourna, et voyant qu'ils le suivaient, il leur dit : Que cherchez-vous ? Ils lui répondirent : Rabbi (ce qui signifie Maître), où demeures-tu ? Venez, leur dit-il, et voyez. Ils allèrent, et ils virent où il demeurait ; et ils restèrent auprès de lui ce jour-là. C'était environ la dixième heure. André, frère de Simon Pierre, était l'un des deux qui avaient entendu les paroles de Jean, et qui avaient suivi Jésus. Ce fut lui qui rencontra le premier son frère Simon, et il lui dit : Nous avons trouvé le Messie (ce qui signifie Christ). Et il le conduisit vers Jésus. Jésus, l'ayant regardé, dit : Tu es Simon, fils de Jonas ; tu seras appelé Céphas (ce qui signifie Pierre).
Après que Jean eut été livré, Jésus alla dans la Galilée, prêchant l'Évangile de Dieu. Il disait : Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche. Repentez-vous, et croyez à la bonne nouvelle.Le lendemain, Jésus voulut se rendre en Galilée, et il rencontra Philippe. Il lui dit : Suis-moi. Philippe était de Bethsaïda, de la ville d'André et de Pierre. Philippe rencontra Nathanaël, et lui dit : Nous avons trouvé celui de qui Moïse a écrit dans la loi et dont les prophètes ont parlé, Jésus de Nazareth, fils de Joseph. Nathanaël lui dit : Peut-il venir de Nazareth quelque chose de bon ? Philippe lui répondit : Viens, et vois. Jésus, voyant venir à lui Nathanaël, dit de lui : Voici vraiment un Israélite, dans lequel il n'y a point de fraude. D'où me connais-tu ? lui dit Nathanaël. Jésus lui répondit : Avant que Philippe t'appelât, quand tu étais sous le figuier, je t'ai vu. Nathanaël répondit et lui dit : Rabbi, tu es le Fils de Dieu, tu es le roi d'Israël. Jésus lui répondit : Parce que je t'ai dit que je t'ai vu sous le figuier, tu crois ; tu verras de plus grandes choses que celles-ci. Et il lui dit : En vérité, en vérité, vous verrez désormais le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l'homme.
...L'Evangile selon Marc poursuit par "Comme il passait le long de la mer de Galilée, il vit Simon et André, frère de Simon, qui jetaient un filet dans la mer ; car ils étaient pêcheurs. Jésus leur dit : Suivez-moi, et je vous ferai pêcheurs d'hommes. Aussitôt, ils laissèrent leurs filets, et le suivirent. Étant allé un peu plus loin, il vit Jacques, fils de Zébédée, et Jean, son frère, qui, eux aussi, étaient dans une barque et réparaient les filets. Aussitôt, il les appela ; et, laissant leur père Zébédée dans la barque avec les ouvriers, ils le suivirent"

Jusqu'au point central, je peux voir la logique de l'agencement, mais ensuite, je trouve que ça ne correspond plus guère... Pierre Perrier n'aurait-il pas choisi de voir ce qu'il voulait voir ?

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Message  Roque Jeu 24 Avr - 16:23

Oui, j'ai vu ça aussi. Mais en araméen, ce n'est pas " le lendemain ", mais " un jour suivant " (je viens de vérifier sur la vidéo - de très mauvaise qualité de Pierre Perrier - dont le lien est sur le sujet sur Marguerat) et ce ne sont pas des jours qui se suivent - une semaine - contrairement à notre traduction, mais dans l'esprit de l'oralité, il s'agit d'un décompte de " perles ", il peut donc s'agir d'une " septaine " des témoignages.

Après cela, si ce sont des " jours suivants ", le fil des témoignages alternés fonctionne mieux. Cependant le passage de la " perle " de  Jésus au désert de Marc à la " perle " suivante de Jean sur l'Agneau de Dieu me gêne un peu effectivement parce qu'on saute à un sujet différent (le désert) avant de revenir au témoignage de Jean Baptiste. Cependant si on admet ces témoignages veulent signifier des contacts en Jésus et Jean Baptiste étalés dans la temps et non sur une semaine, cette présentation peut encore être cohérente. La question est de savoir si le texte n'établit pas sa cohérence sur d'autres éléments qui nous échappent en français : assonances, rappels des termes ou thèmes de l'autre témoin ... et là il faudrait accéder au minimum à la traduction du texte araméen en français.

Oui, on peut mettre une réserve sur la cohérence de ce témoignage alterné (qui n'est qu'une hypothèse bien entendu), mais en attente d'un complément d'information sur le texte araméen.

J'ai regardé à nouveau la vidéo (à 1h37-38) Pierre Perrier dit bien que " Jésus au désert ", que " Jean en prison " tout cela ne se passe pas en même temps (pas pendant un semaine en tout cas ...), mais il ne fait pas d'autre commentaire. Lui ne voit pas de difficulté, donc.

En fait il semble que cela ait été découvert par le Père Lagrange. Pierre Perrier le cite comme découvreur de cette particularité. Il faut aussi que je vois si Frédéric Guigain valide cette présentation de Pierre Perrier

PS : j'ai examiné deux autres séries de 5 " perles " parallèles présentées comme une récitation alternée par Pierre Perrier dans la même karozoutha source à deux voix (Mc 1, 1-14 //Jn 20, 1-28) mais il y a encore une difficulté de " fluidité " entre deux perles qui semblent fonctionner  de façon indépendante, non complémentaire. Je vais donc soit attendre la traduction de Jean sur le texte araméen le plus ancien, car actuellement les traductions n'existent que pour MT et Mc ; la traduction de Lc vient de paraître, soit je vais aller interroger Frédéric Guigain, lui-même.

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Message  Roque Ven 25 Avr - 22:36

Un exemple de parataxe, indicateur de tradition orale

La parataxe est un mode de construction par juxtaposition de phrases ou de mots dans lequel aucun mot de liaison n’explicite les rapports syntaxiques de subordination ou de coordination qu’entretiennent les phrases ou les mots. En grec, la parataxe est la preuve d'un très mauvais style, alors que l'usage de la parataxe est courante et ne présente aucun problème en rhétorique sémitique orale. L'accumulation de " et " - dans les textes ci-dessous - sert d'appui mnémotechnique à l'oralité parce que l'oralité repose essentiellement sur le décompte

Un exemple est trouvé dans le Codex Bezae (texte en grec et latin, du début du 2ème siècle car il est utilisé par Justin de Naplouse et Irénée de Lyon). Ce texte du Codex Bezae est comparé à la Peshitta araméenne:arrow:  http://eecho.fr/etude-orale-de-marc-7-32-35-la-guerison-du-sourd-muet/#.U1rH-pVOI5s ), ci-dessous :

La rhétorique sémitique - Page 2 Codex_10

Dans ces deux textes, la parataxe est constante : chaque des lignes du texte grec commence par " kai " (et) - de même pour les lignes en araméen qui commencent par " ו " (et), surlignés en vert sur l'image ci-dessus. En fait le scribe grec de ce Codex Bezae a fait 4 fautes sur les 10 lignes : un " kai " manquant et trois fautes surlignées en rouge sur l'image ci-dessus.

Finalement la traduction mot à mot du texte araméen est donnée ci-dessous :
La rhétorique sémitique - Page 2 Traduc10
Et la traduction mot à mot du texte grec actuel est :
" Et ils portent à lui un sourd et parlant avec peine, et ils supplient lui pour qu'il imposa à lui la main. Et ayant pris à part lui loin de la foule en particulier, il jeta les doigts de lui dans les oreilles de lui, et ayant craché il toucha la langue de lui et ayant levé les yeux vers le ciel, il soupira, et dit à lui dit Ephphata ce qui est sois ouvert, et [aussitôt] s'ouvrirent de lui les oreilles, et fut délié le lien de la langue de lui et il parlait correctement. "

NB : Le texte grec actuel a 9 " et ", soit un de moins que le texte araméen qui en a 10.

On constate deux marques d'oralité ne pouvant provenir que du texte de Marc dans la Peshitta araméenne :
- L'usage de la parataxe n'est pas aussi régulière, voire systématique en grec " correct " - alors que le texte du Codex Bezae a conservé toutes la parataxe de la tradition orale ; si le texte a été rédigé directement en grec, ce rédacteur est de tradition orale sémitique - non grecque ;
- La longueur de souffle (ou petgame en araméen) est adaptée dans le texte araméen (lignes courtes) de style oral, alors qu'en grec les lignes 3 à 5 sont trop longues, inadaptée à une récitation d'un seul souffle par ligne : c'est du style écrit. Pour la 3ème ligne : " Kai apolabomenos auton. apo tou oxlou kat’ idian " compte 9 +10 pieds = 19 pieds là où l’araméen n'en a que 11. On voit aussi sur l'image du dessus que la longueur des lignes du récit oral épouse bien les deux phases du récit (lignes obliques bleues) - ce qu'on ne retrouve pas du tout en grec.

Par ailleurs, l'expression grecque " un sourd parlant avec peine " n'est pas la traduction de " un sourd assuré muet " dans le texte de araméen. Même observation pour " à l'écart " en araméen et " en particulier " en grec. Même observation pour " il a levé les yeux " en araméen et " il a regardé " en grec. Sur ces trois points, les deux textes ne sont pas dépendants l'un de l'autre, sauf si toutes ces différences sont induites par les choix du traducteur, un traducteur ayant un vocabulaire pauvre en grec, par exemple.

Les marques d'oralité, ci-dessus, et l'expression dans le texte grec " Ephphata " expliquée dans le texte " ce qui est sois ouvert " indique l'origine araméenne du texte grec. Ces arguments vont dans le sens soit de deux textes indépendants provenant de sources différentes, mais voisines soit d'un texte araméen marqué par l'oralité traduit en grec - et non l'inverse.

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Message  DenisLouis Sam 26 Avr - 12:32

Certains auteurs musulmans se sont penchés sur la structure du texte. La révélation suit un ordre chronologique, mais le Prophète lui-même de son vivant organisait le texte selon un certain arrangement, les deux ordres coexistaient. L'auteur indien Hamîd al dîn Farâhi mort en 1930 a soutenu l'idée de la cohérence du texte tel qu'il existe dans les éditions.
Un de ses disciples le pakistanais Amin Ahsan Islahi a exposé ces idées :
-Chaque sourate a un  thème dominant, l'axe de la sourate. Tous les versets ont un rapport avec ce thème dominant.
-Les sourates vont par paires, les deux sourates complémentaires forment une unité (avec quelques exceptions).
-Il y a sept groupes de sourates, dont chacun comprend une ou plusieurs sourates mecquoises suivies de sourates médinoises de la même catégorie.
Chaque groupe a également un thème central.
-Chaque groupe conduit logiquement vers le suivant. Il faut toujours prendre en compte le contexte pour comprendre chaque sourate. La contextualisation donne très souvent un sens très différent de celui habituellement admis. De nombreuses hérésies prétendant s'appuyer sur le Coran ont en fait négligé le contexte.


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Message  Roque Sam 26 Avr - 12:49

DenisLouis a écrit: ... mais le Prophète lui-même de son vivant organisait le texte selon un certain arrangement ...
Ce qui est donc un travail éditorial, c'est à dire une disposition des versets (et des sourates éventuellement) qui a pour but de donner un sens déterminé, précis. Evidemment, si ce point particulier de l'intention de Muhammad est négligé, le sens final peut être très différent.
DenisLouis a écrit:De nombreuses hérésies prétendant s'appuyer sur le Coran ont en fait négligé le contexte.
Conséquence inévitable quand on omet de prendre compte le contexte et l'intention éditoriale. Ces deux points correspondent d'ailleurs à l'approche historico-critique. Et cela devient particulièrement grave quand ces différences d'interprétations sont fixées dans la loi ou la jurisprudence - puis verrouillées ...

Dans le christianisme la notion d'hérésie (dès le 2ème siècle, cf. Justin de Naplouse) inclut l'idée qu'on a choisi certains versets et qu'on en a omis d'autres, c'est l'idée d'un choix restrictif, c'est à dire d'une sélection dans les Ecritures révélées pour défendre la thèse d'une école, d'un maître (l'exemple de Marcion - vers 140 - qui voulait se débarrasser de tout l'Ancien Testament est même tout à fait caricatural). Je suppose que cela doit être aussi le cas dans l'Islam (?).

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Message  DenisLouis Dim 27 Avr - 9:18

Un phénomène propre à la rhétorique arabe et très employé dans le Coran porte le nom d'iltifât. il s'agit d'un changement brusque à l'intérieur d'une même phrase. Ce changement qui peut paraitre déstabilisant est interprété par les arabes comme un signe de la beauté de la langue, les rhétoriciens l'appellent "l'audace de l'arabe".
Les changements peuvent concerner :
-les pronoms personnels : 3ème personne vers 1ère, 1ère vers 3ème, 3ème vers 2ème, 2ème vers 3ème,
Ex : passage de la 3ème personne à la 1ère : "Quoi ! Celui qui a créé les cieux et la terre et fait du ciel descendre pour vous de l'eau, puis nous en avons fait pousser des jardins pleins de joie..." (27 : 61).
-le nombre, changement entre singulier, pluriel, duel.
-la personne à laquelle on s'adresse : "Tourne ta face vers la Mosquée Sacrée,  et où que vous soyez tournez vos faces vers Elle".
-le temps du verbe.
-le cas du nom.
-utilisation du nom à la place du pronom.
L'iltifât est considéré soit comme un processus requis pour une raison de signification, "sortie du discours de ce qui est normalement attendu",  pour mettre en évidence une subtilité  ou un sens spécifique, soit comme un embellissement du discours ou une manière de maintenir l'attention qui se relâcherait si le style était plus uniforme.

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Message  Roque Dim 27 Avr - 15:29

DenisLouis a écrit:Un phénomène propre à la rhétorique arabe et très employé dans le Coran porte le nom d'iltifât. il s'agit d'un changement brusque à l'intérieur d'une même phrase. Ce changement qui peut paraitre déstabilisant est interprété par les arabes comme un signe de la beauté de la langue, les rhétoriciens l'appellent "l'audace de l'arabe".
[...]
L'iltifât est considéré soit comme un processus requis pour une raison de signification, "sortie du discours de ce qui est normalement attendu",  pour mettre en évidence une subtilité  ou un sens spécifique, soit comme un embellissement du discours ou une manière de maintenir l'attention qui se relâcherait si le style était plus uniforme.
Donc un changement de style ou de perspective qui donne un effet esthétique ou de sens. Je pense que l'effet de sens est plus important, parce que l'effet esthétique n'est appréciable qu'à l'intérieur de la langue arabe, mais l'effet de sens est indépendant de la langue arabe.

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Message  Roque Dim 27 Avr - 15:42

La parataxe comme outil du « discours ternaire » et de la « composition en spirale » de Jean

La parataxe pourrait être considérée comme un moyen d'expression rustique et limité. En fait tout dépend comment elle est utilisée. Un exemple est donné ci-dessous de construction " ternaire " des " perles " orale de Jean :
La rhétorique sémitique - Page 2 Jean_111
« On voit que la Parole progresse ici grâce à des ternaires, c’est-à-dire des éléments de texte composés par trois petgames (en araméen petgame désigne la longueur de souffle du récitant). Ces petgames sont énoncés distinctement, mais sur un rythme de récitation qui permet de faire progresser la pensée en la focalisant sur des mots-images qui sont aussi des mots clés de compréhension. Les deux premiers petgames se répondent symétriquement, le troisième donne une information supplémentaire qui fait avancer la pensée. A chaque ternaire, cette pensée s’enrichit d’une analogie nouvelle : premier ternaire : « le verbe et Dieu » ; deuxième ternaire « le Verbe et la Vie » ; troisième ternaire « La Vie et la Lumière » (1, page 131).
Ce système permet de développer une réflexion méditative ou contemplative - différente de la pensée théologique conceptuelle, c'est à dire nourrie de la métaphysique grecque. J'ai pressenti déjà que le langage de Jésus dans Jean n'est pas conceptuel- au sens où il n'est pas conçu à partir des notions intellectuelles de la philosophie grecque, voir : https://dialogueabraham.forum-pro.fr/t170p15-la-theologie-de-la-trinite-selon-levangeliste-jean-en-cinq-clics#5587
« Contrairement à l’ordrage linéaire de l’évangile de Matthieu qui joue principalement sur la longueur des textes, les colliers de Jean sont structurés par la répétition des mots clés et des images-symboles (Vie, Lumière, etc …) qui permettent de mettre en œuvre un complexe système d’analogies.

Ces mots clés génèrent des images qui se répètent régulièrement et qui, à chaque répétition, s’enrichissent d’un surplus de signification. Ils forment ainsi un enchaînement qui constitue le véritable fil mnémotechnique du discours.
Cette structuration par mots clés permet l’enseignement approfondi de Jean de fonctionner selon un ordrage très particulier dont l’image du métier à tisser peut nous aider à comprendre le mécanisme. Le récitatif se déroule selon la trame du temps, en suivant l’ordre chronologique des évènements ; autrement dit en se conformant au parcours de remémoration en Galilée et à l'Evangile de base de Pierre. Les fils de chaine au contraire, constituent l’ensemble des axes thématiques du récitatif. Ils correspondent aux mots clés et aux images-symboles. Au fur et à mesure que les colliers se succèdent et que les récits se déroulent, ces mots clés se répètent. Ils viennent, à une cadence régulière, frapper l’oreille de l’auditeur et, à chaque répétition, leur sens se « dilate », grâce à l’accumulation de toutes les significations charriées par le collier qui s’achève. Le texte progresse ainsi selon un mouvement en spirale qui, à chaque nouveau passage sur le mot clé gagne un degré supplémentaire de profondeur.

Avec ce savant procédé oral de Jésus, Jean dispose d’un outil bien adapté pour faire pénétrer ses disciples dans les mystères d’une vie spirituelle éminemment plurielle et qui ne pourrait en aucune façon être exprimée au travers de la monosémie d’un discours métaphysique. Grâce aux éclairages successifs que permet cette composition en spirale, le Disciple inspiré peut nous faire parcourir l’enseignement du Verbe tel qu’il l’a reçu, nous ouvrir avec justesse à l’intelligence des mystères de la Trinité ou de l’Eucharistie, et nous expliquer d’une manière non conceptuelle les sacrements institués par le Christ. » (1. pages 132-133)

Toujours d'après Pierre Perrier, tout l'Evangile de Jean serait sur une construction ternaire (1, page 270) dans le spoiler, mais à ce niveau l'effet de sens est, pour moi, moins apparent.
Spoiler:

Source 1 : Evangiles de l'oral à l'écrit. Pierre Perrier. 2007. Ed Sarment. ISBN : 2-86679-296-3


Dernière édition par Roque le Dim 27 Avr - 16:27, édité 1 fois

Roque

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